From 6a39ff76923f910345ff23db919339ec055ee202 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Jose Colon Rodriguez Date: Tue, 13 Feb 2024 08:58:31 -0400 Subject: Not embedding file --- src/lang_mix.txt | 77508 ----------------------------------------------------- 1 file changed, 77508 deletions(-) delete mode 100644 src/lang_mix.txt (limited to 'src/lang_mix.txt') diff --git a/src/lang_mix.txt b/src/lang_mix.txt deleted file mode 100644 index 6eec94a..0000000 --- a/src/lang_mix.txt +++ /dev/null @@ -1,77508 +0,0 @@ -The Project Gutenberg EBook of Les trois mousquetaires, by Alexandre Dumas - -This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with -almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org - - -Title: Les trois mousquetaires - -Author: Alexandre Dumas - -Release Date: November 4, 2004 [EBook #13951] -[Last updated: January 8, 2017] - -Language: French - - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES TROIS MOUSQUETAIRES *** - - - - -This Etext was prepared by Ebooks libres et gratuits and -is available at http://www.ebooksgratuits.com in Word format, -Mobipocket Reader format, eReader format and Acrobat Reader format. - - - - - -Alexandre Dumas - -LES TROIS MOUSQUETAIRES - - -Table des matières - -INTRODUCTION -CHAPITRE PREMIER LES TROIS PRÉSENTS DE M. D'ARTAGNAN PÈRE -CHAPITRE II L'ANTICHAMBRE DE M. DE TRÉVILLE -CHAPITRE III L'AUDIENCE -CHAPITRE IV L'ÉPAULE D'ATHOS, LE BAUDRIER DE PORTHOS ET LE -MOUCHOIR D'ARAMIS -CHAPITRE V LES MOUSQUETAIRES DU ROI ET LES GARDES DE M. LE -CARDINAL -CHAPITRE VI SA MAJESTÉ LE ROI LOUIS TREIZIÈME -CHAPITRE VII L'INTÉRIEUR DES MOUSQUETAIRES -CHAPITRE VIII UNE INTRIGUE DE COEUR -CHAPITRE IX D'ARTAGNAN SE DESSINE -CHAPITRE X UNE SOURICIÈRE AU XVIIe SIÈCLE -CHAPITRE XI L'INTRIGUE SE NOUE -CHAPITRE XII GEORGES VILLIERS, DUC DE BUCKINGHAM -CHAPITRE XIII MONSIEUR BONACIEUX -CHAPITRE XIV L'HOMME DE MEUNG -CHAPITRE XV GENS DE ROBE ET GENS D'ÉPÉE -CHAPITRE XVI OÙ M. LE GARDE DES SCEAUX SÉGUIER CHERCHA PLUS D'UNE -FOIS LA CLOCHE POUR LA SONNER, COMME IL LE FAISAIT AUTREFOIS -CHAPITRE XVII LE MÉNAGE BONACIEUX -CHAPITRE XVIII L'AMANT ET LE MARI -CHAPITRE XIX PLAN DE CAMPAGNE -CHAPITRE XX VOYAGE -CHAPITRE XXI LA COMTESSE DE WINTER -CHAPITRE XXII LE BALLET DE LA MERLAISON -CHAPITRE XXIII LE RENDEZ-VOUS -CHAPITRE XXIV LE PAVILLON -CHAPITRE XXV PORTHOS -CHAPITRE XXVI LA THÈSE D'ARAMIS -CHAPITRE XXVII LA FEMME D'ATHOS -CHAPITRE XXVIII RETOUR -CHAPITRE XXIX LA CHASSE À L'ÉQUIPEMENT -CHAPITRE XXX MILADY -CHAPITRE XXXI ANGLAIS ET FRANÇAIS -CHAPITRE XXXII UN DÎNER DE PROCUREUR -CHAPITRE XXXIII SOUBRETTE ET MAÎTRESSE -CHAPITRE XXXIV OÙ IL EST TRAITÉ DE L'ÉQUIPEMENT D'ARAMIS ET DE -PORTHOS -CHAPITRE XXXV LA NUIT TOUS LES CHATS SONT GRIS -CHAPITRE XXXVI RÊVE DE VENGEANCE -CHAPITRE XXXVII LE SECRET DE MILADY -CHAPITRE XXXVIII COMMENT, SANS SE DÉRANGER, ATHOS TROUVA SON -ÉQUIPEMENT -CHAPITRE XXXIX UNE VISION -CHAPITRE XL LE CARDINAL -CHAPITRE XLI LE SIÈGE DE LA ROCHELLE -CHAPITRE XLII LE VIN D'ANJOU -CHAPITRE XLIII L'AUBERGE DU COLOMBIER-ROUGE -CHAPITRE XLIV DE L'UTILITÉ DES TUYAUX DE POÊLE -CHAPITRE XLV SCÈNE CONJUGALE -CHAPITRE XLVI LE BASTION SAINT-GERVAIS -CHAPITRE XLVII LE CONSEIL DES MOUSQUETAIRES -CHAPITRE XLVIII AFFAIRE DE FAMILLE -CHAPITRE XLIX FATALITÉ -CHAPITRE L CAUSERIE D'UN FRÈRE AVEC SA SOEUR -CHAPITRE LI OFFICIER -CHAPITRE LII PREMIERE JOURNÉE DE CAPTIVITÉ -CHAPITRE LIII DEUXIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ -CHAPITRE LIV TROISIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ -CHAPITRE LV QUATRIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ -CHAPITRE LVI CINQUIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ -CHAPITRE LVII UN MOYEN DE TRAGÉDIE CLASSIQUE -CHAPITRE LVIII ÉVASION -CHAPITRE LIX CE QUI SE PASSAIT À PORTSMOUTH LE 23 AOÛT 1628 -CHAPITRE LX EN FRANCE -CHAPITRE LXI LE COUVENT DES CARMÉLITES DE BÉTHUNE -CHAPITRE LXII DEUX VARIÉTÉS DE DÉMONS -CHAPITRE LXIII UNE GOUTTE D'EAU -CHAPITRE LXIV L'HOMME AU MANTEAU ROUGE -CHAPITRE LXV LE JUGEMENT -CHAPITRE LXVI L'EXÉCUTION -CHAPITRE LXVII CONCLUSION -ÉPILOGUE - - - -INTRODUCTION - -Il y a un an à peu près, qu'en faisant à la Bibliothèque royale -des recherches pour mon histoire de Louis XIV, je tombai par -hasard sur les Mémoires de M. d'Artagnan, imprimés -- comme la -plus grande partie des ouvrages de cette époque, où les auteurs -tenaient à dire la vérité sans aller faire un tour plus ou moins -long à la Bastille -- à Amsterdam, chez Pierre Rouge. Le titre me -séduisit: je les emportai chez moi, avec la permission de M. le -conservateur; bien entendu, je les dévorai. - -Mon intention n'est pas de faire ici une analyse de ce curieux -ouvrage, et je me contenterai d'y renvoyer ceux de mes lecteurs -qui apprécient les tableaux d'époques. Ils y trouveront des -portraits crayonnés de main de maître; et, quoique les esquisses -soient, pour la plupart du temps, tracées sur des portes de -caserne et sur des murs de cabaret, ils n'y reconnaîtront pas -moins, aussi ressemblantes que dans l'histoire de M. Anquetil, les -images de Louis XIII, d'Anne d'Autriche, de Richelieu, de Mazarin -et de la plupart des courtisans de l'époque. - -Mais, comme on le sait, ce qui frappe l'esprit capricieux du poète -n'est pas toujours ce qui impressionne la masse des lecteurs. Or, -tout en admirant, comme les autres admireront sans doute, les -détails que nous avons signalés, la chose qui nous préoccupa le -plus est une chose à laquelle bien certainement personne avant -nous n'avait fait la moindre attention. - -D'Artagnan raconte qu'à sa première visite à M. de Tréville, le -capitaine des mousquetaires du roi, il rencontra dans son -antichambre trois jeunes gens servant dans l'illustre corps où il -sollicitait l'honneur d'être reçu, et ayant nom Athos, Porthos et -Aramis. - -Nous l'avouons, ces trois noms étrangers nous frappèrent, et il -nous vint aussitôt à l'esprit qu'ils n'étaient que des pseudonymes -à l'aide desquels d'Artagnan avait déguisé des noms peut-être -illustres, si toutefois les porteurs de ces noms d'emprunt ne les -avaient pas choisis eux-mêmes le jour où, par caprice, par -mécontentement ou par défaut de fortune, ils avaient endossé la -simple casaque de mousquetaire. - -Dès lors nous n'eûmes plus de repos que nous n'eussions retrouvé, -dans les ouvrages contemporains, une trace quelconque de ces noms -extraordinaires qui avaient fort éveillé notre curiosité. - -Le seul catalogue des livres que nous lûmes pour arriver à ce but -remplirait un feuilleton tout entier, ce qui serait peut-être fort -instructif, mais à coups sûr peu amusant pour nos lecteurs. Nous -nous contenterons donc de leur dire qu'au moment où, découragé de -tant d'investigations infructueuses, nous allions abandonner notre -recherche, nous trouvâmes enfin, guidé par les conseils de notre -illustre et savant ami Paulin Paris, un manuscrit in-folio, coté -le n° 4772 ou 4773, nous ne nous le rappelons plus bien, ayant -pour titre: - -«Mémoires de M. le comte de La Fère, concernant quelques-uns des -événements qui se passèrent en France vers la fin du règne du roi -Louis XIII et le commencement du règne du roi Louis XIV.» - -On devine si notre joie fut grande, lorsqu'en feuilletant ce -manuscrit, notre dernier espoir, nous trouvâmes à la vingtième -page le nom d'Athos, à la vingt-septième le nom de Porthos, et à -la trente et unième le nom d'Aramis. - -La découverte d'un manuscrit complètement inconnu, dans une époque -où la science historique est poussée à un si haut degré, nous -parut presque miraculeuse. Aussi nous hâtâmes-nous de solliciter -la permission de le faire imprimer, dans le but de nous présenter -un jour avec le bagage des autres à l'Académie des inscriptions et -belles-lettres, si nous n'arrivions, chose fort probable, à entrer -à l'Académie française avec notre propre bagage. Cette permission, -nous devons le dire, nous fut gracieusement accordée; ce que nous -consignons ici pour donner un démenti public aux malveillants qui -prétendent que nous vivons sous un gouvernement assez médiocrement -disposé à l'endroit des gens de lettres. - -Or, c'est la première partie de ce précieux manuscrit que nous -offrons aujourd'hui à nos lecteurs, en lui restituant le titre qui -lui convient, prenant l'engagement, si, comme nous n'en doutons -pas, cette première partie obtient le succès qu'elle mérite, de -publier incessamment la seconde. - -En attendant, comme le parrain est un second père, nous invitons -le lecteur à s'en prendre à nous, et non au comte de La Fère, de -son plaisir ou de son ennui. - -Cela posé, passons à notre histoire. - - -CHAPITRE PREMIER -LES TROIS PRÉSENTS DE M. D'ARTAGNAN PÈRE - -Le premier lundi du mois d'avril 1625, le bourg de Meung, où -naquit l'auteur du Roman de la Rose, semblait être dans une -révolution aussi entière que si les huguenots en fussent venus -faire une seconde Rochelle. Plusieurs bourgeois, voyant s'enfuir -les femmes du côté de la Grande-Rue, entendant les enfants crier -sur le seuil des portes, se hâtaient d'endosser la cuirasse et, -appuyant leur contenance quelque peu incertaine d'un mousquet ou -d'une pertuisane, se dirigeaient vers l'hôtellerie du Franc -Meunier, devant laquelle s'empressait, en grossissant de minute en -minute, un groupe compact, bruyant et plein de curiosité. - -En ce temps-là les paniques étaient fréquentes, et peu de jours se -passaient sans qu'une ville ou l'autre enregistrât sur ses -archives quelque événement de ce genre. Il y avait les seigneurs -qui guerroyaient entre eux; il y avait le roi qui faisait la -guerre au cardinal; il y avait l'Espagnol qui faisait la guerre au -roi. Puis, outre ces guerres sourdes ou publiques, secrètes ou -patentes, il y avait encore les voleurs, les mendiants, les -huguenots, les loups et les laquais, qui faisaient la guerre à -tout le monde. Les bourgeois s'armaient toujours contre les -voleurs, contre les loups, contre les laquais, -- souvent contre -les seigneurs et les huguenots, -- quelquefois contre le roi, -- - mais jamais contre le cardinal et l'Espagnol. Il résulta donc de -cette habitude prise, que, ce susdit premier lundi du mois d'avril -1625, les bourgeois, entendant du bruit, et ne voyant ni le guidon -jaune et rouge, ni la livrée du duc de Richelieu, se précipitèrent -du côté de l'hôtel du Franc Meunier. - -Arrivé là, chacun put voir et reconnaître la cause de cette -rumeur. - -Un jeune homme... -- traçons son portrait d'un seul trait de -plume: figurez-vous don Quichotte à dix-huit ans, don Quichotte -décorcelé, sans haubert et sans cuissards, don Quichotte revêtu -d'un pourpoint de laine dont la couleur bleue s'était transformée -en une nuance insaisissable de lie-de-vin et d'azur céleste. -Visage long et brun; la pommette des joues saillante, signe -d'astuce; les muscles maxillaires énormément développés, indice -infaillible auquel on reconnaît le Gascon, même sans béret, et -notre jeune homme portait un béret orné d'une espèce de plume; -l'oeil ouvert et intelligent; le nez crochu, mais finement -dessiné; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un homme -fait, et qu'un oeil peu exercé eût pris pour un fils de fermier en -voyage, sans sa longue épée qui, pendue à un baudrier de peau, -battait les mollets de son propriétaire quand il était à pied, et -le poil hérissé de sa monture quand il était à cheval. - -Car notre jeune homme avait une monture, et cette monture était -même si remarquable, qu'elle fut remarquée: c'était un bidet du -Béarn, âgé de douze ou quatorze ans, jaune de robe, sans crins à -la queue, mais non pas sans javarts aux jambes, et qui, tout en -marchant la tête plus bas que les genoux, ce qui rendait inutile -l'application de la martingale, faisait encore également ses huit -lieues par jour. Malheureusement les qualités de ce cheval étaient -si bien cachées sous son poil étrange et son allure incongrue, que -dans un temps où tout le monde se connaissait en chevaux, -l'apparition du susdit bidet à Meung, où il était entré il y avait -un quart d'heure à peu près par la porte de Beaugency, produisit -une sensation dont la défaveur rejaillit jusqu'à son cavalier. - -Et cette sensation avait été d'autant plus pénible au jeune -d'Artagnan (ainsi s'appelait le don Quichotte de cette autre -Rossinante), qu'il ne se cachait pas le côté ridicule que lui -donnait, si bon cavalier qu'il fût, une pareille monture; aussi -avait-il fort soupiré en acceptant le don que lui en avait fait -M. d'Artagnan père. Il n'ignorait pas qu'une pareille bête valait -au moins vingt livres: il est vrai que les paroles dont le présent -avait été accompagné n'avaient pas de prix. - -«Mon fils, avait dit le gentilhomme gascon -- dans ce pur patois -de Béarn dont Henri IV n'avait jamais pu parvenir à se défaire --, -mon fils, ce cheval est né dans la maison de votre père, il y a -tantôt treize ans, et y est resté depuis ce temps-là, ce qui doit -vous porter à l'aimer. Ne le vendez jamais, laissez-le mourir -tranquillement et honorablement de vieillesse, et si vous faites -campagne avec lui, ménagez-le comme vous ménageriez un vieux -serviteur. À la cour, continua M. d'Artagnan père, si toutefois -vous avez l'honneur d'y aller, honneur auquel, du reste, votre -vieille noblesse vous donne des droits, soutenez dignement votre -nom de gentilhomme, qui a été porté dignement par vos ancêtres -depuis plus de cinq cents ans. Pour vous et pour les vôtres -- par -les vôtres, j'entends vos parents et vos amis --, ne supportez -jamais rien que de M. le cardinal et du roi. C'est par son -courage, entendez-vous bien, par son courage seul, qu'un -gentilhomme fait son chemin aujourd'hui. Quiconque tremble une -seconde laisse peut-être échapper l'appât que, pendant cette -seconde justement, la fortune lui tendait. Vous êtes jeune, vous -devez être brave par deux raisons: la première, c'est que vous -êtes Gascon, et la seconde, c'est que vous êtes mon fils. Ne -craignez pas les occasions et cherchez les aventures. Je vous ai -fait apprendre à manier l'épée; vous avez un jarret de fer, un -poignet d'acier; battez-vous à tout propos; battez-vous d'autant -plus que les duels sont défendus, et que, par conséquent, il y a -deux fois du courage à se battre. Je n'ai, mon fils, à vous donner -que quinze écus, mon cheval et les conseils que vous venez -d'entendre. Votre mère y ajoutera la recette d'un certain baume -qu'elle tient d'une bohémienne, et qui a une vertu miraculeuse -pour guérir toute blessure qui n'atteint pas le coeur. Faites -votre profit du tout, et vivez heureusement et longtemps. -- Je -n'ai plus qu'un mot à ajouter, et c'est un exemple que je vous -propose, non pas le mien, car je n'ai, moi, jamais paru à la cour -et n'ai fait que les guerres de religion en volontaire; je veux -parler de M. de Tréville, qui était mon voisin autrefois, et qui a -eu l'honneur de jouer tout enfant avec notre roi Louis treizième, -que Dieu conserve! Quelquefois leurs jeux dégénéraient en bataille -et dans ces batailles le roi n'était pas toujours le plus fort. -Les coups qu'il en reçut lui donnèrent beaucoup d'estime et -d'amitié pour M. de Tréville. Plus tard, M. de Tréville se battit -contre d'autres dans son premier voyage à Paris, cinq fois; depuis -la mort du feu roi jusqu'à la majorité du jeune sans compter les -guerres et les sièges, sept fois; et depuis cette majorité -jusqu'aujourd'hui, cent fois peut-être! -- Aussi, malgré les -édits, les ordonnances et les arrêts, le voilà capitaine des -mousquetaires, c'est-à-dire chef d'une légion de Césars, dont le -roi fait un très grand cas, et que M. le cardinal redoute, lui qui -ne redoute pas grand-chose, comme chacun sait. De plus, -M. de Tréville gagne dix mille écus par an; c'est donc un fort -grand seigneur. -- Il a commencé comme vous, allez le voir avec -cette lettre, et réglez-vous sur lui, afin de faire comme lui.» - -Sur quoi, M. d'Artagnan père ceignit à son fils sa propre épée, -l'embrassa tendrement sur les deux joues et lui donna sa -bénédiction. - -En sortant de la chambre paternelle, le jeune homme trouva sa mère -qui l'attendait avec la fameuse recette dont les conseils que nous -venons de rapporter devaient nécessiter un assez fréquent emploi. -Les adieux furent de ce côté plus longs et plus tendres qu'ils ne -l'avaient été de l'autre, non pas que M. d'Artagnan n'aimât son -fils, qui était sa seule progéniture, mais M. d'Artagnan était un -homme, et il eût regardé comme indigne d'un homme de se laisser -aller à son émotion, tandis que Mme d'Artagnan était femme et, de -plus, était mère. -- Elle pleura abondamment, et, disons-le à la -louange de M. d'Artagnan fils, quelques efforts qu'il tentât pour -rester ferme comme le devait être un futur mousquetaire, la nature -l'emporta et il versa force larmes, dont il parvint à grand-peine -à cacher la moitié. - -Le même jour le jeune homme se mit en route, muni des trois -présents paternels et qui se composaient, comme nous l'avons dit, -de quinze écus, du cheval et de la lettre pour M. de Tréville; -comme on le pense bien, les conseils avaient été donnés par-dessus -le marché. - -Avec un pareil _vade-mecum_, d'Artagnan se trouva, au moral comme -au physique, une copie exacte du héros de Cervantes, auquel nous -l'avons si heureusement comparé lorsque nos devoirs d'historien -nous ont fait une nécessité de tracer son portrait. Don Quichotte -prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des -armées, d'Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque -regard pour une provocation. Il en résulta qu'il eut toujours le -poing fermé depuis Tarbes jusqu'à Meung, et que l'un dans l'autre -il porta la main au pommeau de son épée dix fois par jour; -toutefois le poing ne descendit sur aucune mâchoire, et l'épée ne -sortit point de son fourreau. Ce n'est pas que la vue du -malencontreux bidet jaune n'épanouît bien des sourires sur les -visages des passants; mais, comme au-dessus du bidet sonnait une -épée de taille respectable et qu'au-dessus de cette épée brillait -un oeil plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur -hilarité, ou, si l'hilarité l'emportait sur la prudence, ils -tâchaient au moins de ne rire que d'un seul côté, comme les -masques antiques. D'Artagnan demeura donc majestueux et intact -dans sa susceptibilité jusqu'à cette malheureuse ville de Meung. - -Mais là, comme il descendait de cheval à la porte du Franc Meunier -sans que personne, hôte, garçon ou palefrenier, fût venu prendre -l'étrier au montoir, d'Artagnan avisa à une fenêtre entrouverte du -rez-de-chaussée un gentilhomme de belle taille et de haute mine, -quoique au visage légèrement renfrogné, lequel causait avec deux -personnes qui paraissaient l'écouter avec déférence. D'Artagnan -crut tout naturellement, selon son habitude, être l'objet de la -conversation et écouta. Cette fois, d'Artagnan ne s'était trompé -qu'à moitié: ce n'était pas de lui qu'il était question, mais de -son cheval. Le gentilhomme paraissait énumérer à ses auditeurs -toutes ses qualités, et comme, ainsi que je l'ai dit, les -auditeurs paraissaient avoir une grande déférence pour le -narrateur, ils éclataient de rire à tout moment. Or, comme un -demi-sourire suffisait pour éveiller l'irascibilité du jeune -homme, on comprend quel effet produisit sur lui tant de bruyante -hilarité. - -Cependant d'Artagnan voulut d'abord se rendre compte de la -physionomie de l'impertinent qui se moquait de lui. Il fixa son -regard fier sur l'étranger et reconnut un homme de quarante à -quarante-cinq ans, aux yeux noirs et perçants, au teint pâle, au -nez fortement accentué, à la moustache noire et parfaitement -taillée; il était vêtu d'un pourpoint et d'un haut-de-chausses -violet avec des aiguillettes de même couleur, sans aucun ornement -que les crevés habituels par lesquels passait la chemise. Ce haut- -de-chausses et ce pourpoint, quoique neufs, paraissaient froissés -comme des habits de voyage longtemps renfermés dans un -portemanteau. D'Artagnan fit toutes ces remarques avec la rapidité -de l'observateur le plus minutieux, et sans doute par un sentiment -instinctif qui lui disait que cet inconnu devait avoir une grande -influence sur sa vie à venir. - -Or, comme au moment où d'Artagnan fixait son regard sur le -gentilhomme au pourpoint violet, le gentilhomme faisait à -l'endroit du bidet béarnais une de ses plus savantes et de ses -plus profondes démonstrations, ses deux auditeurs éclatèrent de -rire, et lui-même laissa visiblement, contre son habitude, errer, -si l'on peut parler ainsi, un pâle sourire sur son visage. Cette -fois, il n'y avait plus de doute, d'Artagnan était réellement -insulté. Aussi, plein de cette conviction, enfonça-t-il son béret -sur ses yeux, et, tâchant de copier quelques-uns des airs de cour -qu'il avait surpris en Gascogne chez des seigneurs en voyage, il -s'avança, une main sur la garde de son épée et l'autre appuyée sur -la hanche. Malheureusement, au fur et à mesure qu'il avançait, la -colère l'aveuglant de plus en plus, au lieu du discours digne et -hautain qu'il avait préparé pour formuler sa provocation, il ne -trouva plus au bout de sa langue qu'une personnalité grossière -qu'il accompagna d'un geste furieux. - -«Eh! Monsieur, s'écria-t-il, monsieur, qui vous cachez derrière ce -volet! oui, vous, dites-moi donc un peu de quoi vous riez, et nous -rirons ensemble.» - -Le gentilhomme ramena lentement les yeux de la monture au -cavalier, comme s'il lui eût fallu un certain temps pour -comprendre que c'était à lui que s'adressaient de si étranges -reproches; puis, lorsqu'il ne put plus conserver aucun doute, ses -sourcils se froncèrent légèrement, et après une assez longue -pause, avec un accent d'ironie et d'insolence impossible à -décrire, il répondit à d'Artagnan: - -«Je ne vous parle pas, monsieur. - --- Mais je vous parle, moi!» s'écria le jeune homme exaspéré de ce -mélange d'insolence et de bonnes manières, de convenances et de -dédains. - -L'inconnu le regarda encore un instant avec son léger sourire, et, -se retirant de la fenêtre, sortit lentement de l'hôtellerie pour -venir à deux pas de d'Artagnan se planter en face du cheval. Sa -contenance tranquille et sa physionomie railleuse avaient redoublé -l'hilarité de ceux avec lesquels il causait et qui, eux, étaient -restés à la fenêtre. - -D'Artagnan, le voyant arriver, tira son épée d'un pied hors du -fourreau. - -«Ce cheval est décidément ou plutôt a été dans sa jeunesse bouton -d'or, reprit l'inconnu continuant les investigations commencées et -s'adressant à ses auditeurs de la fenêtre, sans paraître -aucunement remarquer l'exaspération de d'Artagnan, qui cependant -se redressait entre lui et eux. C'est une couleur fort connue en -botanique, mais jusqu'à présent fort rare chez les chevaux. - --- Tel rit du cheval qui n'oserait pas rire du maître! s'écria -l'émule de Tréville, furieux. - --- Je ne ris pas souvent, monsieur, reprit l'inconnu, ainsi que -vous pouvez le voir vous-même à l'air de mon visage; mais je tiens -cependant à conserver le privilège de rire quand il me plaît. - --- Et moi, s'écria d'Artagnan, je ne veux pas qu'on rie quand il -me déplaît! - --- En vérité, monsieur? continua l'inconnu plus calme que jamais, -eh bien, c'est parfaitement juste.» Et tournant sur ses talons, il -s'apprêta à rentrer dans l'hôtellerie par la grande porte, sous -laquelle d'Artagnan en arrivant avait remarqué un cheval tout -sellé. - -Mais d'Artagnan n'était pas de caractère à lâcher ainsi un homme -qui avait eu l'insolence de se moquer de lui. Il tira son épée -entièrement du fourreau et se mit à sa poursuite en criant: - -«Tournez, tournez donc, monsieur le railleur, que je ne vous -frappe point par-derrière. - --- Me frapper, moi! dit l'autre en pivotant sur ses talons et en -regardant le jeune homme avec autant d'étonnement que de mépris. -Allons, allons donc, mon cher, vous êtes fou!» - -Puis, à demi-voix, et comme s'il se fût parlé à lui-même: - -«C'est fâcheux, continua-t-il, quelle trouvaille pour Sa Majesté, -qui cherche des braves de tous côtés pour recruter ses -mousquetaires!» - -Il achevait à peine, que d'Artagnan lui allongea un si furieux -coup de pointe, que, s'il n'eût fait vivement un bond en arrière, -il est probable qu'il eût plaisanté pour la dernière fois. -L'inconnu vit alors que la chose passait la raillerie, tira son -épée, salua son adversaire et se mit gravement en garde. Mais au -même moment ses deux auditeurs, accompagnés de l'hôte, tombèrent -sur d'Artagnan à grands coups de bâtons, de pelles et de -pincettes. Cela fit une diversion si rapide et si complète à -l'attaque, que l'adversaire de d'Artagnan, pendant que celui-ci se -retournait pour faire face à cette grêle de coups, rengainait avec -la même précision, et, d'acteur qu'il avait manqué d'être, -redevenait spectateur du combat, rôle dont il s'acquitta avec son -impassibilité ordinaire, tout en marmottant néanmoins: - -«La peste soit des Gascons! Remettez-le sur son cheval orange, et -qu'il s'en aille! - --- Pas avant de t'avoir tué, lâche!» criait d'Artagnan tout en -faisant face du mieux qu'il pouvait et sans reculer d'un pas à ses -trois ennemis, qui le moulaient de coups. - -«Encore une gasconnade, murmura le gentilhomme. Sur mon honneur, -ces Gascons sont incorrigibles! Continuez donc la danse, puisqu'il -le veut absolument. Quand il sera las, il dira qu'il en a assez.» - -Mais l'inconnu ne savait pas encore à quel genre d'entêté il avait -affaire; d'Artagnan n'était pas homme à jamais demander merci. Le -combat continua donc quelques secondes encore; enfin d'Artagnan, -épuisé, laissa échapper son épée qu'un coup de bâton brisa en deux -morceaux. Un autre coup, qui lui entama le front, le renversa -presque en même temps tout sanglant et presque évanoui. - -C'est à ce moment que de tous côtés on accourut sur le lieu de la -scène. L'hôte, craignant du scandale, emporta, avec l'aide de ses -garçons, le blessé dans la cuisine où quelques soins lui furent -accordés. - -Quant au gentilhomme, il était revenu prendre sa place à la -fenêtre et regardait avec une certaine impatience toute cette -foule, qui semblait en demeurant là lui causer une vive -contrariété. - -«Eh bien, comment va cet enragé? reprit-il en se retournant au -bruit de la porte qui s'ouvrit et en s'adressant à l'hôte qui -venait s'informer de sa santé. - --- Votre Excellence est saine et sauve? demanda l'hôte. - --- Oui, parfaitement saine et sauve, mon cher hôtelier, et c'est -moi qui vous demande ce qu'est devenu notre jeune homme. - --- Il va mieux, dit l'hôte: il s'est évanoui tout à fait. - --- Vraiment? fit le gentilhomme. - --- Mais avant de s'évanouir il a rassemblé toutes ses forces pour -vous appeler et vous défier en vous appelant. - --- Mais c'est donc le diable en personne que ce gaillard-là! -s'écria l'inconnu. - --- Oh! non, Votre Excellence, ce n'est pas le diable, reprit -l'hôte avec une grimace de mépris, car pendant son évanouissement -nous l'avons fouillé, et il n'a dans son paquet qu'une chemise et -dans sa bourse que onze écus, ce qui ne l'a pas empêché de dire en -s'évanouissant que si pareille chose était arrivée à Paris, vous -vous en repentiriez tout de suite, tandis qu'ici vous ne vous en -repentirez que plus tard. - --- Alors, dit froidement l'inconnu, c'est quelque prince du sang -déguisé. - --- Je vous dis cela, mon gentilhomme, reprit l'hôte, afin que vous -vous teniez sur vos gardes. - --- Et il n'a nommé personne dans sa colère? - --- Si fait, il frappait sur sa poche, et il disait: «Nous verrons -ce que M. de Tréville pensera de cette insulte faite à son -protégé. - --- M. de Tréville? dit l'inconnu en devenant attentif; il frappait -sur sa poche en prononçant le nom de M. de Tréville?... Voyons, -mon cher hôte, pendant que votre jeune homme était évanoui, vous -n'avez pas été, j'en suis bien sûr, sans regarder aussi cette -poche-là. Qu'y avait-il? - --- Une lettre adressée à M. de Tréville, capitaine des -mousquetaires. - --- En vérité! - --- C'est comme j'ai l'honneur de vous le dire, Excellence.» - -L'hôte, qui n'était pas doué d'une grande perspicacité, ne -remarqua point l'expression que ses paroles avaient donnée à la -physionomie de l'inconnu. Celui-ci quitta le rebord de la croisée -sur lequel il était toujours resté appuyé du bout du coude, et -fronça le sourcil en homme inquiet. - -«Diable! murmura-t-il entre ses dents, Tréville m'aurait-il envoyé -ce Gascon? il est bien jeune! Mais un coup d'épée est un coup -d'épée, quel que soit l'âge de celui qui le donne, et l'on se -défie moins d'un enfant que de tout autre; il suffit parfois d'un -faible obstacle pour contrarier un grand dessein.» - -Et l'inconnu tomba dans une réflexion qui dura quelques minutes. - -«Voyons, l'hôte, dit-il, est-ce que vous ne me débarrasserez pas -de ce frénétique? En conscience, je ne puis le tuer, et cependant, -ajouta-t-il avec une expression froidement menaçante, cependant il -me gêne. Où est-il? - --- Dans la chambre de ma femme, où on le panse, au premier étage. - --- Ses hardes et son sac sont avec lui? il n'a pas quitté son -pourpoint? - --- Tout cela, au contraire, est en bas dans la cuisine. Mais -puisqu'il vous gêne, ce jeune fou... - --- Sans doute. Il cause dans votre hôtellerie un scandale auquel -d'honnêtes gens ne sauraient résister. Montez chez vous, faites -mon compte et avertissez mon laquais. - --- Quoi! Monsieur nous quitte déjà? - --- Vous le savez bien, puisque je vous avais donné l'ordre de -seller mon cheval. Ne m'a-t-on point obéi? - --- Si fait, et comme Votre Excellence a pu le voir, son cheval est -sous la grande porte, tout appareillé pour partir. - --- C'est bien, faites ce que je vous ai dit alors.» - -«Ouais! se dit l'hôte, aurait-il peur du petit garçon?» - -Mais un coup d'oeil impératif de l'inconnu vint l'arrêter court. -Il salua humblement et sortit. - -«Il ne faut pas que Milady soit aperçue de ce drôle, continua -l'étranger: elle ne doit pas tarder à passer: déjà même elle est -en retard. Décidément, mieux vaut que je monte à cheval et que -j'aille au-devant d'elle... Si seulement je pouvais savoir ce que -contient cette lettre adressée à Tréville!» - -Et l'inconnu, tout en marmottant, se dirigea vers la cuisine. - -Pendant ce temps, l'hôte, qui ne doutait pas que ce ne fût la -présence du jeune garçon qui chassât l'inconnu de son hôtellerie, -était remonté chez sa femme et avait trouvé d'Artagnan maître -enfin de ses esprits. Alors, tout en lui faisant comprendre que la -police pourrait bien lui faire un mauvais parti pour avoir été -chercher querelle à un grand seigneur -- car, à l'avis de l'hôte, -l'inconnu ne pouvait être qu'un grand seigneur --, il le -détermina, malgré sa faiblesse, à se lever et à continuer son -chemin. D'Artagnan à moitié abasourdi, sans pourpoint et la tête -tout emmaillotée de linges, se leva donc et, poussé par l'hôte, -commença de descendre; mais, en arrivant à la cuisine, la première -chose qu'il aperçut fut son provocateur qui causait tranquillement -au marchepied d'un lourd carrosse attelé de deux gros chevaux -normands. - -Son interlocutrice, dont la tête apparaissait encadrée par la -portière, était une femme de vingt à vingt-deux ans. Nous avons -déjà dit avec quelle rapidité d'investigation d'Artagnan -embrassait toute une physionomie; il vit donc du premier coup -d'oeil que la femme était jeune et belle. Or cette beauté le -frappa d'autant plus qu'elle était parfaitement étrangère aux pays -méridionaux que jusque-là d'Artagnan avait habités. C'était une -pâle et blonde personne, aux longs cheveux bouclés tombant sur ses -épaules, aux grands yeux bleus languissants, aux lèvres rosées et -aux mains d'albâtre. Elle causait très vivement avec l'inconnu. - -«Ainsi, Son Éminence m'ordonne..., disait la dame. - --- De retourner à l'instant même en Angleterre, et de la prévenir -directement si le duc quittait Londres. - --- Et quant à mes autres instructions? demanda la belle voyageuse. - --- Elles sont renfermées dans cette boîte, que vous n'ouvrirez que -de l'autre côté de la Manche. - --- Très bien; et vous, que faites-vous? - --- Moi, je retourne à Paris. - --- Sans châtier cet insolent petit garçon?» demanda la dame. - -L'inconnu allait répondre: mais, au moment où il ouvrait la -bouche, d'Artagnan, qui avait tout entendu, s'élança sur le seuil -de la porte. - -«C'est cet insolent petit garçon qui châtie les autres, s'écria-t- -il, et j'espère bien que cette fois-ci celui qu'il doit châtier ne -lui échappera pas comme la première. - --- Ne lui échappera pas? reprit l'inconnu en fronçant le sourcil. - --- Non, devant une femme, vous n'oseriez pas fuir, je présume. - --- Songez, s'écria Milady en voyant le gentilhomme porter la main -à son épée, songez que le moindre retard peut tout perdre. - --- Vous avez raison, s'écria le gentilhomme; partez donc de votre -côté, moi, je pars du mien.» - -Et, saluant la dame d'un signe de tête, il s'élança sur son -cheval, tandis que le cocher du carrosse fouettait vigoureusement -son attelage. Les deux interlocuteurs partirent donc au galop, -s'éloignant chacun par un côté opposé de la rue. - -«Eh! votre dépense», vociféra l'hôte, dont l'affection pour son -voyageur se changeait en un profond dédain en voyant qu'il -s'éloignait sans solder ses comptes. - -«Paie, maroufle», s'écria le voyageur toujours galopant à son -laquais, lequel jeta aux pieds de l'hôte deux ou trois pièces -d'argent et se mit à galoper après son maître. - -«Ah! lâche, ah! misérable, ah! faux gentilhomme!» cria d'Artagnan -s'élançant à son tour après le laquais. - -Mais le blessé était trop faible encore pour supporter une -pareille secousse. À peine eut-il fait dix pas, que ses oreilles -tintèrent, qu'un éblouissement le prit, qu'un nuage de sang passa -sur ses yeux et qu'il tomba au milieu de la rue, en criant encore: - -«Lâche! lâche! lâche! - --- Il est en effet bien lâche», murmura l'hôte en s'approchant de -d'Artagnan, et essayant par cette flatterie de se raccommoder avec -le pauvre garçon, comme le héron de la fable avec son limaçon du -soir. - -«Oui, bien lâche, murmura d'Artagnan; mais elle, bien belle! - --- Qui, elle? demanda l'hôte. - --- Milady», balbutia d'Artagnan. - -Et il s'évanouit une seconde fois. - -«C'est égal, dit l'hôte, j'en perds deux, mais il me reste celui- -là, que je suis sûr de conserver au moins quelques jours. C'est -toujours onze écus de gagnés.» - -On sait que onze écus faisaient juste la somme qui restait dans la -bourse de d'Artagnan. - -L'hôte avait compté sur onze jours de maladie à un écu par jour; -mais il avait compté sans son voyageur. Le lendemain, dès cinq -heures du matin, d'Artagnan se leva, descendit lui-même à la -cuisine, demanda, outre quelques autres ingrédients dont la liste -n'est pas parvenue jusqu'à nous, du vin, de l'huile, du romarin, -et, la recette de sa mère à la main, se composa un baume dont il -oignit ses nombreuses blessures, renouvelant ses compresses lui- -même et ne voulant admettre l'adjonction d'aucun médecin. Grâce -sans doute à l'efficacité du baume de Bohême, et peut-être aussi -grâce à l'absence de tout docteur, d'Artagnan se trouva sur pied -dès le soir même, et à peu près guéri le lendemain. - -Mais, au moment de payer ce romarin, cette huile et ce vin, seule -dépense du maître qui avait gardé une diète absolue, tandis qu'au -contraire le cheval jaune, au dire de l'hôtelier du moins, avait -mangé trois fois plus qu'on n'eût raisonnablement pu le supposer -pour sa taille, d'Artagnan ne trouva dans sa poche que sa petite -bourse de velours râpé ainsi que les onze écus qu'elle contenait; -mais quant à la lettre adressée à M. de Tréville, elle avait -disparu. - -Le jeune homme commença par chercher cette lettre avec une grande -patience, tournant et retournant vingt fois ses poches et ses -goussets, fouillant et refouillant dans son sac, ouvrant et -refermant sa bourse; mais lorsqu'il eut acquis la conviction que -la lettre était introuvable, il entra dans un troisième accès de -rage, qui faillit lui occasionner une nouvelle consommation de vin -et d'huile aromatisés: car, en voyant cette jeune mauvaise tête -s'échauffer et menacer de tout casser dans l'établissement si l'on -ne retrouvait pas sa lettre, l'hôte s'était déjà saisi d'un épieu, -sa femme d'un manche à balai, et ses garçons des mêmes bâtons qui -avaient servi la surveille. - -«Ma lettre de recommandation! s'écria d'Artagnan, ma lettre de -recommandation, sangdieu! ou je vous embroche tous comme des -ortolans!» - -Malheureusement une circonstance s'opposait à ce que le jeune -homme accomplît sa menace: c'est que, comme nous l'avons dit, son -épée avait été, dans sa première lutte, brisée en deux morceaux, -ce qu'il avait parfaitement oublié. Il en résulta que, lorsque -d'Artagnan voulut en effet dégainer, il se trouva purement et -simplement armé d'un tronçon d'épée de huit ou dix pouces à peu -près, que l'hôte avait soigneusement renfoncé dans le fourreau. -Quant au reste de la lame, le chef l'avait adroitement détourné -pour s'en faire une lardoire. - -Cependant cette déception n'eût probablement pas arrêté notre -fougueux jeune homme, si l'hôte n'avait réfléchi que la -réclamation que lui adressait son voyageur était parfaitement -juste. - -«Mais, au fait, dit-il en abaissant son épieu, où est cette -lettre? - --- Oui, où est cette lettre? cria d'Artagnan. D'abord, je vous en -préviens, cette lettre est pour M. de Tréville, et il faut qu'elle -se retrouve; ou si elle ne se retrouve pas, il saura bien la faire -retrouver, lui!» - -Cette menace acheva d'intimider l'hôte. Après le roi et M. le -cardinal, M. de Tréville était l'homme dont le nom peut-être était -le plus souvent répété par les militaires et même par les -bourgeois. Il y avait bien le père Joseph, c'est vrai; mais son -nom à lui n'était jamais prononcé que tout bas, tant était grande -la terreur qu'inspirait l'Éminence grise, comme on appelait le -familier du cardinal. - -Aussi, jetant son épieu loin de lui, et ordonnant à sa femme d'en -faire autant de son manche à balai et à ses valets de leurs -bâtons, il donna le premier l'exemple en se mettant lui-même à la -recherche de la lettre perdue. - -«Est-ce que cette lettre renfermait quelque chose de précieux? -demanda l'hôte au bout d'un instant d'investigations inutiles. - --- Sandis! je le crois bien! s'écria le Gascon qui comptait sur -cette lettre pour faire son chemin à la cour; elle contenait ma -fortune. - --- Des bons sur l'épargne? demanda l'hôte inquiet. - --- Des bons sur la trésorerie particulière de Sa Majesté», -répondit d'Artagnan, qui, comptant entrer au service du roi grâce -à cette recommandation, croyait pouvoir faire sans mentir cette -réponse quelque peu hasardée. - -«Diable! fit l'hôte tout à fait désespéré. - --- Mais il n'importe, continua d'Artagnan avec l'aplomb national, -il n'importe, et l'argent n'est rien: -- cette lettre était tout. -J'eusse mieux aimé perdre mille pistoles que de la perdre.» - -Il ne risquait pas davantage à dire vingt mille, mais une certaine -pudeur juvénile le retint. - -Un trait de lumière frappa tout à coup l'esprit de l'hôte qui se -donnait au diable en ne trouvant rien. - -«Cette lettre n'est point perdue, s'écria-t-il. - --- Ah! fit d'Artagnan. - --- Non; elle vous a été prise. - --- Prise! et par qui? - --- Par le gentilhomme d'hier. Il est descendu à la cuisine, où -était votre pourpoint. Il y est resté seul. Je gagerais que c'est -lui qui l'a volée. - --- Vous croyez?» répondit d'Artagnan peu convaincu; car il savait -mieux que personne l'importance toute personnelle de cette lettre, -et n'y voyait rien qui pût tenter la cupidité. Le fait est -qu'aucun des valets, aucun des voyageurs présents n'eût rien gagné -à posséder ce papier. - -«Vous dites donc, reprit d'Artagnan, que vous soupçonnez cet -impertinent gentilhomme. - --- Je vous dis que j'en suis sûr, continua l'hôte; lorsque je lui -ai annoncé que Votre Seigneurie était le protégé de -M. de Tréville, et que vous aviez même une lettre pour cet -illustre gentilhomme, il a paru fort inquiet, m'a demandé où était -cette lettre, et est descendu immédiatement à la cuisine où il -savait qu'était votre pourpoint. - --- Alors c'est mon voleur, répondit d'Artagnan; je m'en plaindrai -à M. de Tréville, et M. de Tréville s'en plaindra au roi.» Puis il -tira majestueusement deux écus de sa poche, les donna à l'hôte, -qui l'accompagna, le chapeau à la main, jusqu'à la porte, remonta -sur son cheval jaune, qui le conduisit sans autre incident jusqu'à -la porte Saint-Antoine à Paris, où son propriétaire le vendit -trois écus, ce qui était fort bien payé, attendu que d'Artagnan -l'avait fort surmené pendant la dernière étape. Aussi le maquignon -auquel d'Artagnan le céda moyennant les neuf livres susdites ne -cacha-t-il point au jeune homme qu'il n'en donnait cette somme -exorbitante qu'à cause de l'originalité de sa couleur. - -D'Artagnan entra donc dans Paris à pied, portant son petit paquet -sous son bras, et marcha tant qu'il trouvât à louer une chambre -qui convînt à l'exiguïté de ses ressources. Cette chambre fut une -espèce de mansarde, sise rue des Fossoyeurs, près du Luxembourg. - -Aussitôt le denier à Dieu donné, d'Artagnan prit possession de son -logement, passa le reste de la journée à coudre à son pourpoint et -à ses chausses des passementeries que sa mère avait détachées d'un -pourpoint presque neuf de M. d'Artagnan père, et qu'elle lui avait -données en cachette; puis il alla quai de la Ferraille, faire -remettre une lame à son épée; puis il revint au Louvre s'informer, -au premier mousquetaire qu'il rencontra, de la situation de -l'hôtel de M. de Tréville, lequel était situé rue du Vieux- -Colombier, c'est-à-dire justement dans le voisinage de la chambre -arrêtée par d'Artagnan: circonstance qui lui parut d'un heureux -augure pour le succès de son voyage. - -Après quoi, content de la façon dont il s'était conduit à Meung, -sans remords dans le passé, confiant dans le présent et plein -d'espérance dans l'avenir, il se coucha et s'endormit du sommeil -du brave. - -Ce sommeil, tout provincial encore, le conduisit jusqu'à neuf -heures du matin, heure à laquelle il se leva pour se rendre chez -ce fameux M. de Tréville, le troisième personnage du royaume -d'après l'estimation paternelle. - - -CHAPITRE II -L'ANTICHAMBRE DE M. DE TRÉVILLE - -M. de Troisvilles, comme s'appelait encore sa famille en Gascogne, -ou M. de Tréville, comme il avait fini par s'appeler lui-même à -Paris, avait réellement commencé comme d'Artagnan, c'est-à-dire -sans un sou vaillant, mais avec ce fonds d'audace, d'esprit et -d'entendement qui fait que le plus pauvre gentillâtre gascon -reçoit souvent plus en ses espérances de l'héritage paternel que -le plus riche gentilhomme périgourdin ou berrichon ne reçoit en -réalité. Sa bravoure insolente, son bonheur plus insolent encore -dans un temps où les coups pleuvaient comme grêle, l'avaient hissé -au sommet de cette échelle difficile qu'on appelle la faveur de -cour, et dont il avait escaladé quatre à quatre les échelons. - -Il était l'ami du roi, lequel honorait fort, comme chacun sait, la -mémoire de son père Henri IV. Le père de M. de Tréville l'avait si -fidèlement servi dans ses guerres contre la Ligue, qu'à défaut -d'argent comptant -- chose qui toute la vie manqua au Béarnais, -lequel paya constamment ses dettes avec la seule chose qu'il n'eût -jamais besoin d'emprunter, c'est-à-dire avec de l'esprit --, qu'à -défaut d'argent comptant, disons-nous, il l'avait autorisé, après -la reddition de Paris, à prendre pour armes un lion d'or passant -sur gueules avec cette devise: _Fidelis et fortis_. C'était -beaucoup pour l'honneur, mais c'était médiocre pour le bien-être. -Aussi, quand l'illustre compagnon du grand Henri mourut, il laissa -pour seul héritage à monsieur son fils son épée et sa devise. -Grâce à ce double don et au nom sans tache qui l'accompagnait, -M. de Tréville fut admis dans la maison du jeune prince, où il -servit si bien de son épée et fut si fidèle à sa devise, que -Louis XIII, une des bonnes lames du royaume, avait l'habitude de -dire que, s'il avait un ami qui se battît, il lui donnerait le -conseil de prendre pour second, lui d'abord, et Tréville après, et -peut-être même avant lui. - -Aussi Louis XIII avait-il un attachement réel pour Tréville, -attachement royal, attachement égoïste, c'est vrai, mais qui n'en -était pas moins un attachement. C'est que, dans ces temps -malheureux, on cherchait fort à s'entourer d'hommes de la trempe -de Tréville. Beaucoup pouvaient prendre pour devise l'épithète de -fort, qui faisait la seconde partie de son exergue; mais peu de -gentilshommes pouvaient réclamer l'épithète de fidèle, qui en -formait la première. Tréville était un de ces derniers; c'était -une de ces rares organisations, à l'intelligence obéissante comme -celle du dogue, à la valeur aveugle, à l'oeil rapide, à la main -prompte, à qui l'oeil n'avait été donné que pour voir si le roi -était mécontent de quelqu'un et la main que pour frapper ce -déplaisant quelqu'un, un Besme, un Maurevers, un Poltrot de Méré, -un Vitry. Enfin à Tréville, il n'avait manqué jusque-là que -l'occasion; mais il la guettait, et il se promettait bien de la -saisir par ses trois cheveux si jamais elle passait à la portée de -sa main. Aussi Louis XIII fit-il de Tréville le capitaine de ses -mousquetaires, lesquels étaient à Louis XIII, pour le dévouement -ou plutôt pour le fanatisme, ce que ses ordinaires étaient à -Henri III et ce que sa garde écossaise était à Louis XI. - -De son côté, et sous ce rapport, le cardinal n'était pas en reste -avec le roi. Quand il avait vu la formidable élite dont Louis XIII -s'entourait, ce second ou plutôt ce premier roi de France avait -voulu, lui aussi, avoir sa garde. Il eut donc ses mousquetaires -comme Louis XIII avait les siens et l'on voyait ces deux -puissances rivales trier pour leur service, dans toutes les -provinces de France et même dans tous les États étrangers, les -hommes célèbres pour les grands coups d'épée. Aussi Richelieu et -Louis XIII se disputaient souvent, en faisant leur partie -d'échecs, le soir, au sujet du mérite de leurs serviteurs. Chacun -vantait la tenue et le courage des siens, et tout en se prononçant -tout haut contre les duels et contre les rixes, ils les excitaient -tout bas à en venir aux mains, et concevaient un véritable chagrin -ou une joie immodérée de la défaite ou de la victoire des leurs. -Ainsi, du moins, le disent les mémoires d'un homme qui fut dans -quelques-unes de ces défaites et dans beaucoup de ces victoires. - -Tréville avait pris le côté faible de son maître, et c'est à cette -adresse qu'il devait la longue et constante faveur d'un roi qui -n'a pas laissé la réputation d'avoir été très fidèle à ses -amitiés. Il faisait parader ses mousquetaires devant le cardinal -Armand Duplessis avec un air narquois qui hérissait de colère la -moustache grise de Son Éminence. Tréville entendait admirablement -bien la guerre de cette époque, où, quand on ne vivait pas aux -dépens de l'ennemi, on vivait aux dépens de ses compatriotes: ses -soldats formaient une légion de diables à quatre, indisciplinée -pour tout autre que pour lui. - -Débraillés, avinés, écorchés, les mousquetaires du roi, ou plutôt -ceux de M. de Tréville, s'épandaient dans les cabarets, dans les -promenades, dans les jeux publics, criant fort et retroussant -leurs moustaches, faisant sonner leurs épées, heurtant avec -volupté les gardes de M. le cardinal quand ils les rencontraient; -puis dégainant en pleine rue, avec mille plaisanteries; tués -quelquefois, mais sûrs en ce cas d'être pleurés et vengés; tuant -souvent, et sûrs alors de ne pas moisir en prison, M. de Tréville -étant là pour les réclamer. Aussi M. de Tréville était-il loué sur -tous les tons, chanté sur toutes les gammes par ces hommes qui -l'adoraient, et qui, tout gens de sac et de corde qu'ils étaient, -tremblaient devant lui comme des écoliers devant leur maître, -obéissant au moindre mot, et prêts à se faire tuer pour laver le -moindre reproche. - -M. de Tréville avait usé de ce levier puissant, pour le roi -d'abord et les amis du roi, -- puis pour lui-même et pour ses -amis. Au reste, dans aucun des mémoires de ce temps, qui a laissé -tant de mémoires, on ne voit que ce digne gentilhomme ait été -accusé, même par ses ennemis -- et il en avait autant parmi les -gens de plume que chez les gens d'épée --, nulle part on ne voit, -disons-nous, que ce digne gentilhomme ait été accusé de se faire -payer la coopération de ses séides. Avec un rare génie d'intrigue, -qui le rendait l'égal des plus forts intrigants, il était resté -honnête homme. Bien plus, en dépit des grandes estocades qui -déhanchent et des exercices pénibles qui fatiguent, il était -devenu un des plus galants coureurs de ruelles, un des plus fins -damerets, un des plus alambiqués diseurs de Phébus de son époque; -on parlait des bonnes fortunes de Tréville comme on avait parlé -vingt ans auparavant de celles de Bassompierre -- et ce n'était -pas peu dire. Le capitaine des mousquetaires était donc admiré, -craint et aimé, ce qui constitue l'apogée des fortunes humaines. - -Louis XIV absorba tous les petits astres de sa cour dans son vaste -rayonnement; mais son père, soleil _pluribus impar_, laissa sa -splendeur personnelle à chacun de ses favoris, sa valeur -individuelle à chacun de ses courtisans. Outre le lever du roi et -celui du cardinal, on comptait alors à Paris plus de deux cents -petits levers, un peu recherchés. Parmi les deux cents petits -levers celui de Tréville était un des plus courus. - -La cour de son hôtel, situé rue du Vieux-Colombier, ressemblait à -un camp, et cela dès six heures du matin en été et dès huit heures -en hiver. Cinquante à soixante mousquetaires, qui semblaient s'y -relayer pour présenter un nombre toujours imposant, s'y -promenaient sans cesse, armés en guerre et prêts à tout. Le long -d'un de ses grands escaliers sur l'emplacement desquels notre -civilisation bâtirait une maison tout entière, montaient et -descendaient les solliciteurs de Paris qui couraient après une -faveur quelconque, les gentilshommes de province avides d'être -enrôlés, et les laquais chamarrés de toutes couleurs, qui venaient -apporter à M. de Tréville les messages de leurs maîtres. Dans -l'antichambre, sur de longues banquettes circulaires, reposaient -les élus, c'est-à-dire ceux qui étaient convoqués. Un -bourdonnement durait là depuis le matin jusqu'au soir, tandis que -M. de Tréville, dans son cabinet contigu à cette antichambre, -recevait les visites, écoutait les plaintes, donnait ses ordres -et, comme le roi à son balcon du Louvre, n'avait qu'à se mettre à -sa fenêtre pour passer la revue des hommes et des armes. - -Le jour où d'Artagnan se présenta, l'assemblée était imposante, -surtout pour un provincial arrivant de sa province: il est vrai -que ce provincial était Gascon, et que surtout à cette époque les -compatriotes de d'Artagnan avaient la réputation de ne point -facilement se laisser intimider. En effet, une fois qu'on avait -franchi la porte massive, chevillée de longs clous à tête -quadrangulaire, on tombait au milieu d'une troupe de gens d'épée -qui se croisaient dans la cour, s'interpellant, se querellant et -jouant entre eux. Pour se frayer un passage au milieu de toutes -ces vagues tourbillonnantes, il eût fallu être officier, grand -seigneur ou jolie femme. - -Ce fut donc au milieu de cette cohue et de ce désordre que notre -jeune homme s'avança, le coeur palpitant, rangeant sa longue -rapière le long de ses jambes maigres, et tenant une main au -rebord de son feutre avec ce demi-sourire du provincial embarrassé -qui veut faire bonne contenance. Avait-il dépassé un groupe, alors -il respirait plus librement, mais il comprenait qu'on se -retournait pour le regarder, et pour la première fois de sa vie, -d'Artagnan, qui jusqu'à ce jour avait une assez bonne opinion de -lui-même, se trouva ridicule. - -Arrivé à l'escalier, ce fut pis encore: il y avait sur les -premières marches quatre mousquetaires qui se divertissaient à -l'exercice suivant, tandis que dix ou douze de leurs camarades -attendaient sur le palier que leur tour vînt de prendre place à la -partie. - -Un d'eux, placé sur le degré supérieur, l'épée nue à la main, -empêchait ou du moins s'efforçait d'empêcher les trois autres de -monter. - -Ces trois autres s'escrimaient contre lui de leurs épées fort -agiles. D'Artagnan prit d'abord ces fers pour des fleurets -d'escrime, il les crut boutonnés: mais il reconnut bientôt à -certaines égratignures que chaque arme, au contraire, était -affilée et aiguisée à souhait, et à chacune de ces égratignures, -non seulement les spectateurs, mais encore les acteurs riaient -comme des fous. - -Celui qui occupait le degré en ce moment tenait merveilleusement -ses adversaires en respect. On faisait cercle autour d'eux: la -condition portait qu'à chaque coup le touché quitterait la partie, -en perdant son tour d'audience au profit du toucheur. En cinq -minutes trois furent effleurés, l'un au poignet, l'autre au -menton, l'autre à l'oreille par le défenseur du degré, qui lui- -même ne fut pas atteint: adresse qui lui valut, selon les -conventions arrêtées, trois tours de faveur. - -Si difficile non pas qu'il fût, mais qu'il voulût être à étonner, -ce passe-temps étonna notre jeune voyageur; il avait vu dans sa -province, cette terre où s'échauffent cependant si promptement les -têtes, un peu plus de préliminaires aux duels, et la gasconnade de -ces quatre joueurs lui parut la plus forte de toutes celles qu'il -avait ouïes jusqu'alors, même en Gascogne. Il se crut transporté -dans ce fameux pays des géants où Gulliver alla depuis et eut si -grand-peur; et cependant il n'était pas au bout: restaient le -palier et l'antichambre. - -Sur le palier on ne se battait plus, on racontait des histoires de -femmes, et dans l'antichambre des histoires de cour. Sur le -palier, d'Artagnan rougit; dans l'antichambre, il frissonna. Son -imagination éveillée et vagabonde, qui en Gascogne le rendait -redoutable aux jeunes femmes de chambre et même quelquefois aux -jeunes maîtresses, n'avait jamais rêvé, même dans ces moments de -délire, la moitié de ces merveilles amoureuses et le quart de ces -prouesses galantes, rehaussées des noms les plus connus et des -détails les moins voilés. Mais si son amour pour les bonnes moeurs -fut choqué sur le palier, son respect pour le cardinal fut -scandalisé dans l'antichambre. Là, à son grand étonnement, -d'Artagnan entendait critiquer tout haut la politique qui faisait -trembler l'Europe, et la vie privée du cardinal, que tant de hauts -et puissants seigneurs avaient été punis d'avoir tenté -d'approfondir: ce grand homme, révéré par M. d'Artagnan père, -servait de risée aux mousquetaires de M. de Tréville, qui -raillaient ses jambes cagneuses et son dos voûté; quelques-uns -chantaient des Noëls sur Mme d'Aiguillon, sa maîtresse, et -Mme de Combalet, sa nièce, tandis que les autres liaient des -parties contre les pages et les gardes du cardinal-duc, toutes -choses qui paraissaient à d'Artagnan de monstrueuses -impossibilités. - -Cependant, quand le nom du roi intervenait parfois tout à coup à -l'improviste au milieu de tous ces quolibets cardinalesques, une -espèce de bâillon calfeutrait pour un moment toutes ces bouches -moqueuses; on regardait avec hésitation autour de soi, et l'on -semblait craindre l'indiscrétion de la cloison du cabinet de -M. de Tréville; mais bientôt une allusion ramenait la conversation -sur Son Éminence, et alors les éclats reprenaient de plus belle, -et la lumière n'était ménagée sur aucune de ses actions. - -«Certes, voilà des gens qui vont être embastillés et pendus, pensa -d'Artagnan avec terreur, et moi sans aucun doute avec eux, car du -moment où je les ai écoutés et entendus, je serai tenu pour leur -complice. Que dirait monsieur mon père, qui m'a si fort recommandé -le respect du cardinal, s'il me savait dans la société de pareils -païens?» - -Aussi comme on s'en doute sans que je le dise, d'Artagnan n'osait -se livrer à la conversation; seulement il regardait de tous ses -yeux, écoutant de toutes ses oreilles, tendant avidement ses cinq -sens pour ne rien perdre, et malgré sa confiance dans les -recommandations paternelles, il se sentait porté par ses goûts et -entraîné par ses instincts à louer plutôt qu'à blâmer les choses -inouïes qui se passaient là. - -Cependant, comme il était absolument étranger à la foule des -courtisans de M. de Tréville, et que c'était la première fois -qu'on l'apercevait en ce lieu, on vint lui demander ce qu'il -désirait. À cette demande, d'Artagnan se nomma fort humblement, -s'appuya du titre de compatriote, et pria le valet de chambre qui -était venu lui faire cette question de demander pour lui à -M. de Tréville un moment d'audience, demande que celui-ci promit -d'un ton protecteur de transmettre en temps et lieu. - -D'Artagnan, un peu revenu de sa surprise première, eut donc le -loisir d'étudier un peu les costumes et les physionomies. - -Au centre du groupe le plus animé était un mousquetaire de grande -taille, d'une figure hautaine et d'une bizarrerie de costume qui -attirait sur lui l'attention générale. Il ne portait pas, pour le -moment, la casaque d'uniforme, qui, au reste, n'était pas -absolument obligatoire dans cette époque de liberté moindre mais -d'indépendance plus grande, mais un justaucorps bleu de ciel, tant -soit peu fané et râpé, et sur cet habit un baudrier magnifique, en -broderies d'or, et qui reluisait comme les écailles dont l'eau se -couvre au grand soleil. Un manteau long de velours cramoisi -tombait avec grâce sur ses épaules découvrant par-devant seulement -le splendide baudrier auquel pendait une gigantesque rapière. - -Ce mousquetaire venait de descendre de garde à l'instant même, se -plaignait d'être enrhumé et toussait de temps en temps avec -affectation. Aussi avait-il pris le manteau, à ce qu'il disait -autour de lui, et tandis qu'il parlait du haut de sa tête, en -frisant dédaigneusement sa moustache, on admirait avec -enthousiasme le baudrier brodé, et d'Artagnan plus que tout autre. - -«Que voulez-vous, disait le mousquetaire, la mode en vient; c'est -une folie, je le sais bien, mais c'est la mode. D'ailleurs, il -faut bien employer à quelque chose l'argent de sa légitime. - --- Ah! Porthos! s'écria un des assistants, n'essaie pas de nous -faire croire que ce baudrier te vient de la générosité paternelle: -il t'aura été donné par la dame voilée avec laquelle je t'ai -rencontré l'autre dimanche vers la porte Saint-Honoré. - --- Non, sur mon honneur et foi de gentilhomme, je l'ai acheté moi- -même, et de mes propres deniers, répondit celui qu'on venait de -désigner sous le nom de Porthos. - --- Oui, comme j'ai acheté, moi, dit un autre mousquetaire, cette -bourse neuve, avec ce que ma maîtresse avait mis dans la vieille. - --- Vrai, dit Porthos, et la preuve c'est que je l'ai payé douze -pistoles.» - -L'admiration redoubla, quoique le doute continuât d'exister. - -«N'est-ce pas, Aramis?» dit Porthos se tournant vers un autre -mousquetaire. - -Cet autre mousquetaire formait un contraste parfait avec celui qui -l'interrogeait et qui venait de le désigner sous le nom d'Aramis: -c'était un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans à peine, à -la figure naïve et doucereuse, à l'oeil noir et doux et aux joues -roses et veloutées comme une pêche en automne; sa moustache fine -dessinait sur sa lèvre supérieure une ligne d'une rectitude -parfaite; ses mains semblaient craindre de s'abaisser, de peur que -leurs veines ne se gonflassent, et de temps en temps il se pinçait -le bout des oreilles pour les maintenir d'un incarnat tendre et -transparent. D'habitude il parlait peu et lentement, saluait -beaucoup, riait sans bruit en montrant ses dents, qu'il avait -belles et dont, comme du reste de sa personne, il semblait prendre -le plus grand soin. Il répondit par un signe de tête affirmatif à -l'interpellation de son ami. - -Cette affirmation parut avoir fixé tous les doutes à l'endroit du -baudrier; on continua donc de l'admirer, mais on n'en parla plus; -et par un de ces revirements rapides de la pensée, la conversation -passa tout à coup à un autre sujet. - -«Que pensez-vous de ce que raconte l'écuyer de Chalais?» demanda -un autre mousquetaire sans interpeller directement personne, mais -s'adressant au contraire à tout le monde. - -«Et que raconte-t-il? demanda Porthos d'un ton suffisant. - --- Il raconte qu'il a trouvé à Bruxelles Rochefort, l'âme damnée -du cardinal, déguisé en capucin; ce Rochefort maudit, grâce à ce -déguisement, avait joué M. de Laigues comme un niais qu'il est. - --- Comme un vrai niais, dit Porthos; mais la chose est-elle sûre? - --- Je la tiens d'Aramis, répondit le mousquetaire. - --- Vraiment? - --- Eh! vous le savez bien, Porthos, dit Aramis; je vous l'ai -racontée à vous-même hier, n'en parlons donc plus. - --- N'en parlons plus, voilà votre opinion à vous, reprit Porthos. -N'en parlons plus! peste! comme vous concluez vite. Comment! le -cardinal fait espionner un gentilhomme, fait voler sa -correspondance par un traître, un brigand, un pendard; fait, avec -l'aide de cet espion et grâce à cette correspondance, couper le -cou à Chalais, sous le stupide prétexte qu'il a voulu tuer le roi -et marier Monsieur avec la reine! Personne ne savait un mot de -cette énigme, vous nous l'apprenez hier, à la grande satisfaction -de tous, et quand nous sommes encore tout ébahis de cette -nouvelle, vous venez nous dire aujourd'hui: N'en parlons plus! - --- Parlons-en donc, voyons, puisque vous le désirez, reprit Aramis -avec patience. - --- Ce Rochefort, s'écria Porthos, si j'étais l'écuyer du pauvre -Chalais, passerait avec moi un vilain moment. - --- Et vous, vous passeriez un triste quart d'heure avec le duc -Rouge, reprit Aramis. - --- Ah! le duc Rouge! bravo, bravo, le duc Rouge! répondit Porthos -en battant des mains et en approuvant de la tête. Le «duc Rouge» -est charmant. Je répandrai le mot, mon cher, soyez tranquille. A- -t-il de l'esprit, cet Aramis! Quel malheur que vous n'ayez pas pu -suivre votre vocation, mon cher! quel délicieux abbé vous eussiez -fait! - --- Oh! ce n'est qu'un retard momentané, reprit Aramis; un jour, je -le serai. Vous savez bien, Porthos, que je continue d'étudier la -théologie pour cela. - --- Il le fera comme il le dit, reprit Porthos, il le fera tôt ou -tard. - --- Tôt, dit Aramis. - --- Il n'attend qu'une chose pour le décider tout à fait et pour -reprendre sa soutane, qui est pendue derrière son uniforme, reprit -un mousquetaire. - --- Et quelle chose attend-il? demanda un autre. - --- Il attend que la reine ait donné un héritier à la couronne de -France. - --- Ne plaisantons pas là-dessus, messieurs, dit Porthos; grâce à -Dieu, la reine est encore d'âge à le donner. - --- On dit que M. de Buckingham est en France, reprit Aramis avec -un rire narquois qui donnait à cette phrase, si simple en -apparence, une signification passablement scandaleuse. - --- Aramis, mon ami, pour cette fois vous avez tort, interrompit -Porthos, et votre manie d'esprit vous entraîne toujours au-delà -des bornes; si M. de Tréville vous entendait, vous seriez mal venu -de parler ainsi. - --- Allez-vous me faire la leçon, Porthos? s'écria Aramis, dans -l'oeil doux duquel on vit passer comme un éclair. - --- Mon cher, soyez mousquetaire ou abbé. Soyez l'un ou l'autre, -mais pas l'un et l'autre, reprit Porthos. Tenez, Athos vous l'a -dit encore l'autre jour: vous mangez à tous les râteliers. Ah! ne -nous fâchons pas, je vous prie, ce serait inutile, vous savez bien -ce qui est convenu entre vous, Athos et moi. Vous allez chez -Mme d'Aiguillon, et vous lui faites la cour; vous allez chez -Mme de Bois-Tracy, la cousine de Mme de Chevreuse, et vous passez -pour être fort en avant dans les bonnes grâces de la dame. Oh! mon -Dieu, n'avouez pas votre bonheur, on ne vous demande pas votre -secret, on connaît votre discrétion. Mais puisque vous possédez -cette vertu, que diable! Faites-en usage à l'endroit de -Sa Majesté. S'occupe qui voudra et comme on voudra du roi et du -cardinal; mais la reine est sacrée, et si l'on en parle, que ce -soit en bien. - --- Porthos, vous êtes prétentieux comme Narcisse, je vous en -préviens, répondit Aramis; vous savez que je hais la morale, -excepté quand elle est faite par Athos. Quant à vous, mon cher, -vous avez un trop magnifique baudrier pour être bien fort là- -dessus. Je serai abbé s'il me convient; en attendant, je suis -mousquetaire: en cette qualité, je dis ce qu'il me plaît, et en ce -moment il me plaît de vous dire que vous m'impatientez. - --- Aramis! - --- Porthos! - --- Eh! messieurs! messieurs! s'écria-t-on autour d'eux. - --- M. de Tréville attend M. d'Artagnan», interrompit le laquais en -ouvrant la porte du cabinet. - -À cette annonce, pendant laquelle la porte demeurait ouverte, -chacun se tut, et au milieu du silence général le jeune Gascon -traversa l'antichambre dans une partie de sa longueur et entra -chez le capitaine des mousquetaires, se félicitant de tout son -coeur d'échapper aussi à point à la fin de cette bizarre querelle. - - -CHAPITRE III -L'AUDIENCE - -M. de Tréville était pour le moment de fort méchante humeur; -néanmoins il salua poliment le jeune homme, qui s'inclina jusqu'à -terre, et il sourit en recevant son compliment, dont l'accent -béarnais lui rappela à la fois sa jeunesse et son pays, double -souvenir qui fait sourire l'homme à tous les âges. Mais, se -rapprochant presque aussitôt de l'antichambre et faisant à -d'Artagnan un signe de la main, comme pour lui demander la -permission d'en finir avec les autres avant de commencer avec lui, -il appela trois fois, en grossissant la voix à chaque fois, de -sorte qu'il parcourut tous les tons intervallaires entre l'accent -impératif et l'accent irrité: - -«Athos! Porthos! Aramis!» - -Les deux mousquetaires avec lesquels nous avons déjà fait -connaissance, et qui répondaient aux deux derniers de ces trois -noms, quittèrent aussitôt les groupes dont ils faisaient partie et -s'avancèrent vers le cabinet, dont la porte se referma derrière -eux dès qu'ils en eurent franchi le seuil. Leur contenance, bien -qu'elle ne fût pas tout à fait tranquille, excita cependant par -son laisser-aller à la fois plein de dignité et de soumission, -l'admiration de d'Artagnan, qui voyait dans ces hommes des demi- -dieux, et dans leur chef un Jupiter olympien armé de tous ses -foudres. - -Quand les deux mousquetaires furent entrés, quand la porte fut -refermée derrière eux, quand le murmure bourdonnant de -l'antichambre, auquel l'appel qui venait d'être fait avait sans -doute donné un nouvel aliment eut recommencé; quand enfin -M. de Tréville eut trois ou quatre fois arpenté, silencieux et le -sourcil froncé, toute la longueur de son cabinet, passant chaque -fois devant Porthos et Aramis, roides et muets comme à la parade, -il s'arrêta tout à coup en face d'eux, et les couvrant des pieds à -la tête d'un regard irrité: - -«Savez-vous ce que m'a dit le roi, s'écria-t-il, et cela pas plus -tard qu'hier au soir? le savez-vous, messieurs? - --- Non, répondirent après un instant de silence les deux -mousquetaires; non, monsieur, nous l'ignorons. - --- Mais j'espère que vous nous ferez l'honneur de nous le dire, -ajouta Aramis de son ton le plus poli et avec la plus gracieuse -révérence. - --- Il m'a dit qu'il recruterait désormais ses mousquetaires parmi -les gardes de M. le cardinal! - --- Parmi les gardes de M. le cardinal! et pourquoi cela? demanda -vivement Porthos. - --- Parce qu'il voyait bien que sa piquette avait besoin d'être -ragaillardie par un mélange de bon vin.» - -Les deux mousquetaires rougirent jusqu'au blanc des yeux. -D'Artagnan ne savait où il en était et eût voulu être à cent pieds -sous terre. - -«Oui, oui, continua M. de Tréville en s'animant, oui, et -Sa Majesté avait raison, car, sur mon honneur, il est vrai que les -mousquetaires font triste figure à la cour. M. le cardinal -racontait hier au jeu du roi, avec un air de condoléance qui me -déplut fort, qu'avant-hier ces damnés mousquetaires, ces diables à -quatre -- il appuyait sur ces mots avec un accent ironique qui me -déplut encore davantage --, ces pourfendeurs, ajoutait-il en me -regardant de son oeil de chat-tigre, s'étaient attardés rue Férou, -dans un cabaret, et qu'une ronde de ses gardes -- j'ai cru qu'il -allait me rire au nez -- avait été forcée d'arrêter les -perturbateurs. Morbleu! vous devez en savoir quelque chose! -Arrêter des mousquetaires! Vous en étiez, vous autres, ne vous en -défendez pas, on vous a reconnus, et le cardinal vous a nommés. -Voilà bien ma faute, oui, ma faute, puisque c'est moi qui choisis -mes hommes. Voyons, vous, Aramis, pourquoi diable m'avez-vous -demandé la casaque quand vous alliez être si bien sous la soutane? -Voyons, vous, Porthos, n'avez-vous un si beau baudrier d'or que -pour y suspendre une épée de paille? Et Athos! je ne vois pas -Athos. Où est-il? - --- Monsieur, répondit tristement Aramis, il est malade, fort -malade. - --- Malade, fort malade, dites-vous? et de quelle maladie? - --- On craint que ce ne soit de la petite vérole, monsieur, -répondit Porthos voulant mêler à son tour un mot à la -conversation, et ce qui serait fâcheux en ce que très certainement -cela gâterait son visage. - --- De la petite vérole! Voilà encore une glorieuse histoire que -vous me contez là, Porthos!... Malade de la petite vérole, à son -âge?... Non pas!... mais blessé sans doute, tué peut-être... Ah! -si je le savais!... Sangdieu! messieurs les mousquetaires, je -n'entends pas que l'on hante ainsi les mauvais lieux, qu'on se -prenne de querelle dans la rue et qu'on joue de l'épée dans les -carrefours. Je ne veux pas enfin qu'on prête à rire aux gardes de -M. le cardinal, qui sont de braves gens, tranquilles, adroits, qui -ne se mettent jamais dans le cas d'être arrêtés, et qui d'ailleurs -ne se laisseraient pas arrêter, eux!... j'en suis sûr... Ils -aimeraient mieux mourir sur la place que de faire un pas en -arrière... Se sauver, détaler, fuir, c'est bon pour les -mousquetaires du roi, cela!» - -Porthos et Aramis frémissaient de rage. Ils auraient volontiers -étranglé M. de Tréville, si au fond de tout cela ils n'avaient pas -senti que c'était le grand amour qu'il leur portait qui le faisait -leur parler ainsi. Ils frappaient le tapis du pied, se mordaient -les lèvres jusqu'au sang et serraient de toute leur force la garde -de leur épée. Au-dehors on avait entendu appeler, comme nous -l'avons dit, Athos, Porthos et Aramis, et l'on avait deviné, à -l'accent de la voix de M. de Tréville, qu'il était parfaitement en -colère. Dix têtes curieuses étaient appuyées à la tapisserie et -pâlissaient de fureur, car leurs oreilles collées à la porte ne -perdaient pas une syllabe de ce qui se disait, tandis que leurs -bouches répétaient au fur et à mesure les paroles insultantes du -capitaine à toute la population de l'antichambre. En un instant -depuis la porte du cabinet jusqu'à la porte de la rue, tout -l'hôtel fut en ébullition. - -«Ah! les mousquetaires du roi se font arrêter par les gardes de -M. le cardinal», continua M. de Tréville aussi furieux à -l'intérieur que ses soldats, mais saccadant ses paroles et les -plongeant une à une pour ainsi dire et comme autant de coups de -stylet dans la poitrine de ses auditeurs. «Ah! six gardes de Son -Éminence arrêtent six mousquetaires de Sa Majesté! Morbleu! j'ai -pris mon parti. Je vais de ce pas au Louvre; je donne ma démission -de capitaine des mousquetaires du roi pour demander une -lieutenance dans les gardes du cardinal, et s'il me refuse, -morbleu! je me fais abbé.» - -À ces paroles, le murmure de l'extérieur devint une explosion: -partout on n'entendait que jurons et blasphèmes. Les morbleu! les -sangdieu! les morts de tous les diables! se croisaient dans l'air. -D'Artagnan cherchait une tapisserie derrière laquelle se cacher, -et se sentait une envie démesurée de se fourrer sous la table. - -«Eh bien, mon capitaine, dit Porthos hors de lui, la vérité est -que nous étions six contre six, mais nous avons été pris en -traître, et avant que nous eussions eu le temps de tirer nos -épées, deux d'entre nous étaient tombés morts, et Athos, blessé -grièvement, ne valait guère mieux. Car vous le connaissez, Athos; -eh bien, capitaine, il a essayé de se relever deux fois, et il est -retombé deux fois. Cependant nous ne nous sommes pas rendus, non! -l'on nous a entraînés de force. En chemin, nous nous sommes -sauvés. Quant à Athos, on l'avait cru mort, et on l'a laissé bien -tranquillement sur le champ de bataille, ne pensant pas qu'il -valût la peine d'être emporté. Voilà l'histoire. Que diable, -capitaine! on ne gagne pas toutes les batailles. Le grand Pompée a -perdu celle de Pharsale, et le roi François Ier, qui, à ce que -j'ai entendu dire, en valait bien un autre, a perdu cependant -celle de Pavie. - --- Et j'ai l'honneur de vous assurer que j'en ai tué un avec sa -propre épée, dit Aramis, car la mienne s'est brisée à la première -parade... Tué ou poignardé, monsieur, comme il vous sera agréable. - --- Je ne savais pas cela, reprit M. de Tréville d'un ton un peu -radouci. M. le cardinal avait exagéré, à ce que je vois. - --- Mais de grâce, monsieur, continua Aramis, qui, voyant son -capitaine s'apaiser, osait hasarder une prière, de grâce, -monsieur, ne dites pas qu'Athos lui-même est blessé: il serait au -désespoir que cela parvint aux oreilles du roi, et comme la -blessure est des plus graves, attendu qu'après avoir traversé -l'épaule elle pénètre dans la poitrine, il serait à craindre...» - -Au même instant la portière se souleva, et une tête noble et -belle, mais affreusement pâle, parut sous la frange. - -«Athos! s'écrièrent les deux mousquetaires. - --- Athos! répéta M. de Tréville lui-même. - --- Vous m'avez mandé, monsieur, dit Athos à M. de Tréville d'une -voix affaiblie mais parfaitement calme, vous m'avez demandé, à ce -que m'ont dit nos camarades, et je m'empresse de me rendre à vos -ordres; voilà, monsieur, que me voulez-vous?» - -Et à ces mots le mousquetaire, en tenue irréprochable, sanglé -comme de coutume, entra d'un pas ferme dans le cabinet. -M. de Tréville, ému jusqu'au fond du coeur de cette preuve de -courage, se précipita vers lui. - -«J'étais en train de dire à ces messieurs, ajouta-t-il, que je -défends à mes mousquetaires d'exposer leurs jours sans nécessité, -car les braves gens sont bien chers au roi, et le roi sait que ses -mousquetaires sont les plus braves gens de la terre. Votre main, -Athos.» - -Et sans attendre que le nouveau venu répondît de lui-même à cette -preuve d'affection, M. de Tréville saisissait sa main droite et la -lui serrait de toutes ses forces, sans s'apercevoir qu'Athos, quel -que fût son empire sur lui-même, laissait échapper un mouvement de -douleur et pâlissait encore, ce que l'on aurait pu croire -impossible. - -La porte était restée entrouverte, tant l'arrivée d'Athos, dont, -malgré le secret gardé, la blessure était connue de tous, avait -produit de sensation. Un brouhaha de satisfaction accueillit les -derniers mots du capitaine et deux ou trois têtes, entraînées par -l'enthousiasme, apparurent par les ouvertures de la tapisserie. -Sans doute, M. de Tréville allait réprimer par de vives paroles -cette infraction aux lois de l'étiquette, lorsqu'il sentit tout à -coup la main d'Athos se crisper dans la sienne, et qu'en portant -les yeux sur lui il s'aperçut qu'il allait s'évanouir. Au même -instant Athos, qui avait rassemblé toutes ses forces pour lutter -contre la douleur, vaincu enfin par elle, tomba sur le parquet -comme s'il fût mort. - -«Un chirurgien! cria M. de Tréville. Le mien, celui du roi, le -meilleur! Un chirurgien! ou, sangdieu! mon brave Athos va -trépasser.» - -Aux cris de M. de Tréville, tout le monde se précipita dans son -cabinet sans qu'il songeât à en fermer la porte à personne, chacun -s'empressant autour du blessé. Mais tout cet empressement eût été -inutile, si le docteur demandé ne se fût trouvé dans l'hôtel même; -il fendit la foule, s'approcha d'Athos toujours évanoui, et, comme -tout ce bruit et tout ce mouvement le gênait fort, il demanda -comme première chose et comme la plus urgente que le mousquetaire -fût emporté dans une chambre voisine. Aussitôt M. de Tréville -ouvrit une porte et montra le chemin à Porthos et à Aramis, qui -emportèrent leur camarade dans leurs bras. Derrière ce groupe -marchait le chirurgien, et derrière le chirurgien, la porte se -referma. - -Alors le cabinet de M. de Tréville, ce lieu ordinairement si -respecté, devint momentanément une succursale de l'antichambre. -Chacun discourait, pérorait, parlait haut, jurant, sacrant, -donnant le cardinal et ses gardes à tous les diables. - -Un instant après, Porthos et Aramis rentrèrent; le chirurgien et -M. de Tréville seuls étaient restés près du blessé. - -Enfin M. de Tréville rentra à son tour. Le blessé avait repris -connaissance; le chirurgien déclarait que l'état du mousquetaire -n'avait rien qui pût inquiéter ses amis, sa faiblesse ayant été -purement et simplement occasionnée par la perte de son sang. - -Puis M. de Tréville fit un signe de la main, et chacun se retira, -excepté d'Artagnan, qui n'oubliait point qu'il avait audience et -qui, avec sa ténacité de Gascon, était demeuré à la même place. - -Lorsque tout le monde fut sorti et que la porte fut refermée, -M. de Tréville se retourna et se trouva seul avec le jeune homme. -L'événement qui venait d'arriver lui avait quelque peu fait perdre -le fil de ses idées. Il s'informa de ce que lui voulait l'obstiné -solliciteur. D'Artagnan alors se nomma, et M. de Tréville, se -rappelant d'un seul coup tous ses souvenirs du présent et du -passé, se trouva au courant de sa situation. - -«Pardon lui dit-il en souriant, pardon, mon cher compatriote, mais -je vous avais parfaitement oublié. Que voulez-vous! un capitaine -n'est rien qu'un père de famille chargé d'une plus grande -responsabilité qu'un père de famille ordinaire. Les soldats sont -de grands enfants; mais comme je tiens à ce que les ordres du roi, -et surtout ceux de M. le cardinal, soient exécutés...» - -D'Artagnan ne put dissimuler un sourire. À ce sourire, -M. de Tréville jugea qu'il n'avait point affaire à un sot, et -venant droit au fait, tout en changeant de conversation: - -«J'ai beaucoup aimé monsieur votre père, dit-il. Que puis-je faire -pour son fils? hâtez-vous, mon temps n'est pas à moi. - --- Monsieur, dit d'Artagnan, en quittant Tarbes et en venant ici, -je me proposais de vous demander, en souvenir de cette amitié dont -vous n'avez pas perdu mémoire, une casaque de mousquetaire; mais, -après tout ce que je vois depuis deux heures, je comprends qu'une -telle faveur serait énorme, et je tremble de ne point la mériter. - --- C'est une faveur en effet, jeune homme, répondit -M. de Tréville; mais elle peut ne pas être si fort au-dessus de -vous que vous le croyez ou que vous avez l'air de le croire. -Toutefois une décision de Sa Majesté a prévu ce cas, et je vous -annonce avec regret qu'on ne reçoit personne mousquetaire avant -l'épreuve préalable de quelques campagnes, de certaines actions -d'éclat, ou d'un service de deux ans dans quelque autre régiment -moins favorisé que le nôtre.» - -D'Artagnan s'inclina sans rien répondre. Il se sentait encore plus -avide d'endosser l'uniforme de mousquetaire depuis qu'il y avait -de si grandes difficultés à l'obtenir. - -«Mais, continua Tréville en fixant sur son compatriote un regard -si perçant qu'on eût dit qu'il voulait lire jusqu'au fond de son -coeur, mais, en faveur de votre père, mon ancien compagnon, comme -je vous l'ai dit, je veux faire quelque chose pour vous, jeune -homme. Nos cadets de Béarn ne sont ordinairement pas riches, et je -doute que les choses aient fort changé de face depuis mon départ -de la province. Vous ne devez donc pas avoir de trop, pour vivre, -de l'argent que vous avez apporté avec vous.» - -D'Artagnan se redressa d'un air fier qui voulait dire qu'il ne -demandait l'aumône à personne. - -«C'est bien, jeune homme, c'est bien, continua Tréville, je -connais ces airs-là, je suis venu à Paris avec quatre écus dans ma -poche, et je me serais battu avec quiconque m'aurait dit que je -n'étais pas en état d'acheter le Louvre.» - -D'Artagnan se redressa de plus en plus; grâce à la vente de son -cheval, il commençait sa carrière avec quatre écus de plus que -M. de Tréville n'avait commencé la sienne. - -«Vous devez donc, disais-je, avoir besoin de conserver ce que vous -avez, si forte que soit cette somme; mais vous devez avoir besoin -aussi de vous perfectionner dans les exercices qui conviennent à -un gentilhomme. J'écrirai dès aujourd'hui une lettre au directeur -de l'académie royale, et dès demain il vous recevra sans -rétribution aucune. Ne refusez pas cette petite douceur. Nos -gentilshommes les mieux nés et les plus riches la sollicitent -quelquefois, sans pouvoir l'obtenir. Vous apprendrez le manège du -cheval, l'escrime et la danse; vous y ferez de bonnes -connaissances, et de temps en temps vous reviendrez me voir pour -me dire où vous en êtes et si je puis faire quelque chose pour -vous.» - -D'Artagnan, tout étranger qu'il fût encore aux façons de cour, -s'aperçut de la froideur de cet accueil. - -«Hélas, monsieur, dit-il, je vois combien la lettre de -recommandation que mon père m'avait remise pour vous me fait -défaut aujourd'hui! - --- En effet, répondit M. de Tréville, je m'étonne que vous ayez -entrepris un aussi long voyage sans ce viatique obligé, notre -seule ressource à nous autres Béarnais. - --- Je l'avais, monsieur, et, Dieu merci, en bonne forme, s'écria -d'Artagnan; mais on me l'a perfidement dérobé.» - -Et il raconta toute la scène de Meung, dépeignit le gentilhomme -inconnu dans ses moindres détails, le tout avec une chaleur, une -vérité qui charmèrent M. de Tréville. - -«Voilà qui est étrange, dit ce dernier en méditant; vous aviez -donc parlé de moi tout haut? - --- Oui, monsieur, sans doute j'avais commis cette imprudence; que -voulez-vous, un nom comme le vôtre devait me servir de bouclier en -route: jugez si je me suis mis souvent à couvert!» - -La flatterie était fort de mise alors, et M. de Tréville aimait -l'encens comme un roi ou comme un cardinal. Il ne put donc -s'empêcher de sourire avec une visible satisfaction, mais ce -sourire s'effaça bientôt, et revenant de lui-même à l'aventure de -Meung: - -«Dites-moi, continua-t-il, ce gentilhomme n'avait-il pas une -légère cicatrice à la tempe? - --- Oui, comme le ferait l'éraflure d'une balle. - --- N'était-ce pas un homme de belle mine? - --- Oui. - --- De haute taille? - --- Oui. - --- Pâle de teint et brun de poil? - --- Oui, oui, c'est cela. Comment se fait-il, monsieur, que vous -connaissiez cet homme? Ah! si jamais je le retrouve, et je le -retrouverai, je vous le jure, fût-ce en enfer... - --- Il attendait une femme? continua Tréville. - --- Il est du moins parti après avoir causé un instant avec celle -qu'il attendait. - --- Vous ne savez pas quel était le sujet de leur conversation? - --- Il lui remettait une boîte, lui disait que cette boîte -contenait ses instructions, et lui recommandait de ne l'ouvrir -qu'à Londres. - --- Cette femme était anglaise? - --- Il l'appelait Milady. - --- C'est lui! murmura Tréville, c'est lui! je le croyais encore à -Bruxelles! - --- Oh! monsieur, si vous savez quel est cet homme, s'écria -d'Artagnan, indiquez-moi qui il est et d'où il est, puis je vous -tiens quitte de tout, même de votre promesse de me faire entrer -dans les mousquetaires; car avant toute chose je veux me venger. - --- Gardez-vous-en bien, jeune homme, s'écria Tréville; si vous le -voyez venir, au contraire, d'un côté de la rue, passez de l'autre! -Ne vous heurtez pas à un pareil rocher: il vous briserait comme un -verre. - --- Cela n'empêche pas, dit d'Artagnan, que si jamais je le -retrouve... - --- En attendant, reprit Tréville, ne le cherchez pas, si j'ai un -conseil à vous donner.» - -Tout à coup Tréville s'arrêta, frappé d'un soupçon subit. Cette -grande haine que manifestait si hautement le jeune voyageur pour -cet homme, qui, chose assez peu vraisemblable, lui avait dérobé la -lettre de son père, cette haine ne cachait-elle pas quelque -perfidie? ce jeune homme n'était-il pas envoyé par Son Éminence? -ne venait-il pas pour lui tendre quelque piège? ce prétendu -d'Artagnan n'était-il pas un émissaire du cardinal qu'on cherchait -à introduire dans sa maison, et qu'on avait placé près de lui pour -surprendre sa confiance et pour le perdre plus tard, comme cela -s'était mille fois pratiqué? Il regarda d'Artagnan plus fixement -encore cette seconde fois que la première. Il fut médiocrement -rassuré par l'aspect de cette physionomie pétillante d'esprit -astucieux et d'humilité affectée. - -«Je sais bien qu'il est Gascon, pensa-t-il; mais il peut l'être -aussi bien pour le cardinal que pour moi. Voyons, éprouvons-le.» - -«Mon ami, lui dit-il lentement, je veux, comme au fils de mon -ancien ami, car je tiens pour vraie l'histoire de cette lettre -perdue, je veux, dis-je, pour réparer la froideur que vous avez -d'abord remarquée dans mon accueil, vous découvrir les secrets de -notre politique. Le roi et le cardinal sont les meilleurs amis; -leurs apparents démêlés ne sont que pour tromper les sots. Je ne -prétends pas qu'un compatriote, un joli cavalier, un brave garçon, -fait pour avancer, soit la dupe de toutes ces feintises et donne -comme un niais dans le panneau, à la suite de tant d'autres qui -s'y sont perdus. Songez bien que je suis dévoué à ces deux maîtres -tout-puissants, et que jamais mes démarches sérieuses n'auront -d'autre but que le service du roi et celui de M. le cardinal, un -des plus illustres génies que la France ait produits. Maintenant, -jeune homme, réglez-vous là-dessus, et si vous avez, soit de -famille, soit par relations, soit d'instinct même, quelqu'une de -ces inimitiés contre le cardinal telles que nous les voyons -éclater chez les gentilshommes, dites-moi adieu, et quittons-nous. -Je vous aiderai en mille circonstances, mais sans vous attacher à -ma personne. J'espère que ma franchise, en tout cas, vous fera mon -ami; car vous êtes jusqu'à présent le seul jeune homme à qui j'aie -parlé comme je le fais.» - -Tréville se disait à part lui: - -«Si le cardinal m'a dépêché ce jeune renard, il n'aura certes pas -manqué, lui qui sait à quel point je l'exècre, de dire à son -espion que le meilleur moyen de me faire la cour est de me dire -pis que pendre de lui; aussi, malgré mes protestations, le rusé -compère va-t-il me répondre bien certainement qu'il a l'Éminence -en horreur.» - -Il en fut tout autrement que s'y attendait Tréville; d'Artagnan -répondit avec la plus grande simplicité: - -«Monsieur, j'arrive à Paris avec des intentions toutes semblables. -Mon père m'a recommandé de ne souffrir rien du roi, de M. le -cardinal et de vous, qu'il tient pour les trois premiers de -France.» - -D'Artagnan ajoutait M. de Tréville aux deux autres, comme on peut -s'en apercevoir, mais il pensait que cette adjonction ne devait -rien gâter. - -«J'ai donc la plus grande vénération pour M. le cardinal, -continua-t-il, et le plus profond respect pour ses actes. Tant -mieux pour moi, monsieur, si vous me parlez, comme vous le dites, -avec franchise; car alors vous me ferez l'honneur d'estimer cette -ressemblance de goût; mais si vous avez eu quelque défiance, bien -naturelle d'ailleurs, je sens que je me perds en disant la vérité; -mais, tant pis, vous ne laisserez pas que de m'estimer, et c'est à -quoi je tiens plus qu'à toute chose au monde.» - -M. de Tréville fut surpris au dernier point. Tant de pénétration, -tant de franchise enfin, lui causait de l'admiration, mais ne -levait pas entièrement ses doutes: plus ce jeune homme était -supérieur aux autres jeunes gens, plus il était à redouter s'il se -trompait. Néanmoins il serra la main à d'Artagnan, et lui dit: - -«Vous êtes un honnête garçon, mais dans ce moment je ne puis faire -que ce que je vous ai offert tout à l'heure. Mon hôtel vous sera -toujours ouvert. Plus tard, pouvant me demander à toute heure et -par conséquent saisir toutes les occasions, vous obtiendrez -probablement ce que vous désirez obtenir. - --- C'est-à-dire, monsieur, reprit d'Artagnan, que vous attendez -que je m'en sois rendu digne. Eh bien, soyez tranquille, ajouta-t- -il avec la familiarité du Gascon, vous n'attendrez pas longtemps.» - -Et il salua pour se retirer, comme si désormais le reste le -regardait. - -«Mais attendez donc, dit M. de Tréville en l'arrêtant, je vous ai -promis une lettre pour le directeur de l'académie. Êtes-vous trop -fier pour l'accepter, mon jeune gentilhomme? - --- Non, monsieur, dit d'Artagnan; je vous réponds qu'il n'en sera -pas de celle-ci comme de l'autre. Je la garderai si bien qu'elle -arrivera, je vous le jure, à son adresse, et malheur à celui qui -tenterait de me l'enlever!» - -M. de Tréville sourit à cette fanfaronnade, et, laissant son jeune -compatriote dans l'embrasure de la fenêtre où ils se trouvaient et -où ils avaient causé ensemble, il alla s'asseoir à une table et se -mit à écrire la lettre de recommandation promise. Pendant ce -temps, d'Artagnan, qui n'avait rien de mieux à faire, se mit à -battre une marche contre les carreaux, regardant les mousquetaires -qui s'en allaient les uns après les autres, et les suivant du -regard jusqu'à ce qu'ils eussent disparu au tournant de la rue. - -M. de Tréville, après avoir écrit la lettre, la cacheta et, se -levant, s'approcha du jeune homme pour la lui donner; mais au -moment même où d'Artagnan étendait la main pour la recevoir, -M. de Tréville fut bien étonné de voir son protégé faire un -soubresaut, rougir de colère et s'élancer hors du cabinet en -criant: - -«Ah! sangdieu! il ne m'échappera pas, cette fois. - --- Et qui cela? demanda M. de Tréville. - --- Lui, mon voleur! répondit d'Artagnan. Ah! traître!» - -Et il disparut. - -«Diable de fou! murmura M. de Tréville. À moins toutefois, ajouta- -t-il, que ce ne soit une manière adroite de s'esquiver, en voyant -qu'il a manqué son coup.» - - -CHAPITRE IV -L'ÉPAULE D'ATHOS, LE BAUDRIER DE PORTHOS ET LE MOUCHOIR D'ARAMIS - -D'Artagnan, furieux, avait traversé l'antichambre en trois bonds -et s'élançait sur l'escalier, dont il comptait descendre les -degrés quatre à quatre, lorsque, emporté par sa course, il alla -donner tête baissée dans un mousquetaire qui sortait de chez -M. de Tréville par une porte de dégagement, et, le heurtant du -front à l'épaule, lui fit pousser un cri ou plutôt un hurlement. - -«Excusez-moi, dit d'Artagnan, essayant de reprendre sa course, -excusez-moi, mais je suis pressé.» - -À peine avait-il descendu le premier escalier, qu'un poignet de -fer le saisit par son écharpe et l'arrêta. - -«Vous êtes pressé! s'écria le mousquetaire, pâle comme un linceul; -sous ce prétexte, vous me heurtez, vous dites: "Excusez-moi", et -vous croyez que cela suffit? Pas tout à fait, mon jeune homme. -Croyez-vous, parce que vous avez entendu M. de Tréville nous -parler un peu cavalièrement aujourd'hui, que l'on peut nous -traiter comme il nous parle? Détrompez-vous, compagnon, vous -n'êtes pas M. de Tréville, vous. - --- Ma foi, répliqua d'Artagnan, qui reconnut Athos, lequel, après -le pansement opéré par le docteur, regagnait son appartement, ma -foi, je ne l'ai pas fait exprès, j'ai dit: "Excusez-moi." Il me -semble donc que c'est assez. Je vous répète cependant, et cette -fois c'est trop peut-être, parole d'honneur! je suis pressé, très -pressé. Lâchez-moi donc, je vous prie, et laissez-moi aller où -j'ai affaire. - --- Monsieur, dit Athos en le lâchant, vous n'êtes pas poli. On -voit que vous venez de loin.» - -D'Artagnan avait déjà enjambé trois ou quatre degrés, mais à la -remarque d'Athos il s'arrêta court. - -«Morbleu, monsieur! dit-il, de si loin que je vienne, ce n'est pas -vous qui me donnerez une leçon de belles manières, je vous -préviens. - --- Peut-être, dit Athos. - --- Ah! si je n'étais pas si pressé, s'écria d'Artagnan, et si je -ne courais pas après quelqu'un... - --- Monsieur l'homme pressé, vous me trouverez sans courir, moi, -entendez-vous? - --- Et où cela, s'il vous plaît? - --- Près des Carmes-Deschaux. - --- À quelle heure? - --- Vers midi. - --- Vers midi, c'est bien, j'y serai. - --- Tâchez de ne pas me faire attendre, car à midi un quart je vous -préviens que c'est moi qui courrai après vous et vous couperai les -oreilles à la course. - --- Bon! lui cria d'Artagnan; on y sera à midi moins dix minutes.» - -Et il se mit à courir comme si le diable l'emportait, espérant -retrouver encore son inconnu, que son pas tranquille ne devait pas -avoir conduit bien loin. - -Mais, à la porte de la rue, causait Porthos avec un soldat aux -gardes. Entre les deux causeurs, il y avait juste l'espace d'un -homme. D'Artagnan crut que cet espace lui suffirait, et il -s'élança pour passer comme une flèche entre eux deux. Mais -d'Artagnan avait compté sans le vent. Comme il allait passer, le -vent s'engouffra dans le long manteau de Porthos, et d'Artagnan -vint donner droit dans le manteau. Sans doute, Porthos avait des -raisons de ne pas abandonner cette partie essentielle de son -vêtement car, au lieu de laisser aller le pan qu'il tenait, il -tira à lui, de sorte que d'Artagnan s'enroula dans le velours par -un mouvement de rotation qu'explique la résistance de l'obstiné -Porthos. - -D'Artagnan, entendant jurer le mousquetaire, voulut sortir de -dessous le manteau qui l'aveuglait, et chercha son chemin dans le -pli. Il redoutait surtout d'avoir porté atteinte à la fraîcheur du -magnifique baudrier que nous connaissons; mais, en ouvrant -timidement les yeux, il se trouva le nez collé entre les deux -épaules de Porthos c'est-à-dire précisément sur le baudrier. - -Hélas! comme la plupart des choses de ce monde qui n'ont pour -elles que l'apparence, le baudrier était d'or par-devant et de -simple buffle par-derrière. Porthos, en vrai glorieux qu'il était, -ne pouvant avoir un baudrier d'or tout entier, en avait au moins -la moitié: on comprenait dès lors la nécessité du rhume et -l'urgence du manteau. - -«Vertubleu! cria Porthos faisant tous ses efforts pour se -débarrasser de d'Artagnan qui lui grouillait dans le dos, vous -êtes donc enragé de vous jeter comme cela sur les gens! - --- Excusez-moi, dit d'Artagnan reparaissant sous l'épaule du -géant, mais je suis très pressé, je cours après quelqu'un, et... - --- Est-ce que vous oubliez vos yeux quand vous courez, par hasard? -demanda Porthos. - --- Non, répondit d'Artagnan piqué, non, et grâce à mes yeux je -vois même ce que ne voient pas les autres.» - -Porthos comprit ou ne comprit pas, toujours est-il que, se -laissant aller à sa colère: - -«Monsieur, dit-il, vous vous ferez étriller, je vous en préviens, -si vous vous frottez ainsi aux mousquetaires. - --- Étriller, monsieur! dit d'Artagnan, le mot est dur. - --- C'est celui qui convient à un homme habitué à regarder en face -ses ennemis. - --- Ah! pardieu! je sais bien que vous ne tournez pas le dos aux -vôtres, vous.» - -Et le jeune homme, enchanté de son espièglerie, s'éloigna en riant -à gorge déployée. - -Porthos écuma de rage et fit un mouvement pour se précipiter sur -d'Artagnan. - -«Plus tard, plus tard, lui cria celui-ci, quand vous n'aurez plus -votre manteau. - --- À une heure donc, derrière le Luxembourg. - --- Très bien, à une heure», répondit d'Artagnan en tournant -l'angle de la rue. - -Mais ni dans la rue qu'il venait de parcourir, ni dans celle qu'il -embrassait maintenant du regard, il ne vit personne. Si doucement -qu'eût marché l'inconnu, il avait gagné du chemin; peut-être aussi -était-il entré dans quelque maison. D'Artagnan s'informa de lui à -tous ceux qu'il rencontra, descendit jusqu'au bac, remonta par la -rue de Seine et la Croix-Rouge; mais rien, absolument rien. -Cependant cette course lui fut profitable en ce sens qu'à mesure -que la sueur inondait son front, son coeur se refroidissait. - -Il se mit alors à réfléchir sur les événements qui venaient de se -passer; ils étaient nombreux et néfastes: il était onze heures du -matin à peine, et déjà la matinée lui avait apporté la disgrâce de -M. de Tréville, qui ne pouvait manquer de trouver un peu cavalière -la façon dont d'Artagnan l'avait quitté. - -En outre, il avait ramassé deux bons duels avec deux hommes -capables de tuer chacun trois d'Artagnan, avec deux mousquetaires -enfin, c'est-à-dire avec deux de ces êtres qu'il estimait si fort -qu'il les mettait, dans sa pensée et dans son coeur, au-dessus de -tous les autres hommes. - -La conjecture était triste. Sûr d'être tué par Athos, on comprend -que le jeune homme ne s'inquiétait pas beaucoup de Porthos. -Pourtant, comme l'espérance est la dernière chose qui s'éteint -dans le coeur de l'homme, il en arriva à espérer qu'il pourrait -survivre, avec des blessures terribles, bien entendu, à ces deux -duels, et, en cas de survivance, il se fit pour l'avenir les -réprimandes suivantes: - -«Quel écervelé je fais, et quel butor je suis! Ce brave et -malheureux Athos était blessé juste à l'épaule contre laquelle je -m'en vais, moi, donner de la tête comme un bélier. La seule chose -qui m'étonne, c'est qu'il ne m'ait pas tué roide; il en avait le -droit, et la douleur que je lui ai causée a dû être atroce. Quant -à Porthos! Oh! quant à Porthos, ma foi, c'est plus drôle.» - -Et malgré lui le jeune homme se mit à rire, tout en regardant -néanmoins si ce rire isolé, et sans cause aux yeux de ceux qui le -voyaient rire, n'allait pas blesser quelque passant. - -«Quant à Porthos, c'est plus drôle; mais je n'en suis pas moins un -misérable étourdi. Se jette-t-on ainsi sur les gens sans dire -gare! non! et va-t-on leur regarder sous le manteau pour y voir ce -qui n'y est pas! Il m'eût pardonné bien certainement; il m'eût -pardonné si je n'eusse pas été lui parler de ce maudit baudrier, à -mots couverts, c'est vrai; oui, couverts joliment! Ah! maudit -Gascon que je suis, je ferais de l'esprit dans la poêle à frire. -Allons, d'Artagnan mon ami, continua-t-il, se parlant à lui-même -avec toute l'aménité qu'il croyait se devoir, si tu en réchappes, -ce qui n'est pas probable, il s'agit d'être à l'avenir d'une -politesse parfaite. Désormais il faut qu'on t'admire, qu'on te -cite comme modèle. Être prévenant et poli, ce n'est pas être -lâche. Regardez plutôt Aramis: Aramis, c'est la douceur, c'est la -grâce en personne. Eh bien, personne s'est-il jamais avisé de dire -qu'Aramis était un lâche? Non, bien certainement, et désormais je -veux en tout point me modeler sur lui. Ah! justement le voici.» - -D'Artagnan, tout en marchant et en monologuant, était arrivé à -quelques pas de l'hôtel d'Aiguillon, et devant cet hôtel il avait -aperçu Aramis causant gaiement avec trois gentilshommes des gardes -du roi. De son côté, Aramis aperçut d'Artagnan; mais comme il -n'oubliait point que c'était devant ce jeune homme que -M. de Tréville s'était si fort emporté le matin, et qu'un témoin -des reproches que les mousquetaires avaient reçus ne lui était -d'aucune façon agréable, il fit semblant de ne pas le voir. -D'Artagnan, tout entier au contraire à ses plans de conciliation -et de courtoisie, s'approcha des quatre jeunes gens en leur -faisant un grand salut accompagné du plus gracieux sourire. Aramis -inclina légèrement la tête, mais ne sourit point. Tous quatre, au -reste, interrompirent à l'instant même leur conversation. - -D'Artagnan n'était pas assez niais pour ne point s'apercevoir -qu'il était de trop; mais il n'était pas encore assez rompu aux -façons du beau monde pour se tirer galamment d'une situation -fausse comme l'est, en général, celle d'un homme qui est venu se -mêler à des gens qu'il connaît à peine et à une conversation qui -ne le regarde pas. Il cherchait donc en lui-même un moyen de faire -sa retraite le moins gauchement possible, lorsqu'il remarqua -qu'Aramis avait laissé tomber son mouchoir et, par mégarde sans -doute, avait mis le pied dessus; le moment lui parut arrivé de -réparer son inconvenance: il se baissa, et de l'air le plus -gracieux qu'il pût trouver, il tira le mouchoir de dessous le pied -du mousquetaire, quelques efforts que celui-ci fît pour le -retenir, et lui dit en le lui remettant: - -«Je crois, monsieur que voici un mouchoir que vous seriez fâché de -perdre.» - -Le mouchoir était en effet richement brodé et portait une couronne -et des armes à l'un de ses coins. Aramis rougit excessivement et -arracha plutôt qu'il ne prit le mouchoir des mains du Gascon. - -«Ah! Ah! s'écria un des gardes, diras-tu encore, discret Aramis, -que tu es mal avec Mme de Bois-Tracy, quand cette gracieuse dame a -l'obligeance de te prêter ses mouchoirs?» - -Aramis lança à d'Artagnan un de ces regards qui font comprendre à -un homme qu'il vient de s'acquérir un ennemi mortel; puis, -reprenant son air doucereux: - -«Vous vous trompez, messieurs, dit-il, ce mouchoir n'est pas à -moi, et je ne sais pourquoi monsieur a eu la fantaisie de me le -remettre plutôt qu'à l'un de vous, et la preuve de ce que je dis, -c'est que voici le mien dans ma poche.» - -À ces mots, il tira son propre mouchoir, mouchoir fort élégant -aussi, et de fine batiste, quoique la batiste fût chère à cette -époque, mais mouchoir sans broderie, sans armes et orné d'un seul -chiffre, celui de son propriétaire. - -Cette fois, d'Artagnan ne souffla pas mot, il avait reconnu sa -bévue; mais les amis d'Aramis ne se laissèrent pas convaincre par -ses dénégations, et l'un d'eux, s'adressant au jeune mousquetaire -avec un sérieux affecté: - -«Si cela était, dit-il, ainsi que tu le prétends, je serais forcé, -mon cher Aramis, de te le redemander; car, comme tu le sais, Bois- -Tracy est de mes intimes, et je ne veux pas qu'on fasse trophée -des effets de sa femme. - --- Tu demandes cela mal, répondit Aramis, et tout en reconnaissant -la justesse de ta réclamation quant au fond, je refuserais à cause -de la forme. - --- Le fait est, hasarda timidement d'Artagnan, que je n'ai pas vu -sortir le mouchoir de la poche de M. Aramis. Il avait le pied -dessus, voilà tout, et j'ai pensé que, puisqu'il avait le pied -dessus, le mouchoir était à lui. - --- Et vous vous êtes trompé, mon cher monsieur», répondit -froidement Aramis, peu sensible à la réparation. - -Puis, se retournant vers celui des gardes qui s'était déclaré -l'ami de Bois-Tracy: - -«D'ailleurs, continua-t-il, je réfléchis, mon cher intime de Bois- -Tracy, que je suis son ami non moins tendre que tu peux l'être -toi-même; de sorte qu'à la rigueur ce mouchoir peut aussi bien -être sorti de ta poche que de la mienne. - --- Non, sur mon honneur! s'écria le garde de Sa Majesté. - --- Tu vas jurer sur ton honneur et moi sur ma parole et alors il y -aura évidemment un de nous deux qui mentira. Tiens, faisons mieux, -Montaran, prenons-en chacun la moitié. - --- Du mouchoir? - --- Oui. - --- Parfaitement, s'écrièrent les deux autres gardes, le jugement -du roi Salomon. Décidément, Aramis, tu es plein de sagesse.» - -Les jeunes gens éclatèrent de rire, et comme on le pense bien, -l'affaire n'eut pas d'autre suite. Au bout d'un instant, la -conversation cessa, et les trois gardes et le mousquetaire, après -s'être cordialement serré la main, tirèrent, les trois gardes de -leur côté et Aramis du sien. - -«Voilà le moment de faire ma paix avec ce galant homme», se dit à -part lui d'Artagnan, qui s'était tenu un peu à l'écart pendant -toute la dernière partie de cette conversation. Et, sur ce bon -sentiment, se rapprochant d'Aramis, qui s'éloignait sans faire -autrement attention à lui: - -«Monsieur, lui dit-il, vous m'excuserez, je l'espère. - --- Ah! monsieur, interrompit Aramis, permettez-moi de vous faire -observer que vous n'avez point agi en cette circonstance comme un -galant homme le devait faire. - --- Quoi, monsieur! s'écria d'Artagnan, vous supposez... - --- Je suppose, monsieur, que vous n'êtes pas un sot, et que vous -savez bien, quoique arrivant de Gascogne, qu'on ne marche pas sans -cause sur les mouchoirs de poche. Que diable! Paris n'est point -pavé en batiste. - --- Monsieur, vous avez tort de chercher à m'humilier, dit -d'Artagnan, chez qui le naturel querelleur commençait à parler -plus haut que les résolutions pacifiques. Je suis de Gascogne, -c'est vrai, et puisque vous le savez, je n'aurai pas besoin de -vous dire que les Gascons sont peu endurants; de sorte que, -lorsqu'ils se sont excusés une fois, fût-ce d'une sottise, ils -sont convaincus qu'ils ont déjà fait moitié plus qu'ils ne -devaient faire. - --- Monsieur, ce que je vous en dis, répondit Aramis, n'est point -pour vous chercher une querelle. Dieu merci! je ne suis pas un -spadassin, et n'étant mousquetaire que par intérim, je ne me bats -que lorsque j'y suis forcé, et toujours avec une grande -répugnance; mais cette fois l'affaire est grave, car voici une -dame compromise par vous. - --- Par nous, c'est-à-dire, s'écria d'Artagnan. - --- Pourquoi avez-vous eu la maladresse de me rendre le mouchoir? - --- Pourquoi avez-vous eu celle de le laisser tomber? - --- J'ai dit et je répète, monsieur, que ce mouchoir n'est point -sorti de ma poche. - --- Eh bien, vous en avez menti deux fois, monsieur, car je l'en ai -vu sortir, moi! - --- Ah! vous le prenez sur ce ton, monsieur le Gascon! eh bien, je -vous apprendrai à vivre. - --- Et moi je vous renverrai à votre messe, monsieur l'abbé! -Dégainez, s'il vous plaît, et à l'instant même. - --- Non pas, s'il vous plaît, mon bel ami; non, pas ici, du moins. -Ne voyez-vous pas que nous sommes en face de l'hôtel d'Aiguillon, -lequel est plein de créatures du cardinal? Qui me dit que ce n'est -pas Son Éminence qui vous a chargé de lui procurer ma tête? Or j'y -tiens ridiculement, à ma tête, attendu qu'elle me semble aller -assez correctement à mes épaules. Je veux donc vous tuer, soyez -tranquille, mais vous tuer tout doucement, dans un endroit clos et -couvert, là où vous ne puissiez vous vanter de votre mort à -personne. - --- Je le veux bien, mais ne vous y fiez pas, et emportez votre -mouchoir, qu'il vous appartienne ou non; peut-être aurez-vous -l'occasion de vous en servir. - --- Monsieur est Gascon? demanda Aramis. - --- Oui. Monsieur ne remet pas un rendez-vous par prudence? - --- La prudence, monsieur, est une vertu assez inutile aux -mousquetaires, je le sais, mais indispensable aux gens d'Église, -et comme je ne suis mousquetaire que provisoirement, je tiens à -rester prudent. À deux heures, j'aurai l'honneur de vous attendre -à l'hôtel de M. de Tréville. Là je vous indiquerai les bons -endroits.» - -Les deux jeunes gens se saluèrent, puis Aramis s'éloigna en -remontant la rue qui remontait au Luxembourg, tandis que -d'Artagnan, voyant que l'heure s'avançait, prenait le chemin des -Carmes-Deschaux, tout en disant à part soi: - -«Décidément, je n'en puis pas revenir; mais au moins, si je suis -tué, je serai tué par un mousquetaire.» - - -CHAPITRE V -LES MOUSQUETAIRES DU ROI ET LES GARDES DE M. LE CARDINAL - -D'Artagnan ne connaissait personne à Paris. Il alla donc au -rendez-vous d'Athos sans amener de second, résolu de se contenter -de ceux qu'aurait choisis son adversaire. D'ailleurs son intention -était formelle de faire au brave mousquetaire toutes les excuses -convenables, mais sans faiblesse, craignant qu'il ne résultât de -ce duel ce qui résulte toujours de fâcheux, dans une affaire de ce -genre, quand un homme jeune et vigoureux se bat contre un -adversaire blessé et affaibli: vaincu, il double le triomphe de -son antagoniste; vainqueur, il est accusé de forfaiture et de -facile audace. - -Au reste, ou nous avons mal exposé le caractère de notre chercheur -d'aventures, ou notre lecteur a déjà dû remarquer que d'Artagnan -n'était point un homme ordinaire. Aussi, tout en se répétant à -lui-même que sa mort était inévitable, il ne se résigna point à -mourir tout doucettement, comme un autre moins courageux et moins -modéré que lui eût fait à sa place. Il réfléchit aux différents -caractères de ceux avec lesquels il allait se battre, et commença -à voir plus clair dans sa situation. Il espérait, grâce aux -excuses loyales qu'il lui réservait, se faire un ami d'Athos, dont -l'air grand seigneur et la mine austère lui agréaient fort. Il se -flattait de faire peur à Porthos avec l'aventure du baudrier, -qu'il pouvait, s'il n'était pas tué sur le coup, raconter à tout -le monde, récit qui, poussé adroitement à l'effet, devait couvrir -Porthos de ridicule; enfin, quant au sournois Aramis, il n'en -avait pas très grand-peur, et en supposant qu'il arrivât jusqu'à -lui, il se chargeait de l'expédier bel et bien, ou du moins en le -frappant au visage, comme César avait recommandé de faire aux -soldats de Pompée, d'endommager à tout jamais cette beauté dont il -était si fier. - -Ensuite il y avait chez d'Artagnan ce fonds inébranlable de -résolution qu'avaient déposé dans son coeur les conseils de son -père, conseils dont la substance était: «Ne rien souffrir de -personne que du roi, du cardinal et de M. de Tréville.» Il vola -donc plutôt qu'il ne marcha vers le couvent des Carmes Déchaussés, -ou plutôt Deschaux, comme on disait à cette époque, sorte de -bâtiment sans fenêtres, bordé de prés arides, succursale du Pré- -aux-Clercs, et qui servait d'ordinaire aux rencontres des gens qui -n'avaient pas de temps à perdre. - -Lorsque d'Artagnan arriva en vue du petit terrain vague qui -s'étendait au pied de ce monastère, Athos attendait depuis cinq -minutes seulement, et midi sonnait. Il était donc ponctuel comme -la Samaritaine, et le plus rigoureux casuiste à l'égard des duels -n'avait rien a dire. - -Athos, qui souffrait toujours cruellement de sa blessure, -quoiqu'elle eût été pansée à neuf par le chirurgien de -M. de Tréville, s'était assis sur une borne et attendait son -adversaire avec cette contenance paisible et cet air digne qui ne -l'abandonnaient jamais. À l'aspect de d'Artagnan, il se leva et -fit poliment quelques pas au-devant de lui. Celui-ci, de son côté, -n'aborda son adversaire que le chapeau à la main et sa plume -traînant jusqu'à terre. - -«Monsieur, dit Athos, j'ai fait prévenir deux de mes amis qui me -serviront de seconds, mais ces deux amis ne sont point encore -arrivés. Je m'étonne qu'ils tardent: ce n'est pas leur habitude. - --- Je n'ai pas de seconds, moi, monsieur, dit d'Artagnan, car -arrivé d'hier seulement à Paris, je n'y connais encore personne -que M. de Tréville, auquel j'ai été recommandé par mon père qui a -l'honneur d'être quelque peu de ses amis.» - -Athos réfléchit un instant. - -«Vous ne connaissez que M. de Tréville? demanda-t-il. - --- Oui, monsieur, je ne connais que lui. - --- Ah çà, mais..., continua Athos parlant moitié à lui-même, -moitié à d'Artagnan, ah... çà, mais si je vous tue, j'aurai l'air -d'un mangeur d'enfants, moi! - --- Pas trop, monsieur, répondit d'Artagnan avec un salut qui ne -manquait pas de dignité; pas trop, puisque vous me faites -l'honneur de tirer l'épée contre moi avec une blessure dont vous -devez être fort incommodé. - --- Très incommodé, sur ma parole, et vous m'avez fait un mal du -diable, je dois le dire; mais je prendrai la main gauche, c'est -mon habitude en pareille circonstance. Ne croyez donc pas que je -vous fasse une grâce, je tire proprement des deux mains; et il y -aura même désavantage pour vous: un gaucher est très gênant pour -les gens qui ne sont pas prévenus. Je regrette de ne pas vous -avoir fait part plus tôt de cette circonstance. - --- Vous êtes vraiment, monsieur, dit d'Artagnan en s'inclinant de -nouveau, d'une courtoisie dont je vous suis on ne peut plus -reconnaissant. - --- Vous me rendez confus, répondit Athos avec son air de -gentilhomme; causons donc d'autre chose, je vous prie, à moins que -cela ne vous soit désagréable. Ah! sangbleu! que vous m'avez fait -mal! l'épaule me brûle. - --- Si vous vouliez permettre..., dit d'Artagnan avec timidité. - --- Quoi, monsieur? - --- J'ai un baume miraculeux pour les blessures, un baume qui me -vient de ma mère, et dont j'ai fait l'épreuve sur moi-même. - --- Eh bien? - --- Eh bien, je suis sûr qu'en moins de trois jours ce baume vous -guérirait, et au bout de trois jours, quand vous seriez guéri: eh -bien, monsieur, ce me serait toujours un grand honneur d'être -votre homme.» - -D'Artagnan dit ces mots avec une simplicité qui faisait honneur à -sa courtoisie, sans porter aucunement atteinte à son courage. - -«Pardieu, monsieur, dit Athos, voici une proposition qui me plaît, -non pas que je l'accepte, mais elle sent son gentilhomme d'une -lieue. C'est ainsi que parlaient et faisaient ces preux du temps -de Charlemagne, sur lesquels tout cavalier doit chercher à se -modeler. Malheureusement, nous ne sommes plus au temps du grand -empereur. Nous sommes au temps de M. le cardinal, et d'ici à trois -jours on saurait, si bien gardé que soit le secret, on saurait, -dis-je, que nous devons nous battre, et l'on s'opposerait à notre -combat. Ah çà, mais! ces flâneurs ne viendront donc pas? - --- Si vous êtes pressé, monsieur, dit d'Artagnan à Athos avec la -même simplicité qu'un instant auparavant il lui avait proposé de -remettre le duel à trois jours, si vous êtes pressé et qu'il vous -plaise de m'expédier tout de suite, ne vous gênez pas, je vous en -prie. - --- Voilà encore un mot qui me plaît, dit Athos en faisant un -gracieux signe de tête à d'Artagnan, il n'est point d'un homme -sans cervelle, et il est à coup sûr d'un homme de coeur. Monsieur, -j'aime les hommes de votre trempe, et je vois que si nous ne nous -tuons pas l'un l'autre, j'aurai plus tard un vrai plaisir dans -votre conversation. Attendons ces messieurs, je vous prie, j'ai -tout le temps, et cela sera plus correct. Ah! en voici un, je -crois.» - -En effet, au bout de la rue de Vaugirard commençait à apparaître -le gigantesque Porthos. - -«Quoi! s'écria d'Artagnan, votre premier témoin est M. Porthos? - --- Oui, cela vous contrarie-t-il? - --- Non, aucunement. - --- Et voici le second.» - -D'Artagnan se retourna du côté indiqué par Athos, et reconnut -Aramis. - -«Quoi! s'écria-t-il d'un accent plus étonné que la première fois, -votre second témoin est M. Aramis? - --- Sans doute, ne savez-vous pas qu'on ne nous voit jamais l'un -sans l'autre, et qu'on nous appelle, dans les mousquetaires et -dans les gardes, à la cour et à la ville, Athos, Porthos et Aramis -ou les trois inséparables? Après cela, comme vous arrivez de Dax -ou de Pau... - --- De Tarbes, dit d'Artagnan. - ---... Il vous est permis d'ignorer ce détail, dit Athos. - --- Ma foi, dit d'Artagnan, vous êtes bien nommés, messieurs, et -mon aventure, si elle fait quelque bruit, prouvera du moins que -votre union n'est point fondée sur les contrastes.» - -Pendant ce temps, Porthos s'était rapproché, avait salué de la -main Athos; puis, se retournant vers d'Artagnan, il était resté -tout étonné. - -Disons, en passant, qu'il avait changé de baudrier et quitté son -manteau. - -«Ah! ah! fit-il, qu'est-ce que cela? - --- C'est avec monsieur que je me bats, dit Athos en montrant de la -main d'Artagnan, et en le saluant du même geste. - --- C'est avec lui que je me bats aussi, dit Porthos. - --- Mais à une heure seulement, répondit d'Artagnan. - --- Et moi aussi, c'est avec monsieur que je me bats, dit Aramis en -arrivant à son tour sur le terrain. - --- Mais à deux heures seulement, fit d'Artagnan avec le même -calme. - --- Mais à propos de quoi te bats-tu, toi, Athos? demanda Aramis. - --- Ma foi, je ne sais pas trop, il m'a fait mal à l'épaule; et -toi, Porthos? - --- Ma foi, je me bats parce que je me bats», répondit Porthos en -rougissant. - -Athos, qui ne perdait rien, vit passer un fin sourire sur les -lèvres du Gascon. - -«Nous avons eu une discussion sur la toilette, dit le jeune homme. - --- Et toi, Aramis? demanda Athos. - --- Moi, je me bats pour cause de théologie», répondit Aramis tout -en faisant signe à d'Artagnan qu'il le priait de tenir secrète la -cause de son duel. - -Athos vit passer un second sourire sur les lèvres de d'Artagnan. - -«Vraiment, dit Athos. - --- Oui, un point de saint Augustin sur lequel nous ne sommes pas -d'accord, dit le Gascon. - --- Décidément c'est un homme d'esprit, murmura Athos. - --- Et maintenant que vous êtes rassemblés, messieurs, dit -d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses.» - -À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un -sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe -négatif fut la réponse d'Aramis. - -«Vous ne me comprenez pas, messieurs, dit d'Artagnan en relevant -sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui -en dorait les lignes fines et hardies: je vous demande excuse dans -le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois, car -M. Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de -sa valeur à votre créance, monsieur Porthos, et ce qui rend la -vôtre à peu près nulle, monsieur Aramis. Et maintenant, messieurs, -je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en -garde!» - -À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, -d'Artagnan tira son épée. - -Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il -eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme -il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis. - -Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith et -l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait -exposé à toute son ardeur. - -«Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et -cependant je ne saurais ôter mon pourpoint; car, tout à l'heure -encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de -gêner monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré -lui-même. - --- C'est vrai, monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou -par moi, je vous assure que je verrai toujours avec bien du regret -le sang d'un aussi brave gentilhomme; je me battrai donc en -pourpoint comme vous. - --- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, -et songez que nous attendons notre tour. - --- Parlez pour vous seul, Porthos, quand vous aurez à dire de -pareilles incongruités, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve -les choses que ces messieurs se disent fort bien dites et tout à -fait dignes de deux gentilshommes. - --- Quand vous voudrez, monsieur, dit Athos en se mettant en garde. - --- J'attendais vos ordres», dit d'Artagnan en croisant le fer. - -Mais les deux rapières avaient à peine résonné en se touchant, -qu'une escouade des gardes de Son Éminence, commandée par -M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent. - -«Les gardes du cardinal! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. -L'épée au fourreau, messieurs! l'épée au fourreau! - -Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans -une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions. - -«Holà! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à -ses hommes d'en faire autant, holà! mousquetaires, on se bat donc -ici? Et les édits, qu'en faisons-nous? - --- Vous êtes bien généreux, messieurs les gardes, dit Athos plein -de rancune, car Jussac était l'un des agresseurs de l'avant- -veille. Si nous vous voyions battre, je vous réponds, moi, que -nous nous garderions bien de vous en empêcher. Laissez-nous donc -faire, et vous allez avoir du plaisir sans prendre aucune peine. - --- Messieurs, dit Jussac, c'est avec grand regret que je vous -déclare que la chose est impossible. Notre devoir avant tout. -Rengainez donc, s'il vous plaît, et nous suivez. - --- Monsieur, dit Aramis parodiant Jussac, ce serait avec un grand -plaisir que nous obéirions à votre gracieuse invitation, si cela -dépendait de nous; mais malheureusement la chose est impossible: -M. de Tréville nous l'a défendu. Passez donc votre chemin, c'est -ce que vous avez de mieux à faire.» - -Cette raillerie exaspéra Jussac. - -«Nous vous chargerons donc, dit-il, si vous désobéissez. - --- Ils sont cinq, dit Athos à demi-voix, et nous ne sommes que -trois; nous serons encore battus, et il nous faudra mourir ici, -car je le déclare, je ne reparais pas vaincu devant le capitaine.» - -Alors Porthos et Aramis se rapprochèrent à l'instant les uns des -autres, pendant que Jussac alignait ses soldats. - -Ce seul moment suffit à d'Artagnan pour prendre son parti: c'était -là un de ces événements qui décident de la vie d'un homme, c'était -un choix à faire entre le roi et le cardinal; ce choix fait, il -allait y persévérer. Se battre, c'est-à-dire désobéir à la loi, -c'est-à-dire risquer sa tête, c'est-à-dire se faire d'un seul coup -l'ennemi d'un ministre plus puissant que le roi lui-même: voilà ce -qu'entrevit le jeune homme, et, disons-le à sa louange, il -n'hésita point une seconde. Se tournant donc vers Athos et ses -amis: - -«Messieurs, dit-il, je reprendrai, s'il vous plaît, quelque chose -à vos paroles. Vous avez dit que vous n'étiez que trois, mais il -me semble, à moi, que nous sommes quatre. - --- Mais vous n'êtes pas des nôtres, dit Porthos. - --- C'est vrai, répondit d'Artagnan; je n'ai pas l'habit, mais j'ai -l'âme. Mon coeur est mousquetaire, je le sens bien, monsieur, et -cela m'entraîne. - --- Écartez-vous, jeune homme, cria Jussac, qui sans doute à ses -gestes et à l'expression de son visage avait deviné le dessein de -d'Artagnan. Vous pouvez vous retirer, nous y consentons. Sauvez -votre peau; allez vite.» - -D'Artagnan ne bougea point. - -«Décidément vous êtes un joli garçon, dit Athos en serrant la main -du jeune homme. - --- Allons! allons! prenons un parti, reprit Jussac. - --- Voyons, dirent Porthos et Aramis, faisons quelque chose. - --- Monsieur est plein de générosité», dit Athos. - -Mais tous trois pensaient à la jeunesse de d'Artagnan et -redoutaient son inexpérience. - -«Nous ne serons que trois, dont un blessé, plus un enfant, reprit -Athos, et l'on n'en dira pas moins que nous étions quatre hommes. - --- Oui, mais reculer! dit Porthos. - --- C'est difficile», reprit Athos. - -D'Artagnan comprit leur irrésolution. - -«Messieurs, essayez-moi toujours, dit-il, et je vous jure sur -l'honneur que je ne veux pas m'en aller d'ici si nous sommes -vaincus. - --- Comment vous appelle-t-on, mon brave? dit Athos. - --- D'Artagnan, monsieur. - --- Eh bien, Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan, en avant! cria -Athos. - --- Eh bien, voyons, messieurs, vous décidez-vous à vous décider? -cria pour la troisième fois Jussac. - --- C'est fait, messieurs, dit Athos. - --- Et quel parti prenez-vous? demanda Jussac. - -Nous allons avoir l'honneur de vous charger, répondit Aramis en -levant son chapeau d'une main et tirant son épée de l'autre. - --- Ah! vous résistez! s'écria Jussac. - --- Sangdieu! cela vous étonne?» - -Et les neuf combattants se précipitèrent les uns sur les autres -avec une furie qui n'excluait pas une certaine méthode. - -Athos prit un certain Cahusac, favori du cardinal; Porthos eut -Biscarat, et Aramis se vit en face de deux adversaires. - -Quant à d'Artagnan, il se trouva lancé contre Jussac lui-même. - -Le coeur du jeune Gascon battait à lui briser la poitrine, non pas -de peur, Dieu merci! il n'en avait pas l'ombre, mais d'émulation; -il se battait comme un tigre en fureur, tournant dix fois autour -de son adversaire, changeant vingt fois ses gardes et son terrain. -Jussac était, comme on le disait alors, friand de la lame, et -avait fort pratiqué; cependant il avait toutes les peines du monde -à se défendre contre un adversaire qui, agile et bondissant, -s'écartait à tout moment des règles reçues, attaquant de tous -côtés à la fois, et tout cela en parant en homme qui a le plus -grand respect pour son épiderme. - -Enfin cette lutte finit par faire perdre patience à Jussac. -Furieux d'être tenu en échec par celui qu'il avait regardé comme -un enfant, il s'échauffa et commença à faire des fautes. -D'Artagnan, qui, à défaut de la pratique, avait une profonde -théorie, redoubla d'agilité. Jussac, voulant en finir, porta un -coup terrible à son adversaire en se fendant à fond; mais celui-ci -para prime, et tandis que Jussac se relevait, se glissant comme un -serpent sous son fer, il lui passa son épée au travers du corps. -Jussac tomba comme une masse. - -D'Artagnan jeta alors un coup d'oeil inquiet et rapide sur le -champ de bataille. - -Aramis avait déjà tué un de ses adversaires; mais l'autre le -pressait vivement. Cependant Aramis était en bonne situation et -pouvait encore se défendre. - -Biscarat et Porthos venaient de faire coup fourré: Porthos avait -reçu un coup d'épée au travers du bras, et Biscarat au travers de -la cuisse. Mais comme ni l'une ni l'autre des deux blessures -n'était grave, ils ne s'en escrimaient qu'avec plus d'acharnement. - -Athos, blessé de nouveau par Cahusac, pâlissait à vue d'oeil, mais -il ne reculait pas d'une semelle: il avait seulement changé son -épée de main, et se battait de la main gauche. - -D'Artagnan, selon les lois du duel de cette époque, pouvait -secourir quelqu'un; pendant qu'il cherchait du regard celui de ses -compagnons qui avait besoin de son aide, il surprit un coup d'oeil -d'Athos. Ce coup d'oeil était d'une éloquence sublime. Athos -serait mort plutôt que d'appeler au secours; mais il pouvait -regarder, et du regard demander un appui. D'Artagnan le devina, -fit un bond terrible et tomba sur le flanc de Cahusac en criant: - -«À moi, monsieur le garde, je vous tue!» - -Cahusac se retourna; il était temps. Athos, que son extrême -courage soutenait seul, tomba sur un genou. - -«Sangdieu! criait-il à d'Artagnan, ne le tuez pas, jeune homme, je -vous en prie; j'ai une vieille affaire à terminer avec lui, quand -je serai guéri et bien portant. Désarmez-le seulement, liez-lui -l'épée. C'est cela. Bien! très bien!» - -Cette exclamation était arrachée à Athos par l'épée de Cahusac qui -sautait à vingt pas de lui. D'Artagnan et Cahusac s'élancèrent -ensemble, l'un pour la ressaisir, l'autre pour s'en emparer; mais -d'Artagnan, plus leste, arriva le premier et mit le pied dessus. - -Cahusac courut à celui des gardes qu'avait tué Aramis, s'empara de -sa rapière, et voulut revenir à d'Artagnan; mais sur son chemin il -rencontra Athos, qui, pendant cette pause d'un instant que lui -avait procurée d'Artagnan, avait repris haleine, et qui, de -crainte que d'Artagnan ne lui tuât son ennemi, voulait recommencer -le combat. - -D'Artagnan comprit que ce serait désobliger Athos que de ne pas le -laisser faire. En effet, quelques secondes après, Cahusac tomba la -gorge traversée d'un coup d'épée. - -Au même instant, Aramis appuyait son épée contre la poitrine de -son adversaire renversé, et le forçait à demander merci. - -Restaient Porthos et Biscarat. Porthos faisait mille -fanfaronnades, demandant à Biscarat quelle heure il pouvait bien -être, et lui faisait ses compliments sur la compagnie que venait -d'obtenir son frère dans le régiment de Navarre; mais tout en -raillant, il ne gagnait rien. Biscarat était un de ces hommes de -fer qui ne tombent que morts. - -Cependant il fallait en finir. Le guet pouvait arriver et prendre -tous les combattants, blessés ou non, royalistes ou cardinalistes. -Athos, Aramis et d'Artagnan entourèrent Biscarat et le sommèrent -de se rendre. Quoique seul contre tous, et avec un coup d'épée qui -lui traversait la cuisse, Biscarat voulait tenir; mais Jussac, qui -s'était élevé sur son coude, lui cria de se rendre. Biscarat était -un Gascon comme d'Artagnan; il fit la sourde oreille et se -contenta de rire, et entre deux parades, trouvant le temps de -désigner, du bout de son épée, une place à terre: - -«Ici, dit-il, parodiant un verset de la Bible, ici mourra -Biscarat, seul de ceux qui sont avec lui. - --- Mais ils sont quatre contre toi; finis-en, je te l'ordonne. - --- Ah! si tu l'ordonnes, c'est autre chose, dit Biscarat, comme tu -es mon brigadier, je dois obéir.» - -Et, faisant un bond en arrière, il cassa son épée sur son genou -pour ne pas la rendre, en jeta les morceaux pardessus le mur du -couvent et se croisa les bras en sifflant un air cardinaliste. - -La bravoure est toujours respectée, même dans un ennemi. Les -mousquetaires saluèrent Biscarat de leurs épées et les remirent au -fourreau. D'Artagnan en fit autant, puis, aidé de Biscarat, le -seul qui fut resté debout, il porta sous le porche du couvent -Jussac, Cahusac et celui des adversaires d'Aramis qui n'était que -blessé. Le quatrième, comme nous l'avons dit, était mort. Puis ils -sonnèrent la cloche, et, emportant quatre épées sur cinq, ils -s'acheminèrent ivres de joie vers l'hôtel de M. de Tréville. On -les voyait entrelacés, tenant toute la largeur de la rue, et -accostant chaque mousquetaire qu'ils rencontraient, si bien qu'à -la fin ce fut une marche triomphale. Le coeur de d'Artagnan -nageait dans l'ivresse, il marchait entre Athos et Porthos en les -étreignant tendrement. - -«Si je ne suis pas encore mousquetaire, dit-il à ses nouveaux amis -en franchissant la porte de l'hôtel de M. de Tréville, au moins me -voilà reçu apprenti, n'est-ce pas?» - - -CHAPITRE VI -SA MAJESTÉ LE ROI LOUIS TREIZIÈME - -L'affaire fit grand bruit. M. de Tréville gronda beaucoup tout -haut contre ses mousquetaires, et les félicita tout bas; mais -comme il n'y avait pas de temps à perdre pour prévenir le roi, -M. de Tréville s'empressa de se rendre au Louvre. Il était déjà -trop tard, le roi était enfermé avec le cardinal, et l'on dit à -M. de Tréville que le roi travaillait et ne pouvait recevoir en ce -moment. Le soir, M. de Tréville vint au jeu du roi. Le roi -gagnait, et comme Sa Majesté était fort avare, elle était -d'excellente humeur; aussi, du plus loin que le roi aperçut -Tréville: - -«Venez ici, monsieur le capitaine, dit-il, venez que je vous -gronde; savez-vous que Son Éminence est venue me faire des -plaintes sur vos mousquetaires, et cela avec une telle émotion, -que ce soir Son Éminence en est malade? Ah çà, mais ce sont des -diables à quatre, des gens à pendre, que vos mousquetaires! - --- Non, Sire, répondit Tréville, qui vit du premier coup d'oeil -comment la chose allait tourner; non, tout au contraire, ce sont -de bonnes créatures, douces comme des agneaux, et qui n'ont qu'un -désir, je m'en ferais garant: c'est que leur épée ne sorte du -fourreau que pour le service de Votre Majesté. Mais, que voulez- -vous, les gardes de M. le cardinal sont sans cesse à leur chercher -querelle, et, pour l'honneur même du corps, les pauvres jeunes -gens sont obligés de se défendre. - --- Écoutez M. de Tréville! dit le roi, écoutez-le! ne dirait-on -pas qu'il parle d'une communauté religieuse! En vérité, mon cher -capitaine, j'ai envie de vous ôter votre brevet et de le donner à -Mlle de Chémerault, à laquelle j'ai promis une abbaye. Mais ne -pensez pas que je vous croirai ainsi sur parole. On m'appelle -Louis le Juste, monsieur de Tréville, et tout à l'heure, tout à -l'heure nous verrons. - --- Ah! c'est parce que je me fie à cette justice, Sire, que -j'attendrai patiemment et tranquillement le bon plaisir de -Votre Majesté. - --- Attendez donc, monsieur, attendez donc, dit le roi, je ne vous -ferai pas longtemps attendre.» - -En effet, la chance tournait, et comme le roi commençait à perdre -ce qu'il avait gagné, il n'était pas fâché de trouver un prétexte -pour faire -- qu'on nous passe cette expression de joueur, dont, -nous l'avouons, nous ne connaissons pas l'origine --, pour faire -charlemagne. Le roi se leva donc au bout d'un instant, et mettant -dans sa poche l'argent qui était devant lui et dont la majeure -partie venait de son gain: - -«La Vieuville, dit-il, prenez ma place, il faut que je parle à -M. de Tréville pour affaire d'importance. Ah!... j'avais quatre- -vingts louis devant moi; mettez la même somme, afin que ceux qui -ont perdu n'aient point à se plaindre. La justice avant tout.» - -Puis, se retournant vers M. de Tréville et marchant avec lui vers -l'embrasure d'une fenêtre: - -«Eh bien, monsieur, continua-t-il, vous dites que ce sont les -gardes de l'Éminentissime qui ont été chercher querelle à vos -mousquetaires? - --- Oui, Sire, comme toujours. - --- Et comment la chose est-elle venue, voyons? car, vous le savez, -mon cher capitaine, il faut qu'un juge écoute les deux parties. - --- Ah! mon Dieu! de la façon la plus simple et la plus naturelle. -Trois de mes meilleurs soldats, que Votre Majesté connaît de nom -et dont elle a plus d'une fois apprécié le dévouement, et qui ont, -je puis l'affirmer au roi, son service fort à coeur; -- trois de -mes meilleurs soldats, dis-je, MM. Athos, Porthos et Aramis, -avaient fait une partie de plaisir avec un jeune cadet de Gascogne -que je leur avais recommandé le matin même. La partie allait avoir -lieu à Saint-Germain, je crois, et ils s'étaient donné rendez-vous -aux Carmes-Deschaux, lorsqu'elle fut troublée par M. de Jussac et -MM. Cahusac, Biscarat, et deux autres gardes qui ne venaient -certes pas là en si nombreuse compagnie sans mauvaise intention -contre les édits. - --- Ah! ah! vous m'y faites penser, dit le roi: sans doute, ils -venaient pour se battre eux-mêmes. - --- Je ne les accuse pas, Sire, mais je laisse Votre Majesté -apprécier ce que peuvent aller faire cinq hommes armés dans un -lieu aussi désert que le sont les environs du couvent des Carmes. - --- Oui, vous avez raison, Tréville, vous avez raison. - --- Alors, quand ils ont vu mes mousquetaires, ils ont changé -d'idée et ils ont oublié leur haine particulière pour la haine de -corps; car Votre Majesté n'ignore pas que les mousquetaires, qui -sont au roi et rien qu'au roi, sont les ennemis naturels des -gardes, qui sont à M. le cardinal. - --- Oui, Tréville, oui, dit le roi mélancoliquement, et c'est bien -triste, croyez-moi, de voir ainsi deux partis en France, deux -têtes à la royauté; mais tout cela finira, Tréville, tout cela -finira. Vous dites donc que les gardes ont cherché querelle aux -mousquetaires? - --- Je dis qu'il est probable que les choses se sont passées ainsi, -mais je n'en jure pas, Sire. Vous savez combien la vérité est -difficile à connaître, et à moins d'être doué de cet instinct -admirable qui a fait nommer Louis XIII le Juste... - --- Et vous avez raison, Tréville; mais ils n'étaient pas seuls, -vos mousquetaires, il y avait avec eux un enfant? - --- Oui, Sire, et un homme blessé, de sorte que trois mousquetaires -du roi, dont un blessé, et un enfant, non seulement ont tenu tête -à cinq des plus terribles gardes de M. le cardinal, mais encore en -ont porté quatre à terre. - --- Mais c'est une victoire, cela! s'écria le roi tout rayonnant; -une victoire complète! - --- Oui, Sire, aussi complète que celle du pont de Cé. - --- Quatre hommes, dont un blessé, et un enfant, dites-vous? - --- Un jeune homme à peine; lequel s'est même si parfaitement -conduit en cette occasion, que je prendrai la liberté de le -recommander à Votre Majesté. - --- Comment s'appelle-t-il? - --- D'Artagnan, Sire. C'est le fils d'un de mes plus anciens amis; -le fils d'un homme qui a fait avec le roi votre père, de glorieuse -mémoire, la guerre de partisan. - --- Et vous dites qu'il s'est bien conduit, ce jeune homme? -Racontez-moi cela, Tréville; vous savez que j'aime les récits de -guerre et de combat.» - -Et le roi Louis XIII releva fièrement sa moustache en se posant -sur la hanche. - -«Sire, reprit Tréville, comme je vous l'ai dit M. d'Artagnan est -presque un enfant, et comme il n'a pas l'honneur d'être -mousquetaire, il était en habit bourgeois; les gardes de M. le -cardinal, reconnaissant sa grande jeunesse et, de plus, qu'il -était étranger au corps, l'invitèrent donc à se retirer avant -qu'ils attaquassent. - --- Alors, vous voyez bien, Tréville, interrompit le roi, que ce -sont eux qui ont attaqué. - --- C'est juste, Sire: ainsi, plus de doute; ils le sommèrent donc -de se retirer; mais il répondit qu'il était mousquetaire de coeur -et tout à Sa Majesté, qu'ainsi donc il resterait avec messieurs -les mousquetaires. - --- Brave jeune homme! murmura le roi. - --- En effet, il demeura avec eux; et Votre Majesté a là un si -ferme champion, que ce fut lui qui donna à Jussac ce terrible coup -d'épée qui met si fort en colère M. le cardinal. - --- C'est lui qui a blessé Jussac? s'écria le roi; lui, un enfant! -Ceci, Tréville, c'est impossible. - --- C'est comme j'ai l'honneur de le dire à Votre Majesté. - --- Jussac, une des premières lames du royaume! - --- Eh bien, Sire! il a trouvé son maître. - --- Je veux voir ce jeune homme, Tréville, je veux le voir, et si -l'on peut faire quelque chose, eh bien, nous nous en occuperons. - --- Quand Votre Majesté daignera-t-elle le recevoir? - --- Demain à midi, Tréville. - --- L'amènerai-je seul? - --- Non, amenez-les-moi tous les quatre ensemble. Je veux les -remercier tous à la fois; les hommes dévoués sont rares, Tréville, -et il faut récompenser le dévouement. - --- À midi, Sire, nous serons au Louvre. - --- Ah! par le petit escalier, Tréville, par le petit escalier. Il -est inutile que le cardinal sache... - --- Oui, Sire. - --- Vous comprenez, Tréville, un édit est toujours un édit; il est -défendu de se battre, au bout du compte. - --- Mais cette rencontre, Sire, sort tout à fait des conditions -ordinaires d'un duel: c'est une rixe, et la preuve, c'est qu'ils -étaient cinq gardes du cardinal contre mes trois mousquetaires et -M. d'Artagnan. - --- C'est juste, dit le roi; mais n'importe, Tréville, venez -toujours par le petit escalier.» - -Tréville sourit. Mais comme c'était déjà beaucoup pour lui d'avoir -obtenu de cet enfant qu'il se révoltât contre son maître, il salua -respectueusement le roi, et avec son agrément prit congé de lui. - -Dès le soir même, les trois mousquetaires furent prévenus de -l'honneur qui leur était accordé. Comme ils connaissaient depuis -longtemps le roi, ils n'en furent pas trop échauffés: mais -d'Artagnan, avec son imagination gasconne, y vit sa fortune à -venir, et passa la nuit à faire des rêves d'or. Aussi, dès huit -heures du matin, était-il chez Athos. - -D'Artagnan trouva le mousquetaire tout habillé et prêt à sortir. -Comme on n'avait rendez-vous chez le roi qu'à midi, il avait formé -le projet, avec Porthos et Aramis, d'aller faire une partie de -paume dans un tripot situé tout près des écuries du Luxembourg. -Athos invita d'Artagnan à les suivre, et malgré son ignorance de -ce jeu, auquel il n'avait jamais joué, celui-ci accepta, ne -sachant que faire de son temps, depuis neuf heures du matin qu'il -était à peine jusqu'à midi. - -Les deux mousquetaires étaient déjà arrivés et pelotaient -ensemble. Athos, qui était très fort à tous les exercices du -corps, passa avec d'Artagnan du côté opposé, et leur fit défi. -Mais au premier mouvement qu'il essaya, quoiqu'il jouât de la main -gauche, il comprit que sa blessure était encore trop récente pour -lui permettre un pareil exercice. D'Artagnan resta donc seul, et -comme il déclara qu'il était trop maladroit pour soutenir une -partie en règle, on continua seulement à s'envoyer des balles sans -compter le jeu. Mais une de ces balles, lancée par le poignet -herculéen de Porthos, passa si près du visage de d'Artagnan, qu'il -pensa que si, au lieu de passer à côté, elle eût donné dedans, son -audience était probablement perdue, attendu qu'il lui eût été de -toute impossibilité de se présenter chez le roi. Or, comme -de cette audience, dans son imagination gasconne, dépendait tout -son avenir, il salua poliment Porthos et Aramis, déclarant qu'il -ne reprendrait la partie que lorsqu'il serait en état de leur -tenir tête, et il s'en revint prendre place près de la corde et -dans la galerie. - -Malheureusement pour d'Artagnan, parmi les spectateurs se trouvait -un garde de Son Éminence, lequel, tout échauffé encore de la -défaite de ses compagnons, arrivée la veille seulement, s'était -promis de saisir la première occasion de la venger. Il crut donc -que cette occasion était venue, et s'adressant à son voisin: - -«Il n'est pas étonnant, dit-il, que ce jeune homme ait eu peur -d'une balle, c'est sans doute un apprenti mousquetaire.» - -D'Artagnan se retourna comme si un serpent l'eût mordu, et regarda -fixement le garde qui venait de tenir cet insolent propos. - -«Pardieu! reprit celui-ci en frisant insolemment, sa moustache, -regardez-moi tant que vous voudrez, mon petit monsieur, j'ai dit -ce que j'ai dit. - --- Et comme ce que vous avez dit est trop clair pour que vos -paroles aient besoin d'explication, répondit d'Artagnan à voix -basse, je vous prierai de me suivre. - --- Et quand cela? demanda le garde avec le même air railleur. - --- Tout de suite, s'il vous plaît. - --- Et vous savez qui je suis, sans doute? - ---Moi, je l'ignore complètement, et je ne m'en inquiète guère. - --- Et vous avez tort, car, si vous saviez mon nom, peut-être -seriez-vous moins pressé. - --- Comment vous appelez-vous? - --- Bernajoux, pour vous servir. - --- Eh bien, monsieur Bernajoux, dit tranquillement d'Artagnan, je -vais vous attendre sur la porte. - --- Allez, monsieur, je vous suis. - --- Ne vous pressez pas trop, monsieur, qu'on ne s'aperçoive pas -que nous sortons ensemble; vous comprenez que pour ce que nous -allons faire, trop de monde nous gênerait. - --- C'est bien», répondit le garde, étonné que son nom n'eût pas -produit plus d'effet sur le jeune homme. - -En effet, le nom de Bernajoux était connu de tout le monde, de -d'Artagnan seul excepté, peut-être; car c'était un de ceux qui -figuraient le plus souvent dans les rixes journalières que tous -les édits du roi et du cardinal n'avaient pu réprimer. - -Porthos et Aramis étaient si occupés de leur partie, et Athos les -regardait avec tant d'attention, qu'ils ne virent pas même sortir -leur jeune compagnon, lequel, ainsi qu'il l'avait dit au garde de -Son Éminence, s'arrêta sur la porte; un instant après, celui-ci -descendit à son tour. Comme d'Artagnan n'avait pas de temps à -perdre, vu l'audience du roi qui était fixée à midi, il jeta les -yeux autour de lui, et voyant que la rue était déserte: - -«Ma foi, dit-il à son adversaire, il est bien heureux pour vous, -quoique vous vous appeliez Bernajoux, de n'avoir affaire qu'à un -apprenti mousquetaire; cependant, soyez tranquille, je ferai de -mon mieux. En garde! - --- Mais, dit celui que d'Artagnan provoquait ainsi, il me semble -que le lieu est assez mal choisi, et que nous serions mieux -derrière l'abbaye de Saint-Germain ou dans le Pré-aux-Clercs. - --- Ce que vous dites est plein de sens, répondit d'Artagnan; -malheureusement j'ai peu de temps à moi, ayant un rendez-vous à -midi juste. En garde donc, monsieur, en garde!» - -Bernajoux n'était pas homme à se faire répéter deux fois un pareil -compliment. Au même instant son épée brilla à sa main, et il -fondit sur son adversaire que, grâce à sa grande jeunesse, il -espérait intimider. - -Mais d'Artagnan avait fait la veille son apprentissage, et tout -frais émoulu de sa victoire, tout gonflé de sa future faveur, il -était résolu à ne pas reculer d'un pas: aussi les deux fers se -trouvèrent-ils engagés jusqu'à la garde, et comme d'Artagnan -tenait ferme à sa place, ce fut son adversaire qui fit un pas de -retraite. Mais d'Artagnan saisit le moment où, dans ce mouvement, -le fer de Bernajoux déviait de la ligne, il dégagea, se fendit et -toucha son adversaire à l'épaule. Aussitôt d'Artagnan, à son tour, -fit un pas de retraite et releva son épée; mais Bernajoux lui cria -que ce n'était rien, et se fendant aveuglément sur lui, il -s'enferra de lui-même. Cependant, comme il ne tombait pas, comme -il ne se déclarait pas vaincu, mais que seulement il rompait du -côté de l'hôtel de M. de La Trémouille au service duquel il avait -un parent, d'Artagnan, ignorant lui-même la gravité de la dernière -blessure que son adversaire avait reçue, le pressait vivement, et -sans doute allait l'achever d'un troisième coup, lorsque la rumeur -qui s'élevait de la rue s'étant étendue jusqu'au jeu de paume, -deux des amis du garde, qui l'avaient entendu échanger quelques -paroles avec d'Artagnan et qui l'avaient vu sortir à la suite de -ces paroles, se précipitèrent l'épée à la main hors du tripot et -tombèrent sur le vainqueur. Mais aussitôt Athos, Porthos et Aramis -parurent à leur tour et au moment où les deux gardes attaquaient -leur jeune camarade, les forcèrent à se retourner. En ce moment -Bernajoux tomba; et comme les gardes étaient seulement deux contre -quatre, ils se mirent à crier: «À nous, l'hôtel de La Trémouille!» -À ces cris, tout ce qui était dans l'hôtel sortit, se ruant sur -les quatre compagnons, qui de leur côté se mirent à crier: «À -nous, mousquetaires!» - -Ce cri était ordinairement entendu; car on savait les -mousquetaires ennemis de Son Éminence, et on les aimait pour la -haine qu'ils portaient au cardinal. Aussi les gardes des autres -compagnies que celles appartenant au duc Rouge, comme l'avait -appelé Aramis, prenaient-ils en général parti dans ces sortes de -querelles pour les mousquetaires du roi. De trois gardes de la -compagnie de M. des Essarts qui passaient, deux vinrent donc en -aide aux quatre compagnons, tandis que l'autre courait à l'hôtel -de M. de Tréville, criant: «À nous, mousquetaires, à nous!» Comme -d'habitude, l'hôtel de M. de Tréville était plein de soldats de -cette arme, qui accoururent au secours de leurs camarades; la -mêlée devint générale, mais la force était aux mousquetaires: les -gardes du cardinal et les gens de M. de La Trémouille se -retirèrent dans l'hôtel, dont ils fermèrent les portes assez à -temps pour empêcher que leurs ennemis n'y fissent irruption en -même temps qu'eux. Quant au blessé, il y avait été tout d'abord -transporté et, comme nous l'avons dit, en fort mauvais état. - -L'agitation était à son comble parmi les mousquetaires et leurs -alliés, et l'on délibérait déjà si, pour punir l'insolence -qu'avaient eue les domestiques de M. de La Trémouille de faire une -sortie sur les mousquetaires du roi, on ne mettrait pas le feu à -son hôtel. La proposition en avait été faite et accueillie avec -enthousiasme, lorsque heureusement onze heures sonnèrent; -d'Artagnan et ses compagnons se souvinrent de leur audience, et -comme ils eussent regretté que l'on fît un si beau coup sans eux, -ils parvinrent à calmer les têtes. On se contenta donc de jeter -quelques pavés dans les portes, mais les portes résistèrent: alors -on se lassa; d'ailleurs ceux qui devaient être regardés comme les -chefs de l'entreprise avaient depuis un instant quitté le groupe -et s'acheminaient vers l'hôtel de M. de Tréville, qui les -attendait, déjà au courant de cette algarade. - -«Vite, au Louvre, dit-il, au Louvre sans perdre un instant, et -tâchons de voir le roi avant qu'il soit prévenu par le cardinal; -nous lui raconterons la chose comme une suite de l'affaire d'hier, -et les deux passeront ensemble.» - -M. de Tréville, accompagné des quatre jeunes gens, s'achemina donc -vers le Louvre; mais, au grand étonnement du capitaine des -mousquetaires, on lui annonça que le roi était allé courre le cerf -dans la forêt de Saint-Germain. M. de Tréville se fit répéter deux -fois cette nouvelle, et à chaque fois ses compagnons virent son -visage se rembrunir. - -«Est-ce que Sa Majesté, demanda-t-il, avait dès hier le projet de -faire cette chasse? - --- Non, Votre Excellence, répondit le valet de chambre, c'est le -grand veneur qui est venu lui annoncer ce matin qu'on avait -détourné cette nuit un cerf à son intention. Il a d'abord répondu -qu'il n'irait pas, puis il n'a pas su résister au plaisir que lui -promettait cette chasse, et après le dîner il est parti. - --- Et le roi a-t-il vu le cardinal? demanda M. de Tréville. - --- Selon toute probabilité, répondit le valet de chambre, car j'ai -vu ce matin les chevaux au carrosse de Son Éminence, j'ai demandé -où elle allait, et l'on m'a répondu: "À Saint-Germain." - --- Nous sommes prévenus, dit M. de Tréville, messieurs, je verrai -le roi ce soir; mais quant à vous, je ne vous conseille pas de -vous y hasarder.» - -L'avis était trop raisonnable et surtout venait d'un homme qui -connaissait trop bien le roi, pour que les quatre jeunes gens -essayassent de le combattre. M. de Tréville les invita donc à -rentrer chacun chez eux et à attendre de ses nouvelles. - -En entrant à son hôtel, M. de Tréville songea qu'il fallait -prendre date en portant plainte le premier. Il envoya un de ses -domestiques chez M. de La Trémouille avec une lettre dans laquelle -il le priait de mettre hors de chez lui le garde de M. le -cardinal, et de réprimander ses gens de l'audace qu'ils avaient -eue de faire leur sortie contre les mousquetaires. Mais -M. de La Trémouille, déjà prévenu par son écuyer dont, comme on le -sait, Bernajoux était le parent, lui fit répondre que ce n'était -ni à M. de Tréville, ni à ses mousquetaires de se plaindre, mais -bien au contraire à lui dont les mousquetaires avaient chargé les -gens et voulu brûler l'hôtel. Or, comme le débat entre ces deux -seigneurs eût pu durer longtemps, chacun devant naturellement -s'entêter dans son opinion, M. de Tréville avisa un expédient qui -avait pour but de tout terminer: c'était d'aller trouver lui-même -M. de La Trémouille. - -Il se rendit donc aussitôt à son hôtel et se fit annoncer. - -Les deux seigneurs se saluèrent poliment, car, s'il n'y avait pas -amitié entre eux, il y avait du moins estime. Tous deux étaient -gens de coeur et d'honneur; et comme M. de La Trémouille, -protestant, et voyant rarement le roi, n'était d'aucun parti, il -n'apportait en général dans ses relations sociales aucune -prévention. Cette fois, néanmoins, son accueil quoique poli fut -plus froid que d'habitude. - -«Monsieur, dit M. de Tréville, nous croyons avoir à nous plaindre -chacun l'un de l'autre, et je suis venu moi-même pour que nous -tirions de compagnie cette affaire au clair. - --- Volontiers, répondit M. de La Trémouille; mais je vous préviens -que je suis bien renseigné, et tout le tort est à vos -mousquetaires. - --- Vous êtes un homme trop juste et trop raisonnable, monsieur, -dit M. de Tréville, pour ne pas accepter la proposition que je -vais faire. - --- Faites, monsieur, j'écoute. - --- Comment se trouve M. Bernajoux, le parent de votre écuyer? - --- Mais, monsieur, fort mal. Outre le coup d'épée qu'il a reçu -dans le bras, et qui n'est pas autrement dangereux, il en a encore -ramassé un autre qui lui a traversé le poumon, de sorte que le -médecin en dit de pauvres choses. - --- Mais le blessé a-t-il conservé sa connaissance? - --- Parfaitement. - --- Parle-t-il? - --- Avec difficulté, mais il parle. - --- Eh bien, monsieur! rendons-nous près de lui; adjurons-le, au -nom du Dieu devant lequel il va être appelé peut-être, de dire la -vérité. Je le prends pour juge dans sa propre cause, monsieur, et -ce qu'il dira je le croirai.» - -M. de La Trémouille réfléchit un instant, puis, comme il était -difficile de faire une proposition plus raisonnable, il accepta. - -Tous deux descendirent dans la chambre où était le blessé. Celui- -ci, en voyant entrer ces deux nobles seigneurs qui venaient lui -faire visite, essaya de se relever sur son lit, mais il était trop -faible, et, épuisé par l'effort qu'il avait fait, il retomba -presque sans connaissance. - -M. de La Trémouille s'approcha de lui et lui fit respirer des sels -qui le rappelèrent à la vie. Alors M. de Tréville, ne voulant pas -qu'on pût l'accuser d'avoir influencé le malade, invita -M. de La Trémouille à l'interroger lui-même. - -Ce qu'avait prévu M. de Tréville arriva. Placé entre la vie et la -mort comme l'était Bernajoux, il n'eut pas même l'idée de taire un -instant la vérité, et il raconta aux deux seigneurs les choses -exactement, telles qu'elles s'étaient passées. - -C'était tout ce que voulait M. de Tréville; il souhaita à -Bernajoux une prompte convalescence, prit congé de -M. de La Trémouille, rentra à son hôtel et fit aussitôt prévenir -les quatre amis qu'il les attendait à dîner. - -M. de Tréville recevait fort bonne compagnie, toute -anticardinaliste d'ailleurs. On comprend donc que la conversation -roula pendant tout le dîner sur les deux échecs que venaient -d'éprouver les gardes de Son Éminence. Or, comme d'Artagnan avait -été le héros de ces deux journées, ce fut sur lui que tombèrent -toutes les félicitations, qu'Athos, Porthos et Aramis lui -abandonnèrent non seulement en bons camarades, mais en hommes qui -avaient eu assez souvent leur tour pour qu'ils lui laissassent le -sien. - -Vers six heures, M. de Tréville annonça qu'il était tenu d'aller -au Louvre; mais comme l'heure de l'audience accordée par -Sa Majesté était passée, au lieu de réclamer l'entrée par le petit -escalier, il se plaça avec les quatre jeunes gens dans -l'antichambre. Le roi n'était pas encore revenu de la chasse. Nos -jeunes gens attendaient depuis une demi-heure à peine, mêlés à la -foule des courtisans, lorsque toutes les portes s'ouvrirent et -qu'on annonça Sa Majesté. - -À cette annonce, d'Artagnan se sentit frémir jusqu'à la moelle des -os. L'instant qui allait suivre devait, selon toute probabilité, -décider du reste de sa vie. Aussi ses yeux se fixèrent-ils avec -angoisse sur la porte par laquelle devait entrer le roi. - -Louis XIII parut, marchant le premier; il était en costume de -chasse, encore tout poudreux, ayant de grandes bottes et tenant un -fouet à la main. Au premier coup d'oeil, d'Artagnan jugea que -l'esprit du roi était à l'orage. - -Cette disposition, toute visible qu'elle était chez Sa Majesté, -n'empêcha pas les courtisans de se ranger sur son passage: dans -les antichambres royales, mieux vaut encore être vu d'un oeil -irrité que de n'être pas vu du tout. Les trois mousquetaires -n'hésitèrent donc pas, et firent un pas en avant, tandis que -d'Artagnan au contraire restait caché derrière eux; mais quoique -le roi connût personnellement Athos, Porthos et Aramis, il passa -devant eux sans les regarder, sans leur parler et comme s'il ne -les avait jamais vus. Quant à M. de Tréville, lorsque les yeux du -roi s'arrêtèrent un instant sur lui, il soutint ce regard avec -tant de fermeté, que ce fut le roi qui détourna la vue; après -quoi, tout en grommelant, Sa Majesté rentra dans son appartement. - -«Les affaires vont mal, dit Athos en souriant, et nous ne serons -pas encore fait chevaliers de l'ordre cette fois-ci. - --- Attendez ici dix minutes, dit M. de Tréville; et si au bout de -dix minutes vous ne me voyez pas sortir, retournez à mon hôtel: -car il sera inutile que vous m'attendiez plus longtemps.» - -Les quatre jeunes gens attendirent dix minutes, un quart d'heure, -vingt minutes; et voyant que M. de Tréville ne reparaissait point, -ils sortirent fort inquiets de ce qui allait arriver. - -M. de Tréville était entré hardiment dans le cabinet du roi, et -avait trouvé Sa Majesté de très méchante humeur, assise sur un -fauteuil et battant ses bottes du manche de son fouet, ce qui ne -l'avait pas empêché de lui demander avec le plus grand flegme des -nouvelles de sa santé. - -«Mauvaise, monsieur, mauvaise, répondit le roi, je m'ennuie.» - -C'était en effet la pire maladie de Louis XIII, qui souvent -prenait un de ses courtisans, l'attirait à une fenêtre et lui -disait: «Monsieur un tel, ennuyons-nous ensemble.» - -«Comment! Votre Majesté s'ennuie! dit M. de Tréville. N'a-t-elle -donc pas pris aujourd'hui le plaisir de la chasse? - --- Beau plaisir, monsieur! Tout dégénère, sur mon âme, et je ne -sais si c'est le gibier qui n'a plus de voie ou les chiens qui -n'ont plus de nez. Nous lançons un cerf dix cors, nous le courons -six heures, et quand il est prêt à tenir, quand Saint-Simon met -déjà le cor à sa bouche pour sonner l'hallali, crac! toute la -meute prend le change et s'emporte sur un daguet. Vous verrez que -je serai obligé de renoncer à la chasse à courre comme j'ai -renoncé à la chasse au vol. Ah! je suis un roi bien malheureux, -monsieur de Tréville! je n'avais plus qu'un gerfaut, et il est -mort avant-hier. - --- En effet, Sire, je comprends votre désespoir, et le malheur est -grand; mais il vous reste encore, ce me semble, bon nombre de -faucons, d'éperviers et de tiercelets. - --- Et pas un homme pour les instruire, les fauconniers s'en vont, -il n'y a plus que moi qui connaisse l'art de la vénerie. Après moi -tout sera dit, et l'on chassera avec des traquenards, des pièges, -des trappes. Si j'avais le temps encore de former des élèves! mais -oui, M. le cardinal est là qui ne me laisse pas un instant de -repos, qui me parle de l'Espagne, qui me parle de l'Autriche, qui -me parle de l'Angleterre! Ah! à propos de M. le cardinal, monsieur -de Tréville, je suis mécontent de vous.» - -M. de Tréville attendait le roi à cette chute. Il connaissait le -roi de longue main; il avait compris que toutes ses plaintes -n'étaient qu'une préface, une espèce d'excitation pour -s'encourager lui-même, et que c'était où il était arrivé enfin -qu'il en voulait venir. - -«Et en quoi ai-je été assez malheureux pour déplaire à -Votre Majesté? demanda M. de Tréville en feignant le plus profond -étonnement. - --- Est-ce ainsi que vous faites votre charge, monsieur? continua -le roi sans répondre directement à la question de M. de Tréville; -est-ce pour cela que je vous ai nommé capitaine de mes -mousquetaires, que ceux-ci assassinent un homme, émeuvent tout un -quartier et veulent brûler Paris sans que vous en disiez un mot? -Mais, au reste, continua le roi, sans doute que je me hâte de vous -accuser, sans doute que les perturbateurs sont en prison et que -vous venez m'annoncer que justice est faite. - --- Sire, répondit tranquillement M. de Tréville, je viens vous la -demander au contraire. - --- Et contre qui? s'écria le roi. - --- Contre les calomniateurs, dit M. de Tréville. - --- Ah! voilà qui est nouveau, reprit le roi. N'allez-vous pas dire -que vos trois mousquetaires damnés, Athos, Porthos et Aramis et -votre cadet de Béarn, ne se sont pas jetés comme des furieux sur -le pauvre Bernajoux, et ne l'ont pas maltraité de telle façon -qu'il est probable qu'il est en train de trépasser à cette heure! -N'allez-vous pas dire qu'ensuite ils n'ont pas fait le siège de -l'hôtel du duc de La Trémouille, et qu'ils n'ont point voulu le -brûler! ce qui n'aurait peut-être pas été un très grand malheur en -temps de guerre, vu que c'est un nid de huguenots, mais ce qui, en -temps de paix, est un fâcheux exemple. Dites, n'allez-vous pas -nier tout cela? - --- Et qui vous a fait ce beau récit, Sire? demanda tranquillement -M. de Tréville. - --- Qui m'a fait ce beau récit, monsieur! et qui voulez-vous que ce -soit, si ce n'est celui qui veille quand je dors, qui travaille -quand je m'amuse, qui mène tout au-dedans et au-dehors du royaume, -en France comme en Europe? - --- Sa Majesté veut parler de Dieu, sans doute, dit M. de Tréville, -car je ne connais que Dieu qui soit si fort au-dessus de -Sa Majesté. - --- Non monsieur; je veux parler du soutien de l'État, de mon seul -serviteur, de mon seul ami, de M. le cardinal. - --- Son Éminence n'est pas Sa Sainteté, Sire. - --- Qu'entendez-vous par là, monsieur? - --- Qu'il n'y a que le pape qui soit infaillible, et que cette -infaillibilité ne s'étend pas aux cardinaux. - --- Vous voulez dire qu'il me trompe, vous voulez dire qu'il me -trahit. Vous l'accusez alors. Voyons, dites, avouez franchement -que vous l'accusez. - --- Non, Sire; mais je dis qu'il se trompe lui-même, je dis qu'il a -été mal renseigné; je dis qu'il a eu hâte d'accuser les -mousquetaires de Votre Majesté, pour lesquels il est injuste, et -qu'il n'a pas été puiser ses renseignements aux bonnes sources. - --- L'accusation vient de M. de La Trémouille, du duc lui-même. Que -répondrez-vous à cela? - --- Je pourrais répondre, Sire, qu'il est trop intéressé dans la -question pour être un témoin bien impartial; mais loin de là, -Sire, je connais le duc pour un loyal gentilhomme, et je m'en -rapporterai à lui, mais à une condition, Sire. - --- Laquelle? - --- C'est que Votre Majesté le fera venir, l'interrogera, mais -elle-même, en tête-à-tête, sans témoins, et que je reverrai -Votre Majesté aussitôt qu'elle aura reçu le duc. - --- Oui-da! fit le roi, et vous vous en rapporterez à ce que dira -M. de La Trémouille? - --- Oui, Sire. - --- Vous accepterez son jugement? - --- Sans doute. - --- Et vous vous soumettrez aux réparations qu'il exigera? - --- Parfaitement. - --- La Chesnaye! fit le roi. La Chesnaye!» - -Le valet de chambre de confiance de Louis XIII, qui se tenait -toujours à la porte, entra. - -«La Chesnaye, dit le roi, qu'on aille à l'instant même me quérir -M. de La Trémouille; je veux lui parler ce soir. - --- Votre Majesté me donne sa parole qu'elle ne verra personne -entre M. de La Trémouille et moi? - --- Personne, foi de gentilhomme. - --- À demain, Sire, alors. - --- À demain, monsieur. - --- À quelle heure, s'il plaît à Votre Majesté? - --- À l'heure que vous voudrez. - --- Mais, en venant par trop matin, je crains de réveiller votre -Majesté. - --- Me réveiller? Est-ce que je dors? Je ne dors plus, monsieur; je -rêve quelquefois, voilà tout. Venez donc d'aussi bon matin que -vous voudrez, à sept heures; mais gare à vous, si vos -mousquetaires sont coupables! - --- Si mes mousquetaires sont coupables, Sire, les coupables seront -remis aux mains de Votre Majesté, qui ordonnera d'eux selon son -bon plaisir. Votre Majesté exige-t-elle quelque chose de plus? -qu'elle parle, je suis prêt à lui obéir. - --- Non, monsieur, non, et ce n'est pas sans raison qu'on m'a -appelé Louis le Juste. À demain donc, monsieur, à demain. - -192.168.0.1 - --- Dieu garde jusque-là Votre Majesté!» - -Si peu que dormit le roi, M. de Tréville dormit plus mal encore; -il avait fait prévenir dès le soir même ses trois mousquetaires et -leur compagnon de se trouver chez lui à six heures et demie du -matin. Il les emmena avec lui sans rien leur affirmer, sans leur -rien promettre, et ne leur cachant pas que leur faveur et même la -sienne tenaient à un coup de dés. - -Arrivé au bas du petit escalier, il les fit attendre. Si le roi -était toujours irrité contre eux, ils s'éloigneraient sans être -vus; si le roi consentait à les recevoir, on n'aurait qu'à les -faire appeler. - -En arrivant dans l'antichambre particulière du roi, M. de Tréville -trouva La Chesnaye, qui lui apprit qu'on n'avait pas rencontré le -duc de La Trémouille la veille au soir à son hôtel, qu'il était -rentré trop tard pour se présenter au Louvre, qu'il venait -seulement d'arriver, et qu'il était à cette heure chez le roi. - -Cette circonstance plut beaucoup à M. de Tréville, qui, de cette -façon, fut certain qu'aucune suggestion étrangère ne se glisserait -entre la déposition de M. de La Trémouille et lui. - -En effet, dix minutes s'étaient à peine écoulées, que la porte du -cabinet s'ouvrit et que M. de Tréville en vit sortir le duc de -La Trémouille, lequel vint à lui et lui dit: - -«Monsieur de Tréville, Sa Majesté vient de m'envoyer quérir pour -savoir comment les choses s'étaient passées hier matin à mon -hôtel. Je lui ai dit la vérité, c'est-à-dire que la faute était à -mes gens, et que j'étais prêt à vous en faire mes excuses. Puisque -je vous rencontre, veuillez les recevoir, et me tenir toujours -pour un de vos amis. - --- Monsieur le duc, dit M. de Tréville, j'étais si plein de -confiance dans votre loyauté, que je n'avais pas voulu près de -Sa Majesté d'autre défenseur que vous-même. Je vois que je ne -m'étais pas abusé, et je vous remercie de ce qu'il y a encore en -France un homme de qui on puisse dire sans se tromper ce que j'ai -dit de vous. - --- C'est bien, c'est bien! dit le roi qui avait écouté tous ces -compliments entre les deux portes; seulement, dites-lui, Tréville, -puisqu'il se prétend un de vos amis, que moi aussi je voudrais -être des siens, mais qu'il me néglige; qu'il y a tantôt trois ans -que je ne l'ai vu, et que je ne le vois que quand je l'envoie -chercher. Dites-lui tout cela de ma part, car ce sont de ces -choses qu'un roi ne peut dire lui-même. - --- Merci, Sire, merci, dit le duc; mais que Votre Majesté croie -bien que ce ne sont pas ceux, je ne dis point cela pour -M. de Tréville, que ce ne sont point ceux qu'elle voit à toute -heure du jour qui lui sont le plus dévoués. - --- Ah! vous avez entendu ce que j'ai dit; tant mieux, duc, tant -mieux, dit le roi en s'avançant jusque sur la porte. Ah! c'est -vous, Tréville! où sont vos mousquetaires? Je vous avais dit -avant-hier de me les amener, pourquoi ne l'avez-vous pas fait? - --- Ils sont en bas, Sire, et avec votre congé La Chesnaye va leur -dire de monter. - --- Oui, oui, qu'ils viennent tout de suite; il va être huit -heures, et à neuf heures j'attends une visite. Allez, monsieur le -duc, et revenez surtout. Entrez, Tréville.» - -Le duc salua et sortit. Au moment où il ouvrait la porte, les -trois mousquetaires et d'Artagnan, conduits par La Chesnaye, -apparaissaient au haut de l'escalier. - -«Venez, mes braves, dit le roi, venez; j'ai à vous gronder.» - -Les mousquetaires s'approchèrent en s'inclinant; d'Artagnan les -suivait par-derrière. - -«Comment diable! continua le roi; à vous quatre, sept gardes de -Son Éminence mis hors de combat en deux jours! C'est trop, -messieurs, c'est trop. À ce compte-là, Son Éminence serait forcée -de renouveler sa compagnie dans trois semaines, et moi de faire -appliquer les édits dans toute leur rigueur. Un par hasard, je ne -dis pas; mais sept en deux jours, je le répète, c'est trop, c'est -beaucoup trop. - --- Aussi, Sire, Votre Majesté voit qu'ils viennent tout contrits -et tout repentants lui faire leurs excuses. - --- Tout contrits et tout repentants! Hum! fit le roi, je ne me fie -point à leurs faces hypocrites; il y a surtout là-bas une figure -de Gascon. Venez ici, monsieur.» - -D'Artagnan, qui comprit que c'était à lui que le compliment -s'adressait, s'approcha en prenant son air le plus désespéré. - -«Eh bien, que me disiez-vous donc que c'était un jeune homme? -c'est un enfant, monsieur de Tréville, un véritable enfant! Et -c'est celui-là qui a donné ce rude coup d'épée à Jussac? - --- Et ces deux beaux coups d'épée à Bernajoux. - --- Véritablement! - --- Sans compter, dit Athos, que s'il ne m'avait pas tiré des mains -de Biscarat, je n'aurais très certainement pas l'honneur de faire -en ce moment-ci ma très humble révérence à Votre Majesté. - --- Mais c'est donc un véritable démon que ce Béarnais, ventre- -saint-gris! monsieur de Tréville comme eût dit le roi mon père. À -ce métier-là, on doit trouer force pourpoints et briser force -épées. Or les Gascons sont toujours pauvres, n'est-ce pas? - --- Sire, je dois dire qu'on n'a pas encore trouvé des mines d'or -dans leurs montagnes, quoique le Seigneur dût bien ce miracle en -récompense de la manière dont ils ont soutenu les prétentions du -roi votre père. - --- Ce qui veut dire que ce sont les Gascons qui m'ont fait roi -moi-même, n'est-ce pas, Tréville, puisque je suis le fils de mon -père? Eh bien, à la bonne heure, je ne dis pas non. La Chesnaye, -allez voir si, en fouillant dans toutes mes poches, vous trouverez -quarante pistoles; et si vous les trouvez, apportez-les-moi. Et -maintenant, voyons, jeune homme, la main sur la conscience, -comment cela s'est-il passé?» - -D'Artagnan raconta l'aventure de la veille dans tous ses détails: -comment, n'ayant pas pu dormir de la joie qu'il éprouvait à voir -Sa Majesté, il était arrivé chez ses amis trois heures avant -l'heure de l'audience; comment ils étaient allés ensemble au -tripot, et comment, sur la crainte qu'il avait manifestée de -recevoir une balle au visage, il avait été raillé par Bernajoux, -lequel avait failli payer cette raillerie de la perte de la vie, -et M. de La Trémouille, qui n'y était pour rien, de la perte de -son hôtel. - -«C'est bien cela, murmurait le roi; oui, c'est ainsi que le duc -m'a raconté la chose. Pauvre cardinal! sept hommes en deux jours, -et de ses plus chers; mais c'est assez comme cela, messieurs, -entendez-vous! c'est assez: vous avez pris votre revanche de la -rue Férou, et au-delà; vous devez être satisfaits. - --- Si Votre Majesté l'est, dit Tréville, nous le sommes. - --- Oui, je le suis, ajouta le roi en prenant une poignée d'or de -la main de La Chesnaye, et la mettant dans celle de d'Artagnan. -Voici, dit-il, une preuve de ma satisfaction.» - -À cette époque, les idées de fierté qui sont de mise de nos jours -n'étaient point encore de mode. Un gentilhomme recevait de la main -à la main de l'argent du roi, et n'en était pas le moins du monde -humilié. D'Artagnan mit donc les quarante pistoles dans sa poche -sans faire aucune façon, et en remerciant tout au contraire -grandement Sa Majesté. - -«Là, dit le roi en regardant sa pendule, là, et maintenant qu'il -est huit heures et demie, retirez-vous; car, je vous l'ai dit, -j'attends quelqu'un à neuf heures. Merci de votre dévouement, -messieurs. J'y puis compter, n'est-ce pas? - --- Oh! Sire, s'écrièrent d'une même voix les quatre compagnons, -nous nous ferions couper en morceaux pour Votre Majesté. - --- Bien, bien; mais restez entiers: cela vaut mieux, et vous me -serez plus utiles. Tréville, ajouta le roi à demi-voix pendant que -les autres se retiraient, comme vous n'avez pas de place dans les -mousquetaires et que d'ailleurs pour entrer dans ce corps nous -avons décidé qu'il fallait faire un noviciat, placez ce jeune -homme dans la compagnie des gardes de M. des Essarts, votre beau- -frère. Ah! pardieu! Tréville, je me réjouis de la grimace que va -faire le cardinal: il sera furieux, mais cela m'est égal; je suis -dans mon droit.» - -Et le roi salua de la main Tréville, qui sortit et s'en vint -rejoindre ses mousquetaires, qu'il trouva partageant avec -d'Artagnan les quarante pistoles. - -Et le cardinal, comme l'avait dit Sa Majesté, fut effectivement -furieux, si furieux que pendant huit jours il abandonna le jeu du -roi, ce qui n'empêchait pas le roi de lui faire la plus charmante -mine du monde, et toutes les fois qu'il le rencontrait de lui -demander de sa voix la plus caressante: - -«Eh bien, monsieur le cardinal, comment vont ce pauvre Bernajoux -et ce pauvre Jussac, qui sont à vous?» - - -CHAPITRE VII -L'INTÉRIEUR DES MOUSQUETAIRES - -Lorsque d'Artagnan fut hors du Louvre, et qu'il consulta ses amis -sur l'emploi qu'il devait faire de sa part des quarante pistoles, -Athos lui conseilla de commander un bon repas à la Pomme de Pin, -Porthos de prendre un laquais, et Aramis de se faire une maîtresse -convenable. - -Le repas fut exécuté le jour même, et le laquais y servit à table. -Le repas avait été commandé par Athos, et le laquais fourni par -Porthos. C'était un Picard que le glorieux mousquetaire avait -embauché le jour même et à cette occasion sur le pont de la -Tournelle, pendant qu'il faisait des ronds en crachant dans l'eau. - -Porthos avait prétendu que cette occupation était la preuve d'une -organisation réfléchie et contemplative, et il l'avait emmené sans -autre recommandation. La grande mine de ce gentilhomme, pour le -compte duquel il se crut engagé, avait séduit Planchet -- c'était -le nom du Picard --; il y eut chez lui un léger désappointement -lorsqu'il vit que la place était déjà prise par un confrère nommé -Mousqueton, et lorsque Porthos lui eut signifié que son état de -maison, quoi que grand, ne comportait pas deux domestiques, et -qu'il lui fallait entrer au service de d'Artagnan. Cependant, -lorsqu'il assista au dîner que donnait son maître et qu'il vit -celui-ci tirer en payant une poignée d'or de sa poche, il crut sa -fortune faite et remercia le Ciel d'être tombé en la possession -d'un pareil Crésus; il persévéra dans cette opinion jusqu'après le -festin, des reliefs duquel il répara de longues abstinences. Mais -en faisant, le soir, le lit de son maître, les chimères de -Planchet s'évanouirent. Le lit était le seul de l'appartement, qui -se composait d'une antichambre et d'une chambre à coucher. -Planchet coucha dans l'antichambre sur une couverture tirée du lit -de d'Artagnan, et dont d'Artagnan se passa depuis. - -Athos, de son côté, avait un valet qu'il avait dressé à son -service d'une façon toute particulière, et que l'on appelait -Grimaud. Il était fort silencieux, ce digne seigneur. Nous parlons -d'Athos, bien entendu. Depuis cinq ou six ans qu'il vivait dans la -plus profonde intimité avec ses compagnons Porthos et Aramis, -ceux-ci se rappelaient l'avoir vu sourire souvent, mais jamais ils -ne l'avaient entendu rire. Ses paroles étaient brèves et -expressives, disant toujours ce qu'elles voulaient dire, rien de -plus: pas d'enjolivements, pas de broderies, pas d'arabesques. Sa -conversation était un fait sans aucun épisode. - -Quoique Athos eût à peine trente ans et fût d'une grande beauté de -corps et d'esprit, personne ne lui connaissait de maîtresse. -Jamais il ne parlait de femmes. Seulement il n'empêchait pas qu'on -en parlât devant lui, quoiqu'il fût facile de voir que ce genre de -conversation, auquel il ne se mêlait que par des mots amers et des -aperçus misanthropiques, lui était parfaitement désagréable. Sa -réserve, sa sauvagerie et son mutisme en faisaient presque un -vieillard; il avait donc, pour ne point déroger à ses habitudes, -habitué Grimaud à lui obéir sur un simple geste ou sur un simple -mouvement des lèvres. Il ne lui parlait que dans des circonstances -suprêmes. - -Quelquefois Grimaud, qui craignait son maître comme le feu, tout -en ayant pour sa personne un grand attachement et pour son génie -une grande vénération, croyait avoir parfaitement compris ce qu'il -désirait, s'élançait pour exécuter l'ordre reçu, et faisait -précisément le contraire. Alors Athos haussait les épaules et, -sans se mettre en colère, rossait Grimaud. Ces jours-là, il -parlait un peu. - -Porthos, comme on a pu le voir, avait un caractère tout opposé à -celui d'Athos: non seulement il parlait beaucoup, mais il parlait -haut; peu lui importait au reste, il faut lui rendre cette -justice, qu'on l'écoutât ou non; il parlait pour le plaisir de -parler et pour le plaisir de s'entendre; il parlait de toutes -choses excepté de sciences, excipant à cet endroit de la haine -invétérée que depuis son enfance il portait, disait-il, aux -savants. Il avait moins grand air qu'Athos, et le sentiment de son -infériorité à ce sujet l'avait, dans le commencement de leur -liaison, rendu souvent injuste pour ce gentilhomme, qu'il s'était -alors efforcé de dépasser par ses splendides toilettes. Mais, avec -sa simple casaque de mousquetaire et rien que par la façon dont il -rejetait la tête en arrière et avançait le pied, Athos prenait à -l'instant même la place qui lui était due et reléguait le fastueux -Porthos au second rang. Porthos s'en consolait en remplissant -l'antichambre de M. de Tréville et les corps de garde du Louvre du -bruit de ses bonnes fortunes, dont Athos ne parlait jamais, et -pour le moment, après avoir passé de la noblesse de robe à la -noblesse d'épée, de la robine à la baronne, il n'était question de -rien de moins pour Porthos que d'une princesse étrangère qui lui -voulait un bien énorme. - -Un vieux proverbe dit: «Tel maître, tel valet.» Passons donc du -valet d'Athos au valet de Porthos, de Grimaud à Mousqueton. - -Mousqueton était un Normand dont son maître avait changé le nom -pacifique de Boniface en celui infiniment plus sonore et plus -belliqueux de Mousqueton. Il était entré au service de Porthos à -la condition qu'il serait habillé et logé seulement, mais d'une -façon magnifique; il ne réclamait que deux heures par jour pour -les consacrer à une industrie qui devait suffire à pourvoir à ses -autres besoins. Porthos avait accepté le marché; la chose lui -allait à merveille. Il faisait tailler à Mousqueton des pourpoints -dans ses vieux habits et dans ses manteaux de rechange, et, grâce -à un tailleur fort intelligent qui lui remettait ses hardes à neuf -en les retournant, et dont la femme était soupçonnée de vouloir -faire descendre Porthos de ses habitudes aristocratiques, -Mousqueton faisait à la suite de son maître fort bonne figure. - -Quant à Aramis, dont nous croyons avoir suffisamment exposé le -caractère, caractère du reste que, comme celui de ses compagnons, -nous pourrons suivre dans son développement, son laquais -s'appelait Bazin. Grâce à l'espérance qu'avait son maître d'entrer -un jour dans les ordres, il était toujours vêtu de noir, comme -doit l'être le serviteur d'un homme d'Église. C'était un Berrichon -de trente-cinq à quarante ans, doux, paisible, grassouillet, -occupant à lire de pieux ouvrages les loisirs que lui laissait son -maître, faisant à la rigueur pour deux un dîner de peu de plats, -mais excellent. Au reste, muet, aveugle, sourd et d'une fidélité à -toute épreuve. - -Maintenant que nous connaissons, superficiellement du moins, les -maîtres et les valets, passons aux demeures occupées par chacun -d'eux. - -Athos habitait rue Férou, à deux pas du Luxembourg; son -appartement se composait de deux petites chambres, fort proprement -meublées, dans une maison garnie dont l'hôtesse encore jeune et -véritablement encore belle lui faisait inutilement les doux yeux. -Quelques fragments d'une grande splendeur passée éclataient çà et -là aux murailles de ce modeste logement: c'était une épée, par -exemple, richement damasquinée, qui remontait pour la façon à -l'époque de François Ier, et dont la poignée seule, incrustée de -pierres précieuses, pouvait valoir deux cents pistoles, et que -cependant, dans ses moments de plus grande détresse, Athos n'avait -jamais consenti à engager ni à vendre. Cette épée avait longtemps -fait l'ambition de Porthos. Porthos aurait donné dix années de sa -vie pour posséder cette épée. - -Un jour qu'il avait rendez-vous avec une duchesse, il essaya même -de l'emprunter à Athos. Athos, sans rien dire, vida ses poches, -ramassa tous ses bijoux: bourses, aiguillettes et chaînes d'or, il -offrit tout à Porthos; mais quant à l'épée, lui dit-il, elle était -scellée à sa place et ne devait la quitter que lorsque son maître -quitterait lui-même son logement. Outre son épée, il y avait -encore un portrait représentant un seigneur du temps de Henri III -vêtu avec la plus grande élégance, et qui portait l'ordre du -Saint-Esprit, et ce portrait avait avec Athos certaines -ressemblances de lignes, certaines similitudes de famille, qui -indiquaient que ce grand seigneur, chevalier des ordres du roi, -était son ancêtre. - -Enfin, un coffre de magnifique orfèvrerie, aux mêmes armes que -l'épée et le portrait, faisait un milieu de cheminée qui jurait -effroyablement avec le reste de la garniture. Athos portait -toujours la clef de ce coffre sur lui. Mais un jour il l'avait -ouvert devant Porthos, et Porthos avait pu s'assurer que ce coffre -ne contenait que des lettres et des papiers: des lettres d'amour -et des papiers de famille, sans doute. - -Porthos habitait un appartement très vaste et d'une très -somptueuse apparence, rue du Vieux-Colombier. Chaque fois qu'il -passait avec quelque ami devant ses fenêtres, à l'une desquelles -Mousqueton se tenait toujours en grande livrée, Porthos levait la -tête et la main, et disait: Voilà ma demeure! Mais jamais on ne le -trouvait chez lui, jamais il n'invitait personne à y monter, et -nul ne pouvait se faire une idée de ce que cette somptueuse -apparence renfermait de richesses réelles. - -Quant à Aramis, il habitait un petit logement composé d'un -boudoir, d'une salle à manger et d'une chambre à coucher, laquelle -chambre, située comme le reste de l'appartement au rez-de- -chaussée, donnait sur un petit jardin frais, vert, ombreux et -impénétrable aux yeux du voisinage. - -Quant à d'Artagnan, nous savons comment il était logé, et nous -avons déjà fait connaissance avec son laquais, maître Planchet. - -D'Artagnan, qui était fort curieux de sa nature, comme sont les -gens, du reste, qui ont le génie de l'intrigue, fit tous ses -efforts pour savoir ce qu'étaient au juste Athos, Porthos et -Aramis; car, sous ces noms de guerre, chacun des jeunes gens -cachait son nom de gentilhomme, Athos surtout, qui sentait son -grand seigneur d'une lieue. Il s'adressa donc à Porthos pour avoir -des renseignements sur Athos et Aramis, et à Aramis pour connaître -Porthos. - -Malheureusement, Porthos lui-même ne savait de la vie de son -silencieux camarade que ce qui en avait transpiré. On disait qu'il -avait eu de grands malheurs dans ses affaires amoureuses, et -qu'une affreuse trahison avait empoisonné à jamais la vie de ce -galant homme. Quelle était cette trahison? Tout le monde -l'ignorait. - -Quant à Porthos, excepté son véritable nom, que M. de Tréville -savait seul, ainsi que celui de ses deux camarades, sa vie était -facile à connaître. Vaniteux et indiscret, on voyait à travers lui -comme à travers un cristal. La seule chose qui eût pu égarer -l'investigateur eût été que l'on eût cru tout le bien qu'il disait -de lui. - -Quant à Aramis, tout en ayant l'air de n'avoir aucun secret, -c'était un garçon tout confit de mystères, répondant peu aux -questions qu'on lui faisait sur les autres, et éludant celles que -l'on faisait sur lui-même. Un jour, d'Artagnan, après l'avoir -longtemps interrogé sur Porthos et en avoir appris ce bruit qui -courait de la bonne fortune du mousquetaire avec une princesse, -voulut savoir aussi à quoi s'en tenir sur les aventures amoureuses -de son interlocuteur. - -«Et vous, mon cher compagnon, lui dit-il, vous qui parlez des -baronnes, des comtesses et des princesses des autres? - --- Pardon, interrompit Aramis, j'ai parlé parce que Porthos en -parle lui-même, parce qu'il a crié toutes ces belles choses devant -moi. Mais croyez bien, mon cher monsieur d'Artagnan, que si je les -tenais d'une autre source ou qu'il me les eût confiées, il n'y -aurait pas eu de confesseur plus discret que moi. - --- Je n'en doute pas, reprit d'Artagnan; mais enfin, il me semble -que vous-même vous êtes assez familier avec les armoiries, témoin -certain mouchoir brodé auquel je dois l'honneur de votre -connaissance.» - -Aramis, cette fois, ne se fâcha point, mais il prit son air le -plus modeste et répondit affectueusement: - -«Mon cher, n'oubliez pas que je veux être Église, et que je fuis -toutes les occasions mondaines. Ce mouchoir que vous avez vu ne -m'avait point été confié, mais il avait été oublié chez moi par un -de mes amis. J'ai dû le recueillir pour ne pas les compromettre, -lui et la dame qu'il aime. Quant à moi, je n'ai point et ne veux -point avoir de maîtresse, suivant en cela l'exemple très judicieux -d'Athos, qui n'en a pas plus que moi. - --- Mais, que diable! vous n'êtes pas abbé, puisque vous êtes -mousquetaire. - --- Mousquetaire par intérim, mon cher, comme dit le cardinal, -mousquetaire contre mon gré, mais homme Église dans le coeur, -croyez-moi. Athos et Porthos m'ont fourré là-dedans pour -m'occuper: j'ai eu, au moment d'être ordonné, une petite -difficulté avec... Mais cela ne vous intéresse guère, et je vous -prends un temps précieux. - --- Point du tout, cela m'intéresse fort, s'écria d'Artagnan, et je -n'ai pour le moment absolument rien à faire. - --- Oui, mais moi j'ai mon bréviaire à dire, répondit Aramis, puis -quelques vers à composer que m'a demandés Mme d'Aiguillon; ensuite -je dois passer rue Saint-Honoré afin d'acheter du rouge pour -Mme de Chevreuse. Vous voyez, mon cher ami, que si rien ne vous -presse, je suis très pressé, moi.» - -Et Aramis tendit affectueusement la main à son compagnon, et prit -congé de lui. - -D'Artagnan ne put, quelque peine qu'il se donnât, en savoir -davantage sur ses trois nouveaux amis. Il prit donc son parti de -croire dans le présent tout ce qu'on disait de leur passé, -espérant des révélations plus sûres et plus étendues de l'avenir. -En attendant, il considéra Athos comme un Achille, Porthos comme -un Ajax, et Aramis comme un Joseph. - -Au reste, la vie des quatre jeunes gens était joyeuse: Athos -jouait, et toujours malheureusement. Cependant il n'empruntait -jamais un sou à ses amis, quoique sa bourse fût sans cesse à leur -service, et lorsqu'il avait joué sur parole, il faisait toujours -réveiller son créancier à six heures du matin pour lui payer sa -dette de la veille. - -Porthos avait des fougues: ces jours-là, s'il gagnait, on le -voyait insolent et splendide; s'il perdait, il disparaissait -complètement pendant quelques jours, après lesquels il -reparaissait le visage blême et la mine allongée, mais avec de -l'argent dans ses poches. - -Quant à Aramis, il ne jouait jamais. C'était bien le plus mauvais -mousquetaire et le plus méchant convive qui se pût voir... Il -avait toujours besoin de travailler. Quelquefois au milieu d'un -dîner, quand chacun, dans l'entraînement du vin et dans la chaleur -de la conversation, croyait que l'on en avait encore pour deux ou -trois heures à rester à table, Aramis regardait sa montre, se -levait avec un gracieux sourire et prenait congé de la société, -pour aller, disait-il, consulter un casuiste avec lequel il avait -rendez-vous. D'autres fois, il retournait à son logis pour écrire -une thèse, et priait ses amis de ne pas le distraire. - -Cependant Athos souriait de ce charmant sourire mélancolique, si -bien séant à sa noble figure, et Porthos buvait en jurant -qu'Aramis ne serait jamais qu'un curé de village. - -Planchet, le valet de d'Artagnan, supporta noblement la bonne -fortune; il recevait trente sous par jour, et pendant un mois il -revenait au logis gai comme pinson et affable envers son maître. -Quand le vent de l'adversité commença à souffler sur le ménage de -la rue des Fossoyeurs, c'est-à-dire quand les quarante pistoles du -roi Louis XIII furent mangées ou à peu près, il commença des -plaintes qu'Athos trouva nauséabondes, Porthos indécentes, et -Aramis ridicules. Athos conseilla donc à d'Artagnan de congédier -le drôle, Porthos voulait qu'on le bâtonnât auparavant, et Aramis -prétendit qu'un maître ne devait entendre que les compliments -qu'on fait de lui. - -«Cela vous est bien aisé à dire, reprit d'Artagnan: à vous, Athos, -qui vivez muet avec Grimaud, qui lui défendez de parler, et qui, -par conséquent, n'avez jamais de mauvaises paroles avec lui; à -vous, Porthos, qui menez un train magnifique et qui êtes un dieu -pour votre valet Mousqueton; à vous enfin, Aramis, qui, toujours -distrait par vos études théologiques, inspirez un profond respect -à votre serviteur Bazin, homme doux et religieux; mais moi qui -suis sans consistance et sans ressources, moi qui ne suis pas -mousquetaire ni même garde, moi, que ferai-je pour inspirer de -l'affection, de la terreur ou du respect à Planchet? - --- La chose est grave, répondirent les trois amis, c'est une -affaire d'intérieur; il en est des valets comme des femmes, il -faut les mettre tout de suite sur le pied où l'on désire qu'ils -restent. Réfléchissez donc.» - -D'Artagnan réfléchit et se résolut à rouer Planchet par provision, -ce qui fut exécuté avec la conscience que d'Artagnan mettait en -toutes choses; puis, après l'avoir bien rossé, il lui défendit de -quitter son service sans sa permission. «Car, ajouta-t-il, -l'avenir ne peut me faire faute; j'attends inévitablement des -temps meilleurs. Ta fortune est donc faite si tu restes près de -moi, et je suis trop bon maître pour te faire manquer ta fortune -en t'accordant le congé que tu me demandes.» - -Cette manière d'agir donna beaucoup de respect aux mousquetaires -pour la politique de d'Artagnan. Planchet fut également saisi -d'admiration et ne parla plus de s'en aller. - -La vie des quatre jeunes gens était devenue commune; d'Artagnan, -qui n'avait aucune habitude, puisqu'il arrivait de sa province et -tombait au milieu d'un monde tout nouveau pour lui, prit aussitôt -les habitudes de ses amis. - -On se levait vers huit heures en hiver, vers six heures en été, et -l'on allait prendre le mot d'ordre et l'air des affaires chez -M. de Tréville. D'Artagnan, bien qu'il ne fût pas mousquetaire, en -faisait le service avec une ponctualité touchante: il était -toujours de garde, parce qu'il tenait toujours compagnie à celui -de ses trois amis qui montait la sienne. On le connaissait à -l'hôtel des mousquetaires, et chacun le tenait pour un bon -camarade; M. de Tréville, qui l'avait apprécié du premier coup -d'oeil, et qui lui portait une véritable affection, ne cessait de -le recommander au roi. - -De leur côté, les trois mousquetaires aimaient fort leur jeune -camarade. L'amitié qui unissait ces quatre hommes, et le besoin de -se voir trois ou quatre fois par jour, soit pour duel, soit pour -affaires, soit pour plaisir, les faisaient sans cesse courir l'un -après l'autre comme des ombres; et l'on rencontrait toujours les -inséparables se cherchant du Luxembourg à la place Saint-Sulpice, -ou de la rue du Vieux-Colombier au Luxembourg. - -En attendant, les promesses de M. de Tréville allaient leur train. -Un beau jour, le roi commanda à M. le chevalier des Essarts de -prendre d'Artagnan comme cadet dans sa compagnie des gardes. -D'Artagnan endossa en soupirant cet habit, qu'il eût voulu, au -prix de dix années de son existence, troquer contre la casaque de -mousquetaire. Mais M. de Tréville promit cette faveur après un -noviciat de deux ans, noviciat qui pouvait être abrégé au reste, -si l'occasion se présentait pour d'Artagnan de rendre quelque -service au roi ou de faire quelque action d'éclat. D'Artagnan se -retira sur cette promesse et, dès le lendemain, commença son -service. - -Alors ce fut le tour d'Athos, de Porthos et d'Aramis de monter la -garde avec d'Artagnan quand il était de garde. La compagnie de -M. le chevalier des Essarts prit ainsi quatre hommes au lieu d'un, -le jour où elle prit d'Artagnan. - - -CHAPITRE VIII -UNE INTRIGUE DE COEUR - -Cependant les quarante pistoles du roi Louis XIII, ainsi que -toutes les choses de ce monde, après avoir eu un commencement -avaient eu une fin, et depuis cette fin nos quatre compagnons -étaient tombés dans la gêne. D'abord Athos avait soutenu pendant -quelque temps l'association de ses propres deniers. Porthos lui -avait succédé, et, grâce à une de ces disparitions auxquelles on -était habitué, il avait pendant près de quinze jours encore -subvenu aux besoins de tout le monde; enfin était arrivé le tour -d'Aramis, qui s'était exécuté de bonne grâce, et qui était -parvenu, disait-il, en vendant ses livres de théologie, à se -procurer quelques pistoles. - -On eut alors, comme d'habitude, recours à M. de Tréville, qui fit -quelques avances sur la solde; mais ces avances ne pouvaient -conduire bien loin trois mousquetaires qui avaient déjà force -comptes arriérés, et un garde qui n'en avait pas encore. - -Enfin, quand on vit qu'on allait manquer tout à fait, on rassembla -par un dernier effort huit ou dix pistoles que Porthos joua. -Malheureusement, il était dans une mauvaise veine: il perdit tout, -plus vingt-cinq pistoles sur parole. - -Alors la gêne devint de la détresse, on vit les affamés suivis de -leurs laquais courir les quais et les corps de garde, ramassant -chez leurs amis du dehors tous les dîners qu'ils purent trouver; -car, suivant l'avis d'Aramis, on devait dans la prospérité semer -des repas à droite et à gauche pour en récolter quelques-uns dans -la disgrâce. - -Athos fut invité quatre fois et mena chaque fois ses amis avec -leurs laquais. Porthos eut six occasions et en fit également jouir -ses camarades; Aramis en eut huit. C'était un homme, comme on a -déjà pu s'en apercevoir, qui faisait peu de bruit et beaucoup de -besogne. - -Quant à d'Artagnan, qui ne connaissait encore personne dans la -capitale, il ne trouva qu'un déjeuner de chocolat chez un prêtre -de son pays, et un dîner chez un cornette des gardes. Il mena son -armée chez le prêtre, auquel on dévora sa provision de deux mois, -et chez le cornette, qui fit des merveilles; mais, comme le disait -Planchet, on ne mange toujours qu'une fois, même quand on mange -beaucoup. - -D'Artagnan se trouva donc assez humilié de n'avoir eu qu'un repas -et demi, car le déjeuner chez le prêtre ne pouvait compter que -pour un demi-repas, à offrir à ses compagnons en échange des -festins que s'étaient procurés Athos, Porthos et Aramis. Il se -croyait à charge à la société, oubliant dans sa bonne foi toute -juvénile qu'il avait nourri cette société pendant un mois, et son -esprit préoccupé se mit à travailler activement. Il réfléchit que -cette coalition de quatre hommes jeunes, braves, entreprenants et -actifs devait avoir un autre but que des promenades déhanchées, -des leçons d'escrime et des lazzi plus ou moins spirituels. - -En effet, quatre hommes comme eux, quatre hommes dévoués les uns -aux autres depuis la bourse jusqu'à la vie, quatre hommes se -soutenant toujours, ne reculant jamais, exécutant isolément ou -ensemble les résolutions prises en commun; quatre bras menaçant -les quatre points cardinaux ou se tournant vers un seul point, -devaient inévitablement, soit souterrainement, soit au jour, soit -par la mine, soit par la tranchée, soit par la ruse, soit par la -force, s'ouvrir un chemin vers le but qu'ils voulaient atteindre, -si bien défendu ou si éloigné qu'il fût. La seule chose qui -étonnât d'Artagnan, c'est que ses compagnons n'eussent point songé -à cela. - -Il y songeait, lui, et sérieusement même, se creusant la cervelle -pour trouver une direction à cette force unique quatre fois -multipliée avec laquelle il ne doutait pas que, comme avec le -levier que cherchait Archimède, on ne parvînt à soulever le monde, --- lorsque l'on frappa doucement à la porte. D'Artagnan réveilla -Planchet et lui ordonna d'aller ouvrir. - -Que de cette phrase: d'Artagnan réveilla Planchet, le lecteur -n'aille pas augurer qu'il faisait nuit ou que le jour n'était -point encore venu. Non! quatre heures venaient de sonner. -Planchet, deux heures auparavant, était venu demander à dîner à -son maître, lequel lui avait répondu par le proverbe: «Qui dort -dîne.» Et Planchet dînait en dormant. - -Un homme fut introduit, de mine assez simple et qui avait l'air -d'un bourgeois. - -Planchet, pour son dessert, eût bien voulu entendre la -conversation; mais le bourgeois déclara à d'Artagnan que ce qu'il -avait à lui dire étant important et confidentiel, il désirait -demeurer en tête-à-tête avec lui. - -D'Artagnan congédia Planchet et fit asseoir son visiteur. - -Il y eut un moment de silence pendant lequel les deux hommes se -regardèrent comme pour faire une connaissance préalable, après -quoi d'Artagnan s'inclina en signe qu'il écoutait. - -«J'ai entendu parler de M. d'Artagnan comme d'un jeune homme fort -brave, dit le bourgeois, et cette réputation dont il jouit à juste -titre m'a décidé à lui confier un secret. - --- Parlez, monsieur, parlez», dit d'Artagnan, qui d'instinct -flaira quelque chose d'avantageux. - -Le bourgeois fit une nouvelle pause et continua: - -«J'ai ma femme qui est lingère chez la reine, monsieur, et qui ne -manque ni de sagesse, ni de beauté. On me l'a fait épouser voilà -bientôt trois ans, quoiqu'elle n'eût qu'un petit avoir, parce que -M. de La Porte, le portemanteau de la reine, est son parrain et la -protège... - --- Eh bien, monsieur? demanda d'Artagnan. - --- Eh bien, reprit le bourgeois, eh bien, monsieur, ma femme a été -enlevée hier matin, comme elle sortait de sa chambre de travail. - --- Et par qui votre femme a-t-elle été enlevée? - --- Je n'en sais rien sûrement, monsieur, mais je soupçonne -quelqu'un. - --- Et quelle est cette personne que vous soupçonnez? - --- Un homme qui la poursuivait depuis longtemps. - --- Diable! - --- Mais voulez-vous que je vous dise, monsieur, continua le -bourgeois, je suis convaincu, moi, qu'il y a moins d'amour que de -politique dans tout cela. - --- Moins d'amour que de politique, reprit d'Artagnan d'un air fort -réfléchi, et que soupçonnez-vous? - --- Je ne sais pas si je devrais vous dire ce que je soupçonne... - --- Monsieur, je vous ferai observer que je ne vous demande -absolument rien, moi. C'est vous qui êtes venu. C'est vous qui -m'avez dit que vous aviez un secret à me confier. Faites donc à -votre guise, il est encore temps de vous retirer. - --- Non, monsieur, non; vous m'avez l'air d'un honnête jeune homme, -et j'aurai confiance en vous. Je crois donc que ce n'est pas à -cause de ses amours que ma femme a été arrêtée, mais à cause de -celles d'une plus grande dame qu'elle. - --- Ah! ah! serait-ce à cause des amours de Mme de Bois-Tracy? fit -d'Artagnan, qui voulut avoir l'air, vis-à-vis de son bourgeois, -d'être au courant des affaires de la cour. - --- Plus haut, monsieur, plus haut. - --- De Mme d'Aiguillon? - --- Plus haut encore. - --- De Mme de Chevreuse? - --- Plus haut, beaucoup plus haut! - --- De la... d'Artagnan s'arrêta. - --- Oui, monsieur, répondit si bas, qu'à peine si on put -l'entendre, le bourgeois épouvanté. - --- Et avec qui? - --- Avec qui cela peut-il être, si ce n'est avec le duc de... - --- Le duc de... - --- Oui, monsieur! répondit le bourgeois, en donnant à sa voix une -intonation plus sourde encore. - --- Mais comment savez-vous tout cela, vous? - --- Ah! comment je le sais? - --- Oui, comment le savez-vous? Pas de demi-confidence, ou... vous -comprenez. - --- Je le sais par ma femme, monsieur, par ma femme elle-même. - --- Qui le sait, elle, par qui? - --- Par M. de La Porte. Ne vous ai-je pas dit qu'elle était la -filleule de M. de La Porte, l'homme de confiance de la reine? Eh -bien, M. de La Porte l'avait mise près de Sa Majesté pour que -notre pauvre reine au moins eût quelqu'un à qui se fier, -abandonnée comme elle l'est par le roi, espionnée comme elle l'est -par le cardinal, trahie comme elle l'est par tous. - --- Ah! ah! voilà qui se dessine, dit d'Artagnan. - --- Or ma femme est venue il y a quatre jours, monsieur; une de ses -conditions était qu'elle devait me venir voir deux fois la -semaine; car, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, ma -femme m'aime beaucoup; ma femme est donc venue, et m'a confié que -la reine, en ce moment-ci, avait de grandes craintes. - --- Vraiment? - --- Oui, M. le cardinal, à ce qu'il paraît, la poursuit et la -persécute plus que jamais. Il ne peut pas lui pardonner l'histoire -de la sarabande. Vous savez l'histoire de la sarabande? - --- Pardieu, si je la sais! répondit d'Artagnan, qui ne savait rien -du tout, mais qui voulait avoir l'air d'être au courant. - --- De sorte que, maintenant, ce n'est plus de la haine, c'est de -la vengeance. - --- Vraiment? - --- Et la reine croit... - --- Eh bien, que croit la reine? - --- Elle croit qu'on a écrit à M. le duc de Buckingham en son nom. - --- Au nom de la reine? - --- Oui, pour le faire venir à Paris, et une fois venu à Paris, -pour l'attirer dans quelque piège. - --- Diable! mais votre femme, mon cher monsieur, qu'a-t-elle à -faire dans tout cela? - --- On connaît son dévouement pour la reine, et l'on veut ou -l'éloigner de sa maîtresse, ou l'intimider pour avoir les secrets -de Sa Majesté, ou la séduire pour se servir d'elle comme d'un -espion. - --- C'est probable, dit d'Artagnan; mais l'homme qui l'a enlevée, -le connaissez-vous? - --- Je vous ai dit que je croyais le connaître. - --- Son nom? - --- Je ne le sais pas; ce que je sais seulement, c'est que c'est -une créature du cardinal, son âme damnée. - --- Mais vous l'avez vu? - --- Oui, ma femme me l'a montré un jour. - --- A-t-il un signalement auquel on puisse le reconnaître? - --- Oh! certainement, c'est un seigneur de haute mine, poil noir, -teint basané, oeil perçant, dents blanches et une cicatrice à la -tempe. - --- Une cicatrice à la tempe! s'écria d'Artagnan, et avec cela -dents blanches, oeil perçant, teint basané, poil noir, et haute -mine; c'est mon homme de Meung! - --- C'est votre homme, dites-vous? - --- Oui, oui; mais cela ne fait rien à la chose. Non, je me trompe, -cela la simplifie beaucoup, au contraire: si votre homme est le -mien, je ferai d'un coup deux vengeances, voilà tout; mais où -rejoindre cet homme? - --- Je n'en sais rien. - --- Vous n'avez aucun renseignement sur sa demeure? - --- Aucun; un jour que je reconduisais ma femme au Louvre, il en -sortait comme elle allait y entrer, et elle me l'a fait voir. - --- Diable! diable! murmura d'Artagnan, tout ceci est bien vague; -par qui avez-vous su l'enlèvement de votre femme? - --- Par M. de La Porte. - --- Vous a-t-il donné quelque détail? - --- Il n'en avait aucun. - --- Et vous n'avez rien appris d'un autre côté? - --- Si fait, j'ai reçu... - --- Quoi? - --- Mais je ne sais pas si je ne commets pas une grande imprudence? - --- Vous revenez encore là-dessus; cependant je vous ferai observer -que, cette fois, il est un peu tard pour reculer. - --- Aussi je ne recule pas, mordieu! s'écria le bourgeois en jurant -pour se monter la tête. D'ailleurs, foi de Bonacieux... - --- Vous vous appelez Bonacieux? interrompit d'Artagnan. - --- Oui, c'est mon nom. - --- Vous disiez donc: foi de Bonacieux! pardon si je vous ai -interrompu; mais il me semblait que ce nom ne m'était pas inconnu. - --- C'est possible, monsieur. Je suis votre propriétaire. - --- Ah! ah! fit d'Artagnan en se soulevant à demi et en saluant, -vous êtes mon propriétaire? - --- Oui, monsieur, oui. Et comme depuis trois mois que vous êtes -chez moi, et que distrait sans doute par vos grandes occupations -vous avez oublié de me payer mon loyer; comme, dis-je, je ne vous -ai pas tourmenté un seul instant, j'ai pensé que vous auriez égard -à ma délicatesse. - --- Comment donc! mon cher monsieur Bonacieux, reprit d'Artagnan, -croyez que je suis plein de reconnaissance pour un pareil procédé, -et que, comme je vous l'ai dit, si je puis vous être bon à quelque -chose... - --- Je vous crois, monsieur, je vous crois, et comme j'allais vous -le dire, foi de Bonacieux, j'ai confiance en vous. - --- Achevez donc ce que vous avez commencé à me dire.» - -Le bourgeois tira un papier de sa poche, et le présenta à -d'Artagnan. - -«Une lettre! fit le jeune homme. - --- Que j'ai reçue ce matin.» - -D'Artagnan l'ouvrit, et comme le jour commençait à baisser, il -s'approcha de la fenêtre. Le bourgeois le suivit. - -«Ne cherchez pas votre femme, lut d'Artagnan, elle vous sera -rendue quand on n'aura plus besoin d'elle. Si vous faites une -seule démarche pour la retrouver, vous êtes perdu.» - -«Voilà qui est positif, continua d'Artagnan; mais après tout, ce -n'est qu'une menace. - --- Oui, mais cette menace m'épouvante; moi, monsieur, je ne suis -pas homme d'épée du tout, et j'ai peur de la Bastille. - --- Hum! fit d'Artagnan; mais c'est que je ne me soucie pas plus de -la Bastille que vous, moi. S'il ne s'agissait que d'un coup -d'épée, passe encore. - --- Cependant, monsieur, j'avais bien compté sur vous dans cette -occasion. - --- Oui? - --- Vous voyant sans cesse entouré de mousquetaires à l'air fort -superbe, et reconnaissant que ces mousquetaires étaient ceux de -M. de Tréville, et par conséquent des ennemis du cardinal, j'avais -pensé que vous et vos amis, tout en rendant justice à notre pauvre -reine, seriez enchantés de jouer un mauvais tour à Son Éminence. - --- Sans doute. - --- Et puis j'avais pensé que, me devant trois mois de loyer dont -je ne vous ai jamais parlé... - --- Oui, oui, vous m'avez déjà donné cette raison, et je la trouve -excellente. - --- Comptant de plus, tant que vous me ferez l'honneur de rester -chez moi, ne jamais vous parler de votre loyer à venir... - --- Très bien. - --- Et ajoutez à cela, si besoin est, comptant vous offrir une -cinquantaine de pistoles si, contre toute probabilité, vous vous -trouviez gêné en ce moment. - --- À merveille; mais vous êtes donc riche, mon cher monsieur -Bonacieux? - --- Je suis à mon aise, monsieur, c'est le mot; j'ai amassé quelque -chose comme deux ou trois mille écus de rente dans le commerce de -la mercerie, et surtout en plaçant quelques fonds sur le dernier -voyage du célèbre navigateur Jean Mocquet; de sorte que, vous -comprenez, monsieur... Ah! mais... s'écria le bourgeois. - --- Quoi? demanda d'Artagnan. - --- Que vois-je là? - --- Où? - --- Dans la rue, en face de vos fenêtres, dans l'embrasure de cette -porte: un homme enveloppé dans un manteau. - --- C'est lui! s'écrièrent à la fois d'Artagnan et le bourgeois, -chacun d'eux en même temps ayant reconnu son homme. - --- Ah! cette fois-ci, s'écria d'Artagnan en sautant sur son épée, -cette fois-ci, il ne m'échappera pas.» - -Et tirant son épée du fourreau, il se précipita hors de -l'appartement. - -Sur l'escalier, il rencontra Athos et Porthos qui le venaient -voir. Ils s'écartèrent, d'Artagnan passa entre eux comme un trait. - -«Ah çà, où cours-tu ainsi? lui crièrent à la fois les deux -mousquetaires. - --- L'homme de Meung!» répondit d'Artagnan, et il disparut. - -D'Artagnan avait plus d'une fois raconté à ses amis son aventure -avec l'inconnu, ainsi que l'apparition de la belle voyageuse à -laquelle cet homme avait paru confier une si importante missive. - -L'avis d'Athos avait été que d'Artagnan avait perdu sa lettre dans -la bagarre. Un gentilhomme, selon lui -- et, au portrait que -d'Artagnan avait fait de l'inconnu, ce ne pouvait être qu'un -gentilhomme --, un gentilhomme devait être incapable de cette -bassesse, de voler une lettre. - -Porthos n'avait vu dans tout cela qu'un rendez-vous amoureux donné -par une dame à un cavalier ou par un cavalier à une dame, et -qu'était venu troubler la présence de d'Artagnan et de son cheval -jaune. - -Aramis avait dit que ces sortes de choses étant mystérieuses, -mieux valait ne les point approfondir. - -Ils comprirent donc, sur les quelques mots échappés à d'Artagnan, -de quelle affaire il était question, et comme ils pensèrent -qu'après avoir rejoint son homme ou l'avoir perdu de vue, -d'Artagnan finirait toujours par remonter chez lui, ils -continuèrent leur chemin. - -Lorsqu'ils entrèrent dans la chambre de d'Artagnan, la chambre -était vide: le propriétaire, craignant les suites de la rencontre -qui allait sans doute avoir lieu entre le jeune homme et -l'inconnu, avait, par suite de l'exposition qu'il avait faite lui- -même de son caractère, jugé qu'il était prudent de décamper. - - -CHAPITRE IX -D'ARTAGNAN SE DESSINE - -Comme l'avaient prévu Athos et Porthos, au bout d'une demi-heure -d'Artagnan rentra. Cette fois encore il avait manqué son homme, -qui avait disparu comme par enchantement. D'Artagnan avait couru, -l'épée à la main, toutes les rues environnantes, mais il n'avait -rien trouvé qui ressemblât à celui qu'il cherchait, puis enfin il -en était revenu à la chose par laquelle il aurait dû commencer -peut-être, et qui était de frapper à la porte contre laquelle -l'inconnu était appuyé; mais c'était inutilement qu'il avait dix -ou douze fois de suite fait résonner le marteau, personne n'avait -répondu, et des voisins qui, attirés par le bruit, étaient -accourus sur le seuil de leur porte ou avaient mis le nez à leurs -fenêtres, lui avaient assuré que cette maison, dont au reste -toutes les ouvertures étaient closes, était depuis six mois -complètement inhabitée. - -Pendant que d'Artagnan courait les rues et frappait aux portes, -Aramis avait rejoint ses deux compagnons, de sorte qu'en revenant -chez lui, d'Artagnan trouva la réunion au grand complet. - -«Eh bien? dirent ensemble les trois mousquetaires en voyant entrer -d'Artagnan, la sueur sur le front et la figure bouleversée par la -colère. - --- Eh bien, s'écria celui-ci en jetant son épée sur le lit, il -faut que cet homme soit le diable en personne; il a disparu comme -un fantôme, comme une ombre, comme un spectre. - --- Croyez-vous aux apparitions? demanda Athos à Porthos. - --- Moi, je ne crois que ce que j'ai vu, et comme je n'ai jamais vu -d'apparitions, je n'y crois pas. - --- La Bible, dit Aramis, nous fait une loi d'y croire: l'ombre de -Samuel apparut à Saül, et c'est un article de foi que je serais -fâché de voir mettre en doute, Porthos. - --- Dans tous les cas, homme ou diable, corps ou ombre, illusion ou -réalité, cet homme est né pour ma damnation, car sa fuite nous -fait manquer une affaire superbe, messieurs, une affaire dans -laquelle il y avait cent pistoles et peut-être plus à gagner. - --- Comment cela?» dirent à la fois Porthos et Aramis. - -Quant à Athos, fidèle à son système de mutisme, il se contenta -d'interroger d'Artagnan du regard. - -«Planchet, dit d'Artagnan à son domestique, qui passait en ce -moment la tête par la porte entrebâillée pour tâcher de surprendre -quelques bribes de la conversation, descendez chez mon -propriétaire, M. Bonacieux, et dites-lui de nous envoyer une demi- -douzaine de bouteilles de vin de Beaugency: c'est celui que je -préfère. - --- Ah çà, mais vous avez donc crédit ouvert chez votre -propriétaire? demanda Porthos. - --- Oui, répondit d'Artagnan, à compter d'aujourd'hui, et soyez -tranquilles, si son vin est mauvais, nous lui en enverrons quérir -d'autre. - --- Il faut user et non abuser, dit sentencieusement Aramis. - --- J'ai toujours dit que d'Artagnan était la forte tête de nous -quatre, fit Athos, qui, après avoir émis cette opinion à laquelle -d'Artagnan répondit par un salut, retomba aussitôt dans son -silence accoutumé. - --- Mais enfin, voyons, qu'y a-t-il? demanda Porthos. - --- Oui, dit Aramis, confiez-nous cela, mon cher ami, à moins que -l'honneur de quelque dame ne se trouve intéressé à cette -confidence, à ce quel cas vous feriez mieux de la garder pour -vous. - --- Soyez tranquilles, répondit d'Artagnan, l'honneur de personne -n'aura à se plaindre de ce que j'ai à vous dire.» - -Et alors il raconta mot à mot à ses amis ce qui venait de se -passer entre lui et son hôte, et comment l'homme qui avait enlevé -la femme du digne propriétaire était le même avec lequel il avait -eu maille à partir à l'hôtellerie du Franc Meunier. - -«Votre affaire n'est pas mauvaise, dit Athos après avoir goûté le -vin en connaisseur et indiqué d'un signe de tête qu'il le trouvait -bon, et l'on pourra tirer de ce brave homme cinquante à soixante -pistoles. Maintenant, reste à savoir si cinquante à soixante -pistoles valent la peine de risquer quatre têtes. - --- Mais faites attention, s'écria d'Artagnan qu'il y a une femme -dans cette affaire, une femme enlevée, une femme qu'on menace sans -doute, qu'on torture peut-être, et tout cela parce qu'elle est -fidèle à sa maîtresse! - --- Prenez garde, d'Artagnan, prenez garde, dit Aramis, vous vous -échauffez un peu trop, à mon avis, sur le sort de Mme Bonacieux. -La femme a été créée pour notre perte, et c'est d'elle que nous -viennent toutes nos misères.» - -Athos, à cette sentence d'Aramis, fronça le sourcil et se mordit -les lèvres. - -«Ce n'est point de Mme Bonacieux que je m'inquiète, s'écria -d'Artagnan, mais de la reine, que le roi abandonne, que le -cardinal persécute, et qui voit tomber, les unes après les autres, -les têtes de tous ses amis. - --- Pourquoi aime-t-elle ce que nous détestons le plus au monde, -les Espagnols et les Anglais? - --- L'Espagne est sa patrie, répondit d'Artagnan, et il est tout -simple qu'elle aime les Espagnols, qui sont enfants de la même -terre qu'elle. Quant au second reproche que vous lui faites, j'ai -entendu dire qu'elle aimait non pas les Anglais, mais un Anglais. - --- Eh! ma foi, dit Athos, il faut avouer que cet Anglais était -bien digne d'être aimé. Je n'ai jamais vu un plus grand air que le -sien. - --- Sans compter qu'il s'habille comme personne, dit Porthos. -J'étais au Louvre le jour où il a semé ses perles, et pardieu! -j'en ai ramassé deux que j'ai bien vendues dix pistoles pièce. Et -toi, Aramis, le connais-tu? - --- Aussi bien que vous, messieurs, car j'étais de ceux qui l'ont -arrêté dans le jardin d'Amiens, où m'avait introduit -M. de Putange, l'écuyer de la reine. J'étais au séminaire à cette -époque, et l'aventure me parut cruelle pour le roi. - --- Ce qui ne m'empêcherait pas, dit d'Artagnan, si je savais où -est le duc de Buckingham, de le prendre par la main et de le -conduire près de la reine, ne fût-ce que pour faire enrager M. le -cardinal; car notre véritable, notre seul, notre éternel ennemi, -messieurs, c'est le cardinal, et si nous pouvions trouver moyen de -lui jouer quelque tour bien cruel, j'avoue que j'y engagerais -volontiers ma tête. - --- Et, reprit Athos, le mercier vous a dit, d'Artagnan, que la -reine pensait qu'on avait fait venir Buckingham sur un faux avis? - --- Elle en a peur. - --- Attendez donc, dit Aramis. - --- Quoi? demanda Porthos. - --- Allez toujours, je cherche à me rappeler des circonstances. - --- Et maintenant je suis convaincu, dit d'Artagnan, que -l'enlèvement de cette femme de la reine se rattache aux événements -dont nous parlons, et peut-être à la présence de M. de Buckingham -à Paris. - --- Le Gascon est plein d'idées, dit Porthos avec admiration. - --- J'aime beaucoup l'entendre parler, dit Athos, son patois -m'amuse. - --- Messieurs, reprit Aramis, écoutez ceci. - --- Écoutons Aramis, dirent les trois amis. - --- Hier je me trouvais chez un savant docteur en théologie que je -consulte quelquefois pour mes études...» - -Athos sourit. - -«Il habite un quartier désert, continua Aramis: ses goûts, sa -profession l'exigent. Or, au moment où je sortais de chez lui...» - -Ici Aramis s'arrêta. - -«Eh bien? demandèrent ses auditeurs, au moment où vous sortiez de -chez lui?» - -Aramis parut faire un effort sur lui-même, comme un homme qui, en -plein courant de mensonge, se voit arrêter par quelque obstacle -imprévu; mais les yeux de ses trois compagnons étaient fixés sur -lui, leurs oreilles attendaient béantes, il n'y avait pas moyen de -reculer. - -«Ce docteur a une nièce, continua Aramis. - --- Ah! il a une nièce! interrompit Porthos. - --- Dame fort respectable», dit Aramis. - -Les trois amis se mirent à rire. - -«Ah! si vous riez ou si vous doutez, reprit Aramis, vous ne saurez -rien. - --- Nous sommes croyants comme des mahométistes et muets comme des -catafalques, dit Athos. - --- Je continue donc, reprit Aramis. Cette nièce vient quelquefois -voir son oncle; or elle s'y trouvait hier en même temps que moi, -par hasard, et je dus m'offrir pour la conduire à son carrosse. - --- Ah! elle a un carrosse, la nièce du docteur? interrompit -Porthos, dont un des défauts était une grande incontinence de -langue; belle connaissance, mon ami. - --- Porthos, reprit Aramis, je vous ai déjà fait observer plus -d'une fois que vous êtes fort indiscret, et que cela vous nuit -près des femmes. - --- Messieurs, messieurs, s'écria d'Artagnan, qui entrevoyait le -fond de l'aventure, la chose est sérieuse; tâchons donc de ne pas -plaisanter si nous pouvons. Allez, Aramis, allez. - --- Tout à coup, un homme grand, brun, aux manières de -gentilhomme..., tenez, dans le genre du vôtre, d'Artagnan. - --- Le même peut-être, dit celui-ci. - --- C'est possible, continua Aramis,... s'approcha de moi, -accompagné de cinq ou six hommes qui le suivaient à dix pas en -arrière, et du ton le plus poli: "Monsieur le duc, me dit-il, et -vous, madame", continua-t-il en s'adressant à la dame que j'avais -sous le bras... - --- À la nièce du docteur? - --- Silence donc, Porthos! dit Athos, vous êtes insupportable. - --- Veuillez monter dans ce carrosse, et cela sans essayer la -moindre résistance, sans faire le moindre bruit.» - --- Il vous avait pris pour Buckingham! s'écria d'Artagnan. - --- Je le crois, répondit Aramis. - --- Mais cette dame? demanda Porthos. - --- Il l'avait prise pour la reine! dit d'Artagnan. - --- Justement, répondit Aramis. - --- Le Gascon est le diable! s'écria Athos, rien ne lui échappe. - --- Le fait est, dit Porthos, qu'Aramis est de la taille et a -quelque chose de la tournure du beau duc; mais cependant, il me -semble que l'habit de mousquetaire... - --- J'avais un manteau énorme, dit Aramis. - --- Au mois de juillet, diable! fit Porthos, est-ce que le docteur -craint que tu ne sois reconnu? - --- Je comprends encore, dit Athos, que l'espion se soit laissé -prendre par la tournure; mais le visage... - --- J'avais un grand chapeau, dit Aramis. - --- Oh! mon Dieu, s'écria Porthos, que de précautions pour étudier -la théologie! - --- Messieurs, messieurs, dit d'Artagnan, ne perdons pas notre -temps à badiner; éparpillons-nous et cherchons la femme du -mercier, c'est la clef de l'intrigue. - --- Une femme de condition si inférieure! vous croyez, d'Artagnan? -fit Porthos en allongeant les lèvres avec mépris. - --- C'est la filleule de La Porte, le valet de confiance de la -reine. Ne vous l'ai-je pas dit, messieurs? Et d'ailleurs, c'est -peut-être un calcul de Sa Majesté d'avoir été, cette fois, -chercher ses appuis si bas. Les hautes têtes se voient de loin, et -le cardinal a bonne vue. - --- Eh bien, dit Porthos, faites d'abord prix avec le mercier, et -bon prix. - --- C'est inutile, dit d'Artagnan, car je crois que s'il ne nous -paie pas, nous serons assez payés d'un autre côté.» - -En ce moment, un bruit précipité de pas retentit dans l'escalier, -la porte s'ouvrit avec fracas, et le malheureux mercier s'élança -dans la chambre où se tenait le conseil. - -«Ah! messieurs, s'écria-t-il, sauvez-moi, au nom du Ciel, sauvez- -moi! Il y a quatre hommes qui viennent pour m'arrêter; sauvez-moi, -sauvez-moi!» - -Porthos et Aramis se levèrent. - -«Un moment, s'écria d'Artagnan en leur faisant signe de repousser -au fourreau leurs épées à demi tirées; un moment, ce n'est pas du -courage qu'il faut ici, c'est de la prudence. - --- Cependant, s'écria Porthos, nous ne laisserons pas... - --- Vous laisserez faire d'Artagnan, dit Athos, c'est, je le -répète, la forte tête de nous tous, et moi, pour mon compte, je -déclare que je lui obéis. Fais ce que tu voudras, d'Artagnan.» - -En ce moment, les quatre gardes apparurent à la porte de -l'antichambre, et voyant quatre mousquetaires debout et l'épée au -côté, hésitèrent à aller plus loin. - -«Entrez, messieurs, entrez, cria d'Artagnan; vous êtes ici chez -moi, et nous sommes tous de fidèles serviteurs du roi et de M. le -cardinal. - --- Alors, messieurs, vous ne vous opposerez pas à ce que nous -exécutions les ordres que nous avons reçus? demanda celui qui -paraissait le chef de l'escouade. - --- Au contraire, messieurs, et nous vous prêterions main-forte, si -besoin était. - --- Mais que dit-il donc? marmotta Porthos. - --- Tu es un niais, dit Athos, silence! - --- Mais vous m'avez promis..., dit tout bas le pauvre mercier. - --- Nous ne pouvons vous sauver qu'en restant libres, répondit -rapidement et tout bas d'Artagnan, et si nous faisons mine de vous -défendre, on nous arrête avec vous. - --- Il me semble, cependant... - --- Venez, messieurs, venez, dit tout haut d'Artagnan; je n'ai -aucun motif de défendre monsieur. Je l'ai vu aujourd'hui pour la -première fois, et encore à quelle occasion, il vous le dira lui- -même, pour me venir réclamer le prix de mon loyer. Est-ce vrai, -monsieur Bonacieux? Répondez! - --- C'est la vérité pure, s'écria le mercier, mais monsieur ne vous -dit pas... - --- Silence sur moi, silence sur mes amis, silence sur la reine -surtout, ou vous perdriez tout le monde sans vous sauver. Allez, -allez, messieurs, emmenez cet homme!» - -Et d'Artagnan poussa le mercier tout étourdi aux mains des gardes, -en lui disant: - -«Vous êtes un maraud, mon cher; vous venez me demander de -l'argent, à moi! à un mousquetaire! En prison, messieurs, encore -une fois, emmenez-le en prison et gardez-le sous clef le plus -longtemps possible, cela me donnera du temps pour payer.» - -Les sbires se confondirent en remerciements et emmenèrent leur -proie. - -Au moment où ils descendaient, d'Artagnan frappa sur l'épaule du -chef: - -«Ne boirai-je pas à votre santé et vous à la mienne? dit-il, en -remplissant deux verres du vin de Beaugency qu'il tenait de la -libéralité de M. Bonacieux. - --- Ce sera bien de l'honneur pour moi, dit le chef des sbires, et -j'accepte avec reconnaissance. - --- Donc, à la vôtre, monsieur... comment vous nommez-vous? - --- Boisrenard. - --- Monsieur Boisrenard! - --- À la vôtre, mon gentilhomme: comment vous nommez-vous, à votre -tour, s'il vous plaît? - --- D'Artagnan. - --- À la vôtre, monsieur d'Artagnan! - --- Et par-dessus toutes celles-là, s'écria d'Artagnan comme -emporté par son enthousiasme, à celle du roi et du cardinal.» - -Le chef des sbires eût peut-être douté de la sincérité de -d'Artagnan, si le vin eût été mauvais; mais le vin était bon, il -fut convaincu. - -«Mais quelle diable de vilenie avez-vous donc faite là? dit -Porthos lorsque l'alguazil en chef eut rejoint ses compagnons, et -que les quatre amis se retrouvèrent seuls. Fi donc! quatre -mousquetaires laisser arrêter au milieu d'eux un malheureux qui -crie à l'aide! Un gentilhomme trinquer avec un recors! - --- Porthos, dit Aramis, Athos t'a déjà prévenu que tu étais un -niais, et je me range de son avis. D'Artagnan, tu es un grand -homme, et quand tu seras à la place de M. de Tréville, je te -demande ta protection pour me faire avoir une abbaye. - --- Ah çà, je m'y perds, dit Porthos, vous approuvez ce que -d'Artagnan vient de faire? - --- Je le crois parbleu bien, dit Athos; non seulement j'approuve -ce qu'il vient de faire, mais encore je l'en félicite. - --- Et maintenant, messieurs, dit d'Artagnan sans se donner la -peine d'expliquer sa conduite à Porthos, tous pour un, un pour -tous, c'est notre devise, n'est-ce pas? - --- Cependant... dit Porthos. - --- Étends la main et jure!» s'écrièrent à la fois Athos et Aramis. - -Vaincu par l'exemple, maugréant tout bas, Porthos étendit la main, -et les quatre amis répétèrent d'une seule voix la formule dictée -par d'Artagnan: - -«Tous pour un, un pour tous.» - -«C'est bien, que chacun se retire maintenant chez soi, dit -d'Artagnan comme s'il n'avait fait autre chose que de commander -toute sa vie, et attention, car à partir de ce moment, nous voilà -aux prises avec le cardinal.» - - -CHAPITRE X -UNE SOURICIÈRE AU XVIIe SIÈCLE - -L'invention de la souricière ne date pas de nos jours; dès que les -sociétés, en se formant, eurent inventé une police quelconque, -cette police, à son tour, inventa les souricières. - -Comme peut-être nos lecteurs ne sont pas familiarisés encore avec -l'argot de la rue de Jérusalem, et que c'est, depuis que nous -écrivons -- et il y a quelque quinze ans de cela --, la première -fois que nous employons ce mot appliqué à cette chose, expliquons- -leur ce que c'est qu'une souricière. - -Quand, dans une maison quelle qu'elle soit, on a arrêté un -individu soupçonné d'un crime quelconque, on tient secrète -l'arrestation; on place quatre ou cinq hommes en embuscade dans la -première pièce, on ouvre la porte à tous ceux qui frappent, on la -referme sur eux et on les arrête; de cette façon, au bout de deux -ou trois jours, on tient à peu près tous les familiers de -l'établissement. - -Voilà ce que c'est qu'une souricière. - -On fit donc une souricière de l'appartement de maître Bonacieux, -et quiconque y apparut fut pris et interrogé par les gens de M. le -cardinal. Il va sans dire que, comme une allée particulière -conduisait au premier étage qu'habitait d'Artagnan, ceux qui -venaient chez lui étaient exemptés de toutes visites. - -D'ailleurs les trois mousquetaires y venaient seuls; ils s'étaient -mis en quête chacun de son côté, et n'avaient rien trouvé, rien -découvert. Athos avait été même jusqu'à questionner -M. de Tréville, chose qui, vu le mutisme habituel du digne -mousquetaire, avait fort étonné son capitaine. Mais M. de Tréville -ne savait rien, sinon que, la dernière fois qu'il avait vu le -cardinal, le roi et la reine, le cardinal avait l'air fort -soucieux, que le roi était inquiet, et que les yeux rouges de la -reine indiquaient qu'elle avait veillé ou pleuré. Mais cette -dernière circonstance l'avait peu frappé, la reine, depuis son -mariage, veillant et pleurant beaucoup. - -M. de Tréville recommanda en tout cas à Athos le service du roi et -surtout celui de la reine, le priant de faire la même -recommandation à ses camarades. - -Quant à d'Artagnan, il ne bougeait pas de chez lui. Il avait -converti sa chambre en observatoire. Des fenêtres il voyait -arriver ceux qui venaient se faire prendre; puis, comme il avait -ôté les carreaux du plancher, qu'il avait creusé le parquet et -qu'un simple plafond le séparait de la chambre au-dessous, où se -faisaient les interrogatoires, il entendait tout ce qui se passait -entre les inquisiteurs et les accusés. - -Les interrogatoires, précédés d'une perquisition minutieuse opérée -sur la personne arrêtée, étaient presque toujours ainsi conçus: - -«Mme Bonacieux vous a-t-elle remis quelque chose pour son mari ou -pour quelque autre personne? - --- M. Bonacieux vous a-t-il remis quelque chose pour sa femme ou -pour quelque autre personne? - --- L'un et l'autre vous ont-ils fait quelque confidence de vive -voix?» - -«S'ils savaient quelque chose, ils ne questionneraient pas ainsi, -se dit à lui-même d'Artagnan. Maintenant, que cherchent-ils à -savoir? Si le duc de Buckingham ne se trouve point à Paris et s'il -n'a pas eu ou s'il ne doit point avoir quelque entrevue avec la -reine.» - -D'Artagnan s'arrêta à cette idée, qui, d'après tout ce qu'il avait -entendu, ne manquait pas de probabilité. - -En attendant, la souricière était en permanence, et la vigilance -de d'Artagnan aussi. - -Le soir du lendemain de l'arrestation du pauvre Bonacieux, comme -Athos venait de quitter d'Artagnan pour se rendre chez -M. de Tréville, comme neuf heures venaient de sonner, et comme -Planchet, qui n'avait pas encore fait le lit, commençait sa -besogne, on entendit frapper à la porte de la rue; aussitôt cette -porte s'ouvrit et se referma: quelqu'un venait de se prendre à la -souricière. - -D'Artagnan s'élança vers l'endroit décarrelé, se coucha ventre à -terre et écouta. - -Des cris retentirent bientôt, puis des gémissements qu'on -cherchait à étouffer. D'interrogatoire, il n'en était pas -question. - -«Diable! se dit d'Artagnan, il me semble que c'est une femme: on -la fouille, elle résiste, -- on la violente, -- les misérables!» - -Et d'Artagnan, malgré sa prudence, se tenait à quatre pour ne pas -se mêler à la scène qui se passait au-dessous de lui. - -«Mais je vous dis que je suis la maîtresse de la maison, -messieurs; je vous dis que je suis Mme Bonacieux, je vous dis que -j'appartiens à la reine!» s'écriait la malheureuse femme. - -«Mme Bonacieux! murmura d'Artagnan; serais-je assez heureux pour -avoir trouvé ce que tout le monde cherche?» - -«C'est justement vous que nous attendions», reprirent les -interrogateurs. - -La voix devint de plus en plus étouffée: un mouvement tumultueux -fit retentir les boiseries. La victime résistait autant qu'une -femme peut résister à quatre hommes. - -«Pardon, messieurs, par...», murmura la voix, qui ne fit plus -entendre que des sons inarticulés. - -«Ils la bâillonnent, ils vont l'entraîner, s'écria d'Artagnan en -se redressant comme par un ressort. Mon épée; bon, elle est à mon -côté. Planchet! - --- Monsieur? - --- Cours chercher Athos, Porthos et Aramis. L'un des trois sera -sûrement chez lui, peut-être tous les trois seront-ils rentrés. -Qu'ils prennent des armes, qu'ils viennent, qu'ils accourent. Ah! -je me souviens, Athos est chez M. de Tréville. - --- Mais où allez-vous, monsieur, où allez-vous? - --- Je descends par la fenêtre, s'écria d'Artagnan, afin d'être -plus tôt arrivé; toi, remets les carreaux, balaie le plancher, -sors par la porte et cours où je te dis. - --- Oh! monsieur, monsieur, vous allez vous tuer, s'écria Planchet. - --- Tais-toi, imbécile», dit d'Artagnan. Et s'accrochant de la main -au rebord de sa fenêtre, il se laissa tomber du premier étage, qui -heureusement n'était pas élevé, sans se faire une écorchure. - -Puis il alla aussitôt frapper à la porte en murmurant: - -«Je vais me faire prendre à mon tour dans la souricière, et -malheur aux chats qui se frotteront à pareille souris.» - -À peine le marteau eut-il résonné sous la main du jeune homme, que -le tumulte cessa, que des pas s'approchèrent, que la porte -s'ouvrit, et que d'Artagnan, l'épée nue, s'élança dans -l'appartement de maître Bonacieux, dont la porte, sans doute mue -par un ressort, se referma d'elle-même sur lui. - -Alors ceux qui habitaient encore la malheureuse maison de -Bonacieux et les voisins les plus proches entendirent de grands -cris, des trépignements, un cliquetis d'épées et un bruit prolongé -de meubles. Puis, un moment après, ceux qui, surpris par ce bruit, -s'étaient mis aux fenêtres pour en connaître la cause, purent voir -la porte se rouvrir et quatre hommes vêtus de noir non pas en -sortir, mais s'envoler comme des corbeaux effarouchés, laissant -par terre et aux angles des tables des plumes de leurs ailes, -c'est-à-dire des loques de leurs habits et des bribes de leurs -manteaux. - -D'Artagnan était vainqueur sans beaucoup de peine, il faut le -dire, car un seul des alguazils était armé, encore se défendit-il -pour la forme. Il est vrai que les trois autres avaient essayé -d'assommer le jeune homme avec les chaises, les tabourets et les -poteries; mais deux ou trois égratignures faites par la flamberge -du Gascon les avaient épouvantés. Dix minutes avaient suffi à leur -défaite et d'Artagnan était resté maître du champ de bataille. - -Les voisins, qui avaient ouvert leurs fenêtres avec le sang-froid -particulier aux habitants de Paris dans ces temps d'émeutes et de -rixes perpétuelles, les refermèrent dès qu'ils eurent vu s'enfuir -les quatre hommes noirs: leur instinct leur disait que, pour le -moment, tout était fini. - -D'ailleurs il se faisait tard, et alors comme aujourd'hui on se -couchait de bonne heure dans le quartier du Luxembourg. - -D'Artagnan, resté seul avec Mme Bonacieux, se retourna vers elle: -la pauvre femme était renversée sur un fauteuil et à demi -évanouie. D'Artagnan l'examina d'un coup d'oeil rapide. - -C'était une charmante femme de vingt-cinq à vingt-six ans, brune -avec des yeux bleus, ayant un nez légèrement retroussé, des dents -admirables, un teint marbré de rose et d'opale. Là cependant -s'arrêtaient les signes qui pouvaient la faire confondre avec une -grande dame. Les mains étaient blanches, mais sans finesse: les -pieds n'annonçaient pas la femme de qualité. Heureusement -d'Artagnan n'en était pas encore à se préoccuper de ces détails. - -Tandis que d'Artagnan examinait Mme Bonacieux, et en était aux -pieds, comme nous l'avons dit, il vit à terre un fin mouchoir de -batiste, qu'il ramassa selon son habitude, et au coin duquel il -reconnut le même chiffre qu'il avait vu au mouchoir qui avait -failli lui faire couper la gorge avec Aramis. - -Depuis ce temps, d'Artagnan se méfiait des mouchoirs armoriés; il -remit donc sans rien dire celui qu'il avait ramassé dans la poche -de Mme Bonacieux. En ce moment, Mme Bonacieux reprenait ses sens. -Elle ouvrit les yeux, regarda avec terreur autour d'elle, vit que -l'appartement était vide, et qu'elle était seule avec son -libérateur. Elle lui tendit aussitôt les mains en souriant. -Mme Bonacieux avait le plus charmant sourire du monde. - -«Ah! monsieur! dit-elle, c'est vous qui m'avez sauvée; permettez- -moi que je vous remercie. - --- Madame, dit d'Artagnan, je n'ai fait que ce que tout -gentilhomme eût fait à ma place, vous ne me devez donc aucun -remerciement. - --- Si fait, monsieur, si fait, et j'espère vous prouver que vous -n'avez pas rendu service à une ingrate. Mais que me voulaient donc -ces hommes, que j'ai pris d'abord pour des voleurs, et pourquoi -M. Bonacieux n'est-il point ici? - --- Madame, ces hommes étaient bien autrement dangereux que ne -pourraient être des voleurs, car ce sont des agents de M. le -cardinal, et quant à votre mari, M. Bonacieux, il n'est point ici -parce qu'hier on est venu le prendre pour le conduire à la -Bastille. - --- Mon mari à la Bastille! s'écria Mme Bonacieux, oh! mon Dieu! -qu'a-t-il donc fait? pauvre cher homme! lui, l'innocence même!» - -Et quelque chose comme un sourire perçait sur la figure encore -tout effrayée de la jeune femme. - -«Ce qu'il a fait, madame? dit d'Artagnan. Je crois que son seul -crime est d'avoir à la fois le bonheur et le malheur d'être votre -mari. - --- Mais, monsieur, vous savez donc... - --- Je sais que vous avez été enlevée, madame. - --- Et par qui? Le savez-vous? Oh! si vous le savez, dites-le-moi. - --- Par un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux cheveux -noirs, au teint basané, avec une cicatrice à la tempe gauche. - --- C'est cela, c'est cela; mais son nom? - --- Ah! son nom? c'est ce que j'ignore. - --- Et mon mari savait-il que j'avais été enlevée? - --- Il en avait été prévenu par une lettre que lui avait écrite le -ravisseur lui-même. - --- Et soupçonne-t-il, demanda Mme Bonacieux avec embarras, la -cause de cet événement? - --- Il l'attribuait, je crois, à une cause politique. - --- J'en ai douté d'abord, et maintenant je le pense comme lui. -Ainsi donc, ce cher M. Bonacieux ne m'a pas soupçonnée un seul -instant...? - --- Ah! loin de là, madame, il était trop fier de votre sagesse et -surtout de votre amour.» - -Un second sourire presque imperceptible effleura les lèvres rosées -de la belle jeune femme. - -«Mais, continua d'Artagnan, comment vous êtes-vous enfuie? - --- J'ai profité d'un moment où l'on m'a laissée seule, et comme je -savais depuis ce matin à quoi m'en tenir sur mon enlèvement, à -l'aide de mes draps je suis descendue par la fenêtre; alors, comme -je croyais mon mari ici, je suis accourue. - --- Pour vous mettre sous sa protection? - --- Oh! non, pauvre cher homme, je savais bien qu'il était -incapable de me défendre; mais comme il pouvait nous servir à -autre chose, je voulais le prévenir. - --- De quoi? - --- Oh! ceci n'est pas mon secret, je ne puis donc pas vous le -dire. - --- D'ailleurs, dit d'Artagnan (pardon, madame, si, tout garde que -je suis, je vous rappelle à la prudence), d'ailleurs je crois que -nous ne sommes pas ici en lieu opportun pour faire des -confidences. Les hommes que j'ai mis en fuite vont revenir avec -main-forte; s'ils nous retrouvent ici nous sommes perdus. J'ai -bien fait prévenir trois de mes amis, mais qui sait si on les aura -trouvés chez eux! - --- Oui, oui, vous avez raison, s'écria Mme Bonacieux effrayée; -fuyons, sauvons-nous.» - -À ces mots, elle passa son bras sous celui de d'Artagnan et -l'entraîna vivement. - -«Mais où fuir? dit d'Artagnan, où nous sauver? - --- Éloignons-nous d'abord de cette maison, puis après nous -verrons.» - -Et la jeune femme et le jeune homme, sans se donner la peine de -refermer la porte, descendirent rapidement la rue des Fossoyeurs, -s'engagèrent dans la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince et ne -s'arrêtèrent qu'à la place Saint-Sulpice. - -«Et maintenant, qu'allons-nous faire, demanda d'Artagnan, et où -voulez-vous que je vous conduise? - --- Je suis fort embarrassée de vous répondre, je vous l'avoue, dit -Mme Bonacieux; mon intention était de faire prévenir M. de La -Porte par mon mari, afin que M. de La Porte pût nous dire -précisément ce qui s'était passé au Louvre depuis trois jours, et -s'il n'y avait pas danger pour moi de m'y présenter. - --- Mais moi, dit d'Artagnan, je puis aller prévenir M. de La -Porte. - --- Sans doute; seulement il n'y a qu'un malheur: c'est qu'on -connaît M. Bonacieux au Louvre et qu'on le laisserait passer, lui, -tandis qu'on ne vous connaît pas, vous, et que l'on vous fermera -la porte. - --- Ah! bah, dit d'Artagnan, vous avez bien à quelque guichet du -Louvre un concierge qui vous est dévoué, et qui grâce à un mot -d'ordre...» - -Mme Bonacieux regarda fixement le jeune homme. - -«Et si je vous donnais ce mot d'ordre, dit-elle, l'oublieriez-vous -aussitôt que vous vous en seriez servi? - --- Parole d'honneur, foi de gentilhomme! dit d'Artagnan avec un -accent à la vérité duquel il n'y avait pas à se tromper. - --- Tenez, je vous crois; vous avez l'air d'un brave jeune homme, -d'ailleurs votre fortune est peut-être au bout de votre -dévouement. - --- Je ferai sans promesse et de conscience tout ce que je pourrai -pour servir le roi et être agréable à la reine, dit d'Artagnan; -disposez donc de moi comme d'un ami. - --- Mais moi, où me mettrez-vous pendant ce temps-là? - --- N'avez-vous pas une personne chez laquelle M. de La Porte -puisse revenir vous prendre? - --- Non, je ne veux me fier à personne. - --- Attendez, dit d'Artagnan; nous sommes à la porte d'Athos. Oui, -c'est cela. - --- Qu'est-ce qu'Athos? - --- Un de mes amis. - --- Mais s'il est chez lui et qu'il me voie? - --- Il n'y est pas, et j'emporterai la clef après vous avoir fait -entrer dans son appartement. - --- Mais s'il revient? - --- Il ne reviendra pas; d'ailleurs on lui dirait que j'ai amené -une femme, et que cette femme est chez lui. - --- Mais cela me compromettra très fort, savez-vous! - --- Que vous importe! on ne vous connaît pas; d'ailleurs nous -sommes dans une situation à passer par-dessus quelques -convenances! - --- Allons donc chez votre ami. Où demeure-t-il? - --- Rue Férou, à deux pas d'ici. - --- Allons.» - -Et tous deux reprirent leur course. Comme l'avait prévu -d'Artagnan, Athos n'était pas chez lui: il prit la clef, qu'on -avait l'habitude de lui donner comme à un ami de la maison, monta -l'escalier et introduisit Mme Bonacieux dans le petit appartement -dont nous avons déjà fait la description. - -«Vous êtes chez vous, dit-il; attendez, fermez la porte en dedans -et n'ouvrez à personne, à moins que vous n'entendiez frapper trois -coups ainsi: tenez; et il frappa trois fois: deux coups rapprochés -l'un de l'autre et assez forts, un coup plus distant et plus -léger. - --- C'est bien, dit Mme Bonacieux; maintenant, à mon tour de vous -donner mes instructions. - --- J'écoute. - --- Présentez-vous au guichet du Louvre, du côté de la rue de -l'Échelle, et demandez Germain. - --- C'est bien. Après? - --- Il vous demandera ce que vous voulez, et alors vous lui -répondrez par ces deux mots: Tours et Bruxelles. Aussitôt il se -mettra à vos ordres. - --- Et que lui ordonnerai-je? - --- D'aller chercher M. de La Porte, le valet de chambre de la -reine. - --- Et quand il l'aura été chercher et que M. de La Porte sera -venu? - --- Vous me l'enverrez. - --- C'est bien, mais où et comment vous reverrai-je? - --- Y tenez-vous beaucoup à me revoir? - --- Certainement. - --- Eh bien, reposez-vous sur moi de ce soin, et soyez tranquille. - --- Je compte sur votre parole. - --- Comptez-y.» - -D'Artagnan salua Mme Bonacieux en lui lançant le coup d'oeil le -plus amoureux qu'il lui fût possible de concentrer sur sa -charmante petite personne, et tandis qu'il descendait l'escalier, -il entendit la porte se fermer derrière lui à double tour. En deux -bonds il fut au Louvre: comme il entrait au guichet de Échelle, -dix heures sonnaient. Tous les événements que nous venons de -raconter s'étaient succédé en une demi-heure. - -Tout s'exécuta comme l'avait annoncé Mme Bonacieux. Au mot d'ordre -convenu, Germain s'inclina; dix minutes après, La Porte était dans -la loge; en deux mots, d'Artagnan le mit au fait et lui indiqua où -était Mme Bonacieux. La Porte s'assura par deux fois de -l'exactitude de l'adresse, et partit en courant. Cependant, à -peine eut-il fait dix pas, qu'il revint. - -«Jeune homme, dit-il à d'Artagnan, un conseil. - --- Lequel? - --- Vous pourriez être inquiété pour ce qui vient de se passer. - --- Vous croyez? - --- Oui. Avez-vous quelque ami dont la pendule retarde? - --- Eh bien? - --- Allez le voir pour qu'il puisse témoigner que vous étiez chez -lui à neuf heures et demie. En justice, cela s'appelle un alibi.» - -D'Artagnan trouva le conseil prudent; il prit ses jambes à son -cou, il arriva chez M. de Tréville, mais, au lieu de passer au -salon avec tout le monde, il demanda à entrer dans son cabinet. -Comme d'Artagnan était un des habitués de l'hôtel, on ne fit -aucune difficulté d'accéder à sa demande; et l'on alla prévenir -M. de Tréville que son jeune compatriote, ayant quelque chose -d'important à lui dire, sollicitait une audience particulière. -Cinq minutes après, M. de Tréville demandait à d'Artagnan ce qu'il -pouvait faire pour son service et ce qui lui valait sa visite à -une heure si avancée. - -«Pardon, monsieur! dit d'Artagnan, qui avait profité du moment où -il était resté seul pour retarder l'horloge de trois quarts -d'heure; j'ai pensé que, comme il n'était que neuf heures vingt- -cinq minutes, il était encore temps de me présenter chez vous. - --- Neuf heures vingt-cinq minutes! s'écria M. de Tréville en -regardant sa pendule; mais c'est impossible! - --- Voyez plutôt, monsieur, dit d'Artagnan, voilà qui fait foi. - --- C'est juste, dit M. de Tréville, j'aurais cru qu'il était plus -tard. Mais voyons, que me voulez-vous?» - -Alors d'Artagnan fit à M. de Tréville une longue histoire sur la -reine. Il lui exposa les craintes qu'il avait conçues à l'égard de -Sa Majesté; il lui raconta ce qu'il avait entendu dire des projets -du cardinal à l'endroit de Buckingham, et tout cela avec une -tranquillité et un aplomb dont M. de Tréville fut d'autant mieux -la dupe, que lui-même, comme nous l'avons dit, avait remarqué -quelque chose de nouveau entre le cardinal, le roi et la reine. - -À dix heures sonnant, d'Artagnan quitta M. de Tréville, qui le -remercia de ses renseignements, lui recommanda d'avoir toujours à -coeur le service du roi et de la reine, et qui rentra dans le -salon. Mais, au bas de l'escalier, d'Artagnan se souvint qu'il -avait oublié sa canne: en conséquence, il remonta précipitamment, -rentra dans le cabinet, d'un tour de doigt remit la pendule à son -heure, pour qu'on ne pût pas s'apercevoir, le lendemain, qu'elle -avait été dérangée, et sûr désormais qu'il y avait un témoin pour -prouver son alibi, il descendit l'escalier et se trouva bientôt -dans la rue. - - -CHAPITRE XI -L'INTRIGUE SE NOUE - -Sa visite faite à M. de Tréville, d'Artagnan prit, tout pensif, le -plus long pour rentrer chez lui. - -À quoi pensait d'Artagnan, qu'il s'écartait ainsi de sa route, -regardant les étoiles du ciel, et tantôt soupirant tantôt -souriant? - -Il pensait à Mme Bonacieux. Pour un apprenti mousquetaire, la -jeune femme était presque une idéalité amoureuse. Jolie, -mystérieuse, initiée à presque tous les secrets de cour, qui -reflétaient tant de charmante gravité sur ses traits gracieux, -elle était soupçonnée de n'être pas insensible, ce qui est un -attrait irrésistible pour les amants novices; de plus, d'Artagnan -l'avait délivrée des mains de ces démons qui voulaient la fouiller -et la maltraiter, et cet important service avait établi entre elle -et lui un de ces sentiments de reconnaissance qui prennent si -facilement un plus tendre caractère. - -D'Artagnan se voyait déjà, tant les rêves marchent vite sur les -ailes de l'imagination, accosté par un messager de la jeune femme -qui lui remettait quelque billet de rendez-vous, une chaîne d'or -ou un diamant. Nous avons dit que les jeunes cavaliers recevaient -sans honte de leur roi; ajoutons qu'en ce temps de facile morale, -ils n'avaient pas plus de vergogne à l'endroit de leurs -maîtresses, et que celles-ci leur laissaient presque toujours de -précieux et durables souvenirs, comme si elles eussent essayé de -conquérir la fragilité de leurs sentiments par la solidité de -leurs dons. - -On faisait alors son chemin par les femmes, sans en rougir. Celles -qui n'étaient que belles donnaient leur beauté, et de là vient -sans doute le proverbe, que la plus belle fille du monde ne peut -donner que ce qu'elle a. Celles qui étaient riches donnaient en -outre une partie de leur argent, et l'on pourrait citer bon nombre -de héros de cette galante époque qui n'eussent gagné ni leurs -éperons d'abord, ni leurs batailles ensuite, sans la bourse plus -ou moins garnie que leur maîtresse attachait à l'arçon de leur -selle. - -D'Artagnan ne possédait rien; l'hésitation du provincial, vernis -léger, fleur éphémère, duvet de la pêche, s'était évaporée au vent -des conseils peu orthodoxes que les trois mousquetaires donnaient -à leur ami. D'Artagnan, suivant l'étrange coutume du temps, se -regardait à Paris comme en campagne, et cela ni plus ni moins que -dans les Flandres: l'Espagnol là-bas, la femme ici. C'était -partout un ennemi à combattre, des contributions à frapper. - -Mais, disons-le, pour le moment d'Artagnan était mû d'un sentiment -plus noble et plus désintéressé. Le mercier lui avait dit qu'il -était riche; le jeune homme avait pu deviner qu'avec un niais -comme l'était M. Bonacieux, ce devait être la femme qui tenait la -clef de la bourse. Mais tout cela n'avait influé en rien sur le -sentiment produit par la vue de Mme Bonacieux, et l'intérêt était -resté à peu près étranger à ce commencement d'amour qui en avait -été la suite. Nous disons: à peu près, car l'idée qu'une jeune -femme, belle, gracieuse, spirituelle, est riche en même temps, -n'ôte rien à ce commencement d'amour, et tout au contraire le -corrobore. - -Il y a dans l'aisance une foule de soins et de caprices -aristocratiques qui vont bien à la beauté. Un bas fin et blanc, -une robe de soie, une guimpe de dentelle, un joli soulier au pied, -un frais ruban sur la tête, ne font point jolie une femme laide, -mais font belle une femme jolie, sans compter les mains qui -gagnent à tout cela; les mains, chez les femmes surtout, ont -besoin de rester oisives pour rester belles. - -Puis d'Artagnan, comme le sait bien le lecteur, auquel nous -n'avons pas caché l'état de sa fortune, d'Artagnan n'était pas un -millionnaire; il espérait bien le devenir un jour, mais le temps -qu'il se fixait lui-même pour cet heureux changement était assez -éloigné. En attendant, quel désespoir que de voir une femme qu'on -aime désirer ces mille riens dont les femmes composent leur -bonheur, et de ne pouvoir lui donner ces mille riens! Au moins, -quand la femme est riche et que l'amant ne l'est pas, ce qu'il ne -peut lui offrir elle se l'offre elle-même; et quoique ce soit -ordinairement avec l'argent du mari qu'elle se passe cette -jouissance, il est rare que ce soit à lui qu'en revienne la -reconnaissance. - -Puis d'Artagnan, disposé à être l'amant le plus tendre, était en -attendant un ami très dévoué. Au milieu de ses projets amoureux -sur la femme du mercier, il n'oubliait pas les siens. La jolie -Mme Bonacieux était femme à promener dans la plaine Saint-Denis ou -dans la foire Saint-Germain en compagnie d'Athos, de Porthos et -d'Aramis, auxquels d'Artagnan serait fier de montrer une telle -conquête. Puis, quand on a marché longtemps, la faim arrive; -d'Artagnan depuis quelque temps avait remarqué cela. On ferait de -ces petits dîners charmants où l'on touche d'un côté la main d'un -ami, et de l'autre le pied d'une maîtresse. Enfin, dans les -moments pressants, dans les positions extrêmes, d'Artagnan serait -le sauveur de ses amis. - -Et M. Bonacieux, que d'Artagnan avait poussé dans les mains des -sbires en le reniant bien haut et à qui il avait promis tout bas -de le sauver? Nous devons avouer à nos lecteurs que d'Artagnan n'y -songeait en aucune façon, ou que, s'il y songeait, c'était pour se -dire qu'il était bien où il était, quelque part qu'il fût. L'amour -est la plus égoïste de toutes les passions. - -Cependant, que nos lecteurs se rassurent: si d'Artagnan oublie son -hôte ou fait semblant de l'oublier, sous prétexte qu'il ne sait -pas où on l'a conduit, nous ne l'oublions pas, nous, et nous -savons où il est. Mais pour le moment faisons comme le Gascon -amoureux. Quant au digne mercier, nous reviendrons à lui plus -tard. - -D'Artagnan, tout en réfléchissant à ses futures amours, tout en -parlant à la nuit, tout en souriant aux étoiles, remontait la rue -du Cherche-Midi ou Chasse-Midi, ainsi qu'on l'appelait alors. -Comme il se trouvait dans le quartier d'Aramis, l'idée lui était -venue d'aller faire une visite à son ami, pour lui donner quelques -explications sur les motifs qui lui avaient fait envoyer Planchet -avec invitation de se rendre immédiatement à la souricière. Or, si -Aramis s'était trouvé chez lui lorsque Planchet y était venu, il -avait sans aucun doute couru rue des Fossoyeurs, et n'y trouvant -personne que ses deux autres compagnons peut-être, ils n'avaient -dû savoir, ni les uns ni les autres, ce que cela voulait dire. Ce -dérangement méritait donc une explication, voilà ce que disait -tout haut d'Artagnan. - -Puis, tout bas, il pensait que c'était pour lui une occasion de -parler de la jolie petite Mme Bonacieux, dont son esprit, sinon -son coeur, était déjà tout plein. Ce n'est pas à propos d'un -premier amour qu'il faut demander de la discrétion. Ce premier -amour est accompagné d'une si grande joie, qu'il faut que cette -joie déborde, sans cela elle vous étoufferait. - -Paris depuis deux heures était sombre et commençait à se faire -désert. Onze heures sonnaient à toutes les horloges du faubourg -Saint-Germain, il faisait un temps doux. D'Artagnan suivait une -ruelle située sur l'emplacement où passe aujourd'hui la rue -d'Assas, respirant les émanations embaumées qui venaient avec le -vent de la rue de Vaugirard et qu'envoyaient les jardins -rafraîchis par la rosée du soir et par la brise de la nuit. Au -loin résonnaient, assourdis cependant par de bons volets, les -chants des buveurs dans quelques cabarets perdus dans la plaine. -Arrivé au bout de la ruelle, d'Artagnan tourna à gauche. La maison -qu'habitait Aramis se trouvait située entre la rue Cassette et la -rue Servandoni. - -D'Artagnan venait de dépasser la rue Cassette et reconnaissait -déjà la porte de la maison de son ami, enfouie sous un massif de -sycomores et de clématites qui formaient un vaste bourrelet au- -dessus d'elle lorsqu'il aperçut quelque chose comme une ombre qui -sortait de la rue Servandoni. Ce quelque chose était enveloppé -d'un manteau, et d'Artagnan crut d'abord que c'était un homme; -mais, à la petitesse de la taille, à l'incertitude de la démarche, -à l'embarras du pas, il reconnut bientôt une femme. De plus, cette -femme, comme si elle n'eût pas été bien sûre de la maison qu'elle -cherchait, levait les yeux pour se reconnaître, s'arrêtait, -retournait en arrière, puis revenait encore. D'Artagnan fut -intrigué. - -«Si j'allais lui offrir mes services! pensa-t-il. À son allure, on -voit qu'elle est jeune; peut-être jolie. Oh! oui. Mais une femme -qui court les rues à cette heure ne sort guère que pour aller -rejoindre son amant. Peste! si j'allais troubler les rendez-vous, -ce serait une mauvaise porte pour entrer en relations.» - -Cependant, la jeune femme s'avançait toujours, comptant les -maisons et les fenêtres. Ce n'était, au reste, chose ni longue, ni -difficile. Il n'y avait que trois hôtels dans cette partie de la -rue, et deux fenêtres ayant vue sur cette rue; l'une était celle -d'un pavillon parallèle à celui qu'occupait Aramis, l'autre était -celle d'Aramis lui-même. - -«Pardieu! se dit d'Artagnan, auquel la nièce du théologien -revenait à l'esprit; pardieu! il serait drôle que cette colombe -attardée cherchât la maison de notre ami. Mais sur mon âme, cela y -ressemble fort. Ah! mon cher Aramis, pour cette fois, j'en veux -avoir le coeur net.» - -Et d'Artagnan, se faisant le plus mince qu'il put, s'abrita dans -le côté le plus obscur de la rue, près d'un banc de pierre situé -au fond d'une niche. - -La jeune femme continua de s'avancer, car outre la légèreté de son -allure, qui l'avait trahie, elle venait de faire entendre une -petite toux qui dénonçait une voix des plus fraîches. D'Artagnan -pensa que cette toux était un signal. - -Cependant, soit qu'on eût répondu à cette toux par un signe -équivalent qui avait fixé les irrésolutions de la nocturne -chercheuse, soit que sans secours étranger elle eût reconnu -qu'elle était arrivée au bout de sa course, elle s'approcha -résolument du volet d'Aramis et frappa à trois intervalles égaux -avec son doigt recourbé. - -«C'est bien chez Aramis, murmura d'Artagnan. Ah! monsieur -l'hypocrite! je vous y prends à faire de la théologie!» - -Les trois coups étaient à peine frappés, que la croisée intérieure -s'ouvrit et qu'une lumière parut à travers les vitres du volet. - -«Ah! ah! fit l'écouteur non pas aux portes, mais aux fenêtres, ah! -la visite était attendue. Allons, le volet va s'ouvrir et la dame -entrera par escalade. Très bien!» - -Mais, au grand étonnement de d'Artagnan, le volet resta fermé. De -plus, la lumière qui avait flamboyé un instant, disparut, et tout -rentra dans l'obscurité. - -D'Artagnan pensa que cela ne pouvait durer ainsi, et continua de -regarder de tous ses yeux et d'écouter de toutes ses oreilles. - -Il avait raison: au bout de quelques secondes, deux coups secs -retentirent dans l'intérieur. - -La jeune femme de la rue répondit par un seul coup, et le volet -s'entrouvrit. - -On juge si d'Artagnan regardait et écoutait avec avidité. - -Malheureusement, la lumière avait été transportée dans un autre -appartement. Mais les yeux du jeune homme s'étaient habitués à la -nuit. D'ailleurs les yeux des Gascons ont, à ce qu'on assure, -comme ceux des chats, la propriété de voir pendant la nuit. - -D'Artagnan vit donc que la jeune femme tirait de sa poche un objet -blanc qu'elle déploya vivement et qui prit la forme d'un mouchoir. -Cet objet déployé, elle en fit remarquer le coin à son -interlocuteur. - -Cela rappela à d'Artagnan ce mouchoir qu'il avait trouvé aux pieds -de Mme Bonacieux, lequel lui avait rappelé celui qu'il avait -trouvé aux pieds d'Aramis. - -«Que diable pouvait donc signifier ce mouchoir?» - -Placé où il était, d'Artagnan ne pouvait voir le visage d'Aramis, -nous disons d'Aramis, parce que le jeune homme ne faisait aucun -doute que ce fût son ami qui dialoguât de l'intérieur avec la dame -de l'extérieur; la curiosité l'emporta donc sur la prudence, et, -profitant de la préoccupation dans laquelle la vue du mouchoir -paraissait plonger les deux personnages que nous avons mis en -scène, il sortit de sa cachette, et prompt comme l'éclair, mais -étouffant le bruit de ses pas, il alla se coller à un angle de la -muraille, d'où son oeil pouvait parfaitement plonger dans -l'intérieur de l'appartement d'Aramis. - -Arrivé là, d'Artagnan pensa jeter un cri de surprise: ce n'était -pas Aramis qui causait avec la nocturne visiteuse, c'était une -femme. Seulement, d'Artagnan y voyait assez pour reconnaître la -forme de ses vêtements, mais pas assez pour distinguer ses traits. - -Au même instant, la femme de l'appartement tira un second mouchoir -de sa poche, et l'échangea avec celui qu'on venait de lui montrer. -Puis, quelques mots furent prononcés entre les deux femmes. Enfin -le volet se referma; la femme qui se trouvait à l'extérieur de la -fenêtre se retourna, et vint passer à quatre pas de d'Artagnan en -abaissant la coiffe de sa mante; mais la précaution avait été -prise trop tard, d'Artagnan avait déjà reconnu Mme Bonacieux. - -Mme Bonacieux! Le soupçon que c'était elle lui avait déjà traversé -l'esprit quand elle avait tiré le mouchoir de sa poche; mais -quelle probabilité que Mme Bonacieux qui avait envoyé chercher -M. de La Porte pour se faire reconduire par lui au Louvre, courût -les rues de Paris seule à onze heures et demie du soir, au risque -de se faire enlever une seconde fois? - -Il fallait donc que ce fût pour une affaire bien importante; et -quelle est l'affaire importante d'une femme de vingt-cinq ans? -L'amour. - -Mais était-ce pour son compte ou pour le compte d'une autre -personne qu'elle s'exposait à de semblables hasards? Voilà ce que -se demandait à lui-même le jeune homme, que le démon de la -jalousie mordait au coeur ni plus ni moins qu'un amant en titre. - -Il y avait, au reste, un moyen bien simple de s'assurer où allait -Mme Bonacieux: c'était de la suivre. Ce moyen était si simple, que -d'Artagnan l'employa tout naturellement et d'instinct. - -Mais, à la vue du jeune homme qui se détachait de la muraille -comme une statue de sa niche, et au bruit des pas qu'elle entendit -retentir derrière elle, Mme Bonacieux jeta un petit cri et -s'enfuit. - -D'Artagnan courut après elle. Ce n'était pas une chose difficile -pour lui que de rejoindre une femme embarrassée dans son manteau. -Il la rejoignit donc au tiers de la rue dans laquelle elle s'était -engagée. La malheureuse était épuisée, non pas de fatigue, mais de -terreur, et quand d'Artagnan lui posa la main sur l'épaule, elle -tomba sur un genou en criant d'une voix étranglée: - -«Tuez-moi si vous voulez, mais vous ne saurez rien.» - -D'Artagnan la releva en lui passant le bras autour de la taille; -mais comme il sentait à son poids qu'elle était sur le point de se -trouver mal, il s'empressa de la rassurer par des protestations de -dévouement. Ces protestations n'étaient rien pour Mme Bonacieux; -car de pareilles protestations peuvent se faire avec les plus -mauvaises intentions du monde; mais la voix était tout. La jeune -femme crut reconnaître le son de cette voix: elle rouvrit les -yeux, jeta un regard sur l'homme qui lui avait fait si grand-peur, -et, reconnaissant d'Artagnan, elle poussa un cri de joie. - -«Oh! c'est vous, c'est vous! dit-elle; merci, mon Dieu! - --- Oui, c'est moi, dit d'Artagnan, moi que Dieu a envoyé pour -veiller sur vous. - --- Était-ce dans cette intention que vous me suiviez?» demanda -avec un sourire plein de coquetterie la jeune femme, dont le -caractère un peu railleur reprenait le dessus, et chez laquelle -toute crainte avait disparu du moment où elle avait reconnu un ami -dans celui qu'elle avait pris pour un ennemi. - -«Non, dit d'Artagnan, non, je l'avoue; c'est le hasard qui m'a mis -sur votre route; j'ai vu une femme frapper à la fenêtre d'un de -mes amis... - --- D'un de vos amis? interrompit Mme Bonacieux. - --- Sans doute; Aramis est de mes meilleurs amis. - --- Aramis! qu'est-ce que cela? - --- Allons donc! allez-vous me dire que vous ne connaissez pas -Aramis? - --- C'est la première fois que j'entends prononcer ce nom. - --- C'est donc la première fois que vous venez à cette maison? - --- Sans doute. - --- Et vous ne saviez pas qu'elle fût habitée par un jeune homme? - --- Non. - --- Par un mousquetaire? - --- Nullement. - --- Ce n'est donc pas lui que vous veniez chercher? - --- Pas le moins du monde. D'ailleurs, vous l'avez bien vu, la -personne à qui j'ai parlé est une femme. - --- C'est vrai; mais cette femme est des amies d'Aramis. - --- Je n'en sais rien. - --- Puisqu'elle loge chez lui. - --- Cela ne me regarde pas. - --- Mais qui est-elle? - --- Oh! cela n'est point mon secret. - --- Chère madame Bonacieux, vous êtes charmante; mais en même temps -vous êtes la femme la plus mystérieuse... - --- Est-ce que je perds à cela? - --- Non; vous êtes, au contraire, adorable. - --- Alors, donnez-moi le bras. - --- Bien volontiers. Et maintenant? - --- Maintenant, conduisez-moi. - --- Où cela? - --- Où je vais. - --- Mais où allez-vous? - --- Vous le verrez, puisque vous me laisserez à la porte. - --- Faudra-t-il vous attendre? - --- Ce sera inutile. - --- Vous reviendrez donc seule? - --- Peut-être oui, peut-être non. - --- Mais la personne qui vous accompagnera ensuite sera-t-elle un -homme, sera-t-elle une femme? - --- Je n'en sais rien encore. - --- Je le saurai bien, moi! - --- Comment cela? - --- Je vous attendrai pour vous voir sortir. - --- En ce cas, adieu! - --- Comment cela? - --- Je n'ai pas besoin de vous. - --- Mais vous aviez réclamé... - --- L'aide d'un gentilhomme, et non la surveillance d'un espion. - --- Le mot est un peu dur! - --- Comment appelle-t-on ceux qui suivent les gens malgré eux? - --- Des indiscrets. - --- Le mot est trop doux. - --- Allons, madame, je vois bien qu'il faut faire tout ce que vous -voulez. - --- Pourquoi vous être privé du mérite de le faire tout de suite? - --- N'y en a-t-il donc aucun à se repentir? - --- Et vous repentez-vous réellement? - --- Je n'en sais rien moi-même. Mais ce que je sais, c'est que je -vous promets de faire tout ce que vous voudrez si vous me laissez -vous accompagner jusqu'où vous allez. - --- Et vous me quitterez après? - --- Oui. - --- Sans m'épier à ma sortie? - --- Non. - --- Parole d'honneur? - --- Foi de gentilhomme! - --- Prenez mon bras et marchons alors.» - -D'Artagnan offrit son bras à Mme Bonacieux, qui s'y suspendit, -moitié rieuse, moitié tremblante, et tous deux gagnèrent le haut -de la rue de La Harpe. Arrivée là, la jeune femme parut hésiter, -comme elle avait déjà fait dans la rue de Vaugirard. Cependant, à -de certains signes, elle sembla reconnaître une porte; et -s'approchant de cette porte: - -«Et maintenant, monsieur, dit-elle, c'est ici que j'ai affaire; -mille fois merci de votre honorable compagnie, qui m'a sauvée de -tous les dangers auxquels, seule, j'eusse été exposée. Mais le -moment est venu de tenir votre parole: je suis arrivée à ma -destination. - --- Et vous n'aurez plus rien à craindre en revenant? - --- Je n'aurai à craindre que les voleurs. - --- N'est-ce donc rien? - --- Que pourraient-ils me prendre? je n'ai pas un denier sur moi. - --- Vous oubliez ce beau mouchoir brodé, armorié. - --- Lequel? - --- Celui que j'ai trouvé à vos pieds et que j'ai remis dans votre -poche. - --- Taisez-vous, taisez-vous, malheureux! s'écria la jeune femme, -voulez-vous me perdre? - --- Vous voyez bien qu'il y a encore du danger pour vous, puisqu'un -seul mot vous fait trembler, et que vous avouez que, si on -entendait ce mot, vous seriez perdue. Ah! tenez, madame, s'écria -d'Artagnan en lui saisissant la main et la couvrant d'un ardent -regard, tenez! soyez plus généreuse, confiez-vous à moi; n'avez- -vous donc pas lu dans mes yeux qu'il n'y a que dévouement et -sympathie dans mon coeur? - --- Si fait, répondit Mme Bonacieux; aussi demandez-moi mes -secrets, et je vous les dirai; mais ceux des autres, c'est autre -chose. - --- C'est bien, dit d'Artagnan, je les découvrirai; puisque ces -secrets peuvent avoir une influence sur votre vie, il faut que ces -secrets deviennent les miens. - --- Gardez-vous-en bien, s'écria la jeune femme avec un sérieux qui -fit frissonner d'Artagnan malgré lui. Oh! ne vous mêlez en rien de -ce qui me regarde, ne cherchez point à m'aider dans ce que -j'accomplis; et cela, je vous le demande au nom de l'intérêt que -je vous inspire, au nom du service que vous m'avez rendu! et que -je n'oublierai de ma vie. Croyez bien plutôt à ce que je vous dis. -Ne vous occupez plus de moi, je n'existe plus pour vous, que ce -soit comme si vous ne m'aviez jamais vue. - --- Aramis doit-il en faire autant que moi, madame? dit d'Artagnan -piqué. - --- Voilà deux ou trois fois que vous avez prononcé ce nom, -monsieur, et cependant je vous ai dit que je ne le connaissais -pas. - --- Vous ne connaissez pas l'homme au volet duquel vous avez été -frapper. Allons donc, madame! vous me croyez par trop crédule, -aussi! - --- Avouez que c'est pour me faire parler que vous inventez cette -histoire, et que vous créez ce personnage. - --- Je n'invente rien, madame, je ne crée rien, je dis l'exacte -vérité. - --- Et vous dites qu'un de vos amis demeure dans cette maison? - --- Je le dis et je le répète pour la troisième fois, cette maison -est celle qu'habite mon ami, et cet ami est Aramis. - --- Tout cela s'éclaircira plus tard, murmura la jeune femme: -maintenant, monsieur, taisez-vous. - --- Si vous pouviez voir mon coeur tout à découvert, dit -d'Artagnan, vous y liriez tant de curiosité, que vous auriez pitié -de moi, et tant d'amour, que vous satisferiez à l'instant même ma -curiosité. On n'a rien à craindre de ceux qui vous aiment. - --- Vous parlez bien vite d'amour, monsieur! dit la jeune femme en -secouant la tête. - --- C'est que l'amour m'est venu vite et pour la première fois, et -que je n'ai pas vingt ans.» - -La jeune femme le regarda à la dérobée. - -«Écoutez, je suis déjà sur la trace, dit d'Artagnan. Il y a trois -mois, j'ai manqué avoir un duel avec Aramis pour un mouchoir -pareil à celui que vous avez montré à cette femme qui était chez -lui, pour un mouchoir marqué de la même manière, j'en suis sûr. - --- Monsieur, dit la jeune femme, vous me fatiguez fort, je vous le -jure, avec ces questions. - --- Mais vous, si prudente, madame, songez-y, si vous étiez arrêtée -avec ce mouchoir, et que ce mouchoir fût saisi, ne seriez-vous pas -compromise? - --- Pourquoi cela, les initiales ne sont-elles pas les miennes: -C.B., Constance Bonacieux? - --- Ou Camille de Bois-Tracy. - --- Silence, monsieur, encore une fois silence! Ah! puisque les -dangers que je cours pour moi-même ne vous arrêtent pas, songez à -ceux que vous pouvez courir, vous! - --- Moi? - --- Oui, vous. Il y a danger de la prison, il y a danger de la vie -à me connaître. - --- Alors, je ne vous quitte plus. - --- Monsieur, dit la jeune femme suppliant et joignant les mains, -monsieur, au nom du Ciel, au nom de l'honneur d'un militaire, au -nom de la courtoisie d'un gentilhomme, éloignez-vous; tenez, voilà -minuit qui sonne, c'est l'heure où l'on m'attend. - --- Madame, dit le jeune homme en s'inclinant, je ne sais rien -refuser à qui me demande ainsi; soyez contente, je m'éloigne. - --- Mais vous ne me suivrez pas, vous ne m'épierez pas? - --- Je rentre chez moi à l'instant. - --- Ah! je le savais bien, que vous étiez un brave jeune homme!» -s'écria Mme Bonacieux en lui tendant une main et en posant l'autre -sur le marteau d'une petite porte presque perdue dans la muraille. - -D'Artagnan saisit la main qu'on lui tendait et la baisa -ardemment. - -«Ah! j'aimerais mieux ne vous avoir jamais vue, s'écria d'Artagnan -avec cette brutalité naïve que les femmes préfèrent souvent aux -afféteries de la politesse, parce qu'elle découvre le fond de la -pensée et qu'elle prouve que le sentiment l'emporte sur la raison. - --- Eh bien, reprit Mme Bonacieux d'une voix presque caressante, et -en serrant la main de d'Artagnan qui n'avait pas abandonné la -sienne; eh bien, je n'en dirai pas autant que vous: ce qui est -perdu pour aujourd'hui n'est pas perdu pour l'avenir. Qui sait, si -lorsque je serai déliée un jour, je ne satisferai pas votre -curiosité? - --- Et faites-vous la même promesse à mon amour? s'écria d'Artagnan -au comble de la joie. - --- Oh! de ce côté, je ne veux point m'engager, cela dépendra des -sentiments que vous saurez m'inspirer. - --- Ainsi, aujourd'hui, madame... - --- Aujourd'hui, monsieur, je n'en suis encore qu'à la -reconnaissance. - --- Ah! vous êtes trop charmante, dit d'Artagnan avec tristesse, et -vous abusez de mon amour. - --- Non, j'use de votre générosité, voilà tout. Mais croyez-le -bien, avec certaines gens tout se retrouve. - --- Oh! vous me rendez le plus heureux des hommes. N'oubliez pas -cette soirée, n'oubliez pas cette promesse. - --- Soyez tranquille, en temps et lieu je me souviendrai de tout. -Eh bien, partez donc, partez, au nom du Ciel! On m'attendait à -minuit juste, et je suis en retard. - --- De cinq minutes. - --- Oui; mais dans certaines circonstances, cinq minutes sont cinq -siècles. - --- Quand on aime. - --- Eh bien, qui vous dit que je n'ai pas affaire à un amoureux? - --- C'est un homme qui vous attend? s'écria d'Artagnan, un homme! - --- Allons, voilà la discussion qui va recommencer, fit -Mme Bonacieux avec un demi-sourire qui n'était pas exempt d'une -certaine teinte d'impatience. - --- Non, non, je m'en vais, je pars; je crois en vous, je veux -avoir tout le mérite de mon dévouement, ce dévouement dût-il être -une stupidité. Adieu, madame, adieu!» - -Et comme s'il ne se fût senti la force de se détacher de la main -qu'il tenait que par une secousse, il s'éloigna tout courant, -tandis que Mme Bonacieux frappait, comme au volet, trois coups -lents et réguliers; puis, arrivé à l'angle de la rue, il se -retourna: la porte s'était ouverte et refermée, la jolie mercière -avait disparu. - -D'Artagnan continua son chemin, il avait donné sa parole de ne pas -épier Mme Bonacieux, et sa vie eût-elle dépendu de l'endroit où -elle allait se rendre, ou de la personne qui devait l'accompagner, -d'Artagnan serait rentré chez lui, puisqu'il avait dit qu'il y -rentrait. Cinq minutes après, il était dans la rue des Fossoyeurs. - -«Pauvre Athos, disait-il, il ne saura pas ce que cela veut dire. -Il se sera endormi en m'attendant, ou il sera retourné chez lui, -et en rentrant il aura appris qu'une femme y était venue. Une -femme chez Athos! Après tout, continua d'Artagnan, il y en avait -bien une chez Aramis. Tout cela est fort étrange, et je serais -bien curieux de savoir comment cela finira. - --- Mal, monsieur, mal», répondit une voix que le jeune homme -reconnut pour celle de Planchet; car tout en monologuant tout -haut, à la manière des gens très préoccupés, il s'était engagé -dans l'allée au fond de laquelle était l'escalier qui conduisait à -sa chambre. - -«Comment, mal? que veux-tu dire, imbécile? demanda d'Artagnan, -qu'est-il donc arrivé? - --- Toutes sortes de malheurs. - --- Lesquels? - --- D'abord M. Athos est arrêté. - --- Arrêté! Athos! arrêté! pourquoi? - --- On l'a trouvé chez vous; on l'a pris pour vous. - --- Et par qui a-t-il été arrêté? - --- Par la garde qu'ont été chercher les hommes noirs que vous avez -mis en fuite. - --- Pourquoi ne s'est-il pas nommé? pourquoi n'a-t-il pas dit qu'il -était étranger à cette affaire? - --- Il s'en est bien gardé, monsieur; il s'est au contraire -approché de moi et m'a dit: «C'est ton maître qui a besoin de sa -liberté en ce moment, et non pas moi, puisqu'il sait tout et que -je ne sais rien. On le croira arrêté, et cela lui donnera du -temps; dans trois jours je dirai qui je suis, et il faudra bien -qu'on me fasse sortir.» - --- Bravo, Athos! noble coeur, murmura d'Artagnan, je le reconnais -bien là! Et qu'ont fait les sbires? - --- Quatre l'ont emmené je ne sais où, à la Bastille ou au For- -l'Évêque; deux sont restés avec les hommes noirs, qui ont fouillé -partout et qui ont pris tous les papiers. Enfin les deux derniers, -pendant cette expédition, montaient la garde à la porte; puis, -quand tout a été fini, ils sont partis, laissant la maison vide et -tout ouvert. - --- Et Porthos et Aramis? - --- Je ne les avais pas trouvés, ils ne sont pas venus. - --- Mais ils peuvent venir d'un moment à l'autre, car tu leur as -fait dire que je les attendais? - --- Oui, monsieur. - --- Eh bien, ne bouge pas d'ici; s'ils viennent, préviens-les de ce -qui m'est arrivé, qu'ils m'attendent au cabaret de la Pomme de -Pin; ici il y aurait danger, la maison peut être espionnée. Je -cours chez M. de Tréville pour lui annoncer tout cela, et je les y -rejoins. - --- C'est bien, monsieur, dit Planchet. - --- Mais tu resteras, tu n'auras pas peur! dit d'Artagnan en -revenant sur ses pas pour recommander le courage à son laquais. - --- Soyez tranquille, monsieur, dit Planchet, vous ne me connaissez -pas encore; je suis brave quand je m'y mets, allez; c'est le tout -de m'y mettre; d'ailleurs je suis Picard. - --- Alors, c'est convenu, dit d'Artagnan, tu te fais tuer plutôt -que de quitter ton poste. - --- Oui, monsieur, et il n'y a rien que je ne fasse pour prouver à -monsieur que je lui suis attaché.» - -«Bon, dit en lui-même d'Artagnan, il paraît que la méthode que -j'ai employée à l'égard de ce garçon est décidément la bonne: j'en -userai dans l'occasion.» - -Et de toute la vitesse de ses jambes, déjà quelque peu fatiguées -cependant par les courses de la journée, d'Artagnan se dirigea -vers la rue du Colombier. - -M. de Tréville n'était point à son hôtel; sa compagnie était de -garde au Louvre; il était au Louvre avec sa compagnie. - -Il fallait arriver jusqu'à M. de Tréville; il était important -qu'il fût prévenu de ce qui se passait. D'Artagnan résolut -d'essayer d'entrer au Louvre. Son costume de garde dans la -compagnie de M. des Essarts lui devait être un passeport. - -Il descendit donc la rue des Petits-Augustins, et remonta le quai -pour prendre le Pont-Neuf. Il avait eu un instant l'idée de passer -le bac; mais en arrivant au bord de l'eau, il avait machinalement -introduit sa main dans sa poche et s'était aperçu qu'il n'avait -pas de quoi payer le passeur. - -Comme il arrivait à la hauteur de la rue Guénégaud, il vit -déboucher de la rue Dauphine un groupe composé de deux personnes -et dont l'allure le frappa. - -Les deux personnes qui composaient le groupe étaient: l'un, un -homme; l'autre, une femme. - -La femme avait la tournure de Mme Bonacieux, et l'homme -ressemblait à s'y méprendre à Aramis. - -En outre, la femme avait cette mante noire que d'Artagnan voyait -encore se dessiner sur le volet de la rue de Vaugirard et sur la -porte de la rue de La Harpe. - -De plus, l'homme portait l'uniforme des mousquetaires. - -Le capuchon de la femme était rabattu, l'homme tenait son mouchoir -sur son visage; tous deux, cette double précaution l'indiquait, -tous deux avaient donc intérêt à n'être point reconnus. - -Ils prirent le pont: c'était le chemin de d'Artagnan, puisque -d'Artagnan se rendait au Louvre; d'Artagnan les suivit. - -D'Artagnan n'avait pas fait vingt pas, qu'il fut convaincu que -cette femme, c'était Mme Bonacieux, et que cet homme, c'était -Aramis. - -Il sentit à l'instant même tous les soupçons de la jalousie qui -s'agitaient dans son coeur. - -Il était doublement trahi et par son ami et par celle qu'il aimait -déjà comme une maîtresse. Mme Bonacieux lui avait juré ses grands -dieux qu'elle ne connaissait pas Aramis, et un quart d'heure après -qu'elle lui avait fait ce serment, il la retrouvait au bras -d'Aramis. - -D'Artagnan ne réfléchit pas seulement qu'il connaissait la jolie -mercière depuis trois heures seulement, qu'elle ne lui devait rien -qu'un peu de reconnaissance pour l'avoir délivrée des hommes noirs -qui voulaient l'enlever, et qu'elle ne lui avait rien promis. Il -se regarda comme un amant outragé, trahi, bafoué; le sang et la -colère lui montèrent au visage, il résolut de tout éclaircir. - -La jeune femme et le jeune homme s'étaient aperçus qu'ils étaient -suivis, et ils avaient doublé le pas. D'Artagnan prit sa course, -les dépassa, puis revint sur eux au moment où ils se trouvaient -devant la Samaritaine, éclairée par un réverbère qui projetait sa -lueur sur toute cette partie du pont. - -D'Artagnan s'arrêta devant eux, et ils s'arrêtèrent devant lui. - -«Que voulez-vous, monsieur? demanda le mousquetaire en reculant -d'un pas et avec un accent étranger qui prouvait à d'Artagnan -qu'il s'était trompé dans une partie de ses conjectures. - --- Ce n'est pas Aramis! s'écria-t-il. - --- Non, monsieur, ce n'est point Aramis, et à votre exclamation je -vois que vous m'avez pris pour un autre, et je vous pardonne. - --- Vous me pardonnez! s'écria d'Artagnan. - --- Oui, répondit l'inconnu. Laissez-moi donc passer, puisque ce -n'est pas à moi que vous avez affaire. - --- Vous avez raison, monsieur, dit d'Artagnan, ce n'est pas à vous -que j'ai affaire, c'est à madame. - --- À madame! vous ne la connaissez pas, dit l'étranger. - --- Vous vous trompez, monsieur, je la connais. - --- Ah! fit Mme Bonacieux d'un ton de reproche, ah monsieur! -j'avais votre parole de militaire et votre foi de gentilhomme; -j'espérais pouvoir compter dessus. - --- Et moi, madame, dit d'Artagnan embarrassé, vous m'aviez -promis... - --- Prenez mon bras, madame, dit l'étranger, et continuons notre -chemin.» - -Cependant d'Artagnan, étourdi, atterré, anéanti par tout ce qui -lui arrivait, restait debout et les bras croisés devant le -mousquetaire et Mme Bonacieux. - -Le mousquetaire fit deux pas en avant et écarta d'Artagnan avec la -main. - -D'Artagnan fit un bond en arrière et tira son épée. - -En même temps et avec la rapidité de l'éclair, l'inconnu tira la -sienne. - -«Au nom du Ciel, Milord! s'écria Mme Bonacieux en se jetant entre -les combattants et prenant les épées à pleines mains. - --- Milord! s'écria d'Artagnan illuminé d'une idée subite, Milord! -pardon, monsieur; mais est-ce que vous seriez... - --- Milord duc de Buckingham, dit Mme Bonacieux à demi-voix; et -maintenant vous pouvez nous perdre tous. - --- Milord, madame, pardon, cent fois pardon; mais je l'aimais, -Milord, et j'étais jaloux; vous savez ce que c'est que d'aimer, -Milord; pardonnez-moi, et dites-moi comment je puis me faire tuer -pour Votre Grâce. - --- Vous êtes un brave jeune homme, dit Buckingham en tendant à -d'Artagnan une main que celui-ci serra respectueusement; vous -m'offrez vos services, je les accepte; suivez-nous à vingt pas -jusqu'au Louvre; et si quelqu'un nous épie, tuez-le!» - -D'Artagnan mit son épée nue sous son bras, laissa prendre à -Mme Bonacieux et au duc vingt pas d'avance et les suivit, prêt à -exécuter à la lettre les instructions du noble et élégant ministre -de Charles Ier. - -Mais heureusement le jeune séide n'eut aucune occasion de donner -au duc cette preuve de son dévouement, et la jeune femme et le -beau mousquetaire rentrèrent au Louvre par le guichet de l'Échelle -sans avoir été inquiétés... - -Quant à d'Artagnan, il se rendit aussitôt au cabaret de la Pomme -de Pin, où il trouva Porthos et Aramis qui l'attendaient. - -Mais, sans leur donner d'autre explication sur le dérangement -qu'il leur avait causé, il leur dit qu'il avait terminé seul -l'affaire pour laquelle il avait cru un instant avoir besoin de -leur intervention. Et maintenant, emportés que nous sommes par -notre récit, laissons nos trois amis rentrer chacun chez soi, et -suivons, dans les détours du Louvre, le duc de Buckingham et son -guide. - - -CHAPITRE XII -GEORGES VILLIERS, DUC DE BUCKINGHAM - -Madame Bonacieux et le duc entrèrent au Louvre sans difficulté; -Mme Bonacieux était connue pour appartenir à la reine; le duc -portait l'uniforme des mousquetaires de M. de Tréville, qui, comme -nous l'avons dit, était de garde ce soir-là. D'ailleurs Germain -était dans les intérêts de la reine, et si quelque chose arrivait, -Mme Bonacieux serait accusée d'avoir introduit son amant au -Louvre, voilà tout; elle prenait sur elle le crime: sa réputation -était perdue, il est vrai, mais de quelle valeur était dans le -monde la réputation d'une petite mercière? - -Une fois entrés dans l'intérieur de la cour, le duc et la jeune -femme suivirent le pied de la muraille pendant l'espace d'environ -vingt-cinq pas; cet espace parcouru, Mme Bonacieux poussa une -petite porte de service, ouverte le jour, mais ordinairement -fermée la nuit; la porte céda; tous deux entrèrent et se -trouvèrent dans l'obscurité, mais Mme Bonacieux connaissait tous -les tours et détours de cette partie du Louvre, destinée aux gens -de la suite. Elle referma les portes derrière elle, prit le duc -par la main, fit quelques pas en tâtonnant, saisit une rampe, -toucha du pied un degré, et commença de monter un escalier: le duc -compta deux étages. Alors elle prit à droite, suivit un long -corridor, redescendit un étage, fit quelques pas encore, -introduisit une clef dans une serrure, ouvrit une porte et poussa -le duc dans un appartement éclairé seulement par une lampe de -nuit, en disant: «Restez ici, Milord duc, on va venir.» Puis elle -sortit par la même porte, qu'elle ferma à la clef, de sorte que le -duc se trouva littéralement prisonnier. - -Cependant, tout isolé qu'il se trouvait, il faut le dire, le duc -de Buckingham n'éprouva pas un instant de crainte; un des côtés -saillants de son caractère était la recherche de l'aventure et -l'amour du romanesque. Brave, hardi, entreprenant, ce n'était pas -la première fois qu'il risquait sa vie dans de pareilles -tentatives; il avait appris que ce prétendu message d'Anne -d'Autriche, sur la foi duquel il était venu à Paris, était un -piège, et au lieu de regagner l'Angleterre, il avait, abusant de -la position qu'on lui avait faite, déclaré à la reine qu'il ne -partirait pas sans l'avoir vue. La reine avait positivement refusé -d'abord, puis enfin elle avait craint que le duc, exaspéré, ne fît -quelque folie. Déjà elle était décidée à le recevoir et à le -supplier de partir aussitôt, lorsque, le soir même de cette -décision, Mme Bonacieux, qui était chargée d'aller chercher le duc -et de le conduire au Louvre, fut enlevée. Pendant deux jours on -ignora complètement ce qu'elle était devenue, et tout resta en -suspens. Mais une fois libre, une fois remise en rapport avec La -Porte, les choses avaient repris leur cours, et elle venait -d'accomplir la périlleuse entreprise que, sans son arrestation, -elle eût exécutée trois jours plus tôt. - -Buckingham, resté seul, s'approcha d'une glace. Cet habit de -mousquetaire lui allait à merveille. - -À trente-cinq ans qu'il avait alors, il passait à juste titre pour -le plus beau gentilhomme et pour le plus élégant cavalier de -France et d'Angleterre. - -Favori de deux rois, riche à millions, tout-puissant dans un -royaume qu'il bouleversait à sa fantaisie et calmait à son -caprice, Georges Villiers, duc de Buckingham, avait entrepris une -de ces existences fabuleuses qui restent dans le cours des siècles -comme un étonnement pour la postérité. - -Aussi, sûr de lui-même, convaincu de sa puissance, certain que les -lois qui régissent les autres hommes ne pouvaient l'atteindre, -allait-il droit au but qu'il s'était fixé, ce but fût-il si élevé -et si éblouissant que c'eût été folie pour un autre que de -l'envisager seulement. C'est ainsi qu'il était arrivé à -s'approcher plusieurs fois de la belle et fière Anne d'Autriche et -à s'en faire aimer, à force d'éblouissement. - -Georges Villiers se plaça donc devant une glace, comme nous -l'avons dit, rendit à sa belle chevelure blonde les ondulations -que le poids de son chapeau lui avait fait perdre, retroussa sa -moustache, et le coeur tout gonflé de joie, heureux et fier de -toucher au moment qu'il avait si longtemps désiré, se sourit à -lui-même d'orgueil et d'espoir. - -En ce moment, une porte cachée dans la tapisserie s'ouvrit et une -femme apparut. Buckingham vit cette apparition dans la glace; il -jeta un cri, c'était la reine! - -Anne d'Autriche avait alors vingt-six ou vingt-sept ans, c'est-à- -dire qu'elle se trouvait dans tout l'éclat de sa beauté. - -Sa démarche était celle d'une reine ou d'une déesse; ses yeux, qui -jetaient des reflets d'émeraude, étaient parfaitement beaux, et -tout à la fois pleins de douceur et de majesté. - -Sa bouche était petite et vermeille, et quoique sa lèvre -inférieure, comme celle des princes de la maison d'Autriche, -avançât légèrement sur l'autre, elle était éminemment gracieuse -dans le sourire, mais aussi profondément dédaigneuse dans le -mépris. - -Sa peau était citée pour sa douceur et son velouté, sa main et ses -bras étaient d'une beauté surprenante, et tous les poètes du temps -les chantaient comme incomparables. - -Enfin ses cheveux, qui, de blonds qu'ils étaient dans sa jeunesse, -étaient devenus châtains, et qu'elle portait frisés très clair et -avec beaucoup de poudre, encadraient admirablement son visage, -auquel le censeur le plus rigide n'eût pu souhaiter qu'un peu -moins de rouge, et le statuaire le plus exigeant qu'un peu plus de -finesse dans le nez. - -Buckingham resta un instant ébloui; jamais Anne d'Autriche ne lui -était apparue aussi belle, au milieu des bals, des fêtes, des -carrousels, qu'elle lui apparut en ce moment, vêtue d'une simple -robe de satin blanc et accompagnée de doña Estefania, la seule de -ses femmes espagnoles qui n'eût pas été chassée par la jalousie du -roi et par les persécutions de Richelieu. - -Anne d'Autriche fit deux pas en avant; Buckingham se précipita à -ses genoux, et avant que la reine eût pu l'en empêcher, il baisa -le bas de sa robe. - -«Duc, vous savez déjà que ce n'est pas moi qui vous ai fait -écrire. - --- Oh! oui, madame, oui, Votre Majesté, s'écria le duc; je sais -que j'ai été un fou, un insensé de croire que la neige -s'animerait, que le marbre s'échaufferait; mais, que voulez-vous, -quand on aime, on croit facilement à l'amour; d'ailleurs je n'ai -pas tout perdu à ce voyage, puisque je vous vois. - --- Oui, répondit Anne, mais vous savez pourquoi et comment je vous -vois, Milord. Je vous vois par pitié pour vous-même; je vous vois -parce qu'insensible à toutes mes peines, vous vous êtes obstiné à -rester dans une ville où, en restant, vous courez risque de la vie -et me faites courir risque de mon honneur; je vous vois pour vous -dire que tout nous sépare, les profondeurs de la mer, l'inimitié -des royaumes, la sainteté des serments. Il est sacrilège de lutter -contre tant de choses, Milord. Je vous vois enfin pour vous dire -qu'il ne faut plus nous voir. - --- Parlez, madame; parlez, reine, dit Buckingham; la douceur de -votre voix couvre la dureté de vos paroles. Vous parlez de -sacrilège! mais le sacrilège est dans la séparation des coeurs que -Dieu avait formés l'un pour l'autre. - --- Milord, s'écria la reine, vous oubliez que je ne vous ai jamais -dit que je vous aimais. - --- Mais vous ne m'avez jamais dit non plus que vous ne m'aimiez -point; et vraiment, me dire de semblables paroles, ce serait de la -part de Votre Majesté une trop grande ingratitude. Car, dites-moi, -où trouvez-vous un amour pareil au mien, un amour que ni le temps, -ni l'absence, ni le désespoir ne peuvent éteindre; un amour qui se -contente d'un ruban égaré, d'un regard perdu, d'une parole -échappée? - -«Il y a trois ans, madame, que je vous ai vue pour la première -fois, et depuis trois ans je vous aime ainsi. - -«Voulez-vous que je vous dise comment vous étiez vêtue la première -fois que je vous vis? voulez-vous que je détaille chacun des -ornements de votre toilette? Tenez, je vous vois encore: vous -étiez assise sur des carreaux, à la mode d'Espagne; vous aviez une -robe de satin vert avec des broderies d'or et d'argent; des -manches pendantes et renouées sur vos beaux bras, sur ces bras -admirables, avec de gros diamants; vous aviez une fraise fermée, -un petit bonnet sur votre tête, de la couleur de votre robe, et -sur ce bonnet une plume de héron. - -«Oh! tenez, tenez, je ferme les yeux, et je vous vois telle que -vous étiez alors; je les rouvre, et je vous vois telle que vous -êtes maintenant, c'est-à-dire cent fois plus belle encore! - --- Quelle folie! murmura Anne d'Autriche, qui n'avait pas le -courage d'en vouloir au duc d'avoir si bien conservé son portrait -dans son coeur; quelle folie de nourrir une passion inutile avec -de pareils souvenirs! - --- Et avec quoi voulez-vous donc que je vive? je n'ai que des -souvenirs, moi. C'est mon bonheur, mon trésor, mon espérance. -Chaque fois que je vous vois, c'est un diamant de plus que je -renferme dans l'écrin de mon coeur. Celui-ci est le quatrième que -vous laissez tomber et que je ramasse; car en trois ans, madame, -je ne vous ai vue que quatre fois: cette première que je viens de -vous dire, la seconde chez Mme de Chevreuse, la troisième dans les -jardins d'Amiens. - --- Duc, dit la reine en rougissant, ne parlez pas de cette soirée. - --- Oh! parlons-en, au contraire, madame, parlons-en: c'est la -soirée heureuse et rayonnante de ma vie. Vous rappelez-vous la -belle nuit qu'il faisait? Comme l'air était doux et parfumé, comme -le ciel était bleu et tout émaillé d'étoiles! Ah! cette fois, -madame, j'avais pu être un instant seul avec vous; cette fois, -vous étiez prête à tout me dire, l'isolement de votre vie, les -chagrins de votre coeur. Vous étiez appuyée à mon bras, tenez, à -celui-ci. Je sentais, en inclinant ma tête à votre côté, vos beaux -cheveux effleurer mon visage, et chaque fois qu'ils l'effleuraient -je frissonnais de la tête aux pieds. Oh! reine, reine! oh! vous ne -savez pas tout ce qu'il y a de félicités du ciel, de joies du -paradis enfermées dans un moment pareil. Tenez, mes biens, ma -fortune, ma gloire, tout ce qu'il me reste de jours à vivre, pour -un pareil instant et pour une semblable nuit! car cette nuit-là, -madame, cette nuit-là vous m'aimiez, je vous le jure. - --- Milord, il est possible, oui, que l'influence du lieu, que le -charme de cette belle soirée, que la fascination de votre regard, -que ces mille circonstances enfin qui se réunissent parfois pour -perdre une femme se soient groupées autour de moi dans cette -fatale soirée; mais vous l'avez vu, Milord, la reine est venue au -secours de la femme qui faiblissait: au premier mot que vous avez -osé dire, à la première hardiesse à laquelle j'ai eu à répondre, -j'ai appelé. - --- Oh! oui, oui, cela est vrai, et un autre amour que le mien -aurait succombé à cette épreuve; mais mon amour, à moi, en est -sorti plus ardent et plus éternel. Vous avez cru me fuir en -revenant à Paris, vous avez cru que je n'oserais quitter le trésor -sur lequel mon maître m'avait chargé de veiller. Ah! que -m'importent à moi tous les trésors du monde et tous les rois de la -terre! Huit jours après, j'étais de retour, madame. Cette fois, -vous n'avez rien eu à me dire: j'avais risqué ma faveur, ma vie, -pour vous voir une seconde, je n'ai pas même touché votre main, et -vous m'avez pardonné en me voyant si soumis et si repentant. - --- Oui, mais la calomnie s'est emparée de toutes ces folies dans -lesquelles je n'étais pour rien, vous le savez bien, Milord. Le -roi, excité par M. le cardinal, a fait un éclat terrible: -Mme de Vernet a été chassée, Putange exilé, Mme de Chevreuse est -tombée en défaveur, et lorsque vous avez voulu revenir comme -ambassadeur en France, le roi lui-même, souvenez-vous-en, Milord, -le roi lui-même s'y est opposé. - --- Oui, et la France va payer d'une guerre le refus de son roi. Je -ne puis plus vous voir, madame; eh bien, je veux chaque jour que -vous entendiez parler de moi. - -«Quel but pensez-vous qu'aient eu cette expédition de Ré et cette -ligue avec les protestants de La Rochelle que je projette? Le -plaisir de vous voir! - -«Je n'ai pas l'espoir de pénétrer à main armée jusqu'à Paris, je -le sais bien: mais cette guerre pourra amener une paix, cette paix -nécessitera un négociateur, ce négociateur ce sera moi. On n'osera -plus me refuser alors, et je reviendrai à Paris, et je vous -reverrai, et je serai heureux un instant. Des milliers d'hommes, -il est vrai, auront payé mon bonheur de leur vie; mais que -m'importera, à moi, pourvu que je vous revoie! Tout cela est peut- -être bien fou, peut-être bien insensé; mais, dites-moi, quelle -femme a un amant plus amoureux? quelle reine a eu un serviteur -plus ardent? - --- Milord, Milord, vous invoquez pour votre défense des choses qui -vous accusent encore; Milord, toutes ces preuves d'amour que vous -voulez me donner sont presque des crimes. - --- Parce que vous ne m'aimez pas, madame: si vous m'aimiez, vous -verriez tout cela autrement, si vous m'aimiez, oh! mais, si vous -m'aimiez, ce serait trop de bonheur et je deviendrais fou. Ah! -Mme de Chevreuse dont vous parliez tout à l'heure, -Mme de Chevreuse a été moins cruelle que vous; Holland l'a aimée, -et elle a répondu à son amour. - --- Mme de Chevreuse n'était pas reine, murmura Anne d'Autriche, -vaincue malgré elle par l'expression d'un amour si profond. - --- Vous m'aimeriez donc si vous ne l'étiez pas, vous, madame, -dites, vous m'aimeriez donc? Je puis donc croire que c'est la -dignité seule de votre rang qui vous fait cruelle pour moi; je -puis donc croire que si vous eussiez été Mme de Chevreuse, le -pauvre Buckingham aurait pu espérer? Merci de ces douces paroles, -ô ma belle Majesté, cent fois merci. - --- Ah! Milord, vous avez mal entendu, mal interprété; je n'ai pas -voulu dire... - --- Silence! Silence! dit le duc, si je suis heureux d'une erreur, -n'ayez pas la cruauté de me l'enlever. Vous l'avez dit vous-même, -on m'a attiré dans un piège, j'y laisserai ma vie peut-être, car, -tenez, c'est étrange, depuis quelque temps j'ai des pressentiments -que je vais mourir.» Et le duc sourit d'un sourire triste et -charmant à la fois. - -«Oh! mon Dieu! s'écria Anne d'Autriche avec un accent d'effroi qui -prouvait quel intérêt plus grand qu'elle ne le voulait dire elle -prenait au duc. - --- Je ne vous dis point cela pour vous effrayer, madame, non; -c'est même ridicule ce que je vous dis, et croyez que je ne me -préoccupe point de pareils rêves. Mais ce mot que vous venez de -dire, cette espérance que vous m'avez presque donnée, aura tout -payé, fût-ce même ma vie. - --- Eh bien, dit Anne d'Autriche, moi aussi, duc, moi, j'ai des -pressentiments, moi aussi j'ai des rêves. J'ai songé que je vous -voyais couché sanglant, frappé d'une blessure. - --- Au côté gauche, n'est-ce pas, avec un couteau? interrompit -Buckingham. - --- Oui, c'est cela, Milord, c'est cela, au côté gauche avec un -couteau. Qui a pu vous dire que j'avais fait ce rêve? Je ne l'ai -confié qu'à Dieu, et encore dans mes prières. - --- Je n'en veux pas davantage, et vous m'aimez, madame, c'est -bien. - --- Je vous aime, moi? - --- Oui, vous. Dieu vous enverrait-il les mêmes rêves qu'à moi, si -vous ne m'aimiez pas? Aurions-nous les mêmes pressentiments, si -nos deux existences ne se touchaient pas par le coeur? Vous -m'aimez, ô reine, et vous me pleurerez? - --- Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'écria Anne d'Autriche, c'est plus que -je n'en puis supporter. Tenez, duc, au nom du Ciel, partez, -retirez-vous; je ne sais si je vous aime, ou si je ne vous aime -pas; mais ce que je sais, c'est que je ne serai point parjure. -Prenez donc pitié de moi, et partez. Oh! si vous êtes frappé en -France, si vous mourez en France, si je pouvais supposer que votre -amour pour moi fût cause de votre mort, je ne me consolerais -jamais, j'en deviendrais folle. Partez donc, partez, je vous en -supplie. - --- Oh! que vous êtes belle ainsi! Oh! que je vous aime! dit -Buckingham. - --- Partez! partez! je vous en supplie, et revenez plus tard; -revenez comme ambassadeur, revenez comme ministre, revenez entouré -de gardes qui vous défendront, de serviteurs qui veilleront sur -vous, et alors je ne craindrai plus pour vos jours, et j'aurai du -bonheur à vous revoir. - --- Oh! est-ce bien vrai ce que vous me dites? - --- Oui... - --- Eh bien, un gage de votre indulgence, un objet qui vienne de -vous et qui me rappelle que je n'ai point fait un rêve; quelque -chose que vous ayez porté et que je puisse porter à mon tour, une -bague, un collier, une chaîne. - --- Et partirez-vous, partirez-vous, si je vous donne ce que vous -me demandez? - --- Oui. - --- À l'instant même? - --- Oui. - --- Vous quitterez la France, vous retournerez en Angleterre? - --- Oui, je vous le jure! - --- Attendez, alors, attendez.» - -Et Anne d'Autriche rentra dans son appartement et en sortit -presque aussitôt, tenant à la main un petit coffret en bois de -rose à son chiffre, tout incrusté d'or. - -«Tenez, Milord duc, tenez, dit-elle, gardez cela en mémoire de -moi.» - -Buckingham prit le coffret et tomba une seconde fois à genoux. - -«Vous m'avez promis de partir, dit la reine. - --- Et je tiens ma parole. Votre main, votre main, madame, et je -pars.» - -Anne d'Autriche tendit sa main en fermant les yeux et en -s'appuyant de l'autre sur Estefania, car elle sentait que les -forces allaient lui manquer. - -Buckingham appuya avec passion ses lèvres sur cette belle main, -puis se relevant: - -«Avant six mois, dit-il, si je ne suis pas mort, je vous aurai -revue, madame, dussé-je bouleverser le monde pour cela.» - -Et, fidèle à la promesse qu'il avait faite, il s'élança hors de -l'appartement. - -Dans le corridor, il rencontra Mme Bonacieux qui l'attendait, et -qui, avec les mêmes précautions et le même bonheur, le reconduisit -hors du Louvre. - - -CHAPITRE XIII -MONSIEUR BONACIEUX - -Il y avait dans tout cela, comme on a pu le remarquer, un -personnage dont, malgré sa position précaire, on n'avait paru -s'inquiéter que fort médiocrement; ce personnage était -M. Bonacieux, respectable martyr des intrigues politiques et -amoureuses qui s'enchevêtraient si bien les unes aux autres, dans -cette époque à la fois si chevaleresque et si galante. - -Heureusement -- le lecteur se le rappelle ou ne se le rappelle -pas -- heureusement que nous avons promis de ne pas le perdre de -vue. - -Les estafiers qui l'avaient arrêté le conduisirent droit à la -Bastille, où on le fit passer tout tremblant devant un peloton de -soldats qui chargeaient leurs mousquets. - -De là, introduit dans une galerie demi-souterraine, il fut, de la -part de ceux qui l'avaient amené, l'objet des plus grossières -injures et des plus farouches traitements. Les sbires voyaient -qu'ils n'avaient pas affaire à un gentilhomme, et ils le -traitaient en véritable croquant. - -Au bout d'une demi-heure à peu près, un greffier vint mettre fin à -ses tortures, mais non pas à ses inquiétudes, en donnant l'ordre -de conduire M. Bonacieux dans la chambre des interrogatoires. -Ordinairement on interrogeait les prisonniers chez eux, mais avec -M. Bonacieux on n'y faisait pas tant de façons. - -Deux gardes s'emparèrent du mercier, lui firent traverser une -cour, le firent entrer dans un corridor où il y avait trois -sentinelles, ouvrirent une porte et le poussèrent dans une chambre -basse, où il n'y avait pour tous meubles qu'une table, une chaise -et un commissaire. Le commissaire était assis sur la chaise et -occupé à écrire sur la table. - -Les deux gardes conduisirent le prisonnier devant la table et, sur -un signe du commissaire, s'éloignèrent hors de la portée de la -voix. - -Le commissaire, qui jusque-là avait tenu sa tête baissée sur ses -papiers, la releva pour voir à qui il avait affaire. Ce -commissaire était un homme à la mine rébarbative, au nez pointu, -aux pommettes jaunes et saillantes, aux yeux petits mais -investigateurs et vifs, à la physionomie tenant à la fois de la -fouine et du renard. Sa tête, supportée par un cou long et mobile, -sortait de sa large robe noire en se balançant avec un mouvement à -peu près pareil à celui de la tortue tirant sa tête hors de sa -carapace. - -Il commença par demander à M. Bonacieux ses nom et prénoms, son -âge, son état et son domicile. - -L'accusé répondit qu'il s'appelait Jacques-Michel Bonacieux, qu'il -était âgé de cinquante et un ans, mercier retiré et qu'il -demeurait rue des Fossoyeurs, n° 11. - -Le commissaire alors, au lieu de continuer à l'interroger, lui fit -un grand discours sur le danger qu'il y a pour un bourgeois obscur -à se mêler des choses publiques. - -Il compliqua cet exorde d'une exposition dans laquelle il raconta -la puissance et les actes de M. le cardinal, ce ministre -incomparable, ce vainqueur des ministres passés, cet exemple des -ministres à venir: actes et puissance que nul ne contrecarrait -impunément. - -Après cette deuxième partie de son discours, fixant son regard -d'épervier sur le pauvre Bonacieux, il l'invita à réfléchir à la -gravité de sa situation. - -Les réflexions du mercier étaient toutes faites: il donnait au -diable l'instant où M. de La Porte avait eu l'idée de le marier -avec sa filleule, et l'instant surtout où cette filleule avait été -reçue dame de la lingerie chez la reine. - -Le fond du caractère de maître Bonacieux était un profond égoïsme -mêlé à une avarice sordide, le tout assaisonné d'une poltronnerie -extrême. L'amour que lui avait inspiré sa jeune femme, étant un -sentiment tout secondaire, ne pouvait lutter avec les sentiments -primitifs que nous venons d'énumérer. - -Bonacieux réfléchit, en effet, sur ce qu'on venait de lui dire. - -«Mais, monsieur le commissaire, dit-il timidement, croyez bien que -je connais et que j'apprécie plus que personne le mérite de -l'incomparable Éminence par laquelle nous avons l'honneur d'être -gouvernés. - --- Vraiment? demanda le commissaire d'un air de doute; mais s'il -en était véritablement ainsi, comment seriez-vous à la Bastille? - --- Comment j'y suis, ou plutôt pourquoi j'y suis, répliqua -M. Bonacieux, voilà ce qu'il m'est parfaitement impossible de vous -dire, vu que je l'ignore moi-même; mais, à coup sûr, ce n'est pas -pour avoir désobligé, sciemment du moins, M. le cardinal. - --- Il faut cependant que vous ayez commis un crime, puisque vous -êtes ici accusé de haute trahison. - --- De haute trahison! s'écria Bonacieux épouvanté, de haute -trahison! et comment voulez-vous qu'un pauvre mercier qui déteste -les huguenots et qui abhorre les Espagnols soit accusé de haute -trahison? Réfléchissez, monsieur, la chose est matériellement -impossible. - --- Monsieur Bonacieux, dit le commissaire en regardant l'accusé -comme si ses petits yeux avaient la faculté de lire jusqu'au plus -profond des coeurs, monsieur Bonacieux, vous avez une femme? - --- Oui, monsieur, répondit le mercier tout tremblant, sentant que -c'était là où les affaires allaient s'embrouiller; c'est-à-dire, -j'en avais une. - --- Comment? vous en aviez une! qu'en avez-vous fait, si vous ne -l'avez plus? - --- On me l'a enlevée, monsieur. - --- On vous l'a enlevée? dit le commissaire. Ah!» - -Bonacieux sentit à ce «ah!» que l'affaire s'embrouillait de plus -en plus. - -«On vous l'a enlevée! reprit le commissaire, et savez-vous quel -est l'homme qui a commis ce rapt? - --- Je crois le connaître. - --- Quel est-il? - --- Songez que je n'affirme rien, monsieur le commissaire, et que -je soupçonne seulement. - --- Qui soupçonnez-vous? Voyons, répondez franchement.» - -M. Bonacieux était dans la plus grande perplexité: devait-il tout -nier ou tout dire? En niant tout, on pouvait croire qu'il en -savait trop long pour avouer; en disant tout, il faisait preuve de -bonne volonté. Il se décida donc à tout dire. - -«Je soupçonne, dit-il, un grand brun, de haute mine, lequel a tout -à fait l'air d'un grand seigneur; il nous a suivis plusieurs fois, -à ce qu'il m'a semblé, quand j'attendais ma femme devant le -guichet du Louvre pour la ramener chez moi.» - -Le commissaire parut éprouver quelque inquiétude. - -«Et son nom? dit-il. - --- Oh! quant à son nom, je n'en sais rien, mais si je le rencontre -jamais, je le reconnaîtrai à l'instant même, je vous en réponds, -fût-il entre mille personnes.» - -Le front du commissaire se rembrunit. - -«Vous le reconnaîtriez entre mille, dites-vous? continua-t-il... - --- C'est-à-dire, reprit Bonacieux, qui vit qu'il avait fait fausse -route, c'est-à-dire... - --- Vous avez répondu que vous le reconnaîtriez, dit le -commissaire; c'est bien, en voici assez pour aujourd'hui; il faut, -avant que nous allions plus loin, que quelqu'un soit prévenu que -vous connaissez le ravisseur de votre femme. - --- Mais je ne vous ai pas dit que je le connaissais! s'écria -Bonacieux au désespoir. Je vous ai dit au contraire... - --- Emmenez le prisonnier, dit le commissaire aux deux gardes. - --- Et où faut-il le conduire? demanda le greffier. - --- Dans un cachot. - --- Dans lequel? - --- Oh! mon Dieu, dans le premier venu, pourvu qu'il ferme bien», -répondit le commissaire avec une indifférence qui pénétra -d'horreur le pauvre Bonacieux. - -«Hélas! hélas! se dit-il, le malheur est sur ma tête; ma femme -aura commis quelque crime effroyable; on me croit son complice, et -l'on me punira avec elle: elle en aura parlé, elle aura avoué -qu'elle m'avait tout dit; une femme, c'est si faible! Un cachot, -le premier venu! c'est cela! une nuit est bientôt passée; et -demain, à la roue, à la potence! Oh! mon Dieu! mon Dieu! ayez -pitié de moi!» - -Sans écouter le moins du monde les lamentations de maître -Bonacieux, lamentations auxquelles d'ailleurs ils devaient être -habitués, les deux gardes prirent le prisonnier par un bras, et -l'emmenèrent, tandis que le commissaire écrivait en hâte une -lettre que son greffier attendait. - -Bonacieux ne ferma pas l'oeil, non pas que son cachot fût par trop -désagréable, mais parce que ses inquiétudes étaient trop grandes. -Il resta toute la nuit sur son escabeau, tressaillant au moindre -bruit; et quand les premiers rayons du jour se glissèrent dans sa -chambre, l'aurore lui parut avoir pris des teintes funèbres. - -Tout à coup, il entendit tirer les verrous, et il fit un -soubresaut terrible. Il croyait qu'on venait le chercher pour le -conduire à l'échafaud; aussi, lorsqu'il vit purement et simplement -paraître, au lieu de l'exécuteur qu'il attendait, son commissaire -et son greffier de la veille, il fut tout près de leur sauter au -cou. - -«Votre affaire s'est fort compliquée depuis hier au soir, mon -brave homme, lui dit le commissaire, et je vous conseille de dire -toute la vérité; car votre repentir peut seul conjurer la colère -du cardinal. - --- Mais je suis prêt à tout dire, s'écria Bonacieux, du moins tout -ce que je sais. Interrogez, je vous prie. - --- Où est votre femme, d'abord? - --- Mais puisque je vous ai dit qu'on me l'avait enlevée. - --- Oui, mais depuis hier cinq heures de l'après-midi, grâce à -vous, elle s'est échappée. - --- Ma femme s'est échappée! s'écria Bonacieux. Oh! la malheureuse! -monsieur, si elle s'est échappée, ce n'est pas ma faute, je vous -le jure. - --- Qu'alliez-vous donc alors faire chez M. d'Artagnan votre -voisin, avec lequel vous avez eu une longue conférence dans la -journée? - --- Ah! oui, monsieur le commissaire, oui, cela est vrai, et -j'avoue que j'ai eu tort. J'ai été chez M. d'Artagnan. - --- Quel était le but de cette visite? - --- De le prier de m'aider à retrouver ma femme. Je croyais que -j'avais droit de la réclamer; je me trompais, à ce qu'il paraît, -et je vous en demande bien pardon. - --- Et qu'a répondu M. d'Artagnan? - --- M. d'Artagnan m'a promis son aide; mais je me suis bientôt -aperçu qu'il me trahissait. - --- Vous en imposez à la justice! M. d'Artagnan a fait un pacte -avec vous, et en vertu de ce pacte il a mis en fuite les hommes de -police qui avaient arrêté votre femme, et l'a soustraite à toutes -les recherches. - --- M. d'Artagnan a enlevé ma femme! Ah çà, mais que me dites-vous -là? - --- Heureusement M. d'Artagnan est entre nos mains, et vous allez -lui être confronté. - --- Ah! ma foi, je ne demande pas mieux, s'écria Bonacieux; je ne -serais pas fâché de voir une figure de connaissance. - --- Faites entrer M. d'Artagnan», dit le commissaire aux deux -gardes. - -Les deux gardes firent entrer Athos. - -«Monsieur d'Artagnan, dit le commissaire en s'adressant à Athos, -déclarez ce qui s'est passé entre vous et monsieur. - --- Mais! s'écria Bonacieux, ce n'est pas M. d'Artagnan que vous me -montrez là! - --- Comment! ce n'est pas M. d'Artagnan? s'écria le commissaire. - --- Pas le moins du monde, répondit Bonacieux. - --- Comment se nomme monsieur? demanda le commissaire. - --- Je ne puis vous le dire, je ne le connais pas. - --- Comment! vous ne le connaissez pas? - --- Non. - --- Vous ne l'avez jamais vu? - --- Si fait; mais je ne sais comment il s'appelle. - --- Votre nom? demanda le commissaire. - --- Athos, répondit le mousquetaire. - --- Mais ce n'est pas un nom d'homme, ça, c'est un nom de montagne! -s'écria le pauvre interrogateur qui commençait à perdre la tête. - --- C'est mon nom, dit tranquillement Athos. - --- Mais vous avez dit que vous vous nommiez d'Artagnan. - --- Moi? - --- Oui, vous. - --- C'est-à-dire que c'est à moi qu'on a dit: «Vous êtes -M. d'Artagnan?» J'ai répondu: «Vous croyez?» Mes gardes se sont -écriés qu'ils en étaient sûrs. Je n'ai pas voulu les contrarier. -D'ailleurs je pouvais me tromper. - --- Monsieur, vous insultez à la majesté de la justice. - --- Aucunement, fit tranquillement Athos. - --- Vous êtes M. d'Artagnan. - --- Vous voyez bien que vous me le dites encore. - --- Mais, s'écria à son tour M. Bonacieux, je vous dis, monsieur le -commissaire, qu'il n'y a pas un instant de doute à avoir. -M. d'Artagnan est mon hôte, et par conséquent, quoiqu'il ne me -paie pas mes loyers, et justement même à cause de cela, je dois le -connaître. M. d'Artagnan est un jeune homme de dix-neuf à vingt -ans à peine, et monsieur en a trente au moins. M. d'Artagnan est -dans les gardes de M. des Essarts, et monsieur est dans la -compagnie des mousquetaires de M. de Tréville: regardez -l'uniforme, monsieur le commissaire, regardez l'uniforme. - --- C'est vrai, murmura le commissaire; c'est pardieu vrai.» - -En ce moment la porte s'ouvrit vivement, et un messager, introduit -par un des guichetiers de la Bastille, remit une lettre au -commissaire. - -«Oh! la malheureuse! s'écria le commissaire. - --- Comment? que dites-vous? de qui parlez-vous? Ce n'est pas de ma -femme, j'espère! - --- Au contraire, c'est d'elle. Votre affaire est bonne, allez. - --- Ah çà, s'écria le mercier exaspéré, faites-moi le plaisir de me -dire, monsieur, comment mon affaire à moi peut s'empirer de ce que -fait ma femme pendant que je suis en prison! - --- Parce que ce qu'elle fait est la suite d'un plan arrêté entre -vous, plan infernal! - --- Je vous jure, monsieur le commissaire, que vous êtes dans la -plus profonde erreur, que je ne sais rien au monde de ce que -devait faire ma femme, que je suis entièrement étranger à ce -qu'elle a fait, et que, si elle a fait des sottises, je la renie, -je la démens, je la maudis. - --- Ah çà, dit Athos au commissaire, si vous n'avez plus besoin de -moi ici, renvoyez-moi quelque part, il est très ennuyeux, votre -monsieur Bonacieux. - --- Reconduisez les prisonniers dans leurs cachots, dit le -commissaire en désignant d'un même geste Athos et Bonacieux, et -qu'ils soient gardés plus sévèrement que jamais. - --- Cependant, dit Athos avec son calme habituel, si c'est à -M. d'Artagnan que vous avez affaire, je ne vois pas trop en quoi -je puis le remplacer. - --- Faites ce que j'ai dit! s'écria le commissaire, et le secret le -plus absolu! Vous entendez!» - -Athos suivit ses gardes en levant les épaules, et M. Bonacieux en -poussant des lamentations à fendre le coeur d'un tigre. - -On ramena le mercier dans le même cachot où il avait passé la -nuit, et l'on l'y laissa toute la journée. Toute la journée -Bonacieux pleura comme un véritable mercier, n'étant pas du tout -homme d'épée, il nous l'a dit lui-même. - -Le soir, vers les neuf heures, au moment où il allait se décider à -se mettre au lit, il entendit des pas dans son corridor. Ces pas -se rapprochèrent de son cachot, sa porte s'ouvrit, des gardes -parurent. - -«Suivez-moi, dit un exempt qui venait à la suite des gardes. - --- Vous suivre! s'écria Bonacieux; vous suivre à cette heure-ci! -et où cela, mon Dieu? - --- Où nous avons l'ordre de vous conduire. - --- Mais ce n'est pas une réponse, cela. - --- C'est cependant la seule que nous puissions vous faire. - --- Ah! mon Dieu, mon Dieu, murmura le pauvre mercier, pour cette -fois je suis perdu!» - -Et il suivit machinalement et sans résistance les gardes qui -venaient le quérir. - -Il prit le même corridor qu'il avait déjà pris, traversa une -première cour, puis un second corps de logis; enfin, à la porte de -la cour d'entrée, il trouva une voiture entourée de quatre gardes -à cheval. On le fit monter dans cette voiture, l'exempt se plaça -près de lui, on ferma la portière à clef, et tous deux se -trouvèrent dans une prison roulante. - -La voiture se mit en mouvement, lente comme un char funèbre. À -travers la grille cadenassée, le prisonnier apercevait les maisons -et le pavé, voilà tout; mais, en véritable Parisien qu'il était, -Bonacieux reconnaissait chaque rue aux bornes, aux enseignes, aux -réverbères. Au moment d'arriver à Saint-Paul, lieu où l'on -exécutait les condamnés de la Bastille, il faillit s'évanouir et -se signa deux fois. Il avait cru que la voiture devait s'arrêter -là. La voiture passa cependant. - -Plus loin, une grande terreur le prit encore, ce fut en côtoyant -le cimetière Saint-Jean où on enterrait les criminels d'État. Une -seule chose le rassura un peu, c'est qu'avant de les enterrer on -leur coupait généralement la tête, et que sa tête à lui était -encore sur ses épaules. Mais lorsqu'il vit que la voiture prenait -la route de la Grève, qu'il aperçut les toits aigus de l'hôtel de -ville, que la voiture s'engagea sous l'arcade, il crut que tout -était fini pour lui, voulut se confesser à l'exempt, et, sur son -refus, poussa des cris si pitoyables que l'exempt annonça que, -s'il continuait à l'assourdir ainsi, il lui mettrait un bâillon. - -Cette menace rassura quelque peu Bonacieux: si l'on eût dû -l'exécuter en Grève, ce n'était pas la peine de le bâillonner, -puisqu'on était presque arrivé au lieu de l'exécution. En effet, -la voiture traversa la place fatale sans s'arrêter. Il ne restait -plus à craindre que la Croix-du-Trahoir: la voiture en prit -justement le chemin. - -Cette fois, il n'y avait plus de doute, c'était à la Croix-du- -Trahoir qu'on exécutait les criminels subalternes. Bonacieux -s'était flatté en se croyant digne de Saint-Paul ou de la place de -Grève: c'était à la Croix-du-Trahoir qu'allaient finir son voyage -et sa destinée! Il ne pouvait voir encore cette malheureuse croix, -mais il la sentait en quelque sorte venir au-devant de lui. -Lorsqu'il n'en fut plus qu'à une vingtaine de pas, il entendit une -rumeur, et la voiture s'arrêta. C'était plus que n'en pouvait -supporter le pauvre Bonacieux, déjà écrasé par les émotions -successives qu'il avait éprouvées; il poussa un faible -gémissement, qu'on eût pu prendre pour le dernier soupir d'un -moribond, et il s'évanouit. - - -CHAPITRE XIV -L'HOMME DE MEUNG - -Ce rassemblement était produit non point par l'attente d'un homme -qu'on devait pendre, mais par la contemplation d'un pendu. - -La voiture, arrêtée un instant, reprit donc sa marche, traversa la -foule, continua son chemin, enfila la rue Saint-Honoré, tourna la -rue des Bons-Enfants et s'arrêta devant une porte basse. - -La porte s'ouvrit, deux gardes reçurent dans leurs bras Bonacieux, -soutenu par l'exempt; on le poussa dans une allée, on lui fit -monter un escalier, et on le déposa dans une antichambre. - -Tous ces mouvements s'étaient opérés pour lui d'une façon -machinale. - -Il avait marché comme on marche en rêve; il avait entrevu les -objets à travers un brouillard; ses oreilles avaient perçu des -sons sans les comprendre; on eût pu l'exécuter dans ce moment -qu'il n'eût pas fait un geste pour entreprendre sa défense, qu'il -n'eût pas poussé un cri pour implorer la pitié. - -Il resta donc ainsi sur la banquette, le dos appuyé au mur et les -bras pendants, à l'endroit même où les gardes l'avaient déposé. - -Cependant, comme, en regardant autour de lui, il ne voyait aucun -objet menaçant, comme rien n'indiquait qu'il courût un danger -réel, comme la banquette était convenablement rembourrée, comme la -muraille était recouverte d'un beau cuir de Cordoue, comme -de grands rideaux de damas rouge flottaient devant la fenêtre, -retenus par des embrasses d'or, il comprit peu à peu que sa -frayeur était exagérée, et il commença de remuer la tête à droite -et à gauche et de bas en haut. - -À ce mouvement, auquel personne ne s'opposa, il reprit un peu de -courage et se risqua à ramener une jambe, puis l'autre; enfin, en -s'aidant de ses deux mains, il se souleva sur sa banquette et se -trouva sur ses pieds. - -En ce moment, un officier de bonne mine ouvrit une portière, -continua d'échanger encore quelques paroles avec une personne qui -se trouvait dans la pièce voisine, et se retournant vers le -prisonnier: - -«C'est vous qui vous nommez Bonacieux? dit-il. - --- Oui, monsieur l'officier, balbutia le mercier, plus mort que -vif, pour vous servir. - --- Entrez», dit l'officier. - -Et il s'effaça pour que le mercier pût passer. Celui-ci obéit sans -réplique, et entra dans la chambre où il paraissait être attendu. - -C'était un grand cabinet, aux murailles garnies d'armes offensives -et défensives, clos et étouffé, et dans lequel il y avait déjà du -feu, quoique l'on fût à peine à la fin du mois de septembre. Une -table carrée, couverte de livres et de papiers sur lesquels était -déroulé un plan immense de la ville de La Rochelle, tenait le -milieu de l'appartement. - -Debout devant la cheminée était un homme de moyenne taille, à la -mine haute et fière, aux yeux perçants, au front large, à la -figure amaigrie qu'allongeait encore une royale surmontée d'une -paire de moustaches. Quoique cet homme eût trente-six à trente- -sept ans à peine, cheveux, moustache et royale s'en allaient -grisonnant. Cet homme, moins l'épée, avait toute la mine d'un -homme de guerre, et ses bottes de buffle encore légèrement -couvertes de poussière indiquaient qu'il avait monté à cheval dans -la journée. - -Cet homme, c'était Armand-Jean Duplessis, cardinal de Richelieu, -non point tel qu'on nous le représente, cassé comme un vieillard, -souffrant comme un martyr, le corps brisé, la voix éteinte, -enterré dans un grand fauteuil comme dans une tombe anticipée, ne -vivant plus que par la force de son génie, et ne soutenant plus la -lutte avec l'Europe que par l'éternelle application de sa pensée, -mais tel qu'il était réellement à cette époque, c'est-à-dire -adroit et galant cavalier, faible de corps déjà, mais soutenu par -cette puissance morale qui a fait de lui un des hommes les plus -extraordinaires qui aient existé; se préparant enfin, après avoir -soutenu le duc de Nevers dans son duché de Mantoue, après avoir -pris Nîmes, Castres et Uzès, à chasser les Anglais de l'île de Ré -et à faire le siège de La Rochelle. - -À la première vue, rien ne dénotait donc le cardinal, et il était -impossible à ceux-là qui ne connaissaient point son visage de -deviner devant qui ils se trouvaient. - -Le pauvre mercier demeura debout à la porte, tandis que les yeux -du personnage que nous venons de décrire se fixaient sur lui, et -semblaient vouloir pénétrer jusqu'au fond du passé. - -«C'est là ce Bonacieux? demanda-t-il après un moment de silence. - --- Oui, Monseigneur, reprit l'officier. - --- C'est bien, donnez-moi ces papiers et laissez-nous.» - -L'officier prit sur la table les papiers désignés, les remit à -celui qui les demandait, s'inclina jusqu'à terre, et sortit. - -Bonacieux reconnut dans ces papiers ses interrogatoires de la -Bastille. De temps en temps, l'homme de la cheminée levait les -yeux de dessus les écritures, et les plongeait comme deux -poignards jusqu'au fond du coeur du pauvre mercier. - -Au bout de dix minutes de lecture et dix secondes d'examen, le -cardinal était fixé. - -«Cette tête-là n'a jamais conspiré», murmura-t-il; mais n'importe, -voyons toujours. - --- Vous êtes accusé de haute trahison, dit lentement le cardinal. - --- C'est ce qu'on m'a déjà appris, Monseigneur, s'écria Bonacieux, -donnant à son interrogateur le titre qu'il avait entendu -l'officier lui donner; mais je vous jure que je n'en savais rien.» - -Le cardinal réprima un sourire. - -«Vous avez conspiré avec votre femme, avec Mme de Chevreuse et -avec Milord duc de Buckingham. - --- En effet, Monseigneur, répondit le mercier, je l'ai entendue -prononcer tous ces noms-là. - --- Et à quelle occasion? - --- Elle disait que le cardinal de Richelieu avait attiré le duc de -Buckingham à Paris pour le perdre et pour perdre la reine avec -lui. - --- Elle disait cela? s'écria le cardinal avec violence. - --- Oui, Monseigneur; mais moi je lui ai dit qu'elle avait tort de -tenir de pareils propos, et que Son Éminence était incapable... - --- Taisez-vous, vous êtes un imbécile, reprit le cardinal. - --- C'est justement ce que ma femme m'a répondu, Monseigneur. - --- Savez-vous qui a enlevé votre femme? - --- Non, Monseigneur. - --- Vous avez des soupçons, cependant? - --- Oui, Monseigneur; mais ces soupçons ont paru contrarier M. le -commissaire, et je ne les ai plus. - --- Votre femme s'est échappée, le saviez-vous? - --- Non, Monseigneur, je l'ai appris depuis que je suis en prison, -et toujours par l'entremise de M. le commissaire, un homme bien -aimable!» - -Le cardinal réprima un second sourire. - -«Alors vous ignorez ce que votre femme est devenue depuis sa -fuite? - --- Absolument, Monseigneur; mais elle a dû rentrer au Louvre. - --- À une heure du matin elle n'y était pas rentrée encore. - --- Ah! mon Dieu! mais qu'est-elle devenue alors? - --- On le saura, soyez tranquille; on ne cache rien au cardinal; le -cardinal sait tout. - --- En ce cas, Monseigneur, est-ce que vous croyez que le cardinal -consentira à me dire ce qu'est devenue ma femme? - --- Peut-être; mais il faut d'abord que vous avouiez tout ce que -vous savez relativement aux relations de votre femme avec -Mme de Chevreuse. - --- Mais, Monseigneur, je n'en sais rien; je ne l'ai jamais vue. - --- Quand vous alliez chercher votre femme au Louvre, revenait-elle -directement chez vous? - --- Presque jamais: elle avait affaire à des marchands de toile, -chez lesquels je la conduisais. - --- Et combien y en avait-il de marchands de toile? - --- Deux, Monseigneur. - --- Où demeurent-ils? - --- Un, rue de Vaugirard; l'autre, rue de La Harpe. - --- Entriez-vous chez eux avec elle? - --- Jamais, Monseigneur; je l'attendais à la porte. - --- Et quel prétexte vous donnait-elle pour entrer ainsi toute -seule? - --- Elle ne m'en donnait pas; elle me disait d'attendre, et -j'attendais. - --- Vous êtes un mari complaisant, mon cher monsieur Bonacieux!» -dit le cardinal. - -«Il m'appelle son cher monsieur! dit en lui-même le mercier. -Peste! les affaires vont bien!» - -«Reconnaîtriez-vous ces portes? - --- Oui. - --- Savez-vous les numéros? - --- Oui. - --- Quels sont-ils? - --- N° 25, dans la rue de Vaugirard; n° 75, dans la rue de La -Harpe. - --- C'est bien», dit le cardinal. - -À ces mots, il prit une sonnette d'argent, et sonna; l'officier -rentra. - -«Allez, dit-il à demi-voix, me chercher Rochefort; et qu'il vienne -à l'instant même, s'il est rentré. - --- Le comte est là, dit l'officier, il demande instamment à parler -à Votre Éminence!» - -«À Votre Éminence! murmura Bonacieux, qui savait que tel était le -titre qu'on donnait d'ordinaire à M. le cardinal;... à Votre -Éminence!» - -«Qu'il vienne alors, qu'il vienne!» dit vivement Richelieu. - -L'officier s'élança hors de l'appartement, avec cette rapidité que -mettaient d'ordinaire tous les serviteurs du cardinal à lui obéir. - -«À Votre Éminence!» murmurait Bonacieux en roulant des yeux -égarés. - -Cinq secondes ne s'étaient pas écoulées depuis la disparition de -l'officier, que la porte s'ouvrit et qu'un nouveau personnage -entra. - -«C'est lui, s'écria Bonacieux. - --- Qui lui? demanda le cardinal. - --- Celui qui m'a enlevé ma femme.» - -Le cardinal sonna une seconde fois. L'officier reparut. - -«Remettez cet homme aux mains de ses deux gardes, et qu'il attende -que je le rappelle devant moi. - --- Non, Monseigneur! non, ce n'est pas lui! s'écria Bonacieux; -non, je m'étais trompé: c'est un autre qui ne lui ressemble pas du -tout! Monsieur est un honnête homme. - --- Emmenez cet imbécile!» dit le cardinal. - -L'officier prit Bonacieux sous le bras, et le reconduisit dans -l'antichambre où il trouva ses deux gardes. - -Le nouveau personnage qu'on venait d'introduire suivit des yeux -avec impatience Bonacieux jusqu'à ce qu'il fût sorti, et dès que -la porte se fut refermée sur lui: - -«Ils se sont vus, dit-il en s'approchant vivement du cardinal. - --- Qui? demanda Son Éminence. - --- Elle et lui. - --- La reine et le duc? s'écria Richelieu. - --- Oui. - --- Et où cela? - --- Au Louvre. - --- Vous en êtes sûr? - --- Parfaitement sûr. - --- Qui vous l'a dit? - --- Mme de Lannoy, qui est toute à Votre Éminence, comme vous le -savez. - --- Pourquoi ne l'a-t-elle pas dit plus tôt? - --- Soit hasard, soit défiance, la reine a fait coucher -Mme de Fargis dans sa chambre, et l'a gardée toute la journée. - --- C'est bien, nous sommes battus. Tâchons de prendre notre -revanche. - --- Je vous y aiderai de toute mon âme, Monseigneur, soyez -tranquille. - --- Comment cela s'est-il passé? - --- À minuit et demi, la reine était avec ses femmes... - --- Où cela? - --- Dans sa chambre à coucher... - --- Bien. - --- Lorsqu'on est venu lui remettre un mouchoir de la part de sa -dame de lingerie... - --- Après? - --- Aussitôt la reine a manifesté une grande émotion, et, malgré le -rouge dont elle avait le visage couvert, elle a pâli. - --- Après! après! - --- Cependant, elle s'est levée, et d'une voix altérée: «Mesdames, -a-t-elle dit, attendez-moi dix minutes, puis je reviens.» Et elle -a ouvert la porte de son alcôve, puis elle est sortie. - --- Pourquoi Mme de Lannoy n'est-elle pas venue vous prévenir à -l'instant même? - --- Rien n'était bien certain encore; d'ailleurs, la reine avait -dit: «Mesdames, attendez-moi»; et elle n'osait désobéir à la -reine. - --- Et combien de temps la reine est-elle restée hors de la -chambre? - --- Trois quarts d'heure. - --- Aucune de ses femmes ne l'accompagnait? - --- Doña Estefania seulement. - --- Et elle est rentrée ensuite? - --- Oui, mais pour prendre un petit coffret de bois de rose à son -chiffre, et sortir aussitôt. - --- Et quand elle est rentrée, plus tard, a-t-elle rapporté le -coffret? - --- Non. - --- Mme de Lannoy savait-elle ce qu'il y avait dans ce coffret? - --- Oui: les ferrets en diamants que Sa Majesté a donnés à la -reine. - --- Et elle est rentrée sans ce coffret? - --- Oui. - --- L'opinion de Mme de Lannoy est qu'elle les a remis alors à -Buckingham? - --- Elle en est sûre. - --- Comment cela? - --- Pendant la journée, Mme de Lannoy, en sa qualité de dame -d'atour de la reine, a cherché ce coffret, a paru inquiète de ne -pas le trouver et a fini par en demander des nouvelles à la reine. - --- Et alors, la reine...? - --- La reine est devenue fort rouge et a répondu qu'ayant brisé la -veille un de ses ferrets, elle l'avait envoyé raccommoder chez son -orfèvre. - --- Il faut y passer et s'assurer si la chose est vraie ou non. - --- J'y suis passé. - --- Eh bien, l'orfèvre? - --- L'orfèvre n'a entendu parler de rien. - --- Bien! bien! Rochefort, tout n'est pas perdu, et peut-être... -peut-être tout est-il pour le mieux! - --- Le fait est que je ne doute pas que le génie de Votre -Éminence... - --- Ne répare les bêtises de mon agent, n'est-ce pas? - --- C'est justement ce que j'allais dire, si Votre Éminence m'avait -laissé achever ma phrase. - --- Maintenant, savez-vous où se cachaient la duchesse de Chevreuse -et le duc de Buckingham? - --- Non, Monseigneur, mes gens n'ont pu rien me dire de positif là- -dessus. - --- Je le sais, moi. - --- Vous, Monseigneur? - --- Oui, ou du moins je m'en doute. Ils se tenaient, l'un rue de -Vaugirard, n° 25, et l'autre rue de La Harpe, n° 75. - --- Votre Éminence veut-elle que je les fasse arrêter tous deux? - --- Il sera trop tard, ils seront partis. - --- N'importe, on peut s'en assurer. - --- Prenez dix hommes de mes gardes, et fouillez les deux maisons. - --- J'y vais, Monseigneur.» - -Et Rochefort s'élança hors de l'appartement. - -Le cardinal, resté seul, réfléchit un instant et sonna une -troisième fois. - -Le même officier reparut. - -«Faites entrer le prisonnier», dit le cardinal. - -Maître Bonacieux fut introduit de nouveau, et, sur un signe du -cardinal, l'officier se retira. - -«Vous m'avez trompé, dit sévèrement le cardinal. - --- Moi, s'écria Bonacieux, moi, tromper Votre Éminence! - --- Votre femme, en allant rue de Vaugirard et rue de La Harpe, -n'allait pas chez des marchands de toile. - --- Et où allait-elle, juste Dieu? - --- Elle allait chez la duchesse de Chevreuse et chez le duc de -Buckingham. - --- Oui, dit Bonacieux rappelant tous ses souvenirs; oui, c'est -cela, Votre Éminence a raison. J'ai dit plusieurs fois à ma femme -qu'il était étonnant que des marchands de toile demeurassent dans -des maisons pareilles, dans des maisons qui n'avaient pas -d'enseignes, et chaque fois ma femme s'est mise à rire. Ah! -Monseigneur, continua Bonacieux en se jetant aux pieds de -l'Éminence, ah! que vous êtes bien le cardinal, le grand cardinal, -l'homme de génie que tout le monde révère.» - -Le cardinal, tout médiocre qu'était le triomphe remporté sur un -être aussi vulgaire que l'était Bonacieux, n'en jouit pas moins un -instant; puis, presque aussitôt, comme si une nouvelle pensée se -présentait à son esprit, un sourire plissa ses lèvres, et tendant -la main au mercier: - -«Relevez-vous, mon ami, lui dit-il, vous êtes un brave homme. - --- Le cardinal m'a touché la main! j'ai touché la main du grand -homme! s'écria Bonacieux; le grand homme m'a appelé son ami! - --- Oui, mon ami; oui! dit le cardinal avec ce ton paterne qu'il -savait prendre quelquefois, mais qui ne trompait que les gens qui -ne le connaissaient pas; et comme on vous a soupçonné injustement, -eh bien, il vous faut une indemnité: tenez! prenez ce sac de cent -pistoles, et pardonnez-moi. - --- Que je vous pardonne, Monseigneur! dit Bonacieux hésitant à -prendre le sac, craignant sans doute que ce prétendu don ne fût -qu'une plaisanterie. Mais vous étiez bien libre de me faire -arrêter, vous êtes bien libre de me faire torturer, vous êtes bien -libre de me faire pendre: vous êtes le maître, et je n'aurais pas -eu le plus petit mot à dire. Vous pardonner, Monseigneur! Allons -donc, vous n'y pensez pas! - --- Ah! mon cher monsieur Bonacieux! vous y mettez de la -générosité, je le vois, et je vous en remercie. Ainsi donc, vous -prenez ce sac, et vous vous en allez sans être trop mécontent? - --- Je m'en vais enchanté, Monseigneur. - --- Adieu donc, ou plutôt à revoir, car j'espère que nous nous -reverrons. - --- Tant que Monseigneur voudra, et je suis bien aux ordres de Son -Éminence. - --- Ce sera souvent, soyez tranquille, car j'ai trouvé un charme -extrême à votre conversation. - --- Oh! Monseigneur! - --- Au revoir, monsieur Bonacieux, au revoir. - -Et le cardinal lui fit un signe de la main, auquel Bonacieux -répondit en s'inclinant jusqu'à terre; puis il sortit à reculons, -et quand il fut dans l'antichambre, le cardinal l'entendit qui, -dans son enthousiasme, criait à tue-tête: «Vive Monseigneur! vive -Son Éminence! vive le grand cardinal!» Le cardinal écouta en -souriant cette brillante manifestation des sentiments -enthousiastes de maître Bonacieux; puis, quand les cris de -Bonacieux se furent perdus dans l'éloignement: - -«Bien, dit-il, voici désormais un homme qui se fera tuer pour -moi.» - -Et le cardinal se mit à examiner avec la plus grande attention la -carte de La Rochelle qui, ainsi que nous l'avons dit, était -étendue sur son bureau, traçant avec un crayon la ligne où devait -passer la fameuse digue qui, dix-huit mois plus tard, fermait le -port de la cité assiégée. - -Comme il en était au plus profond de ses méditations stratégiques, -la porte se rouvrit, et Rochefort rentra. - -«Eh bien? dit vivement le cardinal en se levant avec une -promptitude qui prouvait le degré d'importance qu'il attachait à -la commission dont il avait chargé le comte. - --- Eh bien, dit celui-ci, une jeune femme de vingt-six à vingt- -huit ans et un homme de trente-cinq à quarante ans ont logé -effectivement, l'un quatre jours et l'autre cinq, dans les maisons -indiquées par Votre Éminence: mais la femme est partie cette nuit, -et l'homme ce matin. - --- C'étaient eux! s'écria le cardinal, qui regardait à la pendule; -et maintenant, continua-t-il, il est trop tard pour faire courir -après: la duchesse est à Tours, et le duc à Boulogne. C'est à -Londres qu'il faut les rejoindre. - --- Quels sont les ordres de Votre Éminence? - --- Pas un mot de ce qui s'est passé; que la reine reste dans une -sécurité parfaite; qu'elle ignore que nous savons son secret; -qu'elle croie que nous sommes à la recherche d'une conspiration -quelconque. Envoyez-moi le garde des sceaux Séguier. - --- Et cet homme, qu'en a fait Votre Éminence? - --- Quel homme? demanda le cardinal. - --- Ce Bonacieux? - --- J'en ai fait tout ce qu'on pouvait en faire. J'en ai fait -l'espion de sa femme.» - -Le comte de Rochefort s'inclina en homme qui reconnaît la grande -supériorité du maître, et se retira. - -Resté seul, le cardinal s'assit de nouveau, écrivit une lettre -qu'il cacheta de son sceau particulier, puis il sonna. L'officier -entra pour la quatrième fois. - -«Faites-moi venir Vitray, dit-il, et dites-lui de s'apprêter pour -un voyage.» - -Un instant après, l'homme qu'il avait demandé était debout devant -lui, tout botté et tout éperonné. - -«Vitray, dit-il, vous allez partir tout courant pour Londres. Vous -ne vous arrêterez pas un instant en route. Vous remettrez cette -lettre à Milady. Voici un bon de deux cents pistoles, passez chez -mon trésorier et faites-vous payer. Il y en a autant à toucher si -vous êtes ici de retour dans six jours et si vous avez bien fait -ma commission.» - -Le messager, sans répondre un seul mot, s'inclina, prit la lettre, -le bon de deux cents pistoles, et sortit. - -Voici ce que contenait la lettre: - -«Milady, - -«Trouvez-vous au premier bal où se trouvera le duc de Buckingham. -Il aura à son pourpoint douze ferrets de diamants, approchez-vous -de lui et coupez-en deux. - -«Aussitôt que ces ferrets seront en votre possession, prévenez- -moi.» - - -CHAPITRE XV -GENS DE ROBE ET GENS D'ÉPÉE - -Le lendemain du jour où ces événements étaient arrivés, Athos -n'ayant point reparu, M. de Tréville avait été prévenu par -d'Artagnan et par Porthos de sa disparition. - -Quant à Aramis, il avait demandé un congé de cinq jours, et il -était à Rouen, disait-on, pour affaires de famille. - -M. de Tréville était le père de ses soldats. Le moindre et le plus -inconnu d'entre eux, dès qu'il portait l'uniforme de la compagnie, -était aussi certain de son aide et de son appui qu'aurait pu -l'être son frère lui-même. - -Il se rendit donc à l'instant chez le lieutenant criminel. On fit -venir l'officier qui commandait le poste de la Croix-Rouge, et les -renseignements successifs apprirent qu'Athos était momentanément -logé au For-l'Évêque. - -Athos avait passé par toutes les épreuves que nous avons vu -Bonacieux subir. - -Nous avons assisté à la scène de confrontation entre les deux -captifs. Athos, qui n'avait rien dit jusque-là de peur que -d'Artagnan, inquiété à son tour, n'eût point le temps qu'il lui -fallait, Athos déclara, à partir de ce moment, qu'il se nommait -Athos et non d'Artagnan. - -Il ajouta qu'il ne connaissait ni monsieur, ni madame Bonacieux, -qu'il n'avait jamais parlé ni à l'un, ni à l'autre; qu'il était -venu vers les dix heures du soir pour faire visite à -M. d'Artagnan, son ami, mais que jusqu'à cette heure il était -resté chez M. de Tréville, où il avait dîné; vingt témoins, -ajouta-t-il, pouvaient attester le fait, et il nomma plusieurs -gentilshommes distingués, entre autres M. le duc de La Trémouille. - -Le second commissaire fut aussi étourdi que le premier de la -déclaration simple et ferme de ce mousquetaire, sur lequel il -aurait bien voulu prendre la revanche que les gens de robe aiment -tant à gagner sur les gens d'épée; mais le nom de M. de Tréville -et celui de M. le duc de La Trémouille méritaient réflexion. - -Athos fut aussi envoyé au cardinal, mais malheureusement le -cardinal était au Louvre chez le roi. - -C'était précisément le moment où M. de Tréville, sortant de chez -le lieutenant criminel et de chez le gouverneur du For-l'Évêque, -sans avoir pu trouver Athos, arriva chez Sa Majesté. - -Comme capitaine des mousquetaires, M. de Tréville avait à toute -heure ses entrées chez le roi. - -On sait quelles étaient les préventions du roi contre la reine, -préventions habilement entretenues par le cardinal, qui, en fait -d'intrigues, se défiait infiniment plus des femmes que des hommes. -Une des grandes causes surtout de cette prévention était l'amitié -d'Anne d'Autriche pour Mme de Chevreuse. Ces deux femmes -l'inquiétaient plus que les guerres avec l'Espagne, les démêlés -avec l'Angleterre et l'embarras des finances. À ses yeux et dans -sa conviction, Mme de Chevreuse servait la reine non seulement -dans ses intrigues politiques, mais, ce qui le tourmentait bien -plus encore, dans ses intrigues amoureuses. - -Au premier mot de ce qu'avait dit M. le cardinal, que -Mme de Chevreuse, exilée à Tours et qu'on croyait dans cette -ville, était venue à Paris et, pendant cinq jours qu'elle y était -restée, avait dépisté la police, le roi était entré dans une -furieuse colère. Capricieux et infidèle, le roi voulait être -appelé Louis le Juste et Louis le Chaste. La postérité comprendra -difficilement ce caractère, que l'histoire n'explique que par des -faits et jamais par des raisonnements. - -Mais lorsque le cardinal ajouta que non seulement Mme de Chevreuse -était venue à Paris, mais encore que la reine avait renoué avec -elle à l'aide d'une de ces correspondances mystérieuses qu'à cette -époque on nommait une cabale; lorsqu'il affirma que lui, le -cardinal, allait démêler les fils les plus obscurs de cette -intrigue, quand, au moment d'arrêter sur le fait, en flagrant -délit, nanti de toutes les preuves, l'émissaire de la reine près -de l'exilée, un mousquetaire avait osé interrompre violemment le -cours de la justice en tombant, l'épée à la main, sur d'honnêtes -gens de loi chargés d'examiner avec impartialité toute l'affaire -pour la mettre sous les yeux du roi, -- Louis XIII ne se contint -plus, il fit un pas vers l'appartement de la reine avec cette pâle -et muette indignation qui, lorsqu'elle éclatait, conduisait ce -prince jusqu'à la plus froide cruauté. - -Et cependant, dans tout cela, le cardinal n'avait pas encore dit -un mot du duc de Buckingham. - -Ce fut alors que M. de Tréville entra, froid, poli et dans une -tenue irréprochable. - -Averti de ce qui venait de se passer par la présence du cardinal -et par l'altération de la figure du roi, M. de Tréville se sentit -fort comme Samson devant les Philistins. - -Louis XIII mettait déjà la main sur le bouton de la porte; au -bruit que fit M. de Tréville en entrant, il se retourna. - -«Vous arrivez bien, monsieur, dit le roi, qui, lorsque ses -passions étaient montées à un certain point, ne savait pas -dissimuler, et j'en apprends de belles sur le compte de vos -mousquetaires. - --- Et moi, dit froidement M. de Tréville, j'en ai de belles à -apprendre à Votre Majesté sur ses gens de robe. - --- Plaît-il? dit le roi avec hauteur. - --- J'ai l'honneur d'apprendre à Votre Majesté, continua -M. de Tréville du même ton, qu'un parti de procureurs, de -commissaires et de gens de police, gens fort estimables mais fort -acharnés, à ce qu'il paraît, contre l'uniforme, s'est permis -d'arrêter dans une maison, d'emmener en pleine rue et de jeter au -For-l'Évêque, tout cela sur un ordre que l'on a refusé de me -représenter, un de mes mousquetaires, ou plutôt des vôtres, Sire, -d'une conduite irréprochable, d'une réputation presque illustre, -et que Votre Majesté connaît favorablement, M. Athos. - --- Athos, dit le roi machinalement; oui, au fait, je connais ce -nom. - --- Que Votre Majesté se le rappelle, dit M. de Tréville; M. Athos -est ce mousquetaire qui, dans le fâcheux duel que vous savez, a eu -le malheur de blesser grièvement M. de Cahusac. -- à propos, -Monseigneur, continua Tréville en s'adressant au cardinal, -M. de Cahusac est tout à fait rétabli, n'est-ce pas? - --- Merci! dit le cardinal en se pinçant les lèvres de colère. - --- M. Athos était donc allé rendre visite à l'un de ses amis alors -absent, continua M. de Tréville, à un jeune Béarnais, cadet aux -gardes de Sa Majesté, compagnie des Essarts; mais à peine venait- -il de s'installer chez son ami et de prendre un livre en -l'attendant, qu'une nuée de recors et de soldats mêlés ensemble -vint faire le siège de la maison, enfonça plusieurs portes...» - -Le cardinal fit au roi un signe qui signifiait: «C'est pour -l'affaire dont je vous ai parlé.» - -«Nous savons tout cela, répliqua le roi, car tout cela s'est fait -pour notre service. - --- Alors, dit Tréville, c'est aussi pour le service de -Votre Majesté qu'on a saisi un de mes mousquetaires innocent, -qu'on l'a placé entre deux gardes comme un malfaiteur, et qu'on a -promené au milieu d'une populace insolente ce galant homme, qui a -versé dix fois son sang pour le service de Votre Majesté et qui -est prêt à le répandre encore. - --- Bah! dit le roi ébranlé, les choses se sont passées ainsi? - --- M. de Tréville ne dit pas, reprit le cardinal avec le plus -grand flegme, que ce mousquetaire innocent, que ce galant homme -venait, une heure auparavant, de frapper à coups d'épée quatre -commissaires instructeurs délégués par moi afin d'instruire une -affaire de la plus haute importance. - --- Je défie Votre Éminence de le prouver, s'écria M. de Tréville -avec sa franchise toute gasconne et sa rudesse toute militaire, -car, une heure auparavant M. Athos, qui, je le confierai à -Votre Majesté, est un homme de la plus haute qualité, me faisait -l'honneur, après avoir dîné chez moi, de causer dans le salon de -mon hôtel avec M. le duc de La Trémouille et M. le comte de -Châlus, qui s'y trouvaient.» - -Le roi regarda le cardinal. - -«Un procès-verbal fait foi, dit le cardinal répondant tout haut à -l'interrogation muette de Sa Majesté, et les gens maltraités ont -dressé le suivant, que j'ai l'honneur de présenter à -Votre Majesté. - --- Procès-verbal de gens de robe vaut-il la parole d'honneur, -répondit fièrement Tréville, d'homme d'épée? - --- Allons, allons, Tréville, taisez-vous, dit le roi. - --- Si Son Éminence a quelque soupçon contre un de mes -mousquetaires, dit Tréville, la justice de M. le cardinal est -assez connue pour que je demande moi-même une enquête. - --- Dans la maison où cette descente de justice a été faite, -continua le cardinal impassible, loge, je crois, un Béarnais ami -du mousquetaire. - --- Votre Éminence veut parler de M. d'Artagnan? - --- Je veux parler d'un jeune homme que vous protégez, Monsieur de -Tréville. - --- Oui, Votre Éminence, c'est cela même. - --- Ne soupçonnez-vous pas ce jeune homme d'avoir donné de mauvais -conseils... - --- À M. Athos, à un homme qui a le double de son âge? interrompit -M. de Tréville; non, Monseigneur. D'ailleurs, M. d'Artagnan a -passé la soirée chez moi. - --- Ah çà, dit le cardinal, tout le monde a donc passé la soirée -chez vous? - --- Son Éminence douterait-elle de ma parole? dit Tréville, le -rouge de la colère au front. - --- Non, Dieu m'en garde! dit le cardinal; mais, seulement, à -quelle heure était-il chez vous? - --- Oh! cela je puis le dire sciemment à Votre Éminence, car, comme -il entrait, je remarquai qu'il était neuf heures et demie à la -pendule, quoique j'eusse cru qu'il était plus tard. - --- Et à quelle heure est-il sorti de votre hôtel? - --- À dix heures et demie: une heure après l'événement. - --- Mais, enfin, répondit le cardinal, qui ne soupçonnait pas un -instant la loyauté de Tréville, et qui sentait que la victoire lui -échappait, mais, enfin, Athos a été pris dans cette maison de la -rue des Fossoyeurs. - --- Est-il défendu à un ami de visiter un ami? à un mousquetaire de -ma compagnie de fraterniser avec un garde de la compagnie de -M. des Essarts? - --- Oui, quand la maison où il fraternise avec cet ami est -suspecte. - --- C'est que cette maison est suspecte, Tréville, dit le roi; -peut-être ne le saviez-vous pas? - --- En effet, Sire, je l'ignorais. En tout cas, elle peut être -suspecte partout; mais je nie qu'elle le soit dans la partie -qu'habite M. d'Artagnan; car je puis vous affirmer, Sire, que, si -j'en crois ce qu'il a dit, il n'existe pas un plus dévoué -serviteur de Sa Majesté, un admirateur plus profond de M. le -cardinal. - --- N'est-ce pas ce d'Artagnan qui a blessé un jour Jussac dans -cette malheureuse rencontre qui a eu lieu près du couvent des -Carmes-Déchaussés? demanda le roi en regardant le cardinal, qui -rougit de dépit. - --- Et le lendemain, Bernajoux. Oui Sire, oui, c'est bien cela, et -Votre Majesté a bonne mémoire. - --- Allons, que résolvons-nous? dit le roi. - --- Cela regarde Votre Majesté plus que moi, dit le cardinal. -J'affirmerais la culpabilité. - --- Et moi je la nie, dit Tréville. Mais Sa Majesté a des juges, et -ses juges décideront. - --- C'est cela, dit le roi, renvoyons la cause devant les juges: -c'est leur affaire de juger, et ils jugeront. - --- Seulement, reprit Tréville, il est bien triste qu'en ce temps -malheureux où nous sommes, la vie la plus pure, la vertu la plus -incontestable n'exemptent pas un homme de l'infamie et de la -persécution. Aussi l'armée sera-t-elle peu contente, je puis en -répondre, d'être en butte à des traitements rigoureux à propos -d'affaires de police.» - -Le mot était imprudent; mais M. de Tréville l'avait lancé avec -connaissance de cause. Il voulait une explosion, parce qu'en cela -la mine fait du feu, et que le feu éclaire. - -«Affaires de police! s'écria le roi, relevant les paroles de -M. de Tréville: affaires de police! et qu'en savez-vous, monsieur? -Mêlez-vous de vos mousquetaires, et ne me rompez pas la tête. Il -semble, à vous entendre, que, si par malheur on arrête un -mousquetaire, la France est en danger. Eh! que de bruit pour un -mousquetaire! j'en ferai arrêter dix, ventrebleu! cent, même; -toute la compagnie! et je ne veux pas que l'on souffle mot. - --- Du moment où ils sont suspects à Votre Majesté, dit Tréville, -les mousquetaires sont coupables; aussi, me voyez-vous, Sire, prêt -à vous rendre mon épée; car après avoir accusé mes soldats, M. le -cardinal, je n'en doute pas, finira par m'accuser moi-même; ainsi -mieux vaut que je me constitue prisonnier avec M. Athos, qui est -arrêté déjà, et M. d'Artagnan, qu'on va arrêter sans doute. - --- Tête gasconne, en finirez-vous? dit le roi. - --- Sire, répondit Tréville sans baisser le moindrement la voix, -ordonnez qu'on me rende mon mousquetaire, ou qu'il soit jugé. - --- On le jugera, dit le cardinal. - --- Eh bien, tant mieux; car, dans ce cas, je demanderai à -Sa Majesté la permission de plaider pour lui.» - -Le roi craignit un éclat. - -«Si Son Éminence, dit-il, n'avait pas personnellement des -motifs...» - -Le cardinal vit venir le roi, et alla au-devant de lui: - -«Pardon, dit-il, mais du moment où Votre Majesté voit en moi un -juge prévenu, je me retire. - --- Voyons, dit le roi, me jurez-vous, par mon père, que M. Athos -était chez vous pendant l'événement, et qu'il n'y a point pris -part? - --- Par votre glorieux père et par vous-même, qui êtes ce que -j'aime et ce que je vénère le plus au monde, je le jure! - --- Veuillez réfléchir, Sire, dit le cardinal. Si nous relâchons -ainsi le prisonnier, on ne pourra plus connaître la vérité. - --- M. Athos sera toujours là, reprit M. de Tréville, prêt à -répondre quand il plaira aux gens de robe de l'interroger. Il ne -désertera pas, monsieur le cardinal; soyez tranquille, je réponds -de lui, moi. - --- Au fait, il ne désertera pas, dit le roi; on le retrouvera -toujours, comme dit M. de Tréville. D'ailleurs, ajouta-t-il en -baissant la voix et en regardant d'un air suppliant Son Éminence, -donnons-leur de la sécurité: cela est politique.» - -Cette politique de Louis XIII fit sourire Richelieu. - -«Ordonnez, Sire, dit-il, vous avez le droit de grâce. - --- Le droit de grâce ne s'applique qu'aux coupables, dit Tréville, -qui voulait avoir le dernier mot, et mon mousquetaire est -innocent. Ce n'est donc pas grâce que vous allez faire, Sire, -c'est justice. - --- Et il est au For-l'Évêque? dit le roi. - --- Oui, Sire, et au secret, dans un cachot, comme le dernier des -criminels. - --- Diable! diable! murmura le roi, que faut-il faire? - --- Signer l'ordre de mise en liberté, et tout sera dit, reprit le -cardinal; je crois, comme Votre Majesté, que la garantie de -M. de Tréville est plus que suffisante.» - -Tréville s'inclina respectueusement avec une joie qui n'était pas -sans mélange de crainte; il eût préféré une résistance opiniâtre -du cardinal à cette soudaine facilité. - -Le roi signa l'ordre d'élargissement, et Tréville l'emporta sans -retard. - -Au moment où il allait sortir, le cardinal lui fit un sourire -amical, et dit au roi: - -«Une bonne harmonie règne entre les chefs et les soldats, dans vos -mousquetaires, Sire; voilà qui est bien profitable au service et -bien honorable pour tous.» - -«Il me jouera quelque mauvais tour incessamment, se disait -Tréville; on n'a jamais le dernier mot avec un pareil homme. Mais -hâtons-nous, car le roi peut changer d'avis tout à l'heure; et au -bout du compte, il est plus difficile de remettre à la Bastille ou -au For-l'Évêque un homme qui en est sorti, que d'y garder un -prisonnier qu'on y tient.» - -M. de Tréville fit triomphalement son entrée au For-l'Évêque, où -il délivra le mousquetaire, que sa paisible indifférence n'avait -pas abandonné. - -Puis, la première fois qu'il revit d'Artagnan: - -«Vous l'échappez belle, lui dit-il; voilà votre coup d'épée à -Jussac payé. Reste bien encore celui de Bernajoux, mais il ne -faudrait pas trop vous y fier.» - -Au reste, M. de Tréville avait raison de se défier du cardinal et -de penser que tout n'était pas fini, car à peine le capitaine des -mousquetaires eut-il fermé la porte derrière lui, que Son Éminence -dit au roi: - -«Maintenant que nous ne sommes plus que nous deux, nous allons -causer sérieusement, s'il plaît à Votre Majesté. Sire, -M. de Buckingham était à Paris depuis cinq jours et n'en est parti -que ce matin.» - - -CHAPITRE XVI -OÙ M. LE GARDE DES SCEAUX SÉGUIER CHERCHA PLUS D'UNE FOIS LA -CLOCHE POUR LA SONNER, COMME IL LE FAISAIT AUTREFOIS - -Il est impossible de se faire une idée de l'impression que ces -quelques mots produisirent sur Louis XIII. Il rougit et pâlit -successivement; et le cardinal vit tout d'abord qu'il venait de -conquérir d'un seul coup tout le terrain qu'il avait perdu. - -«M. de Buckingham à Paris! s'écria-t-il, et qu'y vient-il faire? - --- Sans doute conspirer avec nos ennemis les huguenots et les -Espagnols. - --- Non, pardieu, non! conspirer contre mon honneur avec -Mme de Chevreuse, Mme de Longueville et les Condé! - --- Oh! Sire, quelle idée! La reine est trop sage, et surtout aime -trop Votre Majesté. - --- La femme est faible, monsieur le cardinal, dit le roi; et quant -à m'aimer beaucoup, j'ai mon opinion faite sur cet amour. - --- Je n'en maintiens pas moins, dit le cardinal, que le duc de -Buckingham est venu à Paris pour un projet tout politique. - --- Et moi je suis sûr qu'il est venu pour autre chose, monsieur le -cardinal; mais si la reine est coupable, qu'elle tremble! - --- Au fait, dit le cardinal, quelque répugnance que j'aie à -arrêter mon esprit sur une pareille trahison, Votre Majesté m'y -fait penser: Mme de Lannoy, que, d'après l'ordre de Votre Majesté, -j'ai interrogée plusieurs fois, m'a dit ce matin que la nuit avant -celle-ci Sa Majesté avait veillé fort tard, que ce matin elle -avait beaucoup pleuré et que toute la journée elle avait écrit. - --- C'est cela, dit le roi; à lui sans doute, Cardinal, il me faut -les papiers de la reine. - --- Mais comment les prendre, Sire? Il me semble que ce n'est ni -moi, ni Votre Majesté qui pouvons nous charger d'une pareille -mission. - --- Comment s'y est-on pris pour la maréchale d'Ancre? s'écria le -roi au plus haut degré de la colère; on a fouillé ses armoires, et -enfin on l'a fouillée elle-même. - --- La maréchale d'Ancre n'était que la maréchale d'Ancre, une -aventurière florentine, Sire, voilà tout; tandis que l'auguste -épouse de Votre Majesté est Anne d'Autriche, reine de France, -c'est-à-dire une des plus grandes princesses du monde. - --- Elle n'en est que plus coupable, monsieur le duc! Plus elle a -oublié la haute position où elle était placée, plus elle est bas -descendue. Il y a longtemps d'ailleurs que je suis décidé à en -finir avec toutes ces petites intrigues de politique et d'amour. -Elle a aussi près d'elle un certain La Porte... - --- Que je crois la cheville ouvrière de tout cela, je l'avoue, dit -le cardinal. - --- Vous pensez donc, comme moi, qu'elle me trompe? dit le roi. - --- Je crois, et je le répète à Votre Majesté, que la reine -conspire contre la puissance de son roi, mais je n'ai point dit -contre son honneur. - --- Et moi je vous dis contre tous deux; moi je vous dis que la -reine ne m'aime pas; je vous dis qu'elle en aime un autre; je vous -dis qu'elle aime cet infâme duc de Buckingham! Pourquoi ne l'avez- -vous pas fait arrêter pendant qu'il était à Paris? - --- Arrêter le duc! arrêter le premier ministre du roi Charles Ier! -Y pensez-vous, Sire? Quel éclat! et si alors les soupçons de -Votre Majesté, ce dont je continue à douter, avaient quelque -consistance, quel éclat terrible! quel scandale désespérant! - --- Mais puisqu'il s'exposait comme un vagabond et un larronneur, -il fallait...» - -Louis XIII s'arrêta lui-même, effrayé de ce qu'il allait dire, -tandis que Richelieu, allongeant le cou, attendait inutilement la -parole qui était restée sur les lèvres du roi. - -«Il fallait? - --- Rien, dit le roi, rien. Mais, pendant tout le temps qu'il a été -à Paris, vous ne l'avez pas perdu de vue? - --- Non, Sire. - --- Où logeait-il? - --- Rue de La Harpe, n° 75. - --- Où est-ce, cela? - --- Du côté du Luxembourg. - --- Et vous êtes sûr que la reine et lui ne se sont pas vus? - --- Je crois la reine trop attachée à ses devoirs, Sire. - --- Mais ils ont correspondu, c'est à lui que la reine a écrit -toute la journée; monsieur le duc, il me faut ces lettres! - --- Sire, cependant... - --- Monsieur le duc, à quelque prix que ce soit, je les veux. - --- Je ferai pourtant observer à Votre Majesté... - --- Me trahissez-vous donc aussi, monsieur le cardinal, pour vous -opposer toujours ainsi à mes volontés? êtes-vous aussi d'accord -avec l'Espagnol et avec l'Anglais, avec Mme de Chevreuse et avec -la reine? - --- Sire, répondit en soupirant le cardinal, je croyais être à -l'abri d'un pareil soupçon. - --- Monsieur le cardinal, vous m'avez entendu; je veux ces lettres. - --- Il n'y aurait qu'un moyen. - --- Lequel? - --- Ce serait de charger de cette mission M. le garde des sceaux -Séguier. La chose rentre complètement dans les devoirs de sa -charge. - --- Qu'on l'envoie chercher à l'instant même! - --- Il doit être chez moi, Sire; je l'avais fait prier de passer, -et lorsque je suis venu au Louvre, j'ai laissé l'ordre, s'il se -présentait, de le faire attendre. - --- Qu'on aille le chercher à l'instant même! - --- Les ordres de Votre Majesté seront exécutés; mais... - --- Mais quoi? - --- Mais la reine se refusera peut-être à obéir. - --- À mes ordres? - --- Oui, si elle ignore que ces ordres viennent du roi. - --- Eh bien, pour qu'elle n'en doute pas, je vais la prévenir moi- -même. - --- Votre Majesté n'oubliera pas que j'ai fait tout ce que j'ai pu -pour prévenir une rupture. - --- Oui, duc, je sais que vous êtes fort indulgent pour la reine, -trop indulgent peut-être; et nous aurons, je vous en préviens, à -parler plus tard de cela. - --- Quand il plaira à Votre Majesté; mais je serai toujours heureux -et fier, Sire, de me sacrifier à la bonne harmonie que je désire -voir régner entre vous et la reine de France. - --- Bien, cardinal, bien; mais en attendant envoyez chercher M. le -garde des sceaux; moi, j'entre chez la reine. - -Et Louis XIII, ouvrant la porte de communication, s'engagea dans -le corridor qui conduisait de chez lui chez Anne d'Autriche. - -La reine était au milieu de ses femmes, Mme de Guitaut, -Mme de Sablé, Mme de Montbazon et Mme de Guéménée. Dans un coin -était cette camériste espagnole doña Estefania, qui l'avait suivie -de Madrid. Mme de Guéménée faisait la lecture, et tout le monde -écoutait avec attention la lectrice, à l'exception de la reine, -qui, au contraire, avait provoqué cette lecture afin de pouvoir, -tout en feignant d'écouter, suivre le fil de ses propres pensées. - -Ces pensées, toutes dorées qu'elles étaient par un dernier reflet -d'amour, n'en étaient pas moins tristes. Anne d'Autriche, privée -de la confiance de son mari, poursuivie par la haine du cardinal, -qui ne pouvait lui pardonner d'avoir repoussé un sentiment plus -doux, ayant sous les yeux l'exemple de la reine mère, que cette -haine avait tourmentée toute sa vie -- quoique Marie de Médicis, -s'il faut en croire les mémoires du temps, eût commencé par -accorder au cardinal le sentiment qu'Anne d'Autriche finit -toujours par lui refuser --, Anne d'Autriche avait vu tomber -autour d'elle ses serviteurs les plus dévoués, ses confidents les -plus intimes, ses favoris les plus chers. Comme ces malheureux -doués d'un don funeste, elle portait malheur à tout ce qu'elle -touchait, son amitié était un signe fatal qui appelait la -persécution. Mme de Chevreuse et Mme de Vernel étaient exilées; -enfin La Porte ne cachait pas à sa maîtresse qu'il s'attendait à -être arrêté d'un instant à l'autre. - -C'est au moment où elle était plongée au plus profond et au plus -sombre de ces réflexions, que la porte de la chambre s'ouvrit et -que le roi entra. - -La lectrice se tut à l'instant même, toutes les dames se levèrent, -et il se fit un profond silence. - -Quant au roi, il ne fit aucune démonstration de politesse; -seulement, s'arrêtant devant la reine: - -«Madame, dit-il d'une voix altérée, vous allez recevoir la visite -de M. le chancelier, qui vous communiquera certaines affaires dont -je l'ai chargé.» - -La malheureuse reine, qu'on menaçait sans cesse de divorce, d'exil -et de jugement même, pâlit sous son rouge et ne put s'empêcher de -dire: - -«Mais pourquoi cette visite, Sire? Que me dira M. le chancelier -que Votre Majesté ne puisse me dire elle-même?» - -Le roi tourna sur ses talons sans répondre, et presque au même -instant le capitaine des gardes, M. de Guitaut, annonça la visite -de M. le chancelier. - -Lorsque le chancelier parut, le roi était déjà sorti par une autre -porte. - -Le chancelier entra demi-souriant, demi-rougissant. Comme nous le -retrouverons probablement dans le cours de cette histoire, il n'y -a pas de mal à ce que nos lecteurs fassent dès à présent -connaissance avec lui. - -Ce chancelier était un plaisant homme. Ce fut Des Roches le Masle, -chanoine à Notre-Dame, et qui avait été autrefois valet de chambre -du cardinal, qui le proposa à Son Éminence comme un homme tout -dévoué. Le cardinal s'y fia et s'en trouva bien. - -On racontait de lui certaines histoires, entre autres celle-ci: - -Après une jeunesse orageuse, il s'était retiré dans un couvent -pour y expier au moins pendant quelque temps les folies de -l'adolescence. - -Mais, en entrant dans ce saint lieu, le pauvre pénitent n'avait pu -refermer si vite la porte, que les passions qu'il fuyait n'y -entrassent avec lui. Il en était obsédé sans relâche, et le -supérieur, auquel il avait confié cette disgrâce, voulant autant -qu'il était en lui l'en garantir, lui avait recommandé pour -conjurer le démon tentateur de recourir à la corde de la cloche et -de sonner à toute volée. Au bruit dénonciateur, les moines -seraient prévenus que la tentation assiégeait un frère, et toute -la communauté se mettrait en prières. - -Le conseil parut bon au futur chancelier. Il conjura l'esprit -malin à grand renfort de prières faites par les moines; mais le -diable ne se laisse pas déposséder facilement d'une place où il a -mis garnison; à mesure qu'on redoublait les exorcismes, il -redoublait les tentations, de sorte que jour et nuit la cloche -sonnait à toute volée, annonçant l'extrême désir de mortification -qu'éprouvait le pénitent. - -Les moines n'avaient plus un instant de repos. Le jour, ils ne -faisaient que monter et descendre les escaliers qui conduisaient à -la chapelle; la nuit, outre complies et matines, ils étaient -encore obligés de sauter vingt fois à bas de leurs lits et de se -prosterner sur le carreau de leurs cellules. - -On ignore si ce fut le diable qui lâcha prise ou les moines qui se -lassèrent; mais, au bout de trois mois, le pénitent reparut dans -le monde avec la réputation du plus terrible possédé qui eût -jamais existé. - -En sortant du couvent, il entra dans la magistrature, devint -président à mortier à la place de son oncle, embrassa le parti du -cardinal, ce qui ne prouvait pas peu de sagacité; devint -chancelier, servit Son Éminence avec zèle dans sa haine contre la -reine mère et sa vengeance contre Anne d'Autriche; stimula les -juges dans l'affaire de Chalais, encouragea les essais de -M. de Laffemas, grand gibecier de France; puis enfin, investi de -toute la confiance du cardinal, confiance qu'il avait si bien -gagnée, il en vint à recevoir la singulière commission pour -l'exécution de laquelle il se présentait chez la reine. - -La reine était encore debout quand il entra, mais à peine l'eut- -elle aperçu, qu'elle se rassit sur son fauteuil et fit signe à ses -femmes de se rasseoir sur leurs coussins et leurs tabourets, et, -d'un ton de suprême hauteur: - -«Que désirez-vous, monsieur, demanda Anne d'Autriche, et dans quel -but vous présentez-vous ici? - --- Pour y faire au nom du roi, madame, et sauf tout le respect que -j'ai l'honneur de devoir à Votre Majesté, une perquisition exacte -dans vos papiers. - --- Comment, monsieur! une perquisition dans mes papiers... à moi! -mais voilà une chose indigne! - --- Veuillez me le pardonner, madame, mais, dans cette -circonstance, je ne suis que l'instrument dont le roi se sert. -Sa Majesté ne sort-elle pas d'ici, et ne vous a-t-elle pas invitée -elle-même à vous préparer à cette visite? - --- Fouillez donc, monsieur; je suis une criminelle, à ce qu'il -paraît: Estefania, donnez les clefs de mes tables et de mes -secrétaires.» - -Le chancelier fit pour la forme une visite dans les meubles, mais -il savait bien que ce n'était pas dans un meuble que la reine -avait dû serrer la lettre importante qu'elle avait écrite dans la -journée. - -Quand le chancelier eut rouvert et refermé vingt fois les tiroirs -du secrétaire, il fallut bien, quelque hésitation qu'il éprouvât, -il fallut bien, dis-je, en venir à la conclusion de l'affaire, -c'est-à-dire à fouiller la reine elle-même. Le chancelier s'avança -donc vers Anne d'Autriche, et d'un ton très perplexe et d'un air -fort embarrassé: - -«Et maintenant, dit-il, il me reste à faire la perquisition -principale. - --- Laquelle? demanda la reine, qui ne comprenait pas ou plutôt qui -ne voulait pas comprendre. - --- Sa Majesté est certaine qu'une lettre a été écrite par vous -dans la journée; elle sait qu'elle n'a pas encore été envoyée à -son adresse. Cette lettre ne se trouve ni dans votre table, ni -dans votre secrétaire, et cependant cette lettre est quelque part. - --- Oserez-vous porter la main sur votre reine? dit Anne d'Autriche -en se dressant de toute sa hauteur et en fixant sur le chancelier -ses yeux, dont l'expression était devenue presque menaçante. - --- Je suis un fidèle sujet du roi, madame; et tout ce que -Sa Majesté ordonnera, je le ferai. - --- Eh bien, c'est vrai, dit Anne d'Autriche, et les espions de -M. le cardinal l'ont bien servi. J'ai écrit aujourd'hui une -lettre, cette lettre n'est point partie. La lettre est là.» - -Et la reine ramena sa belle main à son corsage. - -«Alors donnez-moi cette lettre, madame, dit le chancelier. - --- Je ne la donnerai qu'au roi, monsieur, dit Anne. - --- Si le roi eût voulu que cette lettre lui fût remise, madame, il -vous l'eût demandée lui-même. Mais, je vous le répète, c'est moi -qu'il a chargé de vous la réclamer, et si vous ne la rendiez -pas... - --- Eh bien? - --- C'est encore moi qu'il a chargé de vous la prendre. - --- Comment, que voulez-vous dire? - --- Que mes ordres vont loin, madame, et que je suis autorisé à -chercher le papier suspect sur la personne même de Votre Majesté. - --- Quelle horreur! s'écria la reine. - --- Veuillez donc, madame, agir plus facilement. - --- Cette conduite est d'une violence infâme; savez-vous cela, -monsieur? - --- Le roi commande, madame, excusez-moi. - --- Je ne le souffrirai pas; non, non, plutôt mourir!» s'écria la -reine, chez laquelle se révoltait le sang impérieux de l'Espagnole -et de l'Autrichienne. - -Le chancelier fit une profonde révérence, puis avec l'intention -bien patente de ne pas reculer d'une semelle dans -l'accomplissement de la commission dont il s'était chargé, et -comme eût pu le faire un valet de bourreau dans la chambre de la -question, il s'approcha d'Anne d'Autriche des yeux de laquelle on -vit à l'instant même jaillir des pleurs de rage. - -La reine était, comme nous l'avons dit, d'une grande beauté. - -La commission pouvait donc passer pour délicate, et le roi en -était arrivé, à force de jalousie contre Buckingham, à n'être plus -jaloux de personne. - -Sans doute le chancelier Séguier chercha des yeux à ce moment le -cordon de la fameuse cloche; mais, ne le trouvant pas, il en prit -son parti et tendit la main vers l'endroit où la reine avait avoué -que se trouvait le papier. - -Anne d'Autriche fit un pas en arrière, si pâle qu'on eût dit -qu'elle allait mourir; et, s'appuyant de la main gauche, pour ne -pas tomber, à une table qui se trouvait derrière elle, elle tira -de la droite un papier de sa poitrine et le tendit au garde des -sceaux. - -«Tenez, monsieur, la voilà, cette lettre, s'écria la reine d'une -voix entrecoupée et frémissante, prenez-la, et me délivrez de -votre odieuse présence.» - -Le chancelier, qui de son côté tremblait d'une émotion facile à -concevoir, prit la lettre, salua jusqu'à terre et se retira. - -À peine la porte se fut-elle refermée sur lui, que la reine tomba -à demi évanouie dans les bras de ses femmes. - -Le chancelier alla porter la lettre au roi sans en avoir lu un -seul mot. Le roi la prit d'une main tremblante, chercha l'adresse, -qui manquait, devint très pâle, l'ouvrit lentement, puis, voyant -par les premiers mots qu'elle était adressée au roi d'Espagne, il -lut très rapidement. - -C'était tout un plan d'attaque contre le cardinal. La reine -invitait son frère et l'empereur d'Autriche à faire semblant, -blessés qu'ils étaient par la politique de Richelieu, dont -l'éternelle préoccupation fut l'abaissement de la maison -d'Autriche, de déclarer la guerre à la France et d'imposer comme -condition de la paix le renvoi du cardinal: mais d'amour, il n'y -en avait pas un seul mot dans toute cette lettre. - -Le roi, tout joyeux, s'informa si le cardinal était encore au -Louvre. On lui dit que Son Éminence attendait, dans le cabinet de -travail, les ordres de Sa Majesté. - -Le roi se rendit aussitôt près de lui. - -«Tenez, duc, lui dit-il, vous aviez raison, et c'est moi qui avais -tort; toute l'intrigue est politique, et il n'était aucunement -question d'amour dans cette lettre, que voici. En échange, il y -est fort question de vous.» - -Le cardinal prit la lettre et la lut avec la plus grande -attention; puis, lorsqu'il fut arrivé au bout, il la relut une -seconde fois. - -«Eh bien, Votre Majesté, dit-il, vous voyez jusqu'où vont mes -ennemis: on vous menace de deux guerres, si vous ne me renvoyez -pas. À votre place, en vérité, Sire, je céderais à de si -puissantes instances, et ce serait de mon côté avec un véritable -bonheur que je me retirerais des affaires. - --- Que dites-vous là, duc? - --- Je dis, Sire, que ma santé se perd dans ces luttes excessives -et dans ces travaux éternels. Je dis que, selon toute probabilité, -je ne pourrai pas soutenir les fatigues du siège de La Rochelle, -et que mieux vaut que vous nommiez là ou M. de Condé, ou -M. de Bassompierre, ou enfin quelque vaillant homme dont c'est -l'état de mener la guerre, et non pas moi qui suis homme d'Église -et qu'on détourne sans cesse de ma vocation pour m'appliquer à des -choses auxquelles je n'ai aucune aptitude. Vous en serez plus -heureux à l'intérieur, Sire, et je ne doute pas que vous n'en -soyez plus grand à l'étranger. - --- Monsieur le duc, dit le roi, je comprends, soyez tranquille; -tous ceux qui sont nommés dans cette lettre seront punis comme ils -le méritent, et la reine elle-même. - --- Que dites-vous là, Sire? Dieu me garde que, pour moi, la reine -éprouve la moindre contrariété! elle m'a toujours cru son ennemi, -Sire, quoique Votre Majesté puisse attester que j'ai toujours pris -chaudement son parti, même contre vous. Oh! si elle trahissait -Votre Majesté à l'endroit de son honneur, ce serait autre chose, -et je serais le premier à dire: «Pas de grâce, Sire, pas de grâce -pour la coupable!» Heureusement il n'en est rien, et Votre Majesté -vient d'en acquérir une nouvelle preuve. - --- C'est vrai, monsieur le cardinal, dit le roi, et vous aviez -raison, comme toujours; mais la reine n'en mérite pas moins toute -ma colère. - --- C'est vous, Sire, qui avez encouru la sienne; et véritablement, -quand elle bouderait sérieusement Votre Majesté, je le -comprendrais; Votre Majesté l'a traitée avec une sévérité!... - --- C'est ainsi que je traiterai toujours mes ennemis et les -vôtres, duc, si haut placés qu'ils soient et quelque péril que je -coure à agir sévèrement avec eux. - --- La reine est mon ennemie, mais n'est pas la vôtre, Sire; au -contraire, elle est épouse dévouée, soumise et irréprochable; -laissez-moi donc, Sire, intercéder pour elle près de -Votre Majesté. - --- Qu'elle s'humilie alors, et qu'elle revienne à moi la première! - --- Au contraire, Sire, donnez l'exemple; vous avez eu le premier -tort, puisque c'est vous qui avez soupçonné la reine. - --- Moi, revenir le premier? dit le roi; jamais! - --- Sire, je vous en supplie. - --- D'ailleurs, comment reviendrais-je le premier? - --- En faisant une chose que vous sauriez lui être agréable. - --- Laquelle? - --- Donnez un bal; vous savez combien la reine aime la danse; je -vous réponds que sa rancune ne tiendra point à une pareille -attention. - --- Monsieur le cardinal, vous savez que je n'aime pas tous les -plaisirs mondains. - --- La reine ne vous en sera que plus reconnaissante, puisqu'elle -sait votre antipathie pour ce plaisir; d'ailleurs ce sera une -occasion pour elle de mettre ces beaux ferrets de diamants que -vous lui avez donnés l'autre jour à sa fête, et dont elle n'a pas -encore eu le temps de se parer. - --- Nous verrons, monsieur le cardinal, nous verrons, dit le roi, -qui, dans sa joie de trouver la reine coupable d'un crime dont il -se souciait peu, et innocente d'une faute qu'il redoutait fort, -était tout prêt à se raccommoder avec elle; nous verrons, mais, -sur mon honneur, vous êtes trop indulgent. - --- Sire, dit le cardinal, laissez la sévérité aux ministres, -l'indulgence est la vertu royale; usez-en, et vous verrez que vous -vous en trouverez bien.» - -Sur quoi le cardinal, entendant la pendule sonner onze heures, -s'inclina profondément, demandant congé au roi pour se retirer, et -le suppliant de se raccommoder avec la reine. - -Anne d'Autriche, qui, à la suite de la saisie de sa lettre, -s'attendait à quelque reproche, fut fort étonnée de voir le -lendemain le roi faire près d'elle des tentatives de -rapprochement. Son premier mouvement fut répulsif, son orgueil de -femme et sa dignité de reine avaient été tous deux si cruellement -offensés, qu'elle ne pouvait revenir ainsi du premier coup; mais, -vaincue par le conseil de ses femmes, elle eut enfin l'air de -commencer à oublier. Le roi profita de ce premier moment de retour -pour lui dire qu'incessamment il comptait donner une fête. - -C'était une chose si rare qu'une fête pour la pauvre Anne -d'Autriche, qu'à cette annonce, ainsi que l'avait pensé le -cardinal, la dernière trace de ses ressentiments disparut sinon -dans son coeur, du moins sur son visage. Elle demanda quel jour -cette fête devait avoir lieu, mais le roi répondit qu'il fallait -qu'il s'entendît sur ce point avec le cardinal. - -En effet, chaque jour le roi demandait au cardinal à quelle époque -cette fête aurait lieu, et chaque jour le cardinal, sous un -prétexte quelconque, différait de la fixer. - -Dix jours s'écoulèrent ainsi. - -Le huitième jour après la scène que nous avons racontée, le -cardinal reçut une lettre, au timbre de Londres, qui contenait -seulement ces quelques lignes: - -«Je les ai; mais je ne puis quitter Londres, attendu que je manque -d'argent; envoyez-moi cinq cents pistoles, et quatre ou cinq jours -après les avoir reçues, je serai à Paris.» - -Le jour même où le cardinal avait reçu cette lettre, le roi lui -adressa sa question habituelle. - -Richelieu compta sur ses doigts et se dit tout bas: - -«Elle arrivera, dit-elle, quatre ou cinq jours après avoir reçu -l'argent; il faut quatre ou cinq jours à l'argent pour aller, -quatre ou cinq jours à elle pour revenir, cela fait dix jours; -maintenant faisons la part des vents contraires, des mauvais -hasards, des faiblesses de femme, et mettons cela à douze jours. - --- Eh bien, monsieur le duc, dit le roi, vous avez calculé? - --- Oui, Sire: nous sommes aujourd'hui le 20 septembre; les -échevins de la ville donnent une fête le 3 octobre. Cela -s'arrangera à merveille, car vous n'aurez pas l'air de faire un -retour vers la reine.» - -Puis le cardinal ajouta: - -«À propos, Sire, n'oubliez pas de dire à Sa Majesté, la veille de -cette fête, que vous désirez voir comment lui vont ses ferrets de -diamants.» - - -CHAPITRE XVII -LE MÉNAGE BONACIEUX - -C'était la seconde fois que le cardinal revenait sur ce point des -ferrets de diamants avec le roi. Louis XIII fut donc frappé de -cette insistance, et pensa que cette recommandation cachait un -mystère. - -Plus d'une fois le roi avait été humilié que le cardinal, dont la -police, sans avoir atteint encore la perfection de la police -moderne, était excellente, fût mieux instruit que lui-même de ce -qui se passait dans son propre ménage. Il espéra donc, dans une -conversation avec Anne d'Autriche, tirer quelque lumière de cette -conversation et revenir ensuite près de Son Éminence avec quelque -secret que le cardinal sût ou ne sût pas, ce qui, dans l'un ou -l'autre cas, le rehaussait infiniment aux yeux de son ministre. - -Il alla donc trouver la reine, et, selon son habitude, l'aborda -avec de nouvelles menaces contre ceux qui l'entouraient. Anne -d'Autriche baissa la tête, laissa s'écouler le torrent sans -répondre et espérant qu'il finirait par s'arrêter; mais ce n'était -pas cela que voulait Louis XIII; Louis XIII voulait une discussion -de laquelle jaillît une lumière quelconque, convaincu qu'il était -que le cardinal avait quelque arrière-pensée et lui machinait une -surprise terrible comme en savait faire Son Éminence. Il arriva à -ce but par sa persistance à accuser. - -«Mais, s'écria Anne d'Autriche, lassée de ces vagues attaques; -mais, Sire, vous ne me dites pas tout ce que vous avez dans le -coeur. Qu'ai-je donc fait? Voyons, quel crime ai-je donc commis? Il -est impossible que Votre Majesté fasse tout ce bruit pour une -lettre écrite à mon frère.» - -Le roi, attaqué à son tour d'une manière si directe, ne sut que -répondre; il pensa que c'était là le moment de placer la -recommandation qu'il ne devait faire que la veille de la fête. - -«Madame, dit-il avec majesté, il y aura incessamment bal à l'hôtel -de ville; j'entends que, pour faire honneur à nos braves échevins, -vous y paraissiez en habit de cérémonie, et surtout parée des -ferrets de diamants que je vous ai donnés pour votre fête. Voici -ma réponse.» - -La réponse était terrible. Anne d'Autriche crut que Louis XIII -savait tout, et que le cardinal avait obtenu de lui cette longue -dissimulation de sept ou huit jours, qui était au reste dans son -caractère. Elle devint excessivement pâle, appuya sur une console -sa main d'une admirable beauté, et qui semblait alors une main de -cire, et regardant le roi avec des yeux épouvantés, elle ne -répondit pas une seule syllabe. - -«Vous entendez, madame, dit le roi, qui jouissait de cet embarras -dans toute son étendue, mais sans en deviner la cause, vous -entendez? - --- Oui, Sire, j'entends, balbutia la reine. - --- Vous paraîtrez à ce bal? - --- Oui. - --- Avec vos ferrets? - --- Oui.» - -La pâleur de la reine augmenta encore, s'il était possible; le roi -s'en aperçut, et en jouit avec cette froide cruauté qui était un -des mauvais côtés de son caractère. - -«Alors, c'est convenu, dit le roi, et voilà tout ce que j'avais à -vous dire. - --- Mais quel jour ce bal aura-t-il lieu?» demanda Anne d'Autriche. - -Louis XIII sentit instinctivement qu'il ne devait pas répondre à -cette question, la reine l'ayant faite d'une voix presque -mourante. - -«Mais très incessamment, madame, dit-il; mais je ne me rappelle -plus précisément la date du jour, je la demanderai au cardinal. - --- C'est donc le cardinal qui vous a annoncé cette fête? s'écria -la reine. - --- Oui, madame, répondit le roi étonné; mais pourquoi cela? - --- C'est lui, qui vous a dit de m'inviter à y paraître avec ces -ferrets? - --- C'est-à-dire, madame... - --- C'est lui, Sire, c'est lui! - --- Eh bien qu'importe que ce soit lui ou moi? y a-t-il un crime à -cette invitation? - --- Non, Sire. - --- Alors vous paraîtrez? - --- Oui, Sire. - --- C'est bien, dit le roi en se retirant, c'est bien, j'y compte.» - -La reine fit une révérence, moins par étiquette que parce que ses -genoux se dérobaient sous elle. - -Le roi partit enchanté. - -«Je suis perdue, murmura la reine, perdue, car le cardinal sait -tout, et c'est lui qui pousse le roi, qui ne sait rien encore, -mais qui saura tout bientôt. Je suis perdue! Mon Dieu! mon Dieu! -mon Dieu!» - -Elle s'agenouilla sur un coussin et pria, la tête enfoncée entre -ses bras palpitants. - -En effet, la position était terrible. Buckingham était retourné à -Londres, Mme de Chevreuse était à Tours. Plus surveillée que -jamais, la reine sentait sourdement qu'une de ses femmes la -trahissait, sans savoir dire laquelle. La Porte ne pouvait pas -quitter le Louvre. Elle n'avait pas une âme au monde à qui se -fier. - -Aussi, en présence du malheur qui la menaçait et de l'abandon qui -était le sien, éclata-t-elle en sanglots. - -«Ne puis-je donc être bonne à rien à Votre Majesté?» dit tout à -coup une voix pleine de douceur et de pitié. - -La reine se retourna vivement, car il n'y avait pas à se tromper à -l'expression de cette voix: c'était une amie qui parlait ainsi. - -En effet, à l'une des portes qui donnaient dans l'appartement de -la reine apparut la jolie Mme Bonacieux; elle était occupée à -ranger les robes et le linge dans un cabinet, lorsque le roi était -entré; elle n'avait pas pu sortir, et avait tout entendu. - -La reine poussa un cri perçant en se voyant surprise, car dans son -trouble elle ne reconnut pas d'abord la jeune femme qui lui avait -été donnée par La Porte. - -«Oh! ne craignez rien, madame, dit la jeune femme en joignant les -mains et en pleurant elle-même des angoisses de la reine; je suis -à Votre Majesté corps et âme, et si loin que je sois d'elle, si -inférieure que soit ma position, je crois que j'ai trouvé un moyen -de tirer Votre Majesté de peine. - --- Vous! ô Ciel! vous! s'écria la reine; mais voyons regardez-moi -en face. Je suis trahie de tous côtés, puis-je me fier à vous? - --- Oh! madame! s'écria la jeune femme en tombant à genoux: sur mon -âme, je suis prête à mourir pour Votre Majesté!» - -Ce cri était sorti du plus profond du coeur, et, comme le premier, -il n'y avait pas à se tromper. - -«Oui, continua Mme Bonacieux, oui, il y a des traîtres ici; mais, -par le saint nom de la Vierge, je vous jure que personne n'est -plus dévoué que moi à Votre Majesté. Ces ferrets que le roi -redemande, vous les avez donnés au duc de Buckingham, n'est-ce -pas? Ces ferrets étaient enfermés dans une petite boîte en bois de -rose qu'il tenait sous son bras? Est-ce que je me trompe? Est-ce -que ce n'est pas cela? - --- Oh! mon Dieu! mon Dieu! murmura la reine dont les dents -claquaient d'effroi. - --- Eh bien, ces ferrets, continua Mme Bonacieux, il faut les -ravoir. - --- Oui, sans doute, il le faut, s'écria la reine; mais comment -faire, comment y arriver? - --- Il faut envoyer quelqu'un au duc. - --- Mais qui?... qui?... à qui me fier? - --- Ayez confiance en moi, madame; faites-moi cet honneur, ma -reine, et je trouverai le messager, moi! - --- Mais il faudra écrire! - --- Oh! oui. C'est indispensable. Deux mots de la main de -Votre Majesté et votre cachet particulier. - --- Mais ces deux mots, c'est ma condamnation. C'est le divorce, -l'exil! - --- Oui, s'ils tombent entre des mains infâmes! Mais je réponds que -ces deux mots seront remis à leur adresse. - --- Oh! mon Dieu! il faut donc que je remette ma vie, mon honneur, -ma réputation entre vos mains! - --- Oui! oui, madame, il le faut, et je sauverai tout cela, moi! - --- Mais comment? dites-le-moi au moins. - --- Mon mari a été remis en liberté il y a deux ou trois jours; je -n'ai pas encore eu le temps de le revoir. C'est un brave et -honnête homme qui n'a ni haine, ni amour pour personne. Il fera ce -que je voudrai: il partira sur un ordre de moi, sans savoir ce -qu'il porte, et il remettra la lettre de Votre Majesté, sans même -savoir qu'elle est de Votre Majesté, à l'adresse qu'elle -indiquera.» - -La reine prit les deux mains de la jeune femme avec un élan -passionné, la regarda comme pour lire au fond de son coeur, et ne -voyant que sincérité dans ses beaux yeux, elle l'embrassa -tendrement. - -«Fais cela, s'écria-t-elle, et tu m'auras sauvé la vie, tu m'auras -sauvé l'honneur! - --- Oh! n'exagérez pas le service que j'ai le bonheur de vous -rendre; je n'ai rien à sauver à Votre Majesté, qui est seulement -victime de perfides complots. - --- C'est vrai, c'est vrai, mon enfant, dit la reine, et tu as -raison. - --- Donnez-moi donc cette lettre, madame, le temps presse.» - -La reine courut à une petite table sur laquelle se trouvaient -encre, papier et plumes: elle écrivit deux lignes, cacheta la -lettre de son cachet et la remit à Mme Bonacieux. - -«Et maintenant, dit la reine, nous oublions une chose nécessaire. - --- Laquelle? - --- L'argent.» - -Mme Bonacieux rougit. - -«Oui, c'est vrai, dit-elle, et j'avouerai à Votre Majesté que mon -mari... - --- Ton mari n'en a pas, c'est cela que tu veux dire. - --- Si fait, il en a, mais il est fort avare, c'est là son défaut. -Cependant, que Votre Majesté ne s'inquiète pas, nous trouverons -moyen... - --- C'est que je n'en ai pas non plus, dit la reine (ceux qui -liront les Mémoires de Mme de Motteville ne s'étonneront pas de -cette réponse); mais, attends.» - -Anne d'Autriche courut à son écrin. - -«Tiens, dit-elle, voici une bague d'un grand prix à ce qu'on -assure; elle vient de mon frère le roi d'Espagne, elle est à moi -et j'en puis disposer. Prends cette bague et fais-en de l'argent, -et que ton mari parte. - --- Dans une heure vous serez obéie. - --- Tu vois l'adresse, ajouta la reine, parlant si bas qu'à peine -pouvait-on entendre ce qu'elle disait: à Milord duc de Buckingham, -à Londres. - --- La lettre sera remise à lui-même. - --- Généreuse enfant!» s'écria Anne d'Autriche. - -Mme Bonacieux baisa les mains de la reine, cacha le papier dans -son corsage et disparut avec la légèreté d'un oiseau. - -Dix minutes après, elle était chez elle; comme elle l'avait dit à -la reine, elle n'avait pas revu son mari depuis sa mise en -liberté; elle ignorait donc le changement qui s'était fait en lui -à l'endroit du cardinal, changement qu'avaient opéré la flatterie -et l'argent de Son Éminence et qu'avaient corroboré, depuis, deux -ou trois visites du comte de Rochefort, devenu le meilleur ami de -Bonacieux, auquel il avait fait croire sans beaucoup de peine -qu'aucun sentiment coupable n'avait amené l'enlèvement de sa -femme, mais que c'était seulement une précaution politique. - -Elle trouva M. Bonacieux seul: le pauvre homme remettait à grand- -peine de l'ordre dans la maison, dont il avait trouvé les meubles -à peu près brisés et les armoires à peu près vides, la justice -n'étant pas une des trois choses que le roi Salomon indique comme -ne laissant point de traces de leur passage. Quant à la servante, -elle s'était enfuie lors de l'arrestation de son maître. La -terreur avait gagné la pauvre fille au point qu'elle n'avait cessé -de marcher de Paris jusqu'en Bourgogne, son pays natal. - -Le digne mercier avait, aussitôt sa rentrée dans sa maison, fait -part à sa femme de son heureux retour, et sa femme lui avait -répondu pour le féliciter et pour lui dire que le premier moment -qu'elle pourrait dérober à ses devoirs serait consacré tout entier -à lui rendre visite. - -Ce premier moment s'était fait attendre cinq jours, ce qui, dans -toute autre circonstance, eût paru un peu bien long à maître -Bonacieux; mais il avait, dans la visite qu'il avait faite au -cardinal et dans les visites que lui faisait Rochefort, ample -sujet à réflexion, et, comme on sait, rien ne fait passer le temps -comme de réfléchir. - -D'autant plus que les réflexions de Bonacieux étaient toutes -couleur de rose. Rochefort l'appelait son ami, son cher Bonacieux, -et ne cessait de lui dire que le cardinal faisait le plus grand -cas de lui. Le mercier se voyait déjà sur le chemin des honneurs -et de la fortune. - -De son côté, Mme Bonacieux avait réfléchi, mais, il faut le dire, -à tout autre chose que l'ambition; malgré elle, ses pensées -avaient eu pour mobile constant ce beau jeune homme si brave et -qui paraissait si amoureux. Mariée à dix-huit ans à M. Bonacieux, -ayant toujours vécu au milieu des amis de son mari, peu -susceptibles d'inspirer un sentiment quelconque à une jeune femme -dont le coeur était plus élevé que sa position, Mme Bonacieux -était restée insensible aux séductions vulgaires; mais, à cette -époque surtout, le titre de gentilhomme avait une grande influence -sur la bourgeoisie, et d'Artagnan était gentilhomme; de plus, il -portait l'uniforme des gardes, qui, après l'uniforme des -mousquetaires, était le plus apprécié des dames. Il était, nous le -répétons, beau, jeune, aventureux; il parlait d'amour en homme qui -aime et qui a soif d'être aimé; il y en avait là plus qu'il n'en -fallait pour tourner une tête de vingt-trois ans, et Mme Bonacieux -en était arrivée juste à cet âge heureux de la vie. - -Les deux époux, quoiqu'ils ne se fussent pas vus depuis plus de -huit jours, et que pendant cette semaine de graves événements -eussent passé entre eux, s'abordèrent donc avec une certaine -préoccupation; néanmoins, M. Bonacieux manifesta une joie réelle -et s'avança vers sa femme à bras ouverts. - -Mme Bonacieux lui présenta le front. - -«Causons un peu, dit-elle. - --- Comment? dit Bonacieux étonné. - --- Oui, sans doute, j'ai une chose de la plus haute importance à -vous dire. - --- Au fait, et moi aussi, j'ai quelques questions assez sérieuses -à vous adresser. Expliquez-moi un peu votre enlèvement, je vous -prie. - --- Il ne s'agit point de cela pour le moment, dit Mme Bonacieux. - --- Et de quoi s'agit-il donc? de ma captivité? - --- Je l'ai apprise le jour même; mais comme vous n'étiez coupable -d'aucun crime, comme vous n'étiez complice d'aucune intrigue, -comme vous ne saviez rien enfin qui pût vous compromettre, ni -vous, ni personne, je n'ai attaché à cet événement que -l'importance qu'il méritait. - --- Vous en parlez bien à votre aise, madame! reprit Bonacieux -blessé du peu d'intérêt que lui témoignait sa femme; savez-vous -que j'ai été plongé un jour et une nuit dans un cachot de la -Bastille? - --- Un jour et une nuit sont bientôt passés; laissons donc votre -captivité, et revenons à ce qui m'amène près de vous. - --- Comment? ce qui vous amène près de moi! N'est-ce donc pas le -désir de revoir un mari dont vous êtes séparée depuis huit jours? -demanda le mercier piqué au vif. - --- C'est cela d'abord, et autre chose ensuite. - --- Parlez! - --- Une chose du plus haut intérêt et de laquelle dépend notre -fortune à venir peut-être. - --- Notre fortune a fort changé de face depuis que je vous ai vue, -madame Bonacieux, et je ne serais pas étonné que d'ici à quelques -mois elle ne fît envie à beaucoup de gens. - --- Oui, surtout si vous voulez suivre les instructions que je vais -vous donner. - --- À moi? - --- Oui, à vous. Il y a une bonne et sainte action à faire, -monsieur, et beaucoup d'argent à gagner en même temps.» - -Mme Bonacieux savait qu'en parlant d'argent à son mari, elle le -prenait par son faible. - -Mais un homme, fût-ce un mercier, lorsqu'il a causé dix minutes -avec le cardinal de Richelieu, n'est plus le même homme. - -«Beaucoup d'argent à gagner! dit Bonacieux en allongeant les -lèvres. - --- Oui, beaucoup. - --- Combien, à peu près? - --- Mille pistoles peut-être. - --- Ce que vous avez à me demander est donc bien grave? - --- Oui. - --- Que faut-il faire? - --- Vous partirez sur-le-champ, je vous remettrai un papier dont -vous ne vous dessaisirez sous aucun prétexte, et que vous -remettrez en main propre. - --- Et pour où partirai-je? - --- Pour Londres. - --- Moi, pour Londres! Allons donc, vous raillez, je n'ai pas -affaire à Londres. - --- Mais d'autres ont besoin que vous y alliez. - --- Quels sont ces autres? Je vous avertis, je ne fais plus rien en -aveugle, et je veux savoir non seulement à quoi je m'expose, mais -encore pour qui je m'expose. - --- Une personne illustre vous envoie, une personne illustre vous -attend: la récompense dépassera vos désirs, voilà tout ce que je -puis vous promettre. - --- Des intrigues encore, toujours des intrigues! merci, je m'en -défie maintenant, et M. le cardinal m'a éclairé là-dessus. - --- Le cardinal! s'écria Mme Bonacieux, vous avez vu le cardinal? - --- Il m'a fait appeler, répondit fièrement le mercier. - --- Et vous vous êtes rendu à son invitation, imprudent que vous -êtes. - --- Je dois dire que je n'avais pas le choix de m'y rendre ou de ne -pas m'y rendre, car j'étais entre deux gardes. Il est vrai encore -de dire que, comme alors je ne connaissais pas Son Éminence, si -j'avais pu me dispenser de cette visite, j'en eusse été fort -enchanté. - --- Il vous a donc maltraité? il vous a donc fait des menaces? - --- Il m'a tendu la main et m'a appelé son ami, -- son ami! -entendez-vous, madame? -- je suis l'ami du grand cardinal! - --- Du grand cardinal! - --- Lui contesteriez-vous ce titre, par hasard, madame? - --- Je ne lui conteste rien, mais je vous dis que la faveur d'un -ministre est éphémère, et qu'il faut être fou pour s'attacher à un -ministre; il est des pouvoirs au-dessus du sien, qui ne reposent -pas sur le caprice d'un homme ou l'issue d'un événement; c'est à -ces pouvoirs qu'il faut se rallier. - --- J'en suis fâché, madame, mais je ne connais pas d'autre pouvoir -que celui du grand homme que j'ai l'honneur de servir. - --- Vous servez le cardinal? - --- Oui, madame, et comme son serviteur je ne permettrai pas que -vous vous livriez à des complots contre la sûreté de l'État, et -que vous serviez, vous, les intrigues d'une femme qui n'est pas -française et qui a le coeur espagnol. Heureusement, le grand -cardinal est là, son regard vigilant surveille et pénètre jusqu'au -fond du coeur.» - -Bonacieux répétait mot pour mot une phrase qu'il avait entendu -dire au comte de Rochefort; mais la pauvre femme, qui avait compté -sur son mari et qui, dans cet espoir, avait répondu de lui à la -reine, n'en frémit pas moins, et du danger dans lequel elle avait -failli se jeter, et de l'impuissance dans laquelle elle se -trouvait. Cependant connaissant la faiblesse et surtout la -cupidité de son mari elle ne désespérait pas de l'amener à ses -fins. - -«Ah! vous êtes cardinaliste, monsieur, s'écria-t-elle ah! vous -servez le parti de ceux qui maltraitent votre femme et qui -insultent votre reine! - --- Les intérêts particuliers ne sont rien devant les intérêts de -tous. Je suis pour ceux qui sauvent l'État», dit avec emphase -Bonacieux. - -C'était une autre phrase du comte de Rochefort, qu'il avait -retenue et qu'il trouvait l'occasion de placer. - -«Et savez-vous ce que c'est que l'État dont vous parlez? dit -Mme Bonacieux en haussant les épaules. Contentez-vous d'être un -bourgeois sans finesse aucune, et tournez-vous du côté qui vous -offre le plus d'avantages. - --- Eh! eh! dit Bonacieux en frappant sur un sac à la panse -arrondie et qui rendit un son argentin; que dites-vous de ceci, -madame la prêcheuse? - --- D'où vient cet argent? - --- Vous ne devinez pas? - --- Du cardinal? - --- De lui et de mon ami le comte de Rochefort. - --- Le comte de Rochefort! mais c'est lui qui m'a enlevée! - --- Cela se peut, madame. - --- Et vous recevez de l'argent de cet homme? - --- Ne m'avez-vous pas dit que cet enlèvement était tout politique? - --- Oui; mais cet enlèvement avait pour but de me faire trahir ma -maîtresse, de m'arracher par des tortures des aveux qui pussent -compromettre l'honneur et peut-être la vie de mon auguste -maîtresse. - --- Madame, reprit Bonacieux, votre auguste maîtresse est une -perfide Espagnole, et ce que le cardinal fait est bien fait. - --- Monsieur, dit la jeune femme, je vous savais lâche, avare et -imbécile, mais je ne vous savais pas infâme! - --- Madame, dit Bonacieux, qui n'avait jamais vu sa femme en -colère, et qui reculait devant le courroux conjugal; madame, que -dites-vous donc? - --- Je dis que vous êtes un misérable! continua Mme Bonacieux, qui -vit qu'elle reprenait quelque influence sur son mari. Ah! vous -faites de la politique, vous! et de la politique cardinaliste -encore! Ah! vous vous vendez, corps et âme, au démon pour de -l'argent. - --- Non, mais au cardinal. - --- C'est la même chose! s'écria la jeune femme. Qui dit Richelieu, -dit Satan. - --- Taisez-vous, madame, taisez-vous, on pourrait vous entendre! - --- Oui, vous avez raison, et je serais honteuse pour vous de votre -lâcheté. - --- Mais qu'exigez-vous donc de moi? voyons! - --- Je vous l'ai dit: que vous partiez à l'instant même, monsieur, -que vous accomplissiez loyalement la commission dont je daigne -vous charger, et à cette condition j'oublie tout, je pardonne, et -il y a plus -- elle lui tendit la main -- je vous rends mon amitié.» - -Bonacieux était poltron et avare; mais il aimait sa femme: il fut -attendri. Un homme de cinquante ans ne tient pas longtemps rancune -à une femme de vingt-trois. Mme Bonacieux vit qu'il hésitait: - -«Allons, êtes-vous décidé? dit-elle. - --- Mais, ma chère amie, réfléchissez donc un peu à ce que vous -exigez de moi; Londres est loin de Paris, fort loin, et peut-être -la commission dont vous me chargez n'est-elle pas sans dangers. - --- Qu'importe, si vous les évitez! - --- Tenez, madame Bonacieux, dit le mercier, tenez, décidément, je -refuse: les intrigues me font peur. J'ai vu la Bastille, moi. -Brrrrou! c'est affreux, la Bastille! Rien que d'y penser, j'en ai -la chair de poule. On m'a menacé de la torture. Savez-vous ce que -c'est que la torture? Des coins de bois qu'on vous enfonce entre -les jambes jusqu'à ce que les os éclatent! Non, décidément, je -n'irai pas. Et morbleu! que n'y allez-vous vous-même? car, en -vérité, je crois que je me suis trompé sur votre compte jusqu'à -présent: je crois que vous êtes un homme, et des plus enragés -encore! - --- Et vous, vous êtes une femme, une misérable femme, stupide et -abrutie. Ah! vous avez peur! Eh bien, si vous ne partez pas à -l'instant même, je vous fais arrêter par l'ordre de la reine, et -je vous fais mettre à cette Bastille que vous craignez tant.» - -Bonacieux tomba dans une réflexion profonde, il pesa mûrement les -deux colères dans son cerveau, celle du cardinal et celle de la -reine: celle du cardinal l'emporta énormément. - -«Faites-moi arrêter de la part de la reine, dit-il, et moi je me -réclamerai de Son Éminence.» - -Pour le coup, Mme Bonacieux vit qu'elle avait été trop loin, et -elle fut épouvantée de s'être si fort avancée. Elle contempla un -instant avec effroi cette figure stupide, d'une résolution -invincible, comme celle des sots qui ont peur. - -«Eh bien, soit! dit-elle. Peut-être, au bout du compte, avez-vous -raison: un homme en sait plus long que les femmes en politique, et -vous surtout, monsieur Bonacieux, qui avez causé avec le cardinal. -Et cependant, il est bien dur, ajouta-t-elle, que mon mari, un -homme sur l'affection duquel je croyais pouvoir compter, me traite -aussi disgracieusement et ne satisfasse point à ma fantaisie. - --- C'est que vos fantaisies peuvent mener trop loin, reprit -Bonacieux triomphant, et je m'en défie. - --- J'y renoncerai donc, dit la jeune femme en soupirant; c'est -bien, n'en parlons plus. - --- Si, au moins, vous me disiez quelle chose je vais faire à -Londres, reprit Bonacieux, qui se rappelait un peu tard que -Rochefort lui avait recommandé d'essayer de surprendre les secrets -de sa femme. - --- Il est inutile que vous le sachiez, dit la jeune femme, qu'une -défiance instinctive repoussait maintenant en arrière: il -s'agissait d'une bagatelle comme en désirent les femmes, d'une -emplette sur laquelle il y avait beaucoup à gagner.» - -Mais plus la jeune femme se défendait, plus au contraire Bonacieux -pensa que le secret qu'elle refusait de lui confier était -important. Il résolut donc de courir à l'instant même chez le -comte de Rochefort, et de lui dire que la reine cherchait un -messager pour l'envoyer à Londres. - -«Pardon, si je vous quitte, ma chère madame Bonacieux, dit-il; -mais, ne sachant pas que vous me viendriez voir, j'avais pris -rendez-vous avec un de mes amis, je reviens à l'instant même, et -si vous voulez m'attendre seulement une demi-minute, aussitôt que -j'en aurai fini avec cet ami, je reviens vous prendre, et, comme -il commence à se faire tard, je vous reconduis au Louvre. - --- Merci, monsieur, répondit Mme Bonacieux: vous n'êtes point -assez brave pour m'être d'une utilité quelconque, et je m'en -retournerai bien au Louvre toute seule. - --- Comme il vous plaira, madame Bonacieux, reprit l'ex-mercier. -Vous reverrai-je bientôt? - --- Sans doute; la semaine prochaine, je l'espère, mon service me -laissera quelque liberté, et j'en profiterai pour revenir mettre -de l'ordre dans nos affaires, qui doivent être quelque peu -dérangées. - --- C'est bien; je vous attendrai. Vous ne m'en voulez pas? - --- Moi! pas le moins du monde. - --- À bientôt, alors? - --- À bientôt.» - -Bonacieux baisa la main de sa femme, et s'éloigna rapidement. - -«Allons, dit Mme Bonacieux, lorsque son mari eut refermé la porte -de la rue, et qu'elle se trouva seule, il ne manquait plus à cet -imbécile que d'être cardinaliste! Et moi qui avais répondu à la -reine, moi qui avais promis à ma pauvre maîtresse... Ah! mon Dieu, -mon Dieu! elle va me prendre pour quelqu'une de ces misérables -dont fourmille le palais, et qu'on a placées près d'elle pour -l'espionner! Ah! monsieur Bonacieux! je ne vous ai jamais beaucoup -aimé; maintenant, c'est bien pis: je vous hais! et, sur ma parole, -vous me le paierez!» - -Au moment où elle disait ces mots, un coup frappé au plafond lui -fit lever la tête, et une voix, qui parvint à elle à travers le -plancher, lui cria: - -«Chère madame Bonacieux, ouvrez-moi la petite porte de l'allée, et -je vais descendre près de vous.» - - -CHAPITRE XVIII -L'AMANT ET LE MARI - -«Ah! madame, dit d'Artagnan en entrant par la porte que lui -ouvrait la jeune femme, permettez-moi de vous le dire, vous avez -là un triste mari. - --- Vous avez donc entendu notre conversation? demanda vivement -Mme Bonacieux en regardant d'Artagnan avec inquiétude. - --- Tout entière. - --- Mais comment cela? mon Dieu! - --- Par un procédé à moi connu, et par lequel j'ai entendu aussi la -conversation plus animée que vous avez eue avec les sbires du -cardinal. - --- Et qu'avez-vous compris dans ce que nous disions? - --- Mille choses: d'abord, que votre mari est un niais et un sot, -heureusement; puis, que vous étiez embarrassée, ce dont j'ai été -fort aise, et que cela me donne une occasion de me mettre à votre -service, et Dieu sait si je suis prêt à me jeter dans le feu pour -vous; enfin que la reine a besoin qu'un homme brave, intelligent -et dévoué fasse pour elle un voyage à Londres. J'ai au moins deux -des trois qualités qu'il vous faut, et me voilà.» - -Mme Bonacieux ne répondit pas, mais son coeur battait de joie, et -une secrète espérance brilla à ses yeux. - -«Et quelle garantie me donnerez-vous, demanda-t-elle, si je -consens à vous confier cette mission? - --- Mon amour pour vous. Voyons, dites, ordonnez: que faut-il -faire? - --- Mon Dieu! mon Dieu! murmura la jeune femme, dois-je vous -confier un pareil secret, monsieur? Vous êtes presque un enfant! - --- Allons, je vois qu'il vous faut quelqu'un qui vous réponde de -moi. - --- J'avoue que cela me rassurerait fort. - --- Connaissez-vous Athos? - --- Non. - --- Porthos? - --- Non. - --- Aramis? - --- Non. Quels sont ces messieurs? - --- Des mousquetaires du roi. Connaissez-vous M. de Tréville, leur -capitaine? - --- Oh! oui, celui-là, je le connais, non pas personnellement, mais -pour en avoir entendu plus d'une fois parler à la reine comme d'un -brave et loyal gentilhomme. - --- Vous ne craignez pas que lui vous trahisse pour le cardinal, -n'est-ce pas? - --- Oh! non, certainement. - --- Eh bien, révélez-lui votre secret, et demandez-lui, si -important, si précieux, si terrible qu'il soit, si vous pouvez me -le confier. - --- Mais ce secret ne m'appartient pas, et je ne puis le révéler -ainsi. - --- Vous l'alliez bien confier à M. Bonacieux, dit d'Artagnan avec -dépit. - --- Comme on confie une lettre au creux d'un arbre, à l'aile d'un -pigeon, au collier d'un chien. - --- Et cependant, moi, vous voyez bien que je vous aime. - --- Vous le dites. - --- Je suis un galant homme! - --- Je le crois. - --- Je suis brave! - --- Oh! cela, j'en suis sûre. - --- Alors, mettez-moi donc à l'épreuve.» - -Mme Bonacieux regarda le jeune homme, retenue par une dernière -hésitation. Mais il y avait une telle ardeur dans ses yeux, une -telle persuasion dans sa voix, qu'elle se sentit entraînée à se -fier à lui. D'ailleurs elle se trouvait dans une de ces -circonstances où il faut risquer le tout pour le tout. La reine -était aussi bien perdue par une trop grande retenue que par une -trop grande confiance. Puis, avouons-le, le sentiment involontaire -qu'elle éprouvait pour ce jeune protecteur la décida à parler. - -«Écoutez, lui dit-elle, je me rends à vos protestations et je cède -à vos assurances. Mais je vous jure devant Dieu qui nous entend, -que si vous me trahissez et que mes ennemis me pardonnent, je me -tuerai en vous accusant de ma mort. - --- Et moi, je vous jure devant Dieu, madame, dit d'Artagnan, que -si je suis pris en accomplissant les ordres que vous me donnez, je -mourrai avant de rien faire ou dire qui compromette quelqu'un.» - -Alors la jeune femme lui confia le terrible secret dont le hasard -lui avait déjà révélé une partie en face de la Samaritaine. Ce fut -leur mutuelle déclaration d'amour. - -D'Artagnan rayonnait de joie et d'orgueil. Ce secret qu'il -possédait, cette femme qu'il aimait, la confiance et l'amour, -faisaient de lui un géant. - -«Je pars, dit-il, je pars sur-le-champ. - --- Comment! vous partez! s'écria Mme Bonacieux, et votre régiment, -votre capitaine? - --- Sur mon âme, vous m'aviez fait oublier tout cela, chère -Constance! oui, vous avez raison, il me faut un congé. - --- Encore un obstacle, murmura Mme Bonacieux avec douleur. - --- Oh! celui-là, s'écria d'Artagnan après un moment de réflexion, -je le surmonterai, soyez tranquille. - --- Comment cela? - --- J'irai trouver ce soir même M. de Tréville, que je chargerai de -demander pour moi cette faveur à son beau-frère, M. des Essarts. - --- Maintenant, autre chose. - --- Quoi? demanda d'Artagnan, voyant que Mme Bonacieux hésitait à -continuer. - --- Vous n'avez peut-être pas d'argent? - --- Peut-être est de trop, dit d'Artagnan en souriant. - --- Alors, reprit Mme Bonacieux en ouvrant une armoire et en tirant -de cette armoire le sac qu'une demi-heure auparavant caressait si -amoureusement son mari, prenez ce sac. - --- Celui du cardinal! s'écria en éclatant de rire d'Artagnan qui, -comme on s'en souvient, grâce à ses carreaux enlevés, n'avait pas -perdu une syllabe de la conversation du mercier et de sa femme. - --- Celui du cardinal, répondit Mme Bonacieux; vous voyez qu'il se -présente sous un aspect assez respectable. - --- Pardieu! s'écria d'Artagnan, ce sera une chose doublement -divertissante que de sauver la reine avec l'argent de Son -Éminence! - --- Vous êtes un aimable et charmant jeune homme, dit -Mme Bonacieux. Croyez que Sa Majesté ne sera point ingrate. - --- Oh! je suis déjà grandement récompensé! s'écria d'Artagnan. Je -vous aime, vous me permettez de vous le dire; c'est déjà plus de -bonheur que je n'en osais espérer. - --- Silence! dit Mme Bonacieux en tressaillant. - --- Quoi? - --- On parle dans la rue. - --- C'est la voix... - --- De mon mari. Oui, je l'ai reconnue!» - -D'Artagnan courut à la porte et poussa le verrou. - -«Il n'entrera pas que je ne sois parti, dit-il, et quand je serai -parti, vous lui ouvrirez. - --- Mais je devrais être partie aussi, moi. Et la disparition de -cet argent, comment la justifier si je suis là? - --- Vous avez raison, il faut sortir. - --- Sortir, comment? On nous verra si nous sortons. - --- Alors il faut monter chez moi. - --- Ah! s'écria Mme Bonacieux, vous me dites cela d'un ton qui me -fait peur.» - -Mme Bonacieux prononça ces paroles avec une larme dans les yeux. -D'Artagnan vit cette larme, et, troublé, attendri, il se jeta à -ses genoux. - -«Chez moi, dit-il, vous serez en sûreté comme dans un temple, je -vous en donne ma parole de gentilhomme. - --- Partons, dit-elle, je me fie à vous, mon ami.» - -D'Artagnan rouvrit avec précaution le verrou, et tous deux, légers -comme des ombres, se glissèrent par la porte intérieure dans -l'allée, montèrent sans bruit l'escalier et rentrèrent dans la -chambre de d'Artagnan. - -Une fois chez lui, pour plus de sûreté, le jeune homme barricada -la porte; ils s'approchèrent tous deux de la fenêtre, et par une -fente du volet ils virent M. Bonacieux qui causait avec un homme -en manteau. - -À la vue de l'homme en manteau, d'Artagnan bondit, et, tirant son -épée à demi, s'élança vers la porte. - -C'était l'homme de Meung. - -«Qu'allez-vous faire? s'écria Mme Bonacieux; vous nous perdez. - --- Mais j'ai juré de tuer cet homme! dit d'Artagnan. - --- Votre vie est vouée en ce moment et ne vous appartient pas. Au -nom de la reine, je vous défends de vous jeter dans aucun péril -étranger à celui du voyage. - --- Et en votre nom, n'ordonnez-vous rien? - --- En mon nom, dit Mme Bonacieux avec une vive émotion; en mon -nom, je vous en prie. Mais écoutons, il me semble qu'ils parlent -de moi.» - -D'Artagnan se rapprocha de la fenêtre et prêta l'oreille. - -M. Bonacieux avait rouvert sa porte, et voyant l'appartement vide, -il était revenu à l'homme au manteau qu'un instant il avait laissé -seul. - -«Elle est partie, dit-il, elle sera retournée au Louvre. - --- Vous êtes sûr, répondit l'étranger, qu'elle ne s'est pas doutée -dans quelles intentions vous êtes sorti? - --- Non, répondit Bonacieux avec suffisance; c'est une femme trop -superficielle. - --- Le cadet aux gardes est-il chez lui? - --- Je ne le crois pas; comme vous le voyez, son volet est fermé, -et l'on ne voit aucune lumière briller à travers les fentes. - --- C'est égal, il faudrait s'en assurer. - --- Comment cela? - --- En allant frapper à sa porte. - --- Je demanderai à son valet. - --- Allez.» - -Bonacieux rentra chez lui, passa par la même porte qui venait de -donner passage aux deux fugitifs, monta jusqu'au palier de -d'Artagnan et frappa. - -Personne ne répondit. Porthos, pour faire plus grande figure, -avait emprunté ce soir-là Planchet. Quant à d'Artagnan, il n'avait -garde de donner signe d'existence. - -Au moment où le doigt de Bonacieux résonna sur la porte, les deux -jeunes gens sentirent bondir leurs coeurs. - -«Il n'y a personne chez lui, dit Bonacieux. - --- N'importe, rentrons toujours chez vous, nous serons plus en -sûreté que sur le seuil d'une porte. - --- Ah! mon Dieu! murmura Mme Bonacieux, nous n'allons plus rien -entendre. - --- Au contraire, dit d'Artagnan, nous n'entendrons que mieux.» - -D'Artagnan enleva les trois ou quatre carreaux qui faisaient de sa -chambre une autre oreille de Denys, étendit un tapis à terre, se -mit à genoux, et fit signe à Mme Bonacieux de se pencher, comme il -le faisait vers l'ouverture. - -«Vous êtes sûr qu'il n'y a personne? dit l'inconnu. - --- J'en réponds, dit Bonacieux. - --- Et vous pensez que votre femme?... - --- Est retournée au Louvre. - --- Sans parler à aucune personne qu'à vous? - --- J'en suis sûr. - --- C'est un point important, comprenez-vous? - --- Ainsi, la nouvelle que je vous ai apportée a donc une -valeur...? - --- Très grande, mon cher Bonacieux, je ne vous le cache pas. - --- Alors le cardinal sera content de moi? - --- Je n'en doute pas. - --- Le grand cardinal! - --- Vous êtes sûr que, dans sa conversation avec vous, votre femme -n'a pas prononcé de noms propres? - --- Je ne crois pas. - --- Elle n'a nommé ni Mme de Chevreuse, ni M. de Buckingham, ni -Mme de Vernet? - --- Non, elle m'a dit seulement qu'elle voulait m'envoyer à Londres -pour servir les intérêts d'une personne illustre.» - -«Le traître! murmura Mme Bonacieux. - --- Silence!» dit d'Artagnan en lui prenant une main qu'elle lui -abandonna sans y penser. - -«N'importe, continua l'homme au manteau, vous êtes un niais de -n'avoir pas feint d'accepter la commission, vous auriez la lettre -à présent; État qu'on menace était sauvé, et vous... - --- Et moi? - --- Eh bien, vous! le cardinal vous donnait des lettres de -noblesse... - --- Il vous l'a dit? - --- Oui, je sais qu'il voulait vous faire cette surprise. - --- Soyez tranquille, reprit Bonacieux; ma femme m'adore, et il est -encore temps.» - -«Le niais! murmura Mme Bonacieux. - --- Silence!» dit d'Artagnan en lui serrant plus fortement la main. - -«Comment est-il encore temps? reprit l'homme au manteau. - --- Je retourne au Louvre, je demande Mme Bonacieux, je dis que -j'ai réfléchi, je renoue l'affaire, j'obtiens la lettre, et je -cours chez le cardinal. - --- Eh bien, allez vite; je reviendrai bientôt savoir le résultat -de votre démarche.» - -L'inconnu sortit. - -«L'infâme! dit Mme Bonacieux en adressant encore cette épithète à -son mari. - --- Silence!» répéta d'Artagnan en lui serrant la main plus -fortement encore. - -Un hurlement terrible interrompit alors les réflexions de -d'Artagnan et de Mme Bonacieux. C'était son mari, qui s'était -aperçu de la disparition de son sac et qui criait au voleur. - -«Oh! mon Dieu! s'écria Mme Bonacieux, il va ameuter tout le -quartier.» - -Bonacieux cria longtemps; mais comme de pareils cris, attendu leur -fréquence, n'attiraient personne dans la rue des Fossoyeurs, et -que d'ailleurs la maison du mercier était depuis quelque temps -assez mal famée, voyant que personne ne venait, il sortit en -continuant de crier, et l'on entendit sa voix qui s'éloignait dans -la direction de la rue du Bac. - -«Et maintenant qu'il est parti, à votre tour de vous éloigner, dit -Mme Bonacieux; du courage, mais surtout de la prudence, et songez -que vous vous devez à la reine. - --- À elle et à vous! s'écria d'Artagnan. Soyez tranquille, belle -Constance, je reviendrai digne de sa reconnaissance; mais -reviendrai-je aussi digne de votre amour?» - -La jeune femme ne répondit que par la vive rougeur qui colora ses -joues. Quelques instants après, d'Artagnan sortit à son tour, -enveloppé, lui aussi, d'un grand manteau que retroussait -cavalièrement le fourreau d'une longue épée. - -Mme Bonacieux le suivit des yeux avec ce long regard d'amour dont -la femme accompagne l'homme qu'elle se sent aimer; mais lorsqu'il -eut disparu à l'angle de la rue, elle tomba à genoux, et joignant -les mains: - -«O mon Dieu! s'écria-t-elle, protégez la reine, protégez-moi!» - - -CHAPITRE XIX -PLAN DE CAMPAGNE - -D'Artagnan se rendit droit chez M. de Tréville. Il avait réfléchi -que, dans quelques minutes, le cardinal serait averti par ce damné -inconnu, qui paraissait être son agent, et il pensait avec raison -qu'il n'y avait pas un instant à perdre. - -Le coeur du jeune homme débordait de joie. Une occasion où il y -avait à la fois gloire à acquérir et argent à gagner se présentait -à lui, et, comme premier encouragement, venait de le rapprocher -d'une femme qu'il adorait. Ce hasard faisait donc presque du -premier coup, pour lui, plus qu'il n'eût osé demander à la -Providence. - -M. de Tréville était dans son salon avec sa cour habituelle de -gentilshommes. D'Artagnan, que l'on connaissait comme un familier -de la maison, alla droit à son cabinet et le fit prévenir qu'il -l'attendait pour chose d'importance. - -D'Artagnan était là depuis cinq minutes à peine, lorsque -M. de Tréville entra. Au premier coup d'oeil et à la joie qui se -peignait sur son visage, le digne capitaine comprit qu'il se -passait effectivement quelque chose de nouveau. - -Tout le long de la route, d'Artagnan s'était demandé s'il se -confierait à M. de Tréville, ou si seulement il lui demanderait de -lui accorder carte blanche pour une affaire secrète. Mais -M. de Tréville avait toujours été si parfait pour lui, il était si -fort dévoué au roi et à la reine, il haïssait si cordialement le -cardinal, que le jeune homme résolut de tout lui dire. - -«Vous m'avez fait demander, mon jeune ami? dit M. de Tréville. - --- Oui, monsieur, dit d'Artagnan, et vous me pardonnerez, je -l'espère, de vous avoir dérangé, quand vous saurez de quelle chose -importante il est question. - --- Dites alors, je vous écoute. - --- Il ne s'agit de rien de moins, dit d'Artagnan, en baissant la -voix, que de l'honneur et peut-être de la vie de la reine. - --- Que dites-vous là? demanda M. de Tréville en regardant tout -autour de lui s'ils étaient bien seuls, et en ramenant son regard -interrogateur sur d'Artagnan. - --- Je dis, monsieur, que le hasard m'a rendu maître d'un secret... - --- Que vous garderez, j'espère, jeune homme, sur votre vie. - --- Mais que je dois vous confier, à vous, Monsieur, car vous seul -pouvez m'aider dans la mission que je viens de recevoir de -Sa Majesté. - --- Ce secret est-il à vous? - --- Non, monsieur, c'est celui de la reine. - --- Êtes-vous autorisé par Sa Majesté à me le confier? - --- Non, monsieur, car au contraire le plus profond mystère m'est -recommandé. - --- Et pourquoi donc allez-vous le trahir vis-à-vis de moi? - --- Parce que, je vous le dis, sans vous je ne puis rien, et que -j'ai peur que vous ne me refusiez la grâce que je viens vous -demander, si vous ne savez pas dans quel but je vous la demande. - --- Gardez votre secret, jeune homme, et dites-moi ce que vous -désirez. - --- Je désire que vous obteniez pour moi, de M. des Essarts, un -congé de quinze jours. - --- Quand cela? - --- Cette nuit même. - --- Vous quittez Paris? - --- Je vais en mission. - --- Pouvez-vous me dire où? - --- À Londres. - --- Quelqu'un a-t-il intérêt à ce que vous n'arriviez pas à votre -but? - --- Le cardinal, je le crois, donnerait tout au monde pour -m'empêcher de réussir. - --- Et vous partez seul? - --- Je pars seul. - --- En ce cas, vous ne passerez pas Bondy; c'est moi qui vous le -dis, foi de Tréville. - --- Comment cela? - --- On vous fera assassiner. - --- Je serai mort en faisant mon devoir. - --- Mais votre mission ne sera pas remplie. - --- C'est vrai, dit d'Artagnan. - --- Croyez-moi, continua Tréville, dans les entreprises de ce -genre, il faut être quatre pour arriver un. - --- Ah! vous avez raison, Monsieur, dit d'Artagnan; mais vous -connaissez Athos, Porthos et Aramis, et vous savez si je puis -disposer d'eux. - --- Sans leur confier le secret que je n'ai pas voulu savoir? - --- Nous nous sommes juré, une fois pour toutes, confiance aveugle -et dévouement à toute épreuve; d'ailleurs vous pouvez leur dire -que vous avez toute confiance en moi, et ils ne seront pas plus -incrédules que vous. - --- Je puis leur envoyer à chacun un congé de quinze jours, voilà -tout: à Athos, que sa blessure fait toujours souffrir, pour aller -aux eaux de Forges! à Porthos et à Aramis, pour suivre leur ami, -qu'ils ne veulent pas abandonner dans une si douloureuse position. -L'envoi de leur congé sera la preuve que j'autorise leur voyage. - --- Merci, monsieur, et vous êtes cent fois bon. - --- Allez donc les trouver à l'instant même, et que tout s'exécute -cette nuit. Ah! et d'abord écrivez-moi votre requête à M. des -Essarts. Peut-être aviez-vous un espion à vos trousses, et votre -visite, qui dans ce cas est déjà connue du cardinal, sera -légitimée ainsi.» - -D'Artagnan formula cette demande, et M. de Tréville, en la -recevant de ses mains, assura qu'avant deux heures du matin les -quatre congés seraient au domicile respectif des voyageurs. - -«Ayez la bonté d'envoyer le mien chez Athos, dit d'Artagnan. Je -craindrais, en rentrant chez moi, d'y faire quelque mauvaise -rencontre. - --- Soyez tranquille. Adieu et bon voyage! À propos!» dit -M. de Tréville en le rappelant. - -D'Artagnan revint sur ses pas. - -«Avez-vous de l'argent?» - -D'Artagnan fit sonner le sac qu'il avait dans sa poche. - -«Assez? demanda M. de Tréville. - --- Trois cents pistoles. - --- C'est bien, on va au bout du monde avec cela; allez donc.» - -D'Artagnan salua M. de Tréville, qui lui tendit la main; -d'Artagnan la lui serra avec un respect mêlé de reconnaissance. -Depuis qu'il était arrivé à Paris, il n'avait eu qu'à se louer de -cet excellent homme, qu'il avait toujours trouvé digne, loyal et -grand. - -Sa première visite fut pour Aramis; il n'était pas revenu chez son -ami depuis la fameuse soirée où il avait suivi Mme Bonacieux. Il y -a plus: à peine avait-il vu le jeune mousquetaire, et à chaque -fois qu'il l'avait revu, il avait cru remarquer une profonde -tristesse empreinte sur son visage. - -Ce soir encore, Aramis veillait sombre et rêveur; d'Artagnan lui -fit quelques questions sur cette mélancolie profonde; Aramis -s'excusa sur un commentaire du dix-huitième chapitre de saint -Augustin qu'il était forcé d'écrire en latin pour la semaine -suivante, et qui le préoccupait beaucoup. - -Comme les deux amis causaient depuis quelques instants, un -serviteur de M. de Tréville entra porteur d'un paquet cacheté. - -«Qu'est-ce là? demanda Aramis. - --- Le congé que monsieur a demandé, répondit le laquais. - --- Moi, je n'ai pas demandé de congé. - --- Taisez-vous et prenez, dit d'Artagnan. Et vous, mon ami, voici -une demi-pistole pour votre peine; vous direz à M. de Tréville que -M. Aramis le remercie bien sincèrement. Allez.» - -Le laquais salua jusqu'à terre et sortit. - -«Que signifie cela? demanda Aramis. - --- Prenez ce qu'il vous faut pour un voyage de quinze jours, et -suivez-moi. - --- Mais je ne puis quitter Paris en ce moment, sans savoir...» - -Aramis s'arrêta. - -«Ce qu'elle est devenue, n'est-ce pas? continua d'Artagnan. - --- Qui? reprit Aramis. - --- La femme qui était ici, la femme au mouchoir brodé. - --- Qui vous a dit qu'il y avait une femme ici? répliqua Aramis en -devenant pâle comme la mort. - --- Je l'ai vue. - --- Et vous savez qui elle est? - --- Je crois m'en douter, du moins. - --- Écoutez, dit Aramis, puisque vous savez tant de choses, savez- -vous ce qu'est devenue cette femme? - --- Je présume qu'elle est retournée à Tours. - --- À Tours? oui, c'est bien cela, vous la connaissez. Mais comment -est-elle retournée à Tours sans me rien dire? - --- Parce qu'elle a craint d'être arrêtée. - --- Comment ne m'a-t-elle pas écrit? - --- Parce qu'elle craint de vous compromettre. - --- D'Artagnan, vous me rendez la vie! s'écria Aramis. Je me -croyais méprisé, trahi. J'étais si heureux de la revoir! Je ne -pouvais croire qu'elle risquât sa liberté pour moi, et cependant -pour quelle cause serait-elle revenue à Paris? - --- Pour la cause qui aujourd'hui nous fait aller en Angleterre. - --- Et quelle est cette cause? demanda Aramis. - --- Vous le saurez un jour, Aramis; mais, pour le moment, -j'imiterai la retenue de la nièce du docteur.» - -Aramis sourit, car il se rappelait le conte qu'il avait fait -certain soir à ses amis. - -«Eh bien, donc, puisqu'elle a quitté Paris et que vous en êtes -sûr, d'Artagnan, rien ne m'y arrête plus, et je suis prêt à vous -suivre. Vous dites que nous allons?... - --- Chez Athos, pour le moment, et si vous voulez venir, je vous -invite même à vous hâter, car nous avons déjà perdu beaucoup de -temps. À propos, prévenez Bazin. - --- Bazin vient avec nous? demanda Aramis. - --- Peut-être. En tout cas, il est bon qu'il nous suive pour le -moment chez Athos.» - -Aramis appela Bazin, et après lui avoir ordonné de le venir -joindre chez Athos: - -«Partons donc», dit-il en prenant son manteau, son épée et ses -trois pistolets, et en ouvrant inutilement trois ou quatre tiroirs -pour voir s'il n'y trouverait pas quelque pistole égarée. Puis, -quand il se fut bien assuré que cette recherche était superflue, -il suivit d'Artagnan en se demandant comment il se faisait que le -jeune cadet aux gardes sût aussi bien que lui quelle était la -femme à laquelle il avait donné l'hospitalité, et sût mieux que -lui ce qu'elle était devenue. - -Seulement, en sortant, Aramis posa sa main sur le bras de -d'Artagnan, et le regardant fixement: - -«Vous n'avez parlé de cette femme à personne? dit-il. - --- À personne au monde. - --- Pas même à Athos et à Porthos? - --- Je ne leur en ai pas soufflé le moindre mot. - --- À la bonne heure.» - -Et, tranquille sur ce point important, Aramis continua son chemin -avec d'Artagnan, et tous deux arrivèrent bien tôt chez Athos. - -Ils le trouvèrent tenant son congé d'une main et la lettre de -M. de Tréville de l'autre. - -«Pouvez-vous m'expliquer ce que signifient ce congé et cette -lettre que je viens de recevoir?» dit Athos étonné. - -«Mon cher Athos, je veux bien, puisque votre santé l'exige -absolument, que vous vous reposiez quinze jours. Allez donc -prendre les eaux de Forges ou telles autres qui vous conviendront, -et rétablissez-vous promptement. - -«Votre affectionné - -«Tréville» - -«Eh bien, ce congé et cette lettre signifient qu'il faut me -suivre, Athos. - --- Aux eaux de Forges? - --- Là ou ailleurs. - --- Pour le service du roi? - --- Du roi ou de la reine: ne sommes-nous pas serviteurs de Leurs -Majestés?» - -En ce moment, Porthos entra. - -«Pardieu, dit-il, voici une chose étrange: depuis quand, dans les -mousquetaires, accorde-t-on aux gens des congés sans qu'ils les -demandent? - --- Depuis, dit d'Artagnan, qu'ils ont des amis qui les demandent -pour eux. - --- Ah! ah! dit Porthos, il paraît qu'il y a du nouveau ici? - --- Oui, nous partons, dit Aramis. - --- Pour quel pays? demanda Porthos. - --- Ma foi, je n'en sais trop rien, dit Athos; demande cela à -d'Artagnan. - --- Pour Londres, messieurs, dit d'Artagnan. - --- Pour Londres! s'écria Porthos; et qu'allons-nous faire à -Londres? - --- Voilà ce que je ne puis vous dire, messieurs, et il faut vous -fier à moi. - --- Mais pour aller à Londres, ajouta Porthos, il faut de l'argent, -et je n'en ai pas. - --- Ni moi, dit Aramis. - --- Ni moi, dit Athos. - --- J'en ai, moi, reprit d'Artagnan en tirant son trésor de sa -poche et en le posant sur la table. Il y a dans ce sac trois cents -pistoles; prenons-en chacun soixante-quinze; c'est autant qu'il en -faut pour aller à Londres et pour en revenir. D'ailleurs, soyez -tranquilles, nous n'y arriverons pas tous, à Londres. - --- Et pourquoi cela? - --- Parce que, selon toute probabilité, il y en aura quelques-uns -d'entre nous qui resteront en route. - --- Mais est-ce donc une campagne que nous entreprenons? - --- Et des plus dangereuses, je vous en avertis. - --- Ah çà, mais, puisque nous risquons de nous faire tuer, dit -Porthos, je voudrais bien savoir pourquoi, au moins? - --- Tu en seras bien plus avancé! dit Athos. - --- Cependant, dit Aramis, je suis de l'avis de Porthos. - --- Le roi a-t-il l'habitude de vous rendre des comptes? Non; il -vous dit tout bonnement: "Messieurs, on se bat en Gascogne ou dans -les Flandres; allez vous battre", et vous y allez. Pourquoi? vous -ne vous en inquiétez même pas. - --- D'Artagnan a raison, dit Athos, voilà nos trois congés qui -viennent de M. de Tréville, et voilà trois cents pistoles qui -viennent je ne sais d'où. Allons nous faire tuer où l'on nous dit -d'aller. La vie vaut-elle la peine de faire autant de questions? -D'Artagnan, je suis prêt à te suivre. - --- Et moi aussi, dit Porthos. - --- Et moi aussi, dit Aramis. Aussi bien, je ne suis pas fâché de -quitter Paris. J'ai besoin de distractions. - --- Eh bien, vous en aurez, des distractions, messieurs, soyez -tranquilles, dit d'Artagnan. - --- Et maintenant, quand partons-nous? dit Athos. - --- Tout de suite, répondit d'Artagnan, il n'y a pas une minute à -perdre. - --- Holà! Grimaud, Planchet, Mousqueton, Bazin! crièrent les quatre -jeunes gens appelant leurs laquais, graissez nos bottes et ramenez -les chevaux de l'hôtel.» - -En effet, chaque mousquetaire laissait à l'hôtel général comme à -une caserne son cheval et celui de son laquais. - -Planchet, Grimaud, Mousqueton et Bazin partirent en toute hâte. - -«Maintenant, dressons le plan de campagne, dit Porthos. Où allons- -nous d'abord? - --- À Calais, dit d'Artagnan; c'est la ligne la plus directe pour -arriver à Londres. - --- Eh bien, dit Porthos, voici mon avis. - --- Parle. - --- Quatre hommes voyageant ensemble seraient suspects: d'Artagnan -nous donnera à chacun ses instructions, je partirai en avant par -la route de Boulogne pour éclairer le chemin; Athos partira deux -heures après par celle d'Amiens; Aramis nous suivra par celle de -Noyon; quant à d'Artagnan, il partira par celle qu'il voudra, avec -les habits de Planchet, tandis que Planchet nous suivra en -d'Artagnan et avec l'uniforme des gardes. - --- Messieurs, dit Athos, mon avis est qu'il ne convient pas de -mettre en rien des laquais dans une pareille affaire: un secret -peut par hasard être trahi par des gentilshommes, mais il est -presque toujours vendu par des laquais. - --- Le plan de Porthos me semble impraticable, dit d'Artagnan, en -ce que j'ignore moi-même quelles instructions je puis vous donner. -Je suis porteur d'une lettre, voilà tout. Je n'ai pas et ne puis -faire trois copies de cette lettre, puisqu'elle est scellée; il -faut donc, à mon avis, voyager de compagnie. Cette lettre est là, -dans cette poche. Et il montra la poche où était la lettre. Si je -suis tué, l'un de vous la prendra et vous continuerez la route; -s'il est tué, ce sera le tour d'un autre, et ainsi de suite; -pourvu qu'un seul arrive, c'est tout ce qu'il faut. - --- Bravo, d'Artagnan! ton avis est le mien, dit Athos. Il faut -être conséquent, d'ailleurs: je vais prendre les eaux, vous -m'accompagnerez; au lieu des eaux de Forges, je vais prendre les -eaux de mer; je suis libre. On veut nous arrêter, je montre la -lettre de M. de Tréville, et vous montrez vos congés; on nous -attaque, nous nous défendons; on nous juge, nous soutenons -mordicus que nous n'avions d'autre intention que de nous tremper -un certain nombre de fois dans la mer; on aurait trop bon marché -de quatre hommes isolés, tandis que quatre hommes réunis font une -troupe. Nous armerons les quatre laquais de pistolets et de -mousquetons; si l'on envoie une armée contre nous, nous livrerons -bataille, et le survivant, comme l'a dit d'Artagnan, portera la -lettre. - --- Bien dit, s'écria Aramis; tu ne parles pas souvent, Athos, mais -quand tu parles, c'est comme saint Jean Bouche d'or. J'adopte le -plan d'Athos. Et toi, Porthos? - --- Moi aussi, dit Porthos, s'il convient à d'Artagnan. D'Artagnan, -porteur de la lettre, est naturellement le chef de l'entreprise; -qu'il décide, et nous exécuterons. - --- Eh bien, dit d'Artagnan, je décide que nous adoptions le plan -d'Athos et que nous partions dans une demi-heure. - --- Adopté!» reprirent en choeur les trois mousquetaires. - -Et chacun, allongeant la main vers le sac, prit soixante-quinze -pistoles et fit ses préparatifs pour partir à l'heure convenue. - - -CHAPITRE XX -VOYAGE - -À deux heures du matin, nos quatre aventuriers sortirent de Paris -par la barrière Saint-Denis; tant qu'il fit nuit, ils restèrent -muets; malgré eux, ils subissaient l'influence de l'obscurité et -voyaient des embûches partout. - -Aux premiers rayons du jour, leurs langues se délièrent; avec le -soleil, la gaieté revint: c'était comme à la veille d'un combat, -le coeur battait, les yeux riaient; on sentait que la vie qu'on -allait peut-être quitter était, au bout du compte, une bonne -chose. - -L'aspect de la caravane, au reste, était des plus formidables: les -chevaux noirs des mousquetaires, leur tournure martiale, cette -habitude de l'escadron qui fait marcher régulièrement ces nobles -compagnons du soldat, eussent trahi le plus strict incognito. - -Les valets suivaient, armés jusqu'aux dents. - -Tout alla bien jusqu'à Chantilly, où l'on arriva vers les huit -heures du matin. Il fallait déjeuner. On descendit devant une -auberge que recommandait une enseigne représentant saint Martin -donnant la moitié de son manteau à un pauvre. On enjoignit aux -laquais de ne pas desseller les chevaux et de se tenir prêts à -repartir immédiatement. - -On entra dans la salle commune, et l'on se mit à table. Un -gentilhomme, qui venait d'arriver par la route de Dammartin, était -assis à cette même table et déjeunait. Il entama la conversation -sur la pluie et le beau temps; les voyageurs répondirent: il but à -leur santé; les voyageurs lui rendirent sa politesse. - -Mais au moment où Mousqueton venait annoncer que les chevaux -étaient prêts et où l'on se levait de table l'étranger proposa à -Porthos la santé du cardinal. Porthos répondit qu'il ne demandait -pas mieux, si l'étranger à son tour voulait boire à la santé du -roi. L'étranger s'écria qu'il ne connaissait d'autre roi que Son -Éminence. Porthos l'appela ivrogne; l'étranger tira son épée. - -«Vous avez fait une sottise, dit Athos; n'importe, il n'y a plus à -reculer maintenant: tuez cet homme et venez nous rejoindre le plus -vite que vous pourrez.» - -Et tous trois remontèrent à cheval et repartirent à toute bride, -tandis que Porthos promettait à son adversaire de le perforer de -tous les coups connus dans l'escrime. - -«Et d'un! dit Athos au bout de cinq cents pas. - --- Mais pourquoi cet homme s'est-il attaqué à Porthos plutôt qu'à -tout autre? demanda Aramis. - --- Parce que, Porthos parlant plus haut que nous tous il l'a pris -pour le chef, dit d'Artagnan. - --- J'ai toujours dit que ce cadet de Gascogne était un puits de -sagesse», murmura Athos. - -Et les voyageurs continuèrent leur route. - -À Beauvais, on s'arrêta deux heures, tant pour faire souffler les -chevaux que pour attendre Porthos. Au bout de deux heures, comme -Porthos n'arrivait pas, ni aucune nouvelle de lui, on se remit en -chemin. - -À une lieue de Beauvais, à un endroit où le chemin se trouvait -resserré entre deux talus, on rencontra huit ou dix hommes qui, -profitant de ce que la route était dépavée en cet endroit, avaient -l'air d'y travailler en y creusant des trous et en pratiquant des -ornières boueuses. - -Aramis, craignant de salir ses bottes dans ce mortier artificiel, -les apostropha durement. Athos voulut le retenir, il était trop -tard. Les ouvriers se mirent à railler les voyageurs, et firent -perdre par leur insolence la tête même au froid Athos qui poussa -son cheval contre l'un d'eux. - -Alors chacun de ces hommes recula jusqu'au fossé et y prit un -mousquet caché; il en résulta que nos sept voyageurs furent -littéralement passés par les armes. Aramis reçut une balle qui lui -traversa l'épaule, et Mousqueton une autre balle qui se logea dans -les parties charnues qui prolongent le bas des reins. Cependant -Mousqueton seul tomba de cheval, non pas qu'il fût grièvement -blessé, mais, comme il ne pouvait voir sa blessure, sans doute il -crut être plus dangereusement blessé qu'il ne l'était. - -«C'est une embuscade, dit d'Artagnan, ne brûlons pas une amorce, -et en route.» - -Aramis, tout blessé qu'il était, saisit la crinière de son cheval, -qui l'emporta avec les autres. Celui de Mousqueton les avait -rejoints, et galopait tout seul à son rang. - -«Cela nous fera un cheval de rechange, dit Athos. - --- J'aimerais mieux un chapeau, dit d'Artagnan, le mien a été -emporté par une balle. C'est bien heureux, ma foi, que la lettre -que je porte n'ait pas été dedans. - --- Ah çà, mais ils vont tuer le pauvre Porthos quand il passera, -dit Aramis. - --- Si Porthos était sur ses jambes, il nous aurait rejoints -maintenant, dit Athos. M'est avis que, sur le terrain, l'ivrogne -se sera dégrisé.» - -Et l'on galopa encore pendant deux heures, quoique les chevaux -fussent si fatigués, qu'il était à craindre qu'ils ne refusassent -bientôt le service. - -Les voyageurs avaient pris la traverse, espérant de cette façon -être moins inquiétés, mais, à Crève-coeur, Aramis déclara qu'il ne -pouvait aller plus loin. En effet, il avait fallu tout le courage -qu'il cachait sous sa forme élégante et sous ses façons polies -pour arriver jusque-là. À tout moment il pâlissait, et l'on était -obligé de le soutenir sur son cheval; on le descendit à la porte -d'un cabaret, on lui laissa Bazin qui, au reste, dans une -escarmouche, était plus embarrassant qu'utile, et l'on repartit -dans l'espérance d'aller coucher à Amiens. - -«Morbleu! dit Athos, quand ils se retrouvèrent en route, réduits à -deux maîtres et à Grimaud et Planchet, morbleu! je ne serai plus -leur dupe, et je vous réponds qu'ils ne me feront pas ouvrir la -bouche ni tirer l'épée d'ici à Calais. J'en jure... - --- Ne jurons pas, dit d'Artagnan, galopons, si toutefois nos -chevaux y consentent.» - -Et les voyageurs enfoncèrent leurs éperons dans le ventre de leurs -chevaux, qui, vigoureusement stimulés, retrouvèrent des forces. On -arriva à Amiens à minuit, et l'on descendit à l'auberge du Lis -d'Or. - -L'hôtelier avait l'air du plus honnête homme de la terre, il reçut -les voyageurs son bougeoir d'une main et son bonnet de coton de -l'autre; il voulut loger les deux voyageurs chacun dans une -charmante chambre, malheureusement chacune de ces chambres était à -l'extrémité de l'hôtel. D'Artagnan et Athos refusèrent; l'hôte -répondit qu'il n'y en avait cependant pas d'autres dignes de Leurs -Excellences; mais les voyageurs déclarèrent qu'ils coucheraient -dans la chambre commune, chacun sur un matelas qu'on leur -jetterait à terre. L'hôte insista, les voyageurs tinrent bon; il -fallut faire ce qu'ils voulurent. - -Ils venaient de disposer leur lit et de barricader leur porte en -dedans, lorsqu'on frappa au volet de la cour; ils demandèrent qui -était là, reconnurent la voix de leurs valets et ouvrirent. - -En effet, c'étaient Planchet et Grimaud. - -«Grimaud suffira pour garder les chevaux, dit Planchet; si ces -messieurs veulent, je coucherai en travers de leur porte; de cette -façon-là, ils seront sûrs qu'on n'arrivera pas jusqu'à eux. - --- Et sur quoi coucheras-tu? dit d'Artagnan. - --- Voici mon lit», répondit Planchet. - -Et il montra une botte de paille. - -«Viens donc, dit d'Artagnan, tu as raison: la figure de l'hôte ne -me convient pas, elle est trop gracieuse. - --- Ni à moi non plus», dit Athos. - -Planchet monta par la fenêtre, s'installa en travers de la porte, -tandis que Grimaud allait s'enfermer dans l'écurie, répondant qu'à -cinq heures du matin lui et les quatre chevaux seraient prêts. - -La nuit fut assez tranquille, on essaya bien vers les deux heures -du matin d'ouvrir la porte, mais comme Planchet se réveilla en -sursaut et cria: Qui va là? on répondit qu'on se trompait, et on -s'éloigna. - -À quatre heures du matin, on entendit un grand bruit dans les -écuries. Grimaud avait voulu réveiller les garçons d'écurie, et -les garçons d'écurie le battaient. Quand on ouvrit la fenêtre, on -vit le pauvre garçon sans connaissance, la tête fendue d'un coup -de manche à fourche. - -Planchet descendit dans la cour et voulut seller les chevaux; les -chevaux étaient fourbus. Celui de Mousqueton seul, qui avait -voyagé sans maître pendant cinq ou six heures la veille, aurait pu -continuer la route; mais, par une erreur inconcevable, le -chirurgien vétérinaire qu'on avait envoyé chercher, à ce qu'il -paraît, pour saigner le cheval de l'hôte, avait saigné celui de -Mousqueton. - -Cela commençait à devenir inquiétant: tous ces accidents -successifs étaient peut-être le résultat du hasard, mais ils -pouvaient tout aussi bien être le fruit d'un complot. Athos et -d'Artagnan sortirent, tandis que Planchet allait s'informer s'il -n'y avait pas trois chevaux à vendre dans les environs. À la porte -étaient deux chevaux tout équipés, frais et vigoureux. Cela -faisait bien l'affaire. Il demanda où étaient les maîtres; on lui -dit que les maîtres avaient passé la nuit dans l'auberge et -réglaient leur compte à cette heure avec le maître. - -Athos descendit pour payer la dépense, tandis que d'Artagnan et -Planchet se tenaient sur la porte de la rue; l'hôtelier était dans -une chambre basse et reculée, on pria Athos d'y passer. - -Athos entra sans défiance et tira deux pistoles pour payer: l'hôte -était seul et assis devant son bureau, dont un des tiroirs était -entrouvert. Il prit l'argent que lui présenta Athos, le tourna et -le retourna dans ses mains, et tout à coup, s'écriant que la pièce -était fausse, il déclara qu'il allait le faire arrêter, lui et son -compagnon, comme faux-monnayeurs. - -«Drôle! dit Athos, en marchant sur lui, je vais te couper les -oreilles!» - -Au même moment, quatre hommes armés jusqu'aux dents entrèrent par -les portes latérales et se jetèrent sur Athos. - -«Je suis pris, cria Athos de toutes les forces de ses poumons; au -large, d'Artagnan! pique, pique!» et il lâcha deux coups de -pistolet. - -D'Artagnan et Planchet ne se le firent pas répéter à deux fois, -ils détachèrent les deux chevaux qui attendaient à la porte, -sautèrent dessus, leur enfoncèrent leurs éperons dans le ventre et -partirent au triple galop. - -«Sais-tu ce qu'est devenu Athos? demanda d'Artagnan à Planchet en -courant. - --- Ah! monsieur, dit Planchet, j'en ai vu tomber deux à ses deux -coups, et il m'a semblé, à travers la porte vitrée, qu'il -ferraillait avec les autres. - --- Brave Athos! murmura d'Artagnan. Et quand on pense qu'il faut -l'abandonner! Au reste, autant nous attend peut-être à deux pas -d'ici. En avant, Planchet, en avant! tu es un brave homme. - --- Je vous l'ai dit, monsieur, répondit Planchet, les Picards, ça -se reconnaît à l'user; d'ailleurs je suis ici dans mon pays, ça -m'excite.» - -Et tous deux, piquant de plus belle, arrivèrent à Saint-Omer d'une -seule traite. À Saint-Omer, ils firent souffler les chevaux la -bride passée à leurs bras, de peur d'accident, et mangèrent un -morceau sur le pouce tout debout dans la rue; après quoi ils -repartirent. - -À cent pas des portes de Calais, le cheval de d'Artagnan -s'abattit, et il n'y eut pas moyen de le faire se relever: le sang -lui sortait par le nez et par les yeux, restait celui de Planchet, -mais celui-là s'était arrêté, et il n'y eut plus moyen de le faire -repartir. - -Heureusement, comme nous l'avons dit, ils étaient à cent pas de la -ville; ils laissèrent les deux montures sur le grand chemin et -coururent au port. Planchet fit remarquer à son maître un -gentilhomme qui arrivait avec son valet et qui ne les précédait -que d'une cinquantaine de pas. - -Ils s'approchèrent vivement de ce gentilhomme, qui paraissait fort -affairé. Il avait ses bottes couvertes de poussière, et -s'informait s'il ne pourrait point passer à l'instant même en -Angleterre. - -«Rien ne serait plus facile, répondit le patron d'un bâtiment prêt -à mettre à la voile; mais, ce matin, est arrivé l'ordre de ne -laisser partir personne sans une permission expresse de M. le -cardinal. - --- J'ai cette permission, dit le gentilhomme en tirant un papier -de sa poche; la voici. - --- Faites-la viser par le gouverneur du port, dit le patron, et -donnez-moi la préférence. - --- Où trouverai-je le gouverneur? - --- À sa campagne. - --- Et cette campagne est située? - --- À un quart de lieue de la ville; tenez, vous la voyez d'ici, au -pied de cette petite éminence, ce toit en ardoises. - --- Très bien!» dit le gentilhomme. - -Et, suivi de son laquais, il prit le chemin de la maison de -campagne du gouverneur. - -D'Artagnan et Planchet suivirent le gentilhomme à cinq cents pas -de distance. - -Une fois hors de la ville, d'Artagnan pressa le pas et rejoignit -le gentilhomme comme il entrait dans un petit bois. - -«Monsieur, lui dit d'Artagnan, vous me paraissez fort pressé? - --- On ne peut plus pressé, monsieur. - --- J'en suis désespéré, dit d'Artagnan, car, comme je suis très -pressé aussi, je voulais vous prier de me rendre un service. - --- Lequel? - --- De me laisser passer le premier. - --- Impossible, dit le gentilhomme, j'ai fait soixante lieues en -quarante-quatre heures, et il faut que demain à midi je sois à -Londres. - --- J'ai fait le même chemin en quarante heures, et il faut que -demain à dix heures du matin je sois à Londres. - --- Désespéré, monsieur; mais je suis arrivé le premier et je ne -passerai pas le second. - --- Désespéré, monsieur; mais je suis arrivé le second et je -passerai le premier. - --- Service du roi! dit le gentilhomme. - --- Service de moi! dit d'Artagnan. - --- Mais c'est une mauvaise querelle que vous me cherchez là, ce me -semble. - --- Parbleu! que voulez-vous que ce soit? - --- Que désirez-vous? - --- Vous voulez le savoir? - --- Certainement. - --- Eh bien, je veux l'ordre dont vous êtes porteur, attendu que je -n'en ai pas, moi, et qu'il m'en faut un. - --- Vous plaisantez, je présume. - --- Je ne plaisante jamais. - --- Laissez-moi passer! - --- Vous ne passerez pas. - --- Mon brave jeune homme, je vais vous casser la tête. Holà, -Lubin! mes pistolets. - --- Planchet, dit d'Artagnan, charge-toi du valet, je me charge du -maître.» - -Planchet, enhardi par le premier exploit, sauta sur Lubin, et -comme il était fort et vigoureux, il le renversa les reins contre -terre et lui mit le genou sur la poitrine. - -«Faites votre affaire, monsieur, dit Planchet; moi, j'ai fait la -mienne.» - -Voyant cela, le gentilhomme tira son épée et fondit sur -d'Artagnan; mais il avait affaire à forte partie. - -En trois secondes d'Artagnan lui fournit trois coups d'épée en -disant à chaque coup: - -«Un pour Athos, un pour Porthos, un pour Aramis.» - -Au troisième coup, le gentilhomme tomba comme une masse. - -D'Artagnan le crut mort, ou tout au moins évanoui, et s'approcha -pour lui prendre l'ordre; mais au moment où il étendait le bras -afin de le fouiller, le blessé qui n'avait pas lâché son épée, lui -porta un coup de pointe dans la poitrine en disant: - -«Un pour vous. - --- Et un pour moi! au dernier les bons!» s'écria d'Artagnan -furieux, en le clouant par terre d'un quatrième coup d'épée dans -le ventre. - -Cette fois, le gentilhomme ferma les yeux et s'évanouit. - -D'Artagnan fouilla dans la poche où il l'avait vu remettre l'ordre -de passage, et le prit. Il était au nom du comte de Wardes. - -Puis, jetant un dernier coup d'oeil sur le beau jeune homme, qui -avait vingt-cinq ans à peine et qu'il laissait là, gisant, privé -de sentiment et peut-être mort, il poussa un soupir sur cette -étrange destinée qui porte les hommes à se détruire les uns les -autres pour les intérêts de gens qui leur sont étrangers et qui -souvent ne savent pas même qu'ils existent. - -Mais il fut bientôt tiré de ces réflexions par Lubin, qui poussait -des hurlements et criait de toutes ses forces au secours. - -Planchet lui appliqua la main sur la gorge et serra de toutes ses -forces. - -«Monsieur, dit-il, tant que je le tiendrai ainsi, il ne criera -pas, j'en suis bien sûr; mais aussitôt que je le lâcherai, il va -se remettre à crier. Je le reconnais pour un Normand et les -Normands sont entêtés.» - -En effet, tout comprimé qu'il était, Lubin essayait encore de -filer des sons. - -«Attends!» dit d'Artagnan. - -Et prenant son mouchoir, il le bâillonna. - -«Maintenant, dit Planchet, lions-le à un arbre.» - -La chose fut faite en conscience, puis on tira le comte de Wardes -près de son domestique; et comme la nuit commençait à tomber et -que le garrotté et le blessé étaient tous deux à quelques pas dans -le bois, il était évident qu'ils devaient rester jusqu'au -lendemain. - -«Et maintenant, dit d'Artagnan, chez le gouverneur! - --- Mais vous êtes blessé, ce me semble? dit Planchet. - --- Ce n'est rien, occupons-nous du plus pressé; puis nous -reviendrons à ma blessure, qui, au reste, ne me paraît pas très -dangereuse.» - -Et tous deux s'acheminèrent à grands pas vers la campagne du digne -fonctionnaire. - -On annonça M. le comte de Wardes. - -D'Artagnan fut introduit. - -«Vous avez un ordre signé du cardinal? dit le gouverneur. - --- Oui, monsieur, répondit d'Artagnan, le voici. - --- Ah! ah! il est en règle et bien recommandé, dit le gouverneur. - --- C'est tout simple, répondit d'Artagnan, je suis de ses plus -fidèles. - --- Il paraît que Son Éminence veut empêcher quelqu'un de parvenir -en Angleterre. - --- Oui, un certain d'Artagnan, un gentilhomme béarnais qui est -parti de Paris avec trois de ses amis dans l'intention de gagner -Londres. - --- Le connaissez-vous personnellement? demanda le gouverneur. - --- Qui cela? - --- Ce d'Artagnan? - --- À merveille. - --- Donnez-moi son signalement alors. - --- Rien de plus facile.» - -Et d'Artagnan donna trait pour trait le signalement du comte -de Wardes. - -«Est-il accompagné? demanda le gouverneur. - --- Oui, d'un valet nommé Lubin. - --- On veillera sur eux, et si on leur met la main dessus, Son -Éminence peut être tranquille, ils seront reconduits à Paris sous -bonne escorte. - --- Et ce faisant, monsieur le gouverneur, dit d'Artagnan, vous -aurez bien mérité du cardinal. - --- Vous le reverrez à votre retour, monsieur le comte? - --- Sans aucun doute. - --- Dites-lui, je vous prie, que je suis bien son serviteur. - --- Je n'y manquerai pas.» - -Et joyeux de cette assurance, le gouverneur visa le laissez-passer -et le remit à d'Artagnan. - -D'Artagnan ne perdit pas son temps en compliments inutiles, il -salua le gouverneur, le remercia et partit. - -Une fois dehors, lui et Planchet prirent leur course, et faisant -un long détour, ils évitèrent le bois et rentrèrent par une autre -porte. - -Le bâtiment était toujours prêt à partir, le patron attendait sur -le port. - -«Eh bien? dit-il en apercevant d'Artagnan. - --- Voici ma passe visée, dit celui-ci. - --- Et cet autre gentilhomme? - --- Il ne partira pas aujourd'hui, dit d'Artagnan, mais soyez -tranquille, je paierai le passage pour nous deux. - --- En ce cas, partons, dit le patron. - --- Partons!» répéta d'Artagnan. - -Et il sauta avec Planchet dans le canot; cinq minutes après, ils -étaient à bord. - -Il était temps: à une demi-lieue en mer, d'Artagnan vit briller -une lumière et entendit une détonation. - -C'était le coup de canon qui annonçait la fermeture du port. - -Il était temps de s'occuper de sa blessure; heureusement, comme -l'avait pensé d'Artagnan, elle n'était pas des plus dangereuses: -la pointe de l'épée avait rencontré une côte et avait glissé le -long de l'os; de plus, la chemise s'était collée aussitôt à la -plaie, et à peine avait-elle répandu quelques gouttes de sang. - -D'Artagnan était brisé de fatigue: on lui étendit un matelas sur -le pont, il se jeta dessus et s'endormit. - -Le lendemain, au point du jour, il se trouva à trois ou quatre -lieues seulement des côtes d'Angleterre; la brise avait été faible -toute la nuit, et l'on avait peu marché. - -À dix heures, le bâtiment jetait l'ancre dans le port de Douvres. - -À dix heures et demie, d'Artagnan mettait le pied sur la terre -d'Angleterre, en s'écriant: - -«Enfin, m'y voilà!» - -Mais ce n'était pas tout: il fallait gagner Londres. En -Angleterre, la poste était assez bien servie. D'Artagnan et -Planchet prirent chacun un bidet, un postillon courut devant eux; -en quatre heures ils arrivèrent aux portes de la capitale. - -D'Artagnan ne connaissait pas Londres, d'Artagnan ne savait pas un -mot d'anglais; mais il écrivit le nom de Buckingham sur un papier, -et chacun lui indiqua l'hôtel du duc. - -Le duc était à la chasse à Windsor, avec le roi. - -D'Artagnan demanda le valet de chambre de confiance du duc, qui, -l'ayant accompagné dans tous ses voyages, parlait parfaitement -français; il lui dit qu'il arrivait de Paris pour affaire de vie -et de mort, et qu'il fallait qu'il parlât à son maître à l'instant -même. - -La confiance avec laquelle parlait d'Artagnan convainquit Patrice; -c'était le nom de ce ministre du ministre. Il fit seller deux -chevaux et se chargea de conduire le jeune garde. Quant à -Planchet, on l'avait descendu de sa monture, raide comme un jonc: -le pauvre garçon était au bout de ses forces; d'Artagnan semblait -de fer. - -On arriva au château; là on se renseigna: le roi et Buckingham -chassaient à l'oiseau dans des marais situés à deux ou trois -lieues de là. - -En vingt minutes on fut au lieu indiqué. Bientôt Patrice entendit -la voix de son maître, qui appelait son faucon. - -«Qui faut-il que j'annonce à Milord duc? demanda Patrice. - --- Le jeune homme qui, un soir, lui a cherché une querelle sur le -Pont-Neuf, en face de la Samaritaine. - --- Singulière recommandation! - --- Vous verrez qu'elle en vaut bien une autre.» - -Patrice mit son cheval au galop, atteignit le duc et lui annonça -dans les termes que nous avons dits qu'un messager l'attendait. - -Buckingham reconnut d'Artagnan à l'instant même, et se doutant que -quelque chose se passait en France dont on lui faisait parvenir la -nouvelle, il ne prit que le temps de demander où était celui qui -la lui apportait; et ayant reconnu de loin l'uniforme des gardes, -il mit son cheval au galop et vint droit à d'Artagnan. Patrice, -par discrétion, se tint à l'écart. - -«Il n'est point arrivé malheur à la reine? s'écria Buckingham, -répandant toute sa pensée et tout son amour dans cette -interrogation. - --- Je ne crois pas; cependant je crois qu'elle court quelque grand -péril dont Votre Grâce seule peut la tirer. - --- Moi? s'écria Buckingham. Eh quoi! je serais assez heureux pour -lui être bon à quelque chose! Parlez! parlez! - --- Prenez cette lettre, dit d'Artagnan. - --- Cette lettre! de qui vient cette lettre? - --- De Sa Majesté, à ce que je pense. - --- De Sa Majesté!» dit Buckingham, pâlissant si fort que -d'Artagnan crut qu'il allait se trouver mal. - -Et il brisa le cachet. - -«Quelle est cette déchirure? dit-il en montrant à d'Artagnan un -endroit où elle était percée à jour. - --- Ah! ah! dit d'Artagnan, je n'avais pas vu cela; c'est l'épée du -comte de Wardes qui aura fait ce beau coup en me trouant la -poitrine. - --- Vous êtes blessé? demanda Buckingham en rompant le cachet. - --- Oh! rien! dit d'Artagnan, une égratignure. - --- Juste Ciel! qu'ai-je lu! s'écria le duc. Patrice, reste ici, ou -plutôt rejoins le roi partout où il sera, et dis à Sa Majesté que -je la supplie bien humblement de m'excuser, mais qu'une affaire de -la plus haute importance me rappelle à Londres. Venez, monsieur, -venez.» - -Et tous deux reprirent au galop le chemin de la capitale. - - -CHAPITRE XXI -LA COMTESSE DE WINTER - -Tout le long de la route, le duc se fit mettre au courant par -d'Artagnan non pas de tout ce qui s'était passé, mais de ce que -d'Artagnan savait. En rapprochant ce qu'il avait entendu sortir de -la bouche du jeune homme de ses souvenirs à lui, il put donc se -faire une idée assez exacte d'une position de la gravité de -laquelle, au reste, la lettre de la reine, si courte et si peu -explicite qu'elle fût, lui donnait la mesure. Mais ce qui -l'étonnait surtout, c'est que le cardinal, intéressé comme il -l'était à ce que le jeune homme ne mît pas le pied en Angleterre, -ne fût point parvenu à l'arrêter en route. Ce fut alors, et sur la -manifestation de cet étonnement, que d'Artagnan lui raconta les -précautions prises, et comment, grâce au dévouement de ses trois -amis qu'il avait éparpillés tout sanglants sur la route, il était -arrivé à en être quitte pour le coup d'épée qui avait traversé le -billet de la reine, et qu'il avait rendu à M. de Wardes en si -terrible monnaie. Tout en écoutant ce récit, fait avec la plus -grande simplicité, le duc regardait de temps en temps le jeune -homme d'un air étonné, comme s'il n'eût pas pu comprendre que tant -de prudence, de courage et de dévouement s'alliât avec un visage -qui n'indiquait pas encore vingt ans. - -Les chevaux allaient comme le vent, et en quelques minutes ils -furent aux portes de Londres. D'Artagnan avait cru qu'en arrivant -dans la ville le duc allait ralentir l'allure du sien, mais il -n'en fut pas ainsi: il continua sa route à fond de train, -s'inquiétant peu de renverser ceux qui étaient sur son chemin. En -effet, en traversant la Cité deux ou trois accidents de ce genre -arrivèrent; mais Buckingham ne détourna pas même la tête pour -regarder ce qu'étaient devenus ceux qu'il avait culbutés. -D'Artagnan le suivait au milieu de cris qui ressemblaient fort à -des malédictions. - -En entrant dans la cour de l'hôtel, Buckingham sauta à bas de son -cheval, et, sans s'inquiéter de ce qu'il deviendrait, il lui jeta -la bride sur le cou et s'élança vers le perron. D'Artagnan en fit -autant, avec un peu plus d'inquiétude, cependant, pour ces nobles -animaux dont il avait pu apprécier le mérite; mais il eut la -consolation de voir que trois ou quatre valets s'étaient déjà -élancés des cuisines et des écuries, et s'emparaient aussitôt de -leurs montures. - -Le duc marchait si rapidement, que d'Artagnan avait peine à le -suivre. Il traversa successivement plusieurs salons d'une élégance -dont les plus grands seigneurs de France n'avaient pas même -l'idée, et il parvint enfin dans une chambre à coucher qui était à -la fois un miracle de goût et de richesse. Dans l'alcôve de cette -chambre était une porte, prise dans la tapisserie, que le duc -ouvrit avec une petite clef d'or qu'il portait suspendue à son cou -par une chaîne du même métal. Par discrétion, d'Artagnan était -resté en arrière; mais au moment où Buckingham franchissait le -seuil de cette porte, il se retourna, et voyant l'hésitation du -jeune homme: - -«Venez, lui dit-il, et si vous avez le bonheur d'être admis en la -présence de Sa Majesté, dites-lui ce que vous avez vu.» - -Encouragé par cette invitation, d'Artagnan suivit le duc, qui -referma la porte derrière lui. - -Tous deux se trouvèrent alors dans une petite chapelle toute -tapissée de soie de Perse et brochée d'or, ardemment éclairée par -un grand nombre de bougies. Au-dessus d'une espèce d'autel, et au- -dessous d'un dais de velours bleu surmonté de plumes blanches et -rouges, était un portrait de grandeur naturelle représentant Anne -d'Autriche, si parfaitement ressemblant, que d'Artagnan poussa un -cri de surprise: on eût cru que la reine allait parler. - -Sur l'autel, et au-dessous du portrait, était le coffret qui -renfermait les ferrets de diamants. - -Le duc s'approcha de l'autel, s'agenouilla comme eût pu faire un -prêtre devant le Christ; puis il ouvrit le coffret. - -«Tenez, lui dit-il en tirant du coffre un gros noeud de ruban bleu -tout étincelant de diamants; tenez, voici ces précieux ferrets -avec lesquels j'avais fait le serment d'être enterré. La reine me -les avait donnés, la reine me les reprend: sa volonté, comme celle -de Dieu, soit faite en toutes choses.» - -Puis il se mit à baiser les uns après les autres ces ferrets dont -il fallait se séparer. Tout à coup, il poussa un cri terrible. - -«Qu'y a-t-il? demanda d'Artagnan avec inquiétude, et que vous -arrive-t-il, Milord? - --- Il y a que tout est perdu, s'écria Buckingham en devenant pâle -comme un trépassé; deux de ces ferrets manquent, il n'y en a plus -que dix. - --- Milord les a-t-il perdus, ou croit-il qu'on les lui ait volés? - --- On me les a volés, reprit le duc, et c'est le cardinal qui a -fait le coup. Tenez, voyez, les rubans qui les soutenaient ont été -coupés avec des ciseaux. - --- Si Milord pouvait se douter qui a commis le vol... Peut-être la -personne les a-t-elle encore entre les mains. - --- Attendez, attendez! s'écria le duc. La seule fois que j'ai mis -ces ferrets, c'était au bal du roi, il y a huit jours, à Windsor. -La comtesse de Winter, avec laquelle j'étais brouillé, s'est -rapprochée de moi à ce bal. Ce raccommodement, c'était une -vengeance de femme jalouse. Depuis ce jour, je ne l'ai pas revue. -Cette femme est un agent du cardinal. - --- Mais il en a donc dans le monde entier! s'écria d'Artagnan. - --- Oh! oui, oui, dit Buckingham en serrant les dents de colère; -oui, c'est un terrible lutteur. Mais cependant, quand doit avoir -lieu ce bal? - --- Lundi prochain. - --- Lundi prochain! cinq jours encore, c'est plus de temps qu'il ne -nous en faut. Patrice! s'écria le duc en ouvrant la porte de la -chapelle, Patrice!» - -Son valet de chambre de confiance parut. - -«Mon joaillier et mon secrétaire!» - -Le valet de chambre sortit avec une promptitude et un mutisme qui -prouvaient l'habitude qu'il avait contractée d'obéir aveuglément -et sans réplique. - -Mais, quoique ce fût le joaillier qui eût été appelé le premier, -ce fut le secrétaire qui parut d'abord. C'était tout simple, il -habitait l'hôtel. Il trouva Buckingham assis devant une table dans -sa chambre à coucher, et écrivant quelques ordres de sa propre -main. - -«Monsieur Jackson, lui dit-il, vous allez vous rendre de ce pas -chez le lord-chancelier, et lui dire que je le charge de -l'exécution de ces ordres. Je désire qu'ils soient promulgués à -l'instant même. - --- Mais, Monseigneur, si le lord-chancelier m'interroge sur les -motifs qui ont pu porter Votre Grâce à une mesure si -extraordinaire, que répondrai-je? - --- Que tel a été mon bon plaisir, et que je n'ai de compte à -rendre à personne de ma volonté. - --- Sera-ce la réponse qu'il devra transmettre à Sa Majesté, reprit -en souriant le secrétaire, si par hasard Sa Majesté avait la -curiosité de savoir pourquoi aucun vaisseau ne peut sortir des -ports de la Grande-Bretagne? - --- Vous avez raison, monsieur, répondit Buckingham; il dirait en -ce cas au roi que j'ai décidé la guerre, et que cette mesure est -mon premier acte d'hostilité contre la France.» - -Le secrétaire s'inclina et sortit. - -«Nous voilà tranquilles de ce côté, dit Buckingham en se -retournant vers d'Artagnan. Si les ferrets ne sont point déjà -partis pour la France, ils n'y arriveront qu'après vous. - --- Comment cela? - --- Je viens de mettre un embargo sur tous les bâtiments qui se -trouvent à cette heure dans les ports de Sa Majesté, et, à moins -de permission particulière, pas un seul n'osera lever l'ancre.» - -D'Artagnan regarda avec stupéfaction cet homme qui mettait le -pouvoir illimité dont il était revêtu par la confiance d'un roi au -service de ses amours. Buckingham vit, à l'expression du visage du -jeune homme, ce qui se passait dans sa pensée, et il sourit. - -«Oui, dit-il, oui, c'est qu'Anne d'Autriche est ma véritable -reine; sur un mot d'elle, je trahirais mon pays, je trahirais mon -roi, je trahirais mon Dieu. Elle m'a demandé de ne point envoyer -aux protestants de La Rochelle le secours que je leur avais -promis, et je l'ai fait. Je manquais à ma parole, mais qu'importe! -j'obéissais à son désir; n'ai-je point été grandement payé de mon -obéissance, dites? car c'est à cette obéissance que je dois son -portrait.» - -D'Artagnan admira à quels fils fragiles et inconnus sont parfois -suspendues les destinées d'un peuple et la vie des hommes. - -Il en était au plus profond de ses réflexions, lorsque l'orfèvre -entra: c'était un Irlandais des plus habiles dans son art, et qui -avouait lui-même qu'il gagnait cent mille livres par an avec le -duc de Buckingham. - -«Monsieur O'Reilly, lui dit le duc en le conduisant dans la -chapelle, voyez ces ferrets de diamants, et dites-moi ce qu'ils -valent la pièce.» - -L'orfèvre jeta un seul coup d'oeil sur la façon élégante dont ils -étaient montés, calcula l'un dans l'autre la valeur des diamants, -et sans hésitation aucune: - -«Quinze cents pistoles la pièce, Milord, répondit-il. - --- Combien faudrait-il de jours pour faire deux ferrets comme -ceux-là? Vous voyez qu'il en manque deux. - --- Huit jours, Milord. - --- Je les paierai trois mille pistoles la pièce, il me les faut -après-demain. - --- Milord les aura. - --- Vous êtes un homme précieux, monsieur O'Reilly, mais ce n'est -pas le tout: ces ferrets ne peuvent être confiés à personne, il -faut qu'ils soient faits dans ce palais. - --- Impossible, Milord, il n'y a que moi qui puisse les exécuter -pour qu'on ne voie pas la différence entre les nouveaux et les -anciens. - --- Aussi, mon cher monsieur O'Reilly, vous êtes mon prisonnier, et -vous voudriez sortir à cette heure de mon palais que vous ne le -pourriez pas; prenez-en donc votre parti. Nommez-moi ceux de vos -garçons dont vous aurez besoin, et désignez-moi les ustensiles -qu'ils doivent apporter.» - -L'orfèvre connaissait le duc, il savait que toute observation -était inutile, il en prit donc à l'instant même son parti. - -«Il me sera permis de prévenir ma femme? demanda-t-il. - --- Oh! il vous sera même permis de la voir, mon cher monsieur -O'Reilly: votre captivité sera douce, soyez tranquille; et comme -tout dérangement vaut un dédommagement, voici, en dehors du prix -des deux ferrets, un bon de mille pistoles pour vous faire oublier -l'ennui que je vous cause.» - -D'Artagnan ne revenait pas de la surprise que lui causait ce -ministre, qui remuait à pleines mains les hommes et les millions. - -Quant à l'orfèvre, il écrivit à sa femme en lui envoyant le bon de -mille pistoles, et en la chargeant de lui retourner en échange son -plus habile apprenti, un assortiment de diamants dont il lui -donnait le poids et le titre, et une liste des outils qui lui -étaient nécessaires. - -Buckingham conduisit l'orfèvre dans la chambre qui lui était -destinée, et qui, au bout d'une demi-heure, fut transformée en -atelier. Puis il mit une sentinelle à chaque porte, avec défense -de laisser entrer qui que ce fût, à l'exception de son valet de -chambre Patrice. Il est inutile d'ajouter qu'il était absolument -défendu à l'orfèvre O'Reilly et à son aide de sortir sous quelque -prétexte que ce fût. Ce point réglé, le duc revint à d'Artagnan. - -«Maintenant, mon jeune ami, dit-il, l'Angleterre est à nous deux; -que voulez-vous, que désirez-vous? - --- Un lit, répondit d'Artagnan; c'est, pour le moment, je l'avoue, -la chose dont j'ai le plus besoin.» - -Buckingham donna à d'Artagnan une chambre qui touchait à la -sienne. Il voulait garder le jeune homme sous sa main, non pas -qu'il se défiât de lui, mais pour avoir quelqu'un à qui parler -constamment de la reine. - -Une heure après fut promulguée dans Londres l'ordonnance de ne -laisser sortir des ports aucun bâtiment chargé pour la France, pas -même le paquebot des lettres. Aux yeux de tous, c'était une -déclaration de guerre entre les deux royaumes. - -Le surlendemain, à onze heures, les deux ferrets en diamants -étaient achevés, mais si exactement imités, mais si parfaitement -pareils, que Buckingham ne put reconnaître les nouveaux des -anciens, et que les plus exercés en pareille matière y auraient -été trompés comme lui. - -Aussitôt il fit appeler d'Artagnan. - -«Tenez, lui dit-il, voici les ferrets de diamants que vous êtes -venu chercher, et soyez mon témoin que tout ce que la puissance -humaine pouvait faire, je l'ai fait. - --- Soyez tranquille, Milord: je dirai ce que j'ai vu; mais Votre -Grâce me remet les ferrets sans la boîte? - --- La boîte vous embarrasserait. D'ailleurs la boîte m'est -d'autant plus précieuse, qu'elle me reste seule. Vous direz que je -la garde. - --- Je ferai votre commission mot à mot, Milord. - --- Et maintenant, reprit Buckingham en regardant fixement le jeune -homme, comment m'acquitterai-je jamais envers vous?» - -D'Artagnan rougit jusqu'au blanc des yeux. Il vit que le duc -cherchait un moyen de lui faire accepter quelque chose, et cette -idée que le sang de ses compagnons et le sien lui allait être payé -par de l'or anglais lui répugnait étrangement. - -«Entendons-nous, Milord, répondit d'Artagnan, et pesons bien les -faits d'avance, afin qu'il n'y ait point de méprise. Je suis au -service du roi et de la reine de France, et fais partie de la -compagnie des gardes de M. des Essarts, lequel, ainsi que son -beau-frère M. de Tréville, est tout particulièrement attaché à -Leurs Majestés. J'ai donc tout fait pour la reine et rien pour -Votre Grâce. Il y a plus, c'est que peut-être n'eussé-je rien fait -de tout cela, s'il ne se fût agi d'être agréable à quelqu'un qui -est ma dame à moi, comme la reine est la vôtre. - --- Oui, dit le duc en souriant, et je crois même connaître cette -autre personne, c'est... - --- Milord, je ne l'ai point nommée, interrompit vivement le jeune -homme. - --- C'est juste, dit le duc; c'est donc à cette personne que je -dois être reconnaissant de votre dévouement. - --- Vous l'avez dit, Milord, car justement à cette heure qu'il est -question de guerre, je vous avoue que je ne vois dans votre Grâce -qu'un Anglais, et par conséquent qu'un ennemi que je serais encore -plus enchanté de rencontrer sur le champ de bataille que dans le -parc de Windsor ou dans les corridors du Louvre; ce qui, au reste, -ne m'empêchera pas d'exécuter de point en point ma mission et de -me faire tuer, si besoin est, pour l'accomplir; mais, je le répète -à Votre Grâce, sans qu'elle ait personnellement pour cela plus à -me remercier de ce que je fais pour moi dans cette seconde -entrevue, que de ce que j'ai déjà fait pour elle dans la première. - --- Nous disons, nous: "Fier comme un Écossais", murmura -Buckingham. - --- Et nous disons, nous: "Fier comme un Gascon", répondit -d'Artagnan. Les Gascons sont les Écossais de la France.» - -D'Artagnan salua le duc et s'apprêta à partir. - -«Eh bien, vous vous en allez comme cela? Par où? Comment? - --- C'est vrai. - --- Dieu me damne! les Français ne doutent de rien! - --- J'avais oublié que l'Angleterre était une île, et que vous en -étiez le roi. - --- Allez au port, demandez le brick le _Sund_, remettez cette -lettre au capitaine; il vous conduira à un petit port où certes on -ne vous attend pas, et où n'abordent ordinairement que des -bâtiments pêcheurs. - --- Ce port s'appelle? - --- Saint-Valery; mais, attendez donc: arrivé là, vous entrerez -dans une mauvaise auberge sans nom et sans enseigne, un véritable -bouge à matelots; il n'y a pas à vous tromper, il n'y en a qu'une. - --- Après? - --- Vous demanderez l'hôte, et vous lui direz: _Forward_. - --- Ce qui veut dire? - --- En avant: c'est le mot d'ordre. Il vous donnera un cheval tout -sellé et vous indiquera le chemin que vous devez suivre; vous -trouverez ainsi quatre relais sur votre route. Si vous voulez, à -chacun d'eux, donner votre adresse à Paris, les quatre chevaux -vous y suivront; vous en connaissez déjà deux, et vous m'avez paru -les apprécier en amateur: ce sont ceux que nous montions; -rapportez-vous en à moi, les autres ne leur sont point inférieurs. -Ces quatre chevaux sont équipés pour la campagne. Si fier que vous -soyez, vous ne refuserez pas d'en accepter un et de faire accepter -les trois autres à vos compagnons: c'est pour nous faire la -guerre, d'ailleurs. La fin excuse les moyens, comme vous dites, -vous autres Français, n'est-ce pas? - --- Oui, Milord, j'accepte, dit d'Artagnan; et s'il plaît à Dieu, -nous ferons bon usage de vos présents. - --- Maintenant, votre main, jeune homme; peut-être nous -rencontrerons-nous bientôt sur le champ de bataille; mais, en -attendant, nous nous quitterons bons amis, je l'espère. - --- Oui, Milord, mais avec l'espérance de devenir ennemis bientôt. - --- Soyez tranquille, je vous le promets. - --- Je compte sur votre parole, Milord.» - -D'Artagnan salua le duc et s'avança vivement vers le port. - -En face la Tour de Londres, il trouva le bâtiment désigné, remit -sa lettre au capitaine, qui la fit viser par le gouverneur du -port, et appareilla aussitôt. - -Cinquante bâtiments étaient en partance et attendaient. - -En passant bord à bord de l'un d'eux, d'Artagnan crut reconnaître -la femme de Meung, la même que le gentilhomme inconnu avait -appelée «Milady», et que lui, d'Artagnan, avait trouvée si belle; -mais grâce au courant du fleuve et au bon vent qui soufflait, son -navire allait si vite qu'au bout d'un instant on fut hors de vue. - -Le lendemain, vers neuf heures du matin, on aborda à Saint-Valery. - -D'Artagnan se dirigea à l'instant même vers l'auberge indiquée, et -la reconnut aux cris qui s'en échappaient: on parlait de guerre -entre l'Angleterre et la France comme de chose prochaine et -indubitable, et les matelots joyeux faisaient bombance. - -D'Artagnan fendit la foule, s'avança vers l'hôte, et prononça le -mot _Forward_. À l'instant même, l'hôte lui fit signe de le -suivre, sortit avec lui par une porte qui donnait dans la cour, le -conduisit à l'écurie où l'attendait un cheval tout sellé, et lui -demanda s'il avait besoin de quelque autre chose. - -«J'ai besoin de connaître la route que je dois suivre, dit -d'Artagnan. - --- Allez d'ici à Blangy, et de Blangy à Neufchâtel. À Neufchâtel, -entrez à l'auberge de la Herse d'Or, donnez le mot d'ordre à -l'hôtelier, et vous trouverez comme ici un cheval tout sellé. - --- Dois-je quelque chose? demanda d'Artagnan. - --- Tout est payé, dit l'hôte, et largement. Allez donc, et que -Dieu vous conduise! - --- Amen!» répondit le jeune homme en partant au galop. - -Quatre heures après, il était à Neufchâtel. - -Il suivit strictement les instructions reçues; à Neufchâtel, comme -à Saint-Valery, il trouva une monture toute sellée et qui -l'attendait; il voulut transporter les pistolets de la selle qu'il -venait de quitter à la selle qu'il allait prendre: les fontes -étaient garnies de pistolets pareils. - -«Votre adresse à Paris? - --- Hôtel des Gardes, compagnie des Essarts. - --- Bien, répondit celui-ci. - --- Quelle route faut-il prendre? demanda à son tour d'Artagnan. - --- Celle de Rouen; mais vous laisserez la ville à votre droite. Au -petit village d'Écouis, vous vous arrêterez, il n'y a qu'une -auberge, l'Écu de France. Ne la jugez pas d'après son apparence; -elle aura dans ses écuries un cheval qui vaudra celui-ci. - --- Même mot d'ordre? - --- Exactement. - --- Adieu, maître! - --- Bon voyage, gentilhomme! avez-vous besoin de quelque chose?» - -D'Artagnan fit signe de la tête que non, et repartit à fond de -train. À Écouis, la même scène se répéta: il trouva un hôte aussi -prévenant, un cheval frais et reposé; il laissa son adresse comme -il l'avait fait, et repartit du même train pour Pontoise. À -Pontoise, il changea une dernière fois de monture, et à neuf -heures il entrait au grand galop dans la cour de l'hôtel de -M. de Tréville. - -Il avait fait près de soixante lieues en douze heures. - -M. de Tréville le reçut comme s'il l'avait vu le matin même; -seulement, en lui serrant la main un peu plus vivement que de -coutume, il lui annonça que la compagnie de M. des Essarts était -de garde au Louvre et qu'il pouvait se rendre à son poste. - - -CHAPITRE XXII -LE BALLET DE LA MERLAISON - -Le lendemain, il n'était bruit dans tout Paris que du bal que -MM. les échevins de la ville donnaient au roi et à la reine, et -dans lequel Leurs Majestés devaient danser le fameux ballet de la -Merlaison, qui était le ballet favori du roi. - -Depuis huit jours on préparait, en effet, toutes choses à l'Hôtel -de Ville pour cette solennelle soirée. Le menuisier de la ville -avait dressé des échafauds sur lesquels devaient se tenir les -dames invitées; l'épicier de la ville avait garni les salles de -deux cents flambeaux de cire blanche, ce qui était un luxe inouï -pour cette époque; enfin vingt violons avaient été prévenus, et le -prix qu'on leur accordait avait été fixé au double du prix -ordinaire, attendu, dit ce rapport, qu'ils devaient sonner toute -la nuit. - -À dix heures du matin, le sieur de La Coste, enseigne des gardes -du roi, suivi de deux exempts et de plusieurs archers du corps, -vint demander au greffier de la ville, nommé Clément, toutes les -clefs des portes, des chambres et bureaux de l'Hôtel. Ces clefs -lui furent remises à l'instant même; chacune d'elles portait un -billet qui devait servir à la faire reconnaître, et à partir de ce -moment le sieur de La Coste fut chargé de la garde de toutes les -portes et de toutes les avenues. - -À onze heures vint à son tour Duhallier, capitaine des gardes, -amenant avec lui cinquante archers qui se répartirent aussitôt -dans l'Hôtel de Ville, aux portes qui leur avaient été assignées. - -À trois heures arrivèrent deux compagnies des gardes, l'une -française l'autre suisse. La compagnie des gardes françaises était -composée moitié des hommes de M. Duhallier, moitié des hommes de -M. des Essarts. - -À six heures du soir les invités commencèrent à entrer. À mesure -qu'ils entraient, ils étaient placés dans la grande salle, sur les -échafauds préparés. - -À neuf heures arriva Mme la Première présidente. Comme c'était, -après la reine, la personne la plus considérable de la fête, elle -fut reçue par messieurs de la ville et placée dans la loge en face -de celle que devait occuper la reine. - -À dix heures on dressa la collation des confitures pour le roi, -dans la petite salle du côté de l'église Saint-Jean, et cela en -face du buffet d'argent de la ville, qui était gardé par quatre -archers. - -À minuit on entendit de grands cris et de nombreuses acclamations: -c'était le roi qui s'avançait à travers les rues qui conduisent du -Louvre à l'Hôtel de Ville, et qui étaient toutes illuminées avec -des lanternes de couleur. - -Aussitôt MM. les échevins, vêtus de leurs robes de drap et -précédés de six sergents tenant chacun un flambeau à la main, -allèrent au-devant du roi, qu'ils rencontrèrent sur les degrés, où -le prévôt des marchands lui fit compliment sur sa bienvenue, -compliment auquel Sa Majesté répondit en s'excusant d'être venue -si tard, mais en rejetant la faute sur M. le cardinal, lequel -l'avait retenue jusqu'à onze heures pour parler des affaires de -l'État. - -Sa Majesté, en habit de cérémonie, était accompagnée de S.A.R. -Monsieur, du comte de Soissons, du grand prieur, du duc de -Longueville, du duc d'Elbeuf, du comte d'Harcourt, du comte de La -Roche-Guyon, de M. de Liancourt, de M. de Baradas, du comte de -Cramail et du chevalier de Souveray. - -Chacun remarqua que le roi avait l'air triste et préoccupé. - -Un cabinet avait été préparé pour le roi, et un autre pour -Monsieur. Dans chacun de ces cabinets étaient déposés des habits -de masques. Autant avait été fait pour la reine et pour Mme la -présidente. Les seigneurs et les dames de la suite de Leurs -Majestés devaient s'habiller deux par deux dans des chambres -préparées à cet effet. - -Avant d'entrer dans le cabinet, le roi recommanda qu'on le vînt -prévenir aussitôt que paraîtrait le cardinal. - -Une demi-heure après l'entrée du roi, de nouvelles acclamations -retentirent: celles-là annonçaient l'arrivée de la reine: les -échevins firent ainsi qu'ils avaient fait déjà et, précédés des -sergents, ils s'avancèrent au devant de leur illustre convive. - -La reine entra dans la salle: on remarqua que, comme le roi, elle -avait l'air triste et surtout fatigué. - -Au moment où elle entrait, le rideau d'une petite tribune qui -jusque-là était resté fermé s'ouvrit, et l'on vit apparaître la -tête pâle du cardinal vêtu en cavalier espagnol. Ses yeux se -fixèrent sur ceux de la reine, et un sourire de joie terrible -passa sur ses lèvres: la reine n'avait pas ses ferrets de -diamants. - -La reine resta quelque temps à recevoir les compliments de -messieurs de la ville et à répondre aux saluts des dames. - -Tout à coup, le roi apparut avec le cardinal à l'une des portes de -la salle. Le cardinal lui parlait tout bas, et le roi était très -pâle. - -Le roi fendit la foule et, sans masque, les rubans de son -pourpoint à peine noués, il s'approcha de la reine, et d'une voix -altérée: - -«Madame, lui dit-il, pourquoi donc, s'il vous plaît, n'avez-vous -point vos ferrets de diamants, quand vous savez qu'il m'eût été -agréable de les voir?» - -La reine étendit son regard autour d'elle, et vit derrière le roi -le cardinal qui souriait d'un sourire diabolique. - -«Sire, répondit la reine d'une voix altérée, parce qu'au milieu de -cette grande foule j'ai craint qu'il ne leur arrivât malheur. - --- Et vous avez eu tort, madame! Si je vous ai fait ce cadeau, -c'était pour que vous vous en pariez. Je vous dis que vous avez eu -tort.» - -Et la voix du roi était tremblante de colère; chacun regardait et -écoutait avec étonnement, ne comprenant rien à ce qui se passait. - -«Sire, dit la reine, je puis les envoyer chercher au Louvre, où -ils sont, et ainsi les désirs de Votre Majesté seront accomplis. - --- Faites, madame, faites, et cela au plus tôt: car dans une heure -le ballet va commencer.» - -La reine salua en signe de soumission et suivit les dames qui -devaient la conduire à son cabinet. - -De son côté, le roi regagna le sien. - -Il y eut dans la salle un moment de trouble et de confusion. - -Tout le monde avait pu remarquer qu'il s'était passé quelque chose -entre le roi et la reine; mais tous deux avaient parlé si bas, -que, chacun par respect s'étant éloigné de quelques pas, personne -n'avait rien entendu. Les violons sonnaient de toutes leurs -forces, mais on ne les écoutait pas. - -Le roi sortit le premier de son cabinet; il était en costume de -chasse des plus élégants, et Monsieur et les autres seigneurs -étaient habillés comme lui. C'était le costume que le roi portait -le mieux, et vêtu ainsi il semblait véritablement le premier -gentilhomme de son royaume. - -Le cardinal s'approcha du roi et lui remit une boîte. Le roi -l'ouvrit et y trouva deux ferrets de diamants. - -«Que veut dire cela? demanda-t-il au cardinal. - --- Rien, répondit celui-ci; seulement si la reine a les ferrets, -ce dont je doute, comptez-les, Sire, et si vous n'en trouvez que -dix, demandez à Sa Majesté qui peut lui avoir dérobé les deux -ferrets que voici.» - -Le roi regarda le cardinal comme pour l'interroger; mais il n'eut -le temps de lui adresser aucune question: un cri d'admiration -sortit de toutes les bouches. Si le roi semblait le premier -gentilhomme de son royaume, la reine était à coup sûr la plus -belle femme de France. - -Il est vrai que sa toilette de chasseresse lui allait à merveille; -elle avait un chapeau de feutre avec des plumes bleues, un surtout -en velours gris perle rattaché avec des agrafes de diamants, et -une jupe de satin bleu toute brodée d'argent. Sur son épaule -gauche étincelaient les ferrets soutenus par un noeud de même -couleur que les plumes et la jupe. - -Le roi tressaillit de joie et le cardinal de colère; cependant, -distants comme ils l'étaient de la reine, ils ne pouvaient compter -les ferrets; la reine les avait, seulement en avait-elle dix ou en -avait-elle douze? - -En ce moment, les violons sonnèrent le signal du ballet. Le roi -s'avança vers Mme la présidente, avec laquelle il devait danser, -et S.A.R. Monsieur avec la reine. On se mit en place, et le ballet -commença. - -Le roi figurait en face de la reine, et chaque fois qu'il passait -près d'elle, il dévorait du regard ces ferrets, dont il ne pouvait -savoir le compte. Une sueur froide couvrait le front du cardinal. - -Le ballet dura une heure; il avait seize entrées. - -Le ballet finit au milieu des applaudissements de toute la salle, -chacun reconduisit sa dame à sa place; mais le roi profita du -privilège qu'il avait de laisser la sienne où il se trouvait, pour -s'avancer vivement vers la reine. - -«Je vous remercie, madame, lui dit-il, de la déférence que vous -avez montrée pour mes désirs, mais je crois qu'il vous manque deux -ferrets, et je vous les rapporte.» - -À ces mots, il tendit à la reine les deux ferrets que lui avait -remis le cardinal. - -«Comment, Sire! s'écria la jeune reine jouant la surprise, vous -m'en donnez encore deux autres; mais alors cela m'en fera donc -quatorze?» - -En effet, le roi compta, et les douze ferrets se trouvèrent sur -l'épaule de Sa Majesté. - -Le roi appela le cardinal: - -«Eh bien, que signifie cela, monsieur le cardinal? demanda le roi -d'un ton sévère. - --- Cela signifie, Sire, répondit le cardinal, que je désirais -faire accepter ces deux ferrets à Sa Majesté, et que n'osant les -lui offrir moi-même, j'ai adopté ce moyen. - --- Et j'en suis d'autant plus reconnaissante à Votre Éminence, -répondit Anne d'Autriche avec un sourire qui prouvait qu'elle -n'était pas dupe de cette ingénieuse galanterie, que je suis -certaine que ces deux ferrets vous coûtent aussi cher à eux seuls -que les douze autres ont coûté à Sa Majesté.» - -Puis, ayant salué le roi et le cardinal, la reine reprit le chemin -de la chambre où elle s'était habillée et où elle devait se -dévêtir. - -L'attention que nous avons été obligés de donner pendant le -commencement de ce chapitre aux personnages illustres que nous y -avons introduits nous a écartés un instant de celui à qui Anne -d'Autriche devait le triomphe inouï qu'elle venait de remporter -sur le cardinal, et qui, confondu, ignoré, perdu dans la foule -entassée à l'une des portes, regardait de là cette scène -compréhensible seulement pour quatre personnes: le roi, la reine, -Son Éminence et lui. - -La reine venait de regagner sa chambre, et d'Artagnan s'apprêtait -à se retirer, lorsqu'il sentit qu'on lui touchait légèrement -l'épaule; il se retourna, et vit une jeune femme qui lui faisait -signe de la suivre. Cette jeune femme avait le visage couvert d'un -loup de velours noir, mais malgré cette précaution, qui, au reste, -était bien plutôt prise pour les autres que pour lui, il reconnut -à l'instant même son guide ordinaire, la légère et spirituelle -Mme Bonacieux. - -La veille ils s'étaient vus à peine chez le suisse Germain, où -d'Artagnan l'avait fait demander. La hâte qu'avait la jeune femme -de porter à la reine cette excellente nouvelle de l'heureux retour -de son messager fit que les deux amants échangèrent à peine -quelques paroles. D'Artagnan suivit donc Mme Bonacieux, mû par un -double sentiment, l'amour et la curiosité. Pendant toute la route, -et à mesure que les corridors devenaient plus déserts, d'Artagnan -voulait arrêter la jeune femme, la saisir, la contempler, ne fût- -ce qu'un instant; mais, vive comme un oiseau, elle glissait -toujours entre ses mains, et lorsqu'il voulait parler, son doigt -ramené sur sa bouche avec un petit geste impératif plein de charme -lui rappelait qu'il était sous l'empire d'une puissance à laquelle -il devait aveuglément obéir, et qui lui interdisait jusqu'à la -plus légère plainte; enfin, après une minute ou deux de tours et -de détours, Mme Bonacieux ouvrit une porte et introduisit le jeune -homme dans un cabinet tout à fait obscur. Là elle lui fit un -nouveau signe de mutisme, et ouvrant une seconde porte cachée par -une tapisserie dont les ouvertures répandirent tout à coup une -vive lumière, elle disparut. - -D'Artagnan demeura un instant immobile et se demandant où il -était, mais bientôt un rayon de lumière qui pénétrait par cette -chambre, l'air chaud et parfumé qui arrivait jusqu'à lui, la -conversation de deux ou trois femmes, au langage à la fois -respectueux et élégant, le mot de Majesté plusieurs fois répété, -lui indiquèrent clairement qu'il était dans un cabinet attenant à -la chambre de la reine. - -Le jeune homme se tint dans l'ombre et attendit. - -La reine paraissait gaie et heureuse, ce qui semblait fort étonner -les personnes qui l'entouraient, et qui avaient au contraire -l'habitude de la voir presque toujours soucieuse. La reine -rejetait ce sentiment joyeux sur la beauté de la fête, sur le -plaisir que lui avait fait éprouver le ballet, et comme il n'est -pas permis de contredire une reine, qu'elle sourie ou qu'elle -pleure, chacun renchérissait sur la galanterie de MM. les échevins -de la ville de Paris. - -Quoique d'Artagnan ne connût point la reine, il distingua sa voix -des autres voix, d'abord à un léger accent étranger, puis à ce -sentiment de domination naturellement empreint dans toutes les -paroles souveraines. Il l'entendait s'approcher et s'éloigner de -cette porte ouverte, et deux ou trois fois il vit même l'ombre -d'un corps intercepter la lumière. - -Enfin, tout à coup une main et un bras adorables de forme et de -blancheur passèrent à travers la tapisserie; d'Artagnan comprit -que c'était sa récompense: il se jeta à genoux, saisit cette main -et appuya respectueusement ses lèvres; puis cette main se retira -laissant dans les siennes un objet qu'il reconnut pour être une -bague; aussitôt la porte se referma, et d'Artagnan se retrouva -dans la plus complète obscurité. - -D'Artagnan mit la bague à son doigt et attendit de nouveau; il -était évident que tout n'était pas fini encore. - -Après la récompense de son dévouement venait la récompense de son -amour. D'ailleurs, le ballet était dansé, mais la soirée était à -peine commencée: on soupait à trois heures, et l'horloge Saint- -Jean, depuis quelque temps déjà, avait sonné deux heures trois -quarts. - -En effet, peu à peu le bruit des voix diminua dans la chambre -voisine; puis on l'entendit s'éloigner; puis la porte du cabinet -où était d'Artagnan se rouvrit, et Mme Bonacieux s'y élança. - -«Vous, enfin! s'écria d'Artagnan. - --- Silence! dit la jeune femme en appuyant sa main sur les lèvres -du jeune homme: silence! et allez-vous-en par où vous êtes venu. - --- Mais où et quand vous reverrai-je? s'écria d'Artagnan. - --- Un billet que vous trouverez en rentrant vous le dira. Partez, -partez!» - -Et à ces mots elle ouvrit la porte du corridor et poussa -d'Artagnan hors du cabinet. - -D'Artagnan obéit comme un enfant, sans résistance et sans -objection aucune, ce qui prouve qu'il était bien réellement -amoureux. - - -CHAPITRE XXIII -LE RENDEZ-VOUS - -D'Artagnan revint chez lui tout courant, et quoiqu'il fût plus de -trois heures du matin, et qu'il eût les plus méchants quartiers de -Paris à traverser, il ne fit aucune mauvaise rencontre. On sait -qu'il y a un dieu pour les ivrognes et les amoureux. - -Il trouva la porte de son allée entrouverte, monta son escalier, -et frappa doucement et d'une façon convenue entre lui et son -laquais. Planchet, qu'il avait renvoyé deux heures auparavant de -l'Hôtel de Ville en lui recommandant de l'attendre, vint lui -ouvrir la porte. - -«Quelqu'un a-t-il apporté une lettre pour moi? demanda vivement -d'Artagnan. - --- Personne n'a apporté de lettre, monsieur, répondit Planchet; -mais il y en a une qui est venue toute seule. - --- Que veux-tu dire, imbécile? - --- Je veux dire qu'en rentrant, quoique j'eusse la clef de votre -appartement dans ma poche et que cette clef ne m'eût point quitté, -j'ai trouvé une lettre sur le tapis vert de la table, dans votre -chambre à coucher. - --- Et où est cette lettre? - --- Je l'ai laissée où elle était, monsieur. Il n'est pas naturel -que les lettres entrent ainsi chez les gens. Si la fenêtre était -ouverte encore, ou seulement entrebâillée je ne dis pas; mais non, -tout était hermétiquement fermé. Monsieur, prenez garde, car il y -a très certainement quelque magie là-dessous.» - -Pendant ce temps, le jeune homme s'élançait dans la chambre et -ouvrait la lettre; elle était de Mme Bonacieux, et conçue en ces -termes: - -«On a de vifs remerciements à vous faire et à vous transmettre. -Trouvez-vous ce soir vers dix heures à Saint-Cloud, en face du -pavillon qui s'élève à l'angle de la maison de M. d'Estrées. - -«C. B.» - -En lisant cette lettre, d'Artagnan sentait son coeur se dilater et -s'étreindre de ce doux spasme qui torture et caresse le coeur des -amants. - -C'était le premier billet qu'il recevait, c'était le premier -rendez-vous qui lui était accordé. Son coeur, gonflé par l'ivresse -de la joie, se sentait prêt à défaillir sur le seuil de ce paradis -terrestre qu'on appelait l'amour. - -«Eh bien! monsieur, dit Planchet, qui avait vu son maître rougir -et pâlir successivement; eh bien! n'est-ce pas que j'avais deviné -juste et que c'est quelque méchante affaire? - --- Tu te trompes, Planchet, répondit d'Artagnan, et la preuve, -c'est que voici un écu pour que tu boives à ma santé. - --- Je remercie monsieur de l'écu qu'il me donne, et je lui promets -de suivre exactement ses instructions; mais il n'en est pas moins -vrai que les lettres qui entrent ainsi dans les maisons fermées... - --- Tombent du ciel, mon ami, tombent du ciel. - --- Alors, monsieur est content? demanda Planchet. - --- Mon cher Planchet, je suis le plus heureux des hommes! - --- Et je puis profiter du bonheur de monsieur pour aller me -coucher? - --- Oui, va. - --- Que toutes les bénédictions du Ciel tombent sur monsieur, mais -il n'en est pas moins vrai que cette lettre...» - -Et Planchet se retira en secouant la tête avec un air de doute que -n'était point parvenu à effacer entièrement la libéralité de -d'Artagnan. - -Resté seul, d'Artagnan lut et relut son billet, puis il baisa et -rebaisa vingt fois ces lignes tracées par la main de sa belle -maîtresse. Enfin il se coucha, s'endormit et fit des rêves d'or. - -À sept heures du matin, il se leva et appela Planchet, qui, au -second appel, ouvrit la porte, le visage encore mal nettoyé des -inquiétudes de la veille. - -«Planchet, lui dit d'Artagnan, je sors pour toute la journée peut- -être; tu es donc libre jusqu'à sept heures du soir; mais, à sept -heures du soir, tiens-toi prêt avec deux chevaux. - --- Allons! dit Planchet, il paraît que nous allons encore nous -faire traverser la peau en plusieurs endroits. - --- Tu prendras ton mousqueton et tes pistolets. - --- Eh bien, que disais-je? s'écria Planchet. Là, j'en étais sûr, -maudite lettre! - --- Mais rassure-toi donc, imbécile, il s'agit tout simplement -d'une partie de plaisir. - --- Oui! comme les voyages d'agrément de l'autre jour, où il -pleuvait des balles et où il poussait des chausse-trapes. - --- Au reste, si vous avez peur, monsieur Planchet, reprit -d'Artagnan, j'irai sans vous; j'aime mieux voyager seul que -d'avoir un compagnon qui tremble. - --- Monsieur me fait injure, dit Planchet; il me semblait cependant -qu'il m'avait vu à l'oeuvre. - --- Oui, mais j'ai cru que tu avais usé tout ton courage d'une -seule fois. - --- Monsieur verra que dans l'occasion il m'en reste encore; -seulement je prie monsieur de ne pas trop le prodiguer, s'il veut -qu'il m'en reste longtemps. - --- Crois-tu en avoir encore une certaine somme à dépenser ce soir? - --- Je l'espère. - --- Eh bien, je compte sur toi. - --- À l'heure dite, je serai prêt; seulement je croyais que -monsieur n'avait qu'un cheval à l'écurie des gardes. - --- Peut-être n'y en a-t-il qu'un encore dans ce moment-ci, mais ce -soir il y en aura quatre. - --- Il paraît que notre voyage était un voyage de remonte? - --- Justement», dit d'Artagnan. - -Et ayant fait à Planchet un dernier geste de recommandation, il -sortit. - -M. Bonacieux était sur sa porte. L'intention de d'Artagnan était -de passer outre, sans parler au digne mercier; mais celui-ci fit -un salut si doux et si bénin, que force fut à son locataire non -seulement de le lui rendre, mais encore de lier conversation avec -lui. - -Comment d'ailleurs ne pas avoir un peu de condescendance pour un -mari dont la femme vous a donné un rendez-vous le soir même à -Saint-Cloud, en face du pavillon de M. d'Estrées! D'Artagnan -s'approcha de l'air le plus aimable qu'il put prendre. - -La conversation tomba tout naturellement sur l'incarcération du -pauvre homme. M. Bonacieux, qui ignorait que d'Artagnan eût -entendu sa conversation avec l'inconnu de Meung, raconta à son -jeune locataire les persécutions de ce monstre de M. de Laffemas, -qu'il ne cessa de qualifier pendant tout son récit du titre de -bourreau du cardinal et s'étendit longuement sur la Bastille, les -verrous, les guichets, les soupiraux, les grilles et les -instruments de torture. - -D'Artagnan l'écouta avec une complaisance exemplaire puis, -lorsqu'il eut fini: - -«Et Mme Bonacieux, dit-il enfin, savez-vous qui l'avait enlevée? -car je n'oublie pas que c'est à cette circonstance fâcheuse que je -dois le bonheur d'avoir fait votre connaissance. - --- Ah! dit M. Bonacieux, ils se sont bien gardés de me le dire, et -ma femme de son côté m'a juré ses grands dieux qu'elle ne le -savait pas. Mais vous-même, continua M. Bonacieux d'un ton de -bonhomie parfaite, qu'êtes-vous devenu tous ces jours passés? je -ne vous ai vu, ni vous ni vos amis, et ce n'est pas sur le pavé de -Paris, je pense, que vous avez ramassé toute la poussière que -Planchet époussetait hier sur vos bottes. - --- Vous avez raison, mon cher monsieur Bonacieux, mes amis et moi -nous avons fait un petit voyage. - --- Loin d'ici? - --- Oh! mon Dieu non, à une quarantaine de lieues seulement; nous -avons été conduire M. Athos aux eaux de Forges, où mes amis sont -restés. - --- Et vous êtes revenu, vous, n'est-ce pas? reprit M. Bonacieux en -donnant à sa physionomie son air le plus malin. Un beau garçon -comme vous n'obtient pas de longs congés de sa maîtresse, et nous -étions impatiemment attendu à Paris, n'est-ce pas? - --- Ma foi, dit en riant le jeune homme, je vous l'avoue, d'autant -mieux, mon cher monsieur Bonacieux, que je vois qu'on ne peut rien -vous cacher. Oui, j'étais attendu, et bien impatiemment, je vous -en réponds.» - -Un léger nuage passa sur le front de Bonacieux, mais si léger, que -d'Artagnan ne s'en aperçut pas. - -«Et nous allons être récompensé de notre diligence? continua le -mercier avec une légère altération dans la voix, altération que -d'Artagnan ne remarqua pas plus qu'il n'avait fait du nuage -momentané qui, un instant auparavant, avait assombri la figure du -digne homme. - --- Ah! faites donc le bon apôtre! dit en riant d'Artagnan. - --- Non, ce que je vous en dis, reprit Bonacieux, c'est seulement -pour savoir si nous rentrons tard. - --- Pourquoi cette question, mon cher hôte? demanda d'Artagnan; -est-ce que vous comptez m'attendre? - --- Non, c'est que depuis mon arrestation et le vol qui a été -commis chez moi, je m'effraie chaque fois que j'entends ouvrir une -porte, et surtout la nuit. Dame, que voulez-vous! je ne suis point -homme d'épée, moi! - --- Eh bien, ne vous effrayez pas si je rentre à une heure, à deux -ou trois heures du matin; si je ne rentre pas du tout, ne vous -effrayez pas encore.» - -Cette fois, Bonacieux devint si pâle, que d'Artagnan ne put faire -autrement que de s'en apercevoir, et lui demanda ce qu'il avait. - -«Rien, répondit Bonacieux, rien. Depuis mes malheurs seulement, je -suis sujet à des faiblesses qui me prennent tout à coup, et je -viens de me sentir passer un frisson. Ne faites pas attention à -cela, vous qui n'avez à vous occuper que d'être heureux. - --- Alors j'ai de l'occupation, car je le suis. - --- Pas encore, attendez donc, vous avez dit: à ce soir. - --- Eh bien, ce soir arrivera, Dieu merci! et peut-être l'attendez- -vous avec autant d'impatience que moi. Peut-être, ce soir, -Mme Bonacieux visitera-t-elle le domicile conjugal. - --- Mme Bonacieux n'est pas libre ce soir, répondit gravement le -mari; elle est retenue au Louvre par son service. - --- Tant pis pour vous, mon cher hôte, tant pis; quand je suis -heureux, moi, je voudrais que tout le monde le fût; mais il paraît -que ce n'est pas possible.» - -Et le jeune homme s'éloigna en riant aux éclats de la plaisanterie -que lui seul, pensait-il, pouvait comprendre. - -«Amusez-vous bien!» répondit Bonacieux d'un air sépulcral. - -Mais d'Artagnan était déjà trop loin pour l'entendre, et l'eut-il -entendu, dans la disposition d'esprit où il était, il ne l'eût -certes pas remarqué. - -Il se dirigea vers l'hôtel de M. de Tréville; sa visite de la -veille avait été, on se le rappelle, très courte et très peu -explicative. - -Il trouva M. de Tréville dans la joie de son âme. Le roi et la -reine avaient été charmants pour lui au bal. Il est vrai que le -cardinal avait été parfaitement maussade. - -À une heure du matin, il s'était retiré sous prétexte qu'il était -indisposé. Quant à Leurs Majestés, elles n'étaient rentrées au -Louvre qu'à six heures du matin. - -«Maintenant, dit M. de Tréville en baissant la voix et en -interrogeant du regard tous les angles de l'appartement pour voir -s'ils étaient bien seuls, maintenant parlons de vous, mon jeune -ami, car il est évident que votre heureux retour est pour quelque -chose dans la joie du roi, dans le triomphe de la reine et dans -l'humiliation de Son Éminence. Il s'agit de bien vous tenir. - --- Qu'ai-je à craindre, répondit d'Artagnan, tant que j'aurai le -bonheur de jouir de la faveur de Leurs Majestés? - --- Tout, croyez-moi. Le cardinal n'est point homme à oublier une -mystification tant qu'il n'aura pas réglé ses comptes avec le -mystificateur, et le mystificateur m'a bien l'air d'être certain -Gascon de ma connaissance. - --- Croyez-vous que le cardinal soit aussi avancé que vous et sache -que c'est moi qui ai été à Londres? - --- Diable! vous avez été à Londres. Est-ce de Londres que vous -avez rapporté ce beau diamant qui brille à votre doigt? Prenez -garde, mon cher d'Artagnan, ce n'est pas une bonne chose que le -présent d'un ennemi; n'y a-t-il pas là-dessus certain vers -latin... Attendez donc... - --- Oui, sans doute, reprit d'Artagnan, qui n'avait jamais pu se -fourrer la première règle du rudiment dans la tête, et qui, par -ignorance, avait fait le désespoir de son précepteur; oui, sans -doute, il doit y en avoir un. - --- Il y en a un certainement, dit M. de Tréville, qui avait une -teinte de lettres, et M. de Benserade me le citait l'autre jour... -Attendez donc... Ah! m'y voici: - -_... timeo Danaos et donaña ferentes_ - -«Ce qui veut dire: "Défiez-vous de l'ennemi qui vous fait des -présents." - --- Ce diamant ne vient pas d'un ennemi, monsieur, reprit -d'Artagnan, il vient de la reine. - --- De la reine! oh! oh! dit M. de Tréville. Effectivement, c'est -un véritable bijou royal, qui vaut mille pistoles comme un denier. -Par qui la reine vous a-t-elle fait remettre ce cadeau? - --- Elle me l'a remis elle-même. - --- Où cela? - --- Dans le cabinet attenant à la chambre où elle a changé de -toilette. - --- Comment? - --- En me donnant sa main à baiser. - --- Vous avez baisé la main de la reine! s'écria M. de Tréville en -regardant d'Artagnan. - --- Sa Majesté m'a fait l'honneur de m'accorder cette grâce! - --- Et cela en présence de témoins? Imprudente, trois fois -imprudente! - --- Non, monsieur, rassurez-vous, personne ne l'a vue», reprit -d'Artagnan. Et il raconta à M. de Tréville comment les choses -s'étaient passées. - -«Oh! les femmes, les femmes! s'écria le vieux soldat, je les -reconnais bien à leur imagination romanesque; tout ce qui sent le -mystérieux les charme; ainsi vous avez vu le bras, voilà tout; -vous rencontreriez la reine, que vous ne la reconnaîtriez pas; -elle vous rencontrerait, qu'elle ne saurait pas qui vous êtes. - --- Non, mais grâce à ce diamant..., reprit le jeune homme. - --- Écoutez, dit M. de Tréville, voulez-vous que je vous donne un -conseil, un bon conseil, un conseil d'ami? - --- Vous me ferez honneur, monsieur, dit d'Artagnan. - --- Eh bien, allez chez le premier orfèvre venu et vendez-lui ce -diamant pour le prix qu'il vous en donnera; si juif qu'il soit, -vous en trouverez toujours bien huit cents pistoles. Les pistoles -n'ont pas de nom, jeune homme, et cette bague en a un terrible, ce -qui peut trahir celui qui la porte. - --- Vendre cette bague! une bague qui vient de ma souveraine! -jamais, dit d'Artagnan. - --- Alors tournez-en le chaton en dedans, pauvre fou, car on sait -qu'un cadet de Gascogne ne trouve pas de pareils bijoux dans -l'écrin de sa mère. - --- Vous croyez donc que j'ai quelque chose à craindre? demanda -d'Artagnan. - --- C'est-à-dire, jeune homme, que celui qui s'endort sur une mine -dont la mèche est allumée doit se regarder comme en sûreté en -comparaison de vous. - --- Diable! dit d'Artagnan, que le ton d'assurance de -M. de Tréville commençait à inquiéter: diable, que faut-il faire? - --- Vous tenir sur vos gardes toujours et avant toute chose. Le -cardinal a la mémoire tenace et la main longue; croyez-moi, il -vous jouera quelque tour. - --- Mais lequel? - --- Eh! le sais-je, moi! est-ce qu'il n'a pas à son service toutes -les ruses du démon? Le moins qui puisse vous arriver est qu'on -vous arrête. - --- Comment! on oserait arrêter un homme au service de Sa Majesté? - --- Pardieu! on s'est bien gêné pour Athos! En tout cas, jeune -homme, croyez-en un homme qui est depuis trente ans à la cour: ne -vous endormez pas dans votre sécurité, ou vous êtes perdu. Bien au -contraire, et c'est moi qui vous le dis, voyez des ennemis -partout. Si l'on vous cherche querelle, évitez-la, fût-ce un -enfant de dix ans qui vous la cherche; si l'on vous attaque de -nuit ou de jour, battez en retraite et sans honte; si vous -traversez un pont, tâtez les planches, de peur qu'une planche ne -vous manque sous le pied; si vous passez devant une maison qu'on -bâtit, regardez en l'air de peur qu'une pierre ne vous tombe sur -la tête; si vous rentrez tard, faites-vous suivre par votre -laquais, et que votre laquais soit armé, si toutefois vous êtes -sûr de votre laquais. Défiez-vous de tout le monde, de votre ami, -de votre frère, de votre maîtresse, de votre maîtresse surtout.» - -D'Artagnan rougit. - -«De ma maîtresse, répéta-t-il machinalement; et pourquoi plutôt -d'elle que d'un autre? - --- C'est que la maîtresse est un des moyens favoris du cardinal, -il n'en a pas de plus expéditif: une femme vous vend pour dix -pistoles, témoin Dalila. Vous savez les Écritures, hein?» - -D'Artagnan pensa au rendez-vous que lui avait donné Mme Bonacieux -pour le soir même; mais nous devons dire, à la louange de notre -héros, que la mauvaise opinion que M. de Tréville avait des femmes -en général ne lui inspira pas le moindre petit soupçon contre sa -jolie hôtesse. - -«Mais, à propos, reprit M. de Tréville, que sont devenus vos trois -compagnons? - --- J'allais vous demander si vous n'en aviez pas appris quelques -nouvelles. - --- Aucune, monsieur. - --- Eh bien, je les ai laissés sur ma route: Porthos à Chantilly, -avec un duel sur les bras; Aramis à Crèvecoeur, avec une balle -dans l'épaule; et Athos à Amiens, avec une accusation de faux- -monnayeur sur le corps. - --- Voyez-vous! dit M. de Tréville; et comment vous êtes-vous -échappé, vous? - --- Par miracle, monsieur, je dois le dire, avec un coup d'épée -dans la poitrine, et en clouant M. le comte de Wardes sur le -revers de la route de Calais, comme un papillon à une tapisserie. - --- Voyez-vous encore! de Wardes, un homme au cardinal, un cousin -de Rochefort. Tenez, mon cher ami, il me vient une idée. - --- Dites, monsieur. - --- À votre place, je ferais une chose. - --- Laquelle? - --- Tandis que Son Éminence me ferait chercher à Paris, je -reprendrais, moi, sans tambour ni trompette, la route de Picardie, -et je m'en irais savoir des nouvelles de mes trois compagnons. Que -diable! ils méritent bien cette petite attention de votre part. - --- Le conseil est bon, monsieur, et demain je partirai. - --- Demain! et pourquoi pas ce soir? - --- Ce soir, monsieur, je suis retenu à Paris par une affaire -indispensable. - --- Ah! jeune homme! jeune homme! quelque amourette? Prenez garde, -je vous le répète: c'est la femme qui nous a perdus, tous tant que -nous sommes. Croyez-moi, partez ce soir. - --- Impossible! monsieur. - --- Vous avez donc donné votre parole? - --- Oui, monsieur. - --- Alors c'est autre chose; mais promettez-moi que si vous n'êtes -pas tué cette nuit, vous partirez demain. - --- Je vous le promets. - --- Avez-vous besoin d'argent? - --- J'ai encore cinquante pistoles. C'est autant qu'il m'en faut, -je le pense. - --- Mais vos compagnons? - --- Je pense qu'ils ne doivent pas en manquer. Nous sommes sortis -de Paris chacun avec soixante-quinze pistoles dans nos poches. - --- Vous reverrai-je avant votre départ? - --- Non, pas que je pense, monsieur, à moins qu'il n'y ait du -nouveau. - --- Allons, bon voyage! - --- Merci, monsieur.» - -Et d'Artagnan prit congé de M. de Tréville, touché plus que jamais -de sa sollicitude toute paternelle pour ses mousquetaires. - -Il passa successivement chez Athos, chez Porthos et chez Aramis. -Aucun d'eux n'était rentré. Leurs laquais aussi étaient absents, -et l'on n'avait des nouvelles ni des uns, ni des autres. - -Il se serait bien informé d'eux à leurs maîtresses, mais il ne -connaissait ni celle de Porthos, ni celle d'Aramis; quant à Athos, -il n'en avait pas. - -En passant devant l'hôtel des Gardes, il jeta un coup d'oeil dans -l'écurie: trois chevaux étaient déjà rentrés sur quatre. Planchet, -tout ébahi, était en train de les étriller, et avait déjà fini -avec deux d'entre eux. - -«Ah! monsieur, dit Planchet en apercevant d'Artagnan, que je suis -aise de vous voir! - --- Et pourquoi cela, Planchet? demanda le jeune homme. - --- Auriez-vous confiance en M. Bonacieux, notre hôte? - --- Moi? pas le moins du monde. - --- Oh! que vous faites bien, monsieur. - --- Mais d'où vient cette question? - --- De ce que, tandis que vous causiez avec lui, je vous observais -sans vous écouter; monsieur, sa figure a changé deux ou trois fois -de couleur. - --- Bah! - --- Monsieur n'a pas remarqué cela, préoccupé qu'il était de la -lettre qu'il venait de recevoir; mais moi, au contraire, que -l'étrange façon dont cette lettre était parvenue à la maison avait -mis sur mes gardes, je n'ai pas perdu un mouvement de sa -physionomie. - --- Et tu l'as trouvée...? - --- Traîtreuse, monsieur. - --- Vraiment! - --- De plus, aussitôt que monsieur l'a eu quitté et qu'il a disparu -au coin de la rue, M. Bonacieux a pris son chapeau, a fermé sa -porte et s'est mis à courir par la rue opposée. - --- En effet, tu as raison, Planchet, tout cela me paraît fort -louche, et, sois tranquille, nous ne lui paierons pas notre loyer -que la chose ne nous ait été catégoriquement expliquée. - --- Monsieur plaisante, mais monsieur verra. - --- Que veux-tu, Planchet, ce qui doit arriver est écrit! - --- Monsieur ne renonce donc pas à sa promenade de ce soir? - --- Bien au contraire, Planchet, plus j'en voudrai à M. Bonacieux, -et plus j'irai au rendez-vous que m'a donné cette lettre qui -t'inquiète tant. - --- Alors, si c'est la résolution de monsieur... - --- Inébranlable, mon ami; ainsi donc, à neuf heures tiens-toi prêt -ici, à l'hôtel; je viendrai te prendre.» - -Planchet, voyant qu'il n'y avait plus aucun espoir de faire -renoncer son maître à son projet, poussa un profond soupir, et se -mit à étriller le troisième cheval. - -Quant à d'Artagnan, comme c'était au fond un garçon plein de -prudence, au lieu de rentrer chez lui, il s'en alla dîner chez ce -prêtre gascon qui, au moment de la détresse des quatre amis, leur -avait donné un déjeuner de chocolat. - - -CHAPITRE XXIV -LE PAVILLON - -À neuf heures, d'Artagnan était à l'hôtel des Gardes; il trouva -Planchet sous les armes. Le quatrième cheval était arrivé. - -Planchet était armé de son mousqueton et d'un pistolet. D'Artagnan -avait son épée et passa deux pistolets à sa ceinture, puis tous -deux enfourchèrent chacun un cheval et s'éloignèrent sans bruit. -Il faisait nuit close, et personne ne les vit sortir. Planchet se -mit à la suite de son maître, et marcha par-derrière à dix pas. - -D'Artagnan traversa les quais, sortit par la porte de la -Conférence et suivit alors le chemin, bien plus beau alors -qu'aujourd'hui, qui mène à Saint-Cloud. - -Tant qu'on fut dans la ville, Planchet garda respectueusement la -distance qu'il s'était imposée; mais dès que le chemin commença à -devenir plus désert et plus obscurs il se rapprocha tout -doucement: si bien que, lorsqu'on entra dans le bois de Boulogne, -il se trouva tout naturellement marcher côte à côte avec son -maître. En effet, nous ne devons pas dissimuler que l'oscillation -des grands arbres et le reflet de la lune dans les taillis sombres -lui causaient une vive inquiétude. D'Artagnan s'aperçut qu'il se -passait chez son laquais quelque chose d'extraordinaire. - -«Eh bien, monsieur Planchet, lui demanda-t-il, qu'avons-nous donc? - --- Ne trouvez-vous pas, monsieur, que les bois sont comme les -églises? - --- Pourquoi cela, Planchet? - --- Parce qu'on n'ose point parler haut dans ceux-ci comme dans -celles-là. - --- Pourquoi n'oses-tu parler haut, Planchet? parce que tu as peur? - --- Peur d'être entendu, oui, monsieur. - --- Peur d'être entendu! Notre conversation est cependant morale, -mon cher Planchet, et nul n'y trouverait à redire. - --- Ah! monsieur! reprit Planchet en revenant à son idée mère, que -ce M. Bonacieux a quelque chose de sournois dans ses sourcils et -de déplaisant dans le jeu de ses lèvres! - --- Qui diable te fait penser à Bonacieux? - --- Monsieur, l'on pense à ce que l'on peut et non pas à ce que -l'on veut. - --- Parce que tu es un poltron, Planchet. - --- Monsieur, ne confondons pas la prudence avec la poltronnerie; -la prudence est une vertu. - --- Et tu es vertueux, n'est-ce pas, Planchet? - --- Monsieur, n'est-ce point le canon d'un mousquet qui brille là- -bas? Si nous baissions la tête? - --- En vérité, murmura d'Artagnan, à qui les recommandations de -M. de Tréville revenaient en mémoire; en vérité, cet animal -finirait par me faire peur.» - -Et il mit son cheval au trot. - -Planchet suivit le mouvement de son maître, exactement comme s'il -eût été son ombre, et se retrouva trottant près de lui. - -«Est-ce que nous allons marcher comme cela toute la nuit, -monsieur? demanda-t-il. - --- Non, Planchet, car tu es arrivé, toi. - --- Comment, je suis arrivé? et monsieur? - --- Moi, je vais encore à quelques pas. - --- Et monsieur me laisse seul ici? - --- Tu as peur, Planchet? - --- Non, mais je fais seulement observer à monsieur que la nuit -sera très froide, que les fraîcheurs donnent des rhumatismes, et -qu'un laquais qui a des rhumatismes est un triste serviteur, -surtout pour un maître alerte comme monsieur. - --- Eh bien, si tu as froid, Planchet, tu entreras dans un de ces -cabarets que tu vois là-bas, et tu m'attendras demain matin à six -heures devant la porte. - --- Monsieur, j'ai bu et mangé respectueusement l'écu que vous -m'avez donné ce matin; de sorte qu'il ne me reste pas un traître -sou dans le cas où j'aurais froid. - --- Voici une demi-pistole. À demain.» - -D'Artagnan descendit de son cheval, jeta la bride au bras de -Planchet et s'éloigna rapidement en s'enveloppant dans son -manteau. - -«Dieu que j'ai froid!» s'écria Planchet dès qu'il eut perdu son -maître de vue; -- et pressé qu'il était de se réchauffer, il se -hâta d'aller frapper à la porte d'une maison parée de tous les -attributs d'un cabaret de banlieue. - -Cependant d'Artagnan, qui s'était jeté dans un petit chemin de -traverse, continuait sa route et atteignait Saint-Cloud; mais, au -lieu de suivre la grande rue, il tourna derrière le château, gagna -une espèce de ruelle fort écartée, et se trouva bientôt en face du -pavillon indiqué. Il était situé dans un lieu tout à fait désert. -Un grand mur, à l'angle duquel était ce pavillon, régnait d'un -côté de cette ruelle, et de l'autre une haie défendait contre les -passants un petit jardin au fond duquel s'élevait une maigre -cabane. - -Il était arrivé au rendez-vous, et comme on ne lui avait pas dit -d'annoncer sa présence par aucun signal, il attendit. - -Nul bruit ne se faisait entendre, on eût dit qu'on était à cent -lieues de la capitale. D'Artagnan s'adossa à la haie après avoir -jeté un coup d'oeil derrière lui. Par-delà cette haie, ce jardin -et cette cabane, un brouillard sombre enveloppait de ses plis -cette immensité où dort Paris, vide, béant, immensité où -brillaient quelques points lumineux, étoiles funèbres de cet -enfer. - -Mais pour d'Artagnan tous les aspects revêtaient une forme -heureuse, toutes les idées avaient un sourire, toutes les ténèbres -étaient diaphanes. L'heure du rendez-vous allait sonner. - -En effet, au bout de quelques instants, le beffroi de Saint-Cloud -laissa lentement tomber dix coups de sa large gueule mugissante. - -Il y avait quelque chose de lugubre à cette voix de bronze qui se -lamentait ainsi au milieu de la nuit. - -Mais chacune de ces heures qui composaient l'heure attendue -vibrait harmonieusement au coeur du jeune homme. - -Ses yeux étaient fixés sur le petit pavillon situé à l'angle de la -rue et dont toutes les fenêtres étaient fermées par des volets, -excepté une seule du premier étage. - -À travers cette fenêtre brillait une lumière douce qui argentait -le feuillage tremblant de deux ou trois tilleuls qui s'élevaient -formant groupe en dehors du parc. Évidemment derrière cette petite -fenêtre, si gracieusement éclairée, la jolie Mme Bonacieux -l'attendait. - -Bercé par cette douce idée, d'Artagnan attendit de son côté une -demi-heure sans impatience aucune, les yeux fixés sur ce charmant -petit séjour dont d'Artagnan apercevait une partie de plafond aux -moulures dorées, attestant l'élégance du reste de l'appartement. - -Le beffroi de Saint-Cloud sonna dix heures et demie. - -Cette fois-ci, sans que d'Artagnan comprît pourquoi, un frisson -courut dans ses veines. Peut-être aussi le froid commençait-il à -le gagner et prenait-il pour une impression morale une sensation -tout à fait physique. - -Puis l'idée lui vint qu'il avait mal lu et que le rendez-vous -était pour onze heures seulement. - -Il s'approcha de la fenêtre, se plaça dans un rayon de lumière, -tira sa lettre de sa poche et la relut; il ne s'était point -trompé: le rendez-vous était bien pour dix heures. - -Il alla reprendre son poste, commençant à être assez inquiet de ce -silence et de cette solitude. - -Onze heures sonnèrent. - -D'Artagnan commença à craindre véritablement qu'il ne fût arrivé -quelque chose à Mme Bonacieux. - -Il frappa trois coups dans ses mains, signal ordinaire des -amoureux; mais personne ne lui répondit: pas même l'écho. - -Alors il pensa avec un certain dépit que peut-être la jeune femme -s'était endormie en l'attendant. - -Il s'approcha du mur et essaya d'y monter; mais le mur était -nouvellement crépi, et d'Artagnan se retourna inutilement les -ongles. - -En ce moment il avisa les arbres, dont la lumière continuait -d'argenter les feuilles, et comme l'un d'eux faisait saillie sur -le chemin, il pensa que du milieu de ses branches son regard -pourrait pénétrer dans le pavillon. - -L'arbre était facile. D'ailleurs d'Artagnan avait vingt ans à -peine, et par conséquent se souvenait de son métier d'écolier. En -un instant il fut au milieu des branches, et par les vitres -transparentes ses yeux plongèrent dans l'intérieur du pavillon. - -Chose étrange et qui fit frissonner d'Artagnan de la plante des -pieds à la racine des cheveux, cette douce lumière, cette calme -lampe éclairait une scène de désordre épouvantable; une des vitres -de la fenêtre était cassée, la porte de la chambre avait été -enfoncée et, à demi brisée pendait à ses gonds; une table qui -avait dû être couverte d'un élégant souper gisait à terre; les -flacons en éclats, les fruits écrasés jonchaient le parquet; tout -témoignait dans cette chambre d'une lutte violente et désespérée; -d'Artagnan crut même reconnaître au milieu de ce pêle-mêle étrange -des lambeaux de vêtements et quelques taches sanglantes maculant -la nappe et les rideaux. - -Il se hâta de redescendre dans la rue avec un horrible battement -de coeur, il voulait voir s'il ne trouverait pas d'autres traces -de violence. - -La petite lueur suave brillait toujours dans le calme de la nuit. -D'Artagnan s'aperçut alors, chose qu'il n'avait pas remarquée -d'abord, car rien ne le poussait à cet examen, que le sol, battu -ici, troué là, présentait des traces confuses de pas d'hommes, et -de pieds de chevaux. En outre, les roues d'une voiture, qui -paraissait venir de Paris, avaient creusé dans la terre molle une -profonde empreinte qui ne dépassait pas la hauteur du pavillon et -qui retournait vers Paris. - -Enfin d'Artagnan, en poursuivant ses recherches, trouva près du -mur un gant de femme déchiré. Cependant ce gant, par tous les -points où il n'avait pas touché la terre boueuse, était d'une -fraîcheur irréprochable. C'était un de ces gants parfumés comme -les amants aiment à les arracher d'une jolie main. - -À mesure que d'Artagnan poursuivait ses investigations, une sueur -plus abondante et plus glacée perlait sur son front, son coeur -était serré par une horrible angoisse, sa respiration était -haletante; et cependant il se disait, pour se rassurer, que ce -pavillon n'avait peut-être rien de commun avec Mme Bonacieux; que -la jeune femme lui avait donné rendez-vous devant ce pavillon, et -non dans ce pavillon; qu'elle avait pu être retenue à Paris par -son service, par la jalousie de son mari peut-être. - -Mais tous ces raisonnements étaient battus en brèche, détruits, -renversés par ce sentiment de douleur intime, qui dans certaines -occasions, s'empare de tout notre être et nous crie, par tout ce -qui est destiné chez nous à entendre, qu'un grand malheur plane -sur nous. - -Alors d'Artagnan devint presque insensé: il courut sur la grande -route, prit le même chemin qu'il avait déjà fait, s'avança -jusqu'au bac, et interrogea le passeur. - -Vers les sept heures du soir, le passeur avait fait traverser la -rivière à une femme enveloppée d'une mante noire, qui paraissait -avoir le plus grand intérêt à ne pas être reconnue; mais, -justement à cause des précautions qu'elle prenait, le passeur -avait prêté une attention plus grande, et il avait reconnu que la -femme était jeune et jolie. - -Il y avait alors, comme aujourd'hui, une foule de jeunes et jolies -femmes qui venaient à Saint-Cloud et qui avaient intérêt à ne pas -être vues, et cependant d'Artagnan ne douta point un instant que -ce ne fût Mme Bonacieux qu'avait remarquée le passeur. - -D'Artagnan profita de la lampe qui brillait dans la cabane du -passeur pour relire encore une fois le billet de Mme Bonacieux et -s'assurer qu'il ne s'était pas trompé, que le rendez-vous était -bien à Saint-Cloud et non ailleurs, devant le pavillon de -M. d'Estrées et non dans une autre rue. - -Tout concourait à prouver à d'Artagnan que ses pressentiments ne -le trompaient point et qu'un grand malheur était arrivé. - -Il reprit le chemin du château tout courant; il lui semblait qu'en -son absence quelque chose de nouveau s'était peut-être passé au -pavillon et que des renseignements l'attendaient là. - -La ruelle était toujours déserte, et la même lueur calme et douce -s'épanchait de la fenêtre. - -D'Artagnan songea alors à cette masure muette et aveugle mais qui -sans doute avait vu et qui peut-être pouvait parler. - -La porte de clôture était fermée, mais il sauta par-dessus la -haie, et malgré les aboiements du chien à la chaîne, il s'approcha -de la cabane. - -Aux premiers coups qu'il frappa, rien ne répondit. - -Un silence de mort régnait dans la cabane comme dans le pavillon; -cependant, comme cette cabane était sa dernière ressource, il -s'obstina. - -Bientôt il lui sembla entendre un léger bruit intérieur, bruit -craintif, et qui semblait trembler lui-même d'être entendu. - -Alors d'Artagnan cessa de frapper et pria, avec un accent si plein -d'inquiétude et de promesses, d'effroi et de cajolerie, que sa -voix était de nature à rassurer de plus peureux. Enfin un vieux -volet vermoulu s'ouvrit, ou plutôt s'entrebâilla, et se referma -dès que la lueur d'une misérable lampe qui brûlait dans un coin -eut éclairé le baudrier, la poignée de l'épée et le pommeau des -pistolets de d'Artagnan. Cependant, si rapide qu'eût été le -mouvement, d'Artagnan avait eu le temps d'entrevoir une tête de -vieillard. - -«Au nom du Ciel! dit-il, écoutez-moi: j'attendais quelqu'un qui ne -vient pas, je meurs d'inquiétude. Serait-il arrivé quelque malheur -aux environs? Parlez.» - -La fenêtre se rouvrit lentement, et la même figure apparut de -nouveau: seulement elle était plus pâle encore que la première -fois. - -D'Artagnan raconta naïvement son histoire, aux noms près; il dit -comment il avait rendez-vous avec une jeune femme devant ce -pavillon, et comment, ne la voyant pas venir, il était monté sur -le tilleul et, à la lueur de la lampe, il avait vu le désordre de -la chambre. - -Le vieillard l'écouta attentivement, tout en faisant signe que -c'était bien cela: puis, lorsque d'Artagnan eut fini, il hocha la -tête d'un air qui n'annonçait rien de bon. - -«Que voulez-vous dire? s'écria d'Artagnan. Au nom du Ciel! voyons, -expliquez-vous. - --- Oh! monsieur, dit le vieillard, ne me demandez rien; car si je -vous disais ce que j'ai vu, bien certainement il ne m'arriverait -rien de bon. - --- Vous avez donc vu quelque chose? reprit d'Artagnan. En ce cas, -au nom du Ciel! continua-t-il en lui jetant une pistole, dites, -dites ce que vous avez vu, et je vous donne ma foi de gentilhomme -que pas une de vos paroles ne sortira de mon coeur.» - -Le vieillard lut tant de franchise et de douleur sur le visage de -d'Artagnan, qu'il lui fit signe d'écouter et qu'il lui dit à voix -basse: - -«Il était neuf heures à peu près, j'avais entendu quelque bruit -dans la rue et je désirais savoir ce que ce pouvait être, -lorsqu'en m'approchant de ma porte je m'aperçus qu'on cherchait à -entrer. Comme je suis pauvre et que je n'ai pas peur qu'on me -vole, j'allai ouvrir et je vis trois hommes à quelques pas de là. -Dans l'ombre était un carrosse avec des chevaux attelés et des -chevaux de main. Ces chevaux de main appartenaient évidemment aux -trois hommes qui étaient vêtus en cavaliers. - -«-- Ah, mes bons messieurs! m'écriai-je, que demandez-vous? - -«-- Tu dois avoir une échelle? me dit celui qui paraissait le chef -de l'escorte. - -«-- Oui, monsieur; celle avec laquelle je cueille mes fruits. - -«-- Donne-nous la, et rentre chez toi, voilà un écu pour le -dérangement que nous te causons. Souviens-toi seulement que si tu -dis un mot de ce que tu vas voir et de ce que tu vas entendre (car -tu regarderas et tu écouteras, quelque menace que nous te -fassions, j'en suis sûr), tu es perdu. - -«À ces mots, il me jeta un écu, que je ramassai, et il prit mon -échelle. - -«Effectivement, après avoir refermé la porte de la haie derrière -eux, je fis semblant de rentrer à la maison; mais j'en sortis -aussitôt par la porte de derrière, et, me glissant dans l'ombre, -je parvins jusqu'à cette touffe de sureau, du milieu de laquelle -je pouvais tout voir sans être vu. - -«Les trois hommes avaient fait avancer la voiture sans aucun -bruit, ils en tirèrent un petit homme, gros, court, grisonnant, -mesquinement vêtu de couleur sombre, lequel monta avec précaution -à l'échelle, regarda sournoisement dans l'intérieur de la chambre, -redescendit à pas de loup et murmura à voix basse: - -«-- C'est elle! - -«Aussitôt celui qui m'avait parlé s'approcha de la porte du -pavillon, l'ouvrit avec une clef qu'il portait sur lui, referma la -porte et disparut, en même temps les deux autres hommes montèrent -à l'échelle. Le petit vieux demeurait à la portière, le cocher -maintenait les chevaux de la voiture, et un laquais les chevaux de -selle. - -Tout à coup de grands cris retentirent dans le pavillon, une femme -accourut à la fenêtre et l'ouvrit comme pour se précipiter. Mais -aussitôt qu'elle aperçut les deux hommes, elle se rejeta en -arrière; les deux hommes s'élancèrent après elle dans la chambre. - -Alors je ne vis plus rien; mais j'entendis le bruit des meubles -que l'on brise. La femme criait et appelait au secours. Mais -bientôt ses cris furent étouffés; les trois hommes se -rapprochèrent de la fenêtre, emportant la femme dans leurs bras; -deux descendirent par l'échelle et la transportèrent dans la -voiture, où le petit vieux entra après elle. Celui qui était resté -dans le pavillon referma la croisée, sortit un instant après par -la porte et s'assura que la femme était bien dans la voiture: ses -deux compagnons l'attendaient déjà à cheval, il sauta à son tour -en selle, le laquais reprit sa place près du cocher; le carrosse -s'éloigna au galop escorté par les trois cavaliers, et tout fut -fini. À partir de ce moment-là, je n'ai plus rien vu, rien -entendu.» - -D'Artagnan, écrasé par une si terrible nouvelle, resta immobile et -muet, tandis que tous les démons de la colère et de la jalousie -hurlaient dans son coeur. - -«Mais, mon gentilhomme, reprit le vieillard, sur lequel ce muet -désespoir causait certes plus d'effet que n'en eussent produit des -cris et des larmes; allons, ne vous désolez pas, ils ne vous l'ont -pas tuée, voilà l'essentiel. - --- Savez-vous à peu près, dit d'Artagnan, quel est l'homme qui -conduisait cette infernale expédition? - --- Je ne le connais pas. - --- Mais puisqu'il vous a parlé, vous avez pu le voir. - --- Ah! c'est son signalement que vous me demandez? - --- Oui. - --- Un grand sec, basané, moustaches noires, oeil noir, l'air d'un -gentilhomme. - --- C'est cela, s'écria d'Artagnan; encore lui! toujours lui! C'est -mon démon, à ce qu'il paraît! Et l'autre? - --- Lequel? - --- Le petit. - --- Oh! celui-là n'est pas un seigneur, j'en réponds: d'ailleurs il -ne portait pas l'épée, et les autres le traitaient sans aucune -considération. - --- Quelque laquais, murmura d'Artagnan. Ah! pauvre femme! pauvre -femme! qu'en ont-ils fait? - --- Vous m'avez promis le secret, dit le vieillard. - --- Et je vous renouvelle ma promesse, soyez tranquille, je suis -gentilhomme. Un gentilhomme n'a que sa parole, et je vous ai donné -la mienne.» - -D'Artagnan reprit, l'âme navrée, le chemin du bac. Tantôt il ne -pouvait croire que ce fût Mme Bonacieux, et il espérait le -lendemain la retrouver au Louvre; tantôt il craignait qu'elle -n'eût eu une intrigue avec quelque autre et qu'un jaloux ne l'eût -surprise et fait enlever. Il flottait, il se désolait, il se -désespérait. - -«Oh! si j'avais là mes amis! s'écriait-il, j'aurais au moins -quelque espérance de la retrouver; mais qui sait ce qu'ils sont -devenus eux-mêmes!» - -Il était minuit à peu près; il s'agissait de retrouver Planchet. -D'Artagnan se fit ouvrir successivement tous les cabarets dans -lesquels il aperçut un peu de lumière; dans aucun d'eux il ne -retrouva Planchet. - -Au sixième, il commença de réfléchir que la recherche était un peu -hasardée. D'Artagnan n'avait donné rendez-vous à son laquais qu'à -six heures du matin, et quelque part qu'il fût, il était dans son -droit. - -D'ailleurs, il vint au jeune homme cette idée, qu'en restant aux -environs du lieu où l'événement s'était passé, il obtiendrait -peut-être quelque éclaircissement sur cette mystérieuse affaire. -Au sixième cabaret, comme nous l'avons dit, d'Artagnan s'arrêta -donc, demanda une bouteille de vin de première qualité, s'accouda -dans l'angle le plus obscur et se décida à attendre ainsi le jour; -mais cette fois encore son espérance fut trompée, et quoiqu'il -écoutât de toutes ses oreilles, il n'entendit, au milieu des -jurons, des lazzi et des injures qu'échangeaient entre eux les -ouvriers, les laquais et les rouliers qui composaient l'honorable -société dont il faisait partie, rien qui pût le mettre sur la -trace de la pauvre femme enlevée. Force lui fut donc, après avoir -avalé sa bouteille par désoeuvrement et pour ne pas éveiller des -soupçons, de chercher dans son coin la posture la plus -satisfaisante possible et de s'endormir tant bien que mal. -D'Artagnan avait vingt ans, on se le rappelle, et à cet âge le -sommeil a des droits imprescriptibles qu'il réclame -impérieusement, même sur les coeurs les plus désespérés. - -Vers six heures du matin, d'Artagnan se réveilla avec ce malaise -qui accompagne ordinairement le point du jour après une mauvaise -nuit. Sa toilette n'était pas longue à faire; il se tâta pour -savoir si on n'avait pas profité de son sommeil pour le voler, et -ayant retrouvé son diamant à son doigt, sa bourse dans sa poche et -ses pistolets à sa ceinture, il se leva, paya sa bouteille et -sortit pour voir s'il n'aurait pas plus de bonheur dans la -recherche de son laquais le matin que la nuit. En effet, la -première chose qu'il aperçut à travers le brouillard humide et -grisâtre fut l'honnête Planchet qui, les deux chevaux en main, -l'attendait à la porte d'un petit cabaret borgne devant lequel -d'Artagnan était passé sans même soupçonner son existence. - - -CHAPITRE XXV -PORTHOS - -Au lieu de rentrer chez lui directement, d'Artagnan mit pied à -terre à la porte de M. de Tréville, et monta rapidement -l'escalier. Cette fois, il était décidé à lui raconter tout ce qui -venait de se passer. Sans doute il lui donnerait de bons conseils -dans toute cette affaire; puis, comme M. de Tréville voyait -presque journellement la reine, il pourrait peut-être tirer de -Sa Majesté quelque renseignement sur la pauvre femme à qui l'on -faisait sans doute payer son dévouement à sa maîtresse. - -M. de Tréville écouta le récit du jeune homme avec une gravité qui -prouvait qu'il voyait autre chose, dans toute cette aventure, -qu'une intrigue d'amour; puis, quand d'Artagnan eut achevé: - -«Hum! dit-il, tout ceci sent Son Éminence d'une lieue. - --- Mais, que faire? dit d'Artagnan. - --- Rien, absolument rien, à cette heure, que quitter Paris, comme -je vous l'ai dit, le plus tôt possible. Je verrai la reine, je lui -raconterai les détails de la disparition de cette pauvre femme, -qu'elle ignore sans doute; ces détails la guideront de son côté, -et, à votre retour, peut-être aurai-je quelque bonne nouvelle à -vous dire. Reposez vous en sur moi.» - -D'Artagnan savait que, quoique Gascon, M. de Tréville n'avait pas -l'habitude de promettre, et que lorsque par hasard il promettait, -il tenait plus qu'il n'avait promis. Il le salua donc, plein de -reconnaissance pour le passé et pour l'avenir, et le digne -capitaine, qui de son côté éprouvait un vif intérêt pour ce jeune -homme si brave et si résolu, lui serra affectueusement la main en -lui souhaitant un bon voyage. - -Décidé à mettre les conseils de M. de Tréville en pratique à -l'instant même, d'Artagnan s'achemina vers la rue des Fossoyeurs, -afin de veiller à la confection de son portemanteau. En -s'approchant de sa maison, il reconnut M. Bonacieux en costume du -matin, debout sur le seuil de sa porte. Tout ce que lui avait dit, -la veille, le prudent Planchet sur le caractère sinistre de son -hôte revint alors à l'esprit de d'Artagnan, qui le regarda plus -attentivement qu'il n'avait fait encore. En effet, outre cette -pâleur jaunâtre et maladive qui indique l'infiltration de la bile -dans le sang et qui pouvait d'ailleurs n'être qu'accidentelle, -d'Artagnan remarqua quelque chose de sournoisement perfide dans -l'habitude des rides de sa face. Un fripon ne rit pas de la même -façon qu'un honnête homme, un hypocrite ne pleure pas les mêmes -larmes qu'un homme de bonne foi. Toute fausseté est un masque, et -si bien fait que soit le masque, on arrive toujours, avec un peu -d'attention, à le distinguer du visage. - -Il sembla donc à d'Artagnan que M. Bonacieux portait un masque, et -même que ce masque était des plus désagréables à voir. - -En conséquence il allait, vaincu par sa répugnance pour cet homme, -passer devant lui sans lui parler, quand, ainsi que la veille, -M. Bonacieux l'interpella. - -«Eh bien, jeune homme, lui dit-il, il paraît que nous faisons de -grasses nuits? Sept heures du matin, peste! Il me semble que vous -retournez tant soit peu les habitudes reçues, et que vous rentrez -à l'heure où les autres sortent. - --- On ne vous fera pas le même reproche, maître Bonacieux, dit le -jeune homme, et vous êtes le modèle des gens rangés. Il est vrai -que lorsque l'on possède une jeune et jolie femme, on n'a pas -besoin de courir après le bonheur: c'est le bonheur qui vient vous -trouver; n'est-ce pas, monsieur Bonacieux?» - -Bonacieux devint pâle comme la mort et grimaça un sourire. - -«Ah! ah! dit Bonacieux, vous êtes un plaisant compagnon. Mais où -diable avez-vous été courir cette nuit, mon jeune maître? Il -paraît qu'il ne faisait pas bon dans les chemins de traverse.» - -D'Artagnan baissa les yeux vers ses bottes toutes couvertes de -boue; mais dans ce mouvement ses regards se portèrent en même -temps sur les souliers et les bas du mercier; on eût dit qu'on les -avait trempés dans le même bourbier; les uns et les autres étaient -maculés de taches absolument pareilles. - -Alors une idée subite traversa l'esprit de d'Artagnan. Ce petit -homme gros, court, grisonnant, cette espèce de laquais vêtu d'un -habit sombre, traité sans considération par les gens d'épée qui -composaient l'escorte, c'était Bonacieux lui-même. Le mari avait -présidé à l'enlèvement de sa femme. - -Il prit à d'Artagnan une terrible envie de sauter à la gorge du -mercier et de l'étrangler; mais, nous l'avons dit, c'était un -garçon fort prudent, et il se contint. Cependant la révolution qui -s'était faite sur son visage était si visible, que Bonacieux en -fut effrayé et essaya de reculer d'un pas; mais justement il se -trouvait devant le battant de la porte, qui était fermée, et -l'obstacle qu'il rencontra le força de se tenir à la même place. - -«Ah çà! mais vous qui plaisantez, mon brave homme, dit d'Artagnan, -il me semble que si mes bottes ont besoin d'un coup d'éponge, vos -bas et vos souliers réclament aussi un coup de brosse. Est-ce que -de votre côté vous auriez couru la prétantaine, maître Bonacieux? -Ah! diable, ceci ne serait point pardonnable à un homme de votre -âge et qui, de plus, a une jeune et jolie femme comme la vôtre. - --- Oh! mon Dieu, non, dit Bonacieux; mais hier j'ai été à Saint- -Mandé pour prendre des renseignements sur une servante dont je ne -puis absolument me passer, et comme les chemins étaient mauvais, -j'en ai rapporté toute cette fange, que je n'ai pas encore eu le -temps de faire disparaître.» - -Le lieu que désignait Bonacieux comme celui qui avait été le but -de sa course fut une nouvelle preuve à l'appui des soupçons -qu'avait conçus d'Artagnan. Bonacieux avait dit Saint-Mandé, parce -que Saint-Mandé est le point absolument opposé à Saint-Cloud. - -Cette probabilité lui fut une première consolation. Si Bonacieux -savait où était sa femme, on pourrait toujours, en employant des -moyens extrêmes, forcer le mercier à desserrer les dents et à -laisser échapper son secret. Il s'agissait seulement de changer -cette probabilité en certitude. - -«Pardon, mon cher monsieur Bonacieux, si j'en use avec vous sans -façon, dit d'Artagnan; mais rien n'altère comme de ne pas dormir, -j'ai donc une soif d'enragé; permettez-moi de prendre un verre -d'eau chez vous; vous le savez, cela ne se refuse pas entre -voisins.» - -Et sans attendre la permission de son hôte, d'Artagnan entra -vivement dans la maison, et jeta un coup d'oeil rapide sur le lit. -Le lit n'était pas défait. Bonacieux ne s'était pas couché. Il -rentrait donc seulement il y avait une heure ou deux; il avait -accompagné sa femme jusqu'à l'endroit où on l'avait conduite, ou -tout au moins jusqu'au premier relais. - -«Merci, maître Bonacieux, dit d'Artagnan en vidant son verre, -voilà tout ce que je voulais de vous. Maintenant je rentre chez -moi, je vais faire brosser mes bottes par Planchet, et quand il -aura fini, je vous l'enverrai si vous voulez pour brosser vos -souliers.» - -Et il quitta le mercier tout ébahi de ce singulier adieu et se -demandant s'il ne s'était pas enferré lui-même. - -Sur le haut de l'escalier il trouva Planchet tout effaré. - -«Ah! monsieur, s'écria Planchet dès qu'il eut aperçu son maître, -en voilà bien d'une autre, et il me tardait bien que vous -rentrassiez. - --- Qu'y a-t-il donc? demanda d'Artagnan. - --- Oh! je vous le donne en cent, monsieur, je vous le donne en -mille de deviner la visite que j'ai reçue pour vous en votre -absence. - --- Quand cela? - --- Il y a une demi-heure, tandis que vous étiez chez -M. de Tréville. - --- Et qui donc est venu? Voyons, parle. - --- M. de Cavois. - --- M. de Cavois? - --- En personne. - --- Le capitaine des gardes de Son Éminence? - --- Lui-même. - --- Il venait m'arrêter? - --- Je m'en suis douté, monsieur, et cela malgré son air patelin. - --- Il avait l'air patelin, dis-tu? - --- C'est-à-dire qu'il était tout miel, monsieur. - --- Vraiment? - --- Il venait, disait-il, de la part de Son Éminence, qui vous -voulait beaucoup de bien, vous prier de le suivre au Palais-Royal. - --- Et tu lui as répondu? - --- Que la chose était impossible, attendu que vous étiez hors de -la maison, comme il le pouvait voir. - --- Alors qu'a-t-il dit? - --- Que vous ne manquiez pas de passer chez lui dans la journée; -puis il a ajouté tout bas: «Dis à ton maître que Son Éminence est -parfaitement disposée pour lui, et que sa fortune dépend peut-être -de cette entrevue.» - --- Le piège est assez maladroit pour le cardinal, reprit en -souriant le jeune homme. - --- Aussi, je l'ai vu, le piège, et j'ai répondu que vous seriez -désespéré à votre retour. - --- Où est-il allé? a demandé M. de Cavois. À Troyes en Champagne, -ai-je répondu. Et quand est-il parti? - --- Hier soir.» - --- Planchet, mon ami, interrompit d'Artagnan, tu es véritablement -un homme précieux. - --- Vous comprenez, monsieur, j'ai pensé qu'il serait toujours -temps, si vous désirez voir M. de Cavois, de me démentir en disant -que vous n'étiez point parti; ce serait moi, dans ce cas, qui -aurais fait le mensonge, et comme je ne suis pas gentilhomme, moi, -je puis mentir. - --- Rassure-toi, Planchet, tu conserveras ta réputation d'homme -véridique: dans un quart d'heure nous partons. - --- C'est le conseil que j'allais donner à monsieur; et où allons- -nous, sans être trop curieux? - --- Pardieu! du côté opposé à celui vers lequel tu as dit que -j'étais allé. D'ailleurs, n'as-tu pas autant de hâte d'avoir des -nouvelles de Grimaud, de Mousqueton et de Bazin que j'en ai, moi, -de savoir ce que sont devenus Athos, Porthos et Aramis? - --- Si fait, monsieur, dit Planchet, et je partirai quand vous -voudrez; l'air de la province vaut mieux pour nous, à ce que je -crois, en ce moment, que l'air de Paris. Ainsi donc... - --- Ainsi donc, fais notre paquet, Planchet, et partons; moi, je -m'en vais devant, les mains dans mes poches, pour qu'on ne se -doute de rien. Tu me rejoindras à l'hôtel des Gardes. À propos, -Planchet, je crois que tu as raison à l'endroit de notre hôte, et -que c'est décidément une affreuse canaille. - --- Ah! croyez-moi, monsieur, quand je vous dis quelque chose; je -suis physionomiste, moi, allez!» - -D'Artagnan descendit le premier, comme la chose avait été -convenue; puis, pour n'avoir rien à se reprocher, il se dirigea -une dernière fois vers la demeure de ses trois amis: on n'avait -reçu aucune nouvelle d'eux, seulement une lettre toute parfumée et -d'une écriture élégante et menue était arrivée pour Aramis. -D'Artagnan s'en chargea. Dix minutes après, Planchet le rejoignait -dans les écuries de l'hôtel des Gardes. D'Artagnan, pour qu'il n'y -eût pas de temps perdu, avait déjà sellé son cheval lui-même. - -«C'est bien, dit-il à Planchet, lorsque celui-ci eut joint le -portemanteau à l'équipement; maintenant selle les trois autres, et -partons. - --- Croyez-vous que nous irons plus vite avec chacun deux chevaux? -demanda Planchet avec son air narquois. - --- Non, monsieur le mauvais plaisant, répondit d'Artagnan, mais -avec nos quatre chevaux nous pourrons ramener nos trois amis, si -toutefois nous les retrouvons vivants. - --- Ce qui serait une grande chance, répondit Planchet, mais enfin -il ne faut pas désespérer de la miséricorde de Dieu. - --- Amen», dit d'Artagnan en enfourchant son cheval. - -Et tous deux sortirent de l'hôtel des Gardes, s'éloignèrent chacun -par un bout de la rue, l'un devant quitter Paris par la barrière -de la Villette et l'autre par la barrière de Montmartre, pour se -rejoindre au-delà de Saint-Denis, manoeuvre stratégique qui, ayant -été exécutée avec une égale ponctualité, fut couronnée des plus -heureux résultats. D'Artagnan et Planchet entrèrent ensemble à -Pierrefitte. - -Planchet était plus courageux, il faut le dire, le jour que la -nuit. - -Cependant sa prudence naturelle ne l'abandonnait pas un seul -instant; il n'avait oublié aucun des incidents du premier voyage, -et il tenait pour ennemis tous ceux qu'il rencontrait sur la -route. Il en résultait qu'il avait sans cesse le chapeau à la -main, ce qui lui valait de sévères mercuriales de la part de -d'Artagnan, qui craignait que, grâce à cet excès de politesse, on -ne le prît pour le valet d'un homme de peu. - -Cependant, soit qu'effectivement les passants fussent touchés de -l'urbanité de Planchet, soit que cette fois personne ne fût aposté -sur la route du jeune homme, nos deux voyageurs arrivèrent à -Chantilly sans accident aucun et descendirent à l'hôtel du Grand -Saint Martin, le même dans lequel ils s'étaient arrêtés lors de -leur premier voyage. - -L'hôte, en voyant un jeune homme suivi d'un laquais et de deux -chevaux de main, s'avança respectueusement sur le seuil de la -porte. Or, comme il avait déjà fait onze lieues, d'Artagnan jugea -à propos de s'arrêter, que Porthos fût ou ne fût pas dans l'hôtel. -Puis peut-être n'était-il pas prudent de s'informer du premier -coup de ce qu'était devenu le mousquetaire. Il résulta de ces -réflexions que d'Artagnan, sans demander aucune nouvelle de qui -que ce fût, descendit, recommanda les chevaux à son laquais, entra -dans une petite chambre destinée à recevoir ceux qui désiraient -être seuls, et demanda à son hôte une bouteille de son meilleur -vin et un déjeuner aussi bon que possible, demande qui corrobora -encore la bonne opinion que l'aubergiste avait prise de son -voyageur à la première vue. - -Aussi d'Artagnan fut-il servi avec une célérité miraculeuse. - -Le régiment des gardes se recrutait parmi les premiers -gentilshommes du royaume, et d'Artagnan, suivi d'un laquais et -voyageant avec quatre chevaux magnifiques, ne pouvait, malgré la -simplicité de son uniforme, manquer de faire sensation. L'hôte -voulut le servir lui-même; ce que voyant, d'Artagnan fit apporter -deux verres et entama la conversation suivante: - -«Ma foi, mon cher hôte, dit d'Artagnan en remplissant les deux -verres, je vous ai demandé de votre meilleur vin et si vous m'avez -trompé, vous allez être puni par où vous avez péché, attendu que, -comme je déteste boire seul, vous allez boire avec moi. Prenez -donc ce verre, et buvons. À quoi boirons-nous, voyons, pour ne -blesser aucune susceptibilité? Buvons à la prospérité de votre -établissement! - --- Votre Seigneurie me fait honneur, dit l'hôte, et je la remercie -bien sincèrement de son bon souhait. - --- Mais ne vous y trompez pas, dit d'Artagnan, il y a plus -d'égoïsme peut-être que vous ne le pensez dans mon toast: il n'y a -que les établissements qui prospèrent dans lesquels on soit bien -reçu; dans les hôtels qui périclitent, tout va à la débandade, et -le voyageur est victime des embarras de son hôte; or, moi qui -voyage beaucoup et surtout sur cette route, je voudrais voir tous -les aubergistes faire fortune. - --- En effet, dit l'hôte, il me semble que ce n'est pas la première -fois que j'ai l'honneur de voir monsieur. - --- Bah? je suis passé dix fois peut-être à Chantilly, et sur les -dix fois je me suis arrêté au moins trois ou quatre fois chez -vous. Tenez, j'y étais encore il y a dix ou douze jours à peu -près; je faisais la conduite à des amis, à des mousquetaires, à -telle enseigne que l'un d'eux s'est pris de dispute avec un -étranger, un inconnu, un homme qui lui a cherché je ne sais quelle -querelle. - --- Ah! oui vraiment! dit l'hôte, et je me le rappelle -parfaitement. N'est-ce pas de M. Porthos que Votre Seigneurie veut -me parler? - --- C'est justement le nom de mon compagnon de voyage. - -«Mon Dieu! mon cher hôte, dites-moi, lui serait-il arrivé malheur? - --- Mais Votre Seigneurie a dû remarquer qu'il n'a pas pu continuer -sa route. - --- En effet, il nous avait promis de nous rejoindre, et nous ne -l'avons pas revu. - --- Il nous a fait l'honneur de rester ici. - --- Comment! il vous a fait l'honneur de rester ici? - --- Oui, monsieur, dans cet hôtel; nous sommes même bien inquiets. - --- Et de quoi? - --- De certaines dépenses qu'il a faites. - --- Eh bien, mais les dépenses qu'il a faites, il les paiera. - --- Ah! monsieur, vous me mettez véritablement du baume dans le -sang! Nous avons fait de fort grandes avances, et ce matin encore -le chirurgien nous déclarait que si M. Porthos ne le payait pas, -c'était à moi qu'il s'en prendrait, attendu que c'était moi qui -l'avais envoyé chercher. - --- Mais Porthos est donc blessé? - --- Je ne saurais vous le dire, monsieur. - --- Comment, vous ne sauriez me le dire? vous devriez cependant -être mieux informé que personne. - --- Oui, mais dans notre état nous ne disons pas tout ce que nous -savons, monsieur, surtout quand on nous a prévenus que nos -oreilles répondraient pour notre langue. - --- Eh bien, puis-je voir Porthos? - --- Certainement, monsieur. Prenez l'escalier, montez au premier et -frappez au n° 1. Seulement, prévenez que c'est vous. - --- Comment! que je prévienne que c'est moi? - --- Oui, car il pourrait vous arriver malheur. - --- Et quel malheur voulez-vous qu'il m'arrive? - --- M. Porthos peut vous prendre pour quelqu'un de la maison et, -dans un mouvement de colère, vous passer son épée à travers le -corps ou vous brûler la cervelle. - --- Que lui avez-vous donc fait? - --- Nous lui avons demandé de l'argent. - --- Ah! diable, je comprends cela; c'est une demande que Porthos -reçoit très mal quand il n'est pas en fonds; mais je sais qu'il -devait y être. - --- C'est ce que nous avions pensé aussi, monsieur; comme la maison -est fort régulière et que nous faisons nos comptes toutes les -semaines, au bout de huit jours nous lui avons présenté notre -note; mais il paraît que nous sommes tombés dans un mauvais -moment, car, au premier mot que nous avons prononcé sur la chose, -il nous a envoyés à tous les diables; il est vrai qu'il avait joué -la veille. - --- Comment, il avait joué la veille! et avec qui? - --- Oh! mon Dieu, qui sait cela? avec un seigneur qui passait et -auquel il avait fait proposer une partie de lansquenet. - --- C'est cela, le malheureux aura tout perdu. - --- Jusqu'à son cheval, monsieur, car lorsque l'étranger a été pour -partir, nous nous sommes aperçus que son laquais sellait le cheval -de M. Porthos. Alors nous lui en avons fait l'observation, mais il -nous a répondu que nous nous mêlions de ce qui ne nous regardait -pas et que ce cheval était à lui. Nous avons aussitôt fait -prévenir M. Porthos de ce qui se passait, mais il nous à fait dire -que nous étions des faquins de douter de la parole d'un -gentilhomme, et que, puisque celui-là avait dit que le cheval -était à lui, il fallait bien que cela fût. - --- Je le reconnais bien là, murmura d'Artagnan. - --- Alors, continua l'hôte, je lui fis répondre que du moment où -nous paraissions destinés à ne pas nous entendre à l'endroit du -paiement, j'espérais qu'il aurait au moins la bonté d'accorder la -faveur de sa pratique à mon confrère le maître de l'Aigle d'Or; -mais M. Porthos me répondit que mon hôtel étant le meilleur, il -désirait y rester. - -«Cette réponse était trop flatteuse pour que j'insistasse sur son -départ. Je me bornai donc à le prier de me rendre sa chambre, qui -est la plus belle de l'hôtel, et de se contenter d'un joli petit -cabinet au troisième. Mais à ceci M. Porthos répondit que, comme -il attendait d'un moment à l'autre sa maîtresse, qui était une des -plus grandes dames de la cour, je devais comprendre que la chambre -qu'il me faisait l'honneur d'habiter chez moi était encore bien -médiocre pour une pareille personne. - -«Cependant, tout en reconnaissant la vérité de ce qu'il disait, je -crus devoir insister; mais, sans même se donner la peine d'entrer -en discussion avec moi, il prit son pistolet, le mit sur sa table -de nuit et déclara qu'au premier mot qu'on lui dirait d'un -déménagement quelconque à l'extérieur ou à l'intérieur, il -brûlerait la cervelle à celui qui serait assez imprudent pour se -mêler d'une chose qui ne regardait que lui. Aussi, depuis ce -temps-là, monsieur, personne n'entre plus dans sa chambre, si ce -n'est son domestique. - --- Mousqueton est donc ici? - --- Oui, monsieur; cinq jours après son départ, il est revenu de -fort mauvaise humeur de son côté; il paraît que lui aussi a eu du -désagrément dans son voyage. Malheureusement, il est plus ingambe -que son maître, ce qui fait que pour son maître il met tout sens -dessus dessous, attendu que, comme il pense qu'on pourrait lui -refuser ce qu'il demande, il prend tout ce dont il a besoin sans -demander. - --- Le fait est, répondit d'Artagnan, que j'ai toujours remarqué -dans Mousqueton un dévouement et une intelligence très supérieurs. - --- Cela est possible, monsieur; mais supposez qu'il m'arrive -seulement quatre fois par an de me trouver en contact avec une -intelligence et un dévouement semblables, et je suis un homme -ruiné. - --- Non, car Porthos vous paiera. - --- Hum! fit l'hôtelier d'un ton de doute. - --- C'est le favori d'une très grande dame qui ne le laissera pas -dans l'embarras pour une misère comme celle qu'il vous doit. - --- Si j'ose dire ce que je crois là-dessus... - --- Ce que vous croyez? - --- Je dirai plus: ce que je sais. - --- Ce que vous savez? - --- Et même ce dont je suis sûr. - --- Et de quoi êtes-vous sûr, voyons? - --- Je dirai que je connais cette grande dame. - --- Vous? - --- Oui, moi. - --- Et comment la connaissez-vous? - --- Oh! monsieur, si je croyais pouvoir me fier à votre -discrétion... - --- Parlez, et foi de gentilhomme, vous n'aurez pas à vous repentir -de votre confiance. - --- Eh bien, monsieur, vous concevez, l'inquiétude fait faire bien -des choses. - --- Qu'avez-vous fait? - --- Oh! d'ailleurs, rien qui ne soit dans le droit d'un créancier. - --- Enfin? - --- M. Porthos nous a remis un billet pour cette duchesse, en nous -recommandant de le jeter à la poste. Son domestique n'était pas -encore arrivé. Comme il ne pouvait pas quitter sa chambre, il -fallait bien qu'il nous chargeât de ses commissions. - --- Ensuite? - --- Au lieu de mettre la lettre à la poste, ce qui n'est jamais -bien sûr, j'ai profité de l'occasion de l'un de mes garçons qui -allait à Paris, et je lui ai ordonné de la remettre à cette -duchesse elle-même. C'était remplir les intentions de M. Porthos, -qui nous avait si fort recommandé cette lettre, n'est-ce pas? - --- À peu près. - --- Eh bien, monsieur, savez-vous ce que c'est que cette grande -dame? - --- Non; j'en ai entendu parler à Porthos, voilà tout. - --- Savez-vous ce que c'est que cette prétendue duchesse? - --- Je vous le répète, je ne la connais pas. - --- C'est une vieille procureuse au Châtelet, monsieur, nommée -Mme Coquenard, laquelle a au moins cinquante ans, et se donne -encore des airs d'être jalouse. Cela me paraissait aussi fort -singulier, une princesse qui demeure rue aux Ours. - --- Comment savez-vous cela? - --- Parce qu'elle s'est mise dans une grande colère en recevant la -lettre, disant que M. Porthos était un volage, et que c'était -encore pour quelque femme qu'il avait reçu ce coup d'épée. - --- Mais il a donc reçu un coup d'épée? - --- Ah! mon Dieu! qu'ai-je dit là? - --- Vous avez dit que Porthos avait reçu un coup d'épée. - --- Oui; mais il m'avait si fort défendu de le dire! - --- Pourquoi cela? - --- Dame! monsieur, parce qu'il s'était vanté de perforer cet -étranger avec lequel vous l'avez laisse en dispute, et que c'est -cet étranger, au contraire, qui, malgré toutes ses rodomontades, -l'a couché sur le carreau. Or, comme M. Porthos est un homme fort -glorieux, excepté envers la duchesse, qu'il avait cru intéresser -en lui faisant le récit de son aventure, il ne veut avouer à -personne que c'est un coup d'épée qu'il a reçu. - --- Ainsi c'est donc un coup d'épée qui le retient dans son lit? - --- Et un maître coup d'épée, je vous l'assure. Il faut que votre -ami ait l'âme chevillée dans le corps. - --- Vous étiez donc là? - --- Monsieur, je les avais suivis par curiosité, de sorte que j'ai -vu le combat sans que les combattants me vissent. - --- Et comment cela s'est-il passé? - --- Oh! la chose n'a pas été longue, je vous en réponds. Ils se -sont mis en garde; l'étranger a fait une feinte et s'est fendu; -tout cela si rapidement, que lorsque M. Porthos est arrivé à la -parade, il avait déjà trois pouces de fer dans la poitrine. Il est -tombé en arrière. L'étranger lui a mis aussitôt la pointe de son -épée à la gorge; et M. Porthos, se voyant à la merci de son -adversaire, s'est avoué vaincu. Sur quoi, l'étranger lui a demandé -son nom et apprenant qu'il s'appelait M. Porthos, et non -M. d'Artagnan, lui a offert son bras, l'a ramené à l'hôtel, est -monté à cheval et a disparu. - --- Ainsi c'est à M. d'Artagnan qu'en voulait cet étranger? - --- Il paraît que oui. - --- Et savez-vous ce qu'il est devenu? - --- Non; je ne l'avais jamais vu jusqu'à ce moment et nous ne -l'avons pas revu depuis. - --- Très bien; je sais ce que je voulais savoir. Maintenant, vous -dites que la chambre de Porthos est au premier, n° 1? - --- Oui, monsieur, la plus belle de l'auberge; une chambre que -j'aurais déjà eu dix fois l'occasion de louer. - --- Bah! tranquillisez vous, dit d'Artagnan en riant; Porthos vous -paiera avec l'argent de la duchesse Coquenard. - --- Oh! monsieur, procureuse ou duchesse, si elle lâchait les -cordons de sa bourse, ce ne serait rien; mais elle a positivement -répondu qu'elle était lasse des exigences et des infidélités de -M. Porthos, et qu'elle ne lui enverrait pas un denier. - --- Et avez-vous rendu cette réponse à votre hôte? - --- Nous nous en sommes bien gardés: il aurait vu de quelle manière -nous avions fait la commission. - --- Si bien qu'il attend toujours son argent? - --- Oh! mon Dieu, oui! Hier encore, il a écrit; mais, cette fois, -c'est son domestique qui a mis la lettre à la poste. - --- Et vous dites que la procureuse est vieille et laide. - --- Cinquante ans au moins, monsieur, et pas belle du tout, à ce -qu'a dit Pathaud. - --- En ce cas, soyez tranquille, elle se laissera attendrir; -d'ailleurs Porthos ne peut pas vous devoir grand-chose. - --- Comment, pas grand-chose! Une vingtaine de pistoles déjà, sans -compter le médecin. Oh! il ne se refuse rien, allez! on voit qu'il -est habitué à bien vivre. - --- Eh bien, si sa maîtresse l'abandonne, il trouvera des amis, je -vous le certifie. Ainsi, mon cher hôte, n'ayez aucune inquiétude, -et continuez d'avoir pour lui tous les soins qu'exige son état. - --- Monsieur m'a promis de ne pas parler de la procureuse et de ne -pas dire un mot de la blessure. - --- C'est chose convenue; vous avez ma parole. - --- Oh! c'est qu'il me tuerait, voyez-vous! - --- N'ayez pas peur; il n'est pas si diable qu'il en a l'air. - -En disant ces mots, d'Artagnan monta l'escalier, laissant son hôte -un peu plus rassuré à l'endroit de deux choses auxquelles il -paraissait beaucoup tenir: sa créance et sa vie. - -Au haut de l'escalier, sur la porte la plus apparente du corridor -était tracé, à l'encre noire, un n° 1 gigantesque; d'Artagnan -frappa un coup, et, sur l'invitation de passer outre qui lui vint -de l'intérieur, il entra. - -Porthos était couché, et faisait une partie de lansquenet avec -Mousqueton, pour s'entretenir la main, tandis qu'une broche -chargée de perdrix tournait devant le feu, et qu'à chaque coin -d'une grande cheminée bouillaient sur deux réchauds deux -casseroles, d'où s'exhalait une double odeur de gibelotte et de -matelote qui réjouissait l'odorat. En outre, le haut d'un -secrétaire et le marbre d'une commode étaient couverts de -bouteilles vides. - -À la vue de son ami, Porthos jeta un grand cri de joie; et -Mousqueton, se levant respectueusement, lui céda la place et s'en -alla donner un coup d'oeil aux deux casseroles, dont il paraissait -avoir l'inspection particulière. - -«Ah! pardieu! c'est vous, dit Porthos à d'Artagnan, soyez le -bienvenu, et excusez-moi si je ne vais pas au-devant de vous. -Mais, ajouta-t-il en regardant d'Artagnan avec une certaine -inquiétude, vous savez ce qui m'est arrivé? - --- Non. - --- L'hôte ne vous a rien dit? - --- J'ai demandé après vous, et je suis monté tout droit.» - --- Porthos parut respirer plus librement. - -«Et que vous est-il donc arrivé, mon cher Porthos? continua -d'Artagnan. - --- Il m'est arrivé qu'en me fendant sur mon adversaire, à qui -j'avais déjà allongé trois coups d'épée, et avec lequel je voulais -en finir d'un quatrième, mon pied a porté sur une pierre, et je me -suis foulé le genou. - --- Vraiment? - --- D'honneur! Heureusement pour le maraud, car je ne l'aurais -laissé que mort sur la place, je vous en réponds. - --- Et qu'est-il devenu? - --- Oh! je n'en sais rien; il en a eu assez, et il est parti sans -demander son reste; mais vous, mon cher d'Artagnan, que vous est- -il arrivé? - --- De sorte, continua d'Artagnan, que cette foulure, mon cher -Porthos, vous retient au lit? - --- Ah! mon Dieu, oui, voilà tout; du reste, dans quelques jours je -serai sur pied. - --- Pourquoi alors ne vous êtes-vous pas fait transporter à Paris? -Vous devez vous ennuyer cruellement ici. - --- C'était mon intention; mais, mon cher ami, il faut que je vous -avoue une chose. - --- Laquelle? - --- C'est que, comme je m'ennuyais cruellement, ainsi que vous le -dites, et que j'avais dans ma poche les soixante-quinze pistoles -que vous m'aviez distribuées j'ai, pour me distraire, fait monter -près de moi un gentilhomme qui était de passage, et auquel j'ai -proposé de faire une partie de dés. Il a accepté, et, ma foi, mes -soixante-quinze pistoles sont passées de ma poche dans la sienne, -sans compter mon cheval, qu'il a encore emporté par dessus le -marché. Mais vous, mon cher d'Artagnan? - --- Que voulez-vous, mon cher Porthos, on ne peut pas être -privilégié de toutes façons, dit d'Artagnan; vous savez le -proverbe: "Malheureux au jeu, heureux en amour." Vous êtes trop -heureux en amour pour que le jeu ne se venge pas; mais que vous -importent, à vous, les revers de la fortune! n'avez-vous pas, -heureux coquin que vous êtes, n'avez-vous pas votre duchesse, qui -ne peut manquer de vous venir en aide? - --- Eh bien, voyez, mon cher d'Artagnan, comme je joue de guignon, -répondit Porthos de l'air le plus dégagé du monde! je lui ai écrit -de m'envoyer quelque cinquante louis dont j'avais absolument -besoin, vu la position où je me trouvais... - --- Eh bien? - --- Eh bien, il faut qu'elle soit dans ses terres, car elle ne m'a -pas répondu. - --- Vraiment? - --- Non. Aussi je lui ai adressé hier une seconde épître plus -pressante encore que la première; mais vous voilà, mon très cher, -parlons de vous. Je commençais, je vous l'avoue, à être dans une -certaine inquiétude sur votre compte. - --- Mais votre hôte se conduit bien envers vous, à ce qu'il paraît, -mon cher Porthos, dit d'Artagnan, montrant au malade les -casseroles pleines et les bouteilles vides. - --- Couci-couci! répondit Porthos. Il y a déjà trois ou quatre -jours que l'impertinent m'a monté son compte, et que je les ai mis -à la porte, son compte et lui; de sorte que je suis ici comme une -façon de vainqueur, comme une manière de conquérant. Aussi, vous -le voyez, craignant toujours d'être forcé dans la position, je -suis armé jusqu'aux dents. - --- Cependant, dit en riant d'Artagnan, il me semble que de temps -en temps vous faites des sorties.» - -Et il montrait du doigt les bouteilles et les casseroles. - -«Non, pas moi, malheureusement! dit Porthos. Cette misérable -foulure me retient au lit, mais Mousqueton bat la campagne, et il -rapporte des vivres. Mousqueton, mon ami, continua Porthos, vous -voyez qu'il nous arrive du renfort, il nous faudra un supplément -de victuailles. - --- Mousqueton, dit d'Artagnan, il faudra que vous me rendiez un -service. - --- Lequel, monsieur? - --- C'est de donner votre recette à Planchet; je pourrais me -trouver assiégé à mon tour, et je ne serais pas fâché qu'il me fît -jouir des mêmes avantages dont vous gratifiez votre maître. - --- Eh! mon Dieu! monsieur, dit Mousqueton d'un air modeste, rien -de plus facile. Il s'agit d'être adroit, voilà tout. J'ai été -élevé à la campagne, et mon père, dans ses moments perdus, était -quelque peu braconnier. - --- Et le reste du temps, que faisait-il? - --- Monsieur, il pratiquait une industrie que j'ai toujours trouvée -assez heureuse. - --- Laquelle? - --- Comme c'était au temps des guerres des catholiques et des -huguenots, et qu'il voyait les catholiques exterminer les -huguenots, et les huguenots exterminer les catholiques, le tout au -nom de la religion, il s'était fait une croyance mixte, ce qui lui -permettait d'être tantôt catholique, tantôt huguenot. Or il se -promenait habituellement, son escopette sur l'épaule, derrière les -haies qui bordent les chemins, et quand il voyait venir un -catholique seul, la religion protestante l'emportait aussitôt dans -son esprit. Il abaissait son escopette dans la direction du -voyageur; puis, lorsqu'il était à dix pas de lui, il entamait un -dialogue qui finissait presque toujours par l'abandon que le -voyageur faisait de sa bourse pour sauver sa vie. Il va sans dire -que lorsqu'il voyait venir un huguenot, il se sentait pris d'un -zèle catholique si ardent, qu'il ne comprenait pas comment, un -quart d'heure auparavant, il avait pu avoir des doutes sur la -supériorité de notre sainte religion. Car, moi, monsieur, je suis -catholique, mon père, fidèle à ses principes, ayant fait mon frère -aîné huguenot. - --- Et comment a fini ce digne homme? demanda d'Artagnan. - --- Oh! de la façon la plus malheureuse, monsieur. Un jour, il -s'était trouvé pris dans un chemin creux entre un huguenot et un -catholique à qui il avait déjà eu affaire, et qui le reconnurent -tous deux; de sorte qu'ils se réunirent contre lui et le pendirent -à un arbre; puis ils vinrent se vanter de la belle équipée qu'ils -avaient faite dans le cabaret du premier village, où nous étions à -boire, mon frère et moi. - --- Et que fîtes-vous? dit d'Artagnan. - --- Nous les laissâmes dire, reprit Mousqueton. Puis comme, en -sortant de ce cabaret, ils prenaient chacun une route opposée, mon -frère alla s'embusquer sur le chemin du catholique, et moi sur -celui du protestant. Deux heures après, tout était fini, nous leur -avions fait à chacun son affaire, tout en admirant la prévoyance -de notre pauvre père qui avait pris la précaution de nous élever -chacun dans une religion différente. - --- En effet, comme vous le dites, Mousqueton, votre père me paraît -avoir été un gaillard fort intelligent. Et vous dites donc que, -dans ses moments perdus, le brave homme était braconnier? - --- Oui, monsieur, et c'est lui qui m'a appris à nouer un collet et -à placer une ligne de fond. Il en résulte que lorsque j'ai vu que -notre gredin d'hôte nous nourrissait d'un tas de grosses viandes -bonnes pour des manants, et qui n'allaient point à deux estomacs -aussi débilités que les nôtres, je me suis remis quelque peu à mon -ancien métier. Tout en me promenant dans le bois de M. le Prince, -j'ai tendu des collets dans les passées; tout en me couchant au -bord des pièces d'eau de Son Altesse, j'ai glissé des lignes dans -les étangs. De sorte que maintenant, grâce à Dieu, nous ne -manquons pas, comme monsieur peut s'en assurer, de perdrix et de -lapins, de carpes et d'anguilles, tous aliments légers et sains, -convenables pour des malades. - --- Mais le vin, dit d'Artagnan, qui fournit le vin? c'est votre -hôte? - --- C'est-à-dire, oui et non. - --- Comment, oui et non? - --- Il le fournit, il est vrai, mais il ignore qu'il a cet honneur. - --- Expliquez-vous, Mousqueton, votre conversation est pleine de -choses instructives. - --- Voici, monsieur. Le hasard a fait que j'ai rencontré dans mes -pérégrinations un Espagnol qui avait vu beaucoup de pays, et entre -autres le Nouveau Monde. - --- Quel rapport le Nouveau Monde peut-il avoir avec les bouteilles -qui sont sur ce secrétaire et sur cette commode? - --- Patience, monsieur, chaque chose viendra à son tour. - --- C'est juste, Mousqueton; je m'en rapporte à vous, et j'écoute. - --- Cet Espagnol avait à son service un laquais qui l'avait -accompagné dans son voyage au Mexique. Ce laquais était mon -compatriote, de sorte que nous nous liâmes d'autant plus -rapidement qu'il y avait entre nous de grands rapports de -caractère. Nous aimions tous deux la chasse par-dessus tout, de -sorte qu'il me racontait comment, dans les plaines de pampas, les -naturels du pays chassent le tigre et les taureaux avec de simples -noeuds coulants qu'ils jettent au cou de ces terribles animaux. -D'abord, je ne voulais pas croire qu'on pût en arriver à ce degré -d'adresse, de jeter à vingt ou trente pas l'extrémité d'une corde -où l'on veut; mais devant la preuve il fallait bien reconnaître la -vérité du récit. Mon ami plaçait une bouteille à trente pas, et à -chaque coup il lui prenait le goulot dans un noeud coulant. Je me -livrai à cet exercice, et comme la nature m'a doué de quelques -facultés, aujourd'hui je jette le lasso aussi bien qu'aucun homme -du monde. Eh bien, comprenez-vous? Notre hôte a une cave très bien -garnie, mais dont la clef ne le quitte pas; seulement, cette cave -a un soupirail. Or, par ce soupirail, je jette le lasso; et comme -je sais maintenant où est le bon coin, j'y puise. Voici, monsieur, -comment le Nouveau Monde se trouve être en rapport avec les -bouteilles qui sont sur cette commode et sur ce secrétaire. -Maintenant, voulez-vous goûter notre vin, et, sans prévention, -vous nous direz ce que vous en pensez. - --- Merci, mon ami, merci; malheureusement, je viens de déjeuner. - --- Eh bien, dit Porthos, mets la table, Mousqueton, et tandis que -nous déjeunerons, nous, d'Artagnan nous racontera ce qu'il est -devenu lui-même, depuis dix jours qu'il nous a quittés. - --- Volontiers», dit d'Artagnan. - -Tandis que Porthos et Mousqueton déjeunaient avec des appétits de -convalescents et cette cordialité de frères qui rapproche les -hommes dans le malheur, d'Artagnan raconta comment Aramis blessé -avait été forcé de s'arrêter à Crèvecoeur, comment il avait laissé -Athos se débattre à Amiens entre les mains de quatre hommes qui -l'accusaient d'être un faux-monnayeur, et comment, lui, -d'Artagnan, avait été forcé de passer sur le ventre du comte -de Wardes pour arriver jusqu'en Angleterre. - -Mais là s'arrêta la confidence de d'Artagnan; il annonça seulement -qu'à son retour de la Grande-Bretagne il avait ramené quatre -chevaux magnifiques, dont un pour lui et un autre pour chacun de -ses compagnons, puis il termina en annonçant à Porthos que celui -qui lui était destiné était déjà installé dans l'écurie de -l'hôtel. - -En ce moment Planchet entra; il prévenait son maître que les -chevaux étaient suffisamment reposés, et qu'il serait possible -d'aller coucher à Clermont. - -Comme d'Artagnan était à peu près rassuré sur Porthos, et qu'il lui -tardait d'avoir des nouvelles de ses deux autres amis, il tendit la -main au malade, et le prévint qu'il allait se mettre en route pour -continuer ses recherches. Au reste, comme il comptait revenir par la -même route, si, dans sept à huit jours, Porthos était encore à l'hôtel -du Grand Saint Martin, il le reprendrait en passant. - -Porthos répondit que, selon toute probabilité, sa foulure ne lui -permettrait pas de s'éloigner d'ici là. D'ailleurs il fallait qu'il -restât à Chantilly pour attendre une réponse de sa duchesse. - -D'Artagnan lui souhaita cette réponse prompte et bonne; et après avoir -recommandé de nouveau Porthos à Mousqueton, et payé sa dépense à -l'hôte, il se remit en route avec Planchet, déjà débarrassé d'un de ses -chevaux de main. - - -CHAPITRE XXVI -LA THÈSE D'ARAMIS - -D'Artagnan n'avait rien dit à Porthos de sa blessure ni de sa -procureuse. C'était un garçon fort sage que notre Béarnais, si -jeune qu'il fût. En conséquence, il avait fait semblant de croire -tout ce que lui avait raconté le glorieux mousquetaire, convaincu -qu'il n'y a pas d'amitié qui tienne à un secret surpris, surtout -quand ce secret intéresse l'orgueil; puis on a toujours une -certaine supériorité morale sur ceux dont on sait la vie. - -Or d'Artagnan, dans ses projets d'intrigue à venir, et décidé -qu'il était à faire de ses trois compagnons les instruments de sa -fortune, d'Artagnan n'était pas fâché de réunir d'avance dans sa -main les fils invisibles à l'aide desquels il comptait les mener. - -Cependant, tout le long de la route, une profonde tristesse lui -serrait le coeur: il pensait à cette jeune et jolie Mme Bonacieux -qui devait lui donner le prix de son dévouement; mais, hâtons-nous -de le dire, cette tristesse venait moins chez le jeune homme du -regret de son bonheur perdu que de la crainte qu'il éprouvait -qu'il n'arrivât malheur à cette pauvre femme. Pour lui, il n'y -avait pas de doute, elle était victime d'une vengeance du cardinal -et comme on le sait, les vengeances de Son Éminence étaient -terribles. Comment avait-il trouvé grâce devant les yeux du -ministre, c'est ce qu'il ignorait lui-même et sans doute ce que -lui eût révélé M. de Cavois, si le capitaine des gardes l'eût -trouvé chez lui. - -Rien ne fait marcher le temps et n'abrège la route comme une -pensée qui absorbe en elle-même toutes les facultés de -l'organisation de celui qui pense. L'existence extérieure -ressemble alors à un sommeil dont cette pensée est le rêve. Par -son influence, le temps n'a plus de mesure, l'espace n'a plus de -distance. On part d'un lieu, et l'on arrive à un autre, voilà -tout. De l'intervalle parcouru, rien ne reste présent à votre -souvenir qu'un brouillard vague dans lequel s'effacent mille -images confuses d'arbres, de montagnes et de paysages. Ce fut en -proie à cette hallucination que d'Artagnan franchit, à l'allure -que voulut prendre son cheval, les six ou huit lieues qui séparent -Chantilly de Crèvecoeur, sans qu'en arrivant dans ce village il se -souvînt d'aucune des choses qu'il avait rencontrées sur sa route. - -Là seulement la mémoire lui revint, il secoua la tête aperçut le -cabaret où il avait laissé Aramis, et, mettant son cheval au trot, -il s'arrêta à la porte. - -Cette fois ce ne fut pas un hôte, mais une hôtesse qui le reçut; -d'Artagnan était physionomiste, il enveloppa d'un coup d'oeil la -grosse figure réjouie de la maîtresse du lieu, et comprit qu'il -n'avait pas besoin de dissimuler avec elle et qu'il n'avait rien à -craindre de la part d'une si joyeuse physionomie. - -«Ma bonne dame, lui demanda d'Artagnan, pourriez-vous me dire ce -qu'est devenu un de mes amis, que nous avons été forcés de laisser -ici il y a une douzaine de jours? - --- Un beau jeune homme de vingt-trois à vingt-quatre ans, doux, -aimable, bien fait? - --- De plus, blessé à l'épaule. - --- C'est cela! - --- Justement. - --- Eh bien, monsieur, il est toujours ici. - --- Ah! pardieu, ma chère dame, dit d'Artagnan en mettant pied à -terre et en jetant la bride de son cheval au bras de Planchet, -vous me rendez la vie; où est-il, ce cher Aramis, que je -l'embrasse? car, je l'avoue, j'ai hâte de le revoir. - --- Pardon, monsieur, mais je doute qu'il puisse vous recevoir en -ce moment. - --- Pourquoi cela? est-ce qu'il est avec une femme? - --- Jésus! que dites-vous là! le pauvre garçon! Non, monsieur, il -n'est pas avec une femme. - --- Et avec qui est-il donc? - --- Avec le curé de Montdidier et le supérieur des jésuites -d'Amiens. - --- Mon Dieu! s'écria d'Artagnan, le pauvre garçon irait-il plus -mal? - --- Non, monsieur, au contraire; mais, à la suite de sa maladie, la -grâce l'a touché et il s'est décidé à entrer dans les ordres. - --- C'est juste, dit d'Artagnan, j'avais oublié qu'il n'était -mousquetaire que par intérim. - --- Monsieur insiste-t-il toujours pour le voir? - --- Plus que jamais. - --- Eh bien, monsieur n'a qu'à prendre l'escalier à droite dans la -cour, au second, n° 5.» - -D'Artagnan s'élança dans la direction indiquée et trouva un de ces -escaliers extérieurs comme nous en voyons encore aujourd'hui dans -les cours des anciennes auberges. Mais on n'arrivait pas ainsi -chez le futur abbé; les défilés de la chambre d'Aramis étaient -gardés ni plus ni moins que les jardins d'Aramis; Bazin -stationnait dans le corridor et lui barra le passage avec d'autant -plus d'intrépidité qu'après bien des années d'épreuve, Bazin se -voyait enfin près d'arriver au résultat qu'il avait éternellement -ambitionné. - -En effet, le rêve du pauvre Bazin avait toujours été de servir un -homme d'Église, et il attendait avec impatience le moment sans -cesse entrevu dans l'avenir où Aramis jetterait enfin la casaque -aux orties pour prendre la soutane. La promesse renouvelée chaque -jour par le jeune homme que le moment ne pouvait tarder l'avait -seule retenu au service d'un mousquetaire, service dans lequel, -disait-il, il ne pouvait manquer de perdre son âme. - -Bazin était donc au comble de la joie. Selon toute probabilité, -cette fois son maître ne se dédirait pas. La réunion de la douleur -physique à la douleur morale avait produit l'effet si longtemps -désiré: Aramis, souffrant à la fois du corps et de l'âme, avait -enfin arrêté sur la religion ses yeux et sa pensée, et il avait -regardé comme un avertissement du Ciel le double accident qui lui -était arrivé, c'est-à-dire la disparition subite de sa maîtresse -et sa blessure à l'épaule. - -On comprend que rien ne pouvait, dans la disposition où il se -trouvait, être plus désagréable à Bazin que l'arrivée de -d'Artagnan, laquelle pouvait rejeter son maître dans le tourbillon -des idées mondaines qui l'avaient si longtemps entraîné. Il -résolut donc de défendre bravement la porte; et comme, trahi par -la maîtresse de l'auberge, il ne pouvait dire qu'Aramis était -absent, il essaya de prouver au nouvel arrivant que ce serait le -comble de l'indiscrétion que de déranger son maître dans la pieuse -conférence qu'il avait entamée depuis le matin, et qui, au dire de -Bazin, ne pouvait être terminée avant le soir. - -Mais d'Artagnan ne tint aucun compte de l'éloquent discours de -maître Bazin, et comme il ne se souciait pas d'entamer une -polémique avec le valet de son ami, il l'écarta tout simplement -d'une main, et de l'autre il tourna le bouton de la porte n° 5. - -La porte s'ouvrit, et d'Artagnan pénétra dans la chambre. - -Aramis, en surtout noir, le chef accommodé d'une espèce de -coiffure ronde et plate qui ne ressemblait pas mal à une calotte, -était assis devant une table oblongue couverte de rouleaux de -papier et d'énormes in-folio; à sa droite était assis le supérieur -des jésuites, et à sa gauche le curé de Montdidier. Les rideaux -étaient à demi clos et ne laissaient pénétrer qu'un jour -mystérieux, ménagé pour une béate rêverie. Tous les objets -mondains qui peuvent frapper l'oeil quand on entre dans la chambre -d'un jeune homme, et surtout lorsque ce jeune homme est -mousquetaire, avaient disparu comme par enchantement; et, de peur -sans doute que leur vue ne ramenât son maître aux idées de ce -monde, Bazin avait fait main basse sur l'épée, les pistolets, le -chapeau à plume, les broderies et les dentelles de tout genre et -de toute espèce. - -Mais, en leur lieu et place, d'Artagnan crut apercevoir dans un -coin obscur comme une forme de discipline suspendue par un clou à -la muraille. - -Au bruit que fit d'Artagnan en ouvrant la porte, Aramis leva la -tête et reconnut son ami. Mais, au grand étonnement du jeune -homme, sa vue ne parut pas produire une grande impression sur le -mousquetaire, tant son esprit était détaché des choses de la -terre. - -«Bonjour, cher d'Artagnan, dit Aramis; croyez que je suis heureux -de vous voir. - --- Et moi aussi, dit d'Artagnan, quoique je ne sois pas encore -bien sûr que ce soit à Aramis que je parle. - --- À lui-même, mon ami, à lui-même; mais qui a pu vous faire -douter? - --- J'avais peur de me tromper de chambre, et j'ai cru d'abord -entrer dans l'appartement de quelque homme Église; puis une autre -erreur m'a pris en vous trouvant en compagnie de ces messieurs: -c'est que vous ne fussiez gravement malade.» - -Les deux hommes noirs lancèrent sur d'Artagnan, dont ils -comprirent l'intention, un regard presque menaçant; mais -d'Artagnan ne s'en inquiéta pas. - -«Je vous trouble peut-être, mon cher Aramis, continua d'Artagnan; -car, d'après ce que je vois, je suis porté à croire que vous vous -confessez à ces messieurs.» - -Aramis rougit imperceptiblement. - -«Vous, me troubler? oh! bien au contraire, cher ami, je vous le -jure; et comme preuve de ce que je dis, permettez-moi de me -réjouir en vous voyant sain et sauf. - --- Ah! il y vient enfin! pensa d'Artagnan, ce n'est pas -malheureux. - --- Car, monsieur, qui est mon ami, vient d'échapper à un rude -danger, continua Aramis avec onction, en montrant de la main -d'Artagnan aux deux ecclésiastiques. - --- Louez Dieu, monsieur, répondirent ceux-ci en s'inclinant à -l'unisson. - --- Je n'y ai pas manqué, mes révérends, répondit le jeune homme en -leur rendant leur salut à son tour. - --- Vous arrivez à propos, cher d'Artagnan, dit Aramis, et vous -allez, en prenant part à la discussion, l'éclairer de vos -lumières. M. le principal d'Amiens, M. le curé de Montdidier et -moi, nous argumentons sur certaines questions théologiques dont -l'intérêt nous captive depuis longtemps; je serais charmé d'avoir -votre avis. - --- L'avis d'un homme d'épée est bien dénué de poids, répondit -d'Artagnan, qui commençait à s'inquiéter de la tournure que -prenaient les choses, et vous pouvez vous en tenir, croyez-moi, à -la science de ces messieurs.» - -Les deux hommes noirs saluèrent à leur tour. - -«Au contraire, reprit Aramis, et votre avis nous sera précieux; -voici de quoi il s'agit: M. le principal croit que ma thèse doit -être surtout dogmatique et didactique. - --- Votre thèse! vous faites donc une thèse? - --- Sans doute, répondit le jésuite; pour l'examen qui précède -l'ordination, une thèse est de rigueur. - --- L'ordination! s'écria d'Artagnan, qui ne pouvait croire à ce -que lui avaient dit successivement l'hôtesse et -Bazin,... l'ordination!» - -Et il promenait ses yeux stupéfaits sur les trois personnages -qu'il avait devant lui. - -«Or», continua Aramis en prenant sur son fauteuil la même pose -gracieuse que s'il eût été dans une ruelle et en examinant avec -complaisance sa main blanche et potelée comme une main de femme, -qu'il tenait en l'air pour en faire descendre le sang: «or, comme -vous l'avez entendu, d'Artagnan, M. le principal voudrait que ma -thèse fût dogmatique, tandis que je voudrais, moi, qu'elle fût -idéale. C'est donc pourquoi M. le principal me proposait ce sujet -qui n'a point encore été traité, dans lequel je reconnais qu'il y -a matière à de magnifiques développements. - -_«Utraque manus in benedicendo clericis inferioribus necessaria -est.»_ - -D'Artagnan, dont nous connaissons l'érudition, ne sourcilla pas -plus à cette citation qu'à celle que lui avait faite -M. de Tréville à propos des présents qu'il prétendait que -d'Artagnan avait reçus de M. de Buckingham. - -«Ce qui veut dire, reprit Aramis pour lui donner toute facilité: -les deux mains sont indispensables aux prêtres des ordres -inférieurs, quand ils donnent la bénédiction. - --- Admirable sujet! s'écria le jésuite. - --- Admirable et dogmatique!» répéta le curé qui, de la force de -d'Artagnan à peu près sur le latin, surveillait soigneusement le -jésuite pour emboîter le pas avec lui et répéter ses paroles comme -un écho. - -Quant à d'Artagnan, il demeura parfaitement indifférent à -l'enthousiasme des deux hommes noirs. - -«Oui, admirable! _prorsus admirabile_! continua Aramis, mais qui -exige une étude approfondie des Pères et des Écritures. Or j'ai -avoué à ces savants ecclésiastiques, et cela en toute humilité, -que les veilles des corps de garde et le service du roi m'avaient -fait un peu négliger l'étude. Je me trouverai donc plus à mon -aise, _facilius natans_, dans un sujet de mon choix, qui serait à -ces rudes questions théologiques ce que la morale est à la -métaphysique en philosophie.» - -D'Artagnan s'ennuyait profondément, le curé aussi. - -«Voyez quel exorde! s'écria le jésuite. - --- _Exordium_, répéta le curé pour dire quelque chose. - --- _Quemadmodum minter coelorum immensitatem._» - -Aramis jeta un coup d'oeil de côté sur d'Artagnan, et il vit que -son ami bâillait à se démonter la mâchoire. - -«Parlons français, mon père, dit-il au jésuite, M. d'Artagnan -goûtera plus vivement nos paroles. - --- Oui, je suis fatigué de la route, dit d'Artagnan, et tout ce -latin m'échappe. - --- D'accord, dit le jésuite un peu dépité, tandis que le curé, -transporté d'aise, tournait sur d'Artagnan un regard plein de -reconnaissance; eh bien, voyez le parti qu'on tirerait de cette -glose. - --- Moïse, serviteur de Dieu... il n'est que serviteur, entendez- -vous bien! Moïse bénit avec les mains; il se fait tenir les deux -bras, tandis que les Hébreux battent leurs ennemis; donc il bénit -avec les deux mains. D'ailleurs, que dit l'Évangile: _imponite -manus_, et non pas _manum_. Imposez les mains, et non pas la main. - --- Imposez les mains, répéta le curé en faisant un geste. -- À -saint Pierre, au contraire, de qui les papes sont successeurs, -continua le jésuite: _Ponite digitos_. Présentez les doigts; y -êtes-vous maintenant? - --- Certes, répondit Aramis en se délectant, mais la chose est -subtile. - --- Les doigts! reprit le jésuite; saint Pierre bénit avec les -doigts. Le pape bénit donc aussi avec les doigts. Et avec combien -de doigts bénit-il? Avec trois doigts, un pour le Père, un pour le -Fils, et un pour le Saint-Esprit.» - -Tout le monde se signa; d'Artagnan crut devoir imiter cet exemple. - -«Le pape est successeur de saint Pierre et représente les trois -pouvoirs divins; le reste, _ordines inferiores_ de la hiérarchie -ecclésiastique, bénit par le nom des saints archanges et des -anges. Les plus humbles clercs, tels que nos diacres et -sacristains, bénissent avec les goupillons, qui simulent un nombre -indéfini de doigts bénissants. Voilà le sujet simplifié, -_argumentum omni denudatum ornamento_. Je ferais avec cela, -continua le jésuite, deux volumes de la taille de celui-ci.» - -Et, dans son enthousiasme, il frappait sur le saint Chrysostome -in-folio qui faisait plier la table sous son poids. - -D'Artagnan frémit. - -«Certes, dit Aramis, je rends justice aux beautés de cette thèse, -mais en même temps je la reconnais écrasante pour moi. J'avais -choisi ce texte; dites-moi, cher d'Artagnan, s'il n'est point de -votre goût: _Non inutile est desiderium in oblatione_, ou mieux -encore: un peu de regret ne messied pas dans une offrande au -Seigneur. - --- Halte-là! s'écria le jésuite, car cette thèse frise l'hérésie; -il y a une proposition presque semblable dans l'Augustinus de -l'hérésiarque Jansénius, dont tôt ou tard le livre sera brûlé par -les mains du bourreau. Prenez garde! mon jeune ami; vous penchez -vers les fausses doctrines, mon jeune ami; vous vous perdrez! - --- Vous vous perdrez, dit le curé en secouant douloureusement la -tête. - --- Vous touchez à ce fameux point du libre arbitre, qui est un -écueil mortel. Vous abordez de front les insinuations des -pélagiens et des demi-pélagiens. - --- Mais, mon révérend..., reprit Aramis quelque peu abasourdi de -la grêle d'arguments qui lui tombait sur la tête. - --- Comment prouverez-vous, continua le jésuite sans lui donner le -temps de parler, que l'on doit regretter le monde lorsqu'on -s'offre à Dieu? écoutez ce dilemme: Dieu est Dieu, et le monde est -le diable. Regretter le monde, c'est regretter le diable: voilà ma -conclusion. - --- C'est la mienne aussi, dit le curé. - --- Mais de grâce!... dit Aramis. - --- _Desideras diabolum_, infortuné! s'écria le jésuite. - --- Il regrette le diable! Ah! mon jeune ami, reprit le curé en -gémissant, ne regrettez pas le diable, c'est moi qui vous en -supplie.» - -D'Artagnan tournait à l'idiotisme; il lui semblait être dans une -maison de fous, et qu'il allait devenir fou comme ceux qu'il -voyait. Seulement il était forcé de se taire, ne comprenant point -la langue qui se parlait devant lui. - -«Mais écoutez-moi donc, reprit Aramis avec une politesse sous -laquelle commençait à percer un peu d'impatience, je ne dis pas -que je regrette; non, je ne prononcerai jamais cette phrase qui ne -serait pas orthodoxe...» - -Le jésuite leva les bras au ciel, et le curé en fit autant. - -«Non, mais convenez au moins qu'on a mauvaise grâce de n'offrir au -Seigneur que ce dont on est parfaitement dégoûté. Ai-je raison, -d'Artagnan? - --- Je le crois pardieu bien!» s'écria celui-ci. - -Le curé et le jésuite firent un bond sur leur chaise. - -«Voici mon point de départ, c'est un syllogisme: le monde ne -manque pas d'attraits, je quitte le monde, donc je fais un -sacrifice; or l'Écriture dit positivement: Faites un sacrifice au -Seigneur. - --- Cela est vrai, dirent les antagonistes. - --- Et puis, continua Aramis en se pinçant l'oreille pour la rendre -rouge, comme il se secouait les mains pour les rendre blanches, et -puis j'ai fait certain rondeau là-dessus que je communiquai à -M. Voiture l'an passé, et duquel ce grand homme m'a fait mille -compliments. - --- Un rondeau! fit dédaigneusement le jésuite. - --- Un rondeau! dit machinalement le curé. - --- Dites, dites, s'écria d'Artagnan, cela nous changera quelque -peu. - --- Non, car il est religieux, répondit Aramis, et c'est de la -théologie en vers. - --- Diable! fit d'Artagnan. - --- Le voici, dit Aramis d'un petit air modeste qui n'était pas -exempt d'une certaine teinte d'hypocrisie: - -_Vous qui pleurez un passé plein de charmes,_ -_Et qui traînez des jours infortunés,_ -_Tous vos malheurs se verront terminés,_ -_Quand à Dieu seul vous offrirez vos larmes,_ -_Vous qui pleurez._ - -D'Artagnan et le curé parurent flattés. Le jésuite persista dans -son opinion. - -«Gardez-vous du goût profane dans le style théologique. Que dit en -effet saint Augustin? _Severus sit clericorum sermo_. - --- Oui, que le sermon soit clair! dit le curé. - --- Or, se hâta d'interrompre le jésuite en voyant que son acolyte -se fourvoyait, or votre thèse plaira aux dames, voilà tout; elle -aura le succès d'une plaidoirie de maître Patru. - --- Plaise à Dieu! s'écria Aramis transporté. - --- Vous le voyez, s'écria le jésuite, le monde parle encore en -vous à haute voix, _altissima voce_. Vous suivez le monde, mon -jeune ami, et je tremble que la grâce ne soit point efficace. - --- Rassurez-vous, mon révérend, je réponds de moi. - --- Présomption mondaine! - --- Je me connais, mon père, ma résolution est irrévocable. - --- Alors vous vous obstinez à poursuivre cette thèse? - --- Je me sens appelé à traiter celle-là, et non pas une autre; je -vais donc la continuer, et demain j'espère que vous serez -satisfait des corrections que j'y aurai faites d'après vos avis. - --- Travaillez lentement, dit le curé, nous vous laissons dans des -dispositions excellentes. - --- Oui, le terrain est tout ensemencé, dit le jésuite, et nous -n'avons pas à craindre qu'une partie du grain soit tombée sur la -pierre, l'autre le long du chemin, et que les oiseaux du ciel -aient mangé le reste, _aves coeli coznederunt illam_. - --- Que la peste t'étouffe avec ton latin! dit d'Artagnan, qui se -sentait au bout de ses forces. - --- Adieu, mon fils, dit le curé, à demain. - --- À demain, jeune téméraire, dit le jésuite; vous promettez -d'être une des lumières de l'Église; veuille le Ciel que cette -lumière ne soit pas un feu dévorant.» - -D'Artagnan, qui pendant une heure s'était rongé les ongles -d'impatience, commençait à attaquer la chair. - -Les deux hommes noirs se levèrent, saluèrent Aramis et d'Artagnan, -et s'avancèrent vers la porte. Bazin, qui s'était tenu debout et -qui avait écouté toute cette controverse avec une pieuse -jubilation, s'élança vers eux, prit le bréviaire du curé, le -missel du jésuite, et marcha respectueusement devant eux pour leur -frayer le chemin. - -Aramis les conduisit jusqu'au bas de l'escalier et remonta -aussitôt près de d'Artagnan qui rêvait encore. - -Restés seuls, les deux amis gardèrent d'abord un silence -embarrassé; cependant il fallait que l'un des deux le rompît le -premier, et comme d'Artagnan paraissait décidé à laisser cet -honneur à son ami: - -«Vous le voyez, dit Aramis, vous me trouvez revenu à mes idées -fondamentales. - --- Oui, la grâce efficace vous a touché, comme disait ce monsieur -tout à l'heure. - --- Oh! ces plans de retraite sont formés depuis longtemps; et vous -m'en avez déjà ouï parler, n'est-ce pas, mon ami? - --- Sans doute, mais je vous avoue que j'ai cru que vous -plaisantiez. - --- Avec ces sortes de choses! Oh! d'Artagnan! - --- Dame! on plaisante bien avec la mort. - --- Et l'on a tort, d'Artagnan: car la mort, c'est la porte qui -conduit à la perdition ou au salut. - --- D'accord; mais, s'il vous plaît, ne théologisons pas, Aramis; -vous devez en avoir assez pour le reste de la journée: quant à -moi, j'ai à peu près oublié le peu de latin que je n'ai jamais su; -puis, je vous l'avouerai, je n'ai rien mangé depuis ce matin dix -heures, et j'ai une faim de tous les diables. - --- Nous dînerons tout à l'heure, cher ami; seulement, vous vous -rappellerez que c'est aujourd'hui vendredi; or, dans un pareil -jour, je ne puis ni voir, ni manger de la chair. Si vous voulez -vous contenter de mon dîner, il se compose de tétragones cuits et -de fruits. - --- Qu'entendez-vous par tétragones? demanda d'Artagnan avec -inquiétude. - --- J'entends des épinards, reprit Aramis, mais pour vous -j'ajouterai des oeufs, et c'est une grave infraction à la règle, -car les oeufs sont viande, puisqu'ils engendrent le poulet. - --- Ce festin n'est pas succulent, mais n'importe; pour rester avec -vous, je le subirai. - --- Je vous suis reconnaissant du sacrifice, dit Aramis; mais s'il -ne profite pas à votre corps, il profitera, soyez-en certain, à -votre âme. - --- Ainsi, décidément, Aramis, vous entrez en religion. Que vont -dire nos amis, que va dire M. de Tréville? Ils vous traiteront de -déserteur, je vous en préviens. - --- Je n'entre pas en religion, j'y rentre. C'est Église que -j'avais désertée pour le monde, car vous savez que je me suis fait -violence pour prendre la casaque de mousquetaire. - --- Moi, je n'en sais rien. - --- Vous ignorez comment j'ai quitté le séminaire? - --- Tout à fait. - --- Voici mon histoire; d'ailleurs les Écritures disent: -«Confessez-vous les uns aux autres», et je me confesse à vous, -d'Artagnan. - --- Et moi, je vous donne l'absolution d'avance, vous voyez que je -suis bon homme. - --- Ne plaisantez pas avec les choses saintes, mon ami. - --- Alors, dites, je vous écoute. - --- J'étais donc au séminaire depuis l'âge de neuf ans, j'en avais -vingt dans trois jours, j'allais être abbé, et tout était dit. Un -soir que je me rendais, selon mon habitude, dans une maison que je -fréquentais avec plaisir -- on est jeune, que voulez-vous! on est -faible, -- un officier qui me voyait d'un oeil jaloux lire les vies -des saints à la maîtresse de la maison, entra tout à coup et sans -être annoncé. Justement, ce soir-là, j'avais traduit un épisode de -Judith, et je venais de communiquer mes vers à la dame qui me -faisait toutes sortes de compliments, et, penchée sur mon épaule, -les relisait avec moi. La pose, qui était quelque peu abandonnée, -je l'avoue, blessa cet officier; il ne dit rien, mais lorsque je -sortis, il sortit derrière moi, et me rejoignant: - -«-- Monsieur l'abbé, dit-il, aimez-vous les coups de canne? - -«-- Je ne puis le dire, monsieur, répondis-je, personne n'ayant -jamais osé m'en donner. - -«-- Eh bien, écoutez-moi, monsieur l'abbé, si vous retournez dans -la maison où je vous ai rencontré ce soir, j'oserai, moi.» - -«Je crois que j'eus peur, je devins fort pâle, je sentis les -jambes qui me manquaient, je cherchai une réponse que je ne -trouvai pas, je me tus. - -«L'officier attendait cette réponse, et voyant qu'elle tardait, il -se mit à rire, me tourna le dos et rentra dans la maison. Je -rentrai au séminaire. - -«Je suis bon gentilhomme et j'ai le sang vif, comme vous avez pu -le remarquer, mon cher d'Artagnan; l'insulte était terrible, et, -tout inconnue qu'elle était restée au monde, je la sentais vivre -et remuer au fond de mon coeur. Je déclarai à mes supérieurs que -je ne me sentais pas suffisamment préparé pour l'ordination, et, -sur ma demande, on remit la cérémonie à un an. - -«J'allai trouver le meilleur maître d'armes de Paris, je fis -condition avec lui pour prendre une leçon d'escrime chaque jour, -et chaque jour, pendant une année, je pris cette leçon. Puis, le -jour anniversaire de celui où j'avais été insulté, j'accrochai ma -soutane à un clou, je pris un costume complet de cavalier, et je -me rendis à un bal que donnait une dame de mes amies, et où je -savais que devait se trouver mon homme. C'était rue des Francs- -Bourgeois, tout près de la Force. - -«En effet, mon officier y était; je m'approchai de lui, comme il -chantait un lai d'amour en regardant tendrement une femme, et je -l'interrompis au beau milieu du second couplet. - -«-- Monsieur, lui dis-je, vous déplaît-il toujours que je retourne -dans certaine maison de la rue Payenne, et me donnerez-vous encore -des coups de canne, s'il me prend fantaisie de vous désobéir?» - -«L'officier me regarda avec étonnement, puis il dit: - -«-- Que me voulez-vous, monsieur? Je ne vous connais pas. - -«-- Je suis, répondis-je, le petit abbé qui lit les vies des -saints et qui traduit Judith en vers. - -«-- Ah! ah! je me rappelle, dit l'officier en goguenardant; que me -voulez-vous? - -«-- Je voudrais que vous eussiez le loisir de venir faire un tour -de promenade avec moi. - -«-- Demain matin, si vous le voulez bien, et ce sera avec le plus -grand plaisir. - -«-- Non, pas demain matin, s'il vous plaît, tout de suite. - -«-- Si vous l'exigez absolument... - -«-- Mais oui, je l'exige. - -«-- Alors, sortons. Mesdames, dit l'officier, ne vous dérangez -pas. Le temps de tuer monsieur seulement, et je reviens vous -achever le dernier couplet.» - -«Nous sortîmes. - -«Je le menai rue Payenne, juste à l'endroit où un an auparavant, -heure pour heure, il m'avait fait le compliment que je vous ai -rapporté. Il faisait un clair de lune superbe. Nous mîmes l'épée à -la main, et à la première passe, je le tuai roide. - --- Diable! fit d'Artagnan. - --- Or, continua Aramis, comme les dames ne virent pas revenir leur -chanteur, et qu'on le trouva rue Payenne avec un grand coup d'épée -au travers du corps, on pensa que c'était moi qui l'avait -accommodé ainsi, et la chose fit scandale. Je fus donc pour -quelque temps forcé de renoncer à la soutane. Athos, dont je fis -la connaissance à cette époque, et Porthos, qui m'avait, en dehors -de mes leçons d'escrime, appris quelques bottes gaillardes, me -décidèrent à demander une casaque de mousquetaire. Le roi avait -fort aimé mon père, tué au siège d'Arras, et l'on m'accorda cette -casaque. Vous comprenez donc qu'aujourd'hui le moment est venu -pour moi de rentrer dans le sein de l'église - --- Et pourquoi aujourd'hui plutôt qu'hier et que demain? Que vous -est-il donc arrivé aujourd'hui, qui vous donne de si méchantes -idées? - --- Cette blessure, mon cher d'Artagnan, m'a été un avertissement -du Ciel. - --- Cette blessure? bah! elle est à peu près guérie, et je suis sûr -qu'aujourd'hui ce n'est pas celle-là qui vous fait le plus -souffrir. - --- Et laquelle? demanda Aramis en rougissant. - --- Vous en avez une au coeur, Aramis, une plus vive et plus -sanglante, une blessure faite par une femme.» - -L'oeil d'Aramis étincela malgré lui. - -«Ah! dit-il en dissimulant son émotion sous une feinte négligence, -ne parlez pas de ces choses-là; moi, penser à ces choses-là! avoir -des chagrins d'amour? _Vanitas vanitatum_! Me serais-je donc, à -votre avis, retourné la cervelle, et pour qui? pour quelque -grisette, pour quelque fille de chambre, à qui j'aurais fait la -cour dans une garnison, fi! - --- Pardon, mon cher Aramis, mais je croyais que vous portiez vos -visées plus haut. - --- Plus haut? et que suis-je pour avoir tant d'ambition? un pauvre -mousquetaire fort gueux et fort obscur, qui hait les servitudes et -se trouve grandement déplacé dans le monde! - --- Aramis, Aramis! s'écria d'Artagnan en regardant son ami avec un -air de doute. - --- Poussière, je rentre dans la poussière. La vie est pleine -d'humiliations et de douleurs, continua-t-il en s'assombrissant; -tous les fils qui la rattachent au bonheur se rompent tour à tour -dans la main de l'homme, surtout les fils d'or. O mon cher -d'Artagnan! reprit Aramis en donnant à sa voix une légère teinte -d'amertume, croyez-moi, cachez bien vos plaies quand vous en -aurez. Le silence est la dernière joie des malheureux; gardez-vous -de mettre qui que ce soit sur la trace de vos douleurs, les -curieux pompent nos larmes comme les mouches font du sang d'un -daim blessé. - --- Hélas, mon cher Aramis, dit d'Artagnan en poussant à son tour -un profond soupir, c'est mon histoire à moi-même que vous faites -là. - --- Comment? - --- Oui, une femme que j'aimais, que j'adorais, vient de m'être -enlevée de force. Je ne sais pas où elle est, où on l'a conduite; -elle est peut-être prisonnière, elle est peut-être morte. - --- Mais vous avez au moins la consolation de vous dire qu'elle ne -vous a pas quitté volontairement; que si vous n'avez point de ses -nouvelles, c'est que toute communication avec vous lui est -interdite, tandis que... - --- Tandis que... - --- Rien, reprit Aramis, rien. - --- Ainsi, vous renoncez à jamais au monde, c'est un parti pris, -une résolution arrêtée? - --- À tout jamais. Vous êtes mon ami aujourd'hui, demain vous ne -serez plus pour moi qu'une ombre; où plutôt même, vous n'existerez -plus. Quant au monde, c'est un sépulcre et pas autre chose. - --- Diable! c'est fort triste ce que vous me dites là. - --- Que voulez-vous! ma vocation m'attire, elle m'enlève. - -D'Artagnan sourit et ne répondit point. Aramis continua: - -«Et cependant, tandis que je tiens encore à la terre j'eusse voulu -vous parler de vous, de nos amis. - --- Et moi, dit d'Artagnan, j'eusse voulu vous parler de vous-même, -mais je vous vois si détaché de tout; les amours, vous en faites -fi; les amis sont des ombres, le monde est un sépulcre. - --- Hélas! vous le verrez par vous-même, dit Aramis avec un soupir. - --- N'en parlons donc plus, dit d'Artagnan, et brûlons cette lettre -qui, sans doute, vous annonçait quelque nouvelle infidélité de -votre grisette ou de votre fille de chambre. - --- Quelle lettre? s'écria vivement Aramis. - --- Une lettre qui était venue chez vous en votre absence et qu'on -m'a remise pour vous. - --- Mais de qui cette lettre? - --- Ah! de quelque suivante éplorée, de quelque grisette au -désespoir; la fille de chambre de Mme de Chevreuse peut-être, qui -aura été obligée de retourner à Tours avec sa maîtresse, et qui, -pour se faire pimpante, aura pris du papier parfumé et aura -cacheté sa lettre avec une couronne de duchesse. - --- Que dites-vous là? - --- Tiens, je l'aurai perdue! dit sournoisement le jeune homme en -faisant semblant de chercher. Heureusement que le monde est un -sépulcre, que les hommes et par conséquent les femmes sont des -ombres, que l'amour est un sentiment dont vous faites fi! - --- Ah! d'Artagnan, d'Artagnan! s'écria Aramis, tu me fais mourir! - --- Enfin, la voici!» dit d'Artagnan. - -Et il tira la lettre de sa poche. - -Aramis fit un bond, saisit la lettre, la lut ou plutôt la dévora, -son visage rayonnait. - -«Il paraît que la suivante à un beau style, dit nonchalamment le -messager. - --- Merci, d'Artagnan! s'écria Aramis presque en délire. Elle a été -forcée de retourner à Tours; elle ne m'est pas infidèle, elle -m'aime toujours. Viens, mon ami, viens que je t'embrasse, le -bonheur m'étouffe!» - -Et les deux amis se mirent à danser autour du vénérable saint -Chrysostome, piétinant bravement les feuillets de la thèse qui -avaient roulé sur le parquet. - -En ce moment, Bazin entrait avec les épinards et l'omelette. - -«Fuis, malheureux! s'écria Aramis en lui jetant sa calotte au -visage; retourne d'où tu viens, remporte ces horribles légumes et -cet affreux entremets! demande un lièvre piqué, un chapon gras, un -gigot à l'ail et quatre bouteilles de vieux bourgogne.» - -Bazin, qui regardait son maître et qui ne comprenait rien à ce -changement, laissa mélancoliquement glisser l'omelette dans les -épinards, et les épinards sur le parquet. - -«Voilà le moment de consacrer votre existence au Roi des Rois, dit -d'Artagnan, si vous tenez à lui faire une politesse: _Non inutile -desiderium in oblatione_. - --- Allez-vous-en au diable avec votre latin! Mon cher d'Artagnan, -buvons, morbleu, buvons frais, buvons beaucoup, et racontez-moi un -peu ce qu'on fait là-bas.» - - -CHAPITRE XXVII -LA FEMME D'ATHOS - -«Il reste maintenant à savoir des nouvelles d'Athos, dit -d'Artagnan au fringant Aramis, quand il l'eut mis au courant de ce -qui s'était passé dans la capitale depuis leur départ, et qu'un -excellent dîner leur eut fait oublier à l'un sa thèse, à l'autre -sa fatigue. - --- Croyez-vous donc qu'il lui soit arrivé malheur? demanda Aramis. -Athos est si froid, si brave et manie si habilement son épée. - --- Oui, sans doute, et personne ne reconnaît mieux que moi le -courage et l'adresse d'Athos, mais j'aime mieux sur mon épée le -choc des lances que celui des bâtons, je crains qu'Athos n'ait été -étrillé par de la valetaille, les valets sont gens qui frappent -fort et ne finissent pas tôt. Voilà pourquoi, je vous l'avoue, je -voudrais repartir le plus tôt possible. - --- Je tâcherai de vous accompagner, dit Aramis, quoique je ne me -sente guère en état de monter à cheval. Hier, j'essayai de la -discipline que vous voyez sur ce mur et la douleur m'empêcha de -continuer ce pieux exercice. - --- C'est qu'aussi, mon cher ami, on n'a jamais vu essayer de -guérir un coup d'escopette avec des coups de martinet; mais vous -étiez malade, et la maladie rend la tête faible, ce qui fait que -je vous excuse. - --- Et quand partez-vous? - --- Demain, au point du jour; reposez-vous de votre mieux cette -nuit, et demain, si vous le pouvez, nous partirons ensemble. - --- À demain donc, dit Aramis; car tout de fer que vous êtes, vous -devez avoir besoin de repos.» - -Le lendemain, lorsque d'Artagnan entra chez Aramis, il le trouva à -sa fenêtre. - -«Que regardez-vous donc là? demanda d'Artagnan. - --- Ma foi! J'admire ces trois magnifiques chevaux que les garçons -d'écurie tiennent en bride; c'est un plaisir de prince que de -voyager sur de pareilles montures. - --- Eh bien, mon cher Aramis, vous vous donnerez ce plaisir-là, car -l'un de ces chevaux est à vous. - --- Ah! bah, et lequel? - --- Celui des trois que vous voudrez: je n'ai pas de préférence. - --- Et le riche caparaçon qui le couvre est à moi aussi? - --- Sans doute. - --- Vous voulez rire, d'Artagnan. - --- Je ne ris plus depuis que vous parlez français. - --- C'est pour moi, ces fontes dorées, cette housse de velours, -cette selle chevillée d'argent? - --- À vous-même, comme le cheval qui piaffe est à moi, comme cet -autre cheval qui caracole est à Athos. - --- Peste! ce sont trois bêtes superbes. - --- Je suis flatté qu'elles soient de votre goût. - --- C'est donc le roi qui vous a fait ce cadeau-là? - --- À coup sûr, ce n'est point le cardinal, mais ne vous inquiétez -pas d'où ils viennent, et songez seulement qu'un des trois est -votre propriété. - --- Je prends celui que tient le valet roux. - --- À merveille! - --- Vive Dieu! s'écria Aramis, voilà qui me fait passer le reste de -ma douleur; je monterais là-dessus avec trente balles dans le -corps. Ah! sur mon âme, les beaux étriers! Holà! Bazin, venez çà, -et à l'instant même.» - -Bazin apparut, morne et languissant, sur le seuil de la porte. - -«Fourbissez mon épée, redressez mon feutre, brossez mon manteau, -et chargez mes pistolets! dit Aramis. - --- Cette dernière recommandation est inutile, interrompit -d'Artagnan: il y a des pistolets chargés dans vos fontes.» - -Bazin soupira. - -«Allons, maître Bazin, tranquillisez-vous, dit d'Artagnan; on -gagne le royaume des cieux dans toutes les conditions. - --- Monsieur était déjà si bon théologien! dit Bazin presque -larmoyant; il fût devenu évêque et peut-être cardinal. - --- Eh bien, mon pauvre Bazin, voyons, réfléchis un peu; à quoi -sert d'être homme d'Église, je te prie? on n'évite pas pour cela -d'aller faire la guerre; tu vois bien que le cardinal va faire la -première campagne avec le pot en tête et la pertuisane au poing; -et M. de Nogaret de La Valette, qu'en dis-tu? il est cardinal -aussi, demande à son laquais combien de fois il lui a fait de la -charpie. - --- Hélas! soupira Bazin, je le sais, monsieur, tout est bouleversé -dans le monde aujourd'hui.» - -Pendant ce temps, les deux jeunes gens et le pauvre laquais -étaient descendus. - -«Tiens-moi l'étrier, Bazin», dit Aramis. - -Et Aramis s'élança en selle avec sa grâce et sa légèreté -ordinaire; mais après quelques voltes et quelques courbettes du -noble animal, son cavalier ressentit des douleurs tellement -insupportables, qu'il pâlit et chancela. D'Artagnan qui, dans la -prévision de cet accident, ne l'avait pas perdu des yeux, s'élança -vers lui, le retint dans ses bras et le conduisit à sa chambre. - -«C'est bien, mon cher Aramis, soignez-vous, dit-il, j'irai seul à -la recherche d'Athos. - --- Vous êtes un homme d'airain, lui dit Aramis. - --- Non, j'ai du bonheur, voilà tout, mais comment allez-vous vivre -en m'attendant? plus de thèse, plus de glose sur les doigts et les -bénédictions, hein?» - -Aramis sourit. - -«Je ferai des vers, dit-il. - --- Oui, des vers parfumés à l'odeur du billet de la suivante de -Mme de Chevreuse. Enseignez donc la prosodie à Bazin, cela le -consolera. Quant au cheval, montez-le tous les jours un peu, et -cela vous habituera aux manoeuvres. - --- Oh! pour cela, soyez tranquille, dit Aramis, vous me -retrouverez prêt à vous suivre.» - -Ils se dirent adieu et, dix minutes après, d'Artagnan, après avoir -recommandé son ami à Bazin et à l'hôtesse, trottait dans la -direction d'Amiens. - -Comment allait-il retrouver Athos, et même le retrouverait-il? - -La position dans laquelle il l'avait laissé était critique; il -pouvait bien avoir succombé. Cette idée, en assombrissant son -front, lui arracha quelques soupirs et lui fit formuler tout bas -quelques serments de vengeance. De tous ses amis, Athos était le -plus âgé, et partant le moins rapproché en apparence de ses goûts -et de ses sympathies. - -Cependant il avait pour ce gentilhomme une préférence marquée. -L'air noble et distingué d'Athos, ces éclairs de grandeur qui -jaillissaient de temps en temps de l'ombre où il se tenait -volontairement enfermé, cette inaltérable égalité d'humeur qui en -faisait le plus facile compagnon de la terre, cette gaieté forcée -et mordante, cette bravoure qu'on eût appelée aveugle si elle -n'eût été le résultat du plus rare sang-froid, tant de qualités -attiraient plus que l'estime, plus que l'amitié de d'Artagnan, -elles attiraient son admiration. - -En effet, considéré même auprès de M. de Tréville, l'élégant et -noble courtisan, Athos, dans ses jours de belle humeur, pouvait -soutenir avantageusement la comparaison; il était de taille -moyenne, mais cette taille était si admirablement prise et si bien -proportionnée, que, plus d'une fois, dans ses luttes avec Porthos, -il avait fait plier le géant dont la force physique était devenue -proverbiale parmi les mousquetaires; sa tête, aux yeux perçants, -au nez droit, au menton dessiné comme celui de Brutus, avait un -caractère indéfinissable de grandeur et de grâce; ses mains, dont -il ne prenait aucun soin, faisaient le désespoir d'Aramis, qui -cultivait les siennes à grand renfort de pâte d'amandes et d'huile -parfumée; le son de sa voix était pénétrant et mélodieux tout à la -fois, et puis, ce qu'il y avait d'indéfinissable dans Athos, qui -se faisait toujours obscur et petit, c'était cette science -délicate du monde et des usages de la plus brillante société, -cette habitude de bonne maison qui perçait comme à son insu dans -ses moindres actions. - -S'agissait-il d'un repas, Athos l'ordonnait mieux qu'aucun homme -du monde, plaçant chaque convive à la place et au rang que lui -avaient faits ses ancêtres ou qu'il s'était faits lui-même. -S'agissait-il de science héraldique, Athos connaissait toutes les -familles nobles du royaume, leur généalogie, leurs alliances, -leurs armes et l'origine de leurs armes. L'étiquette n'avait pas -de minuties qui lui fussent étrangères, il savait quels étaient -les droits des grands propriétaires, il connaissait à fond la -vénerie et la fauconnerie, et un jour il avait, en causant de ce -grand art, étonné le roi Louis XIII lui-même, qui cependant y -était passé maître. - -Comme tous les grands seigneurs de cette époque, il montait à -cheval et faisait des armes dans la perfection. Il y a plus: son -éducation avait été si peu négligée, même sous le rapport des -études scolastiques, si rares à cette époque chez les -gentilshommes, qu'il souriait aux bribes de latin que détachait -Aramis, et qu'avait l'air de comprendre Porthos; deux ou trois -fois même, au grand étonnement de ses amis, il lui était arrivé, -lorsque Aramis laissait échapper quelque erreur de rudiment, de -remettre un verbe à son temps et un nom à son cas. En outre, sa -probité était inattaquable, dans ce siècle où les hommes de guerre -transigeaient si facilement avec leur religion et leur conscience, -les amants avec la délicatesse rigoureuse de nos jours, et les -pauvres avec le septième commandement de Dieu. C'était donc un -homme fort extraordinaire qu'Athos. - -Et cependant, on voyait cette nature si distinguée, cette créature -si belle, cette essence si fine, tourner insensiblement vers la -vie matérielle, comme les vieillards tournent vers l'imbécillité -physique et morale. Athos, dans ses heures de privation, et ces -heures étaient fréquentes, s'éteignait dans toute sa partie -lumineuse, et son côté brillant disparaissait comme dans une -profonde nuit. - -Alors, le demi-dieu évanoui, il restait à peine un homme. La tête -basse, l'oeil terne, la parole lourde et pénible, Athos regardait -pendant de longues heures soit sa bouteille et son verre, soit -Grimaud, qui, habitué à lui obéir par signes, lisait dans le -regard atone de son maître jusqu'à son moindre désir, qu'il -satisfaisait aussitôt. La réunion des quatre amis avait-elle lieu -dans un de ces moments-là, un mot, échappé avec un violent effort, -était tout le contingent qu'Athos fournissait à la conversation. -En échange, Athos à lui seul buvait comme quatre, et cela sans -qu'il y parût autrement que par un froncement de sourcil plus -indiqué et par une tristesse plus profonde. - -D'Artagnan, dont nous connaissons l'esprit investigateur et -pénétrant, n'avait, quelque intérêt qu'il eût à satisfaire sa -curiosité sur ce sujet, pu encore assigner aucune cause à ce -marasme, ni en noter les occurrences. Jamais Athos ne recevait de -lettres, jamais Athos ne faisait aucune démarche qui ne fût connue -de tous ses amis. - -On ne pouvait dire que ce fût le vin qui lui donnât cette -tristesse, car au contraire il ne buvait que pour combattre cette -tristesse, que ce remède, comme nous l'avons dit, rendait plus -sombre encore. On ne pouvait attribuer cet excès d'humeur noire au -jeu, car, au contraire de Porthos, qui accompagnait de ses chants -ou de ses jurons toutes les variations de la chance, Athos, -lorsqu'il avait gagné, demeurait aussi impassible que lorsqu'il -avait perdu. On l'avait vu, au cercle des mousquetaires, gagner un -soir trois mille pistoles, les perdre jusqu'au ceinturon brodé -d'or des jours de gala; regagner tout cela, plus cent louis, sans -que son beau sourcil noir eût haussé ou baissé d'une demi-ligne, -sans que ses mains eussent perdu leur nuance nacrée, sans que sa -conversation, qui était agréable ce soir-là, eût cessé d'être -calme et agréable. - -Ce n'était pas non plus, comme chez nos voisins les Anglais, une -influence atmosphérique qui assombrissait son visage, car cette -tristesse devenait plus intense en général vers les beaux jours de -l'année; juin et juillet étaient les mois terribles d'Athos. - -Pour le présent, il n'avait pas de chagrin, il haussait les -épaules quand on lui parlait de l'avenir; son secret était donc -dans le passé, comme on l'avait dit vaguement à d'Artagnan. - -Cette teinte mystérieuse répandue sur toute sa personne rendait -encore plus intéressant l'homme dont jamais les yeux ni la bouche, -dans l'ivresse la plus complète, n'avaient rien révélé, quelle que -fût l'adresse des questions dirigées contre lui. - -«Eh bien, pensait d'Artagnan, le pauvre Athos est peut-être mort à -cette heure, et mort par ma faute, car c'est moi qui l'ai entraîné -dans cette affaire, dont il ignorait l'origine, dont il ignorera -le résultat et dont il ne devait tirer aucun profit. - --- Sans compter, monsieur, répondait Planchet, que nous lui devons -probablement la vie. Vous rappelez-vous comme il a crié: "Au -large, d'Artagnan! je suis pris." Et après avoir déchargé ses deux -pistolets, quel bruit terrible il faisait avec son épée! On eût -dit vingt hommes, ou plutôt vingt diables enragés!» - -Et ces mots redoublaient l'ardeur de d'Artagnan, qui excitait son -cheval, lequel n'ayant pas besoin d'être excité emportait son -cavalier au galop. - -Vers onze heures du matin, on aperçut Amiens; à onze heures et -demie, on était à la porte de l'auberge maudite. - -D'Artagnan avait souvent médité contre l'hôte perfide une de ces -bonnes vengeances qui consolent, rien qu'en espérance. Il entra -donc dans l'hôtellerie, le feutre sur les yeux, la main gauche sur -le pommeau de l'épée et faisant siffler sa cravache de la main -droite. - -«Me reconnaissez-vous? dit-il à l'hôte, qui s'avançait pour le -saluer. - --- Je n'ai pas cet honneur, Monseigneur, répondit celui-ci les -yeux encore éblouis du brillant équipage avec lequel d'Artagnan se -présentait. - --- Ah! vous ne me connaissez pas! - --- Non, Monseigneur. - --- Eh bien, deux mots vont vous rendre la mémoire. Qu'avez-vous -fait de ce gentilhomme à qui vous eûtes l'audace, voici quinze -jours passés à peu près, d'intenter une accusation de fausse -monnaie?» - -L'hôte pâlit, car d'Artagnan avait pris l'attitude la plus -menaçante, et Planchet se modelait sur son maître. - -«Ah! Monseigneur, ne m'en parlez pas, s'écria l'hôte de son ton de -voix le plus larmoyant; ah! Seigneur, combien j'ai payé cette -faute! Ah! malheureux que je suis! - --- Ce gentilhomme, vous dis-je, qu'est-il devenu? - --- Daignez m'écouter, Monseigneur, et soyez clément. Voyons, -asseyez-vous, par grâce!» - -D'Artagnan, muet de colère et d'inquiétude, s'assit, menaçant -comme un juge. Planchet s'adossa fièrement à son fauteuil. - -«Voici l'histoire, Monseigneur, reprit l'hôte tout tremblant, car -je vous reconnais à cette heure; c'est vous qui êtes parti quand -j'eus ce malheureux démêlé avec ce gentilhomme dont vous parlez. - --- Oui, c'est moi; ainsi vous voyez bien que vous n'avez pas de -grâce à attendre si vous ne dites pas toute la vérité. - --- Aussi veuillez m'écouter, et vous la saurez tout entière. - --- J'écoute. - --- J'avais été prévenu par les autorités qu'un faux-monnayeur -célèbre arriverait à mon auberge avec plusieurs de ses compagnons, -tous déguisés sous le costume de gardes ou de mousquetaires. Vos -chevaux, vos laquais, votre figure, Messeigneurs, tout m'avait été -dépeint. - --- Après, après? dit d'Artagnan, qui reconnut bien vite d'où -venait le signalement si exactement donné. - --- Je pris donc, d'après les ordres de l'autorité, qui m'envoya un -renfort de six hommes, telles mesures que je crus urgentes afin de -m'assurer de la personne des prétendus faux-monnayeurs. - --- Encore! dit d'Artagnan, à qui ce mot de faux-monnayeur -échauffait terriblement les oreilles. - --- Pardonnez-moi, Monseigneur, de dire de telles choses, mais -elles sont justement mon excuse. L'autorité m'avait fait peur, et -vous savez qu'un aubergiste doit ménager l'autorité. - --- Mais encore une fois, ce gentilhomme, où est-il? qu'est-il -devenu? Est-il mort? est-il vivant? - --- Patience, Monseigneur, nous y voici. Il arriva donc ce que vous -savez, et dont votre départ précipité, ajouta l'hôte avec une -finesse qui n'échappa point à d'Artagnan, semblait autoriser -l'issue. Ce gentilhomme votre ami se défendit en désespéré. Son -valet, qui, par un malheur imprévu, avait cherché querelle aux -gens de l'autorité, déguisés en garçons d'écurie... - --- Ah! misérable! s'écria d'Artagnan, vous étiez tous d'accord, et -je ne sais à quoi tient que je ne vous extermine tous! - --- Hélas! non, Monseigneur, nous n'étions pas tous d'accord, et -vous l'allez bien voir. Monsieur votre ami (pardon de ne point -l'appeler par le nom honorable qu'il porte sans doute, mais nous -ignorons ce nom), monsieur votre ami, après avoir mis hors de -combat deux hommes de ses deux coups de pistolet, battit en -retraite en se défendant avec son épée dont il estropia encore un -de mes hommes, et d'un coup du plat de laquelle il m'étourdit. - --- Mais, bourreau, finiras-tu? dit d'Artagnan. Athos, que devient -Athos? - --- En battant en retraite, comme j'ai dit à Monseigneur, il trouva -derrière lui l'escalier de la cave, et comme la porte était -ouverte, il tira la clef à lui et se barricada en dedans. Comme on -était sûr de le retrouver là, on le laissa libre. - --- Oui, dit d'Artagnan, on ne tenait pas tout à fait à le tuer, on -ne cherchait qu'à l'emprisonner. - --- Juste Dieu! à l'emprisonner, Monseigneur? il s'emprisonna bien -lui-même, je vous le jure. D'abord il avait fait de rude besogne, -un homme était tué sur le coup et deux autres étaient blessés -grièvement. Le mort et les deux blessés furent emportés par leurs -camarades, et jamais je n'ai plus entendu parler ni des uns, ni -des autres. Moi-même, quand je repris mes sens, j'allai trouver -M. le gouverneur, auquel je racontai tout ce qui s'était passé, et -auquel je demandai ce que je devais faire du prisonnier. Mais -M. le gouverneur eut l'air de tomber des nues; il me dit qu'il -ignorait complètement ce que je voulais dire, que les ordres qui -m'étaient parvenus n'émanaient pas de lui et que si j'avais le -malheur de dire à qui que ce fût qu'il était pour quelque chose -dans toute cette échauffourée, il me ferait pendre. Il paraît que -je m'étais trompé, monsieur, que j'avais arrêté l'un pour l'autre, -et que celui qu'on devait arrêter était sauvé. - --- Mais Athos? s'écria d'Artagnan, dont l'impatience se doublait -de l'abandon où l'autorité laissait la chose; Athos, qu'est-il -devenu? - --- Comme j'avais hâte de réparer mes torts envers le prisonnier, -reprit l'aubergiste, je m'acheminai vers la cave afin de lui -rendre sa liberté. Ah! monsieur, ce n'était plus un homme, c'était -un diable. À cette proposition de liberté, il déclara que c'était -un piège qu'on lui tendait et qu'avant de sortir il entendait -imposer ses conditions. Je lui dis bien humblement, car je ne me -dissimulais pas la mauvaise position où je m'étais mis en portant -la main sur un mousquetaire de Sa Majesté, je lui dis que j'étais -prêt à me soumettre à ses conditions. - -«-- D'abord, dit-il, je veux qu'on me rende mon valet tout armé.» - -«On s'empressa d'obéir à cet ordre; car vous comprenez bien, -monsieur, que nous étions disposés à faire tout ce que voudrait -votre ami. M. Grimaud (il a dit ce nom, celui-là, quoiqu'il ne -parle pas beaucoup), M. Grimaud fut donc descendu à la cave, tout -blessé qu'il était; alors, son maître l'ayant reçu, rebarricada la -porte et nous ordonna de rester dans notre boutique. - --- Mais enfin, s'écria d'Artagnan, où est-il? où est Athos? - --- Dans la cave, monsieur. - --- Comment, malheureux, vous le retenez dans la cave depuis ce -temps-là? - --- Bonté divine! Non, monsieur. Nous, le retenir dans la cave! -vous ne savez donc pas ce qu'il y fait, dans la cave! Ah! si vous -pouviez l'en faire sortir, monsieur, je vous en serais -reconnaissant toute ma vie, vous adorerais comme mon patron. - --- Alors il est là, je le retrouverai là? - --- Sans doute, monsieur, il s'est obstiné à y rester. Tous les -jours, on lui passe par le soupirail du pain au bout d'une -fourche, et de la viande quand il en demande; mais, hélas! ce -n'est pas de pain et de viande qu'il fait la plus grande -consommation. Une fois, j'ai essayé de descendre avec deux de mes -garçons, mais il est entré dans une terrible fureur. J'ai entendu -le bruit de ses pistolets qu'il armait et de son mousqueton -qu'armait son domestique. Puis, comme nous leur demandions quelles -étaient leurs intentions, le maître a répondu qu'ils avaient -quarante coups à tirer lui et son laquais, et qu'ils les -tireraient jusqu'au dernier plutôt que de permettre qu'un seul de -nous mît le pied dans la cave. Alors, monsieur, j'ai été me -plaindre au gouverneur, lequel m'a répondu que je n'avais que ce -que je méritais, et que cela m'apprendrait à insulter les -honorables seigneurs qui prenaient gîte chez moi. - --- De sorte que, depuis ce temps?... reprit d'Artagnan ne pouvant -s'empêcher de rire de la figure piteuse de son hôte. - --- De sorte que, depuis ce temps, monsieur, continua celui-ci, -nous menons la vie la plus triste qui se puisse voir; car, -monsieur, il faut que vous sachiez que toutes nos provisions sont -dans la cave; il y a notre vin en bouteilles et notre vin en -pièce, la bière, l'huile et les épices, le lard et les saucissons; -et comme il nous est défendu d'y descendre, nous sommes forcés de -refuser le boire et le manger aux voyageurs qui nous arrivent, de -sorte que tous les jours notre hôtellerie se perd. Encore une -semaine avec votre ami dans ma cave, et nous sommes ruinés. - --- Et ce sera justice, drôle. Ne voyait-on pas bien, à notre mine, -que nous étions gens de qualité et non faussaires, dites? - --- Oui, monsieur, oui, vous avez raison, dit l'hôte. Mais tenez, -tenez, le voilà qui s'emporte. - --- Sans doute qu'on l'aura troublé, dit d'Artagnan. - --- Mais il faut bien qu'on le trouble, s'écria l'hôte; il vient de -nous arriver deux gentilshommes anglais. - --- Eh bien? - --- Eh bien, les Anglais aiment le bon vin, comme vous savez, -monsieur; ceux-ci ont demandé du meilleur. Ma femme alors aura -sollicité de M. Athos la permission d'entrer pour satisfaire ces -messieurs; et il aura refusé comme de coutume. Ah! bonté divine! -voilà le sabbat qui redouble!» - -D'Artagnan, en effet, entendit mener un grand bruit du côté de la -cave; il se leva et, précédé de l'hôte qui se tordait les mains, -et suivi de Planchet qui tenait son mousqueton tout armé, il -s'approcha du lieu de la scène. - -Les deux gentilshommes étaient exaspérés, ils avaient fait une -longue course et mouraient de faim et de soif. - -«Mais c'est une tyrannie, s'écriaient-ils en très bon français, -quoique avec un accent étranger, que ce maître fou ne veuille pas -laisser à ces bonnes gens l'usage de leur vin. Ça, nous allons -enfoncer la porte, et s'il est trop enragé, eh bien! nous le -tuerons. - --- Tout beau, messieurs! dit d'Artagnan en tirant ses pistolets de -sa ceinture; vous ne tuerez personne, s'il vous plaît. - --- Bon, bon, disait derrière la porte la voix calme d'Athos, qu'on -les laisse un peu entrer, ces mangeurs de petits enfants, et nous -allons voir.» - -Tout braves qu'ils paraissaient être, les deux gentilshommes -anglais se regardèrent en hésitant; on eût dit qu'il y avait dans -cette cave un de ces ogres faméliques, gigantesques héros des -légendes populaires, et dont nul ne force impunément la caverne. - -Il y eut un moment de silence; mais enfin les deux Anglais eurent -honte de reculer, et le plus hargneux des deux descendit les cinq -ou six marches dont se composait l'escalier et donna dans la porte -un coup de pied à fendre une muraille. - -«Planchet, dit d'Artagnan en armant ses pistolets, je me charge de -celui qui est en haut, charge-toi de celui qui est en bas. Ah! -messieurs! vous voulez de la bataille! eh bien! on va vous en -donner! - --- Mon Dieu, s'écria la voix creuse d'Athos, j'entends d'Artagnan, -ce me semble. - --- En effet, dit d'Artagnan en haussant la voix à son tour, c'est -moi-même, mon ami. - --- Ah! bon! alors, dit Athos, nous allons les travailler, ces -enfonceurs de portes.» - -Les gentilshommes avaient mis l'épée à la main, mais ils se -trouvaient pris entre deux feux; ils hésitèrent un instant encore; -mais, comme la première fois, l'orgueil l'emporta, et un second -coup de pied fit craquer la porte dans toute sa hauteur. - -«Range-toi, d'Artagnan, range-toi, cria Athos, range-toi, je vais -tirer. - --- Messieurs, dit d'Artagnan, que la réflexion n'abandonnait -jamais, messieurs, songez-y! De la patience, Athos. Vous vous -engagez là dans une mauvaise affaire, et vous allez être criblés. -Voici mon valet et moi qui vous lâcherons trois coups de feu, -autant vous arriveront de la cave; puis nous aurons encore nos -épées, dont, je vous assure, mon ami et moi nous jouons -passablement. Laissez-moi faire vos affaires et les miennes. Tout -à l'heure vous aurez à boire, je vous en donne ma parole. - --- S'il en reste», grogna la voix railleuse d'Athos. - -L'hôtelier sentit une sueur froide couler le long de son échine. - -«Comment, s'il en reste! murmura-t-il. - --- Que diable! il en restera, reprit d'Artagnan; soyez donc -tranquille, à eux deux ils n'auront pas bu toute la cave. -Messieurs, remettez vos épées au fourreau. - --- Eh bien, vous, remettez vos pistolets à votre ceinture. - --- Volontiers.» - -Et d'Artagnan donna l'exemple. Puis, se retournant vers Planchet, -il lui fit signe de désarmer son mousqueton. - -Les Anglais, convaincus, remirent en grommelant leurs épées au -fourreau. On leur raconta l'histoire de l'emprisonnement d'Athos. -Et comme ils étaient bons gentilshommes, ils donnèrent tort à -l'hôtelier. - -«Maintenant, messieurs, dit d'Artagnan, remontez chez vous, et, -dans dix minutes, je vous réponds qu'on vous y portera tout ce que -vous pourrez désirer.» - -Les Anglais saluèrent et sortirent. - -«Maintenant que je suis seul, mon cher Athos, dit d'Artagnan, -ouvrez-moi la porte, je vous en prie. - --- À l'instant même», dit Athos. - -Alors on entendit un grand bruit de fagots entrechoqués et de -poutres gémissantes: c'étaient les contrescarpes et les bastions -d'Athos, que l'assiégé démolissait lui-même. - -Un instant après, la porte s'ébranla, et l'on vit paraître la tête -pâle d'Athos qui, d'un coup d'oeil rapide, explorait les environs. - -D'Artagnan se jeta à son cou et l'embrassa tendrement puis il -voulut l'entraîner hors de ce séjour humide, alors il s'aperçut -qu'Athos chancelait. - -«Vous êtes blessé? lui dit-il. - --- Moi! pas le moins du monde; je suis ivre mort, voilà tout, et -jamais homme n'a mieux fait ce qu'il fallait pour cela. Vive Dieu! -mon hôte, il faut que j'en aie bu au moins pour ma part cent -cinquante bouteilles. - --- Miséricorde! s'écria l'hôte, si le valet en a bu la moitié du -maître seulement, je suis ruiné. - --- Grimaud est un laquais de bonne maison, qui ne se serait pas -permis le même ordinaire que moi; il a bu à la pièce seulement; -tenez, je crois qu'il a oublié de remettre le fosset. Entendez- -vous? cela coule.» - -D'Artagnan partit d'un éclat de rire qui changea le frisson de -l'hôte en fièvre chaude. - -En même temps, Grimaud parut à son tour derrière son maître, le -mousqueton sur l'épaule, la tête tremblante, comme ces satyres -ivres des tableaux de Rubens. Il était arrosé par-devant et par- -derrière d'une liqueur grasse que l'hôte reconnut pour être sa -meilleure huile d'olive. - -Le cortège traversa la grande salle et alla s'installer dans la -meilleure chambre de l'auberge, que d'Artagnan occupa d'autorité. - -Pendant ce temps, l'hôte et sa femme se précipitèrent avec des -lampes dans la cave, qui leur avait été si longtemps interdite et -où un affreux spectacle les attendait. - -Au-delà des fortifications auxquelles Athos avait fait brèche pour -sortir et qui se composaient de fagots, de planches et de -futailles vides entassées selon toutes les règles de l'art -stratégique, on voyait çà et là, nageant dans les mares d'huile et -de vin, les ossements de tous les jambons mangés, tandis qu'un -amas de bouteilles cassées jonchait tout l'angle gauche de la cave -et qu'un tonneau, dont le robinet était resté ouvert, perdait par -cette ouverture les dernières gouttes de son sang. L'image de la -dévastation et de la mort, comme dit le poète de l'Antiquité, -régnait là comme sur un champ de bataille. - -Sur cinquante saucissons, pendus aux solives, dix restaient à -peine. - -Alors les hurlements de l'hôte et de l'hôtesse percèrent la voûte -de la cave, d'Artagnan lui-même en fut ému. Athos ne tourna pas -même la tête. - -Mais à la douleur succéda la rage. L'hôte s'arma d'une broche et, -dans son désespoir, s'élança dans la chambre où les deux amis -s'étaient retirés. - -«Du vin! dit Athos en apercevant l'hôte. - --- Du vin! s'écria l'hôte stupéfait, du vin! mais vous m'en avez -bu pour plus de cent pistoles; mais je suis un homme ruiné, perdu, -anéanti! - --- Bah! dit Athos, nous sommes constamment restés sur notre soif. - --- Si vous vous étiez contentés de boire, encore; mais vous avez -cassé toutes les bouteilles. - --- Vous m'avez poussé sur un tas qui a dégringolé. C'est votre -faute. - --- Toute mon huile est perdue! - --- L'huile est un baume souverain pour les blessures, et il -fallait bien que ce pauvre Grimaud pansât celles que vous lui avez -faites. - --- Tous mes saucissons rongés! - --- Il y a énormément de rats dans cette cave. - --- Vous allez me payer tout cela, cria l'hôte exaspéré. - --- Triple drôle!» dit Athos en se soulevant. Mais il retomba -aussitôt; il venait de donner la mesure de ses forces. D'Artagnan -vint à son secours en levant sa cravache. - -L'hôte recula d'un pas et se mit à fondre en larmes. - -«Cela vous apprendra, dit d'Artagnan, à traiter d'une façon plus -courtoise les hôtes que Dieu vous envoie. - --- Dieu..., dites le diable! - --- Mon cher ami, dit d'Artagnan, si vous nous rompez encore les -oreilles, nous allons nous renfermer tous les quatre dans votre -cave, et nous verrons si véritablement le dégât est aussi grand -que vous le dites. - --- Eh bien, oui, messieurs, dit l'hôte, j'ai tort, je l'avoue; -mais à tout péché miséricorde; vous êtes des seigneurs et je suis -un pauvre aubergiste, vous aurez pitié de moi. - --- Ah! si tu parles comme cela, dit Athos, tu vas me fendre le -coeur, et les larmes vont couler de mes yeux comme le vin coulait -de tes futailles. On n'est pas si diable qu'on en a l'air. Voyons, -viens ici et causons.» - -L'hôte s'approcha avec inquiétude. - -«Viens, te dis-je, et n'aie pas peur, continua Athos. Au moment où -j'allais te payer, j'avais posé ma bourse sur la table. - --- Oui, Monseigneur. - --- Cette bourse contenait soixante pistoles, où est-elle? - --- Déposée au greffe, Monseigneur: on avait dit que c'était de la -fausse monnaie. - --- Eh bien, fais-toi rendre ma bourse, et garde les soixante -pistoles. - --- Mais Monseigneur sait bien que le greffe ne lâche pas ce qu'il -tient. Si c'était de la fausse monnaie, il y aurait encore de -l'espoir; mais malheureusement ce sont de bonnes pièces. - --- Arrange-toi avec lui, mon brave homme, cela ne me regarde pas, -d'autant plus qu'il ne me reste pas une livre. - --- Voyons, dit d'Artagnan, l'ancien cheval d'Athos, où est-il? - --- À l'écurie. - --- Combien vaut-il? - --- Cinquante pistoles tout au plus. - --- Il en vaut quatre-vingts; prends-le, et que tout soit dit. - --- Comment! tu vends mon cheval, dit Athos, tu vends mon Bajazet? -et sur quoi ferai-je la campagne? sur Grimaud? - --- Je t'en amène un autre, dit d'Artagnan. - --- Un autre? - --- Et magnifique! s'écria l'hôte. - --- Alors, s'il y en a un autre plus beau et plus jeune, prends le -vieux, et à boire! - --- Duquel? demanda l'hôte tout à fait rasséréné. - --- De celui qui est au fond, près des lattes; il en reste encore -vingt-cinq bouteilles, toutes les autres ont été cassées dans ma -chute. Montez-en six. - --- Mais c'est un foudre que cet homme! dit l'hôte à part lui; s'il -reste seulement quinze jours ici, et qu'il paie ce qu'il boira, je -rétablirai mes affaires. - --- Et n'oublie pas, continua d'Artagnan, de monter quatre -bouteilles du pareil aux deux seigneurs anglais. - --- Maintenant, dit Athos, en attendant qu'on nous apporte du vin, -conte-moi, d'Artagnan, ce que sont devenus les autres; voyons.» - -D'Artagnan lui raconta comment il avait trouvé Porthos dans son -lit avec une foulure, et Aramis à une table entre les deux -théologiens. Comme il achevait, l'hôte rentra avec les bouteilles -demandées et un jambon qui, heureusement pour lui, était resté -hors de la cave. - -«C'est bien, dit Athos en remplissant son verre et celui de -d'Artagnan, voilà pour Porthos et pour Aramis; mais vous, mon ami, -qu'avez-vous et que vous est-il arrivé personnellement? Je vous -trouve un air sinistre. - --- Hélas! dit d'Artagnan, c'est que je suis le plus malheureux de -nous tous, moi! - --- Toi malheureux, d'Artagnan! dit Athos. Voyons, comment es-tu -malheureux? Dis-moi cela. - --- Plus tard, dit d'Artagnan. - --- Plus tard! et pourquoi plus tard? parce que tu crois que je -suis ivre, d'Artagnan? Retiens bien ceci: je n'ai jamais les idées -plus nettes que dans le vin. Parle donc, je suis tout oreilles.» - -D'Artagnan raconta son aventure avec Mme Bonacieux. - -Athos l'écouta sans sourciller; puis, lorsqu'il eut fini: - -«Misères que tout cela, dit Athos, misères!» - -C'était le mot d'Athos. - -«Vous dites toujours misères! mon cher Athos, dit d'Artagnan; cela -vous sied bien mal, à vous qui n'avez jamais aimé.» - -L'oeil mort d'Athos s'enflamma soudain, mais ce ne fut qu'un -éclair, il redevint terne et vague comme auparavant. - -«C'est vrai, dit-il tranquillement, je n'ai jamais aimé, moi. - --- Vous voyez bien alors, coeur de pierre, dit d'Artagnan, que -vous avez tort d'être dur pour nous autres coeurs tendres. - --- Coeurs tendres, coeurs percés, dit Athos. - --- Que dites-vous? - --- Je dis que l'amour est une loterie où celui qui gagne, gagne la -mort! Vous êtes bien heureux d'avoir perdu, croyez-moi, mon cher -d'Artagnan. Et si j'ai un conseil à vous donner, c'est de perdre -toujours. - --- Elle avait l'air de si bien m'aimer! - --- Elle en avait l'air. - --- Oh! elle m'aimait. - --- Enfant! il n'y a pas un homme qui n'ait cru comme vous que sa -maîtresse l'aimait, et il n'y a pas un homme qui n'ait été trompé -par sa maîtresse. - --- Excepté vous, Athos, qui n'en avez jamais eu. - --- C'est vrai, dit Athos après un moment de silence, je n'en ai -jamais eu, moi. Buvons! - --- Mais alors, philosophe que vous êtes, dit d'Artagnan, -instruisez-moi, soutenez-moi; j'ai besoin de savoir et d'être -consolé. - --- Consolé de quoi? - --- De mon malheur. - --- Votre malheur fait rire, dit Athos en haussant les épaules; je -serais curieux de savoir ce que vous diriez si je vous racontais -une histoire d'amour. - --- Arrivée à vous? - --- Ou à un de mes amis, qu'importe! - --- Dites, Athos, dites. - --- Buvons, nous ferons mieux. - --- Buvez et racontez. - --- Au fait, cela se peut, dit Athos en vidant et remplissant son -verre, les deux choses vont à merveille ensemble. - --- J'écoute», dit d'Artagnan. - -Athos se recueillit, et, à mesure qu'il se recueillait, d'Artagnan -le voyait pâlir; il en était à cette période de l'ivresse où les -buveurs vulgaires tombent et dorment. Lui, il rêvait tout haut -sans dormir. Ce somnambulisme de l'ivresse avait quelque chose -d'effrayant. - -«Vous le voulez absolument? demanda-t-il. - --- Je vous en prie, dit d'Artagnan. - --- Qu'il soit fait donc comme vous le désirez. Un de mes amis, un -de mes amis, entendez-vous bien! pas moi, dit Athos en -s'interrompant avec un sourire sombre; un des comtes de ma -province, c'est-à-dire du Berry, noble comme un Dandolo ou un -Montmorency, devint amoureux à vingt-cinq ans d'une jeune fille de -seize, belle comme les amours. À travers la naïveté de son âge -perçait un esprit ardent, un esprit non pas de femme, mais de -poète; elle ne plaisait pas, elle enivrait; elle vivait dans un -petit bourg, près de son frère qui était curé. Tous deux étaient -arrivés dans le pays: ils venaient on ne savait d'où; mais en la -voyant si belle et en voyant son frère si pieux, on ne songeait -pas à leur demander d'où ils venaient. Du reste, on les disait de -bonne extraction. Mon ami, qui était le seigneur du pays, aurait -pu la séduire ou la prendre de force, à son gré, il était le -maître; qui serait venu à l'aide de deux étrangers, de deux -inconnus? Malheureusement il était honnête homme, il l'épousa. Le -sot, le niais, l'imbécile! - --- Mais pourquoi cela, puisqu'il l'aimait? demanda d'Artagnan. - --- Attendez donc, dit Athos. Il l'emmena dans son château, et en -fit la première dame de sa province; et il faut lui rendre -justice, elle tenait parfaitement son rang. - --- Eh bien? demanda d'Artagnan. - --- Eh bien, un jour qu'elle était à la chasse avec son mari, -continua Athos à voix basse et en parlant fort vite, elle tomba de -cheval et s'évanouit; le comte s'élança à son secours, et comme -elle étouffait dans ses habits, il les fendit avec son poignard et -lui découvrit l'épaule. Devinez ce qu'elle avait sur l'épaule, -d'Artagnan? dit Athos avec un grand éclat de rire. - --- Puis-je le savoir? demanda d'Artagnan. - --- Une fleur de lis, dit Athos. Elle était marquée!» - -Et Athos vida d'un seul trait le verre qu'il tenait à la main. - -«Horreur! s'écria d'Artagnan, que me dites-vous là? - --- La vérité. Mon cher, l'ange était un démon. La pauvre fille -avait volé. - --- Et que fit le comte? - --- Le comte était un grand seigneur, il avait sur ses terres droit -de justice basse et haute: il acheva de déchirer les habits de la -comtesse, il lui lia les mains derrière le dos et la pendit à un -arbre. - --- Ciel! Athos! un meurtre! s'écria d'Artagnan. - --- Oui, un meurtre, pas davantage, dit Athos pâle comme la mort. -Mais on me laisse manquer de vin, ce me semble.» - -Et Athos saisit au goulot la dernière bouteille qui restait, -l'approcha de sa bouche et la vida d'un seul trait, comme il eût -fait d'un verre ordinaire. - -Puis il laissa tomber sa tête sur ses deux mains; d'Artagnan -demeura devant lui, saisi d'épouvante. - -«Cela m'a guéri des femmes belles, poétiques et amoureuses, dit -Athos en se relevant et sans songer à continuer l'apologue du -comte. Dieu vous en accorde autant! Buvons! - --- Ainsi elle est morte? balbutia d'Artagnan. - --- Parbleu! dit Athos. Mais tendez votre verre. Du jambon, drôle, -cria Athos, nous ne pouvons plus boire! - --- Et son frère? ajouta timidement d'Artagnan. - --- Son frère? reprit Athos. - --- Oui, le prêtre? - --- Ah! je m'en informai pour le faire pendre à son tour; mais il -avait pris les devants, il avait quitté sa cure depuis la veille. - --- A-t-on su au moins ce que c'était que ce misérable? - --- C'était sans doute le premier amant et le complice de la belle, -un digne homme qui avait fait semblant d'être curé peut-être pour -marier sa maîtresse et lui assurer un sort. Il aura été écartelé, -je l'espère. - --- Oh! mon Dieu! mon Dieu! fit d'Artagnan, tout étourdi de cette -horrible aventure. - --- Mangez donc de ce jambon, d'Artagnan, il est exquis, dit Athos -en coupant une tranche qu'il mit sur l'assiette du jeune homme. -Quel malheur qu'il n'y en ait pas eu seulement quatre comme celui- -là dans la cave! j'aurais bu cinquante bouteilles de plus.» - -D'Artagnan ne pouvait plus supporter cette conversation, qui l'eût -rendu fou; il laissa tomber sa tête sur ses deux mains et fit -semblant de s'endormir. - -«Les jeunes gens ne savent plus boire, dit Athos en le regardant -en pitié, et pourtant celui-là est des meilleurs!...» - - -CHAPITRE XXVIII -RETOUR - -D'Artagnan était resté étourdi de la terrible confidence d'Athos; -cependant bien des choses lui paraissaient encore obscures dans -cette demi-révélation; d'abord elle avait été faite par un homme -tout à fait ivre à un homme qui l'était à moitié, et cependant, -malgré ce vague que fait monter au cerveau la fumée de deux ou -trois bouteilles de bourgogne, d'Artagnan, en se réveillant le -lendemain matin, avait chaque parole d'Athos aussi présente à son -esprit que si, à mesure qu'elles étaient tombées de sa bouche, -elles s'étaient imprimées dans son esprit. Tout ce doute ne lui -donna qu'un plus vif désir d'arriver à une certitude, et il passa -chez son ami avec l'intention bien arrêtée de renouer sa -conversation de la veille mais il trouva Athos de sens tout à fait -rassis, c'est-à-dire le plus fin et le plus impénétrable des -hommes. - -Au reste, le mousquetaire, après avoir échangé avec lui une -poignée de main, alla le premier au-devant de sa pensée. - -«J'étais bien ivre hier, mon cher d'Artagnan, dit-il, j'ai senti -cela ce matin à ma langue, qui était encore fort épaisse, et à mon -pouls qui était encore fort agité; je parie que j'ai dit mille -extravagances.» - -Et, en disant ces mots, il regarda son ami avec une fixité qui -l'embarrassa. - -«Mais non pas, répliqua d'Artagnan, et, si je me le rappelle bien, -vous n'avez rien dit que de fort ordinaire. - --- Ah! vous m'étonnez! Je croyais vous avoir raconté une histoire -des plus lamentables.» - -Et il regardait le jeune homme comme s'il eût voulu lire au plus -profond de son coeur. - -«Ma foi! dit d'Artagnan, il paraît que j'étais encore plus ivre -que vous, puisque je ne me souviens de rien.» - -Athos ne se paya point de cette parole, et il reprit: - -«Vous n'êtes pas sans avoir remarqué, mon cher ami, que chacun a -son genre d'ivresse, triste ou gaie, moi j'ai l'ivresse triste, -et, quand une fois je suis gris, ma manière est de raconter toutes -les histoires lugubres que ma sotte nourrice m'a inculquées dans -le cerveau. C'est mon défaut; défaut capital, j'en conviens; mais, -à cela près, je suis bon buveur.» - -Athos disait cela d'une façon si naturelle, que d'Artagnan fut -ébranlé dans sa conviction. - -«Oh! c'est donc cela, en effet, reprit le jeune homme en essayant -de ressaisir la vérité, c'est donc cela que je me souviens, comme, -au reste, on se souvient d'un rêve, que nous avons parlé de -pendus. - --- Ah! vous voyez bien, dit Athos en pâlissant et cependant en -essayant de rire, j'en étais sûr, les pendus sont mon cauchemar, à -moi. - --- Oui, oui, reprit d'Artagnan, et voilà la mémoire qui me -revient; oui, il s'agissait... attendez donc... il s'agissait -d'une femme. - --- Voyez, répondit Athos en devenant presque livide, c'est ma -grande histoire de la femme blonde, et quand je raconte celle-là, -c'est que je suis ivre mort. - --- Oui, c'est cela, dit d'Artagnan, l'histoire de la femme blonde, -grande et belle, aux yeux bleus. - --- Oui, et pendue. - --- Par son mari, qui était un seigneur de votre connaissance, -continua d'Artagnan en regardant fixement Athos. - --- Eh bien, voyez cependant comme on compromettrait un homme quand -on ne sait plus ce que l'on dit, reprit Athos en haussant les -épaules, comme s'il se fût pris lui-même en pitié. Décidément, je -ne veux plus me griser, d'Artagnan, c'est une trop mauvaise -habitude.» - -D'Artagnan garda le silence. - -Puis Athos, changeant tout à coup de conversation: - -«À propos, dit-il, je vous remercie du cheval que vous m'avez -amené. - --- Est-il de votre goût? demanda d'Artagnan. - --- Oui, mais ce n'était pas un cheval de fatigue. - --- Vous vous trompez; j'ai fait avec lui dix lieues en moins d'une -heure et demie, et il n'y paraissait pas plus que s'il eût fait le -tour de la place Saint-Sulpice. - --- Ah çà, vous allez me donner des regrets. - --- Des regrets? - --- Oui, je m'en suis défait. - --- Comment cela? - --- Voici le fait: ce matin, je me suis réveillé à six heures, vous -dormiez comme un sourd, et je ne savais que faire; j'étais encore -tout hébété de notre débauche d'hier; je descendis dans la grande -salle, et j'avisai un de nos Anglais qui marchandait un cheval à -un maquignon, le sien étant mort hier d'un coup de sang. Je -m'approchai de lui, et comme je vis qu'il offrait cent pistoles -d'un alezan brûlé: «Par Dieu, lui dis-je, mon gentilhomme, moi -aussi j'ai un cheval à vendre. - -«-- Et très beau même, dit-il, je l'ai vu hier, le valet de votre -ami le tenait en main. - -«-- Trouvez-vous qu'il vaille cent pistoles? - -«-- Oui, et voulez-vous me le donner pour ce prix-là? - -«-- Non, mais je vous le joue. - -«-- Vous me le jouez? - -«-- Oui. - -«-- À quoi? - -«-- Aux dés.» - -«Ce qui fut dit fut fait; et j'ai perdu le cheval. Ah! mais par -exemple, continua Athos, j'ai regagné le caparaçon.» - -D'Artagnan fit une mine assez maussade. - -«Cela vous contrarie? dit Athos. - --- Mais oui, je vous l'avoue, reprit d'Artagnan; ce cheval devait -servir à nous faire reconnaître un jour de bataille; c'était un -gage, un souvenir. Athos, vous avez eu tort. - --- Eh! mon cher ami, mettez-vous à ma place, reprit le -mousquetaire; je m'ennuyais à périr, moi, et puis, d'honneur, je -n'aime pas les chevaux anglais. Voyons, s'il ne s'agit que d'être -reconnu par quelqu'un, eh bien, la selle suffira; elle est assez -remarquable. Quant au cheval, nous trouverons quelque excuse pour -motiver sa disparition. Que diable! un cheval est mortel; mettons -que le mien a eu la morve ou le farcin.» - -D'Artagnan ne se déridait pas. - -«Cela me contrarie, continua Athos, que vous paraissiez tant tenir -à ces animaux, car je ne suis pas au bout de mon histoire. - --- Qu'avez-vous donc fait encore? - --- Après avoir perdu mon cheval, neuf contre dix, voyez le coup, -l'idée me vint de jouer le vôtre. - --- Oui, mais vous vous en tîntes, j'espère, à l'idée? - --- Non pas, je la mis à exécution à l'instant même. - --- Ah! par exemple! s'écria d'Artagnan inquiet. - --- Je jouai, et je perdis. - --- Mon cheval? - --- Votre cheval; sept contre huit; faute d'un point..., vous -connaissez le proverbe. - --- Athos, vous n'êtes pas dans votre bon sens, je vous jure! - --- Mon cher, c'était hier, quand je vous contais mes sottes -histoires, qu'il fallait me dire cela, et non pas ce matin. Je le -perdis donc avec tous les équipages et harnais possibles. - --- Mais c'est affreux! - --- Attendez donc, vous n'y êtes point, je ferais un joueur -excellent, si je ne m'entêtais pas; mais je m'entête, c'est comme -quand je bois; je m'entêtai donc... - --- Mais que pûtes-vous jouer, il ne vous restait plus rien? - --- Si fait, si fait, mon ami; il nous restait ce diamant qui -brille à votre doigt, et que j'avais remarqué hier. - --- Ce diamant! s'écria d'Artagnan, en portant vivement la main à -sa bague. - --- Et comme je suis connaisseur, en ayant eu quelques-uns pour mon -propre compte, je l'avais estimé mille pistoles. - --- J'espère, dit sérieusement d'Artagnan à demi mort de frayeur, -que vous n'avez aucunement fait mention de mon diamant? - --- Au contraire, cher ami; vous comprenez, ce diamant devenait -notre seule ressource; avec lui, je pouvais regagner nos harnais -et nos chevaux, et, de plus, l'argent pour faire la route. - --- Athos, vous me faites frémir! s'écria d'Artagnan. - --- Je parlai donc de votre diamant à mon partenaire, lequel -l'avait aussi remarqué. Que diable aussi, mon cher, vous portez à -votre doigt une étoile du ciel, et vous ne voulez pas qu'on y -fasse attention! Impossible! - --- Achevez, mon cher; achevez! dit d'Artagnan, car, d'honneur! -avec votre sang-froid, vous me faites mourir! - --- Nous divisâmes donc ce diamant en dix parties de cent pistoles -chacune. - --- Ah! vous voulez rire et m'éprouver? dit d'Artagnan que la -colère commençait à prendre aux cheveux comme Minerve prend -Achille, dans l'Iliade. - --- Non, je ne plaisante pas, mordieu! j'aurais bien voulu vous y -voir, vous! il y avait quinze jours que je n'avais envisagé face -humaine et que j'étais là à m'abrutir en m'abouchant avec des -bouteilles. - --- Ce n'est point une raison pour jouer mon diamant, cela? -répondit d'Artagnan en serrant sa main avec une crispation -nerveuse. - --- Écoutez donc la fin; dix parties de cent pistoles chacune en -dix coups sans revanche. En treize coups je perdis tout. En treize -coups! Le nombre 13 m'a toujours été fatal, c'était le 13 du mois -de juillet que... - --- Ventrebleu! s'écria d'Artagnan en se levant de table, -l'histoire du jour lui faisant oublier celle de la veille. - --- Patience, dit Athos, j'avais un plan. L'Anglais était un -original, je l'avais vu le matin causer avec Grimaud, et Grimaud -m'avait averti qu'il lui avait fait des propositions pour entrer à -son service. Je lui joue Grimaud, le silencieux Grimaud, divisé en -dix portions. - --- Ah! pour le coup! dit d'Artagnan éclatant de rire malgré lui. - --- Grimaud lui-même, entendez-vous cela! et avec les dix parts de -Grimaud, qui ne vaut pas en tout un ducaton, je regagne le -diamant. Dites maintenant que la persistance n'est pas une vertu. - --- Ma foi, c'est très drôle! s'écria d'Artagnan consolé et se -tenant les côtes de rire. - --- Vous comprenez que, me sentant en veine, je me remis aussitôt à -jouer sur le diamant. - --- Ah! diable, dit d'Artagnan assombri de nouveau. - --- J'ai regagné vos harnais, puis votre cheval, puis mes harnais, -puis mon cheval, puis reperdu. Bref, j'ai rattrapé votre harnais, -puis le mien. Voilà où nous en sommes. C'est un coup superbe; -aussi je m'en suis tenu là.» - -D'Artagnan respira comme si on lui eût enlevé l'hôtellerie de -dessus la poitrine. - -«Enfin, le diamant me reste? dit-il timidement. - --- Intact! cher ami; plus les harnais de votre Bucéphale et du -mien. - --- Mais que ferons-nous de nos harnais sans chevaux? - --- J'ai une idée sur eux. - --- Athos, vous me faites frémir. - --- Écoutez, vous n'avez pas joué depuis longtemps, vous, -d'Artagnan? - --- Et je n'ai point l'envie de jouer. - --- Ne jurons de rien. Vous n'avez pas joué depuis longtemps, -disais-je, vous devez donc avoir la main bonne. - --- Eh bien, après? - --- Eh bien, l'Anglais et son compagnon sont encore là. J'ai -remarqué qu'ils regrettaient beaucoup les harnais. Vous, vous -paraissez tenir à votre cheval. A votre place, je jouerais vos -harnais contre votre cheval. - --- Mais il ne voudra pas un seul harnais. - --- Jouez les deux, pardieu! je ne suis point un égoïste comme -vous, moi. - --- Vous feriez cela? dit d'Artagnan indécis, tant la confiance -d'Athos commençait à le gagner à son insu. - --- Parole d'honneur, en un seul coup. - --- Mais c'est qu'ayant perdu les chevaux, je tenais énormément à -conserver les harnais. - --- Jouez votre diamant, alors. - --- Oh! ceci, c'est autre chose; jamais, jamais. - --- Diable! dit Athos, je vous proposerais bien de jouer Planchet; -mais comme cela a déjà été fait, l'Anglais ne voudrait peut-être -plus. - --- Décidément, mon cher Athos, dit d'Artagnan, j'aime mieux ne -rien risquer. - --- C'est dommage, dit froidement Athos, l'Anglais est cousu de -pistoles. Eh! mon Dieu, essayez un coup, un coup est bientôt joué. - --- Et si je perds? - --- Vous gagnerez. - --- Mais si je perds? - --- Eh bien, vous donnerez les harnais. - --- Va pour un coup», dit d'Artagnan. - -Athos se mit en quête de l'Anglais et le trouva dans l'écurie, où -il examinait les harnais d'un oeil de convoitise. L'occasion était -bonne. Il fit ses conditions: les deux harnais contre un cheval ou -cent pistoles, à choisir. L'Anglais calcula vite: les deux harnais -valaient trois cents pistoles à eux deux; il topa. - -D'Artagnan jeta les dés en tremblant et amena le nombre trois; sa -pâleur effraya Athos, qui se contenta de dire: - -«Voilà un triste coup, compagnon; vous aurez les chevaux tout -harnachés, monsieur.» - -L'Anglais, triomphant, ne se donna même la peine de rouler les -dés, il les jeta sur la table sans regarder, tant il était sûr de -la victoire; d'Artagnan s'était détourné pour cacher sa mauvaise -humeur. - -«Tiens, tiens, tiens, dit Athos avec sa voix tranquille, ce coup -de dés est extraordinaire, et je ne l'ai vu que quatre fois dans -ma vie: deux as!» - -L'Anglais regarda et fut saisi d'étonnement, d'Artagnan regarda et -fut saisi de plaisir. - -«Oui, continua Athos, quatre fois seulement: une fois chez -M. de Créquy; une autre fois chez moi, à la campagne, dans mon -château de... quand j'avais un château; une troisième fois chez -M. de Tréville, où il nous surprit tous; enfin une quatrième fois -au cabaret, où il échut à moi et où je perdis sur lui cent louis -et un souper. - --- Alors, monsieur reprend son cheval, dit l'Anglais. - --- Certes, dit d'Artagnan. - --- Alors il n'y a pas de revanche? - --- Nos conditions disaient: pas de revanche, vous vous le -rappelez? - --- C'est vrai; le cheval va être rendu à votre valet, monsieur. - --- Un moment, dit Athos; avec votre permission, monsieur, je -demande à dire un mot à mon ami. - --- Dites.» - -Athos tira d'Artagnan à part. - -«Eh bien, lui dit d'Artagnan, que me veux-tu encore, tentateur, tu -veux que je joue, n'est-ce pas? - --- Non, je veux que vous réfléchissiez. - --- À quoi? - --- Vous allez reprendre le cheval, n'est-ce pas? - --- Sans doute. - --- Vous avez tort, je prendrais les cent pistoles; vous savez que -vous avez joué les harnais contre le cheval ou cent pistoles, à -votre choix. - --- Oui. - --- Je prendrais les cent pistoles. - --- Eh bien, moi, je prends le cheval. - --- Et vous avez tort, je vous le répète; que ferons-nous d'un -cheval pour nous deux, je ne puis pas monter en croupe; nous -aurions l'air des deux fils Aymon qui ont perdu leurs frères; vous -ne pouvez pas m'humilier en chevauchant près de moi, en -chevauchant sur ce magnifique destrier. Moi, sans balancer un seul -instant, je prendrais les cent pistoles, nous avons besoin -d'argent pour revenir à Paris. - --- Je tiens à ce cheval, Athos. - --- Et vous avez tort, mon ami; un cheval prend un écart, un cheval -bute et se couronne, un cheval mange dans un râtelier où a mangé -un cheval morveux: voilà un cheval ou plutôt cent pistoles -perdues; il faut que le maître nourrisse son cheval, tandis qu'au -contraire cent pistoles nourrissent leur maître. - --- Mais comment reviendrons-nous? - --- Sur les chevaux de nos laquais, pardieu! on verra toujours bien -à l'air de nos figures que nous sommes gens de condition. - --- La belle mine que nous aurons sur des bidets, tandis qu'Aramis -et Porthos caracoleront sur leurs chevaux! - --- Aramis! Porthos! s'écria Athos, et il se mit à rire. - --- Quoi? demanda d'Artagnan, qui ne comprenait rien à l'hilarité -de son ami. - --- Bien, bien, continuons, dit Athos. - --- Ainsi, votre avis...? - --- Est de prendre les cent pistoles, d'Artagnan; avec les cent -pistoles nous allons festiner jusqu'à la fin du mois; nous avons -essuyé des fatigues, voyez-vous, et il sera bon de nous reposer un -peu. - --- Me reposer! oh! non, Athos, aussitôt à Paris je me mets à la -recherche de cette pauvre femme. - --- Eh bien, croyez-vous que votre cheval vous sera aussi utile -pour cela que de bons louis d'or? Prenez les cent pistoles, mon -ami, prenez les cent pistoles.» - -D'Artagnan n'avait besoin que d'une raison pour se rendre. Celle- -là lui parut excellente. D'ailleurs, en résistant plus longtemps, -il craignait de paraître égoïste aux yeux d'Athos; il acquiesça -donc et choisit les cent pistoles, que l'Anglais lui compta sur- -le-champ. - -Puis l'on ne songea plus qu'à partir. La paix signée avec -l'aubergiste, outre le vieux cheval d'Athos, coûta six pistoles; -d'Artagnan et Athos prirent les chevaux de Planchet et de Grimaud, -les deux valets se mirent en route à pied, portant les selles sur -leurs têtes. - -Si mal montés que fussent les deux amis, ils prirent bientôt les -devants sur leurs valets et arrivèrent à Crèvecoeur. De loin ils -aperçurent Aramis mélancoliquement appuyé sur sa fenêtre et -regardant, comme _ma soeur Anne_, poudroyer l'horizon. - -«Holà, eh! Aramis! que diable faites-vous donc là? crièrent les -deux amis. - --- Ah! c'est vous, d'Artagnan, c'est vous Athos, dit le jeune -homme; je songeais avec quelle rapidité s'en vont les biens de ce -monde, et mon cheval anglais, qui s'éloignait et qui vient de -disparaître au milieu d'un tourbillon de poussière, m'était une -vivante image de la fragilité des choses de la terre. La vie elle- -même peut se résoudre en trois mots: Erat, est, fuit. - --- Cela veut dire au fond? demanda d'Artagnan, qui commençait à se -douter de la vérité. - --- Cela veut dire que je viens de faire un marché de dupe: -soixante louis, un cheval qui, à la manière dont il file, peut -faire au trot cinq lieues à l'heure.» - -D'Artagnan et Athos éclatèrent de rire. - -«Mon cher d'Artagnan, dit Aramis, ne m'en veuillez pas trop, je -vous prie: nécessité n'a pas de loi; d'ailleurs je suis le premier -puni, puisque cet infâme maquignon m'a volé cinquante louis au -moins. Ah! vous êtes bons ménagers, vous autres! vous venez sur -les chevaux de vos laquais et vous faites mener vos chevaux de -luxe en main, doucement et à petites journées.» - -Au même instant un fourgon, qui depuis quelques instants pointait -sur la route d'Amiens, s'arrêta, et l'on vit sortir Grimaud et -Planchet leurs selles sur la tête. Le fourgon retournait à vide -vers Paris, et les deux laquais s'étaient engagés, moyennant leur -transport, à désaltérer le voiturier tout le long de la route. - -«Qu'est-ce que cela? dit Aramis en voyant ce qui se passait; rien -que les selles? - --- Comprenez-vous maintenant? dit Athos. - --- Mes amis, c'est exactement comme moi. J'ai conservé le harnais, -par instinct. Holà, Bazin! portez mon harnais neuf auprès de celui -de ces messieurs. - --- Et qu'avez-vous fait de vos curés? demanda d'Artagnan. - --- Mon cher, je les ai invités à dîner le lendemain, dit Aramis: -il y a ici du vin exquis, cela soit dit en passant; je les ai -grisés de mon mieux; alors le curé m'a défendu de quitter la -casaque, et le jésuite m'a prié de le faire recevoir mousquetaire. - --- Sans thèse! cria d'Artagnan, sans thèse! je demande la -suppression de la thèse, moi! - --- Depuis lors, continua Aramis, je vis agréablement. J'ai -commencé un poème en vers d'une syllabe; c'est assez difficile, -mais le mérite en toutes choses est dans la difficulté. La matière -est galante, je vous lirai le premier chant, il a quatre cents -vers et dure une minute. - --- Ma foi, mon cher Aramis, dit d'Artagnan, qui détestait presque -autant les vers que le latin, ajoutez au mérite de la difficulté -celui de la brièveté, et vous êtes sûr au moins que votre poème -aura deux mérites. - --- Puis, continua Aramis, il respire des passions honnêtes, vous -verrez. Ah çà, mes amis, nous retournons donc à Paris? Bravo, je -suis prêt; nous allons donc revoir ce bon Porthos, tant mieux. -Vous ne croyez pas qu'il me manquait, ce grand niais-là? Ce n'est -pas lui qui aurait vendu son cheval, fût-ce contre un royaume. Je -voudrais déjà le voir sur sa bête et sur sa selle. Il aura, j'en -suis sûr, l'air du grand mogol.» - -On fit une halte d'une heure pour faire souffler les chevaux; -Aramis solda son compte, plaça Bazin dans le fourgon avec ses -camarades, et l'on se mit en route pour aller retrouver Porthos. - -On le trouva debout, moins pâle que ne l'avait vu d'Artagnan à sa -première visite, et assis à une table où, quoiqu'il fût seul, -figurait un dîner de quatre personnes; ce dîner se composait de -viandes galamment troussées, de vins choisis et de fruits -superbes. - -«Ah! pardieu! dit-il en se levant, vous arrivez à merveille, -messieurs, j'en étais justement au potage, et vous allez dîner -avec moi. - --- Oh! oh! fit d'Artagnan, ce n'est pas Mousqueton qui a pris au -lasso de pareilles bouteilles, puis voilà un fricandeau piqué et -un filet de boeuf... - --- Je me refais, dit Porthos, je me refais, rien n'affaiblit comme -ces diables de foulures; avez-vous eu des foulures, Athos? - --- Jamais; seulement je me rappelle que dans notre échauffourée de -la rue Férou je reçus un coup d'épée qui, au bout de quinze ou -dix-huit jours, m'avait produit exactement le même effet. - --- Mais ce dîner n'était pas pour vous seul, mon cher Porthos? dit -Aramis. - --- Non, dit Porthos; j'attendais quelques gentilshommes du -voisinage qui viennent de me faire dire qu'ils ne viendraient pas; -vous les remplacerez et je ne perdrai pas au change. Holà, -Mousqueton! des sièges, et que l'on double les bouteilles! - --- Savez-vous ce que nous mangeons ici? dit Athos au bout de dix -minutes. - --- Pardieu! répondit d'Artagnan, moi je mange du veau piqué aux -cardons et à la moelle. - --- Et moi des filets d'agneau, dit Porthos. - --- Et moi un blanc de volaille, dit Aramis. - --- Vous vous trompez tous, messieurs, répondit Athos, vous mangez -du cheval. - --- Allons donc! dit d'Artagnan. - --- Du cheval!» fit Aramis avec une grimace de dégoût. - -Porthos seul ne répondit pas. - -«Oui, du cheval; n'est-ce pas, Porthos, que nous mangeons du -cheval? Peut-être même les caparaçons avec! - --- Non, messieurs, j'ai gardé le harnais, dit Porthos. - --- Ma foi, nous nous valons tous, dit Aramis: on dirait que nous -nous sommes donné le mot. - --- Que voulez-vous, dit Porthos, ce cheval faisait honte à mes -visiteurs, et je n'ai pas voulu les humilier! - --- Puis, votre duchesse est toujours aux eaux, n'est-ce pas? -reprit d'Artagnan. - --- Toujours, répondit Porthos. Or, ma foi, le gouverneur de la -province, un des gentilshommes que j'attendais aujourd'hui à -dîner, m'a paru le désirer si fort que je le lui ai donné. - --- Donné! s'écria d'Artagnan. - --- Oh! mon Dieu! oui, donné! c'est le mot, dit Porthos; car il -valait certainement cent cinquante louis, et le ladre n'a voulu me -le payer que quatre-vingts. - --- Sans la selle? dit Aramis. - --- Oui, sans la selle. - --- Vous remarquerez, messieurs, dit Athos, que c'est encore -Porthos qui a fait le meilleur marché de nous tous.» - -Ce fut alors un hourra de rires dont le pauvre Porthos fut tout -saisi; mais on lui expliqua bientôt la raison de cette hilarité, -qu'il partagea bruyamment selon sa coutume. - -«De sorte que nous sommes tous en fonds? dit d'Artagnan. - --- Mais pas pour mon compte, dit Athos; j'ai trouvé le vin -d'Espagne d'Aramis si bon, que j'en ai fait charger une -soixantaine de bouteilles dans le fourgon des laquais: ce qui m'a -fort désargenté. - --- Et moi, dit Aramis, imaginez donc que j'avais donné jusqu'à mon -dernier sou à l'église de Montdidier et aux jésuites d'Amiens; que -j'avais pris en outre des engagements qu'il m'a fallu tenir, des -messes commandées pour moi et pour vous, messieurs, que l'on dira, -messieurs, et dont je ne doute pas que nous ne nous trouvions à -merveille. - --- Et moi, dit Porthos, ma foulure, croyez-vous qu'elle ne m'a -rien coûté? sans compter la blessure de Mousqueton, pour laquelle -j'ai été obligé de faire venir le chirurgien deux fois par jour, -lequel m'a fait payer ses visites double sous prétexte que cet -imbécile de Mousqueton avait été se faire donner une balle dans un -endroit qu'on ne montre ordinairement qu'aux apothicaires; aussi -je lui ai bien recommandé de ne plus se faire blesser là. - --- Allons, allons, dit Athos, en échangeant un sourire avec -d'Artagnan et Aramis, je vois que vous vous êtes conduit -grandement à l'égard du pauvre garçon: c'est d'un bon maître. - --- Bref, continua Porthos, ma dépense payée, il me restera bien -une trentaine d'écus. - --- Et à moi une dizaine de pistoles, dit Aramis. - --- Allons, allons, dit Athos, il paraît que nous sommes les Crésus -de la société. Combien vous reste-t-il sur vos cent pistoles, -d'Artagnan? - --- Sur mes cent pistoles? D'abord, je vous en ai donné cinquante. - --- Vous croyez? - --- Pardieu! -- Ah! c'est vrai, je me rappelle. - --- Puis, j'en ai payé six à l'hôte. - --- Quel animal que cet hôte! pourquoi lui avez-vous donné six -pistoles? - --- C'est vous qui m'avez dit de les lui donner. - --- C'est vrai que je suis trop bon. Bref, en reliquat? - --- Vingt-cinq pistoles, dit d'Artagnan. - --- Et moi, dit Athos en tirant quelque menue monnaie de sa poche, -moi... - --- Vous, rien. - --- Ma foi, ou si peu de chose, que ce n'est pas la peine de -rapporter à la masse. - --- Maintenant, calculons combien nous possédons en tout: Porthos? - --- Trente écus. - --- Aramis? - --- Dix pistoles. - --- Et vous, d'Artagnan? - --- Vingt-cinq. - --- Cela fait en tout? dit Athos. - --- Quatre cent soixante-quinze livres! dit d'Artagnan, qui -comptait comme Archimède. - --- Arrivés à Paris, nous en aurons bien encore quatre cents, dit -Porthos, plus les harnais. - --- Mais nos chevaux d'escadron? dit Aramis. - --- Eh bien, des quatre chevaux des laquais nous en ferons deux de -maître que nous tirerons au sort; avec les quatre cents livres, on -en fera un demi pour un des démontés, puis nous donnerons les -grattures de nos poches à d'Artagnan, qui a la main bonne, et qui -ira les jouer dans le premier tripot venu, voilà. - --- Dînons donc, dit Porthos, cela refroidit.» - -Les quatre amis, plus tranquilles désormais sur leur avenir, -firent honneur au repas, dont les restes furent abandonnés à -MM. Mousqueton, Bazin, Planchet et Grimaud. - -En arrivant à Paris, d'Artagnan trouva une lettre de -M. de Tréville qui le prévenait que, sur sa demande, le roi venait -de lui accorder la faveur d'entrer dans les mousquetaires. - -Comme c'était tout ce que d'Artagnan ambitionnait au monde, à part -bien entendu le désir de retrouver Mme Bonacieux, il courut tout -joyeux chez ses camarades, qu'il venait de quitter il y avait une -demi-heure, et qu'il trouva fort tristes et fort préoccupés. Ils -étaient réunis en conseil chez Athos: ce qui indiquait toujours -des circonstances d'une certaine gravité. - -M. de Tréville venait de les faire prévenir que l'intention bien -arrêtée de Sa Majesté étant d'ouvrir la campagne le 1er mai, ils -eussent à préparer incontinent leurs équipages. - -Les quatre philosophes se regardèrent tout ébahis: M. de Tréville -ne plaisantait pas sous le rapport de la discipline. - -«Et à combien estimez-vous ces équipages? dit d'Artagnan. - --- Oh! il n'y a pas à dire, reprit Aramis, nous venons de faire -nos comptes avec une lésinerie de Spartiates, et il nous faut à -chacun quinze cents livres. - --- Quatre fois quinze font soixante, soit six mille livres, dit -Athos. - --- Moi, dit d'Artagnan, il me semble qu'avec mille livres chacun, -il est vrai que je ne parle pas en Spartiate, mais en -procureur...» - -Ce mot de procureur réveilla Porthos. - -«Tiens, j'ai une idée! dit-il. - --- C'est déjà quelque chose: moi, je n'en ai pas même l'ombre, fit -froidement Athos, mais quant à d'Artagnan, messieurs, le bonheur -d'être désormais des nôtres l'a rendu fou; mille livres! je -déclare que pour moi seul il m'en faut deux mille. - --- Quatre fois deux font huit, dit alors Aramis: c'est donc huit -mille livres qu'il nous faut pour nos équipages, sur lesquels -équipages, il est vrai, nous avons déjà les selles. - --- Plus, dit Athos, en attendant que d'Artagnan qui allait -remercier M. de Tréville eût fermé la porte, plus ce beau diamant -qui brille au doigt de notre ami. Que diable! d'Artagnan est trop -bon camarade pour laisser des frères dans l'embarras, quand il -porte à son médius la rançon d'un roi.» - - -CHAPITRE XXIX -LA CHASSE À L'ÉQUIPEMENT - -Le plus préoccupé des quatre amis était bien certainement -d'Artagnan, quoique d'Artagnan, en sa qualité de garde, fût bien -plus facile à équiper que messieurs les mousquetaires, qui étaient -des seigneurs; mais notre cadet de Gascogne était, comme on a pu -le voir, d'un caractère prévoyant et presque avare, et avec cela -(expliquez les contraires) glorieux presque à rendre des points à -Porthos. À cette préoccupation de sa vanité, d'Artagnan joignait -en ce moment une inquiétude moins égoïste. Quelques informations -qu'il eût pu prendre sur Mme Bonacieux, il ne lui en était venu -aucune nouvelle. M. de Tréville en avait parlé à la reine; la -reine ignorait où était la jeune mercière et avait promis de la -faire chercher. - -Mais cette promesse était bien vague et ne rassurait guère -d'Artagnan. - -Athos ne sortait pas de sa chambre; il était résolu à ne pas -risquer une enjambée pour s'équiper. - -«Il nous reste quinze jours, disait-il à ses amis; eh bien, si au -bout de ces quinze jours je n'ai rien trouvé, ou plutôt si rien -n'est venu me trouver, comme je suis trop bon catholique pour me -casser la tête d'un coup de pistolet, je chercherai une bonne -querelle à quatre gardes de Son Éminence ou à huit Anglais, et je -me battrai jusqu'à ce qu'il y en ait un qui me tue, ce qui, sur la -quantité, ne peut manquer de m'arriver. On dira alors que je suis -mort pour le roi, de sorte que j'aurai fait mon service sans avoir -eu besoin de m'équiper.» - -Porthos continuait à se promener, les mains derrière le dos, en -hochant la tête de haut en bas et disant: - -«Je poursuivrai mon idée.» - -Aramis, soucieux et mal frisé, ne disait rien. - -On peut voir par ces détails désastreux que la désolation régnait -dans la communauté. - -Les laquais, de leur côté, comme les coursiers d'Hippolyte, -partageaient la triste peine de leurs maîtres. Mousqueton faisait -des provisions de croûtes; Bazin, qui avait toujours donné dans la -dévotion, ne quittait plus les églises; Planchet regardait voler -les mouches; et Grimaud, que la détresse générale ne pouvait -déterminer à rompre le silence imposé par son maître, poussait des -soupirs à attendrir des pierres. - -Les trois amis -- car, ainsi que nous l'avons dit, Athos avait -juré de ne pas faire un pas pour s'équiper -- les trois amis -sortaient donc de grand matin et rentraient fort tard. Ils -erraient par les rues, regardant sur chaque pavé pour savoir si -les personnes qui y étaient passées avant eux n'y avaient pas -laissé quelque bourse. On eût dit qu'ils suivaient des pistes, -tant ils étaient attentifs partout où ils allaient. Quand ils se -rencontraient, ils avaient des regards désolés qui voulaient dire: -As-tu trouvé quelque chose? - -Cependant, comme Porthos avait trouvé le premier son idée, et -comme il l'avait poursuivie avec persistance, il fut le premier à -agir. C'était un homme d'exécution que ce digne Porthos. -D'Artagnan l'aperçut un jour qu'il s'acheminait vers l'église -Saint-Leu, et le suivit instinctivement: il entra au lieu saint -après avoir relevé sa moustache et allongé sa royale, ce qui -annonçait toujours de sa part les intentions les plus -conquérantes. Comme d'Artagnan prenait quelques précautions pour -se dissimuler, Porthos crut n'avoir pas été vu. D'Artagnan entra -derrière lui. Porthos alla s'adosser au côté d'un pilier; -d'Artagnan, toujours inaperçu, s'appuya de l'autre. - -Justement il y avait un sermon, ce qui faisait que l'église était -fort peuplée. Porthos profita de la circonstance pour lorgner les -femmes: grâce aux bons soins de Mousqueton l'extérieur était loin -d'annoncer la détresse de l'intérieur; son feutre était bien un -peu râpé, sa plume était bien un peu déteinte, ses broderies -étaient bien un peu ternies, ses dentelles étaient bien éraillées; -mais dans la demi-teinte toutes ces bagatelles disparaissaient, et -Porthos était toujours le beau Porthos. - -D'Artagnan remarqua, sur le banc le plus rapproché du pilier où -Porthos et lui étaient adossés, une espèce de beauté mûre, un peu -jaune, un peu sèche, mais raide et hautaine sous ses coiffes -noires. Les yeux de Porthos s'abaissaient furtivement sur cette -dame, puis papillonnaient au loin dans la nef. - -De son côté, la dame, qui de temps en temps rougissait, lançait -avec la rapidité de l'éclair un coup d'oeil sur le volage Porthos, -et aussitôt les yeux de Porthos de papillonner avec fureur. Il -était clair que c'était un manège qui piquait au vif la dame aux -coiffes noires, car elle se mordait les lèvres jusqu'au sang, se -grattait le bout du nez, et se démenait désespérément sur son -siège. - -Ce que voyant, Porthos retroussa de nouveau sa moustache, allongea -une seconde fois sa royale, et se mit à faire des signaux à une -belle dame qui était près du choeur, et qui non seulement était -une belle dame, mais encore une grande dame sans doute, car elle -avait derrière elle un négrillon qui avait apporté le coussin sur -lequel elle était agenouillée, et une suivante qui tenait le sac -armorié dans lequel on renfermait le livre où elle lisait sa -messe. - -La dame aux coiffes noires suivit à travers tous ses détours le -regard de Porthos, et reconnut qu'il s'arrêtait sur la dame au -coussin de velours, au négrillon et à la suivante. - -Pendant ce temps, Porthos jouait serré: c'était des clignements -d'yeux, des doigts posés sur les lèvres, de petits sourires -assassins qui réellement assassinaient la belle dédaignée. - -Aussi poussa-t-elle, en forme de mea culpa et en se frappant la -poitrine, un hum! tellement vigoureux que tout le monde, même la -dame au coussin rouge, se retourna de son côté; Porthos tint bon: -pourtant il avait bien compris, mais il fit le sourd. - -La dame au coussin rouge fit un grand effet, car elle était fort -belle, sur la dame aux coiffes noires, qui vit en elle une rivale -véritablement à craindre; un grand effet sur Porthos, qui la -trouva plus jolie que la dame aux coiffes noires; un grand effet -sur d'Artagnan, qui reconnut la dame de Meung, de Calais et de -Douvres, que son persécuteur, l'homme à la cicatrice, avait saluée -du nom de Milady. - -D'Artagnan, sans perdre de vue la dame au coussin rouge, continua -de suivre le manège de Porthos, qui l'amusait fort; il crut -deviner que la dame aux coiffes noires était la procureuse de la -rue aux Ours, d'autant mieux que l'église Saint-Leu n'était pas -très éloignée de ladite rue. - -Il devina alors par induction que Porthos cherchait à prendre sa -revanche de sa défaite de Chantilly, alors que la procureuse -s'était montrée si récalcitrante à l'endroit de la bourse. - -Mais, au milieu de tout cela, d'Artagnan remarqua aussi que pas -une figure ne correspondait aux galanteries de Porthos. Ce -n'étaient que chimères et illusions; mais pour un amour réel, pour -une jalousie véritable, y a-t-il d'autre réalité que les illusions -et les chimères? - -Le sermon finit: la procureuse s'avança vers le bénitier; Porthos -l'y devança, et, au lieu d'un doigt, y mit toute la main. La -procureuse sourit, croyant que c'était pour elle que Porthos se -mettait en frais: mais elle fut promptement et cruellement -détrompée: lorsqu'elle ne fut plus qu'à trois pas de lui, il -détourna la tête, fixant invariablement les yeux sur la dame au -coussin rouge, qui s'était levée et qui s'approchait suivie de son -négrillon et de sa fille de chambre. - -Lorsque la dame au coussin rouge fut près de Porthos, Porthos tira -sa main toute ruisselante du bénitier; la belle dévote toucha de -sa main effilée la grosse main de Porthos, fit en souriant le -signe de la croix et sortit de l'église. - -C'en fut trop pour la procureuse: elle ne douta plus que cette -dame et Porthos fussent en galanterie. Si elle eût été une grande -dame, elle se serait évanouie, mais comme elle n'était qu'une -procureuse, elle se contenta de dire au mousquetaire avec une -fureur concentrée: - -«Eh! monsieur Porthos, vous ne m'en offrez pas à moi, d'eau -bénite?» - -Porthos fit, au son de cette voix, un soubresaut comme ferait un -homme qui se réveillerait après un somme de cent ans. - -«Ma... madame! s'écria-t-il, est-ce bien vous? Comment se porte -votre mari, ce cher monsieur Coquenard? Est-il toujours aussi -ladre qu'il était? Où avais-je donc les yeux, que je ne vous ai -pas même aperçue pendant les deux heures qu'a duré ce sermon? - --- J'étais à deux pas de vous, monsieur, répondit la procureuse; -mais vous ne m'avez pas aperçue parce que vous n'aviez d'yeux que -pour la belle dame à qui vous venez de donner de l'eau bénite.» - -Porthos feignit d'être embarrassé. - -«Ah! dit-il, vous avez remarqué... - --- Il eût fallu être aveugle pour ne pas le voir. - --- Oui, dit négligemment Porthos, c'est une duchesse de mes amies -avec laquelle j'ai grand-peine à me rencontrer à cause de la -jalousie de son mari, et qui m'avait fait prévenir qu'elle -viendrait aujourd'hui, rien que pour me voir, dans cette chétive -église, au fond de ce quartier perdu. - --- Monsieur Porthos, dit la procureuse, auriez-vous la bonté de -m'offrir le bras pendant cinq minutes, je causerais volontiers -avec vous? - --- Comment donc, madame», dit Porthos en se clignant de l'oeil à -lui-même comme un joueur qui rit de la dupe qu'il va faire. - -Dans ce moment, d'Artagnan passait poursuivant Milady; il jeta un -regard de côté sur Porthos, et vit ce coup d'oeil triomphant. - -«Eh! eh! se dit-il à lui même en raisonnant dans le sens de la -morale étrangement facile de cette époque galante, en voici un qui -pourrait bien être équipé pour le terme voulu.» - -Porthos, cédant à la pression du bras de sa procureuse comme une -barque cède au gouvernail, arriva au cloître Saint-Magloire, -passage peu fréquenté, enfermé d'un tourniquet à ses deux bouts. -On n'y voyait, le jour, que mendiants qui mangeaient ou enfants -qui jouaient. - -«Ah! monsieur Porthos! s'écria la procureuse, quand elle se fut -assurée qu'aucune personne étrangère à la population habituelle de -la localité ne pouvait les voir ni les entendre; ah! monsieur -Porthos! vous êtes un grand vainqueur, à ce qu'il paraît! - --- Moi, madame! dit Porthos en se rengorgeant, et pourquoi cela? - --- Et les signes de tantôt, et l'eau bénite? Mais c'est une -princesse pour le moins, que cette dame avec son négrillon et sa -fille de chambre! - --- Vous vous trompez; mon Dieu, non, répondit Porthos, c'est tout -bonnement une duchesse. - --- Et ce coureur qui attendait à la porte, et ce carrosse avec un -cocher à grande livrée qui attendait sur son siège?» - -Porthos n'avait vu ni le coureur, ni le carrosse; mais, de son -regard de femme jalouse, Mme Coquenard avait tout vu. - -Porthos regretta de n'avoir pas, du premier coup, fait la dame au -coussin rouge princesse. - -«Ah! vous êtes l'enfant chéri des belles, monsieur Porthos! reprit -en soupirant la procureuse. - --- Mais, répondit Porthos, vous comprenez qu'avec un physique -comme celui dont la nature m'a doué, je ne manque pas de bonnes -fortunes. - --- Mon Dieu! comme les hommes oublient vite! s'écria la procureuse -en levant les yeux au ciel. - --- Moins vite encore que les femmes, ce me semble, répondit -Porthos; car enfin, moi, madame, je puis dire que j'ai été votre -victime, lorsque blessé, mourant, je me suis vu abandonné des -chirurgiens; moi, le rejeton d'une famille illustre, qui m'étais -fié à votre amitié, j'ai manqué mourir de mes blessures d'abord, -et de faim ensuite dans une mauvaise auberge de Chantilly, et cela -sans que vous ayez daigné répondre une seule fois aux lettres -brûlantes que je vous ai écrites. - --- Mais, monsieur Porthos..., murmura la procureuse, qui sentait -qu'à en juger par la conduite des plus grandes dames de ce temps- -là, elle était dans son tort. - --- Moi qui avais sacrifié pour vous la comtesse de Penaflor... - --- Je le sais bien. - --- La baronne de... - --- Monsieur Porthos, ne m'accablez pas. - --- La duchesse de... - --- Monsieur Porthos, soyez généreux! - --- Vous avez raison, madame, et je n'achèverai pas. - --- Mais c'est mon mari qui ne veut pas entendre parler de prêter. - --- Madame Coquenard, dit Porthos, rappelez-vous la première lettre -que vous m'avez écrite et que je conserve gravée dans ma mémoire.» - -La procureuse poussa un gémissement. - -«Mais c'est qu'aussi, dit-elle, la somme que vous demandiez à -emprunter était un peu bien forte. - --- Madame Coquenard, je vous donnais la préférence. Je n'ai eu -qu'à écrire à la duchesse de... Je ne veux pas dire son nom, car -je ne sais pas ce que c'est que de compromettre une femme; mais ce -que je sais, c'est que je n'ai eu qu'à lui écrire pour qu'elle -m'en envoyât quinze cents.» - -La procureuse versa une larme. - -«Monsieur Porthos, dit-elle, je vous jure que vous m'avez -grandement punie, et que si dans l'avenir vous vous retrouviez en -pareille passe, vous n'auriez qu'à vous adresser à moi. - --- Fi donc, madame! dit Porthos comme révolté, ne parlons pas -argent, s'il vous plaît, c'est humiliant. - --- Ainsi, vous ne m'aimez plus!» dit lentement et tristement la -procureuse. - -Porthos garda un majestueux silence. - -«C'est ainsi que vous me répondez? Hélas! je comprends. - --- Songez à l'offense que vous m'avez faite, madame: elle est -restée là, dit Porthos, en posant la main à son coeur et en l'y -appuyant avec force. - --- Je la réparerai; voyons, mon cher Porthos! - --- D'ailleurs, que vous demandais-je, moi? reprit Porthos avec un -mouvement d'épaules plein de bonhomie; un prêt, pas autre chose. -Après tout, je ne suis pas un homme déraisonnable. Je sais que -vous n'êtes pas riche, madame Coquenard, et que votre mari est -obligé de sangsurer les pauvres plaideurs pour en tirer quelques -pauvres écus. Oh! si vous étiez comtesse, marquise ou duchesse, ce -serait autre chose, et vous seriez impardonnable.» - -La procureuse fut piquée. - -«Apprenez, monsieur Porthos, dit-elle, que mon coffre-fort, tout -coffre-fort de procureuse qu'il est, est peut-être mieux garni que -celui de toutes vos mijaurées ruinées. - --- Double offense que vous m'avez faite alors, dit Porthos en -dégageant le bras de la procureuse de dessous le sien; car si vous -êtes riche, madame Coquenard, alors votre refus n'a plus d'excuse. - --- Quand je dis riche, reprit la procureuse, qui vit qu'elle -s'était laissé entraîner trop loin, il ne faut pas prendre le mot -au pied de la lettre. Je ne suis pas précisément riche, je suis à -mon aise. - --- Tenez, madame, dit Porthos, ne parlons plus de tout cela, je -vous en prie. Vous m'avez méconnu; toute sympathie est éteinte -entre nous. - --- Ingrat que vous êtes! - --- Ah! je vous conseille de vous plaindre! dit Porthos. - --- Allez donc avec votre belle duchesse! je ne vous retiens plus. - --- Eh! elle n'est déjà point si décharnée, que je crois! - --- Voyons, monsieur Porthos, encore une fois, c'est la dernière: -m'aimez-vous encore? - --- Hélas! madame, dit Porthos du ton le plus mélancolique qu'il -put prendre, quand nous allons entrer en campagne, dans une -campagne où mes pressentiments me disent que je serai tué... - --- Oh! ne dites pas de pareilles choses! s'écria la procureuse en -éclatant en sanglots. - --- Quelque chose me le dit, continua Porthos en mélancolisant de -plus en plus. - --- Dites plutôt que vous avez un nouvel amour. - --- Non pas, je vous parle franc. Nul objet nouveau ne me touche, -et même je sens là, au fond de mon coeur, quelque chose qui parle -pour vous. Mais, dans quinze jours, comme vous le savez ou comme -vous ne le savez pas, cette fatale campagne s'ouvre; je vais être -affreusement préoccupé de mon équipement. Puis je vais faire un -voyage dans ma famille, au fond de la Bretagne, pour réaliser la -somme nécessaire à mon départ.» - -Porthos remarqua un dernier combat entre l'amour et l'avarice. - -«Et comme, continua-t-il, la duchesse que vous venez de voir à -l'église a ses terres près des miennes, nous ferons le voyage -ensemble. Les voyages, vous le savez, paraissent beaucoup moins -longs quand on les fait à deux. - --- Vous n'avez donc point d'amis à Paris, monsieur Porthos? dit la -procureuse. - --- J'ai cru en avoir, dit Porthos en prenant son air mélancolique, -mais j'ai bien vu que je me trompais. - --- Vous en avez, monsieur Porthos, vous en avez, reprit la -procureuse dans un transport qui la surprit elle-même; revenez -demain à la maison. Vous êtes le fils de ma tante, mon cousin par -conséquent; vous venez de Noyon en Picardie, vous avez plusieurs -procès à Paris, et pas de procureur. Retiendrez-vous bien tout -cela? - --- Parfaitement, madame. - --- Venez à l'heure du dîner. - --- Fort bien. - --- Et tenez ferme devant mon mari, qui est retors, malgré ses -soixante-seize ans. - --- Soixante-seize ans! peste! le bel âge! reprit Porthos. - --- Le grand âge, vous voulez dire, monsieur Porthos. Aussi le -pauvre cher homme peut me laisser veuve d'un moment à l'autre, -continua la procureuse en jetant un regard significatif à Porthos. -Heureusement que, par contrat de mariage, nous nous sommes tout -passé au dernier vivant. - --- Tout? dit Porthos. - --- Tout. - --- Vous êtes femme de précaution, je le vois, ma chère madame -Coquenard, dit Porthos en serrant tendrement la main de la -procureuse. - --- Nous sommes donc réconciliés, cher monsieur Porthos? dit-elle -en minaudant. - --- Pour la vie, répliqua Porthos sur le même air. - --- Au revoir donc, mon traître. - --- Au revoir, mon oublieuse. - --- À demain, mon ange! - --- À demain, flamme de ma vie!» - - -CHAPITRE XXX -MILADY - -D'Artagnan avait suivi Milady sans être aperçu par elle: il la vit -monter dans son carrosse, et il l'entendit donner à son cocher -l'ordre d'aller à Saint-Germain. - -Il était inutile d'essayer de suivre à pied une voiture emportée -au trot de deux vigoureux chevaux. D'Artagnan revint donc rue -Férou. - -Dans la rue de Seine, il rencontra Planchet, qui était arrêté -devant la boutique d'un pâtissier, et qui semblait en extase -devant une brioche de la forme la plus appétissante. - -Il lui donna l'ordre d'aller seller deux chevaux dans les écuries -de M. de Tréville, un pour lui d'Artagnan, l'autre pour lui -Planchet, et de venir le joindre chez Athos, -- M. de Tréville, -une fois pour toutes, ayant mis ses écuries au service de -d'Artagnan. - -Planchet s'achemina vers la rue du Colombier, et d'Artagnan vers -la rue Férou. Athos était chez lui, vidant tristement une des -bouteilles de ce fameux vin d'Espagne qu'il avait rapporté de son -voyage en Picardie. Il fit signe à Grimaud d'apporter un verre -pour d'Artagnan, et Grimaud obéit comme d'habitude. - -D'Artagnan raconta alors à Athos tout ce qui s'était passé à -l'église entre Porthos et la procureuse, et comment leur camarade -était probablement, à cette heure, en voie de s'équiper. - -«Quant à moi, répondit Athos à tout ce récit, je suis bien -tranquille, ce ne seront pas les femmes qui feront les frais de -mon harnais. - --- Et cependant, beau, poli, grand seigneur comme vous l'êtes, mon -cher Athos, il n'y aurait ni princesses, ni reines à l'abri de vos -traits amoureux. - --- Que ce d'Artagnan est jeune!» dit Athos en haussant les -épaules. - -Et il fit signe à Grimaud d'apporter une seconde bouteille. - -En ce moment, Planchet passa modestement la tête par la porte -entrebâillée, et annonça à son maître que les deux chevaux étaient -là. - -«Quels chevaux? demanda Athos. - --- Deux que M. de Tréville me prête pour la promenade, et avec -lesquels je vais aller faire un tour à Saint-Germain. - --- Et qu'allez-vous faire à Saint-Germain?» demanda encore Athos. - -Alors d'Artagnan lui raconta la rencontre qu'il avait faite dans -l'église, et comment il avait retrouvé cette femme qui, avec le -seigneur au manteau noir et à la cicatrice près de la tempe, était -sa préoccupation éternelle. - -«C'est-à-dire que vous êtes amoureux de celle-là, comme vous -l'étiez de Mme Bonacieux, dit Athos en haussant dédaigneusement -les épaules, comme s'il eût pris en pitié la faiblesse humaine. - --- Moi, point du tout! s'écria d'Artagnan. Je suis seulement -curieux d'éclaircir le mystère auquel elle se rattache. Je ne sais -pourquoi, je me figure que cette femme, tout inconnue qu'elle -m'est et tout inconnu que je lui suis, a une action sur ma vie. - --- Au fait, vous avez raison, dit Athos, je ne connais pas une -femme qui vaille la peine qu'on la cherche quand elle est perdue. -Mme Bonacieux est perdue, tant pis pour elle! qu'elle se retrouve! - --- Non, Athos, non, vous vous trompez, dit d'Artagnan; j'aime ma -pauvre Constance plus que jamais, et si je savais le lieu où elle -est, fût-elle au bout du monde, je partirais pour la tirer des -mains de ses ennemis; mais je l'ignore, toutes mes recherches ont -été inutiles. Que voulez-vous, il faut bien se distraire. - --- Distrayez-vous donc avec Milady, mon cher d'Artagnan; je le -souhaite de tout mon coeur, si cela peut vous amuser. - --- Écoutez, Athos, dit d'Artagnan, au lieu de vous tenir enfermé -ici comme si vous étiez aux arrêts, montez à cheval et venez vous -promener avec moi à Saint-Germain. - --- Mon cher, répliqua Athos, je monte mes chevaux quand j'en ai, -sinon je vais à pied. - --- Eh bien, moi, répondit d'Artagnan en souriant de la -misanthropie d'Athos, qui dans un autre l'eût certainement blessé, -moi, je suis moins fier que vous, je monte ce que je trouve. -Ainsi, au revoir, mon cher Athos. - --- Au revoir», dit le mousquetaire en faisant signe à Grimaud de -déboucher la bouteille qu'il venait d'apporter. - -D'Artagnan et Planchet se mirent en selle et prirent le chemin de -Saint-Germain. - -Tout le long de la route, ce qu'Athos avait dit au jeune homme -de Mme Bonacieux lui revenait à l'esprit. Quoique d'Artagnan ne -fût pas d'un caractère fort sentimental, la jolie mercière avait -fait une impression réelle sur son coeur: comme il le disait, il -était prêt à aller au bout du monde pour la chercher. Mais le -monde a bien des bouts, par cela même qu'il est rond; de sorte -qu'il ne savait de quel côté se tourner. - -En attendant, il allait tâcher de savoir ce que c'était que -Milady. Milady avait parlé à l'homme au manteau noir, donc elle le -connaissait. Or, dans l'esprit de d'Artagnan, c'était l'homme au -manteau noir qui avait enlevé Mme Bonacieux une seconde fois, -comme il l'avait enlevée une première. D'Artagnan ne mentait donc -qu'à moitié, ce qui est bien peu mentir, quand il disait qu'en se -mettant à la recherche de Milady, il se mettait en même temps à la -recherche de Constance. - -Tout en songeant ainsi et en donnant de temps en temps un coup -d'éperon à son cheval, d'Artagnan avait fait la route et était -arrivé à Saint-Germain. Il venait de longer le pavillon où, dix -ans plus tard, devait naître Louis XIV. Il traversait une rue fort -déserte, regardant à droite et à gauche s'il ne reconnaîtrait pas -quelque vestige de sa belle Anglaise, lorsque au rez-de-chaussée -d'une jolie maison qui, selon l'usage du temps, n'avait aucune -fenêtre sur la rue, il vit apparaître une figure de connaissance. -Cette figure se promenait sur une sorte de terrasse garnie de -fleurs. Planchet la reconnut le premier. «Eh! monsieur dit-il -s'adressant à d'Artagnan, ne vous remettez-vous pas ce visage qui -baye aux corneilles? - --- Non, dit d'Artagnan; et cependant je suis certain que ce n'est -point la première fois que je le vois, ce visage. - --- Je le crois pardieu bien, dit Planchet: c'est ce pauvre Lubin, -le laquais du comte de Wardes, celui que vous avez si bien -accommodé il y a un mois, à Calais, sur la route de la maison de -campagne du gouverneur. - --- Ah! oui bien, dit d'Artagnan, et je le reconnais à cette heure. -Crois-tu qu'il te reconnaisse, toi? - --- Ma foi, monsieur, il était si fort troublé que je doute qu'il -ait gardé de moi une mémoire bien nette. - --- Eh bien, va donc causer avec ce garçon, dit d'Artagnan, et -informe-toi dans la conversation si son maître est mort.» - -Planchet descendit de cheval, marcha droit à Lubin, qui en effet -ne le reconnut pas, et les deux laquais se mirent à causer dans la -meilleure intelligence du monde, tandis que d'Artagnan poussait -les deux chevaux dans une ruelle et, faisant le tour d'une maison, -s'en revenait assister à la conférence derrière une haie de -coudriers. - -Au bout d'un instant d'observation derrière la haie, il entendit -le bruit d'une voiture, et il vit s'arrêter en face de lui le -carrosse de Milady. Il n'y avait pas à s'y tromper. Milady était -dedans. D'Artagnan se coucha sur le cou de son cheval, afin de -tout voir sans être vu. - -Milady sortit sa charmante tête blonde par la portière, et donna -des ordres à sa femme de chambre. - -Cette dernière, jolie fille de vingt à vingt-deux ans, alerte et -vive, véritable soubrette de grande dame, sauta en bas du -marchepied, sur lequel elle était assise selon l'usage du temps, -et se dirigea vers la terrasse où d'Artagnan avait aperçu Lubin. - -D'Artagnan suivit la soubrette des yeux, et la vit s'acheminer -vers la terrasse. Mais, par hasard, un ordre de l'intérieur avait -appelé Lubin, de sorte que Planchet était resté seul, regardant de -tous côtés par quel chemin avait disparu d'Artagnan. - -La femme de chambre s'approcha de Planchet, qu'elle prit pour -Lubin, et lui tendant un petit billet: - -«Pour votre maître, dit-elle. - --- Pour mon maître? reprit Planchet étonné. - --- Oui, et très pressé. Prenez donc vite.» - -Là-dessus elle s'enfuit vers le carrosse, retourné à l'avance du -côté par lequel il était venu; elle s'élança sur le marchepied, et -le carrosse repartit. - -Planchet tourna et retourna le billet, puis, accoutumé à -l'obéissance passive, il sauta à bas de la terrasse, enfila la -ruelle et rencontra au bout de vingt pas d'Artagnan qui, ayant -tout vu, allait au-devant de lui. - -«Pour vous, monsieur, dit Planchet, présentant le billet au jeune -homme. - --- Pour moi? dit d'Artagnan; en es-tu bien sûr? - --- Pardieu! si j'en suis sûr; la soubrette a dit: "Pour ton -maître." Je n'ai d'autre maître que vous; ainsi... Un joli brin de -fille, ma foi, que cette soubrette!» - -D'Artagnan ouvrit la lettre, et lut ces mots: - -«Une personne qui s'intéresse à vous plus qu'elle ne peut le dire -voudrait savoir quel jour vous serez en état de vous promener dans -la forêt. Demain, à l'hôtel du Champ du Drap d'Or, un laquais noir -et rouge attendra votre réponse.» - -«Oh! oh! se dit d'Artagnan, voilà qui est un peu vif. Il paraît -que Milady et moi nous sommes en peine de la santé de la même -personne. Eh bien, Planchet, comment se porte ce bon M. de Wardes? -il n'est donc pas mort? - --- Non, monsieur, il va aussi bien qu'on peut aller avec quatre -coups d'épée dans le corps, car vous lui en avez, sans reproche, -allongé quatre, à ce cher gentilhomme, et il est encore bien -faible, ayant perdu presque tout son sang. Comme je l'avais dit à -monsieur, Lubin ne m'a pas reconnu, et m'a raconté d'un bout à -l'autre notre aventure. - --- Fort bien, Planchet, tu es le roi des laquais; maintenant, -remonte à cheval et rattrapons le carrosse.» - -Ce ne fut pas long; au bout de cinq minutes on aperçut le carrosse -arrêté sur le revers de la route, un cavalier richement vêtu se -tenait à la portière. - -La conversation entre Milady et le cavalier était tellement -animée, que d'Artagnan s'arrêta de l'autre côté du carrosse sans -que personne autre que la jolie soubrette s'aperçût de sa -présence. - -La conversation avait lieu en anglais, langue que d'Artagnan ne -comprenait pas; mais, à l'accent, le jeune homme crut deviner que -la belle Anglaise était fort en colère; elle termina par un geste -qui ne lui laissa point de doute sur la nature de cette -conversation: c'était un coup d'éventail appliqué de telle force, -que le petit meuble féminin vola en mille morceaux. - -Le cavalier poussa un éclat de rire qui parut exaspérer Milady. - -D'Artagnan pensa que c'était le moment d'intervenir; il s'approcha -de l'autre portière, et se découvrant respectueusement: - -«Madame, dit-il, me permettez-vous de vous offrir mes services? Il -me semble que ce cavalier vous a mise en colère. Dites un mot, -madame, et je me charge de le punir de son manque de courtoisie.» - -Aux premières paroles, Milady s'était retournée, regardant le -jeune homme avec étonnement, et lorsqu'il eut fini: - -«Monsieur, dit-elle en très bon français, ce serait de grand coeur -que je me mettrais sous votre protection si la personne qui me -querelle n'était point mon frère. - --- Ah! excusez-moi, alors, dit d'Artagnan, vous comprenez que -j'ignorais cela, madame. - --- De quoi donc se mêle cet étourneau, s'écria en s'abaissant à la -hauteur de la portière le cavalier que Milady avait désigné comme -son parent, et pourquoi ne passe-t-il pas son chemin? - --- Étourneau vous-même, dit d'Artagnan en se baissant à son tour -sur le cou de son cheval, et en répondant de son côté par la -portière; je ne passe pas mon chemin parce qu'il me plaît de -m'arrêter ici.» - -Le cavalier adressa quelques mots en anglais à sa soeur. - -«Je vous parle français, moi, dit d'Artagnan; faites-moi donc, je -vous prie, le plaisir de me répondre dans la même langue. Vous -êtes le frère de madame, soit, mais vous n'êtes pas le mien, -heureusement.» - -On eût pu croire que Milady, craintive comme l'est ordinairement -une femme, allait s'interposer dans ce commencement de -provocation, afin d'empêcher que la querelle n'allât plus loin; -mais, tout au contraire, elle se rejeta au fond de son carrosse, -et cria froidement au cocher: - -«Touche à l'hôtel!» - -La jolie soubrette jeta un regard d'inquiétude sur d'Artagnan, -dont la bonne mine paraissait avoir produit son effet sur elle. - -Le carrosse partit et laissa les deux hommes en face l'un de -l'autre, aucun obstacle matériel ne les séparant plus. - -Le cavalier fit un mouvement pour suivre la voiture; mais -d'Artagnan, dont la colère déjà bouillante s'était encore -augmentée en reconnaissant en lui l'Anglais qui, à Amiens, lui -avait gagné son cheval et avait failli gagner à Athos son diamant, -sauta à la bride et l'arrêta. - -«Eh! Monsieur, dit-il, vous me semblez encore plus étourneau que -moi, car vous me faites l'effet d'oublier qu'il y a entre nous une -petite querelle engagée. - --- Ah! ah! dit l'Anglais, c'est vous, mon maître. Il faut donc -toujours que vous jouiez un jeu ou un autre? - --- Oui, et cela me rappelle que j'ai une revanche à prendre. Nous -verrons, mon cher monsieur, si vous maniez aussi adroitement la -rapière que le cornet. - --- Vous voyez bien que je n'ai pas d'épée, dit l'Anglais; voulez- -vous faire le brave contre un homme sans armes? - --- J'espère bien que vous en avez chez vous, répondit d'Artagnan. -En tout cas, j'en ai deux, et si vous le voulez, je vous en -jouerai une. - --- Inutile, dit l'Anglais, je suis muni suffisamment de ces sortes -d'ustensiles. - --- Eh bien, mon digne gentilhomme, reprit d'Artagnan choisissez la -plus longue et venez me la montrer ce soir. - --- Où cela, s'il vous plaît? - --- Derrière le Luxembourg, c'est un charmant quartier pour les -promenades dans le genre de celle que je vous propose. - --- C'est bien, on y sera. - --- Votre heure? - --- Six heures. - --- À propos, vous avez aussi probablement un ou deux amis? - --- Mais j'en ai trois qui seront fort honorés de jouer la même -partie que moi. - --- Trois? à merveille! comme cela se rencontre! dit d'Artagnan, -c'est juste mon compte. - --- Maintenant, qui êtes-vous? demanda l'Anglais. - --- Je suis M. d'Artagnan, gentilhomme gascon, servant aux gardes, -compagnie de M. des Essarts. Et vous? - --- Moi, je suis Lord de Winter, baron de Sheffield. - --- Eh bien, je suis votre serviteur, monsieur le baron, dit -d'Artagnan, quoique vous ayez des noms bien difficiles à retenir.» - -Et piquant son cheval, il le mit au galop, et reprit le chemin de -Paris. - -Comme il avait l'habitude de le faire en pareille occasion, -d'Artagnan descendit droit chez Athos. - -Il trouva Athos couché sur un grand canapé, où il attendait, comme -il l'avait dit, que son équipement le vînt trouver. - -Il raconta à Athos tout ce qui venait de se passer, moins la -lettre de M. de Wardes. - -Athos fut enchanté lorsqu'il sut qu'il allait se battre contre un -Anglais. Nous avons dit que c'était son rêve. - -On envoya chercher à l'instant même Porthos et Aramis par les -laquais, et on les mit au courant de la situation. - -Porthos tira son épée hors du fourreau et se mit à espadonner -contre le mur en se reculant de temps en temps et en faisant des -pliés comme un danseur. Aramis, qui travaillait toujours à son -poème, s'enferma dans le cabinet d'Athos et pria qu'on ne le -dérangeât plus qu'au moment de dégainer. - -Athos demanda par signe à Grimaud une bouteille. - -Quant à d'Artagnan, il arrangea en lui-même un petit plan dont -nous verrons plus tard l'exécution, et qui lui promettait quelque -gracieuse aventure, comme on pouvait le voir aux sourires qui, de -temps en temps, passaient sur son visage dont ils éclairaient la -rêverie. - - -CHAPITRE XXXI -ANGLAIS ET FRANÇAIS - -L'heure venue, on se rendit avec les quatre laquais, derrière le -Luxembourg, dans un enclos abandonné aux chèvres. Athos donna une -pièce de monnaie au chevrier pour qu'il s'écartât. Les laquais -furent chargés de faire sentinelle. - -Bientôt une troupe silencieuse s'approcha du même enclos, y -pénétra et joignit les mousquetaires; puis, selon les habitudes -d'outre-mer, les présentations eurent lieu. - -Les Anglais étaient tous gens de la plus haute qualité, les noms -bizarres de leurs adversaires furent donc pour eux un sujet non -seulement de surprise, mais encore d'inquiétude. - -«Mais, avec tout cela, dit Lord de Winter quand les trois amis -eurent été nommés, nous ne savons pas qui vous êtes, et nous ne -nous battrons pas avec des noms pareils; ce sont des noms de -bergers, cela. - --- Aussi, comme vous le supposez bien, Milord, ce sont de faux -noms, dit Athos. - --- Ce qui ne nous donne qu'un plus grand désir de connaître les -noms véritables, répondit l'Anglais. - --- Vous avez bien joué contre nous sans les connaître, dit Athos, -à telles enseignes que vous nous avez gagné nos deux chevaux? - --- C'est vrai, mais nous ne risquions que nos pistoles; cette fois -nous risquons notre sang: on joue avec tout le monde, on ne se bat -qu'avec ses égaux. - --- C'est juste», dit Athos. Et il prit à l'écart celui des quatre -Anglais avec lequel il devait se battre, et lui dit son nom tout -bas. - -Porthos et Aramis en firent autant de leur côté. - -«Cela vous suffit-il, dit Athos à son adversaire, et me trouvez- -vous assez grand seigneur pour me faire la grâce de croiser l'épée -avec moi? - --- Oui, monsieur, dit l'Anglais en s'inclinant. - --- Eh bien, maintenant, voulez-vous que je vous dise une chose? -reprit froidement Athos. - --- Laquelle? demanda l'Anglais. - --- C'est que vous auriez aussi bien fait de ne pas exiger que je -me fisse connaître. - --- Pourquoi cela? - --- Parce qu'on me croit mort, que j'ai des raisons pour désirer -qu'on ne sache pas que je vis, et que je vais être obligé de vous -tuer, pour que mon secret ne coure pas les champs.» - -L'Anglais regarda Athos, croyant que celui-ci plaisantait; mais -Athos ne plaisantait pas le moins du monde. - -«Messieurs, dit-il en s'adressant à la fois à ses compagnons et à -leurs adversaires, y sommes-nous? - --- Oui, répondirent tout d'une voix Anglais et Français. - --- Alors, en garde», dit Athos. - -Et aussitôt huit épées brillèrent aux rayons du soleil couchant, -et le combat commença avec un acharnement bien naturel entre gens -deux fois ennemis. - -Athos s'escrimait avec autant de calme et de méthode que s'il eût -été dans une salle d'armes. - -Porthos, corrigé sans doute de sa trop grande confiance par son -aventure de Chantilly, jouait un jeu plein de finesse et de -prudence. - -Aramis, qui avait le troisième chant de son poème à finir, se -dépêchait en homme très pressé. - -Athos, le premier, tua son adversaire: il ne lui avait porté qu'un -coup, mais, comme il l'en avait prévenu, le coup avait été mortel. -L'épée lui traversa le coeur. - -Porthos, le second, étendit le sien sur l'herbe: il lui avait -percé la cuisse. Alors, comme l'Anglais, sans faire plus longue -résistance, lui avait rendu son épée, Porthos le prit dans ses -bras et le porta dans son carrosse. - -Aramis poussa le sien si vigoureusement, qu'après avoir rompu une -cinquantaine de pas, il finit par prendre la fuite à toutes jambes -et disparut aux huées des laquais. - -Quant à d'Artagnan, il avait joué purement et simplement un jeu -défensif; puis, lorsqu'il avait vu son adversaire bien fatigué, il -lui avait, d'une vigoureuse flanconade, fait sauter son épée. Le -baron, se voyant désarmé, fit deux ou trois pas en arrière; mais, -dans ce mouvement, son pied glissa, et il tomba à la renverse. - -D'Artagnan fut sur lui d'un seul bond, et lui portant l'épée à la -gorge: - -«Je pourrais vous tuer, monsieur, dit-il à l'Anglais, et vous êtes -bien entre mes mains, mais je vous donne la vie pour l'amour de -votre soeur.» - -D'Artagnan était au comble de la joie; il venait de réaliser le -plan qu'il avait arrêté d'avance, et dont le développement avait -fait éclore sur son visage les sourires dont nous avons parlé. - -L'Anglais, enchanté d'avoir affaire à un gentilhomme d'aussi bonne -composition, serra d'Artagnan entre ses bras, fit mille caresses -aux trois mousquetaires, et, comme l'adversaire de Porthos était -déjà installé dans la voiture et que celui d'Aramis avait pris la -poudre d'escampette, on ne songea plus qu'au défunt. - -Comme Porthos et Aramis le déshabillaient dans l'espérance que sa -blessure n'était pas mortelle, une grosse bourse s'échappa de sa -ceinture. D'Artagnan la ramassa et la tendit à Lord de Winter. - -«Et que diable voulez-vous que je fasse de cela? dit l'Anglais. - --- Vous la rendrez à sa famille, dit d'Artagnan. - --- Sa famille se soucie bien de cette misère: elle hérite de -quinze mille louis de rente: gardez cette bourse pour vos -laquais.» - -D'Artagnan mit la bourse dans sa poche. - -«Et maintenant, mon jeune ami, car vous me permettrez, je -l'espère, de vous donner ce nom, dit Lord de Winter, dès ce soir, -si vous le voulez bien, je vous présenterai à ma soeur, Lady -Clarick; car je veux qu'elle vous prenne à son tour dans ses -bonnes grâces, et, comme elle n'est point tout à fait mal en cour, -peut-être dans l'avenir un mot dit par elle ne vous serait-il -point inutile.» - -D'Artagnan rougit de plaisir, et s'inclina en signe d'assentiment. - -Pendant ce temps, Athos s'était approché de d'Artagnan. - -«Que voulez-vous faire de cette bourse? lui dit-il tout bas à -l'oreille. - --- Mais je comptais vous la remettre, mon cher Athos. - --- À moi? et pourquoi cela? - --- Dame, vous l'avez tué: ce sont les dépouilles opimes. - --- Moi, héritier d'un ennemi! dit Athos, pour qui donc me prenez- -vous? - --- C'est l'habitude à la guerre, dit d'Artagnan; pourquoi ne -serait-ce pas l'habitude dans un duel? - --- Même sur le champ de bataille, dit Athos, je n'ai jamais fait -cela.» - -Porthos leva les épaules. Aramis, d'un mouvement de lèvres, -approuva Athos. - -«Alors, dit d'Artagnan, donnons cet argent aux laquais, comme Lord -de Winter nous a dit de le faire. - --- Oui, dit Athos, donnons cette bourse, non à nos laquais, mais -aux laquais anglais.» - -Athos prit la bourse, et la jeta dans la main du cocher: - -«Pour vous et vos camarades.» - -Cette grandeur de manières dans un homme entièrement dénué frappa -Porthos lui-même, et cette générosité française, redite par Lord -de Winter et son ami, eut partout un grand succès, excepté auprès -de MM. Grimaud, Mousqueton, Planchet et Bazin. - -Lord de Winter, en quittant d'Artagnan, lui donna l'adresse de sa -soeur; elle demeurait place Royale, qui était alors le quartier à -la mode, au n° 6. D'ailleurs, il s'engageait à le venir prendre -pour le présenter. D'Artagnan lui donna rendez-vous à huit heures, -chez Athos. - -Cette présentation à Milady occupait fort la tête de notre Gascon. -Il se rappelait de quelle façon étrange cette femme avait été -mêlée jusque-là dans sa destinée. Selon sa conviction, c'était -quelque créature du cardinal, et cependant il se sentait -invinciblement entraîné vers elle, par un de ces sentiments dont -on ne se rend pas compte. Sa seule crainte était que Milady ne -reconnût en lui l'homme de Meung et de Douvres. Alors, elle -saurait qu'il était des amis de M. de Tréville, et par conséquent -qu'il appartenait corps et âme au roi, ce qui, dès lors, lui -ferait perdre une partie de ses avantages, puisque, connu de -Milady comme il la connaissait, il jouerait avec elle à jeu égal. -Quant à ce commencement d'intrigue entre elle et le comte -de Wardes, notre présomptueux ne s'en préoccupait que -médiocrement, bien que le marquis fût jeune, beau, riche et fort -avant dans la faveur du cardinal. Ce n'est pas pour rien que l'on -a vingt ans, et surtout que l'on est né à Tarbes. - -D'Artagnan commença par aller faire chez lui une toilette -flamboyante; puis, il s'en revint chez Athos, et, selon son -habitude, lui raconta tout. Athos écouta ses projets; puis il -secoua la tête, et lui recommanda la prudence avec une sorte -d'amertume. - -«Quoi! lui dit-il, vous venez de perdre une femme que vous disiez -bonne, charmante, parfaite, et voilà que vous courez déjà après -une autre!» - -D'Artagnan sentit la vérité de ce reproche. - -«J'aimais Mme Bonacieux avec le coeur, tandis que j'aime Milady -avec la tête, dit-il; en me faisant conduire chez elle, je cherche -surtout à m'éclairer sur le rôle qu'elle joue à la cour. - --- Le rôle qu'elle joue, pardieu! il n'est pas difficile à deviner -d'après tout ce que vous m'avez dit. C'est quelque émissaire du -cardinal: une femme qui vous attirera dans un piège, où vous -laisserez votre tête tout bonnement. - --- Diable! mon cher Athos, vous voyez les choses bien en noir, ce -me semble. - --- Mon cher, je me défie des femmes; que voulez-vous! je suis payé -pour cela, et surtout des femmes blondes. Milady est blonde, -m'avez-vous dit? - --- Elle a les cheveux du plus beau blond qui se puisse voir. - --- Ah! mon pauvre d'Artagnan, fit Athos. - --- Écoutez, je veux m'éclairer; puis, quand je saurai ce que je -désire savoir, je m'éloignerai. - --- Éclairez-vous», dit flegmatiquement Athos. - -Lord de Winter arriva à l'heure dite, mais Athos, prévenu à temps, -passa dans la seconde pièce. Il trouva donc d'Artagnan seul, et, -comme il était près de huit heures, il emmena le jeune homme. - -Un élégant carrosse attendait en bas, et comme il était attelé de -deux excellents chevaux, en un instant on fut place Royale. - -Milady Clarick reçut gracieusement d'Artagnan. Son hôtel était -d'une somptuosité remarquable; et, bien que la plupart des -Anglais, chassés par la guerre, quittassent la France, ou fussent -sur le point de la quitter, Milady venait de faire faire chez elle -de nouvelles dépenses: ce qui prouvait que la mesure générale qui -renvoyait les Anglais ne la regardait pas. - -«Vous voyez, dit Lord de Winter en présentant d'Artagnan à sa -soeur, un jeune gentilhomme qui a tenu ma vie entre ses mains, et -qui n'a point voulu abuser de ses avantages, quoique nous fussions -deux fois ennemis, puisque c'est moi qui l'ai insulté, et que je -suis anglais. Remerciez-le donc, madame, si vous avez quelque -amitié pour moi.» - -Milady fronça légèrement le sourcil; un nuage à peine visible -passa sur son front, et un sourire tellement étrange apparut sur -ses lèvres, que le jeune homme, qui vit cette triple nuance, en -eut comme un frisson. - -Le frère ne vit rien; il s'était retourné pour jouer avec le singe -favori de Milady, qui l'avait tiré par son pourpoint. - -«Soyez le bienvenu, monsieur, dit Milady d'une voix dont la -douceur singulière contrastait avec les symptômes de mauvaise -humeur que venait de remarquer d'Artagnan, vous avez acquis -aujourd'hui des droits éternels à ma reconnaissance.» - -L'Anglais alors se retourna et raconta le combat sans omettre un -détail. Milady l'écouta avec la plus grande attention; cependant -on voyait facilement, quelque effort qu'elle fît pour cacher ses -impressions, que ce récit ne lui était point agréable. Le sang lui -montait à la tête, et son petit pied s'agitait impatiemment sous -sa robe. - -Lord de Winter ne s'aperçut de rien. Puis, lorsqu'il eut fini, il -s'approcha d'une table où étaient servis sur un plateau une -bouteille de vin d'Espagne et des verres. Il emplit deux verres et -d'un signe invita d'Artagnan à boire. - -D'Artagnan savait que c'était fort désobliger un Anglais que de -refuser de toaster avec lui. Il s'approcha donc de la table, et -prit le second verre. Cependant il n'avait point perdu de vue -Milady, et dans la glace il s'aperçut du changement qui venait de -s'opérer sur son visage. Maintenant qu'elle croyait n'être plus -regardée, un sentiment qui ressemblait à de la férocité animait sa -physionomie. Elle mordait son mouchoir à belles dents. - -Cette jolie petite soubrette, que d'Artagnan avait déjà remarquée, -entra alors; elle dit en anglais quelques mots à Lord de Winter, -qui demanda aussitôt à d'Artagnan la permission de se retirer, -s'excusant sur l'urgence de l'affaire qui l'appelait, et chargeant -sa soeur d'obtenir son pardon. - -D'Artagnan échangea une poignée de main avec Lord de Winter et -revint près de Milady. Le visage de cette femme, avec une mobilité -surprenante, avait repris son expression gracieuse, seulement -quelques petites taches rouges disséminées sur son mouchoir -indiquaient qu'elle s'était mordu les lèvres jusqu'au sang. - -Ses lèvres étaient magnifiques, on eût dit du corail. - -La conversation prit une tournure enjouée. Milady paraissait -s'être entièrement remise. Elle raconta que Lord de Winter n'était -que son beau-frère et non son frère: elle avait épousé un cadet de -famille qui l'avait laissée veuve avec un enfant. Cet enfant était -le seul héritier de Lord de Winter, si Lord de Winter ne se -mariait point. Tout cela laissait voir à d'Artagnan un voile qui -enveloppait quelque chose, mais il ne distinguait pas encore sous -ce voile. - -Au reste, au bout d'une demi-heure de conversation, d'Artagnan -était convaincu que Milady était sa compatriote: elle parlait le -français avec une pureté et une élégance qui ne laissaient aucun -doute à cet égard. - -D'Artagnan se répandit en propos galants et en protestations de -dévouement. À toutes les fadaises qui échappèrent à notre Gascon, -Milady sourit avec bienveillance. L'heure de se retirer arriva. -D'Artagnan prit congé de Milady et sortit du salon le plus heureux -des hommes. - -Sur l'escalier il rencontra la jolie soubrette, laquelle le frôla -doucement en passant, et, tout en rougissant jusqu'aux yeux, lui -demanda pardon de l'avoir touché, d'une voix si douce, que le -pardon lui fut accordé à l'instant même. - -D'Artagnan revint le lendemain et fut reçu encore mieux que la -veille. Lord de Winter n'y était point, et ce fut Milady qui lui -fit cette fois tous les honneurs de la soirée. Elle parut prendre -un grand intérêt à lui, lui demanda d'où il était, quels étaient -ses amis, et s'il n'avait pas pensé quelquefois à s'attacher au -service de M. le cardinal. - -D'Artagnan, qui, comme on le sait, était fort prudent pour un -garçon de vingt ans, se souvint alors de ses soupçons sur Milady; -il lui fit un grand éloge de Son Éminence, lui dit qu'il n'eût -point manqué d'entrer dans les gardes du cardinal au lieu d'entrer -dans les gardes du roi, s'il eût connu par exemple M. de Cavois au -lieu de connaître M. de Tréville. - -Milady changea de conversation sans affectation aucune, et demanda -à d'Artagnan de la façon la plus négligée du monde s'il n'avait -jamais été en Angleterre. - -D'Artagnan répondit qu'il y avait été envoyé par M. de Tréville -pour traiter d'une remonte de chevaux et qu'il en avait même -ramené quatre comme échantillon. - -Milady, dans le cours de la conversation, se pinça deux ou trois -fois les lèvres: elle avait affaire à un Gascon qui jouait serré. - -À la même heure que la veille d'Artagnan se retira. Dans le -corridor il rencontra encore la jolie Ketty; c'était le nom de la -soubrette. Celle-ci le regarda avec une expression de mystérieuse -bienveillance à laquelle il n'y avait point à se tromper. Mais -d'Artagnan était si préoccupé de la maîtresse, qu'il ne remarquait -absolument que ce qui venait d'elle. - -D'Artagnan revint chez Milady le lendemain et le surlendemain, et -chaque fois Milady lui fit un accueil plus gracieux. - -Chaque fois aussi, soit dans l'antichambre, soit dans le corridor, -soit sur l'escalier, il rencontrait la jolie soubrette. - -Mais, comme nous l'avons dit, d'Artagnan ne faisait aucune -attention à cette persistance de la pauvre Ketty. - - -CHAPITRE XXXII -UN DÎNER DE PROCUREUR - -Cependant le duel dans lequel Porthos avait joué un rôle si -brillant ne lui avait pas fait oublier le dîner auquel l'avait -invité la femme du procureur. Le lendemain, vers une heure, il se -fit donner le dernier coup de brosse par Mousqueton, et s'achemina -vers la rue aux Ours, du pas d'un homme qui est en double bonne -fortune. - -Son coeur battait, mais ce n'était pas, comme celui de d'Artagnan, -d'un jeune et impatient amour. Non, un intérêt plus matériel lui -fouettait le sang, il allait enfin franchir ce seuil mystérieux, -gravir cet escalier inconnu qu'avaient monté, un à un, les vieux -écus de maître Coquenard. - -Il allait voir en réalité certain bahut dont vingt fois il avait -vu l'image dans ses rêves; bahut de forme longue et profonde, -cadenassé, verrouillé, scellé au sol; bahut dont il avait si -souvent entendu parler, et que les mains un peu sèches, il est -vrai, mais non pas sans élégance de la procureuse, allaient ouvrir -à ses regards admirateurs. - -Et puis lui, l'homme errant sur la terre, l'homme sans fortune, -l'homme sans famille, le soldat habitué aux auberges, aux -cabarets, aux tavernes, aux posadas, le gourmet forcé pour la -plupart du temps de s'en tenir aux lippées de rencontre, il allait -tâter des repas de ménage, savourer un intérieur confortable, et -se laisser faire à ces petits soins, qui, plus on est dur, plus -ils plaisent, comme disent les vieux soudards. - -Venir en qualité de cousin s'asseoir tous les jours à une bonne -table, dérider le front jaune et plissé du vieux procureur, plumer -quelque peu les jeunes clercs en leur apprenant la bassette, le -passe-dix et le lansquenet dans leurs plus fines pratiques, et en -leur gagnant par manière d'honoraires, pour la leçon qu'il leur -donnerait en une heure, leurs économies d'un mois, tout cela -souriait énormément à Porthos. - -Le mousquetaire se retraçait bien, de-ci, de-là, les mauvais -propos qui couraient dès ce temps-là sur les procureurs et qui -leur ont survécu: la lésine, la rognure, les jours de jeûne, mais -comme, après tout, sauf quelques accès d'économie que Porthos -avait toujours trouvés fort intempestifs, il avait vu la -procureuse assez libérale, pour une procureuse, bien entendu, il -espéra rencontrer une maison montée sur un pied flatteur. - -Cependant, à la porte, le mousquetaire eut quelques doutes, -l'abord n'était point fait pour engager les gens: allée puante et -noire, escalier mal éclairé par des barreaux au travers desquels -filtrait le jour gris d'une cour voisine; au premier une porte -basse et ferrée d'énorme clous comme la porte principale du Grand- -Châtelet. - -Porthos heurta du doigt; un grand clerc pâle et enfoui sous une -forêt de cheveux vierges vint ouvrir et salua de l'air d'un homme -forcé de respecter à la fois dans un autre la haute taille qui -indique la force, l'habit militaire qui indique l'état, et la mine -vermeille qui indique l'habitude de bien vivre. - -Autre clerc plus petit derrière le premier, autre clerc plus grand -derrière le second, saute-ruisseau de douze ans derrière le -troisième. - -En tout, trois clercs et demi; ce qui, pour le temps, annonçait -une étude des plus achalandées. - -Quoique le mousquetaire ne dût arriver qu'à une heure, depuis midi -la procureuse avait l'oeil au guet et comptait sur le coeur et -peut-être aussi sur l'estomac de son adorateur pour lui faire -devancer l'heure. - -Mme Coquenard arriva donc par la porte de l'appartement, presque -en même temps que son convive arrivait par la porte de l'escalier, -et l'apparition de la digne dame le tira d'un grand embarras. Les -clercs avaient l'oeil curieux, et lui, ne sachant trop que dire à -cette gamme ascendante et descendante, demeurait la langue muette. - -«C'est mon cousin, s'écria la procureuse; entrez donc, entrez -donc, monsieur Porthos.» - -Le nom de Porthos fit son effet sur les clercs, qui se mirent à -rire; mais Porthos se retourna, et tous les visages rentrèrent -dans leur gravité. - -On arriva dans le cabinet du procureur après avoir traversé -l'antichambre où étaient les clercs, et l'étude où ils auraient dû -être: cette dernière chambre était une sorte de salle noire et -meublée de paperasses. En sortant de l'étude on laissa la cuisine -à droite, et l'on entra dans la salle de réception. - -Toutes ces pièces qui se commandaient n'inspirèrent point à -Porthos de bonnes idées. Les paroles devaient s'entendre de loin -par toutes ces portes ouvertes; puis, en passant, il avait jeté un -regard rapide et investigateur sur la cuisine, et il s'avouait à -lui-même, à la honte de la procureuse et à son grand regret, à -lui, qu'il n'y avait pas vu ce feu, cette animation, ce mouvement -qui, au moment d'un bon repas, règnent ordinairement dans ce -sanctuaire de la gourmandise. - -Le procureur avait sans doute été prévenu de cette visite, car il -ne témoigna aucune surprise à la vue de Porthos, qui s'avança -jusqu'à lui d'un air assez dégagé et le salua courtoisement. - -«Nous sommes cousins, à ce qu'il paraît, monsieur Porthos?» dit le -procureur en se soulevant à la force des bras sur son fauteuil de -canne. - -Le vieillard, enveloppé dans un grand pourpoint noir où se perdait -son corps fluet, était vert et sec; ses petits yeux gris -brillaient comme des escarboucles, et semblaient, avec sa bouche -grimaçante, la seule partie de son visage où la vie fût demeurée. -Malheureusement les jambes commençaient à refuser le service à -toute cette machine osseuse; depuis cinq ou six mois que cet -affaiblissement s'était fait sentir, le digne procureur était à -peu près devenu l'esclave de sa femme. - -Le cousin fut accepté avec résignation, voilà tout. Maître -Coquenard ingambe eût décliné toute parenté avec M. Porthos. - -«Oui, monsieur, nous sommes cousins, dit sans se déconcerter -Porthos, qui, d'ailleurs, n'avait jamais compté être reçu par le -mari avec enthousiasme. - --- Par les femmes, je crois?» dit malicieusement le procureur. - -Porthos ne sentit point cette raillerie et la prit pour une -naïveté dont il rit dans sa grosse moustache. Mme Coquenard, qui -savait que le procureur naïf était une variété fort rare dans -l'espèce, sourit un peu et rougit beaucoup. - -Maître Coquenard avait, dès l'arrivée de Porthos, jeté les yeux -avec inquiétude sur une grande armoire placée en face de son -bureau de chêne. Porthos comprit que cette armoire, quoiqu'elle ne -répondît point par la forme à celle qu'il avait vue dans ses -songes, devait être le bienheureux bahut, et il s'applaudit de ce -que la réalité avait six pieds de plus en hauteur que le rêve. - -Maître Coquenard ne poussa pas plus loin ses investigations -généalogiques, mais en ramenant son regard inquiet de l'armoire -sur Porthos, il se contenta de dire: - -«Monsieur notre cousin, avant son départ pour la campagne, nous -fera bien la grâce de dîner une fois avec nous, n'est-ce pas, -madame Coquenard!» - -Cette fois, Porthos reçut le coup en plein estomac et le sentit; -il paraît que de son côté Mme Coquenard non plus n'y fut pas -insensible, car elle ajouta: - -«Mon cousin ne reviendra pas s'il trouve que nous le traitons mal; -mais, dans le cas contraire, il a trop peu de temps à passer à -Paris, et par conséquent à nous voir, pour que nous ne lui -demandions pas presque tous les instants dont il peut disposer -jusqu'à son départ. - --- Oh! mes jambes, mes pauvres jambes! où êtes-vous?» murmura -Coquenard. Et il essaya de sourire. - -Ce secours qui était arrivé à Porthos au moment où il était -attaqué dans ses espérances gastronomiques inspira au mousquetaire -beaucoup de reconnaissance pour sa procureuse. - -Bientôt l'heure du dîner arriva. On passa dans la salle à manger, -grande pièce noire qui était située en face de la cuisine. - -Les clercs, qui, à ce qu'il paraît, avaient senti dans la maison -des parfums inaccoutumés, étaient d'une exactitude militaire, et -tenaient en main leurs tabourets, tout prêts qu'ils étaient à -s'asseoir. On les voyait d'avance remuer les mâchoires avec des -dispositions effrayantes. - -«Tudieu! pensa Porthos en jetant un regard sur les trois affamés, -car le saute-ruisseau n'était pas, comme on le pense bien, admis -aux honneurs de la table magistrale; tudieu! à la place de mon -cousin, je ne garderais pas de pareils gourmands. On dirait des -naufragés qui n'ont pas mangé depuis six semaines.» - -Maître Coquenard entra, poussé sur son fauteuil à roulettes par -Mme Coquenard, à qui Porthos, à son tour, vint en aide pour rouler -son mari jusqu'à la table. - -À peine entré, il remua le nez et les mâchoires à l'exemple de ses -clercs. - -«Oh! oh! dit-il, voici un potage qui est engageant!» - -«Que diable sentent-ils donc d'extraordinaire dans ce potage?» dit -Porthos à l'aspect d'un bouillon pâle, abondant, mais parfaitement -aveugle, et sur lequel quelques croûtes nageaient rares comme les -îles d'un archipel. - -Mme Coquenard sourit, et, sur un signe d'elle, tout le monde -s'assit avec empressement. - -Maître Coquenard fut le premier servi, puis Porthos; ensuite -Mme Coquenard emplit son assiette, et distribua les croûtes sans -bouillon aux clercs impatients. - -En ce moment la porte de la salle à manger s'ouvrit d'elle-même en -criant, et Porthos, à travers les battants entrebâillés, aperçut -le petit clerc, qui, ne pouvant prendre part au festin, mangeait -son pain à la double odeur de la cuisine et de la salle à manger. - -Après le potage la servante apporta une poule bouillie; -magnificence qui fit dilater les paupières des convives, de telle -façon qu'elles semblaient prêtes à se fendre. - -«On voit que vous aimez votre famille, madame Coquenard, dit le -procureur avec un sourire presque tragique; voilà certes une -galanterie que vous faites à votre cousin.» - -La pauvre poule était maigre et revêtue d'une de ces grosses peaux -hérissées que les os ne percent jamais malgré leurs efforts; il -fallait qu'on l'eût cherchée bien longtemps avant de la trouver -sur le perchoir où elle s'était retirée pour mourir de vieillesse. - -«Diable! pensa Porthos, voilà qui est fort triste; je respecte la -vieillesse, mais j'en fais peu de cas bouillie ou rôtie.» - -Et il regarda à la ronde pour voir si son opinion était partagée; -mais tout au contraire de lui, il ne vit que des yeux flamboyants, -qui dévoraient d'avance cette sublime poule, objet de ses mépris. - -Mme Coquenard tira le plat à elle, détacha adroitement les deux -grandes pattes noires, qu'elle plaça sur l'assiette de son mari; -trancha le cou, qu'elle mit avec la tête à part pour elle-même; -leva l'aile pour Porthos, et remit à la servante, qui venait de -l'apporter, l'animal qui s'en retourna presque intact, et qui -avait disparu avant que le mousquetaire eût eu le temps d'examiner -les variations que le désappointement amène sur les visages, selon -les caractères et les tempéraments de ceux qui l'éprouvent. - -Au lieu de poulet, un plat de fèves fit son entrée, plat énorme, -dans lequel quelques os de mouton, qu'on eût pu, au premier abord, -croire accompagnés de viande, faisaient semblant de se montrer. - -Mais les clercs ne furent pas dupes de cette supercherie, et les -mines lugubres devinrent des visages résignés. - -Mme Coquenard distribua ce mets aux jeunes gens avec la modération -d'une bonne ménagère. - -Le tour du vin était venu. Maître Coquenard versa d'une bouteille -de grès fort exiguë le tiers d'un verre à chacun des jeunes gens, -s'en versa à lui-même dans des proportions à peu près égales, et -la bouteille passa aussitôt du côté de Porthos et de -Mme Coquenard. - -Les jeunes gens remplissaient d'eau ce tiers de vin, puis, -lorsqu'ils avaient bu la moitié du verre, ils le remplissaient -encore, et ils faisaient toujours ainsi; ce qui les amenait à la -fin du repas à avaler une boisson qui de la couleur du rubis était -passée à celle de la topaze brûlée. - -Porthos mangea timidement son aile de poule, et frémit lorsqu'il -sentit sous la table le genou de la procureuse qui venait trouver -le sien. Il but aussi un demi-verre de ce vin fort ménagé, et -qu'il reconnut pour cet horrible cru de Montreuil, la terreur des -palais exercés. - -Maître Coquenard le regarda engloutir ce vin pur et soupira. - -«Mangerez-vous bien de ces fèves, mon cousin Porthos?» dit -Mme Coquenard de ce ton qui veut dire: croyez-moi, n'en mangez -pas. - -«Du diable si j'en goûte!» murmura tout bas Porthos... - -Puis tout haut: - -«Merci, ma cousine, dit-il, je n'ai plus faim.» - -Il se fit un silence: Porthos ne savait quelle contenance tenir. -Le procureur répéta plusieurs fois: - -«Ah! madame Coquenard! je vous en fais mon compliment, votre dîner -était un véritable festin; Dieu! ai-je mangé!» - -Maître Coquenard avait mangé son potage, les pattes noires de la -poule et le seul os de mouton où il y eût un peu de viande. - -Porthos crut qu'on le mystifiait, et commença à relever sa -moustache et à froncer le sourcil; mais le genou de Mme Coquenard -vint tout doucement lui conseiller la patience. - -Ce silence et cette interruption de service, qui étaient restés -inintelligibles pour Porthos, avaient au contraire une -signification terrible pour les clercs: sur un regard du -procureur, accompagné d'un sourire de Mme Coquenard, ils se -levèrent lentement de table, plièrent leurs serviettes plus -lentement encore, puis ils saluèrent et partirent. - -«Allez, jeunes gens, allez faire la digestion en travaillant», dit -gravement le procureur. - -Les clercs partis, Mme Coquenard se leva et tira d'un buffet un -morceau de fromage, des confitures de coings et un gâteau qu'elle -avait fait elle-même avec des amandes et du miel. - -Maître Coquenard fronça le sourcil, parce qu'il voyait trop de -mets; Porthos se pinça les lèvres, parce qu'il voyait qu'il n'y -avait pas de quoi dîner. - -Il regarda si le plat de fèves était encore là, le plat de fèves -avait disparu. - -«Festin décidément, s'écria maître Coquenard en s'agitant sur sa -chaise, véritable festin, _epulae epularum_; Lucullus dîne chez -Lucullus.» - -Porthos regarda la bouteille qui était près de lui, et il espéra -qu'avec du vin, du pain et du fromage il dînerait; mais le vin -manquait, la bouteille était vide; M. et Mme Coquenard n'eurent -point l'air de s'en apercevoir. - -«C'est bien, se dit Porthos à lui-même, me voilà prévenu.» - -Il passa la langue sur une petite cuillerée de confitures, et -s'englua les dents dans la pâte collante de Mme Coquenard. - -«Maintenant, se dit-il, le sacrifice est consommé. Ah! si je -n'avais pas l'espoir de regarder avec Mme Coquenard dans l'armoire -de son mari!» - -Maître Coquenard, après les délices d'un pareil repas, qu'il -appelait un excès, éprouva le besoin de faire sa sieste. Porthos -espérait que la chose aurait lieu séance tenante et dans la -localité même; mais le procureur maudit ne voulut entendre à rien: -il fallut le conduire dans sa chambre et il cria tant qu'il ne fut -pas devant son armoire, sur le rebord de laquelle, pour plus de -précaution encore, il posa ses pieds. - -La procureuse emmena Porthos dans une chambre voisine et l'on -commença de poser les bases de la réconciliation. - -«Vous pourrez venir dîner trois fois la semaine, dit -Mme Coquenard. - --- Merci, dit Porthos, je n'aime pas à abuser; d'ailleurs, il faut -que je songe à mon équipement. - --- C'est vrai, dit la procureuse en gémissant... c'est ce -malheureux équipement. - --- Hélas! oui, dit Porthos, c'est lui. - --- Mais de quoi donc se compose l'équipement de votre corps, -monsieur Porthos? - --- Oh! de bien des choses, dit Porthos; les mousquetaires, comme -vous savez, sont soldats d'élite, et il leur faut beaucoup -d'objets inutiles aux gardes ou aux Suisses. - --- Mais encore, détaillez-le-moi. - --- Mais cela peut aller à...», dit Porthos, qui aimait mieux -discuter le total que le menu. - -La procureuse attendait frémissante. - -«À combien? dit-elle, j'espère bien que cela ne passe point...» - -Elle s'arrêta, la parole lui manquait. - -«Oh! non, dit Porthos, cela ne passe point deux mille cinq cents -livres; je crois même qu'en y mettant de l'économie, avec deux -mille livres je m'en tirerai. - --- Bon Dieu, deux mille livres! s'écria-t-elle, mais c'est une -fortune.» - -Porthos fit une grimace des plus significatives, Mme Coquenard la -comprit. - -«Je demandais le détail, dit-elle, parce qu'ayant beaucoup de -parents et de pratiques dans le commerce, j'étais presque sûre -d'obtenir les choses à cent pour cent au-dessous du prix où vous -les payeriez vous-même. - --- Ah! ah! fit Porthos, si c'est cela que vous avez voulu dire! - --- Oui, cher monsieur Porthos! ainsi ne vous faut-il pas d'abord -un cheval? - --- Oui, un cheval. - --- Eh bien, justement j'ai votre affaire. - --- Ah! dit Porthos rayonnant, voilà donc qui va bien quant à mon -cheval; ensuite il me faut le harnachement complet, qui se compose -d'objets qu'un mousquetaire seul peut acheter, et qui ne montera -pas, d'ailleurs, à plus de trois cents livres. - --- Trois cents livres: alors mettons trois cents livres» dit la -procureuse avec un soupir. - -Porthos sourit: on se souvient qu'il avait la selle qui lui venait -de Buckingham, c'était donc trois cents livres qu'il comptait -mettre sournoisement dans sa poche. - -«Puis, continua-t-il, il y a le cheval de mon laquais et ma -valise; quant aux armes, il est inutile que vous vous en -préoccupiez, je les ai. - --- Un cheval pour votre laquais? reprit en hésitant la procureuse; -mais c'est bien grand seigneur, mon ami. - --- Eh! madame! dit fièrement Porthos, est-ce que je suis un -croquant, par hasard? - --- Non; je vous disais seulement qu'un joli mulet avait -quelquefois aussi bon air qu'un cheval, et qu'il me semble qu'en -vous procurant un joli mulet pour Mousqueton... - --- Va pour un joli mulet, dit Porthos; vous avez raison, j'ai vu -de très grands seigneurs espagnols dont toute la suite était à -mulets. Mais alors, vous comprenez, madame Coquenard, un mulet -avec des panaches et des grelots? - --- Soyez tranquille, dit la procureuse. - --- Reste la valise, reprit Porthos. - --- Oh! que cela ne vous inquiète point, s'écria Mme Coquenard: mon -mari a cinq ou six valises, vous choisirez la meilleure; il y en a -une surtout qu'il affectionnait dans ses voyages, et qui est -grande à tenir un monde. - --- Elle est donc vide, votre valise? demanda naïvement Porthos. - --- Assurément qu'elle est vide, répondit naïvement de son côté la -procureuse. - --- Ah! mais la valise dont j'ai besoin est une valise bien garnie, -ma chère.» - -Mme Coquenard poussa de nouveaux soupirs. Molière n'avait pas -encore écrit sa scène de l'Avare. Mme Coquenard a donc le pas sur -Harpagon. - -Enfin le reste de l'équipement fut successivement débattu de la -même manière; et le résultat de la scène fut que la procureuse -demanderait à son mari un prêt de huit cents livres en argent, et -fournirait le cheval et le mulet qui auraient l'honneur de porter -à la gloire Porthos et Mousqueton. - -Ces conditions arrêtées, et les intérêts stipulés ainsi que -l'époque du remboursement, Porthos prit congé de Mme Coquenard. -Celle-ci voulait bien le retenir en lui faisant les yeux doux; -mais Porthos prétexta les exigences du service, et il fallut que -la procureuse cédât le pas au roi. - -Le mousquetaire rentra chez lui avec une faim de fort mauvaise -humeur. - - -CHAPITRE XXXIII -SOUBRETTE ET MAÎTRESSE - -Cependant, comme nous l'avons dit, malgré les cris de sa -conscience et les sages conseils d'Athos, d'Artagnan devenait -d'heure en heure plus amoureux de Milady; aussi ne manquait-il pas -tous les jours d'aller lui faire une cour à laquelle l'aventureux -Gascon était convaincu qu'elle ne pouvait, tôt ou tard, manquer de -répondre. - -Un soir qu'il arrivait le nez au vent, léger comme un homme qui -attend une pluie d'or, il rencontra la soubrette sous la porte -cochère; mais cette fois la jolie Ketty ne se contenta point de -lui sourire en passant, elle lui prit doucement la main. - -«Bon! fit d'Artagnan, elle est chargée de quelque message pour moi -de la part de sa maîtresse; elle va m'assigner quelque rendez-vous -qu'on n'aura pas osé me donner de vive voix.» - -Et il regarda la belle enfant de l'air le plus vainqueur qu'il put -prendre. - -«Je voudrais bien vous dire deux mots, monsieur le chevalier..., -balbutia la soubrette. - --- Parle, mon enfant, parle, dit d'Artagnan, j'écoute. - --- Ici, impossible: ce que j'ai à vous dire est trop long et -surtout trop secret. - --- Eh bien, mais comment faire alors? - --- Si monsieur le chevalier voulait me suivre, dit timidement -Ketty. - --- Où tu voudras, ma belle enfant. - --- Alors, venez.» - -Et Ketty, qui n'avait point lâché la main de d'Artagnan, -l'entraîna par un petit escalier sombre et tournant, et, après lui -avoir fait monter une quinzaine de marches, ouvrit une porte. - -«Entrez, monsieur le chevalier, dit-elle, ici nous serons seuls et -nous pourrons causer. - --- Et quelle est donc cette chambre, ma belle enfant? demanda -d'Artagnan. - --- C'est la mienne, monsieur le chevalier; elle communique avec -celle de ma maîtresse par cette porte. Mais soyez tranquille, elle -ne pourra entendre ce que nous dirons, jamais elle ne se couche -qu'à minuit.» - -D'Artagnan jeta un coup d'oeil autour de lui. La petite chambre -était charmante de goût et de propreté; mais, malgré lui, ses yeux -se fixèrent sur cette porte que Ketty lui avait dit conduire à la -chambre de Milady. - -Ketty devina ce qui se passait dans l'âme du jeune homme et poussa -un soupir. - -«Vous aimez donc bien ma maîtresse, monsieur le chevalier, dit- -elle. - --- Oh! plus que je ne puis dire! j'en suis fou!» - -Ketty poussa un second soupir. - -«Hélas! monsieur, dit-elle, c'est bien dommage! - --- Et que diable vois-tu donc là de si fâcheux? demanda -d'Artagnan. - --- C'est que, monsieur, reprit Ketty, ma maîtresse ne vous aime -pas du tout. - --- Hein! fit d'Artagnan, t'aurait-elle chargée de me le dire? - --- Oh! non pas, monsieur! mais c'est moi qui, par intérêt pour -vous, ai pris la résolution de vous en prévenir. - --- Merci, ma bonne Ketty, mais de l'intention seulement, car la -confidence, tu en conviendras, n'est point agréable. - --- C'est-à-dire que vous ne croyez point à ce que je vous ai dit, -n'est-ce pas? - --- On a toujours peine à croire de pareilles choses, ma belle -enfant, ne fût-ce que par amour-propre. - --- Donc vous ne me croyez pas? - --- J'avoue que jusqu'à ce que tu daignes me donner quelques -preuves de ce que tu avances... - --- Que dites-vous de celle-ci?» - -Et Ketty tira de sa poitrine un petit billet. - -«Pour moi? dit d'Artagnan en s'emparant vivement de la lettre. - --- Non, pour un autre. - --- Pour un autre? - --- Oui. - --- Son nom, son nom! s'écria d'Artagnan. - --- Voyez l'adresse. - --- M. le comte de Wardes.» - -Le souvenir de la scène de Saint-Germain se présenta aussitôt à -l'esprit du présomptueux Gascon; par un mouvement rapide comme la -pensée, il déchira l'enveloppe malgré le cri que poussa Ketty en -voyant ce qu'il allait faire, ou plutôt ce qu'il faisait. - -«Oh! mon Dieu! monsieur le chevalier, dit-elle, que faites-vous? - --- Moi, rien!» dit d'Artagnan, et il lut: - -«Vous n'avez pas répondu à mon premier billet; êtes-vous donc -souffrant, ou bien auriez-vous oublié quels yeux vous me fîtes au -bal de Mme de Guise? Voici l'occasion, comte! ne la laissez pas -échapper.» - -D'Artagnan pâlit; il était blessé dans son amour-propre, il se -crut blessé dans son amour. - -«Pauvre cher monsieur d'Artagnan! dit Ketty d'une voix pleine de -compassion et en serrant de nouveau la main du jeune homme. - --- Tu me plains, bonne petite! dit d'Artagnan. - --- Oh! oui, de tout mon coeur! car je sais ce que c'est que -l'amour, moi! - --- Tu sais ce que c'est que l'amour? dit d'Artagnan la regardant -pour la première fois avec une certaine attention. - --- Hélas! oui. - --- Eh bien, au lieu de me plaindre, alors, tu ferais bien mieux de -m'aider à me venger de ta maîtresse. - --- Et quelle sorte de vengeance voudriez-vous en tirer? - --- Je voudrais triompher d'elle, supplanter mon rival. - --- Je ne vous aiderai jamais à cela, monsieur le chevalier! dit -vivement Ketty. - --- Et pourquoi cela? demanda d'Artagnan. - --- Pour deux raisons. - --- Lesquelles? - --- La première, c'est que jamais ma maîtresse ne vous a aimé. - --- Qu'en sais-tu? - --- Vous l'avez blessée au coeur. - --- Moi! en quoi puis-je l'avoir blessée, moi qui, depuis que je la -connais, vis à ses pieds comme un esclave! parle, je t'en prie. - --- Je n'avouerais jamais cela qu'à l'homme... qui lirait jusqu'au -fond de mon âme!» - -D'Artagnan regarda Ketty pour la seconde fois. La jeune fille -était d'une fraîcheur et d'une beauté que bien des duchesses -eussent achetées de leur couronne. - -«Ketty, dit-il, je lirai jusqu'au fond de ton âme quand tu -voudras; qu'à cela ne tienne, ma chère enfant.» - -Et il lui donna un baiser sous lequel la pauvre enfant devint -rouge comme une cerise. - -«Oh! non, s'écria Ketty, vous ne m'aimez pas! C'est ma maîtresse -que vous aimez, vous me l'avez dit tout à l'heure. - --- Et cela t'empêche-t-il de me faire connaître la seconde raison? - --- La seconde raison, monsieur le chevalier, reprit Ketty enhardie -par le baiser d'abord et ensuite par l'expression des yeux du -jeune homme, c'est qu'en amour chacun pour soi.» - -Alors seulement d'Artagnan se rappela les coups d'oeil -languissants de Ketty, ses rencontres dans l'antichambre, sur -l'escalier, dans le corridor, ses frôlements de main chaque fois -qu'elle le rencontrait, et ses soupirs étouffés; mais, absorbé par -le désir de plaire à la grande dame, il avait dédaigné la -soubrette: qui chasse l'aigle ne s'inquiète pas du passereau. - -Mais cette fois notre Gascon vit d'un seul coup d'oeil tout le -parti qu'on pouvait tirer de cet amour que Ketty venait d'avouer -d'une façon si naïve ou si effrontée: interception des lettres -adressées au comte de Wardes, intelligences dans la place, entrée -à toute heure dans la chambre de Ketty, contiguë à celle de sa -maîtresse. Le perfide, comme on le voit, sacrifiait déjà en idée -la pauvre fille pour obtenir Milady de gré ou de force. - -«Eh bien, dit-il à la jeune fille, veux-tu, ma chère Ketty, que je -te donne une preuve de cet amour dont tu doutes? - --- De quel amour? demanda la jeune fille. - --- De celui que je suis tout prêt à ressentir pour toi. - --- Et quelle est cette preuve? - --- Veux-tu que ce soir je passe avec toi le temps que je passe -ordinairement avec ta maîtresse? - --- Oh! oui, dit Ketty en battant des mains, bien volontiers. - --- Eh bien, ma chère enfant, dit d'Artagnan en s'établissant dans -un fauteuil, viens çà que je te dise que tu es la plus jolie -soubrette que j'aie jamais vue!» - -Et il le lui dit tant et si bien, que la pauvre enfant, qui ne -demandait pas mieux que de le croire, le crut... Cependant, au -grand étonnement de d'Artagnan, la jolie Ketty se défendait avec -une certaine résolution. - -Le temps passe vite, lorsqu'il se passe en attaques et en -défenses. - -Minuit sonna, et l'on entendit presque en même temps retentir la -sonnette dans la chambre de Milady. - -«Grand Dieu! s'écria Ketty, voici ma maîtresse qui m'appelle! -Partez, partez vite!» - -D'Artagnan se leva, prit son chapeau comme s'il avait l'intention -d'obéir; puis, ouvrant vivement la porte d'une grande armoire au -lieu d'ouvrir celle de l'escalier, il se blottit dedans au milieu -des robes et des peignoirs de Milady. - -«Que faites-vous donc?» s'écria Ketty. - -D'Artagnan, qui d'avance avait pris la clef, s'enferma dans son -armoire sans répondre. - -«Eh bien, cria Milady d'une voix aigre, dormez-vous donc que vous -ne venez pas quand je sonne?» - -Et d'Artagnan entendit qu'on ouvrit violemment la porte de -communication. - -«Me voici, Milady, me voici», s'écria Ketty en s'élançant à la -rencontre de sa maîtresse. - -Toutes deux rentrèrent dans la chambre à coucher et comme la porte -de communication resta ouverte, d'Artagnan put entendre quelque -temps encore Milady gronder sa suivante, puis enfin elle s'apaisa, -et la conversation tomba sur lui tandis que Ketty accommodait sa -maîtresse. - -«Eh bien, dit Milady, je n'ai pas vu notre Gascon ce soir? - --- Comment, madame, dit Ketty, il n'est pas venu! Serait-il volage -avant d'être heureux? - --- Oh non! il faut qu'il ait été empêché par M. de Tréville ou par -M. des Essarts. Je m'y connais, Ketty, et je le tiens, celui-là. - --- Qu'en fera madame? - --- Ce que j'en ferai!... Sois tranquille, Ketty, il y a entre cet -homme et moi une chose qu'il ignore... il a manqué me faire perdre -mon crédit près de Son Éminence... Oh! je me vengerai! - --- Je croyais que madame l'aimait? - --- Moi, l'aimer! je le déteste! Un niais, qui tient la vie de Lord -de Winter entre ses mains et qui ne le tue pas, et qui me fait -perdre trois cent mille livres de rente! - --- C'est vrai, dit Ketty, votre fils était le seul héritier de son -oncle, et jusqu'à sa majorité vous auriez eu la jouissance de sa -fortune.» - -D'Artagnan frissonna jusqu'à la moelle des os en entendant cette -suave créature lui reprocher, avec cette voix stridente qu'elle -avait tant de peine à cacher dans la conversation, de n'avoir pas -tué un homme qu'il l'avait vue combler d'amitié. - -«Aussi, continua Milady, je me serais déjà vengée sur lui-même, -si, je ne sais pourquoi, le cardinal ne m'avait recommandé de le -ménager. - --- Oh! oui, mais madame n'a point ménagé cette petite femme qu'il -aimait. - --- Oh! la mercière de la rue des Fossoyeurs: est-ce qu'il n'a pas -déjà oublié qu'elle existait? La belle vengeance, ma foi!» - -Une sueur froide coulait sur le front de d'Artagnan: c'était donc -un monstre que cette femme. - -Il se remit à écouter, mais malheureusement la toilette était -finie. - -«C'est bien, dit Milady, rentrez chez vous et demain tâchez enfin -d'avoir une réponse à cette lettre que je vous ai donnée. - --- Pour M. de Wardes? dit Ketty. - --- Sans doute, pour M. de Wardes. - --- En voilà un, dit Ketty, qui m'a bien l'air d'être tout le -contraire de ce pauvre M. d'Artagnan. - --- Sortez, mademoiselle, dit Milady, je n'aime pas les -commentaires.» - -D'Artagnan entendit la porte qui se refermait, puis le bruit de -deux verrous que mettait Milady afin de s'enfermer chez elle; de -son côté, mais le plus doucement qu'elle put, Ketty donna à la -serrure un tour de clef; d'Artagnan alors poussa la porte de -l'armoire. - -«O mon Dieu! dit tout bas Ketty, qu'avez-vous? et comme vous êtes -pâle! - --- L'abominable créature! murmura d'Artagnan. - --- Silence! silence! sortez, dit Ketty; il n'y a qu'une cloison -entre ma chambre et celle de Milady, on entend de l'une tout ce -qui se dit dans l'autre! - --- C'est justement pour cela que je ne sortirai pas, dit -d'Artagnan. - --- Comment? fit Ketty en rougissant. - --- Ou du moins que je sortirai... plus tard.» - -Et il attira Ketty à lui; il n'y avait plus moyen de résister, la -résistance fait tant de bruit! aussi Ketty céda. - -C'était un mouvement de vengeance contre Milady. D'Artagnan trouva -qu'on avait raison de dire que la vengeance est le plaisir des -dieux. Aussi, avec un peu de coeur, se serait-il contenté de cette -nouvelle conquête; mais d'Artagnan n'avait que de l'ambition et de -l'orgueil. - -Cependant, il faut le dire à sa louange, le premier emploi qu'il -avait fait de son influence sur Ketty avait été d'essayer de -savoir d'elle ce qu'était devenue Mme Bonacieux, mais la pauvre -fille jura sur le crucifix à d'Artagnan qu'elle l'ignorait -complètement, sa maîtresse ne laissant jamais pénétrer que la -moitié de ses secrets; seulement, elle croyait pouvoir répondre -qu'elle n'était pas morte. - -Quant à la cause qui avait manqué faire perdre à Milady son crédit -près du cardinal, Ketty n'en savait pas davantage; mais cette -fois, d'Artagnan était plus avancé qu'elle: comme il avait aperçu -Milady sur un bâtiment consigné au moment où lui-même quittait -l'Angleterre, il se douta qu'il était question cette fois des -ferrets de diamants. - -Mais ce qu'il y avait de plus clair dans tout cela, c'est que la -haine véritable, la haine profonde, la haine invétérée de Milady -lui venait de ce qu'il n'avait pas tué son beau-frère. - -D'Artagnan retourna le lendemain chez Milady. Elle était de fort -méchante humeur, d'Artagnan se douta que c'était le défaut de -réponse de M. de Wardes qui l'agaçait ainsi. Ketty entra; mais -Milady la reçut fort durement. Un coup d'oeil qu'elle lança à -d'Artagnan voulait dire: Vous voyez ce que je souffre pour vous. - -Cependant vers la fin de la soirée, la belle lionne s'adoucit, -elle écouta en souriant les doux propos de d'Artagnan, elle lui -donna même sa main à baiser. - -D'Artagnan sortit ne sachant plus que penser: mais comme c'était -un garçon à qui on ne faisait pas facilement perdre la tête, tout -en faisant sa cour à Milady il avait bâti dans son esprit un petit -plan. - -Il trouva Ketty à la porte, et comme la veille il monta chez elle -pour avoir des nouvelles. Ketty avait été fort grondée, on l'avait -accusée de négligence. Milady ne comprenait rien au silence du -comte de Wardes, et elle lui avait ordonné d'entrer chez elle à -neuf heures du matin pour y prendre une troisième lettre. - -D'Artagnan fit promettre à Ketty de lui apporter chez lui cette -lettre le lendemain matin; la pauvre fille promit tout ce que -voulut son amant: elle était folle. - -Les choses se passèrent comme la veille: d'Artagnan s'enferma dans -son armoire, Milady appela, fit sa toilette, renvoya Ketty et -referma sa porte. Comme la veille d'Artagnan ne rentra chez lui -qu'à cinq heures du matin. - -À onze heures, il vit arriver Ketty; elle tenait à la main un -nouveau billet de Milady. Cette fois, la pauvre enfant n'essaya -pas même de le disputer à d'Artagnan; elle le laissa faire; elle -appartenait corps et âme à son beau soldat. - -D'Artagnan ouvrit le billet et lut ce qui suit: - -«Voilà la troisième fois que je vous écris pour vous dire que je -vous aime. Prenez garde que je ne vous écrive une quatrième pour -vous dire que je vous déteste. - -«Si vous vous repentez de la façon dont vous avez agi avec moi, la -jeune fille qui vous remettra ce billet vous dira de quelle -manière un galant homme peut obtenir son pardon.» - -D'Artagnan rougit et pâlit plusieurs fois en lisant ce billet. - -«Oh! vous l'aimez toujours! dit Ketty, qui n'avait pas détourné un -instant les yeux du visage du jeune homme. - --- Non, Ketty, tu te trompes, je ne l'aime plus; mais je veux me -venger de ses mépris. - --- Oui, je connais votre vengeance; vous me l'avez dite. - --- Que t'importe, Ketty! tu sais bien que c'est toi seule que -j'aime. - --- Comment peut-on savoir cela? - --- Par le mépris que je ferai d'elle.» - -Ketty soupira. - -D'Artagnan prit une plume et écrivit: - -«Madame, jusqu'ici j'avais douté que ce fût bien à moi que vos -deux premiers billets eussent été adressés, tant je me croyais -indigne d'un pareil honneur; d'ailleurs j'étais si souffrant, que -j'eusse en tout cas hésité à y répondre. - -«Mais aujourd'hui il faut bien que je croie à l'excès de vos -bontés, puisque non seulement votre lettre, mais encore votre -suivante, m'affirme que j'ai le bonheur d'être aimé de vous. - -«Elle n'a pas besoin de me dire de quelle manière un galant homme -peut obtenir son pardon. J'irai donc vous demander le mien ce soir -à onze heures. Tarder d'un jour serait à mes yeux, maintenant, -vous faire une nouvelle offense. - -«Celui que vous avez rendu le plus heureux des hommes. - -«Comte DE WARDES.» - -Ce billet était d'abord un faux, c'était ensuite une -indélicatesse; c'était même, au point de vue de nos moeurs -actuelles, quelque chose comme une infamie; mais on se ménageait -moins à cette époque qu'on ne le fait aujourd'hui. D'ailleurs -d'Artagnan, par ses propres aveux, savait Milady coupable de -trahison à des chefs plus importants, et il n'avait pour elle -qu'une estime fort mince. Et cependant malgré ce peu d'estime, il -sentait qu'une passion insensée le brûlait pour cette femme. -Passion ivre de mépris, mais passion ou soif, comme on voudra. - -L'intention de d'Artagnan était bien simple: par la chambre de -Ketty il arrivait à celle de sa maîtresse; il profitait du premier -moment de surprise, de honte, de terreur pour triompher d'elle; -peut-être aussi échouerait-il, mais il fallait bien donner quelque -chose au hasard. Dans huit jours la campagne s'ouvrait, et il -fallait partir; d'Artagnan n'avait pas le temps de filer le -parfait amour. - -«Tiens, dit le jeune homme en remettant à Ketty le billet tout -cacheté, donne cette lettre à Milady; c'est la réponse de -M. de Wardes.» - -La pauvre Ketty devint pâle comme la mort, elle se doutait de ce -que contenait le billet. - -«Écoute, ma chère enfant, lui dit d'Artagnan, tu comprends qu'il -faut que tout cela finisse d'une façon ou de l'autre; Milady peut -découvrir que tu as remis le premier billet à mon valet, au lieu -de le remettre au valet du comte; que c'est moi qui ai décacheté -les autres qui devaient être décachetés par M. de Wardes; alors -Milady te chasse, et, tu la connais, ce n'est pas une femme à -borner là sa vengeance. - --- Hélas! dit Ketty, pour qui me suis-je exposée à tout cela? - --- Pour moi, je le sais bien, ma toute belle, dit le jeune homme, -aussi je t'en suis bien reconnaissant, je te le jure. - --- Mais enfin, que contient votre billet? - --- Milady te le dira. - --- Ah! vous ne m'aimez pas! s'écria Ketty, et je suis bien -malheureuse!» - -À ce reproche il y a une réponse à laquelle les femmes se trompent -toujours; d'Artagnan répondit de manière que Ketty demeurât dans -la plus grande erreur. - -Cependant elle pleura beaucoup avant de se décider à remettre -cette lettre à Milady, mais enfin elle se décida, c'est tout ce -que voulait d'Artagnan. - -D'ailleurs il lui promit que le soir il sortirait de bonne heure -de chez sa maîtresse, et qu'en sortant de chez sa maîtresse il -monterait chez elle. - -Cette promesse acheva de consoler la pauvre Ketty. - - -CHAPITRE XXXIV -OÙ IL EST TRAITÉ DE L'ÉQUIPEMENT D'ARAMIS ET DE PORTHOS - -Depuis que les quatre amis étaient chacun à la chasse de son -équipement, il n'y avait plus entre eux de réunion arrêtée. On -dînait les uns sans les autres, où l'on se trouvait, ou plutôt où -l'on pouvait. Le service, de son côté, prenait aussi sa part de ce -temps précieux, qui s'écoulait si vite. Seulement on était convenu -de se trouver une fois la semaine, vers une heure, au logis -d'Athos, attendu que ce dernier, selon le serment qu'il avait -fait, ne passait plus le seuil de sa porte. - -C'était le jour même où Ketty était venue trouver d'Artagnan chez -lui, jour de réunion. - -À peine Ketty fut-elle sortie, que d'Artagnan se dirigea vers la -rue Férou. - -Il trouva Athos et Aramis qui philosophaient. Aramis avait -quelques velléités de revenir à la soutane. Athos, selon ses -habitudes, ne le dissuadait ni ne l'encourageait. Athos était pour -qu'on laissât à chacun son libre arbitre. Il ne donnait jamais de -conseils qu'on ne les lui demandât. Encore fallait-il les lui -demander deux fois. - -«En général, on ne demande de conseils, disait-il, que pour ne les -pas suivre; ou, si on les a suivis, que pour avoir quelqu'un à qui -l'on puisse faire le reproche de les avoir donnés.» - -Porthos arriva un instant après d'Artagnan. Les quatre amis se -trouvaient donc réunis. - -Les quatre visages exprimaient quatre sentiments différents: celui -de Porthos la tranquillité, celui de d'Artagnan l'espoir, celui -d'Aramis l'inquiétude, celui d'Athos l'insouciance. - -Au bout d'un instant de conversation dans laquelle Porthos laissa -entrevoir qu'une personne haut placée avait bien voulu se charger -de le tirer d'embarras, Mousqueton entra. - -Il venait prier Porthos de passer à son logis, où, disait-il d'un -air fort piteux, sa présence était urgente. - -«Sont-ce mes équipages? demanda Porthos. - --- Oui et non, répondit Mousqueton. - --- Mais enfin que veux-tu dire?... - --- Venez, monsieur.» - -Porthos se leva, salua ses amis et suivit Mousqueton. - -Un instant après, Bazin apparut au seuil de la porte. - -«Que me voulez-vous, mon ami? dit Aramis avec cette douceur de -langage que l'on remarquait en lui chaque fois que ses idées le -ramenaient vers l'église... - --- Un homme attend monsieur à la maison, répondit Bazin. - --- Un homme! quel homme? - --- Un mendiant. - --- Faites-lui l'aumône, Bazin, et dites-lui de prier pour un -pauvre pécheur. - --- Ce mendiant veut à toute force vous parler, et prétend que vous -serez bien aise de le voir. - --- N'a-t-il rien dit de particulier pour moi? - --- Si fait. "Si M. Aramis, a-t-il dit, hésite à me venir trouver, -vous lui annoncerez que j'arrive de Tours." - --- De Tours? s'écria Aramis; messieurs, mille pardons, mais sans -doute cet homme m'apporte des nouvelles que j'attendais.» - -Et, se levant aussitôt, il s'éloigna rapidement. - -Restèrent Athos et d'Artagnan. - -«Je crois que ces gaillards-là ont trouvé leur affaire. Qu'en -pensez-vous, d'Artagnan? dit Athos. - --- Je sais que Porthos était en bon train, dit d'Artagnan; et -quant à Aramis, à vrai dire, je n'en ai jamais été sérieusement -inquiet: mais vous, mon cher Athos, vous qui avez si généreusement -distribué les pistoles de l'Anglais qui étaient votre bien -légitime, qu'allez-vous faire? - --- Je suis fort content d'avoir tué ce drôle, mon enfant, vu que -c'est pain bénit que de tuer un Anglais: mais si j'avais empoché -ses pistoles, elles me pèseraient comme un remords. - --- Allons donc, mon cher Athos! vous avez vraiment des idées -inconcevables. - --- Passons, passons! Que me disait donc M. de Tréville, qui me fit -l'honneur de me venir voir hier, que vous hantez ces Anglais -suspects que protège le cardinal? - --- C'est-à-dire que je rends visite à une Anglaise, celle dont je -vous ai parlé. - --- Ah! oui, la femme blonde au sujet de laquelle je vous ai donné -des conseils que naturellement vous vous êtes bien gardé de -suivre. - --- Je vous ai donné mes raisons. - --- Oui; vous voyez là votre équipement, je crois, à ce que vous -m'avez dit. - --- Point du tout! j'ai acquis la certitude que cette femme était -pour quelque chose dans l'enlèvement de Mme Bonacieux. - --- Oui, et je comprends; pour retrouver une femme, vous faites la -cour à une autre: c'est le chemin le plus long, mais le plus -amusant. - -D'Artagnan fut sur le point de tout raconter à Athos; mais un -point l'arrêta: Athos était un gentilhomme sévère sur le point -d'honneur, et il y avait, dans tout ce petit plan que notre -amoureux avait arrêté à l'endroit de Milady, certaines choses qui, -d'avance, il en était sûr, n'obtiendraient pas l'assentiment du -puritain; il préféra donc garder le silence, et comme Athos était -l'homme le moins curieux de la terre, les confidences de -d'Artagnan en étaient restées là. - -Nous quitterons donc les deux amis, qui n'avaient rien de bien -important à se dire, pour suivre Aramis. - -À cette nouvelle, que l'homme qui voulait lui parler arrivait de -Tours, nous avons vu avec quelle rapidité le jeune homme avait -suivi ou plutôt devancé Bazin; il ne fit donc qu'un saut de la rue -Férou à la rue de Vaugirard. - -En entrant chez lui, il trouva effectivement un homme de petite -taille, aux yeux intelligents, mais couvert de haillons. - -«C'est vous qui me demandez? dit le mousquetaire. - --- C'est-à-dire que je demande M. Aramis: est-ce vous qui vous -appelez ainsi? - --- Moi-même: vous avez quelque chose à me remettre? - --- Oui, si vous me montrez certain mouchoir brodé. - --- Le voici, dit Aramis en tirant une clef de sa poitrine, et en -ouvrant un petit coffret de bois d'ébène incrusté de nacre, le -voici, tenez. - --- C'est bien, dit le mendiant, renvoyez votre laquais.» - -En effet, Bazin, curieux de savoir ce que le mendiant voulait à -son maître, avait réglé son pas sur le sien, et était arrivé -presque en même temps que lui; mais cette célérité ne lui servit -pas à grand-chose; sur l'invitation du mendiant, son maître lui -fit signe de se retirer, et force lui fut d'obéir. - -Bazin parti, le mendiant jeta un regard rapide autour de lui, afin -d'être sûr que personne ne pouvait ni le voir ni l'entendre, et -ouvrant sa veste en haillons mal serrée par une ceinture de cuir, -il se mit à découdre le haut de son pourpoint, d'où il tira une -lettre. - -Aramis jeta un cri de joie à la vue du cachet, baisa l'écriture, -et avec un respect presque religieux, il ouvrit l'épître qui -contenait ce qui suit: - -«Ami, le sort veut que nous soyons séparés quelque temps encore; -mais les beaux jours de la jeunesse ne sont pas perdus sans -retour. Faites votre devoir au camp; je fais le mien autre part. -Prenez ce que le porteur vous remettra; faites la campagne en beau -et bon gentilhomme, et pensez à moi, qui baise tendrement vos yeux -noirs. - -«Adieu, ou plutôt au revoir!» - -Le mendiant décousait toujours; il tira une à une de ses sales -habits cent cinquante doubles pistoles d'Espagne, qu'il aligna sur -la table; puis, il ouvrit la porte, salua et partit avant que le -jeune homme, stupéfait, eût osé lui adresser une parole. - -Aramis alors relut la lettre, et s'aperçut que cette lettre avait -un post-scriptum. - -«P.-S. -- Vous pouvez faire accueil au porteur, qui est comte et -grand d'Espagne.» - -«Rêves dorés! s'écria Aramis. Oh! la belle vie! oui, nous sommes -jeunes! oui, nous aurons encore des jours heureux! Oh! à toi, mon -amour, mon sang, ma vie! tout, tout, tout, ma belle maîtresse!» - -Et il baisait la lettre avec passion, sans même regarder l'or qui -étincelait sur la table. - -Bazin gratta à la porte; Aramis n'avait plus de raison pour le -tenir à distance; il lui permit d'entrer. - -Bazin resta stupéfait à la vue de cet or, et oublia qu'il venait -annoncer d'Artagnan, qui, curieux de savoir ce que c'était que le -mendiant, venait chez Aramis en sortant de chez Athos. - -Or, comme d'Artagnan ne se gênait pas avec Aramis, voyant que -Bazin oubliait de l'annoncer, il s'annonça lui-même. - -«Ah! diable, mon cher Aramis, dit d'Artagnan, si ce sont là les -pruneaux qu'on nous envoie de Tours, vous en ferez mon compliment -au jardinier qui les récolte. - --- Vous vous trompez, mon cher, dit Aramis toujours discret: c'est -mon libraire qui vient de m'envoyer le prix de ce poème en vers -d'une syllabe que j'avais commencé là-bas. - --- Ah! vraiment! dit d'Artagnan; eh bien, votre libraire est -généreux, mon cher Aramis, voilà tout ce que je puis vous dire. - --- Comment, monsieur! s'écria Bazin, un poème se vend si cher! -c'est incroyable! Oh! monsieur! vous faites tout ce que vous -voulez, vous pouvez devenir l'égal de M. de Voiture et de -M. de Benserade. J'aime encore cela, moi. Un poète, c'est presque -un abbé. Ah! monsieur Aramis, mettez-vous donc poète, je vous en -prie. - --- Bazin, mon ami, dit Aramis, je crois que vous vous mêlez à la -conversation.» - -Bazin comprit qu'il était dans son tort; il baissa la tête, et -sortit. - -«Ah! dit d'Artagnan avec un sourire, vous vendez vos productions -au poids de l'or: vous êtes bien heureux, mon ami; mais prenez -garde, vous allez perdre cette lettre qui sort de votre casaque, -et qui est sans doute aussi de votre libraire.» - -Aramis rougit jusqu'au blanc des yeux, renfonça sa lettre, et -reboutonna son pourpoint. - -«Mon cher d'Artagnan, dit-il, nous allons, si vous le voulez bien, -aller trouver nos amis; et puisque je suis riche, nous -recommencerons aujourd'hui à dîner ensemble en attendant que vous -soyez riches à votre tour. - --- Ma foi! dit d'Artagnan, avec grand plaisir. Il y a longtemps -que nous n'avons fait un dîner convenable; et comme j'ai pour mon -compte une expédition quelque peu hasardeuse à faire ce soir, je -ne serais pas fâché, je l'avoue, de me monter un peu la tête avec -quelques bouteilles de vieux bourgogne. - --- Va pour le vieux bourgogne; je ne le déteste pas non plus», dit -Aramis, auquel la vue de l'or avait enlevé comme avec la main ses -idées de retraite. - -Et ayant mis trois ou quatre doubles pistoles dans sa poche pour -répondre aux besoins du moment, il enferma les autres dans le -coffre d'ébène incrusté de nacre, où était déjà le fameux mouchoir -qui lui avait servi de talisman. - -Les deux amis se rendirent d'abord chez Athos, qui, fidèle au -serment qu'il avait fait de ne pas sortir, se chargea de faire -apporter à dîner chez lui: comme il entendait à merveille les -détails gastronomiques, d'Artagnan et Aramis ne firent aucune -difficulté de lui abandonner ce soin important. - -Ils se rendaient chez Porthos, lorsque, au coin de la rue du Bac, -ils rencontrèrent Mousqueton, qui, d'un air piteux, chassait -devant lui un mulet et un cheval. - -D'Artagnan poussa un cri de surprise, qui n'était pas exempt d'un -mélange de joie. - -«Ah! mon cheval jaune! s'écria-t-il. Aramis, regardez ce cheval! - --- Oh! l'affreux roussin! dit Aramis. - --- Eh bien, mon cher, reprit d'Artagnan, c'est le cheval sur -lequel je suis venu à Paris. - --- Comment, monsieur connaît ce cheval? dit Mousqueton. - --- Il est d'une couleur originale, fit Aramis; c'est le seul que -j'aie jamais vu de ce poil-là. - --- Je le crois bien, reprit d'Artagnan, aussi je l'ai vendu trois -écus, et il faut bien que ce soit pour le poil, car la carcasse ne -vaut certes pas dix-huit livres. Mais comment ce cheval se trouve- -t-il entre tes mains, Mousqueton? - --- Ah! dit le valet, ne m'en parlez pas, monsieur, c'est un -affreux tour du mari de notre duchesse! - --- Comment cela, Mousqueton? - --- Oui nous sommes vus d'un très bon oeil par une femme de -qualité, la duchesse de...; mais pardon! mon maître m'a recommandé -d'être discret: elle nous avait forcés d'accepter un petit -souvenir, un magnifique genet d'Espagne et un mulet andalou, que -c'était merveilleux à voir; le mari a appris la chose, il a -confisqué au passage les deux magnifiques bêtes qu'on nous -envoyait, et il leur a substitué ces horribles animaux! - --- Que tu lui ramènes? dit d'Artagnan. - --- Justement! reprit Mousqueton; vous comprenez que nous ne -pouvons point accepter de pareilles montures en échange de celles -que l'on nous avait promises. - --- Non, pardieu, quoique j'eusse voulu voir Porthos sur mon -Bouton-d'Or; cela m'aurait donné une idée de ce que j'étais moi- -même, quand je suis arrivé à Paris. Mais que nous ne t'arrêtions -pas, Mousqueton; va faire la commission de ton maître, va. Est-il -chez lui? - --- Oui, monsieur, dit Mousqueton, mais bien maussade, allez!» - -Et il continua son chemin vers le quai des Grands-Augustins, -tandis que les deux amis allaient sonner à la porte de l'infortuné -Porthos. Celui-ci les avait vus traversant la cour, et il n'avait -garde d'ouvrir. Ils sonnèrent donc inutilement. - -Cependant, Mousqueton continuait sa route, et, traversant le Pont- -Neuf, toujours chassant devant lui ses deux haridelles, il -atteignit la rue aux Ours. Arrivé là, il attacha, selon les ordres -de son maître, cheval et mulet au marteau de la porte du -procureur; puis, sans s'inquiéter de leur sort futur, il s'en -revint trouver Porthos et lui annonça que sa commission était -faite. - -Au bout d'un certain temps, les deux malheureuses bêtes, qui -n'avaient pas mangé depuis le matin, firent un tel bruit en -soulevant et en laissant retomber le marteau de la porte, que le -procureur ordonna à son saute-ruisseau d'aller s'informer dans le -voisinage à qui appartenaient ce cheval et ce mulet. - -Mme Coquenard reconnut son présent, et ne comprit rien d'abord à -cette restitution; mais bientôt la visite de Porthos l'éclaira. Le -courroux qui brillait dans les yeux du mousquetaire, malgré la -contrainte qu'il s'imposait, épouvanta la sensible amante. En -effet, Mousqueton n'avait point caché à son maître qu'il avait -rencontré d'Artagnan et Aramis, et que d'Artagnan, dans le cheval -jaune, avait reconnu le bidet béarnais sur lequel il était venu à -Paris, et qu'il avait vendu trois écus. - -Porthos sortit après avoir donné rendez-vous à la procureuse dans -le cloître Saint-Magloire. Le procureur, voyant que Porthos -partait, l'invita à dîner, invitation que le mousquetaire refusa -avec un air plein de majesté. - -Mme Coquenard se rendit toute tremblante au cloître Saint- -Magloire, car elle devinait les reproches qui l'y attendaient; -mais elle était fascinée par les grandes façons de Porthos. - -Tout ce qu'un homme blessé dans son amour-propre peut laisser -tomber d'imprécations et de reproches sur la tête d'une femme, -Porthos le laissa tomber sur la tête courbée de la procureuse. - -«Hélas! dit-elle, j'ai fait pour le mieux. Un de nos clients est -marchand de chevaux, il devait de l'argent à l'étude, et s'est -montré récalcitrant. J'ai pris ce mulet et ce cheval pour ce qu'il -nous devait; il m'avait promis deux montures royales. - --- Eh bien, madame, dit Porthos, s'il vous devait plus de cinq -écus, votre maquignon est un voleur. - --- Il n'est pas défendu de chercher le bon marché, monsieur -Porthos, dit la procureuse cherchant à s'exprimer. - --- Non, madame, mais ceux qui cherchent le bon marché doivent -permettre aux autres de chercher des amis plus généreux.» - -Et Porthos, tournant sur ses talons, fit un pas pour se retirer. - -«Monsieur Porthos! monsieur Porthos! s'écria la procureuse, j'ai -tort, je le reconnais, je n'aurais pas dû marchander quand il -s'agissait d'équiper un cavalier comme vous!» - -Porthos, sans répondre, fit un second pas de retraite. - -La procureuse crut le voir dans un nuage étincelant tout entouré -de duchesses et de marquises qui lui jetaient des sacs d'or sous -les pieds. - -«Arrêtez, au nom du Ciel! monsieur Porthos, s'écria-t-elle, -arrêtez et causons. - --- Causer avec vous me porte malheur, dit Porthos. - --- Mais, dites-moi, que demandez-vous? - --- Rien, car cela revient au même que si je vous demandais quelque -chose.» - -La procureuse se pendit au bras de Porthos, et, dans l'élan de sa -douleur, elle s'écria: - -«Monsieur Porthos, je suis ignorante de tout cela, moi; sais-je ce -que c'est qu'un cheval? sais-je ce que c'est que des harnais? - --- Il fallait vous en rapporter à moi, qui m'y connais, madame; -mais vous avez voulu ménager, et, par conséquent, prêter à usure. - --- C'est un tort, monsieur Porthos, et je le réparerai sur ma -parole d'honneur. - --- Et comment cela? demanda le mousquetaire. - --- Écoutez. Ce soir M. Coquenard va chez M. le duc de Chaulnes, -qui l'a mandé. C'est pour une consultation qui durera deux heures -au moins, venez, nous serons seuls, et nous ferons nos comptes. - --- À la bonne heure! voilà qui est parler, ma chère! - --- Vous me pardonnez? - --- Nous verrons», dit majestueusement Porthos. - -Et tous deux se séparèrent en se disant: «À ce soir.» - -«Diable! pensa Porthos en s'éloignant, il me semble que je me -rapproche enfin du bahut de maître Coquenard.» - - -CHAPITRE XXXV -LA NUIT TOUS LES CHATS SONT GRIS - -Ce soir, attendu si impatiemment par Porthos et par d'Artagnan, -arriva enfin. - -D'Artagnan, comme d'habitude, se présenta vers les neuf heures -chez Milady. Il la trouva d'une humeur charmante; jamais elle ne -l'avait si bien reçu. Notre Gascon vit du premier coup d'oeil que -son billet avait été remis, et ce billet faisait son effet. - -Ketty entra pour apporter des sorbets. Sa maîtresse lui fit une -mine charmante, lui sourit de son plus gracieux sourire; mais, -hélas! la pauvre fille était si triste, qu'elle ne s'aperçut même -pas de la bienveillance de Milady. - -D'Artagnan regardait l'une après l'autre ces deux femmes, et il -était forcé de s'avouer que la nature s'était trompée en les -formant; à la grande dame elle avait donné une âme vénale et vile, -à la soubrette elle avait donné le coeur d'une duchesse. - -À dix heures Milady commença à paraître inquiète, d'Artagnan -comprit ce que cela voulait dire; elle regardait la pendule, se -levait, se rasseyait, souriait à d'Artagnan d'un air qui voulait -dire: Vous êtes fort aimable sans doute, mais vous seriez charmant -si vous partiez! - -D'Artagnan se leva et prit son chapeau; Milady lui donna sa main à -baiser; le jeune homme sentit qu'elle la lui serrait et comprit -que c'était par un sentiment non pas de coquetterie, mais de -reconnaissance à cause de son départ. - -«Elle l'aime diablement», murmura-t-il. Puis il sortit. - -Cette fois Ketty ne l'attendait aucunement, ni dans l'antichambre, -ni dans le corridor, ni sous la grande porte. Il fallut que -d'Artagnan trouvât tout seul l'escalier et la petite chambre. - -Ketty était assise la tête cachée dans ses mains, et pleurait. - -Elle entendit entrer d'Artagnan, mais elle ne releva point la -tête; le jeune homme alla à elle et lui prit les mains, alors elle -éclata en sanglots. - -Comme l'avait présumé d'Artagnan, Milady, en recevant la lettre, -avait, dans le délire de sa joie, tout dit à sa suivante; puis, en -récompense de la manière dont cette fois elle avait fait la -commission, elle lui avait donné une bourse. Ketty, en rentrant -chez elle, avait jeté la bourse dans un coin, où elle était restée -tout ouverte, dégorgeant trois ou quatre pièces d'or sur le tapis. - -La pauvre fille, à la voix de d'Artagnan, releva la tête. -D'Artagnan lui-même fut effrayé du bouleversement de son visage; -elle joignit les mains d'un air suppliant, mais sans oser dire une -parole. - -Si peu sensible que fût le coeur de d'Artagnan, il se sentit -attendri par cette douleur muette; mais il tenait trop à ses -projets et surtout à celui-ci, pour rien changer au programme -qu'il avait fait d'avance. Il ne laissa donc à Ketty aucun espoir -de le fléchir, seulement il lui présenta son action comme une -simple vengeance. - -Cette vengeance, au reste, devenait d'autant plus facile, que -Milady, sans doute pour cacher sa rougeur à son amant, avait -recommandé à Ketty d'éteindre toutes les lumières dans -l'appartement, et même dans sa chambre, à elle. Avant le jour, -M. de Wardes devait sortir, toujours dans l'obscurité. - -Au bout d'un instant on entendit Milady qui rentrait dans sa -chambre. D'Artagnan s'élança aussitôt dans son armoire. À peine y -était-il blotti que la sonnette se fit entendre. - -Ketty entra chez sa maîtresse, et ne laissa point la porte -ouverte; mais la cloison était si mince, que l'on entendait à peu -près tout ce qui se disait entre les deux femmes. - -Milady semblait ivre de joie, elle se faisait répéter par Ketty -les moindres détails de la prétendue entrevue de la soubrette avec -de Wardes, comment il avait reçu sa lettre, comment il avait -répondu, quelle était l'expression de son visage, s'il paraissait -bien amoureux; et à toutes ces questions la pauvre Ketty, forcée -de faire bonne contenance, répondait d'une voix étouffée dont sa -maîtresse ne remarquait même pas l'accent douloureux, tant le -bonheur est égoïste. - -Enfin, comme l'heure de son entretien avec le comte approchait, -Milady fit en effet tout éteindre chez elle, et ordonna à Ketty de -rentrer dans sa chambre, et d'introduire de Wardes aussitôt qu'il -se présenterait. - -L'attente de Ketty ne fut pas longue. À peine d'Artagnan eut-il vu -par le trou de la serrure de son armoire que tout l'appartement -était dans l'obscurité, qu'il s'élança de sa cachette au moment -même où Ketty refermait la porte de communication. - -«Qu'est-ce que ce bruit? demanda Milady. - --- C'est moi, dit d'Artagnan à demi-voix; moi, le comte de Wardes. - --- Oh! mon Dieu, mon Dieu! murmura Ketty, il n'a pas même pu -attendre l'heure qu'il avait fixée lui-même! - --- Eh bien, dit Milady d'une voix tremblante, pourquoi n'entre-t- -il pas? Comte, comte, ajouta-t-elle, vous savez bien que je vous -attends!» - -À cet appel, d'Artagnan éloigna doucement Ketty et s'élança dans -la chambre de Milady. - -Si la rage et la douleur doivent torturer une âme, c'est celle de -l'amant qui reçoit sous un nom qui n'est pas le sien des -protestations d'amour qui s'adressent à son heureux rival. - -D'Artagnan était dans une situation douloureuse qu'il n'avait pas -prévue, la jalousie le mordait au coeur, et il souffrait presque -autant que la pauvre Ketty, qui pleurait en ce même moment dans la -chambre voisine. - -«Oui, comte, disait Milady de sa plus douce voix en lui serrant -tendrement la main dans les siennes; oui, je suis heureuse de -l'amour que vos regards et vos paroles m'ont exprimé chaque fois -que nous nous sommes rencontrés. Moi aussi, je vous aime. Oh! -demain, demain, je veux quelque gage de vous qui me prouve que -vous pensez à moi, et comme vous pourriez m'oublier, tenez.» - -Et elle passa une bague de son doigt à celui de d'Artagnan. - -D'Artagnan se rappela avoir vu cette bague à la main de Milady: -c'était un magnifique saphir entouré de brillants. - -Le premier mouvement de d'Artagnan fut de le lui rendre, mais -Milady ajouta: - -«Non, non; gardez cette bague pour l'amour de moi. Vous me rendez -d'ailleurs, en l'acceptant, ajouta-t-elle d'une voix émue, un -service bien plus grand que vous ne sauriez l'imaginer.» - -«Cette femme est pleine de mystères», murmura en lui-même -d'Artagnan. - -En ce moment il se sentit prêt à tout révéler. Il ouvrit la bouche -pour dire à Milady qui il était, et dans quel but de vengeance il -était venu, mais elle ajouta: - -«Pauvre ange, que ce monstre de Gascon a failli tuer!» - -Le monstre, c'était lui. - -«Oh! continua Milady, est-ce que vos blessures vous font encore -souffrir? - --- Oui, beaucoup, dit d'Artagnan, qui ne savait trop que répondre. - --- Soyez tranquille, murmura Milady, je vous vengerai, moi, et -cruellement!» - -«Peste! se dit d'Artagnan, le moment des confidences n'est pas -encore venu.» - -Il fallut quelque temps à d'Artagnan pour se remettre de ce petit -dialogue: mais toutes les idées de vengeance qu'il avait apportées -s'étaient complètement évanouies. Cette femme exerçait sur lui une -incroyable puissance, il la haïssait et l'adorait à la fois, il -n'avait jamais cru que deux sentiments si contraires pussent -habiter dans le même coeur, et en se réunissant, former un amour -étrange et en quelque sorte diabolique. - -Cependant une heure venait de sonner; il fallut se séparer; -d'Artagnan, au moment de quitter Milady, ne sentit plus qu'un vif -regret de s'éloigner, et, dans l'adieu passionné qu'ils -s'adressèrent réciproquement, une nouvelle entrevue fut convenue -pour la semaine suivante. La pauvre Ketty espérait pouvoir -adresser quelques mots à d'Artagnan lorsqu'il passerait dans sa -chambre; mais Milady le reconduisit elle-même dans l'obscurité et -ne le quitta que sur l'escalier. - -Le lendemain au matin, d'Artagnan courut chez Athos. Il était -engagé dans une si singulière aventure qu'il voulait lui demander -conseil. Il lui raconta tout: Athos fronça plusieurs fois le -sourcil. - -«Votre Milady, lui dit-il, me paraît une créature infâme, mais -vous n'en avez pas moins eu tort de la tromper: vous voilà d'une -façon ou d'une autre une ennemie terrible sur les bras.» - -Et tout en lui parlant, Athos regardait avec attention le saphir -entouré de diamants qui avait pris au doigt de d'Artagnan la place -de la bague de la reine, soigneusement remise dans un écrin. - -«Vous regardez cette bague? dit le Gascon tout glorieux d'étaler -aux regards de ses amis un si riche présent. - --- Oui, dit Athos, elle me rappelle un bijou de famille. - --- Elle est belle, n'est-ce pas? dit d'Artagnan. - --- Magnifique! répondit Athos; je ne croyais pas qu'il existât -deux saphirs d'une si belle eau. L'avez-vous donc troquée contre -votre diamant? - --- Non, dit d'Artagnan; c'est un cadeau de ma belle Anglaise, ou -plutôt de ma belle Française: car, quoique je ne le lui aie point -demandé, je suis convaincu qu'elle est née en France. - --- Cette bague vous vient de Milady? s'écria Athos avec une voix -dans laquelle il était facile de distinguer une grande émotion. - --- D'elle-même; elle me l'a donnée cette nuit. - --- Montrez-moi donc cette bague, dit Athos. - --- La voici», répondit d'Artagnan en la tirant de son doigt. - -Athos l'examina et devint très pâle, puis il l'essaya à -l'annulaire de sa main gauche; elle allait à ce doigt comme si -elle eût été faite pour lui. Un nuage de colère et de vengeance -passa sur le front ordinairement calme du gentilhomme. - -«Il est impossible que ce soit la même, dit-il; comment cette -bague se trouverait-elle entre les mains de Milady Clarick? Et -cependant il est bien difficile qu'il y ait entre deux bijoux une -pareille ressemblance. - --- Connaissez-vous cette bague? demanda d'Artagnan. - --- J'avais cru la reconnaître, dit Athos, mais sans doute que je -me trompais.» - -Et il la rendit à d'Artagnan, sans cesser cependant de la -regarder. - -«Tenez, dit-il au bout d'un instant, d'Artagnan, ôtez cette bague -de votre doigt ou tournez-en le chaton en dedans; elle me rappelle -de si cruels souvenirs, que je n'aurais pas ma tête pour causer -avec vous. Ne veniez-vous pas me demander des conseils, ne me -disiez-vous point que vous étiez embarrassé sur ce que vous deviez -faire?... Mais attendez... rendez-moi ce saphir: celui dont je -voulais parler doit avoir une de ses faces éraillée par suite d'un -accident.» - -D'Artagnan tira de nouveau la bague de son doigt et la rendit à -Athos. - -Athos tressaillit: - -«Tenez, dit-il, voyez, n'est-ce pas étrange?» - -Et il montrait à d'Artagnan cette égratignure qu'il se rappelait -devoir exister. - -«Mais de qui vous venait ce saphir, Athos? - --- De ma mère, qui le tenait de sa mère à elle. Comme je vous le -dis, c'est un vieux bijou... qui ne devait jamais sortir de la -famille. - --- Et vous l'avez... vendu? demanda avec hésitation d'Artagnan. - --- Non, reprit Athos avec un singulier sourire; je l'ai donné -pendant une nuit d'amour, comme il vous a été donné à vous.» - -D'Artagnan resta pensif à son tour, il lui semblait voir dans -l'âme de Milady des abîmes dont les profondeurs étaient sombres et -inconnues. - -Il remit la bague non pas à son doigt, mais dans sa poche. - -«Écoutez, lui dit Athos en lui prenant la main, vous savez si je -vous aime, d'Artagnan; j'aurais un fils que je ne l'aimerais pas -plus que vous. Eh bien, croyez-moi, renoncez à cette femme. Je ne -la connais pas, mais une espèce d'intuition me dit que c'est une -créature perdue, et qu'il y a quelque chose de fatal en elle. - --- Et vous avez raison, dit d'Artagnan. Aussi, je m'en sépare; je -vous avoue que cette femme m'effraie moi-même. - --- Aurez-vous ce courage? dit Athos. - --- Je l'aurai, répondit d'Artagnan, et à l'instant même. - --- Eh bien, vrai, mon enfant, vous avez raison, dit le gentilhomme -en serrant la main du Gascon avec une affection presque -paternelle; que Dieu veuille que cette femme, qui est à peine -entrée dans votre vie, n'y laisse pas une trace funeste!» - -Et Athos salua d'Artagnan de la tête, en homme qui veut faire -comprendre qu'il n'est pas fâché de rester seul avec ses pensées. - -En rentrant chez lui d'Artagnan trouva Ketty, qui l'attendait. Un -mois de fièvre n'eût pas plus changé la pauvre enfant qu'elle ne -l'était pour cette nuit d'insomnie et de douleur. - -Elle était envoyée par sa maîtresse au faux de Wardes. Sa -maîtresse était folle d'amour, ivre de joie: elle voulait savoir -quand le comte lui donnerait une seconde entrevue. - -Et la pauvre Ketty, pâle et tremblante, attendait la réponse de -d'Artagnan. - -Athos avait une grande influence sur le jeune homme: les conseils -de son ami joints aux cris de son propre coeur l'avaient -déterminé, maintenant que son orgueil était sauvé et sa vengeance -satisfaite, à ne plus revoir Milady. Pour toute réponse il prit -donc une plume et écrivit la lettre suivante: - -«Ne comptez pas sur moi, madame, pour le prochain rendez-vous: -depuis ma convalescence j'ai tant d'occupations de ce genre qu'il -m'a fallu y mettre un certain ordre. Quand votre tour viendra, -j'aurai l'honneur de vous en faire part. - -«Je vous baise les mains. - -«Comte de Wardes.» - -Du saphir pas un mot: le Gascon voulait-il garder une arme contre -Milady? ou bien, soyons franc, ne conservait-il pas ce saphir -comme une dernière ressource pour l'équipement? - -On aurait tort au reste de juger les actions d'une époque au point -de vue d'une autre époque. Ce qui aujourd'hui serait regardé comme -une honte pour un galant homme était dans ce temps une chose toute -simple et toute naturelle, et les cadets des meilleures familles -se faisaient en général entretenir par leurs maîtresses. - -D'Artagnan passa sa lettre tout ouverte à Ketty, qui la lut -d'abord sans la comprendre et qui faillit devenir folle de joie en -la relisant une seconde fois. - -Ketty ne pouvait croire à ce bonheur: d'Artagnan fut forcé de lui -renouveler de vive voix les assurances que la lettre lui donnait -par écrit; et quel que fût, avec le caractère emporté de Milady, -le danger que courût la pauvre enfant à remettre ce billet à sa -maîtresse, elle n'en revint pas moins place Royale de toute la -vitesse de ses jambes. - -Le coeur de la meilleure femme est impitoyable pour les douleurs -d'une rivale. - -Milady ouvrit la lettre avec un empressement égal à celui que -Ketty avait mis à l'apporter, mais au premier mot qu'elle lut, -elle devint livide; puis elle froissa le papier; puis elle se -retourna avec un éclair dans les yeux du côté de Ketty. - -«Qu'est-ce que cette lettre? dit-elle. - --- Mais c'est la réponse à celle de madame, répondit Ketty toute -tremblante. - --- Impossible! s'écria Milady; impossible qu'un gentilhomme ait -écrit à une femme une pareille lettre!» - -Puis tout à coup tressaillant: - -«Mon Dieu! dit-elle, saurait-il...» Et elle s'arrêta. - -Ses dents grinçaient, elle était couleur de cendre: elle voulut -faire un pas vers la fenêtre pour aller chercher de l'air; mais -elle ne put qu'étendre les bras, les jambes lui manquèrent, et -elle tomba sur un fauteuil. - -Ketty crut qu'elle se trouvait mal et se précipita pour ouvrir son -corsage. Mais Milady se releva vivement: - -«Que me voulez-vous? dit-elle, et pourquoi portez-vous la main sur -moi? - --- J'ai pensé que madame se trouvait mal et j'ai voulu lui porter -secours, répondit la suivante tout épouvantée de l'expression -terrible qu'avait prise la figure de sa maîtresse. - --- Me trouver mal, moi? moi? me prenez-vous pour une femmelette? -Quand on m'insulte, je ne me trouve pas mal, je me venge, -entendez-vous!» - -Et de la main elle fit signe à Ketty de sortir. - - -CHAPITRE XXXVI -RÊVE DE VENGEANCE - -Le soir Milady donna l'ordre d'introduire M. d'Artagnan aussitôt -qu'il viendrait, selon son habitude. Mais il ne vint pas. - -Le lendemain Ketty vint voir de nouveau le jeune homme et lui -raconta tout ce qui s'était passé la veille: d'Artagnan sourit; -cette jalouse colère de Milady, c'était sa vengeance. - -Le soir Milady fut plus impatiente encore que la veille, elle -renouvela l'ordre relatif au Gascon; mais comme la veille elle -l'attendit inutilement. - -Le lendemain Ketty se présenta chez d'Artagnan, non plus joyeuse -et alerte comme les deux jours précédents, mais au contraire -triste à mourir. - -D'Artagnan demanda à la pauvre fille ce qu'elle avait; mais celle- -ci, pour toute réponse, tira une lettre de sa poche et la lui -remit. - -Cette lettre était de l'écriture de Milady: seulement cette fois -elle était bien à l'adresse de d'Artagnan et non à celle de -M. de Wardes. - -Il l'ouvrit et lut ce qui suit: - -«Cher monsieur d'Artagnan, c'est mal de négliger ainsi ses amis, -surtout au moment où l'on va les quitter pour si longtemps. Mon -beau-frère et moi nous avons attendu hier et avant-hier -inutilement. En sera-t-il de même ce soir? - -«Votre bien reconnaissante, - -«Lady Clarick.» - -«C'est tout simple, dit d'Artagnan, et je m'attendais à cette -lettre. Mon crédit hausse de la baisse du comte de Wardes. - --- Est-ce que vous irez? demanda Ketty. - --- Écoute, ma chère enfant, dit le Gascon, qui cherchait à -s'excuser à ses propres yeux de manquer à la promesse qu'il avait -faite à Athos, tu comprends qu'il serait impolitique de ne pas se -rendre à une invitation si positive. Milady, en ne me voyant pas -revenir, ne comprendrait rien à l'interruption de mes visites, -elle pourrait se douter de quelque chose, et qui peut dire -jusqu'où irait la vengeance d'une femme de cette trempe? - --- Oh! mon Dieu! dit Ketty, vous savez présenter les choses de -façon que vous avez toujours raison. Mais vous allez encore lui -faire la cour; et si cette fois vous alliez lui plaire sous votre -véritable nom et votre vrai visage, ce serait bien pis que la -première fois!» - -L'instinct faisait deviner à la pauvre fille une partie de ce qui -allait arriver. - -D'Artagnan la rassura du mieux qu'il put et lui promit de rester -insensible aux séductions de Milady. - -Il lui fit répondre qu'il était on ne peut plus reconnaissant de -ses bontés et qu'il se rendrait à ses ordres; mais il n'osa lui -écrire de peur de ne pouvoir, à des yeux aussi exercés que ceux de -Milady, déguiser suffisamment son écriture. - -À neuf heures sonnant, d'Artagnan était place Royale. Il était -évident que les domestiques qui attendaient dans l'antichambre -étaient prévenus, car aussitôt que d'Artagnan parut, avant même -qu'il eût demandé si Milady était visible, un d'eux courut -l'annoncer. - -«Faites entrer», dit Milady d'une voix brève, mais si perçante que -d'Artagnan l'entendit de l'antichambre. - -On l'introduisit. - -«Je n'y suis pour personne, dit Milady; entendez-vous, pour -personne.» - -Le laquais sortit. - -D'Artagnan jeta un regard curieux sur Milady: elle était pâle et -avait les yeux fatigués, soit par les larmes, soit par l'insomnie. -On avait avec intention diminué le nombre habituel des lumières, -et cependant la jeune femme ne pouvait arriver à cacher les traces -de la fièvre qui l'avait dévorée depuis deux jours. - -D'Artagnan s'approcha d'elle avec sa galanterie ordinaire; elle -fit alors un effort suprême pour le recevoir, mais jamais -physionomie plus bouleversée ne démentit sourire plus aimable. - -Aux questions que d'Artagnan lui fit sur sa santé: - -«Mauvaise, répondit-elle, très mauvaise. - --- Mais alors, dit d'Artagnan, je suis indiscret, vous avez besoin -de repos sans doute et je vais me retirer. - --- Non pas, dit Milady; au contraire, restez, monsieur d'Artagnan, -votre aimable compagnie me distraira.» - -«Oh! oh! pensa d'Artagnan, elle n'a jamais été si charmante, -défions-nous.» - -Milady prit l'air le plus affectueux qu'elle put prendre, et donna -tout l'éclat possible à sa conversation. En même temps cette -fièvre qui l'avait abandonnée un instant revenait rendre l'éclat à -ses yeux, le coloris à ses joues, le carmin à ses lèvres. -D'Artagnan retrouva la Circé qui l'avait déjà enveloppé de ses -enchantements. Son amour, qu'il croyait éteint et qui n'était -qu'assoupi, se réveilla dans son coeur. Milady souriait et -d'Artagnan sentait qu'il se damnerait pour ce sourire. - -Il y eut un moment où il sentit quelque chose comme un remords de -ce qu'il avait fait contre elle. - -Peu à peu Milady devint plus communicative. Elle demanda à -d'Artagnan s'il avait une maîtresse. - -«Hélas! dit d'Artagnan de l'air le plus sentimental qu'il put -prendre, pouvez-vous être assez cruelle pour me faire une pareille -question, à moi qui, depuis que je vous ai vue, ne respire et ne -soupire que par vous et pour vous!» - -Milady sourit d'un étrange sourire. - -«Ainsi vous m'aimez? dit-elle. - --- Ai-je besoin de vous le dire, et ne vous en êtes-vous point -aperçue? - --- Si fait; mais, vous le savez, plus les coeurs sont fiers, plus -ils sont difficiles à prendre. - --- Oh! les difficultés ne m'effraient pas, dit d'Artagnan; il n'y -a que les impossibilités qui m'épouvantent. - --- Rien n'est impossible, dit Milady, à un véritable amour. - --- Rien, madame? - --- Rien», reprit Milady. - -«Diable! reprit d'Artagnan à part lui, la note est changée. -Deviendrait-elle amoureuse de moi, par hasard, la capricieuse, et -serait-elle disposée à me donner à moi-même quelque autre saphir -pareil à celui qu'elle m'a donné me prenant pour de Wardes?» - -D'Artagnan rapprocha vivement son siège de celui de Milady. - -«Voyons, dit-elle, que feriez-vous bien pour prouver cet amour -dont vous parlez? - --- Tout ce qu'on exigerait de moi. Qu'on ordonne, et je suis prêt. - --- À tout? - --- À tout! s'écria d'Artagnan qui savait d'avance qu'il n'avait -pas grand-chose à risquer en s'engageant ainsi. - --- Eh bien, causons un peu, dit à son tour Milady en rapprochant -son fauteuil de la chaise de d'Artagnan. - --- Je vous écoute, madame», dit celui-ci. - -Milady resta un instant soucieuse et comme indécise puis -paraissant prendre une résolution: - -«J'ai un ennemi, dit-elle. - --- Vous, madame! s'écria d'Artagnan jouant la surprise, est-ce -possible, mon Dieu? belle et bonne comme vous l'êtes! - --- Un ennemi mortel. - --- En vérité? - --- Un ennemi qui m'a insultée si cruellement que c'est entre lui -et moi une guerre à mort. Puis-je compter sur vous comme -auxiliaire?» - -D'Artagnan comprit sur-le-champ où la vindicative créature en -voulait venir. - -«Vous le pouvez, madame, dit-il avec emphase, mon bras et ma vie -vous appartiennent comme mon amour. - --- Alors, dit Milady, puisque vous êtes aussi généreux qu'amoureux...» - -Elle s'arrêta. - -«Eh bien? demanda d'Artagnan. - --- Eh bien, reprit Milady après un moment de silence, cessez dès -aujourd'hui de parler d'impossibilités. - --- Ne m'accablez pas de mon bonheur», s'écria d'Artagnan en se -précipitant à genoux et en couvrant de baisers les mains qu'on lui -abandonnait. - --- Venge-moi de cet infâme de Wardes, murmura Milady entre ses -dents, et je saurai bien me débarrasser de toi ensuite, double -sot, lame d'épée vivante! - --- Tombe volontairement entre mes bras après m'avoir raillé si -effrontément, hypocrite et dangereuse femme, pensait d'Artagnan de -son côté, et ensuite je rirai de toi avec celui que tu veux tuer -par ma main.» - -D'Artagnan releva la tête. - -«Je suis prêt, dit-il. - --- Vous m'avez donc comprise, cher monsieur d'Artagnan! dit -Milady. - --- Je devinerais un de vos regards. - --- Ainsi vous emploieriez pour moi votre bras, qui s'est déjà -acquis tant de renommée? - --- À l'instant même. - -Mais moi, dit Milady, comment paierai-je un pareil service; je -connais les amoureux, ce sont des gens qui ne font rien pour rien? - --- Vous savez la seule réponse que je désire, dit d'Artagnan, la -seule qui soit digne de vous et de moi!» - -Et il l'attira doucement vers lui. - -Elle résista à peine. - -«Intéressé! dit-elle en souriant. - --- Ah! s'écria d'Artagnan véritablement emporté par la passion que -cette femme avait le don d'allumer dans son coeur, ah! c'est que -mon bonheur me paraît invraisemblable, et qu'ayant toujours peur -de le voir s'envoler comme un rêve, j'ai hâte d'en faire une -réalité. - --- Eh bien, méritez donc ce prétendu bonheur. - --- Je suis à vos ordres, dit d'Artagnan. - --- Bien sûr? fit Milady avec un dernier doute. - --- Nommez-moi l'infâme qui a pu faire pleurer vos beaux yeux. - --- Qui vous dit que j'ai pleuré? dit-elle. - --- Il me semblait... - --- Les femmes comme moi ne pleurent pas, dit Milady. - --- Tant mieux! Voyons, dites-moi comment il s'appelle. - --- Songez que son nom c'est tout mon secret. - --- Il faut cependant que je sache son nom. - --- Oui, il le faut; voyez si j'ai confiance en vous! - --- Vous me comblez de joie. Comment s'appelle-t-il? - --- Vous le connaissez. - --- Vraiment? - --- Oui. - --- Ce n'est pas un de mes amis? reprit d'Artagnan en jouant -l'hésitation pour faire croire à son ignorance. - --- Si c'était un de vos amis, vous hésiteriez donc?» s'écria -Milady. Et un éclair de menace passa dans ses yeux. - -«Non, fût-ce mon frère!» s'écria d'Artagnan comme emporté par -l'enthousiasme. - -Notre Gascon s'avançait sans risque; car il savait où il allait. - -«J'aime votre dévouement, dit Milady. - --- Hélas! n'aimez-vous que cela en moi? demanda d'Artagnan. - --- Je vous aime aussi, vous», dit-elle en lui prenant la main. - -Et l'ardente pression fit frissonner d'Artagnan, comme si, par le -toucher, cette fièvre qui brûlait Milady le gagnait lui-même. - -«Vous m'aimez, vous! s'écria-t-il. Oh! si cela était, ce serait à -en perdre la raison.» - -Et il l'enveloppa de ses deux bras. Elle n'essaya point d'écarter -ses lèvres de son baiser, seulement elle ne le lui rendit pas. - -Ses lèvres étaient froides: il sembla à d'Artagnan qu'il venait -d'embrasser une statue. - -Il n'en était pas moins ivre de joie, électrisé d'amour, il -croyait presque à la tendresse de Milady; il croyait presque au -crime de de Wardes. Si de Wardes eût été en ce moment sous sa -main, il l'eût tué. - -Milady saisit l'occasion. - -«Il s'appelle..., dit-elle à son tour. - --- De Wardes, je le sais, s'écria d'Artagnan. - --- Et comment le savez-vous?» demanda Milady en lui saisissant les -deux mains et en essayant de lire par ses yeux jusqu'au fond de -son âme. - -D'Artagnan sentit qu'il s'était laissé emporter, et qu'il avait -fait une faute. - -«Dites, dites, mais dites donc! répétait Milady, comment le savez- -vous? - --- Comment je le sais? dit d'Artagnan. - --- Oui. - --- Je le sais, parce que, hier, de Wardes, dans un salon où -j'étais, a montré une bague qu'il a dit tenir de vous. - --- Le misérable!» s'écria Milady. - -L'épithète, comme on le comprend bien, retentit jusqu'au fond du -coeur de d'Artagnan. - -«Eh bien? continua-t-elle. - --- Eh bien, je vous vengerai de ce misérable, reprit d'Artagnan en -se donnant des airs de don Japhet d'Arménie. - --- Merci, mon brave ami! s'écria Milady; et quand serai-je vengée? - --- Demain, tout de suite, quand vous voudrez.» - -Milady allait s'écrier: «Tout de suite»; mais elle réfléchit -qu'une pareille précipitation serait peu gracieuse pour -d'Artagnan. - -D'ailleurs, elle avait mille précautions à prendre, mille conseils -à donner à son défenseur, pour qu'il évitât les explications -devant témoins avec le comte. Tout cela se trouva prévu par un mot -de d'Artagnan. - -«Demain, dit-il, vous serez vengée ou je serai mort. - --- Non! dit-elle, vous me vengerez; mais vous ne mourrez pas. -C'est un lâche. - --- Avec les femmes peut-être, mais pas avec les hommes. J'en sais -quelque chose, moi. - --- Mais il me semble que dans votre lutte avec lui, vous n'avez -pas eu à vous plaindre de la fortune. - --- La fortune est une courtisane: favorable hier, elle peut me -trahir demain. - --- Ce qui veut dire que vous hésitez maintenant. - --- Non, je n'hésite pas, Dieu m'en garde; mais serait-il juste de -me laisser aller à une mort possible sans m'avoir donné au moins -un peu plus que de l'espoir?» - -Milady répondit par un coup d'oeil qui voulait dire: - -«N'est-ce que cela? parlez donc.» - -Puis, accompagnant le coup d'oeil de paroles explicatives. - -«C'est trop juste, dit-elle tendrement. - --- Oh! vous êtes un ange, dit le jeune homme. - --- Ainsi, tout est convenu? dit-elle. - --- Sauf ce que je vous demande, chère âme! - --- Mais, lorsque je vous dis que vous pouvez vous fier à ma -tendresse? - --- Je n'ai pas de lendemain pour attendre. - --- Silence; j'entends mon frère: il est inutile qu'il vous trouve -ici.» - -Elle sonna; Ketty parut. - -«Sortez par cette porte, dit-elle en poussant une petit porte -dérobée, et revenez à onze heures; nous achèverons cet entretien: -Ketty vous introduira chez moi.» - -La pauvre enfant pensa tomber à la renverse en entendant ces -paroles. - -«Eh bien, que faites-vous, mademoiselle, à demeurer immobile comme -une statue? Allons, reconduisez le chevalier; et ce soir, à onze -heures, vous avez entendu!» - -«Il paraît que ses rendez-vous sont à onze heures, pensa -d'Artagnan: c'est une habitude prise.» - -Milady lui tendit une main qu'il baisa tendrement. - -«Voyons, dit-il en se retirant et en répondant à peine aux -reproches de Ketty, voyons, ne soyons pas un sot; décidément cette -femme est une grande scélérate: prenons garde.» - - -CHAPITRE XXXVII -LE SECRET DE MILADY - -D'Artagnan était sorti de l'hôtel au lieu de monter tout de suite -chez Ketty, malgré les instances que lui avait faites la jeune -fille, et cela pour deux raisons: la première parce que de cette -façon il évitait les reproches, les récriminations, les prières; -la seconde, parce qu'il n'était pas fâché de lire un peu dans sa -pensée, et, s'il était possible, dans celle de cette femme. - -Tout ce qu'il y avait de plus clair là-dedans, c'est que -d'Artagnan aimait Milady comme un fou et qu'elle ne l'aimait pas -le moins du monde. Un instant d'Artagnan comprit que ce qu'il -aurait de mieux à faire serait de rentrer chez lui et d'écrire à -Milady une longue lettre dans laquelle il lui avouerait que lui et -de Wardes étaient jusqu'à présent absolument le même, que par -conséquent il ne pouvait s'engager, sous peine de suicide, à tuer -de Wardes. Mais lui aussi était éperonné d'un féroce désir de -vengeance; il voulait posséder à son tour cette femme sous son -propre nom; et comme cette vengeance lui paraissait avoir une -certaine douceur, il ne voulait point y renoncer. - -Il fit cinq ou six fois le tour de la place Royale, se retournant -de dix pas en dix pas pour regarder la lumière de l'appartement de -Milady, qu'on apercevait à travers les jalousies; il était évident -que cette fois la jeune femme était moins pressée que la première -de rentrer dans sa chambre. - -Enfin la lumière disparut. - -Avec cette lueur s'éteignit la dernière irrésolution dans le coeur -de d'Artagnan; il se rappela les détails de la première nuit, et, -le coeur bondissant, la tête en feu, il rentra dans l'hôtel et se -précipita dans la chambre de Ketty. - -La jeune fille, pâle comme la mort, tremblant de tous ses membres, -voulut arrêter son amant; mais Milady, l'oreille au guet, avait -entendu le bruit qu'avait fait d'Artagnan: elle ouvrit la porte. - -«Venez», dit-elle. - -Tout cela était d'une si incroyable imprudence, d'une si -monstrueuse effronterie, qu'à peine si d'Artagnan pouvait croire à -ce qu'il voyait et à ce qu'il entendait. Il croyait être entraîné -dans quelqu'une de ces intrigues fantastiques comme on en -accomplit en rêve. - -Il ne s'élança pas moins vers Milady, cédant à cette attraction -que l'aimant exerce sur le fer. La porte se referma derrière eux. - -Ketty s'élança à son tour contre la porte. - -La jalousie, la fureur, l'orgueil offensé, toutes les passions -enfin qui se disputent le coeur d'une femme amoureuse la -poussaient à une révélation; mais elle était perdue si elle -avouait avoir donné les mains à une pareille machination; et, par- -dessus tout, d'Artagnan était perdu pour elle. Cette dernière -pensée d'amour lui conseilla encore ce dernier sacrifice. - -D'Artagnan, de son côté, était arrivé au comble de tous ses voeux: -ce n'était plus un rival qu'on aimait en lui, c'était lui-même -qu'on avait l'air d'aimer. Une voix secrète lui disait bien au -fond du coeur qu'il n'était qu'un instrument de vengeance que l'on -caressait en attendant qu'il donnât la mort, mais l'orgueil, mais -l'amour-propre, mais la folie faisaient taire cette voix, -étouffaient ce murmure. Puis notre Gascon, avec la dose de -confiance que nous lui connaissons, se comparait à de Wardes et se -demandait pourquoi, au bout du compte, on ne l'aimerait pas, lui -aussi, pour lui-même. - -Il s'abandonna donc tout entier aux sensations du moment. Milady -ne fut plus pour lui cette femme aux intentions fatales qui -l'avait un instant épouvanté, ce fut une maîtresse ardente et -passionnée s'abandonnant tout entière à un amour qu'elle semblait -éprouver elle-même. Deux heures à peu près s'écoulèrent ainsi. - -Cependant les transports des deux amants se calmèrent; Milady, qui -n'avait point les mêmes motifs que d'Artagnan pour oublier, revint -la première à la réalité et demanda au jeune homme si les mesures -qui devaient amener le lendemain entre lui et de Wardes une -rencontre étaient bien arrêtées d'avance dans son esprit. - -Mais d'Artagnan, dont les idées avaient pris un tout autre cours, -s'oublia comme un sot et répondit galamment qu'il était bien tard -pour s'occuper de duels à coups d'épée. - -Cette froideur pour les seuls intérêts qui l'occupassent effraya -Milady, dont les questions devinrent plus pressantes. - -Alors d'Artagnan, qui n'avait jamais sérieusement pensé à ce duel -impossible, voulut détourner la conversation, mais il n'était plus -de force. - -Milady le contint dans les limites qu'elle avait tracées d'avance -avec son esprit irrésistible et sa volonté de fer. - -D'Artagnan se crut fort spirituel en conseillant à Milady de -renoncer, en pardonnant à de Wardes, aux projets furieux qu'elle -avait formés. - -Mais aux premiers mots qu'il dit, la jeune femme tressaillit et -s'éloigna. - -«Auriez-vous peur, cher d'Artagnan? dit-elle d'une voix aiguë et -railleuse qui résonna étrangement dans l'obscurité. - --- Vous ne le pensez pas, chère âme! répondit d'Artagnan; mais -enfin, si ce pauvre comte de Wardes était moins coupable que vous -ne le pensez? - --- En tout cas dit gravement Milady, il m'a trompée, et du moment -où il m'a trompée il a mérité la mort. - --- Il mourra donc, puisque vous le condamnez!» dit d'Artagnan d'un -ton si ferme, qu'il parut à Milady l'expression d'un dévouement à -toute épreuve. - -Aussitôt elle se rapprocha de lui. - -Nous ne pourrions dire le temps que dura la nuit pour Milady; mais -d'Artagnan croyait être près d'elle depuis deux heures à peine -lorsque le jour parut aux fentes des jalousies et bientôt envahit -la chambre de sa lueur blafarde. - -Alors Milady, voyant que d'Artagnan allait la quitter, lui rappela -la promesse qu'il lui avait faite de la venger de de Wardes. - -«Je suis tout prêt, dit d'Artagnan, mais auparavant je voudrais -être certain d'une chose. - --- De laquelle? demanda Milady. - --- C'est que vous m'aimez. - --- Je vous en ai donné la preuve, ce me semble. - --- Oui, aussi je suis à vous corps et âme. - --- Merci, mon brave amant! mais de même que je vous ai prouvé mon -amour, vous me prouverez le vôtre à votre tour, n'est-ce pas? - --- Certainement. Mais si vous m'aimez comme vous me le dites, -reprit d'Artagnan, ne craignez-vous pas un peu pour moi? - --- Que puis-je craindre? - --- Mais enfin, que je sois blessé dangereusement, tué même. - --- Impossible, dit Milady, vous êtes un homme si vaillant et une -si fine épée. - --- Vous ne préféreriez donc point, reprit d'Artagnan, un moyen qui -vous vengerait de même tout en rendant inutile le combat.» - -Milady regarda son amant en silence: cette lueur blafarde des -premiers rayons du jour donnait à ses yeux clairs une expression -étrangement funeste. - -«Vraiment, dit-elle, je crois que voilà que vous hésitez -maintenant. - --- Non, je n'hésite pas; mais c'est que ce pauvre comte de Wardes -me fait vraiment peine depuis que vous ne l'aimez plus, et il me -semble qu'un homme doit être si cruellement puni par la perte -seule de votre amour, qu'il n'a pas besoin d'autre châtiment. - --- Qui vous dit que je l'aie aimé? demanda Milady. - --- Au moins puis-je croire maintenant sans trop de fatuité que -vous en aimez un autre, dit le jeune homme d'un ton caressant, et -je vous le répète, je m'intéresse au comte. - --- Vous? demanda Milady. - --- Oui moi. - --- Et pourquoi vous? - --- Parce que seul je sais... - --- Quoi? - --- Qu'il est loin d'être ou plutôt d'avoir été aussi coupable -envers vous qu'il le paraît. - --- En vérité! dit Milady d'un air inquiet; expliquez-vous, car je -ne sais vraiment ce que vous voulez dire.» - -Et elle regardait d'Artagnan, qui la tenait embrassée avec des -yeux qui semblaient s'enflammer peu à peu. - -«Oui, je suis galant homme, moi! dit d'Artagnan décidé à en finir; -et depuis que votre amour est à moi, que je suis bien sûr de le -posséder, car je le possède, n'est-ce pas?... - --- Tout entier, continuez. - --- Eh bien, je me sens comme transporté, un aveu me pèse. - --- Un aveu? - --- Si j'eusse douté de votre amour je ne l'eusse pas fait; mais -vous m'aimez, ma belle maîtresse? n'est-ce pas, vous m'aimez? - --- Sans doute. - --- Alors si par excès d'amour je me suis rendu coupable envers -vous, vous me pardonnerez? - --- Peut-être!» - -D'Artagnan essaya, avec le plus doux sourire qu'il pût prendre, de -rapprocher ses lèvres des lèvres de Milady, mais celle-ci -l'écarta. - -«Cet aveu, dit-elle en pâlissant, quel est cet aveu? - --- Vous aviez donné rendez-vous à de Wardes, jeudi dernier, dans -cette même chambre, n'est-ce pas? - --- Moi, non! cela n'est pas, dit Milady d'un ton de voix si ferme -et d'un visage si impassible, que si d'Artagnan n'eût pas eu une -certitude si parfaite, il eût douté. - --- Ne mentez pas, mon bel ange, dit d'Artagnan en souriant, ce -serait inutile. - --- Comment cela? parlez donc! vous me faites mourir! - --- Oh! rassurez-vous, vous n'êtes point coupable envers moi, et je -vous ai déjà pardonné! - --- Après, après? - --- De Wardes ne peut se glorifier de rien. - --- Pourquoi? Vous m'avez dit vous-même que cette bague... - --- Cette bague, mon amour, c'est moi qui l'ai. Le comte de Wardes -de jeudi et le d'Artagnan d'aujourd'hui sont la même personne.» - -L'imprudent s'attendait à une surprise mêlée de pudeur, à un petit -orage qui se résoudrait en larmes; mais il se trompait -étrangement, et son erreur ne fut pas longue. - -Pâle et terrible, Milady se redressa, et, repoussant d'Artagnan -d'un violent coup dans la poitrine, elle s'élança hors du lit. - -Il faisait alors presque grand jour. - -D'Artagnan la retint par son peignoir de fine toile des Indes pour -implorer son pardon; mais elle, d'un mouvement puissant et résolu, -elle essaya de fuir. Alors la batiste se déchira en laissant à nu -les épaules et sur l'une de ces belles épaules rondes et blanches, -d'Artagnan avec un saisissement inexprimable, reconnut la fleur de -lis, cette marque indélébile qu'imprime la main infamante du -bourreau. - -«Grand Dieu!» s'écria d'Artagnan en lâchant le peignoir. - -Et il demeura muet, immobile et glacé sur le lit. - -Mais Milady se sentait dénoncée par l'effroi même de d'Artagnan. -Sans doute il avait tout vu: le jeune homme maintenant savait son -secret, secret terrible, que tout le monde ignorait, excepté lui. - -Elle se retourna, non plus comme une femme furieuse mais comme une -panthère blessée. - -«Ah! misérable, dit-elle, tu m'as lâchement trahie, et de plus tu -as mon secret! Tu mourras!» - -Et elle courut à un coffret de marqueterie posé sur la toilette, -l'ouvrit d'une main fiévreuse et tremblante, en tira un petit -poignard à manche d'or, à la lame aiguë et mince et revint d'un -bond sur d'Artagnan à demi nu. - -Quoique le jeune homme fût brave, on le sait, il fut épouvanté de -cette figure bouleversée, de ces pupilles dilatées horriblement, -de ces joues pâles et de ces lèvres sanglantes; il recula jusqu'à -la ruelle, comme il eût fait à l'approche d'un serpent qui eût -rampé vers lui, et son épée se rencontrant sous sa main souillée -de sueur, il la tira du fourreau. - -Mais sans s'inquiéter de l'épée, Milady essaya de remonter sur le -lit pour le frapper, et elle ne s'arrêta que lorsqu'elle sentit la -pointe aiguë sur sa gorge. - -Alors elle essaya de saisir cette épée avec les mains mais -d'Artagnan l'écarta toujours de ses étreintes et, la lui -présentant tantôt aux yeux, tantôt à la poitrine, il se laissa -glisser à bas du lit, cherchant pour faire retraite la porte qui -conduisait chez Ketty. - -Milady, pendant ce temps, se ruait sur lui avec d'horribles -transports, rugissant d'une façon formidable. - -Cependant cela ressemblait à un duel, aussi d'Artagnan se -remettait petit à petit. - -«Bien, belle dame, bien! disait-il, mais, de par Dieu, calmez- -vous, ou je vous dessine une seconde fleur de lis sur l'autre -épaule. - --- Infâme! infâme!» hurlait Milady. - -Mais d'Artagnan, cherchant toujours la porte, se tenait sur la -défensive. - -Au bruit qu'ils faisaient, elle renversant les meubles pour aller -à lui, lui s'abritant derrière les meubles pour se garantir -d'elle, Ketty ouvrit la porte. D'Artagnan, qui avait sans cesse -manoeuvré pour se rapprocher de cette porte, n'en était plus qu'à -trois pas. D'un seul élan il s'élança de la chambre de Milady dans -celle de la suivante, et, rapide comme l'éclair, il referma la -porte, contre laquelle il s'appuya de tout son poids tandis que -Ketty poussait les verrous. - -Alors Milady essaya de renverser l'arc-boutant qui l'enfermait -dans sa chambre, avec des forces bien au-dessus de celles d'une -femme; puis, lorsqu'elle sentit que c'était chose impossible, elle -cribla la porte de coups de poignard, dont quelques-uns -traversèrent l'épaisseur du bois. - -Chaque coup était accompagné d'une imprécation terrible. - -«Vite, vite, Ketty, dit d'Artagnan à demi-voix lorsque les verrous -furent mis, fais-moi sortir de l'hôtel, ou si nous lui laissons le -temps de se retourner, elle me fera tuer par les laquais. - --- Mais vous ne pouvez pas sortir ainsi, dit Ketty, vous êtes tout -nu. - --- C'est vrai, dit d'Artagnan, qui s'aperçut alors seulement du -costume dans lequel il se trouvait, c'est vrai; habille-moi comme -tu pourras, mais hâtons-nous; comprends-tu, il y va de la vie et -de la mort!» - -Ketty ne comprenait que trop; en un tour de main elle l'affubla -d'une robe à fleurs, d'une large coiffe et d'un mantelet; elle lui -donna des pantoufles, dans lesquelles il passa ses pieds nus, puis -elle l'entraîna par les degrés. Il était temps, Milady avait déjà -sonné et réveillé tout l'hôtel. Le portier tira le cordon à la -voix de Ketty au moment même où Milady, à demi nue de son côté, -criait par la fenêtre: - -«N'ouvrez pas!» - - -CHAPITRE XXXVIII -COMMENT, SANS SE DÉRANGER, ATHOS TROUVA SON ÉQUIPEMENT - -Le jeune homme s'enfuit tandis qu'elle le menaçait encore d'un -geste impuissant. Au moment où elle le perdit de vue, Milady tomba -évanouie dans sa chambre. - -D'Artagnan était tellement bouleversé, que, sans s'inquiéter de ce -que deviendrait Ketty, il traversa la moitié de Paris tout en -courant, et ne s'arrêta que devant la porte d'Athos. L'égarement -de son esprit, la terreur qui l'éperonnait, les cris de quelques -patrouilles qui se mirent à sa poursuite, et les huées de quelques -passants qui, malgré l'heure peu avancée, se rendaient à leurs -affaires, ne firent que précipiter sa course. - -Il traversa la cour, monta les deux étages d'Athos et frappa à la -porte à tout rompre. - -Grimaud vint ouvrir les yeux bouffis de sommeil. D'Artagnan -s'élança avec tant de force dans l'antichambre qu'il faillit le -culbuter en entrant. - -Malgré le mutisme habituel du pauvre garçon, cette fois la parole -lui revint. - -«Hé, là, là! s'écria-t-il, que voulez-vous, coureuse? que -demandez-vous, drôlesse?» - -D'Artagnan releva ses coiffes et dégagea ses mains de dessous son -mantelet; à la vue de ses moustaches et de son épée nue, le pauvre -diable s'aperçut qu'il avait affaire à un homme. - -Il crut alors que c'était quelque assassin. - -«Au secours! à l'aide! au secours! s'écria-t-il. - --- Tais-toi, malheureux! dit le jeune homme, je suis d'Artagnan, -ne me reconnais-tu pas? Où est ton maître? - --- Vous, monsieur d'Artagnan! s'écria Grimaud épouvanté. -Impossible. - --- Grimaud, dit Athos sortant de son appartement en robe de -chambre, je crois que vous vous permettez de parler. - --- Ah! monsieur! c'est que... - --- Silence.» - -Grimaud se contenta de montrer du doigt d'Artagnan à son maître. - -Athos reconnut son camarade, et, tout flegmatique qu'il était, il -partit d'un éclat de rire que motivait bien la mascarade étrange -qu'il avait sous les yeux: coiffes de travers, jupes tombantes sur -les souliers; manches retroussées et moustaches raides d'émotion. - -«Ne riez pas, mon ami, s'écria d'Artagnan; de par le Ciel ne riez -pas, car, sur mon âme, je vous le dis, il n'y a point de quoi -rire.» - -Et il prononça ces mots d'un air si solennel et avec une épouvante -si vraie qu'Athos lui prit aussitôt les mains en s'écriant: - -«Seriez-vous blessé, mon ami? vous êtes bien pâle! - --- Non, mais il vient de m'arriver un terrible événement. Êtes- -vous seul, Athos? - --- Pardieu! qui voulez-vous donc qui soit chez moi à cette heure? - --- Bien, bien.» - -Et d'Artagnan se précipita dans la chambre d'Athos. - -«Hé, parlez! dit celui-ci en refermant la porte et en poussant les -verrous pour n'être pas dérangés. Le roi est-il mort? avez-vous -tué M. le cardinal? vous êtes tout renversé; voyons, voyons, -dites, car je meurs véritablement d'inquiétude. - --- Athos, dit d'Artagnan se débarrassant de ses vêtements de femme -et apparaissant en chemise, préparez-vous à entendre une histoire -incroyable, inouïe. - --- Prenez d'abord cette robe de chambre», dit le mousquetaire à -son ami. - -D'Artagnan passa la robe de chambre, prenant une manche pour une -autre tant il était encore ému. - -«Eh bien? dit Athos. - --- Eh bien, répondit d'Artagnan en se courbant vers l'oreille -d'Athos et en baissant la voix, Milady est marquée d'une fleur de -lis à l'épaule. - --- Ah! cria le mousquetaire comme s'il eût reçu une balle dans le -coeur. - --- Voyons, dit d'Artagnan, êtes-vous sûr que l'autre soit bien -morte? - --- L'autre? dit Athos d'une voix si sourde, qu'à peine si -d'Artagnan l'entendit. - --- Oui, celle dont vous m'avez parlé un jour à Amiens.» - -Athos poussa un gémissement et laissa tomber sa tête dans ses -mains. - -«Celle-ci, continua d'Artagnan, est une femme de vingt-six à -vingt-huit ans. - --- Blonde, dit Athos, n'est-ce pas? - --- Oui. - --- Des yeux clairs, d'une clarté étrange, avec des cils et -sourcils noirs? - --- Oui. - --- Grande, bien faite? Il lui manque une dent près de l'oeillère -gauche. - --- Oui. - --- La fleur de lis est petite, rousse de couleur et comme effacée -par les couches de pâte qu'on y applique. - --- Oui. - --- Cependant vous dites qu'elle est anglaise! - --- On l'appelle Milady, mais elle peut être française. Malgré -cela, Lord de Winter n'est que son beau-frère. - --- Je veux la voir, d'Artagnan. - --- Prenez garde, Athos, prenez garde; vous avez voulu la tuer, -elle est femme à vous rendre la pareille et à ne pas vous manquer. - --- Elle n'osera rien dire, car ce serait se dénoncer elle-même. - --- Elle est capable de tout! L'avez-vous jamais vue furieuse? - --- Non, dit Athos. - --- Une tigresse, une panthère! Ah! mon cher Athos! j'ai bien peur -d'avoir attiré sur nous deux une vengeance terrible!» - -D'Artagnan raconta tout alors: la colère insensée de Milady et ses -menaces de mort. - -«Vous avez raison, et, sur mon âme, je donnerais ma vie pour un -cheveu, dit Athos. Heureusement, c'est après-demain que nous -quittons Paris; nous allons, selon toute probabilité, à La -Rochelle, et une fois partis... - --- Elle vous suivra jusqu'au bout du monde, Athos, si elle vous -reconnaît; laissez donc sa haine s'exercer sur moi seul. - --- Ah! mon cher! que m'importe qu'elle me tue! dit Athos; est-ce -que par hasard vous croyez que je tiens à la vie? - --- Il y a quelque horrible mystère sous tout cela, Athos! cette -femme est l'espion du cardinal, j'en suis sûr! - --- En ce cas, prenez garde à vous. Si le cardinal ne vous a pas -dans une haute admiration pour l'affaire de Londres, il vous a en -grande haine; mais comme, au bout du compte, il ne peut rien vous -reprocher ostensiblement, et qu'il faut que haine se satisfasse, -surtout quand c'est une haine de cardinal, prenez garde à vous! Si -vous sortez, ne sortez pas seul; si vous mangez, prenez vos -précautions: méfiez-vous de tout enfin, même de votre ombre. - --- Heureusement, dit d'Artagnan, qu'il s'agit seulement d'aller -jusqu'à après-demain soir sans encombre, car une fois à l'armée -nous n'aurons plus, je l'espère, que des hommes à craindre. - --- En attendant, dit Athos, je renonce à mes projets de réclusion, -et je vais partout avec vous: il faut que vous retourniez rue des -Fossoyeurs, je vous accompagne. - --- Mais si près que ce soit d'ici, reprit d'Artagnan, je ne puis y -retourner comme cela. - --- C'est juste», dit Athos. Et il tira la sonnette. - -Grimaud entra. - -Athos lui fit signe d'aller chez d'Artagnan, et d'en rapporter des -habits. - -Grimaud répondit par un autre signe qu'il comprenait parfaitement -et partit. - -«Ah çà! mais voilà qui ne nous avance pas pour l'équipement, cher -ami, dit Athos; car, si je ne m'abuse, vous avez laissé toute -votre défroque chez Milady, qui n'aura sans doute pas l'attention -de vous la retourner. Heureusement que vous avez le saphir. - --- Le saphir est à vous, mon cher Athos! ne m'avez-vous pas dit -que c'était une bague de famille? - --- Oui, mon père l'acheta deux mille écus, à ce qu'il me dit -autrefois; il faisait partie des cadeaux de noces qu'il fit à ma -mère; et il est magnifique. Ma mère me le donna, et moi, fou que -j'étais, plutôt que de garder cette bague comme une relique -sainte, je la donnai à mon tour à cette misérable. - --- Alors, mon cher, reprenez cette bague, à laquelle je comprends -que vous devez tenir. - --- Moi, reprendre cette bague, après qu'elle a passé par les mains -de l'infâme! jamais: cette bague est souillée, d'Artagnan. - --- Vendez-la donc. - --- Vendre un diamant qui vient de ma mère! je vous avoue que je -regarderais cela comme une profanation. - --- Alors engagez-la, on vous prêtera bien dessus un millier -d'écus. Avec cette somme vous serez au-dessus de vos affaires, -puis, au premier argent qui vous rentrera, vous la dégagerez, et -vous la reprendrez lavée de ses anciennes taches, car elle aura -passé par les mains des usuriers.» - -Athos sourit. - -«Vous êtes un charmant compagnon, dit-il, mon cher d'Artagnan; -vous relevez par votre éternelle gaieté les pauvres esprits dans -l'affliction. Eh bien, oui, engageons cette bague, mais à une -condition! - --- Laquelle? - --- C'est qu'il y aura cinq cents écus pour vous et cinq cents écus -pour moi. - --- Y songez-vous, Athos? je n'ai pas besoin du quart de cette -somme, moi qui suis dans les gardes, et en vendant ma selle je me -la procurerai. Que me faut-il? Un cheval pour Planchet, voilà -tout. Puis vous oubliez que j'ai une bague aussi. - --- À laquelle vous tenez encore plus, ce me semble, que je ne -tiens, moi, à la mienne; du moins j'ai cru m'en apercevoir. - --- Oui, car dans une circonstance extrême elle peut nous tirer non -seulement de quelque grand embarras mais encore de quelque grand -danger; c'est non seulement un diamant précieux, mais c'est encore -un talisman enchanté. - --- Je ne vous comprends pas, mais je crois à ce que vous me dites. -Revenons donc à ma bague, ou plutôt à la vôtre, vous toucherez la -moitié de la somme qu'on nous donnera sur elle ou je la jette dans -la Seine, et je doute que, comme à Polycrate, quelque poisson soit -assez complaisant pour nous la rapporter. - --- Eh bien, donc, j'accepte!» dit d'Artagnan. - -En ce moment Grimaud rentra accompagné de Planchet; celui-ci, -inquiet de son maître et curieux de savoir ce qui lui était -arrivé, avait profité de la circonstance et apportait les habits -lui-même. - -D'Artagnan s'habilla, Athos en fit autant: puis quand tous deux -furent prêts à sortir, ce dernier fit à Grimaud le signe d'un -homme qui met en joue; celui-ci décrocha aussitôt son mousqueton -et s'apprêta à accompagner son maître. - -Athos et d'Artagnan suivis de leurs valets arrivèrent sans -incident à la rue des Fossoyeurs. Bonacieux était sur la porte, il -regarda d'Artagnan d'un air goguenard. - -«Eh, mon cher locataire! dit-il, hâtez-vous donc, vous avez une -belle jeune fille qui vous attend chez vous, et les femmes, vous -le savez, n'aiment pas qu'on les fasse attendre! - --- C'est Ketty!» s'écria d'Artagnan. - -Et il s'élança dans l'allée. - -Effectivement, sur le carré conduisant à sa chambre, et tapie -contre sa porte, il trouva la pauvre enfant toute tremblante. Dès -qu'elle l'aperçut: - -«Vous m'avez promis votre protection, vous m'avez promis de me -sauver de sa colère, dit-elle; souvenez-vous que c'est vous qui -m'avez perdue! - --- Oui, sans doute, dit d'Artagnan, sois tranquille, Ketty. Mais -qu'est-il arrivé après mon départ? - --- Le sais-je? dit Ketty. Aux cris qu'elle a poussés, les laquais -sont accourus; elle était folle de colère; tout ce qu'il existe -d'imprécations elle les a vomies contre vous. Alors j'ai pensé -qu'elle se rappellerait que c'était par ma chambre que vous aviez -pénétré dans la sienne, et qu'alors elle songerait que j'étais -votre complice; j'ai pris le peu d'argent que j'avais, mes hardes -les plus précieuses, et je me suis sauvée. - --- Pauvre enfant! Mais que vais-je faire de toi? Je pars après- -demain. - --- Tout ce que vous voudrez, Monsieur le chevalier, faites-moi -quitter Paris, faites-moi quitter la France. - --- Je ne puis cependant pas t'emmener avec moi au siège de La -Rochelle, dit d'Artagnan. - --- Non; mais vous pouvez me placer en province, chez quelque dame -de votre connaissance: dans votre pays, par exemple. - --- Ah! ma chère amie! dans mon pays les dames n'ont point de -femmes de chambre. Mais, attends, j'ai ton affaire. Planchet, va -me chercher Aramis: qu'il vienne tout de suite. Nous avons quelque -chose de très important à lui dire. - --- Je comprends, dit Athos; mais pourquoi pas Porthos? Il me -semble que sa marquise... - --- La marquise de Porthos se fait habiller par les clercs de son -mari, dit d'Artagnan en riant. D'ailleurs Ketty ne voudrait pas -demeurer rue aux Ours, n'est-ce pas, Ketty? - --- Je demeurerai où l'on voudra, dit Ketty, pourvu que je sois -bien cachée et que l'on ne sache pas où je suis. - --- Maintenant, Ketty, que nous allons nous séparer, et par -conséquent que tu n'es plus jalouse de moi... - --- Monsieur le chevalier, de loin ou de près, dit Ketty, je vous -aimerai toujours.» - -«Où diable la constance va-t-elle se nicher?» murmura Athos. - -«Moi aussi, dit d'Artagnan, moi aussi, je t'aimerai toujours, sois -tranquille. Mais voyons, réponds-moi. Maintenant j'attache une -grande importance à la question que je te fais: n'aurais-tu jamais -entendu parler d'une jeune dame qu'on aurait enlevée pendant une -nuit. - --- Attendez donc... Oh! mon Dieu! monsieur le chevalier, est-ce -que vous aimez encore cette femme? - --- Non, c'est un de mes amis qui l'aime. Tiens, c'est Athos que -voilà. - --- Moi! s'écria Athos avec un accent pareil à celui d'un homme qui -s'aperçoit qu'il va marcher sur une couleuvre. - --- Sans doute, vous! fit d'Artagnan en serrant la main d'Athos. -Vous savez bien l'intérêt que nous prenons tous à cette pauvre -petite Mme Bonacieux. D'ailleurs Ketty ne dira rien: n'est-ce pas, -Ketty? Tu comprends, mon enfant, continua d'Artagnan, c'est la -femme de cet affreux magot que tu as vu sur le pas de la porte en -entrant ici. - --- Oh! mon Dieu! s'écria Ketty, vous me rappelez ma peur; pourvu -qu'il ne m'ait pas reconnue! - --- Comment, reconnue! tu as donc déjà vu cet homme? - --- Il est venu deux fois chez Milady. - --- C'est cela. Vers quelle époque? - --- Mais il y a quinze ou dix-huit jours à peu près. - --- Justement. - --- Et hier soir il est revenu. - --- Hier soir. - --- Oui, un instant avant que vous vinssiez vous-même. - --- Mon cher Athos, nous sommes enveloppés dans un réseau -d'espions! Et tu crois qu'il t'a reconnue, Ketty? - --- J'ai baissé ma coiffe en l'apercevant, mais peut-être était-il -trop tard. - --- Descendez, Athos, vous dont il se méfie moins que de moi, et -voyez s'il est toujours sur sa porte.» - -Athos descendit et remonta bientôt. - -«Il est parti, dit-il, et la maison est fermée. - --- Il est allé faire son rapport, et dire que tous les pigeons -sont en ce moment au colombier. - --- Eh bien, mais, envolons-nous, dit Athos, et ne laissons ici que -Planchet pour nous rapporter les nouvelles. - --- Un instant! Et Aramis que nous avons envoyé chercher! - --- C'est juste, dit Athos, attendons Aramis. - -En ce moment Aramis entra. - -On lui exposa l'affaire, et on lui dit comment il était urgent que -parmi toutes ses hautes connaissances il trouvât une place à -Ketty. - -Aramis réfléchit un instant, et dit en rougissant: - -«Cela vous rendra-t-il bien réellement service, d'Artagnan? - --- Je vous en serai reconnaissant toute ma vie. - --- Eh bien, Mme de Bois-Tracy m'a demandé, pour une de ses amies -qui habite la province, je crois, une femme de chambre sûre; et si -vous pouvez, mon cher d'Artagnan, me répondre de mademoiselle... - --- Oh! monsieur, s'écria Ketty, je serai toute dévouée, soyez-en -certain, à la personne qui me donnera les moyens de quitter Paris. - --- Alors, dit Aramis, cela va pour le mieux.» - -Il se mit à une table et écrivit un petit mot qu'il cacheta avec -une bague, et donna le billet à Ketty. - -«Maintenant, mon enfant, dit d'Artagnan, tu sais qu'il ne fait pas -meilleur ici pour nous que pour toi. Ainsi séparons-nous. Nous -nous retrouverons dans des jours meilleurs. - --- Et dans quelque temps que nous nous retrouvions et dans quelque -lieu que ce soit, dit Ketty, vous me retrouverez vous aimant -encore comme je vous aime aujourd'hui.» - -«Serment de joueur», dit Athos pendant que d'Artagnan allait -reconduire Ketty sur l'escalier. - -Un instant après, les trois jeunes gens se séparèrent en prenant -rendez-vous à quatre heures chez Athos et en laissant Planchet -pour garder la maison. - -Aramis rentra chez lui, et Athos et d'Artagnan s'inquiétèrent du -placement du saphir. - -Comme l'avait prévu notre Gascon, on trouva facilement trois cents -pistoles sur la bague. De plus, le juif annonça que si on voulait -la lui vendre, comme elle lui ferait un pendant magnifique pour -des boucles d'oreilles, il en donnerait jusqu'à cinq cents -pistoles. - -Athos et d'Artagnan, avec l'activité de deux soldats et la science -de deux connaisseurs, mirent trois heures à peine à acheter tout -l'équipement du mousquetaire. D'ailleurs Athos était de bonne -composition et grand seigneur jusqu'au bout des ongles. Chaque -fois qu'une chose lui convenait, il payait le prix demandé sans -essayer même d'en rabattre. D'Artagnan voulait bien là-dessus -faire ses observations, mais Athos lui posait la main sur l'épaule -en souriant, et d'Artagnan comprenait que c'était bon pour lui, -petit gentilhomme gascon, de marchander, mais non pour un homme -qui avait les airs d'un prince. - -Le mousquetaire trouva un superbe cheval andalou, noir comme du -jais, aux narines de feu, aux jambes fines et élégantes, qui -prenait six ans. Il l'examina et le trouva sans défaut. On le lui -fit mille livres. - -Peut-être l'eût-il eu pour moins; mais tandis que d'Artagnan -discutait sur le prix avec le maquignon, Athos comptait les cent -pistoles sur la table. - -Grimaud eut un cheval picard, trapu et fort, qui coûta trois cents -livres. - -Mais la selle de ce dernier cheval et les armes de Grimaud -achetées, il ne restait plus un sou des cent cinquante pistoles -d'Athos. D'Artagnan offrit à son ami de mordre une bouchée dans la -part qui lui revenait, quitte à lui rendre plus tard ce qu'il lui -aurait emprunté. - -Mais Athos, pour toute réponse, se contenta de hausser les -épaules. - -«Combien le juif donnait-il du saphir pour l'avoir en toute -propriété? demanda Athos. - --- Cinq cents pistoles. - --- C'est-à-dire, deux cents pistoles de plus; cent pistoles pour -vous, cent pistoles pour moi. Mais c'est une véritable fortune, -cela, mon ami, retournez chez le juif. - --- Comment, vous voulez... - --- Cette bague, décidément, me rappellerait de trop tristes -souvenirs; puis nous n'aurons jamais trois cents pistoles à lui -rendre, de sorte que nous perdrions deux mille livres à ce marché. -Allez lui dire que la bague est à lui, d'Artagnan, et revenez avec -les deux cents pistoles. - --- Réfléchissez, Athos. - --- L'argent comptant est cher par le temps qui court, et il faut -savoir faire des sacrifices. Allez, d'Artagnan, allez; Grimaud -vous accompagnera avec son mousqueton.» - -Une demi-heure après, d'Artagnan revint avec les deux mille livres -et sans qu'il lui fût arrivé aucun accident. - -Ce fut ainsi qu'Athos trouva dans son ménage des ressources -auxquelles il ne s'attendait pas. - - -CHAPITRE XXXIX -UNE VISION - -À quatre heures, les quatre amis étaient donc réunis chez Athos. -Leurs préoccupations sur l'équipement avaient tout à fait disparu, -et chaque visage ne conservait plus l'expression que de ses -propres et secrètes inquiétudes; car derrière tout bonheur présent -est cachée une crainte à venir. - -Tout à coup Planchet entra apportant deux lettres à l'adresse de -d'Artagnan. - -L'une était un petit billet gentiment plié en long avec un joli -cachet de cire verte sur lequel était empreinte une colombe -rapportant un rameau vert. - -L'autre était une grande épître carrée et resplendissante des -armes terribles de Son Éminence le cardinal-duc. - -À la vue de la petite lettre, le coeur de d'Artagnan bondit, car -il avait cru reconnaître l'écriture; et quoiqu'il n'eût vu cette -écriture qu'une fois, la mémoire en était restée au plus profond -de son coeur. - -Il prit donc la petite épître et la décacheta vivement. - -«Promenez-vous, lui disait-on, mercredi prochain, de six heures à -sept heures du soir, sur la route de Chaillot, et regardez avec -soin dans les carrosses qui passeront, mais si vous tenez à votre -vie et à celle des gens qui vous aiment, ne dites pas un mot, ne -faites pas un mouvement qui puisse faire croire que vous avez -reconnu celle qui s'expose à tout pour vous apercevoir un -instant.» - -Pas de signature. - -«C'est un piège, dit Athos, n'y allez pas, d'Artagnan. - --- Cependant, dit d'Artagnan, il me semble bien reconnaître -l'écriture. - --- Elle est peut-être contrefaite, reprit Athos; à six ou sept -heures, dans ce temps-ci, la route de Chaillot est tout à fait -déserte: autant que vous alliez vous promener dans la forêt de -Bondy. - --- Mais si nous y allions tous! dit d'Artagnan; que diable! on ne -nous dévorera point tous les quatre; plus, quatre laquais; plus, -les chevaux; plus, les armes. - --- Puis ce sera une occasion de montrer nos équipages, dit -Porthos. - --- Mais si c'est une femme qui écrit, dit Aramis, et que cette -femme désire ne pas être vue, songez que vous la compromettez, -d'Artagnan: ce qui est mal de la part d'un gentilhomme. - --- Nous resterons en arrière, dit Porthos, et lui seul s'avancera. - --- Oui, mais un coup de pistolet est bientôt tiré d'un carrosse -qui marche au galop. - --- Bah! dit d'Artagnan, on me manquera. Nous rejoindrons alors le -carrosse, et nous exterminerons ceux qui se trouvent dedans. Ce -sera toujours autant d'ennemis de moins. - --- Il a raison, dit Porthos; bataille; il faut bien essayer nos -armes d'ailleurs. - --- Bah! donnons-nous ce plaisir, dit Aramis de son air doux et -nonchalant. - --- Comme vous voudrez, dit Athos. - --- Messieurs, dit d'Artagnan, il est quatre heures et demie, et -nous avons le temps à peine d'être à six heures sur la route de -Chaillot. - --- Puis, si nous sortions trop tard, dit Porthos, on ne nous -verrait pas, ce qui serait dommage. Allons donc nous apprêter, -messieurs. - --- Mais cette seconde lettre, dit Athos, vous l'oubliez; il me -semble que le cachet indique cependant qu'elle mérite bien d'être -ouverte: quant à moi, je vous déclare, mon cher d'Artagnan, que je -m'en soucie bien plus que du petit brimborion que vous venez tout -doucement de glisser sur votre coeur.» - -D'Artagnan rougit. - -«Eh bien, dit le jeune homme, voyons, messieurs, ce que me veut -Son Éminence.» - -Et d'Artagnan décacheta la lettre et lut: - -«M. d'Artagnan, garde du roi, compagnie des Essarts, est attendu -au Palais-Cardinal ce soir à huit heures. - -«La Houdinière, - -«Capitaine des gardes.» - -«Diable! dit Athos, voici un rendez-vous bien autrement inquiétant -que l'autre. - --- J'irai au second en sortant du premier, dit d'Artagnan: l'un -est pour sept heures, l'autre pour huit; il y aura temps pour -tout. - --- Hum! je n'irais pas, dit Aramis: un galant chevalier ne peut -manquer à un rendez-vous donné par une dame; mais un gentilhomme -prudent peut s'excuser de ne pas se rendre chez Son Éminence, -surtout lorsqu'il a quelque raison de croire que ce n'est pas pour -y recevoir des compliments. - --- Je suis de l'avis d'Aramis, dit Porthos. - --- Messieurs, répondit d'Artagnan, j'ai déjà reçu par M. de Cavois -pareille invitation de Son Éminence, je l'ai négligée, et le -lendemain il m'est arrivé un grand malheur! Constance a disparu; -quelque chose qui puisse advenir, j'irai. - --- Si c'est un parti pris, dit Athos, faites. - --- Mais la Bastille? dit Aramis. - --- Bah! vous m'en tirerez, reprit d'Artagnan. - --- Sans doute, reprirent Aramis et Porthos avec un aplomb -admirable et comme si c'était la chose la plus simple, sans doute -nous vous en tirerons; mais, en attendant, comme nous devons -partir après-demain, vous feriez mieux de ne pas risquer cette -Bastille. - --- Faisons mieux, dit Athos, ne le quittons pas de la soirée, -attendons-le chacun à une porte du palais avec trois mousquetaires -derrière nous; si nous voyons sortir quelque voiture à portière -fermée et à demi suspecte, nous tomberons dessus. Il y a longtemps -que nous n'avons eu maille à partir avec les gardes de M. le -cardinal, et M. de Tréville doit nous croire morts. - --- Décidément, Athos, dit Aramis, vous étiez fait pour être -général d'armée; que dites-vous du plan, messieurs? - --- Admirable! répétèrent en choeur les jeunes gens. - --- Eh bien, dit Porthos, je cours à l'hôtel, je préviens nos -camarades de se tenir prêts pour huit heures, le rendez-vous sera -sur la place du Palais-Cardinal; vous, pendant ce temps, faites -seller les chevaux par les laquais. - --- Mais moi, je n'ai pas de cheval, dit d'Artagnan; mais je vais -en faire prendre un chez M. de Tréville. - --- C'est inutile, dit Aramis, vous prendrez un des miens. - --- Combien en avez-vous donc? demanda d'Artagnan. - --- Trois, répondit en souriant Aramis. - --- Mon cher! dit Athos, vous êtes certainement le poète le mieux -monté de France et de Navarre. - --- Écoutez, mon cher Aramis, vous ne saurez que faire de trois -chevaux, n'est-ce pas? je ne comprends pas même que vous ayez -acheté trois chevaux. - --- Aussi, je n'en ai acheté que deux, dit Aramis. - --- Le troisième vous est donc tombé du ciel? - --- Non, le troisième m'a été amené ce matin même par un domestique -sans livrée qui n'a pas voulu me dire à qui il appartenait et qui -m'a affirmé avoir reçu l'ordre de son maître... - --- Ou de sa maîtresse, interrompit d'Artagnan. - --- La chose n'y fait rien, dit Aramis en rougissant... et qui m'a -affirmé, dis-je, avoir reçu l'ordre de sa maîtresse de mettre ce -cheval dans mon écurie sans me dire de quelle part il venait. - --- Il n'y a qu'aux poètes que ces choses-là arrivent, reprit -gravement Athos. - --- Eh bien, en ce cas, faisons mieux, dit d'Artagnan; lequel des -deux chevaux monterez-vous: celui que vous avez acheté, ou celui -qu'on vous a donné? - --- Celui que l'on m'a donné sans contredit; vous comprenez, -d'Artagnan, que je ne puis faire cette injure... - --- Au donateur inconnu, reprit d'Artagnan. - --- Ou à la donatrice mystérieuse, dit Athos. - --- Celui que vous avez acheté vous devient donc inutile? - --- À peu près. - --- Et vous l'avez choisi vous-même? - --- Et avec le plus grand soin; la sûreté du cavalier, vous le -savez, dépend presque toujours de son cheval! - --- Eh bien, cédez-le-moi pour le prix qu'il vous a coûté! - --- J'allais vous l'offrir, mon cher d'Artagnan, en vous donnant -tout le temps qui vous sera nécessaire pour me rendre cette -bagatelle. - --- Et combien vous coûte-t-il? - --- Huit cents livres. - --- Voici quarante doubles pistoles, mon cher ami, dit d'Artagnan -en tirant la somme de sa poche; je sais que c'est la monnaie avec -laquelle on vous paie vos poèmes. - --- Vous êtes donc en fonds? dit Aramis. - --- Riche, richissime, mon cher!» - -Et d'Artagnan fit sonner dans sa poche le reste de ses pistoles. - -«Envoyez votre selle à l'Hôtel des Mousquetaires, et l'on vous -amènera votre cheval ici avec les nôtres. - --- Très bien; mais il est bientôt cinq heures, hâtons-nous.» - -Un quart d'heure après, Porthos apparut à un bout de la rue Férou -sur un genet magnifique; Mousqueton le suivait sur un cheval -d'Auvergne, petit, mais solide. Porthos resplendissait de joie et -d'orgueil. - -En même temps Aramis apparut à l'autre bout de la rue monté sur un -superbe coursier anglais; Bazin le suivait sur un cheval rouan, -tenant en laisse un vigoureux mecklembourgeois: c'était la monture -de d'Artagnan. - -Les deux mousquetaires se rencontrèrent à la porte: Athos et -d'Artagnan les regardaient par la fenêtre. - -«Diable! dit Aramis, vous avez là un superbe cheval, mon cher -Porthos. - --- Oui, répondit Porthos; c'est celui qu'on devait m'envoyer tout -d'abord: une mauvaise plaisanterie du mari lui a substitué -l'autre; mais le mari a été puni depuis et j'ai obtenu toute -satisfaction.» - -Planchet et Grimaud parurent alors à leur tour, tenant en main les -montures de leurs maîtres; d'Artagnan et Athos descendirent, se -mirent en selle près de leurs compagnons, et tous quatre se mirent -en marche: Athos sur le cheval qu'il devait à sa femme, Aramis sur -le cheval qu'il devait à sa maîtresse, Porthos sur le cheval qu'il -devait à sa procureuse, et d'Artagnan sur le cheval qu'il devait à -sa bonne fortune, la meilleure maîtresse qui soit. - -Les valets suivirent. - -Comme l'avait pensé Porthos, la cavalcade fit bon effet; et si -Mme Coquenard s'était trouvée sur le chemin de Porthos et eût pu -voir quel grand air il avait sur son beau genet d'Espagne, elle -n'aurait pas regretté la saignée qu'elle avait faite au coffre- -fort de son mari. - -Près du Louvre les quatre amis rencontrèrent M. de Tréville qui -revenait de Saint-Germain; il les arrêta pour leur faire -compliment sur leur équipage, ce qui en un instant amena autour -d'eux quelques centaines de badauds. - -D'Artagnan profita de la circonstance pour parler à M. de Tréville -de la lettre au grand cachet rouge et aux armes ducales; il est -bien entendu que de l'autre il n'en souffla point mot. - -M. de Tréville approuva la résolution qu'il avait prise, et -l'assura que, si le lendemain il n'avait pas reparu, il saurait -bien le retrouver, lui, partout où il serait. - -En ce moment, l'horloge de la Samaritaine sonna six heures; les -quatre amis s'excusèrent sur un rendez-vous, et prirent congé de -M. de Tréville. - -Un temps de galop les conduisit sur la route de Chaillot; le jour -commençait à baisser, les voitures passaient et repassaient; -d'Artagnan, gardé à quelques pas par ses amis, plongeait ses -regards jusqu'au fond des carrosses, et n'y apercevait aucune -figure de connaissance. - -Enfin, après un quart d'heure d'attente et comme le crépuscule -tombait tout à fait, une voiture apparut, arrivant au grand galop -par la route de Sèvres; un pressentiment dit d'avance à d'Artagnan -que cette voiture renfermait la personne qui lui avait donné -rendez-vous: le jeune homme fut tout étonné lui-même de sentir son -coeur battre si violemment. Presque aussitôt une tête de femme -sortit par la portière, deux doigts sur la bouche, comme pour -recommander le silence, ou comme pour envoyer un baiser; -d'Artagnan poussa un léger cri de joie, cette femme, ou plutôt -cette apparition, car la voiture était passée avec la rapidité -d'une vision, était Mme Bonacieux. - -Par un mouvement involontaire, et malgré la recommandation faite, -d'Artagnan lança son cheval au galop et en quelques bonds -rejoignit la voiture; mais la glace de la portière était -hermétiquement fermée: la vision avait disparu. - -D'Artagnan se rappela alors cette recommandation: «Si vous tenez à -votre vie et à celle des personnes qui vous aiment, demeurez -immobile et comme si vous n'aviez rien vu.» - -Il s'arrêta donc, tremblant non pour lui, mais pour la pauvre -femme qui évidemment s'était exposée à un grand péril en lui -donnant ce rendez-vous. - -La voiture continua sa route toujours marchant à fond de train, -s'enfonça dans Paris et disparut. - -D'Artagnan était resté interdit à la même place et ne sachant que -penser. Si c'était Mme Bonacieux et si elle revenait à Paris, -pourquoi ce rendez-vous fugitif, pourquoi ce simple échange d'un -coup d'oeil, pourquoi ce baiser perdu? Si d'un autre côté ce -n'était pas elle, ce qui était encore bien possible, car le peu de -jour qui restait rendait une erreur facile, si ce n'était pas -elle, ne serait-ce pas le commencement d'un coup de main monté -contre lui avec l'appât de cette femme pour laquelle on -connaissait son amour? - -Les trois compagnons se rapprochèrent de lui. Tous trois avaient -parfaitement vu une tête de femme apparaître à la portière, mais -aucun d'eux, excepté Athos, ne connaissait Mme Bonacieux. L'avis -d'Athos, au reste, fut que c'était bien elle; mais moins préoccupé -que d'Artagnan de ce joli visage, il avait cru voir une seconde -tête, une tête d'homme au fond de la voiture. - -«S'il en est ainsi, dit d'Artagnan, ils la transportent sans doute -d'une prison dans une autre. Mais que veulent-ils donc faire de -cette pauvre créature, et comment la rejoindrai-je jamais? - --- Ami, dit gravement Athos, rappelez-vous que les morts sont les -seuls qu'on ne soit pas exposé à rencontrer sur la terre. Vous en -savez quelque chose ainsi que moi, n'est-ce pas? Or, si votre -maîtresse n'est pas morte, si c'est elle que nous venons de voir, -vous la retrouverez un jour ou l'autre. Et peut-être, mon Dieu, -ajouta-t-il avec un accent misanthropique qui lui était propre, -peut être plus tôt que vous ne voudrez.» - -Sept heures et demie sonnèrent, la voiture était en retard d'une -vingtaine de minutes sur le rendez-vous donné. Les amis de -d'Artagnan lui rappelèrent qu'il avait une visite à faire, tout en -lui faisant observer qu'il était encore temps de s'en dédire. - -Mais d'Artagnan était à la fois entêté et curieux. Il avait mis -dans sa tête qu'il irait au Palais-Cardinal, et qu'il saurait ce -que voulait lui dire Son Éminence. Rien ne put le faire changer de -résolution. - -On arriva rue Saint-Honoré, et place du Palais-Cardinal on trouva -les douze mousquetaires convoqués qui se promenaient en attendant -leurs camarades. Là seulement, on leur expliqua ce dont il était -question. - -D'Artagnan était fort connu dans l'honorable corps des -mousquetaires du roi, où l'on savait qu'il prendrait un jour sa -place; on le regardait donc d'avance comme un camarade. Il résulta -de ces antécédents que chacun accepta de grand coeur la mission -pour laquelle il était convié; d'ailleurs il s'agissait, selon -toute probabilité, de jouer un mauvais tour à M. le cardinal et à -ses gens, et pour de pareilles expéditions, ces dignes -gentilshommes étaient toujours prêts. - -Athos les partagea donc en trois groupes, prit le commandement de -l'un, donna le second à Aramis et le troisième à Porthos, puis -chaque groupe alla s'embusquer en face d'une sortie. - -D'Artagnan, de son côté, entra bravement par la porte principale. - -Quoiqu'il se sentît vigoureusement appuyé, le jeune homme n'était -pas sans inquiétude en montant pas à pas le grand escalier. Sa -conduite avec Milady ressemblait tant soit peu à une trahison, et -il se doutait des relations politiques qui existaient entre cette -femme et le cardinal; de plus, de Wardes, qu'il avait si mal -accommodé, était des fidèles de Son Éminence, et d'Artagnan savait -que si Son Éminence était terrible à ses ennemis, elle était fort -attachée à ses amis. - -«Si de Wardes a raconté toute notre affaire au cardinal, ce qui -n'est pas douteux, et s'il m'a reconnu, ce qui est probable, je -dois me regarder à peu près comme un homme condamné, disait -d'Artagnan en secouant la tête. Mais pourquoi a-t-il attendu -jusqu'aujourd'hui? C'est tout simple, Milady aura porté plainte -contre moi avec cette hypocrite douleur qui la rend si -intéressante, et ce dernier crime aura fait déborder le vase. - -«Heureusement, ajouta-t-il, mes bons amis sont en bas, et ils ne -me laisseront pas emmener sans me défendre. Cependant la compagnie -des mousquetaires de M. de Tréville ne peut pas faire à elle seule -la guerre au cardinal, qui dispose des forces de toute la France, -et devant lequel la reine est sans pouvoir et le roi sans volonté. -D'Artagnan, mon ami, tu es brave, tu as d'excellentes qualités, -mais les femmes te perdront!» - -Il en était à cette triste conclusion lorsqu'il entra dans -l'antichambre. Il remit sa lettre à l'huissier de service qui le -fit passer dans la salle d'attente et s'enfonça dans l'intérieur -du palais. - -Dans cette salle d'attente étaient cinq ou six gardes de M. le -cardinal, qui, reconnaissant d'Artagnan et sachant que c'était lui -qui avait blessé Jussac, le regardèrent en souriant d'un singulier -sourire. - -Ce sourire parut à d'Artagnan d'un mauvais augure; seulement, -comme notre Gascon n'était pas facile à intimider, ou que plutôt, -grâce à un grand orgueil naturel aux gens de son pays, il ne -laissait pas voir facilement ce qui se passait dans son âme, quand -ce qui s'y passait ressemblait à de la crainte, il se campa -fièrement devant MM. les gardes et attendit la main sur la hanche, -dans une attitude qui ne manquait pas de majesté. - -L'huissier rentra et fit signe à d'Artagnan de le suivre. Il -sembla au jeune homme que les gardes, en le regardant s'éloigner, -chuchotaient entre eux. - -Il suivit un corridor, traversa un grand salon, entra dans une -bibliothèque, et se trouva en face d'un homme assis devant un -bureau et qui écrivait. - -L'huissier l'introduisit et se retira sans dire une parole. -D'Artagnan crut d'abord qu'il avait affaire à quelque juge -examinant son dossier, mais il s'aperçut que l'homme de bureau -écrivait ou plutôt corrigeait des lignes d'inégales longueurs, en -scandant des mots sur ses doigts; il vit qu'il était en face d'un -poète. Au bout d'un instant, le poète ferma son manuscrit sur la -couverture duquel était écrit: _Mirame_, tragédie en cinq actes, -et leva la tête. - -D'Artagnan reconnut le cardinal. - - -CHAPITRE XL -LE CARDINAL - -Le cardinal appuya son coude sur son manuscrit, sa joue sur sa -main, et regarda un instant le jeune homme. Nul n'avait l'oeil -plus profondément scrutateur que le cardinal de Richelieu, et -d'Artagnan sentit ce regard courir par ses veines comme une -fièvre. - -Cependant il fit bonne contenance, tenant son feutre à la main, et -attendant le bon plaisir de Son Éminence, sans trop d'orgueil, -mais aussi sans trop d'humilité. - -«Monsieur, lui dit le cardinal, êtes-vous un d'Artagnan du Béarn? - --- Oui, Monseigneur, répondit le jeune homme. - --- Il y a plusieurs branches de d'Artagnan à Tarbes et dans les -environs, dit le cardinal, à laquelle appartenez-vous? - --- Je suis le fils de celui qui a fait les guerres de religion -avec le grand roi Henri, père de Sa Gracieuse Majesté. - --- C'est bien cela. C'est vous qui êtes parti, il y a sept à huit -mois à peu près, de votre pays, pour venir chercher fortune dans -la capitale? - --- Oui, Monseigneur. - --- Vous êtes venu par Meung, où il vous est arrivé quelque chose, -je ne sais plus trop quoi, mais enfin quelque chose. - -Monseigneur, dit d'Artagnan, voici ce qui m'est arrivé... - --- Inutile, inutile, reprit le cardinal avec un sourire qui -indiquait qu'il connaissait l'histoire aussi bien que celui qui -voulait la lui raconter; vous étiez recommandé à M. de Tréville, -n'est-ce pas? - --- Oui, Monseigneur; mais justement, dans cette malheureuse -affaire de Meung... - --- La lettre avait été perdue, reprit l'Éminence; oui, je sais -cela; mais M. de Tréville est un habile physionomiste qui connaît -les hommes à la première vue, et il vous a placé dans la compagnie -de son beau-frère, M. des Essarts, en vous laissant espérer qu'un -jour ou l'autre vous entreriez dans les mousquetaires. - --- Monseigneur est parfaitement renseigné, dit d'Artagnan. - -Depuis ce temps-là, il vous est arrivé bien des choses: vous vous -êtes promené derrière les Chartreux, un jour qu'il eût mieux valu -que vous fussiez ailleurs; puis, vous avez fait avec vos amis un -voyage aux eaux de Forges; eux se sont arrêtés en route; mais -vous, vous avez continué votre chemin. C'est tout simple, vous -aviez des affaires en Angleterre. - --- Monseigneur, dit d'Artagnan tout interdit, j'allais... - --- À la chasse, à Windsor, ou ailleurs, cela ne regarde personne. -Je sais cela, moi, parce que mon état est de tout savoir. À votre -retour, vous avez été reçu par une auguste personne, et je vois -avec plaisir que vous avez conservé le souvenir qu'elle vous a -donné.» - --- D'Artagnan porta la main au diamant qu'il tenait de la reine, -et en tourna vivement le chaton en dedans; mais il était trop -tard. - -«Le lendemain de ce jour vous avez reçu la visite de Cavois, -reprit le cardinal; il allait vous prier de passer au palais; -cette visite vous ne la lui avez pas rendue, et vous avez eu tort. - --- Monseigneur, je craignais d'avoir encouru la disgrâce de Votre -Éminence. - --- Eh! pourquoi cela, monsieur? pour avoir suivi les ordres de vos -supérieurs avec plus d'intelligence et de courage que ne l'eût -fait un autre, encourir ma disgrâce quand vous méritiez des -éloges! Ce sont les gens qui n'obéissent pas que je punis, et non -pas ceux qui, comme vous, obéissent... trop bien... Et, la preuve, -rappelez-vous la date du jour où je vous avais fait dire de me -venir voir, et cherchez dans votre mémoire ce qui est arrivé le -soir même.» - -C'était le soir même qu'avait eu lieu l'enlèvement de -Mme Bonacieux. D'Artagnan frissonna; et il se rappela qu'une demi- -heure auparavant la pauvre femme était passée près de lui, sans -doute encore emportée par la même puissance qui l'avait fait -disparaître. - -«Enfin, continua le cardinal, comme je n'entendais pas parler de -vous depuis quelque temps, j'ai voulu savoir ce que vous faisiez. -D'ailleurs, vous me devez bien quelque remerciement: vous avez -remarqué vous-même combien vous avez été ménagé dans toutes les -circonstances. - -D'Artagnan s'inclina avec respect. - -«Cela, continua le cardinal, partait non seulement d'un sentiment -d'équité naturelle, mais encore d'un plan que je m'étais tracé à -votre égard. - -D'Artagnan était de plus en plus étonné. - -«Je voulais vous exposer ce plan le jour où vous reçûtes ma -première invitation; mais vous n'êtes pas venu. Heureusement, rien -n'est perdu pour ce retard, et aujourd'hui vous allez l'entendre. -Asseyez-vous là, devant moi, monsieur d'Artagnan: vous êtes assez -bon gentilhomme pour ne pas écouter debout.» - -Et le cardinal indiqua du doigt une chaise au jeune homme, qui -était si étonné de ce qui se passait, que, pour obéir, il attendit -un second signe de son interlocuteur. - -«Vous êtes brave, monsieur d'Artagnan, continua l'Éminence; vous -êtes prudent, ce qui vaut mieux. J'aime les hommes de tête et de -coeur, moi; ne vous effrayez pas, dit-il en souriant, par les -hommes de coeur, j'entends les hommes de courage; mais, tout jeune -que vous êtes, et à peine entrant dans le monde, vous avez des -ennemis puissants: si vous n'y prenez garde, ils vous perdront! - --- Hélas! Monseigneur, répondit le jeune homme, ils le feront bien -facilement, sans doute; car ils sont forts et bien appuyés, tandis -que moi je suis seul! - --- Oui, c'est vrai; mais, tout seul que vous êtes, vous avez déjà -fait beaucoup, et vous ferez encore plus, je n'en doute pas. -Cependant, vous avez, je le crois, besoin d'être guidé dans -l'aventureuse carrière que vous avez entreprise; car, si je ne me -trompe, vous êtes venu à Paris avec l'ambitieuse idée de faire -fortune. - --- Je suis dans l'âge des folles espérances, Monseigneur, dit -d'Artagnan. - --- Il n'y a de folles espérances que pour les sots, monsieur, et -vous êtes homme d'esprit. Voyons, que diriez-vous d'une enseigne -dans mes gardes, et d'une compagnie après la campagne? - --- Ah! Monseigneur! - --- Vous acceptez, n'est-ce pas? - --- Monseigneur, reprit d'Artagnan d'un air embarrassé. - --- Comment, vous refusez? s'écria le cardinal avec étonnement. - --- Je suis dans les gardes de Sa Majesté, Monseigneur, et je n'ai -point de raisons d'être mécontent. - --- Mais il me semble, dit l'Éminence, que mes gardes, à moi, sont -aussi les gardes de Sa Majesté, et que, pourvu qu'on serve dans un -corps français, on sert le roi. - --- Monseigneur, Votre Éminence a mal compris mes paroles. - --- Vous voulez un prétexte, n'est-ce pas? Je comprends. Eh bien, -ce prétexte, vous l'avez. L'avancement, la campagne qui s'ouvre, -l'occasion que je vous offre, voilà pour le monde; pour vous, le -besoin de protections sûres; car il est bon que vous sachiez, -monsieur d'Artagnan, que j'ai reçu des plaintes graves contre -vous, vous ne consacrez pas exclusivement vos jours et vos nuits -au service du roi.» - -D'Artagnan rougit. - -«Au reste, continua le cardinal en posant la main sur une liasse -de papiers, j'ai là tout un dossier qui vous concerne; mais avant -de le lire, j'ai voulu causer avec vous. Je vous sais homme -de résolution et vos services bien dirigés, au lieu de vous mener -à mal pourraient vous rapporter beaucoup. Allons, réfléchissez, et -décidez-vous. - --- Votre bonté me confond, Monseigneur, répondit d'Artagnan, et je -reconnais dans Votre Éminence une grandeur d'âme qui me fait petit -comme un ver de terre; mais enfin, puisque Monseigneur me permet -de lui parler franchement...» - -D'Artagnan s'arrêta. - -«Oui, parlez. - --- Eh bien, je dirai à Votre Éminence que tous mes amis sont aux -mousquetaires et aux gardes du roi, et que mes ennemis, par une -fatalité inconcevable, sont à Votre Éminence; je serais donc mal -venu ici et mal regardé là-bas, si j'acceptais ce que m'offre -Monseigneur. - --- Auriez-vous déjà cette orgueilleuse idée que je ne vous offre -pas ce que vous valez, monsieur? dit le cardinal avec un sourire -de dédain. - --- Monseigneur, Votre Éminence est cent fois trop bonne pour moi, -et au contraire je pense n'avoir point encore fait assez pour être -digne de ses bontés. Le siège de La Rochelle va s'ouvrir, -Monseigneur; je servirai sous les yeux de Votre Éminence, et si -j'ai le bonheur de me conduire à ce siège de telle façon que je -mérite d'attirer ses regards, eh bien, après j'aurai au moins -derrière moi quelque action d'éclat pour justifier la protection -dont elle voudra bien m'honorer. Toute chose doit se faire à son -temps, Monseigneur; peut-être plus tard aurai-je le droit de me -donner, à cette heure j'aurais l'air de me vendre. - --- C'est-à-dire que vous refusez de me servir, monsieur, dit le -cardinal avec un ton de dépit dans lequel perçait cependant une -sorte d'estime; demeurez donc libre et gardez vos haines et vos -sympathies. - --- Monseigneur... - --- Bien, bien, dit le cardinal, je ne vous en veux pas, mais vous -comprenez, on a assez de défendre ses amis et de les récompenser, -on ne doit rien à ses ennemis, et cependant je vous donnerai un -conseil: tenez-vous bien, monsieur d'Artagnan, car, du moment que -j'aurai retiré ma main de dessus vous, je n'achèterai pas votre -vie pour une obole. - --- J'y tâcherai, Monseigneur, répondit le Gascon avec une noble -assurance. - --- Songez plus tard, et à un certain moment, s'il vous arrive -malheur, dit Richelieu avec intention, que c'est moi qui ai été -vous chercher, et que j'ai fait ce que j'ai pu pour que ce malheur -ne vous arrivât pas. - --- J'aurai, quoi qu'il arrive, dit d'Artagnan en mettant la main -sur sa poitrine et en s'inclinant, une éternelle reconnaissance à -Votre Éminence de ce qu'elle fait pour moi en ce moment. - --- Eh bien donc! comme vous l'avez dit, monsieur d'Artagnan, nous -nous reverrons après la campagne; je vous suivrai des yeux; car je -serai là-bas, reprit le cardinal en montrant du doigt à d'Artagnan -une magnifique armure qu'il devait endosser, et à notre retour, eh -bien, nous compterons! - --- Ah! Monseigneur, s'écria d'Artagnan, épargnez-moi le poids de -votre disgrâce; restez neutre, Monseigneur, si vous trouvez que -j'agis en galant homme. - --- Jeune homme, dit Richelieu, si je puis vous dire encore une -fois ce que je vous ai dit aujourd'hui, je vous promets de vous le -dire.» - -Cette dernière parole de Richelieu exprimait un doute terrible; -elle consterna d'Artagnan plus que n'eût fait une menace, car -c'était un avertissement. Le cardinal cherchait donc à le -préserver de quelque malheur qui le menaçait. Il ouvrit la bouche -pour répondre, mais d'un geste hautain, le cardinal le congédia. - -D'Artagnan sortit; mais à la porte le coeur fut prêt à lui -manquer, et peu s'en fallut qu'il ne rentrât. Cependant la figure -grave et sévère d'Athos lui apparut: s'il faisait avec le cardinal -le pacte que celui-ci lui proposait, Athos ne lui donnerait plus -la main, Athos le renierait. - -Ce fut cette crainte qui le retint, tant est puissante l'influence -d'un caractère vraiment grand sur tout ce qui l'entoure. - -D'Artagnan descendit par le même escalier qu'il était entré, et -trouva devant la porte Athos et les quatre mousquetaires qui -attendaient son retour et qui commençaient à s'inquiéter. D'un mot -d'Artagnan les rassura, et Planchet courut prévenir les autres -postes qu'il était inutile de monter une plus longue garde, -attendu que son maître était sorti sain et sauf du Palais- -Cardinal. - -Rentrés chez Athos, Aramis et Porthos s'informèrent des causes de -cet étrange rendez-vous; mais d'Artagnan se contenta de leur dire -que M. de Richelieu l'avait fait venir pour lui proposer d'entrer -dans ses gardes avec le grade d'enseigne, et qu'il avait refusé. - -«Et vous avez eu raison», s'écrièrent d'une seule voix Porthos et -Aramis. - -Athos tomba dans une profonde rêverie et ne répondit rien. Mais -lorsqu'il fut seul avec d'Artagnan: - -«Vous avez fait ce que vous deviez faire, d'Artagnan, dit Athos, -mais peut-être avez-vous eu tort.» - -D'Artagnan poussa un soupir; car cette voix répondait à une voix -secrète de son âme, qui lui disait que de grands malheurs -l'attendaient. - -La journée du lendemain se passa en préparatifs de départ; -d'Artagnan alla faire ses adieux à M. de Tréville. À cette heure -on croyait encore que la séparation des gardes et des -mousquetaires serait momentanée, le roi tenant son parlement le -jour même et devant partir le lendemain. M. de Tréville se -contenta donc de demander à d'Artagnan s'il avait besoin de lui, -mais d'Artagnan répondit fièrement qu'il avait tout ce qu'il lui -fallait. - -La nuit réunit tous les camarades de la compagnie des gardes de -M. des Essarts et de la compagnie des mousquetaires de -M. de Tréville, qui avaient fait amitié ensemble. On se quittait -pour se revoir quand il plairait à Dieu et s'il plaisait à Dieu. -La nuit fut donc des plus bruyantes, comme on peut le penser, car, -en pareil cas, on ne peut combattre l'extrême préoccupation que -par l'extrême insouciance. - -Le lendemain, au premier son des trompettes, les amis se -quittèrent: les mousquetaires coururent à l'hôtel de -M. de Tréville, les gardes à celui de M. des Essarts. Chacun des -capitaines conduisit aussitôt sa compagnie au Louvre, où le roi -passait sa revue. - -Le roi était triste et paraissait malade, ce qui lui ôtait un peu -de sa haute mine. En effet, la veille, la fièvre l'avait pris au -milieu du parlement et tandis qu'il tenait son lit de justice. Il -n'en était pas moins décidé à partir le soir même; et, malgré les -observations qu'on lui avait faites, il avait voulu passer sa -revue, espérant, par le premier coup de vigueur, vaincre la -maladie qui commençait à s'emparer de lui. - -La revue passée, les gardes se mirent seuls en marche, les -mousquetaires ne devant partir qu'avec le roi, ce qui permit à -Porthos d'aller faire, dans son superbe équipage, un tour dans la -rue aux Ours. - -La procureuse le vit passer dans son uniforme neuf et sur son beau -cheval. Elle aimait trop Porthos pour le laisser partir ainsi; -elle lui fit signe de descendre et de venir auprès d'elle. Porthos -était magnifique; ses éperons résonnaient, sa cuirasse brillait, -son épée lui battait fièrement les jambes. Cette fois les clercs -n'eurent aucune envie de rire, tant Porthos avait l'air d'un -coupeur d'oreilles. - -Le mousquetaire fut introduit près de M. Coquenard, dont le petit -oeil gris brilla de colère en voyant son cousin tout flambant -neuf. Cependant une chose le consola intérieurement; c'est qu'on -disait partout que la campagne serait rude: il espérait tout -doucement, au fond du coeur, que Porthos y serait tué. - -Porthos présenta ses compliments à maître Coquenard et lui fit ses -adieux; maître Coquenard lui souhaita toutes sortes de -prospérités. Quant à Mme Coquenard, elle ne pouvait retenir ses -larmes; mais on ne tira aucune mauvaise conséquence de sa douleur, -on la savait fort attachée à ses parents, pour lesquels elle avait -toujours eu de cruelles disputes avec son mari. - -Mais les véritables adieux se firent dans la chambre de -Mme Coquenard: ils furent déchirants. - -Tant que la procureuse put suivre des yeux son amant, elle agita -un mouchoir en se penchant hors de la fenêtre, à croire qu'elle -voulait se précipiter. Porthos reçut toutes ces marques de -tendresse en homme habitué à de pareilles démonstrations. -Seulement, en tournant le coin de la rue, il souleva son feutre et -l'agita en signe d'adieu. - -De son côté, Aramis écrivait une longue lettre. À qui? Personne -n'en savait rien. Dans la chambre voisine, Ketty, qui devait -partir le soir même pour Tours, attendait cette lettre -mystérieuse. - -Athos buvait à petits coups la dernière bouteille de son vin -d'Espagne. - -Pendant ce temps, d'Artagnan défilait avec sa compagnie. - -En arrivant au faubourg Saint-Antoine, il se retourna pour -regarder gaiement la Bastille; mais, comme c'était la Bastille -seulement qu'il regardait, il ne vit point Milady, qui, montée sur -un cheval isabelle, le désignait du doigt à deux hommes de -mauvaise mine qui s'approchèrent aussitôt des rangs pour le -reconnaître. Sur une interrogation qu'ils firent du regard, Milady -répondit par un signe que c'était bien lui. Puis, certaine qu'il -ne pouvait plus y avoir de méprise dans l'exécution de ses ordres, -elle piqua son cheval et disparut. - -Les deux hommes suivirent alors la compagnie, et, à la sortie du -faubourg Saint-Antoine, montèrent sur des chevaux tout préparés -qu'un domestique sans livrée tenait en les attendant. - - -CHAPITRE XLI -LE SIÈGE DE LA ROCHELLE - -Le siège de La Rochelle fut un des grands événements politiques du -règne de Louis XIII, et une des grandes entreprises militaires du -cardinal. Il est donc intéressant, et même nécessaire, que nous en -disions quelques mots; plusieurs détails de ce siège se liant -d'ailleurs d'une manière trop importante à l'histoire que nous -avons entrepris de raconter, pour que nous les passions sous -silence. - -Les vues politiques du cardinal, lorsqu'il entreprit ce siège, -étaient considérables. Exposons-les d'abord, puis nous passerons -aux vues particulières qui n'eurent peut-être pas sur Son Éminence -moins d'influence que les premières. - -Des villes importantes données par Henri IV aux huguenots comme -places de sûreté, il ne restait plus que La Rochelle. Il -s'agissait donc de détruire ce dernier boulevard du calvinisme, -levain dangereux, auquel se venaient incessamment mêler des -ferments de révolte civile ou de guerre étrangère. - -Espagnols, Anglais, Italiens mécontents, aventuriers de toute -nation, soldats de fortune de toute secte accouraient au premier -appel sous les drapeaux des protestants et s'organisaient comme -une vaste association dont les branches divergeaient à loisir sur -tous les points de l'Europe. - -La Rochelle, qui avait pris une nouvelle importance de la ruine -des autres villes calvinistes, était donc le foyer des dissensions -et des ambitions. Il y avait plus, son port était la dernière -porte ouverte aux Anglais dans le royaume de France; et en la -fermant à l'Angleterre, notre éternelle ennemie, le cardinal -achevait l'oeuvre de Jeanne d'Arc et du duc de Guise. - -Aussi Bassompierre, qui était à la fois protestant et catholique, -protestant de conviction et catholique comme commandeur du Saint- -Esprit; Bassompierre, qui était allemand de naissance et français -de coeur; Bassompierre, enfin, qui avait un commandement -particulier au siège de La Rochelle, disait-il, en chargeant à la -tête de plusieurs autres seigneurs protestants comme lui: - -«Vous verrez, messieurs, que nous serons assez bêtes pour prendre -La Rochelle!» - -Et Bassompierre avait raison: la canonnade de l'île de Ré lui -présageait les dragonnades des Cévennes; la prise de La Rochelle -était la préface de la révocation de l'édit de Nantes. - -Mais nous l'avons dit, à côté de ces vues du ministre niveleur et -simplificateur, et qui appartiennent à l'histoire, le chroniqueur -est bien forcé de reconnaître les petites visées de l'homme -amoureux et du rival jaloux. - -Richelieu, comme chacun sait, avait été amoureux de la reine; cet -amour avait-il chez lui un simple but politique ou était-ce tout -naturellement une de ces profondes passions comme en inspira Anne -d'Autriche à ceux qui l'entouraient, c'est ce que nous ne saurions -dire; mais en tout cas on a vu, par les développements antérieurs -de cette histoire, que Buckingham l'avait emporté sur lui, et que, -dans deux ou trois circonstances et particulièrement dans celles -des ferrets, il l'avait, grâce au dévouement des trois -mousquetaires et au courage de d'Artagnan, cruellement mystifié. - -Il s'agissait donc pour Richelieu, non seulement de débarrasser la -France d'un ennemi, mais de se venger d'un rival; au reste, la -vengeance devait être grande et éclatante, et digne en tout d'un -homme qui tient dans sa main, pour épée de combat, les forces de -tout un royaume. - -Richelieu savait qu'en combattant l'Angleterre il combattait -Buckingham, qu'en triomphant de l'Angleterre il triomphait de -Buckingham, enfin qu'en humiliant l'Angleterre aux yeux de -l'Europe il humiliait Buckingham aux yeux de la reine. - -De son côté Buckingham, tout en mettant en avant l'honneur de -l'Angleterre, était mû par des intérêts absolument semblables à -ceux du cardinal; Buckingham aussi poursuivait une vengeance -particulière: sous aucun prétexte, Buckingham n'avait pu rentrer -en France comme ambassadeur, il voulait y rentrer comme -conquérant. - -Il en résulte que le véritable enjeu de cette partie, que les deux -plus puissants royaumes jouaient pour le bon plaisir de deux -hommes amoureux, était un simple regard d'Anne d'Autriche. - -Le premier avantage avait été au duc de Buckingham: arrivé -inopinément en vue de l'île de Ré avec quatre-vingt-dix vaisseaux -et vingt mille hommes à peu près, il avait surpris le comte de -Toiras, qui commandait pour le roi dans l'île; il avait, après un -combat sanglant, opéré son débarquement. - -Relatons en passant que dans ce combat avait péri le baron de -Chantal; le baron de Chantal laissait orpheline une petite fille -de dix-huit mois. - -Cette petite fille fut depuis Mme de Sévigné. - -Le comte de Toiras se retira dans la citadelle Saint-Martin avec -la garnison, et jeta une centaine d'hommes dans un petit fort -qu'on appelait le fort de La Prée. - -Cet événement avait hâté les résolutions du cardinal; et en -attendant que le roi et lui pussent aller prendre le commandement -du siège de La Rochelle, qui était résolu, il avait fait partir -Monsieur pour diriger les premières opérations, et avait fait -filer vers le théâtre de la guerre toutes les troupes dont il -avait pu disposer. - -C'était de ce détachement envoyé en avant-garde que faisait partie -notre ami d'Artagnan. - -Le roi, comme nous l'avons dit, devait suivre, aussitôt son lit de -justice tenu, mais en se levant de ce lit de justice, le 28 juin, -il s'était senti pris par la fièvre; il n'en avait pas moins voulu -partir, mais, son état empirant, il avait été forcé de s'arrêter à -Villeroi. - -Or, où s'arrêtait le roi s'arrêtaient les mousquetaires; il en -résultait que d'Artagnan, qui était purement et simplement dans -les gardes, se trouvait séparé, momentanément du moins, de ses -bons amis Athos, Porthos et Aramis; cette séparation, qui n'était -pour lui qu'une contrariété, fût certes devenue une inquiétude -sérieuse s'il eût pu deviner de quels dangers inconnus il était -entouré. - -Il n'en arriva pas moins sans accident au camp établi devant La -Rochelle, vers le 10 du mois de septembre de l'année 1627. - -Tout était dans le même état: le duc de Buckingham et ses Anglais, -maîtres de l'île de Ré, continuaient d'assiéger mais sans succès, -la citadelle de Saint-Martin et le fort de La Prée, et les -hostilités avec La Rochelle étaient commencées depuis deux ou -trois jours à propos d'un fort que le duc d'Angoulême venait de -faire construire près de la ville. - -Les gardes, sous le commandement de M. des Essarts, avaient leur -logement aux Minimes. - -Mais nous le savons, d'Artagnan, préoccupé de l'ambition de passer -aux mousquetaires, avait rarement fait amitié avec ses camarades; -il se trouvait donc isolé et livré à ses propres réflexions. - -Ses réflexions n'étaient pas riantes: depuis un an qu'il était -arrivé à Paris, il s'était mêlé aux affaires publiques; ses -affaires privées n'avaient pas fait grand chemin comme amour et -comme fortune. - -Comme amour, la seule femme qu'il eût aimée était Mme Bonacieux, -et Mme Bonacieux avait disparu sans qu'il pût découvrir encore ce -qu'elle était devenue. - -Comme fortunes il s'était fait, lui chétif, ennemi du cardinal, -c'est-à-dire d'un homme devant lequel tremblaient les plus grands -du royaume, à commencer par le roi. - -Cet homme pouvait l'écraser, et cependant il ne l'avait pas fait: -pour un esprit aussi perspicace que l'était d'Artagnan, cette -indulgence était un jour par lequel il voyait dans un meilleur -avenir. - -Puis, il s'était fait encore un autre ennemi moins à craindre, -pensait-il, mais que cependant il sentait instinctivement n'être -pas à mépriser: cet ennemi, c'était Milady. - -En échange de tout cela il avait acquis la protection et la -bienveillance de la reine, mais la bienveillance de la reine -était, par le temps qui courait, une cause de plus de persécution; -et sa protection, on le sait, protégeait fort mal: témoins Chalais -et Mme Bonacieux. - -Ce qu'il avait donc gagné de plus clair dans tout cela c'était le -diamant de cinq ou six mille livres qu'il portait au doigt; et -encore ce diamant, en supposant que d'Artagnan dans ses projets -d'ambition, voulût le garder pour s'en faire un jour un signe de -reconnaissance près de la reine n'avait en attendant, puisqu'il ne -pouvait s'en défaire, pas plus de valeur que les cailloux qu'il -foulait à ses pieds. - -Nous disons «que les cailloux qu'il foulait à ses pieds», car -d'Artagnan faisait ces réflexions en se promenant solitairement -sur un joli petit chemin qui conduisait du camp au village -d'Angoutin; or ces réflexions l'avaient conduit plus loin qu'il ne -croyait, et le jour commençait à baisser, lorsqu'au dernier rayon -du soleil couchant il lui sembla voir briller derrière une haie le -canon d'un mousquet. - -D'Artagnan avait l'oeil vif et l'esprit prompt, il comprit que le -mousquet n'était pas venu là tout seul et que celui qui le portait -ne s'était pas caché derrière une haie dans des intentions -amicales. Il résolut donc de gagner au large, lorsque de l'autre -côté de la route, derrière un rocher, il aperçut l'extrémité d'un -second mousquet. - -C'était évidemment une embuscade. - -Le jeune homme jeta un coup d'oeil sur le premier mousquet et vit -avec une certaine inquiétude qu'il s'abaissait dans sa direction, -mais aussitôt qu'il vit l'orifice du canon immobile il se jeta -ventre à terre. En même temps le coup partit, il entendit le -sifflement d'une balle qui passait au-dessus de sa tête. - -Il n'y avait pas de temps à perdre, d'Artagnan se redressa d'un -bond, et au même moment la balle de l'autre mousquet fit voler les -cailloux à l'endroit même du chemin où il s'était jeté la face -contre terre. - -D'Artagnan n'était pas un de ces hommes inutilement braves qui -cherchent une mort ridicule pour qu'on dise d'eux qu'ils n'ont pas -reculé d'un pas, d'ailleurs il ne s'agissait plus de courage ici, -d'Artagnan était tombé dans un guet-apens. - -«S'il y a un troisième coup, se dit-il, je suis un homme perdu!» - -Et aussitôt prenant ses jambes à son cou, il s'enfuit dans la -direction du camp, avec la vitesse des gens de son pays si -renommés pour leur agilité; mais, quelle que fût la rapidité de sa -course, le premier qui avait tiré, ayant eu le temps de recharger -son arme, lui tira un second coup si bien ajusté, cette fois, que -la balle traversa son feutre et le fit voler à dix pas de lui. - -Cependant, comme d'Artagnan n'avait pas d'autre chapeau, il -ramassa le sien tout en courant, arriva fort essoufflé et fort -pâle, dans son logis, s'assit sans rien dire à personne et se mit -à réfléchir. - -Cet événement pouvait avoir trois causes: - -La première et la plus naturelle pouvait être une embuscade des -Rochelois, qui n'eussent pas été fâchés de tuer un des gardes de -Sa Majesté, d'abord parce que c'était un ennemi de moins, et que -cet ennemi pouvait avoir une bourse bien garnie dans sa poche. - -D'Artagnan prit son chapeau, examina le trou de la balle, et -secoua la tête. La balle n'était pas une balle de mousquet, -c'était une balle d'arquebuse; la justesse du coup lui avait déjà -donné l'idée qu'il avait été tiré par une arme particulière: ce -n'était donc pas une embuscade militaire, puisque la balle n'était -pas de calibre. - -Ce pouvait être un bon souvenir de M. le cardinal. On se rappelle -qu'au moment même où il avait, grâce à ce bienheureux rayon de -soleil, aperçu le canon du fusil, il s'étonnait de la longanimité -de Son Éminence à son égard. - -Mais d'Artagnan secoua la tête. Pour les gens vers lesquels elle -n'avait qu'à étendre la main, Son Éminence recourait rarement à de -pareils moyens. - -Ce pouvait être une vengeance de Milady. - -Ceci, c'était plus probable. - -Il chercha inutilement à se rappeler ou les traits ou le costume -des assassins; il s'était éloigné d'eux si rapidement, qu'il -n'avait eu le loisir de rien remarquer. - -«Ah! mes pauvres amis, murmura d'Artagnan, où êtes-vous? et que -vous me faites faute!» - -D'Artagnan passa une fort mauvaise nuit. Trois ou quatre fois il -se réveilla en sursaut, se figurant qu'un homme s'approchait de -son lit pour le poignarder. Cependant le jour parut sans que -l'obscurité eût amené aucun incident. - -Mais d'Artagnan se douta bien que ce qui était différé n'était pas -perdu. - -D'Artagnan resta toute la journée dans son logis; il se donna pour -excuse, vis-à-vis de lui-même, que le temps était mauvais. - -Le surlendemain, à neuf heures, on battit aux champs. Le duc -d'Orléans visitait les postes. Les gardes coururent aux armes, -d'Artagnan prit son rang au milieu de ses camarades. - -Monsieur passa sur le front de bataille; puis tous les officiers -supérieurs s'approchèrent de lui pour lui faire leur cour, M. des -Essarts, le capitaine des gardes, comme les autres. - -Au bout d'un instant il parut à d'Artagnan que M. des Essarts lui -faisait signe de s'approcher de lui: il attendit un nouveau geste -de son supérieur, craignant de se tromper, mais ce geste s'étant -renouvelé, il quitta les rangs et s'avança pour prendre l'ordre. - -«Monsieur va demander des hommes de bonne volonté pour une mission -dangereuse, mais qui fera honneur à ceux qui l'auront accomplie, -et je vous ai fait signe afin que vous vous tinssiez prêt. - --- Merci, mon capitaine!» répondit d'Artagnan, qui ne demandait -pas mieux que de se distinguer sous les yeux du lieutenant -général. - -En effet, les Rochelois avaient fait une sortie pendant la nuit et -avaient repris un bastion dont l'armée royaliste s'était emparée -deux jours auparavant; il s'agissait de pousser une reconnaissance -perdue pour voir comment l'armée gardait ce bastion. - -Effectivement, au bout de quelques instants, Monsieur éleva la -voix et dit: - -«Il me faudrait, pour cette mission, trois ou quatre volontaires -conduits par un homme sûr. - --- Quant à l'homme sûr, je l'ai sous la main, Monseigneur, dit -M. des Essarts en montrant d'Artagnan; et quant aux quatre ou cinq -volontaires, Monseigneur n'a qu'à faire connaître ses intentions, -et les hommes ne lui manqueront pas. - --- Quatre hommes de bonne volonté pour venir se faire tuer avec -moi!» dit d'Artagnan en levant son épée. - -Deux de ses camarades aux gardes s'élancèrent aussitôt, et deux -soldats s'étant joints à eux, il se trouva que le nombre demandé -était suffisant; d'Artagnan refusa donc tous les autres, ne -voulant pas faire de passe-droit à ceux qui avaient la priorité. - -On ignorait si, après la prise du bastion, les Rochelois l'avaient -évacué ou s'ils y avaient laissé garnison; il fallait donc -examiner le lieu indiqué d'assez près pour vérifier la chose. - -D'Artagnan partit avec ses quatre compagnons et suivit la -tranchée: les deux gardes marchaient au même rang que lui et les -soldats venaient par-derrière. - -Ils arrivèrent ainsi, en se couvrant de revêtements, jusqu'à une -centaine de pas du bastion! Là, d'Artagnan, en se retournant, -s'aperçut que les deux soldats avaient disparu. - -Il crut qu'ayant eu peur ils étaient restés en arrière et continua -d'avancer. - -Au détour de la contrescarpe, ils se trouvèrent à soixante pas à -peu près du bastion. - -On ne voyait personne, et le bastion semblait abandonné. - -Les trois enfants perdus délibéraient s'ils iraient plus avant, -lorsque tout à coup une ceinture de fumée ceignit le géant de -pierre, et une douzaine de balles vinrent siffler autour de -d'Artagnan et de ses deux compagnons. - -Ils savaient ce qu'ils voulaient savoir: le bastion était gardé. -Une plus longue station dans cet endroit dangereux eût donc été -une imprudence inutile; d'Artagnan et les deux gardes tournèrent -le dos et commencèrent une retraite qui ressemblait à une fuite. - -En arrivant à l'angle de la tranchée qui allait leur servir de -rempart, un des gardes tomba: une balle lui avait traversé la -poitrine. L'autre, qui était sain et sauf, continua sa course vers -le camp. - -D'Artagnan ne voulut pas abandonner ainsi son compagnon, et -s'inclina vers lui pour le relever et l'aider à rejoindre les -lignes; mais en ce moment deux coups de fusil partirent: une balle -cassa la tête du garde déjà blessé, et l'autre vint s'aplatir sur -le roc après avoir passé à deux pouces de d'Artagnan. - -Le jeune homme se retourna vivement, car cette attaque ne pouvait -venir du bastion, qui était masqué par l'angle de la tranchée. -L'idée des deux soldats qui l'avaient abandonné lui revint à -l'esprit et lui rappela ses assassins de la surveille; il résolut -donc cette fois de savoir à quoi s'en tenir, et tomba sur le corps -de son camarade comme s'il était mort. - -Il vit aussitôt deux têtes qui s'élevaient au-dessus d'un ouvrage -abandonné qui était à trente pas de là: c'étaient celles de nos -deux soldats. D'Artagnan ne s'était pas trompé: ces deux hommes ne -l'avaient suivi que pour l'assassiner, espérant que la mort du -jeune homme serait mise sur le compte de l'ennemi. - -Seulement, comme il pouvait n'être que blessé et dénoncer leur -crime, ils s'approchèrent pour l'achever; heureusement, trompés -par la ruse de d'Artagnan, ils négligèrent de recharger leurs -fusils. - -Lorsqu'ils furent à dix pas de lui, d'Artagnan, qui en tombant -avait eu grand soin de ne pas lâcher son épée, se releva tout à -coup et d'un bond se trouva près d'eux. - -Les assassins comprirent que s'ils s'enfuyaient du côté du camp -sans avoir tué leur homme, ils seraient accusés par lui; aussi -leur première idée fut-elle de passer à l'ennemi. L'un d'eux prit -son fusil par le canon, et s'en servit comme d'une massue: il en -porta un coup terrible à d'Artagnan, qui l'évita en se jetant de -côté, mais par ce mouvement il livra passage au bandit, qui -s'élança aussitôt vers le bastion. Comme les Rochelois qui le -gardaient ignoraient dans quelle intention cet homme venait à eux, -ils firent feu sur lui et il tomba frappé d'une balle qui lui -brisa l'épaule. - -Pendant ce temps, d'Artagnan s'était jeté sur le second soldat, -l'attaquant avec son épée; la lutte ne fut pas longue, ce -misérable n'avait pour se défendre que son arquebuse déchargée; -l'épée du garde glissa contre le canon de l'arme devenue inutile -et alla traverser la cuisse de l'assassin, qui tomba. D'Artagnan -lui mit aussitôt la pointe du fer sur la gorge. - -«Oh! ne me tuez pas! s'écria le bandit; grâce, grâce, mon -officier! et je vous dirai tout. - --- Ton secret vaut-il la peine que je te garde la vie au moins? -demanda le jeune homme en retenant son bras. - --- Oui; si vous estimez que l'existence soit quelque chose quand -on a vingt-deux ans comme vous et qu'on peut arriver à tout, étant -beau et brave comme vous l'êtes. - --- Misérable! dit d'Artagnan, voyons, parle vite, qui t'a chargé -de m'assassiner? - --- Une femme que je ne connais pas, mais qu'on appelle Milady. - --- Mais si tu ne connais pas cette femme, comment sais-tu son nom? - --- Mon camarade la connaissait et l'appelait ainsi, c'est à lui -qu'elle a eu affaire et non pas à moi; il a même dans sa poche une -lettre de cette personne qui doit avoir pour vous une grande -importance, à ce que je lui ai entendu dire. - --- Mais comment te trouves-tu de moitié dans ce guet-apens? - --- Il m'a proposé de faire le coup à nous deux et j'ai accepté. - --- Et combien vous a-t-elle donné pour cette belle expédition? - --- Cent louis. - --- Eh bien, à la bonne heure, dit le jeune homme en riant, elle -estime que je vaux quelque chose; cent louis! c'est une somme pour -deux misérables comme vous: aussi je comprends que tu aies -accepté, et je te fais grâce, mais à une condition! - --- Laquelle? demanda le soldat inquiet en voyant que tout n'était -pas fini. - --- C'est que tu vas aller me chercher la lettre que ton camarade a -dans sa poche. - --- Mais, s'écria le bandit, c'est une autre manière de me tuer; -comment voulez-vous que j'aille chercher cette lettre sous le feu -du bastion? - --- Il faut pourtant que tu te décides à l'aller chercher, ou je te -jure que tu vas mourir de ma main. - --- Grâce, monsieur, pitié! au nom de cette jeune dame que vous -aimez, que vous croyez morte peut-être, et qui ne l'est pas! -s'écria le bandit en se mettant à genoux et s'appuyant sur sa -main, car il commençait à perdre ses forces avec son sang. - --- Et d'où sais-tu qu'il y a une jeune femme que j'aime, et que -j'ai cru cette femme morte? demanda d'Artagnan. - --- Par cette lettre que mon camarade a dans sa poche. - --- Tu vois bien alors qu'il faut que j'aie cette lettre, dit -d'Artagnan; ainsi donc plus de retard, plus d'hésitation, ou -quelle que soit ma répugnance à tremper une seconde fois mon épée -dans le sang d'un misérable comme toi, je le jure par ma foi -d'honnête homme...» - -Et à ces mots d'Artagnan fit un geste si menaçant, que le blessé -se releva. - -«Arrêtez! arrêtez! s'écria-t-il reprenant courage à force de -terreur, j'irai... j'irai!...» - -D'Artagnan prit l'arquebuse du soldat, le fit passer devant lui et -le poussa vers son compagnon en lui piquant les reins de la pointe -de son épée. - -C'était une chose affreuse que de voir ce malheureux, laissant sur -le chemin qu'il parcourait une longue trace de sang, pâle de sa -mort prochaine, essayant de se traîner sans être vu jusqu'au corps -de son complice qui gisait à vingt pas de là! - -La terreur était tellement peinte sur son visage couvert d'une -froide sueur, que d'Artagnan en eut pitié; et que, le regardant -avec mépris: - -«Eh bien, lui dit-il, je vais te montrer la différence qu'il y a -entre un homme de coeur et un lâche comme toi; reste, j'irai.» - -Et d'un pas agile, l'oeil au guet, observant les mouvements de -l'ennemi, s'aidant de tous les accidents de terrain, d'Artagnan -parvint jusqu'au second soldat. - -Il y avait deux moyens d'arriver à son but: le fouiller sur la -place, ou l'emporter en se faisant un bouclier de son corps, et le -fouiller dans la tranchée. - -D'Artagnan préféra le second moyen et chargea l'assassin sur ses -épaules au moment même où l'ennemi faisait feu. - -Une légère secousse, le bruit mat de trois balles qui trouaient -les chairs, un dernier cri, un frémissement d'agonie prouvèrent à -d'Artagnan que celui qui avait voulu l'assassiner venait de lui -sauver la vie. - -D'Artagnan regagna la tranchée et jeta le cadavre auprès du blessé -aussi pâle qu'un mort. - -Aussitôt il commença l'inventaire: un portefeuille de cuir, une -bourse où se trouvait évidemment une partie de la somme que le -bandit avait reçue, un cornet et des dés formaient l'héritage du -mort. - -Il laissa le cornet et les dés où ils étaient tombés, jeta la -bourse au blessé et ouvrit avidement le portefeuille. - -Au milieu de quelques papiers sans importance, il trouva la lettre -suivante: c'était celle qu'il était allé chercher au risque de sa -vie: - -«Puisque vous avez perdu la trace de cette femme et qu'elle est -maintenant en sûreté dans ce couvent où vous n'auriez jamais dû la -laisser arriver, tâchez au moins de ne pas manquer l'homme; sinon, -vous savez que j'ai la main longue et que vous payeriez cher les -cent louis que vous avez à moi.» - -Pas de signature. Néanmoins il était évident que la lettre venait -de Milady. En conséquence, il la garda comme pièce à conviction, -et, en sûreté derrière l'angle de la tranchée, il se mit à -interroger le blessé. Celui-ci confessa qu'il s'était chargé avec -son camarade, le même qui venait d'être tué, d'enlever une jeune -femme qui devait sortir de Paris par la barrière de La Villette, -mais que, s'étant arrêtés à boire dans un cabaret, ils avaient -manqué la voiture de dix minutes. - -«Mais qu'eussiez-vous fait de cette femme? demanda d'Artagnan avec -angoisse. - --- Nous devions la remettre dans un hôtel de la place Royale, dit -le blessé. - --- Oui! oui! murmura d'Artagnan, c'est bien cela, chez Milady -elle-même.» - -Alors le jeune homme comprit en frémissant quelle terrible soif de -vengeance poussait cette femme à le perdre, ainsi que ceux qui -l'aimaient, et combien elle en savait sur les affaires de la cour, -puisqu'elle avait tout découvert. Sans doute elle devait ces -renseignements au cardinal. - -Mais, au milieu de tout cela, il comprit, avec un sentiment de -joie bien réel, que la reine avait fini par découvrir la prison où -la pauvre Mme Bonacieux expiait son dévouement, et qu'elle l'avait -tirée de cette prison. Alors la lettre qu'il avait reçue de la -jeune femme et son passage sur la route de Chaillot, passage -pareil à une apparition, lui furent expliqués. - -Dès lors, ainsi qu'Athos l'avait prédit, il était possible de -retrouver Mme Bonacieux, et un couvent n'était pas imprenable. - -Cette idée acheva de lui remettre la clémence au coeur. Il se -retourna vers le blessé qui suivait avec anxiété toutes les -expressions diverses de son visage, et lui tendant le bras: - -«Allons, lui dit-il, je ne veux pas t'abandonner ainsi. Appuie-toi -sur moi et retournons au camp. - --- Oui, dit le blessé, qui avait peine à croire à tant de -magnanimité, mais n'est-ce point pour me faire pendre? - --- Tu as ma parole, dit-il, et pour la seconde fois je te donne la -vie.» - -Le blessé se laissa glisser à genoux et baisa de nouveau les pieds -de son sauveur; mais d'Artagnan, qui n'avait plus aucun motif de -rester si près de l'ennemi, abrégea lui-même les témoignages de sa -reconnaissance. - -Le garde qui était revenu à la première décharge des Rochelois -avait annoncé la mort de ses quatre compagnons. On fut donc à la -fois fort étonné et fort joyeux dans le régiment, quand on vit -reparaître le jeune homme sain et sauf. - -D'Artagnan expliqua le coup d'épée de son compagnon par une sortie -qu'il improvisa. Il raconta la mort de l'autre soldat et les -périls qu'ils avaient courus. Ce récit fut pour lui l'occasion -d'un véritable triomphe. Toute l'armée parla de cette expédition -pendant un jour, et Monsieur lui en fit faire ses compliments. - -Au reste, comme toute belle action porte avec elle sa récompense, -la belle action de d'Artagnan eut pour résultat de lui rendre la -tranquillité qu'il avait perdue. En effet, d'Artagnan croyait -pouvoir être tranquille, puisque, de ses deux ennemis, l'un était -tué et l'autre dévoué à ses intérêts. - -Cette tranquillité prouvait une chose, c'est que d'Artagnan ne -connaissait pas encore Milady. - - -CHAPITRE XLII -LE VIN D'ANJOU - -Après des nouvelles presque désespérées du roi, le bruit de sa -convalescence commençait à se répandre dans le camp; et comme il -avait grande hâte d'arriver en personne au siège, on disait -qu'aussitôt qu'il pourrait remonter à cheval, il se remettrait en -route. - -Pendant ce temps, Monsieur, qui savait que, d'un jour à l'autre, -il allait être remplacé dans son commandement, soit par le duc -d'Angoulême, soit par Bassompierre ou par Schomberg, qui se -disputaient le commandement, faisait peu de choses, perdait ses -journées en tâtonnements, et n'osait risquer quelque grande -entreprise pour chasser les Anglais de l'île de Ré, où ils -assiégeaient toujours la citadelle Saint-Martin et le fort de La -Prée, tandis que, de leur côté, les Français assiégeaient La -Rochelle. - -D'Artagnan, comme nous l'avons dit, était redevenu plus -tranquille, comme il arrive toujours après un danger passé, et -quand le danger semble évanoui; il ne lui restait qu'une -inquiétude, c'était de n'apprendre aucune nouvelle de ses amis. - -Mais, un matin du commencement du mois de novembre, tout lui fut -expliqué par cette lettre, datée de Villeroi: - -«Monsieur d'Artagnan, - -«MM. Athos, Porthos et Aramis, après avoir fait une bonne partie -chez moi, et s'être égayés beaucoup, ont mené si grand bruit, que -le prévôt du château, homme très rigide, les a consignés pour -quelques jours; mais j'accomplis les ordres qu'ils m'ont donnés, -de vous envoyer douze bouteilles de mon vin d'Anjou, dont ils ont -fait grand cas: ils veulent que vous buviez à leur santé avec leur -vin favori. - -«Je l'ai fait, et suis, monsieur, avec un grand respect, - -«Votre serviteur très humble et très obéissant, - -«Godeau, - -«Hôtelier de messieurs les mousquetaires.» - -«À la bonne heure! s'écria d'Artagnan, ils pensent à moi dans -leurs plaisirs comme je pensais à eux dans mon ennui; bien -certainement que je boirai à leur santé et de grand coeur; mais je -n'y boirai pas seul.» - -Et d'Artagnan courut chez deux gardes, avec lesquels il avait fait -plus amitié qu'avec les autres, afin de les inviter à boire avec -lui le délicieux petit vin d'Anjou qui venait d'arriver de -Villeroi. L'un des deux gardes était invité pour le soir même, et -l'autre invité pour le lendemain; la réunion fut donc fixée au -surlendemain. - -D'Artagnan, en rentrant, envoya les douze bouteilles de vin à la -buvette des gardes, en recommandant qu'on les lui gardât avec -soin; puis, le jour de la solennité, comme le dîner était fixé -pour l'heure de midi, d'Artagnan envoya, dès neuf heures, Planchet -pour tout préparer. - -Planchet, tout fier d'être élevé à la dignité de maître d'hôtel, -songea à tout apprêter en homme intelligent; à cet effet il -s'adjoignit le valet d'un des convives de son maître, nommé -Fourreau, et ce faux soldat qui avait voulu tuer d'Artagnan, et -qui, n'appartenant à aucun corps, était entré à son service ou -plutôt à celui de Planchet, depuis que d'Artagnan lui avait sauvé -la vie. - -L'heure du festin venue, les deux convives arrivèrent, prirent -place et les mets s'alignèrent sur la table. Planchet servait la -serviette au bras, Fourreau débouchait les bouteilles, et -Brisemont, c'était le nom du convalescent, transvasait dans des -carafons de verre le vin qui paraissait avoir déposé par effet des -secousses de la route. De ce vin, la première bouteille était un -peu trouble vers la fin, Brisemont versa cette lie dans un verre, -et d'Artagnan lui permit de la boire; car le pauvre diable n'avait -pas encore beaucoup de forces. - -Les convives, après avoir mangé le potage, allaient porter le -premier verre à leurs lèvres, lorsque tout à coup le canon -retentit au fort Louis et au fort Neuf; aussitôt les gardes, -croyant qu'il s'agissait de quelque attaque imprévue, soit des -assiégés, soit des Anglais, sautèrent sur leurs épées; d'Artagnan, -non moins leste, fit comme eux, et tous trois sortirent en -courant, afin de se rendre à leurs postes. - -Mais à peine furent-ils hors de la buvette, qu'ils se trouvèrent -fixés sur la cause de ce grand bruit; les cris de Vive le roi! -Vive M. le cardinal! retentissaient de tous côtés, et les tambours -battaient dans toutes les directions. - -En effet, le roi, impatient comme on l'avait dit, venait de -doubler deux étapes, et arrivait à l'instant même avec toute sa -maison et un renfort de dix mille hommes de troupe; ses -mousquetaires le précédaient et le suivaient. D'Artagnan, placé en -haie avec sa compagnie, salua d'un geste expressif ses amis, qui -lui répondirent des yeux, et M. de Tréville, qui le reconnut tout -d'abord. - -La cérémonie de réception achevée, les quatre amis furent bientôt -dans les bras l'un de l'autre. - -«Pardieu! s'écria d'Artagnan, il n'est pas possible de mieux -arriver, et les viandes n'auront pas encore eu le temps de -refroidir! n'est-ce pas, messieurs? ajouta le jeune homme en se -tournant vers les deux gardes, qu'il présenta à ses amis. - --- Ah! ah! il paraît que nous banquetions, dit Porthos. - --- J'espère, dit Aramis, qu'il n'y a pas de femmes à votre dîner! - --- Est-ce qu'il y a du vin potable dans votre bicoque? demanda -Athos. - --- Mais, pardieu! il y a le vôtre, cher ami, répondit d'Artagnan. - --- Notre vin? fit Athos étonné. - --- Oui, celui que vous m'avez envoyé. - --- Nous vous avons envoyé du vin? - --- Mais vous savez bien, de ce petit vin des coteaux d'Anjou? - --- Oui, je sais bien de quel vin vous voulez parler. - --- Le vin que vous préférez. - --- Sans doute, quand je n'ai ni champagne ni chambertin. - --- Eh bien, à défaut de champagne et de chambertin, vous vous -contenterez de celui-là. - --- Nous avons donc fait venir du vin d'Anjou, gourmet que nous -sommes? dit Porthos. - --- Mais non, c'est le vin qu'on m'a envoyé de votre part. - --- De notre part? firent les trois mousquetaires. - --- Est-ce vous, Aramis, dit Athos, qui avez envoyé du vin? - --- Non, et vous, Porthos? - --- Non, et vous, Athos? - --- Non. - --- Si ce n'est pas vous, dit d'Artagnan, c'est votre hôtelier. - --- Notre hôtelier? - --- Eh oui! votre hôtelier, Godeau, hôtelier des mousquetaires. - --- Ma foi, qu'il vienne d'où il voudra, n'importe, dit Porthos, -goûtons-le, et, s'il est bon, buvons-le. - --- Non pas, dit Athos, ne buvons pas le vin qui a une source -inconnue. - --- Vous avez raison, Athos, dit d'Artagnan. Personne de vous n'a -chargé l'hôtelier Godeau de m'envoyer du vin? - --- Non! et cependant il vous en a envoyé de notre part? - --- Voici la lettre!» dit d'Artagnan. - -Et il présenta le billet à ses camarades. - -«Ce n'est pas son écriture! s'écria Athos, je la connais, c'est -moi qui, avant de partir, ai réglé les comptes de la communauté. - --- Fausse lettre, dit Porthos; nous n'avons pas été consignés. - --- D'Artagnan, demanda Aramis d'un ton de reproche, comment avez- -vous pu croire que nous avions fait du bruit?...» - -D'Artagnan pâlit, et un tremblement convulsif secoua tous ses -membres. - -«Tu m'effraies, dit Athos, qui ne le tutoyait que dans les grandes -occasions, qu'est-il donc arrivé? - --- Courons, courons, mes amis! s'écria d'Artagnan, un horrible -soupçon me traverse l'esprit! serait-ce encore une vengeance de -cette femme?» - -Ce fut Athos qui pâlit à son tour. - -D'Artagnan s'élança vers la buvette, les trois mousquetaires et -les deux gardes l'y suivirent. - -Le premier objet qui frappa la vue de d'Artagnan en entrant dans -la salle à manger, fut Brisemont étendu par terre et se roulant -dans d'atroces convulsions. - -Planchet et Fourreau, pâles comme des morts, essayaient de lui -porter secours; mais il était évident que tout secours était -inutile: tous les traits du moribond étaient crispés par l'agonie. - -«Ah! s'écria-t-il en apercevant d'Artagnan, ah! c'est affreux, -vous avez l'air de me faire grâce et vous m'empoisonnez! - --- Moi! s'écria d'Artagnan, moi, malheureux! moi! que dis-tu donc -là? - --- Je dis que c'est vous qui m'avez donné ce vin, je dis que c'est -vous qui m'avez dit de le boire, je dis que vous avez voulu vous -venger de moi, je dis que c'est affreux! - --- N'en croyez rien, Brisemont, dit d'Artagnan, n'en croyez rien; -je vous jure, je vous proteste... - --- Oh! mais Dieu est là! Dieu vous punira! Mon Dieu! qu'il souffre -un jour ce que je souffre! - --- Sur l'évangile, s'écria d'Artagnan en se précipitant vers le -moribond, je vous jure que j'ignorais que ce vin fût empoisonné et -que j'allais en boire comme vous. - --- Je ne vous crois pas», dit le soldat. - -Et il expira dans un redoublement de tortures. - -«Affreux! affreux! murmurait Athos, tandis que Porthos brisait les -bouteilles et qu'Aramis donnait des ordres un peu tardifs pour -qu'on allât chercher un confesseur. - --- O mes amis! dit d'Artagnan, vous venez encore une fois de me -sauver la vie, non seulement à moi, mais à ces messieurs. -Messieurs, continua-t-il en s'adressant aux gardes, je vous -demanderai le silence sur toute cette aventure; de grands -personnages pourraient avoir trempé dans ce que vous avez vu, et -le mal de tout cela retomberait sur nous. - --- Ah! monsieur! balbutiait Planchet plus mort que vif; ah! -monsieur! que je l'ai échappé belle! - --- Comment, drôle, s'écria d'Artagnan, tu allais donc boire mon -vin? - --- À la santé du roi, monsieur, j'allais en boire un pauvre verre, -si Fourreau ne m'avait pas dit qu'on m'appelait. - --- Hélas! dit Fourreau, dont les dents claquaient de terreur, je -voulais l'éloigner pour boire tout seul! - --- Messieurs, dit d'Artagnan en s'adressant aux gardes, vous -comprenez qu'un pareil festin ne pourrait être que fort triste -après ce qui vient de se passer; ainsi recevez toutes mes excuses -et remettez la partie à un autre jour, je vous prie.» - -Les deux gardes acceptèrent courtoisement les excuses de -d'Artagnan, et, comprenant que les quatre amis désiraient demeurer -seuls, ils se retirèrent. - -Lorsque le jeune garde et les trois mousquetaires furent sans -témoins, ils se regardèrent d'un air qui voulait dire que chacun -comprenait la gravité de la situation. - -«D'abord, dit Athos, sortons de cette chambre; c'est une mauvaise -compagnie qu'un mort, mort de mort violente. - --- Planchet, dit d'Artagnan, je vous recommande le cadavre de ce -pauvre diable. Qu'il soit enterré en terre sainte. Il avait commis -un crime, c'est vrai, mais il s'en était repenti.» - -Et les quatre amis sortirent de la chambre, laissant à Planchet et -à Fourreau le soin de rendre les honneurs mortuaires à Brisemont. - -L'hôte leur donna une autre chambre dans laquelle il leur servit -des oeufs à la coque et de l'eau, qu'Athos alla puiser lui-même à -la fontaine. En quelques paroles Porthos et Aramis furent mis au -courant de la situation. - -«Eh bien, dit d'Artagnan à Athos, vous le voyez, cher ami, c'est -une guerre à mort.» - -Athos secoua la tête. - -«Oui, oui, dit-il, je le vois bien; mais croyez-vous que ce soit -elle? - --- J'en suis sûr. - --- Cependant je vous avoue que je doute encore. - --- Mais cette fleur de lis sur l'épaule? - --- C'est une Anglaise qui aura commis quelque méfait en France, et -qu'on aura flétrie à la suite de son crime. - --- Athos, c'est votre femme, vous dis-je, répétait d'Artagnan, ne -vous rappelez-vous donc pas comme les deux signalements se -ressemblent? - --- J'aurais cependant cru que l'autre était morte, je l'avais si -bien pendue.» - -Ce fut d'Artagnan qui secoua la tête à son tour. - -«Mais enfin, que faire? dit le jeune homme. - --- Le fait est qu'on ne peut rester ainsi avec une épée -éternellement suspendue au-dessus de sa tête, dit Athos, et qu'il -faut sortir de cette situation. - --- Mais comment? - --- Écoutez, tâchez de la rejoindre et d'avoir une explication avec -elle; dites-lui: La paix ou la guerre! ma parole de gentilhomme -de ne jamais rien dire de vous, de ne jamais rien faire contre -vous; de votre côté serment solennel de rester neutre à mon égard: -sinon, je vais trouver le chancelier, je vais trouver le roi, je -vais trouver le bourreau, j'ameute la cour contre vous, je vous -dénonce comme flétrie, je vous fais mettre en jugement, et si l'on -vous absout, eh bien, je vous tue, foi de gentilhomme! au coin de -quelque borne, comme je tuerais un chien enragé. - --- J'aime assez ce moyen, dit d'Artagnan, mais comment la joindre? - --- Le temps, cher ami, le temps amène l'occasion, l'occasion c'est -la martingale de l'homme: plus on a engagé, plus l'on gagne quand -on sait attendre. - --- Oui, mais attendre entouré d'assassins et d'empoisonneurs... - --- Bah! dit Athos, Dieu nous a gardés jusqu'à présent, Dieu nous -gardera encore. - --- Oui, nous; nous d'ailleurs, nous sommes des hommes, et, à tout -prendre, c'est notre état de risquer notre vie: mais elle! ajouta- -t-il à demi-voix. - --- Qui elle? demanda Athos. - --- Constance. - --- Mme Bonacieux! ah! c'est juste, fit Athos; pauvre ami! -j'oubliais que vous étiez amoureux. - --- Eh bien, mais, dit Aramis, n'avez-vous pas vu par la lettre -même que vous avez trouvée sur le misérable mort qu'elle était -dans un couvent? On est très bien dans un couvent, et aussitôt le -siège de La Rochelle terminé, je vous promets que pour mon -compte... - --- Bon! dit Athos, bon! oui, mon cher Aramis! nous savons que vos -voeux tendent à la religion. - --- Je ne suis mousquetaire que par intérim, dit humblement Aramis. - --- Il paraît qu'il y a longtemps qu'il n'a reçu des nouvelles de -sa maîtresse, dit tout bas Athos; mais ne faites pas attention, -nous connaissons cela. - --- Eh bien, dit Porthos, il me semble qu'il y aurait un moyen bien -simple. - --- Lequel? demanda d'Artagnan. - --- Elle est dans un couvent, dites-vous? reprit Porthos. - --- Oui. - --- Eh bien, aussitôt le siège fini, nous l'enlevons de ce couvent. - --- Mais encore faut-il savoir dans quel couvent elle est. - --- C'est juste, dit Porthos. - --- Mais, j'y pense, dit Athos, ne prétendez-vous pas, cher -d'Artagnan, que c'est la reine qui a fait choix de ce couvent pour -elle? - --- Oui, je le crois du moins. - --- Eh bien, mais Porthos nous aidera là-dedans. - --- Et comment cela, s'il vous plaît? - --- Mais par votre marquise, votre duchesse, votre princesse; elle -doit avoir le bras long. - --- Chut! dit Porthos en mettant un doigt sur ses lèvres, je la -crois cardinaliste et elle ne doit rien savoir. - --- Alors, dit Aramis, je me charge, moi, d'en avoir des nouvelles. - --- Vous, Aramis, s'écrièrent les trois amis, vous, et comment -cela? - --- Par l'aumônier de la reine, avec lequel je suis fort lié...», -dit Aramis en rougissant. - -Et sur cette assurance, les quatre amis, qui avaient achevé leur -modeste repas, se séparèrent avec promesse de se revoir le soir -même: d'Artagnan retourna aux Minimes, et les trois mousquetaires -rejoignirent le quartier du roi, où ils avaient à faire préparer -leur logis. - - -CHAPITRE XLIII -L'AUBERGE DU COLOMBIER-ROUGE - -À peine arrivé au camp, le roi, qui avait si grande hâte de se -trouver en face de l'ennemi, et qui, à meilleur droit que le -cardinal, partageait sa haine contre Buckingham, voulut faire -toutes les dispositions, d'abord pour chasser les Anglais de l'île -de Ré, ensuite pour presser le siège de La Rochelle; mais, malgré -lui, il fut retardé par les dissensions qui éclatèrent entre -MM. de Bassompierre et Schomberg, contre le duc d'Angoulême. - -MM. de Bassompierre et Schomberg étaient maréchaux de France, et -réclamaient leur droit de commander l'armée sous les ordres du -roi; mais le cardinal, qui craignait que Bassompierre, huguenot au -fond du coeur, ne pressât faiblement les Anglais et les Rochelois, -ses frères en religion, poussait au contraire le duc d'Angoulême, -que le roi, à son instigation, avait nommé lieutenant général. Il -en résulta que, sous peine de voir MM. de Bassompierre et -Schomberg déserter l'armée, on fut obligé de faire à chacun un -commandement particulier: Bassompierre prit ses quartiers au nord -de la ville, depuis La Leu jusqu'à Dompierre; le duc d'Angoulême à -l'est, depuis Dompierre jusqu'à Périgny; et M. de Schomberg au -midi, depuis Périgny jusqu'à Angoutin. - -Le logis de Monsieur était à Dompierre. - -Le logis du roi était tantôt à Étré, tantôt à La Jarrie. - -Enfin le logis du cardinal était sur les dunes, au pont de La -Pierre, dans une simple maison sans aucun retranchement. - -De cette façon, Monsieur surveillait Bassompierre; le roi, le duc -d'Angoulême, et le cardinal, M. de Schomberg. - -Aussitôt cette organisation établie, on s'était occupé de chasser -les Anglais de l'île. - -La conjoncture était favorable: les Anglais, qui ont, avant toute -chose, besoin de bons vivres pour être de bons soldats, ne -mangeant que des viandes salées et de mauvais biscuits, avaient -force malades dans leur camp; de plus, la mer, fort mauvaise à -cette époque de l'année sur toutes les côtes de l'océan, mettait -tous les jours quelque petit bâtiment à mal; et la plage, depuis -la pointe de l'Aiguillon jusqu'à la tranchée, était littéralement, -à chaque marée, couverte des débris de pinasses, de roberges et de -felouques; il en résultait que, même les gens du roi se tinssent- -ils dans leur camp, il était évident qu'un jour ou l'autre -Buckingham, qui ne demeurait dans l'île de Ré que par entêtement, -serait obligé de lever le siège. - -Mais, comme M. de Toiras fit dire que tout se préparait dans le -camp ennemi pour un nouvel assaut, le roi jugea qu'il fallait en -finir et donna les ordres nécessaires pour une affaire décisive. - -Notre intention n'étant pas de faire un journal de siège, mais au -contraire de n'en rapporter que les événements qui ont trait à -l'histoire que nous racontons, nous nous contenterons de dire en -deux mots que l'entreprise réussit au grand étonnement du roi et à -la grande gloire de M. le cardinal. Les Anglais, repoussés pied à -pied, battus dans toutes les rencontres, écrasés au passage de -l'île de Loix, furent obligés de se rembarquer, laissant sur le -champ de bataille deux mille hommes parmi lesquels cinq colonels, -trois lieutenant-colonels, deux cent cinquante capitaines et vingt -gentilshommes de qualité, quatre pièces de canon et soixante -drapeaux qui furent apportés à Paris par Claude de Saint-Simon, et -suspendus en grande pompe aux voûtes de Notre-Dame. - -Des Te Deum furent chantés au camp, et de là se répandirent par -toute la France. - -Le cardinal resta donc maître de poursuivre le siège sans avoir, -du moins momentanément, rien à craindre de la part des Anglais. - -Mais, comme nous venons de le dire, le repos n'était que -momentané. - -Un envoyé du duc de Buckingham, nommé Montaigu, avait été pris, et -l'on avait acquis la preuve d'une ligue entre l'Empire, l'Espagne, -l'Angleterre et la Lorraine. - -Cette ligue était dirigée contre la France. - -De plus, dans le logis de Buckingham, qu'il avait été forcé -d'abandonner plus précipitamment qu'il ne l'avait cru, on avait -trouvé des papiers qui confirmaient cette ligue, et qui, à ce -qu'assure M. le cardinal dans ses mémoires, compromettaient fort -Mme de Chevreuse, et par conséquent la reine. - -C'était sur le cardinal que pesait toute la responsabilité, car on -n'est pas ministre absolu sans être responsable; aussi toutes les -ressources de son vaste génie étaient-elles tendues nuit et jour, -et occupées à écouter le moindre bruit qui s'élevait dans un des -grands royaumes de l'Europe. - -Le cardinal connaissait l'activité et surtout la haine de -Buckingham; si la ligue qui menaçait la France triomphait, toute -son influence était perdue: la politique espagnole et la politique -autrichienne avaient leurs représentants dans le cabinet du -Louvre, où elles n'avaient encore que des partisans; lui -Richelieu, le ministre français, le ministre national par -excellence, était perdu. Le roi, qui, tout en lui obéissant comme -un enfant, le haïssait comme un enfant hait son maître, -l'abandonnait aux vengeances réunies de Monsieur et de la reine; -il était donc perdu, et peut-être la France avec lui. Il fallait -parer à tout cela. - -Aussi vit-on les courriers, devenus à chaque instant plus -nombreux, se succéder nuit et jour dans cette petite maison du -pont de La Pierre, où le cardinal avait établi sa résidence. - -C'étaient des moines qui portaient si mal le froc, qu'il était -facile de reconnaître qu'ils appartenaient surtout à l'église -militante; des femmes un peu gênées dans leurs costumes de pages, -et dont les larges trousses ne pouvaient entièrement dissimuler -les formes arrondies; enfin des paysans aux mains noircies, mais à -la jambe fine, et qui sentaient l'homme de qualité à une lieue à -la ronde. - -Puis encore d'autres visites moins agréables, car deux ou trois -fois le bruit se répandit que le cardinal avait failli être -assassiné. - -Il est vrai que les ennemis de Son Éminence disaient que c'était -elle-même qui mettait en campagne les assassins maladroits, afin -d'avoir le cas échéant le droit d'user de représailles; mais il ne -faut croire ni à ce que disent les ministres, ni à ce que disent -leurs ennemis. - -Ce qui n'empêchait pas, au reste, le cardinal, à qui ses plus -acharnés détracteurs n'ont jamais contesté la bravoure -personnelle, de faire force courses nocturnes tantôt pour -communiquer au duc d'Angoulême des ordres importants, tantôt pour -aller se concerter avec le roi, tantôt pour aller conférer avec -quelque messager qu'il ne voulait pas qu'on laissât entrer chez -lui. - -De leur côté les mousquetaires qui n'avaient pas grand-chose à -faire au siège n'étaient pas tenus sévèrement et menaient joyeuse -vie. Cela leur était d'autant plus facile, à nos trois compagnons -surtout, qu'étant des amis de M. de Tréville, ils obtenaient -facilement de lui de s'attarder et de rester après la fermeture du -camp avec des permissions particulières. - -Or, un soir que d'Artagnan, qui était de tranchée, n'avait pu les -accompagner, Athos, Porthos et Aramis, montés sur leurs chevaux de -bataille, enveloppés de manteaux de guerre, une main sur la crosse -de leurs pistolets, revenaient tous trois d'une buvette qu'Athos -avait découverte deux jours auparavant sur la route de La Jarrie, -et qu'on appelait le Colombier-Rouge, suivant le chemin qui -conduisait au camp, tout en se tenant sur leurs gardes, comme nous -l'avons dit, de peur d'embuscade, lorsqu'à un quart de lieue à peu -près du village de Boisnar ils crurent entendre le pas d'une -cavalcade qui venait à eux; aussitôt tous trois s'arrêtèrent, -serrés l'un contre l'autre, et attendirent, tenant le milieu de la -route: au bout d'un instant, et comme la lune sortait justement -d'un nuage, ils virent apparaître au détour d'un chemin deux -cavaliers qui, en les apercevant, s'arrêtèrent à leur tour, -paraissant délibérer s'ils devaient continuer leur route ou -retourner en arrière. Cette hésitation donna quelques soupçons aux -trois amis, et Athos, faisant quelques pas en avant, cria de sa -voix ferme: - -«Qui vive? - --- Qui vive vous-même? répondit un de ces deux cavaliers. - --- Ce n'est pas répondre, cela! dit Athos. Qui vive? Répondez, ou -nous chargeons. - --- Prenez garde à ce que vous allez faire, messieurs! dit alors -une voix vibrante qui paraissait avoir l'habitude du commandement. - --- C'est quelque officier supérieur qui fait sa ronde de nuit, dit -Athos, que voulez-vous faire, messieurs? - --- Qui êtes-vous? dit la même voix du même ton de commandement; -répondez à votre tour, ou vous pourriez vous mal trouver de votre -désobéissance. - --- Mousquetaires du roi, dit Athos, de plus en plus convaincu que -celui qui les interrogeait en avait le droit. - --- Quelle compagnie? - --- Compagnie de Tréville. - --- Avancez à l'ordre, et venez me rendre compte de ce que vous -faites ici, à cette heure.» - -Les trois compagnons s'avancèrent, l'oreille un peu basse, car -tous trois maintenant étaient convaincus qu'ils avaient affaire à -plus fort qu'eux; on laissa, au reste, à Athos le soin de porter -la parole. - -Un des deux cavaliers, celui qui avait pris la parole en second -lieu, était à dix pas en avant de son compagnon; Athos fit signe à -Porthos et à Aramis de rester de leur côté en arrière, et s'avança -seul. - -«Pardon, mon officier! dit Athos; mais nous ignorions à qui nous -avions affaire, et vous pouvez voir que nous faisions bonne garde. - --- Votre nom? dit l'officier, qui se couvrait une partie du visage -avec son manteau. - --- Mais vous-même, monsieur, dit Athos qui commençait à se -révolter contre cette inquisition; donnez-moi, je vous prie, la -preuve que vous avez le droit de m'interroger. - --- Votre nom? reprit une seconde fois le cavalier en laissant -tomber son manteau de manière à avoir le visage découvert. - --- Monsieur le cardinal! s'écria le mousquetaire stupéfait. - --- Votre nom? reprit pour la troisième fois Son Éminence. - --- Athos», dit le mousquetaire. - -Le cardinal fit un signe à l'écuyer, qui se rapprocha. - -«Ces trois mousquetaires nous suivront, dit-il à voix basse, je ne -veux pas qu'on sache que je suis sorti du camp, et, en nous -suivant, nous serons sûrs qu'ils ne le diront à personne. - --- Nous sommes gentilshommes, Monseigneur, dit Athos; demandez- -nous donc notre parole et ne vous inquiétez de rien. Dieu merci, -nous savons garder un secret.» - -Le cardinal fixa ses yeux perçants sur ce hardi interlocuteur. - -«Vous avez l'oreille fine, monsieur Athos, dit le cardinal; mais -maintenant, écoutez ceci: ce n'est point par défiance que je vous -prie de me suivre, c'est pour ma sûreté: sans doute vos deux -compagnons sont MM. Porthos et Aramis? - --- Oui, Votre Éminence, dit Athos, tandis que les deux -mousquetaires restés en arrière s'approchaient, le chapeau à la -main. - --- Je vous connais, messieurs, dit le cardinal, je vous connais: -je sais que vous n'êtes pas tout à fait de mes amis, et j'en suis -fâché, mais je sais que vous êtes de braves et loyaux -gentilshommes, et qu'on peut se fier à vous. Monsieur Athos, -faites-moi donc l'honneur de m'accompagner, vous et vos deux amis, -et alors j'aurai une escorte à faire envie à Sa Majesté, si nous -la rencontrons.» - -Les trois mousquetaires s'inclinèrent jusque sur le cou de leurs -chevaux. - -«Eh bien, sur mon honneur, dit Athos, Votre Éminence a raison de -nous emmener avec elle: nous avons rencontré sur la route des -visages affreux, et nous avons même eu avec quatre de ces visages -une querelle au Colombier-Rouge. - --- Une querelle, et pourquoi, messieurs? dit le cardinal, je -n'aime pas les querelleurs, vous le savez! - --- C'est justement pour cela que j'ai l'honneur de prévenir Votre -Éminence de ce qui vient d'arriver; car elle pourrait l'apprendre -par d'autres que par nous, et, sur un faux rapport, croire que -nous sommes en faute. - --- Et quels ont été les résultats de cette querelle? demanda le -cardinal en fronçant le sourcil. - --- Mais mon ami Aramis, que voici, a reçu un petit coup d'épée -dans le bras, ce qui ne l'empêchera pas, comme Votre Éminence peut -le voir, de monter à l'assaut demain, si Votre Éminence ordonne -l'escalade. - --- Mais vous n'êtes pas hommes à vous laisser donner des coups -d'épée ainsi, dit le cardinal: voyons, soyez francs, messieurs, -vous en avez bien rendu quelques-uns; confessez-vous, vous savez -que j'ai le droit de donner l'absolution. - --- Moi, Monseigneur, dit Athos, je n'ai pas même mis l'épée à la -main, mais j'ai pris celui à qui j'avais affaire à bras-le-corps -et je l'ai jeté par la fenêtre; il paraît qu'en tombant, continua -Athos avec quelque hésitation, il s'est cassé la cuisse. - --- Ah! ah! fit le cardinal; et vous, monsieur Porthos? - --- Moi, Monseigneur, sachant que le duel est défendu, j'ai saisi -un banc, et j'en ai donné à l'un de ces brigands un coup qui, je -crois, lui a brisé l'épaule. - --- Bien, dit le cardinal; et vous, monsieur Aramis? - --- Moi, Monseigneur, comme je suis d'un naturel très doux et que, -d'ailleurs, ce que Monseigneur ne sait peut-être pas, je suis sur -le point de rentrer dans les ordres, je voulais séparer mes -camarades, quand un de ces misérables m'a donné traîtreusement un -coup d'épée à travers le bras gauche: alors la patience m'a -manqué, j'ai tiré mon épée à mon tour, et comme il revenait à la -charge, je crois avoir senti qu'en se jetant sur moi il se l'était -passée au travers du corps: je sais bien qu'il est tombé -seulement, et il m'a semblé qu'on l'emportait avec ses deux -compagnons. - --- Diable, messieurs! dit le cardinal, trois hommes hors de combat -pour une dispute de cabaret, vous n'y allez pas de main morte; et -à propos de quoi était venue la querelle? - --- Ces misérables étaient ivres, dit Athos, et sachant qu'il y -avait une femme qui était arrivée le soir dans le cabaret, ils -voulaient forcer la porte. - --- Forcer la porte! dit le cardinal, et pour quoi faire? - --- Pour lui faire violence sans doute, dit Athos; j'ai eu -l'honneur de dire à Votre Éminence que ces misérables étaient -ivres. - --- Et cette femme était jeune et jolie? demanda le cardinal avec -une certaine inquiétude. - --- Nous ne l'avons pas vue, Monseigneur, dit Athos. - --- Vous ne l'avez pas vue; ah! très bien, reprit vivement le -cardinal; vous avez bien fait de défendre l'honneur d'une femme, -et, comme c'est à l'auberge du Colombier-Rouge que je vais moi- -même, je saurai si vous m'avez dit la vérité. - --- Monseigneur, dit fièrement Athos, nous sommes gentilshommes, et -pour sauver notre tête, nous ne ferions pas un mensonge. - --- Aussi je ne doute pas de ce que vous me dites, monsieur Athos, -je n'en doute pas un seul instant; mais, ajouta-t-il pour changer -la conversation, cette dame était donc seule? - --- Cette dame avait un cavalier enfermé avec elle, dit Athos; -mais, comme malgré le bruit ce cavalier ne s'est pas montré, il -est à présumer que c'est un lâche. - --- Ne jugez pas témérairement, dit l'évangile», répliqua le -cardinal. - -Athos s'inclina. - -«Et maintenant, messieurs, c'est bien, continua Son Éminence, je -sais ce que je voulais savoir; suivez-moi.» - -Les trois mousquetaires passèrent derrière le cardinal, qui -s'enveloppa de nouveau le visage de son manteau et remit son -cheval en marche, se tenant à huit ou dix pas en avant de ses -quatre compagnons. - -On arriva bientôt à l'auberge silencieuse et solitaire; sans doute -l'hôte savait quel illustre visiteur il attendait, et en -conséquence il avait renvoyé les importuns. - -Dix pas avant d'arriver à la porte, le cardinal fit signe à son -écuyer et aux trois mousquetaires de faire halte, un cheval tout -sellé était attaché au contrevent, le cardinal frappa trois coups -et de certaine façon. - -Un homme enveloppé d'un manteau sortit aussitôt et échangea -quelques rapides paroles avec le cardinal; après quoi il remonta à -cheval et repartit dans la direction de Surgères, qui était aussi -celle de Paris. - -«Avancez, messieurs, dit le cardinal. - --- Vous m'avez dit la vérité, mes gentilshommes, dit-il en -s'adressant aux trois mousquetaires, il ne tiendra pas à moi que -notre rencontre de ce soir ne vous soit avantageuse; en attendant, -suivez-moi.» - -Le cardinal mit pied à terre, les trois mousquetaires en firent -autant; le cardinal jeta la bride de son cheval aux mains de son -écuyer, les trois mousquetaires attachèrent les brides des leurs -aux contrevents. - -L'hôte se tenait sur le seuil de la porte; pour lui, le cardinal -n'était qu'un officier venant visiter une dame. - -«Avez-vous quelque chambre au rez-de-chaussée où ces messieurs -puissent m'attendre près d'un bon feu?» dit le cardinal. - -L'hôte ouvrit la porte d'une grande salle, dans laquelle justement -on venait de remplacer un mauvais poêle par une grande et -excellente cheminée. - -«J'ai celle-ci, répondit-il. - --- C'est bien, dit le cardinal; entrez là, messieurs, et veuillez -m'attendre; je ne serai pas plus d'une demi-heure.» - -Et tandis que les trois mousquetaires entraient dans la chambre du -rez-de-chaussée, le cardinal, sans demander plus amples -renseignements, monta l'escalier en homme qui n'a pas besoin qu'on -lui indique son chemin. - - -CHAPITRE XLIV -DE L'UTILITÉ DES TUYAUX DE POÊLE - -Il était évident que, sans s'en douter, et mus seulement par leur -caractère chevaleresque et aventureux, nos trois amis venaient de -rendre service à quelqu'un que le cardinal honorait de sa -protection particulière. - -Maintenant quel était ce quelqu'un? C'est la question que se -firent d'abord les trois mousquetaires; puis, voyant qu'aucune des -réponses que pouvait leur faire leur intelligence n'était -satisfaisante, Porthos appela l'hôte et demanda des dés. - -Porthos et Aramis se placèrent à une table et se mirent à jouer. -Athos se promena en réfléchissant. - -En réfléchissant et en se promenant, Athos passait et repassait -devant le tuyau du poêle rompu par la moitié et dont l'autre -extrémité donnait dans la chambre supérieure, et à chaque fois -qu'il passait et repassait, il entendait un murmure de paroles qui -finit par fixer son attention. Athos s'approcha, et il distingua -quelques mots qui lui parurent sans doute mériter un si grand -intérêt qu'il fit signe à ses compagnons de se taire, restant lui- -même courbé l'oreille tendue à la hauteur de l'orifice inférieur. - -«Écoutez, Milady, disait le cardinal, l'affaire est importante: -asseyez-vous là et causons. - --- Milady! murmura Athos. - --- J'écoute Votre Éminence avec la plus grande attention, répondit -une voix de femme qui fit tressaillir le mousquetaire. - --- Un petit bâtiment avec équipage anglais, dont le capitaine est -à moi, vous attend à l'embouchure de la Charente, au fort de La -Pointe; il mettra à la voile demain matin. - --- Il faut alors que je m'y rende cette nuit? - --- À l'instant même, c'est-à-dire lorsque vous aurez reçu mes -instructions. Deux hommes que vous trouverez à la porte en sortant -vous serviront d'escorte; vous me laisserez sortir le premier, -puis une demi-heure après moi, vous sortirez à votre tour. - --- Oui, Monseigneur. Maintenant revenons à la mission dont vous -voulez bien me charger; et comme je tiens à continuer de mériter -la confiance de Votre Éminence, daignez me l'exposer en termes -clairs et précis, afin que je ne commette aucune erreur.» - -Il y eut un instant de profond silence entre les deux -interlocuteurs; il était évident que le cardinal mesurait d'avance -les termes dans lesquels il allait parler, et que Milady -recueillait toutes ses facultés intellectuelles pour comprendre -les choses qu'il allait dire et les graver dans sa mémoire quand -elles seraient dites. - -Athos profita de ce moment pour dire à ses deux compagnons de -fermer la porte en dedans et pour leur faire signe de venir -écouter avec lui. - -Les deux mousquetaires, qui aimaient leurs aises, apportèrent une -chaise pour chacun d'eux, et une chaise pour Athos. Tous trois -s'assirent alors, leurs têtes rapprochées et l'oreille au guet. - -«Vous allez partir pour Londres, continua le cardinal. Arrivée à -Londres, vous irez trouver Buckingham. - --- Je ferai observer à Son Éminence, dit Milady, que depuis -l'affaire des ferrets de diamants, pour laquelle le duc m'a -toujours soupçonnée, Sa Grâce se défie de moi. - --- Aussi cette fois-ci, dit le cardinal, ne s'agit-il plus de -capter sa confiance, mais de se présenter franchement et -loyalement à lui comme négociatrice. - --- Franchement et loyalement, répéta Milady avec une indicible -expression de duplicité. - --- Oui, franchement et loyalement, reprit le cardinal du même ton; -toute cette négociation doit être faite à découvert. - --- Je suivrai à la lettre les instructions de Son Éminence, et -j'attends qu'elle me les donne. - --- Vous irez trouver Buckingham de ma part, et vous lui direz que -je sais tous les préparatifs qu'il fait mais que je ne m'en -inquiète guère, attendu qu'au premier mouvement qu'il risquera, je -perds la reine. - --- Croira-t-il que Votre Éminence est en mesure d'accomplir la -menace qu'elle lui fait? - --- Oui, car j'ai des preuves. - --- Il faut que je puisse présenter ces preuves à son appréciation. - --- Sans doute, et vous lui direz que je publie le rapport de Bois- -Robert et du marquis de Beautru sur l'entrevue que le duc a eu -chez Mme la connétable avec la reine, le soir que Mme la -connétable a donné une fête masquée; vous lui direz, afin qu'il ne -doute de rien, qu'il y est venu sous le costume du grand mogol que -devait porter le chevalier de Guise, et qu'il a acheté à ce -dernier moyennant la somme de trois mille pistoles. - --- Bien, Monseigneur. - --- Tous les détails de son entrée au Louvre et de sa sortie -pendant la nuit où il s'est introduit au palais sous le costume -d'un diseur de bonne aventure italien me sont connus; vous lui -direz, pour qu'il ne doute pas encore de l'authenticité de mes -renseignements, qu'il avait sous son manteau une grande robe -blanche semée de larmes noires, de têtes de mort et d'os en -sautoir: car, en cas de surprise, il devait se faire passer pour -le fantôme de la Dame blanche qui, comme chacun le sait, revient -au Louvre chaque fois que quelque grand événement va s'accomplir. - --- Est-ce tout, Monseigneur? - --- Dites-lui que je sais encore tous les détails de l'aventure -d'Amiens, que j'en ferai faire un petit roman, spirituellement -tourné, avec un plan du jardin et les portraits des principaux -acteurs de cette scène nocturne. - --- Je lui dirai cela. - --- Dites-lui encore que je tiens Montaigu, que Montaigu est à la -Bastille, qu'on n'a surpris aucune lettre sur lui, c'est vrai, -mais que la torture peut lui faire dire ce qu'il sait, et même... -ce qu'il ne sait pas. - --- À merveille. - --- Enfin ajoutez que Sa Grâce, dans la précipitation qu'elle a -mise à quitter l'île de Ré, oublia dans son logis certaine lettre -de Mme de Chevreuse qui compromet singulièrement la reine, en ce -qu'elle prouve non seulement que Sa Majesté peut aimer les ennemis -du roi, mais encore qu'elle conspire avec ceux de la France. Vous -avez bien retenu tout ce que je vous ai dit, n'est-ce pas? - --- Votre Éminence va en juger: le bal de Mme la connétable; la -nuit du Louvre; la soirée d'Amiens; l'arrestation de Montaigu; la -lettre de Mme de Chevreuse. - --- C'est cela, dit le cardinal, c'est cela: vous avez une bien -heureuse mémoire, Milady. - --- Mais, reprit celle à qui le cardinal venait d'adresser ce -compliment flatteur, si malgré toutes ces raisons le duc ne se -rend pas et continue de menacer la France? - --- Le duc est amoureux comme un fou, ou plutôt comme un niais, -reprit Richelieu avec une profonde amertume; comme les anciens -paladins, il n'a entrepris cette guerre que pour obtenir un regard -de sa belle. S'il sait que cette guerre peut coûter l'honneur et -peut-être la liberté à la dame de ses pensées, comme il dit, je -vous réponds qu'il y regardera à deux fois. - --- Et cependant, dit Milady avec une persistance qui prouvait -qu'elle voulait voir clair jusqu'au bout, dans la mission dont -elle allait être chargée, cependant s'il persiste? - --- S'il persiste, dit le cardinal..., ce n'est pas probable. - --- C'est possible, dit Milady. - --- S'il persiste...» - -Son Éminence fit une pause et reprit... - -«S'il persiste, eh bien, j'espérerai dans un de ces événements qui -changent la face des États. - --- Si Son Éminence voulait me citer dans l'histoire quelques-uns -de ces événements, dit Milady, peut-être partagerais-je sa -confiance dans l'avenir. - --- Eh bien, tenez! par exemple, dit Richelieu, lorsqu'en 1610, -pour une cause à peu près pareille à celle qui fait mouvoir le -duc, le roi Henri IV, de glorieuse mémoire, allait à la fois -envahir les Flandres et l'Italie pour frapper à la fois l'Autriche -des deux côtés, eh bien, n'est-il pas arrivé un événement qui a -sauvé l'Autriche? Pourquoi le roi de France n'aurait-il pas la -même chance que l'empereur? - --- Votre Éminence veut parler du coup de couteau de la rue de la -Ferronnerie? - --- Justement, dit le cardinal. - --- Votre Éminence ne craint-elle pas que le supplice de Ravaillac -épouvante ceux qui auraient un instant l'idée de l'imiter? - --- Il y aura en tout temps et dans tous les pays, surtout si ces -pays sont divisés de religion, des fanatiques qui ne demanderont -pas mieux que de se faire martyrs. Et tenez, justement il me -revient à cette heure que les puritains sont furieux contre le duc -de Buckingham et que leurs prédicateurs le désignent comme -l'Antéchrist. - --- Eh bien? fit Milady. - --- Eh bien, continua le cardinal d'un air indifférent, il ne -s'agirait, pour le moment, par exemple, que de trouver une femme, -belle, jeune, adroite, qui eût à se venger elle-même du duc. Une -pareille femme peut se rencontrer: le duc est homme à bonnes -fortunes, et, s'il a semé bien des amours par ses promesses de -constance éternelle, il a dû semer bien des haines aussi par ses -éternelles infidélités. - --- Sans doute, dit froidement Milady, une pareille femme peut se -rencontrer. - --- Eh bien, une pareille femme, qui mettrait le couteau de Jacques -Clément ou de Ravaillac aux mains d'un fanatique, sauverait la -France. - --- Oui, mais elle serait complice d'un assassinat. - --- A-t-on jamais connu les complices de Ravaillac ou de Jacques -Clément? - --- Non, car peut-être étaient-ils placés trop haut pour qu'on osât -les aller chercher là où ils étaient: on ne brûlerait pas le -Palais de Justice pour tout le monde, Monseigneur. - --- Vous croyez donc que l'incendie du Palais de Justice a une -cause autre que celle du hasard? demanda Richelieu du ton dont il -eût fait une question sans aucune importance. - --- Moi, Monseigneur, répondit Milady, je ne crois rien, je cite un -fait, voilà tout, seulement, je dis que si je m'appelais -Mlle de Monpensier ou la reine Marie de Médicis, je prendrais -moins de précautions que j'en prends, m'appelant tout simplement -Lady Clarick. - --- C'est juste, dit Richelieu, et que voudriez-vous donc? - --- Je voudrais un ordre qui ratifiât d'avance tout ce que je -croirai devoir faire pour le plus grand bien de la France. - --- Mais il faudrait d'abord trouver la femme que j'ai dit, et qui -aurait à se venger du duc. - --- Elle est trouvée, dit Milady. - --- Puis il faudrait trouver ce misérable fanatique qui servira -d'instrument à la justice de Dieu. - --- On le trouvera. - --- Eh bien, dit le duc, alors il sera temps de réclamer l'ordre -que vous demandiez tout à l'heure. - --- Votre Éminence a raison, dit Milady, et c'est moi qui ai eu -tort de voir dans la mission dont elle m'honore autre chose que ce -qui est réellement, c'est-à-dire d'annoncer à Sa Grâce, de la part -de Son Éminence, que vous connaissez les différents déguisements à -l'aide desquels il est parvenu à se rapprocher de la reine pendant -la fête donnée par Mme la connétable; que vous avez les preuves de -l'entrevue accordée au Louvre par la reine à certain astrologue -italien qui n'est autre que le duc de Buckingham; que vous avez -commandé un petit roman, des plus spirituels, sur l'aventure -d'Amiens, avec plan du jardin où cette aventure s'est passée et -portraits des acteurs qui y ont figuré; que Montaigu est à la -Bastille, et que la torture peut lui faire dire des choses dont il -se souvient et même des choses qu'il aurait oubliées; enfin, que -vous possédez certaine lettre de Mme de Chevreuse, trouvée dans le -logis de Sa Grâce, qui compromet singulièrement, non seulement -celle qui l'a écrite, mais encore celle au nom de qui elle a été -écrite. Puis, s'il persiste malgré tout cela, comme c'est à ce que -je viens de dire que se borne ma mission, je n'aurai plus qu'à -prier Dieu de faire un miracle pour sauver la France. C'est bien -cela, n'est-ce pas, Monseigneur, et je n'ai pas autre chose à -faire? - --- C'est bien cela, reprit sèchement le cardinal. - --- Et maintenant, dit Milady sans paraître remarquer le changement -de ton du duc à son égard, maintenant que j'ai reçu les -instructions de Votre Éminence à propos de ses ennemis, -Monseigneur me permettra-t-il de lui dire deux mots des miens? - --- Vous avez donc des ennemis? demanda Richelieu. - --- Oui, Monseigneur; des ennemis contre lesquels vous me devez -tout votre appui, car je me les suis faits en servant Votre -Éminence. - --- Et lesquels? répliqua le duc. - --- D'abord une petite intrigante du nom de Bonacieux. - --- Elle est dans la prison de Mantes. - --- C'est-à-dire qu'elle y était, reprit Milady, mais la reine a -surpris un ordre du roi, à l'aide duquel elle l'a fait transporter -dans un couvent. - --- Dans un couvent? dit le duc. - --- Oui, dans un couvent. - --- Et dans lequel? - --- Je l'ignore, le secret a été bien gardé... - --- Je le saurai, moi! - --- Et Votre Éminence me dira dans quel couvent est cette femme? - --- Je n'y vois pas d'inconvénient, dit le cardinal. - --- Bien; maintenant j'ai un autre ennemi bien autrement à craindre -pour moi que cette petite Mme Bonacieux. - --- Et lequel? - --- Son amant. - --- Comment s'appelle-t-il? - --- Oh! Votre Éminence le connaît bien, s'écria Milady emportée par -la colère, c'est notre mauvais génie à tous deux; c'est celui qui, -dans une rencontre avec les gardes de Votre Éminence, a décidé la -victoire en faveur des mousquetaires du roi; c'est celui qui a -donné trois coups d'épée à de Wardes, votre émissaire, et qui a -fait échouer l'affaire des ferrets; c'est celui enfin qui, sachant -que c'était moi qui lui avais enlevé Mme Bonacieux, a juré ma -mort. - --- Ah! ah! dit le cardinal, je sais de qui vous voulez parler. - --- Je veux parler de ce misérable d'Artagnan. - --- C'est un hardi compagnon, dit le cardinal. - --- Et c'est justement parce que c'est un hardi compagnon qu'il -n'en est que plus à craindre. - --- Il faudrait, dit le duc, avoir une preuve de ses intelligences -avec Buckingham. - --- Une preuve, s'écria Milady, j'en aurai dix. - --- Eh bien, alors! c'est la chose la plus simple du monde, ayez- -moi cette preuve et je l'envoie à la Bastille. - --- Bien, Monseigneur! mais ensuite? - --- Quand on est à la Bastille, il n'y a pas d'ensuite, dit le -cardinal d'une voix sourde. Ah! pardieu, continua-t-il, s'il -m'était aussi facile de me débarrasser de mon ennemi qu'il m'est -facile de me débarrasser des vôtres, et si c'était contre de -pareilles gens que vous me demandiez l'impunité!... - --- Monseigneur, reprit Milady, troc pour troc, existence pour -existence, homme pour homme; donnez-moi celui-là, je vous donne -l'autre. - --- Je ne sais pas ce que vous voulez dire, reprit le cardinal, et -ne veux même pas le savoir, mais j'ai le désir de vous être -agréable et ne vois aucun inconvénient à vous donner ce que vous -demandez à l'égard d'une si infime créature; d'autant plus, comme -vous me le dites, que ce petit d'Artagnan est un libertin, un -duelliste, un traître. - --- Un infâme, Monseigneur, un infâme! - --- Donnez-moi donc du papier, une plume et de l'encre, dit le -cardinal. - --- En voici, Monseigneur.» - -Il se fit un instant de silence qui prouvait que le cardinal était -occupé à chercher les termes dans lesquels devait être écrit le -billet, ou même à l'écrire. Athos, qui n'avait pas perdu un mot de -la conversation, prit ses deux compagnons chacun par une main et -les conduisit à l'autre bout de la chambre. - -«Eh bien, dit Porthos, que veux-tu, et pourquoi ne nous laisses-tu -pas écouter la fin de la conversation? - --- Chut! dit Athos parlant à voix basse, nous en avons entendu -tout ce qu'il est nécessaire que nous entendions; d'ailleurs je ne -vous empêche pas d'écouter le reste, mais il faut que je sorte. - --- Il faut que tu sortes! dit Porthos; mais si le cardinal te -demande, que répondrons-nous? - --- Vous n'attendrez pas qu'il me demande, vous lui direz les -premiers que je suis parti en éclaireur parce que certaines -paroles de notre hôte m'ont donné à penser que le chemin n'était -pas sûr; j'en toucherai d'abord deux mots à l'écuyer du cardinal; -le reste me regarde, ne vous en inquiétez pas. - --- Soyez prudent, Athos! dit Aramis. - --- Soyez tranquille, répondit Athos, vous le savez, j'ai du sang- -froid.» - -Porthos et Aramis allèrent reprendre leur place près du tuyau de -poêle. - -Quant à Athos, il sortit sans aucun mystère, alla prendre son -cheval attaché avec ceux de ses deux amis aux tourniquets des -contrevents, convainquit en quatre mots l'écuyer de la nécessité -d'une avant-garde pour le retour, visita avec affectation l'amorce -de ses pistolets, mit l'épée aux dents et suivit, en enfant perdu, -la route qui conduisait au camp. - - -CHAPITRE XLV -SCÈNE CONJUGALE - -Comme l'avait prévu Athos, le cardinal ne tarda point à descendre; -il ouvrit la porte de la chambre où étaient entrés les -mousquetaires, et trouva Porthos faisant une partie de dés -acharnée avec Aramis. D'un coup d'oeil rapide, il fouilla tous les -coins de la salle, et vit qu'un de ses hommes lui manquait. - -«Qu'est devenu M. Athos? demanda-t-il. - --- Monseigneur, répondit Porthos, il est parti en éclaireur sur -quelques propos de notre hôte, qui lui ont fait croire que la -route n'était pas sûre. - --- Et vous, qu'avez-vous fait, monsieur Porthos? - --- J'ai gagné cinq pistoles à Aramis. - --- Et maintenant, vous pouvez revenir avec moi? - --- Nous sommes aux ordres de Votre Éminence. - --- À cheval donc, messieurs, car il se fait tard.» - -L'écuyer était à la porte, et tenait en bride le cheval du -cardinal. Un peu plus loin, un groupe de deux hommes et de trois -chevaux apparaissait dans l'ombre; ces deux hommes étaient ceux -qui devaient conduire Milady au fort de La Pointe, et veiller à -son embarquement. - -L'écuyer confirma au cardinal ce que les deux mousquetaires lui -avaient déjà dit à propos d'Athos. Le cardinal fit un geste -approbateur, et reprit la route, s'entourant au retour des mêmes -précautions qu'il avait prises au départ. - -Laissons-le suivre le chemin du camp, protégé par l'écuyer et les -deux mousquetaires, et revenons à Athos. - -Pendant une centaine de pas, il avait marché de la même allure; -mais, une fois hors de vue, il avait lancé son cheval à droite, -avait fait un détour, et était revenu à une vingtaine de pas, dans -le taillis, guetter le passage de la petite troupe; ayant reconnu -les chapeaux bordés de ses compagnons et la frange dorée du -manteau de M. le cardinal, il attendit que les cavaliers eussent -tourné l'angle de la route, et, les ayant perdus de vue, il revint -au galop à l'auberge, qu'on lui ouvrit sans difficulté. - -L'hôte le reconnut. - -«Mon officier, dit Athos, a oublié de faire à la dame du premier -une recommandation importante, il m'envoie pour réparer son oubli. - --- Montez, dit l'hôte, elle est encore dans sa chambre.» - -Athos profita de la permission, monta l'escalier de son pas le -plus léger, arriva sur le carré, et, à travers la porte -entrouverte, il vit Milady qui attachait son chapeau. - -Il entra dans la chambre, et referma la porte derrière lui. - -Au bruit qu'il fit en repoussant le verrou, Milady se retourna. - -Athos était debout devant la porte, enveloppé dans son manteau, -son chapeau rabattu sur ses yeux. - -En voyant cette figure muette et immobile comme une statue, Milady -eut peur. - -«Qui êtes-vous? et que demandez-vous?» s'écria-t-elle. «Allons, -c'est bien elle!» murmura Athos. - -Et, laissant tomber son manteau, et relevant son feutre, il -s'avança vers Milady. - -«Me reconnaissez-vous, madame?» dit-il. - -Milady fit un pas en avant, puis recula comme à la vue d'un -serpent. - -«Allons, dit Athos, c'est bien, je vois que vous me reconnaissez. - --- Le comte de La Fère! murmura Milady en pâlissant et en reculant -jusqu'à ce que la muraille l'empêchât d'aller plus loin. - --- Oui, Milady, répondit Athos, le comte de La Fère en personne, -qui revient tout exprès de l'autre monde pour avoir le plaisir de -vous voir. Asseyons-nous donc, et causons, comme dit Monseigneur -le cardinal.» - -Milady, dominée par une terreur inexprimable, s'assit sans -proférer une seule parole. - -«Vous êtes donc un démon envoyé sur la terre? dit Athos. Votre -puissance est grande, je le sais; mais vous savez aussi qu'avec -l'aide de Dieu les hommes ont souvent vaincu les démons les plus -terribles. Vous vous êtes déjà trouvée sur mon chemin, je croyais -vous avoir terrassée, madame; mais, ou je me trompai, ou l'enfer -vous a ressuscitée.» - -Milady, à ces paroles qui lui rappelaient des souvenirs -effroyables, baissa la tête avec un gémissement sourd. - -«Oui, l'enfer vous a ressuscitée, reprit Athos, l'enfer vous a -faite riche, l'enfer vous a donné un autre nom, l'enfer vous a -presque refait même un autre visage; mais il n'a effacé ni les -souillures de votre âme, ni la flétrissure de votre corps.» - -Milady se leva comme mue par un ressort, et ses yeux lancèrent des -éclairs. Athos resta assis. - -«Vous me croyiez mort, n'est-ce pas, comme je vous croyais morte? -et ce nom d'Athos avait caché le comte de La Fère, comme le nom de -Milady Clarick avait caché Anne de Breuil! N'était-ce pas ainsi -que vous vous appeliez quand votre honoré frère nous a mariés? -Notre position est vraiment étrange, poursuivit Athos en riant; -nous n'avons vécu jusqu'à présent l'un et l'autre que parce que -nous nous croyions morts, et qu'un souvenir gêne moins qu'une -créature, quoique ce soit chose dévorante parfois qu'un souvenir! - --- Mais enfin, dit Milady d'une voix sourde, qui vous ramène vers -moi? et que me voulez-vous? - --- Je veux vous dire que, tout en restant invisible à vos yeux, je -ne vous ai pas perdue de vue, moi! - --- Vous savez ce que j'ai fait? - --- Je puis vous raconter jour par jour vos actions, depuis votre -entrée au service du cardinal jusqu'à ce soir.» - -Un sourire d'incrédulité passa sur les lèvres pâles de Milady. - -«Écoutez: c'est vous qui avez coupé les deux ferrets de diamants -sur l'épaule du duc de Buckingham; c'est vous qui avez fait -enlever Mme Bonacieux; c'est vous qui, amoureuse de de Wardes, et -croyant passer la nuit avec lui, avez ouvert votre porte à -M. d'Artagnan; c'est vous qui, croyant que de Wardes vous avait -trompée, avez voulu le faire tuer par son rival; c'est vous qui, -lorsque ce rival eut découvert votre infâme secret, avez voulu le -faire tuer à son tour par deux assassins que vous avez envoyés à -sa poursuite; c'est vous qui, voyant que les balles avaient manqué -leur coup, avez envoyé du vin empoisonné avec une fausse lettre, -pour faire croire à votre victime que ce vin venait de ses amis; -c'est vous, enfin, qui venez là, dans cette chambre, assise sur -cette chaise où je suis, de prendre avec le cardinal de Richelieu -l'engagement de faire assassiner le duc de Buckingham, en échange -de la promesse qu'il vous a faite de vous laisser assassiner -d'Artagnan.» - -Milady était livide. - -«Mais vous êtes donc Satan? dit-elle. - --- Peut-être, dit Athos; mais, en tout cas, écoutez bien ceci: -Assassinez ou faites assassiner le duc de Buckingham, peu -m'importe! je ne le connais pas: d'ailleurs c'est un Anglais; mais -ne touchez pas du bout du doigt à un seul cheveu de d'Artagnan, -qui est un fidèle ami que j'aime et que je défends, ou, je vous le -jure par la tête de mon père, le crime que vous aurez commis sera -le dernier. - --- M. d'Artagnan m'a cruellement offensée, dit Milady d'une voix -sourde, M. d'Artagnan mourra. - --- En vérité, cela est-il possible qu'on vous offense, madame? dit -en riant Athos; il vous a offensée, et il mourra? - --- Il mourra, reprit Milady; elle d'abord, lui ensuite.» - -Athos fut saisi comme d'un vertige: la vue de cette créature, qui -n'avait rien d'une femme, lui rappelait des souvenirs terribles; -il pensa qu'un jour, dans une situation moins dangereuse que celle -où il se trouvait, il avait déjà voulu la sacrifier à son honneur; -son désir de meurtre lui revint brûlant et l'envahit comme une -fièvre ardente: il se leva à son tour, porta la main à sa -ceinture, en tira un pistolet et l'arma. - -Milady, pâle comme un cadavre, voulut crier, mais sa langue glacée -ne put proférer qu'un son rauque qui n'avait rien de la parole -humaine et qui semblait le râle d'une bête fauve; collée contre la -sombre tapisserie, elle apparaissait, les cheveux épars, comme -l'image effrayante de la terreur. - -Athos leva lentement son pistolet, étendit le bras de manière que -l'arme touchât presque le front de Milady puis, d'une voix -d'autant plus terrible qu'elle avait le calme suprême d'une -inflexible résolution: - -«Madame, dit-il, vous allez à l'instant même me remettre le papier -que vous a signé le cardinal, ou, sur mon âme, je vous fais sauter -la cervelle.» - -Avec un autre homme Milady aurait pu conserver quelque doute, mais -elle connaissait Athos; cependant elle resta immobile. - -«Vous avez une seconde pour vous décider», dit-il. - -Milady vit à la contraction de son visage que le coup allait -partir; elle porta vivement la main à sa poitrine, en tira un -papier et le tendit à Athos. - -«Tenez, dit-elle, et soyez maudit!» - -Athos prit le papier, repassa le pistolet à sa ceinture, -s'approcha de la lampe pour s'assurer que c'était bien celui-là, -le déplia et lut: - -«C'est par mon ordre et pour le bien de l'État que le porteur du -présent a fait ce qu'il a fait. - -3 décembre 1627. - -«Richelieu» - -«Et maintenant, dit Athos en reprenant son manteau et en replaçant -son feutre sur sa tête, maintenant que je t'ai arraché les dents, -vipère, mords si tu peux.» - -Et il sortit de la chambre sans même regarder en arrière. - -À la porte il trouva les deux hommes et le cheval qu'ils tenaient -en main. - -«Messieurs, dit-il, l'ordre de Monseigneur, vous le savez, est de -conduire cette femme, sans perdre de temps, au fort de La Pointe -et de ne la quitter que lorsqu'elle sera à bord.» - -Comme ces paroles s'accordaient effectivement avec l'ordre qu'ils -avaient reçu, ils inclinèrent la tête en signe d'assentiment. - -Quant à Athos, il se mit légèrement en selle et partit au galop; -seulement, au lieu de suivre la route, il prit à travers champs, -piquant avec vigueur son cheval et de temps en temps s'arrêtant -pour écouter. - -Dans une de ces haltes, il entendit sur la route le pas de -plusieurs chevaux. Il ne douta point que ce ne fût le cardinal et -son escorte. Aussitôt il fit une nouvelle pointe en avant, -bouchonna son cheval avec de la bruyère et des feuilles d'arbres, -et vint se mettre en travers de la route à deux cents pas du camp -à peu près. - -«Qui vive? cria-t-il de loin quand il aperçut les cavaliers. - --- C'est notre brave mousquetaire, je crois, dit le cardinal. - --- Oui, Monseigneur, répondit Athos. C'est lui-même. - --- Monsieur Athos, dit Richelieu, recevez tous mes remerciements -pour la bonne garde que vous nous avez faite; messieurs, nous -voici arrivés: prenez la porte à gauche, le mot d'ordre est Roi et -Ré.» - -En disant ces mots, le cardinal salua de la tête les trois amis, -et prit à droite suivi de son écuyer; car, cette nuit-là, lui-même -couchait au camp. - -«Eh bien! dirent ensemble Porthos et Aramis lorsque le cardinal -fut hors de la portée de la voix, eh bien il a signé le papier -qu'elle demandait. - --- Je le sais, dit tranquillement Athos, puisque le voici.» - -Et les trois amis n'échangèrent plus une seule parole jusqu'à leur -quartier, excepté pour donner le mot d'ordre aux sentinelles. - -Seulement, on envoya Mousqueton dire à Planchet que son maître -était prié, en relevant de tranchée, de se rendre à l'instant même -au logis des mousquetaires. - -D'un autre côté, comme l'avait prévu Athos, Milady, en retrouvant -à la porte les hommes qui l'attendaient, ne fit aucune difficulté -de les suivre; elle avait bien eu l'envie un instant de se faire -reconduire devant le cardinal et de lui tout raconter, mais une -révélation de sa part amenait une révélation de la part d'Athos: -elle dirait bien qu'Athos l'avait pendue, mais Athos dirait -qu'elle était marquée; elle pensa qu'il valait donc encore mieux -garder le silence, partir discrètement, accomplir avec son -habileté ordinaire la mission difficile dont elle s'était chargée, -puis, toutes les choses accomplies à la satisfaction du cardinal, -venir lui réclamer sa vengeance. - -En conséquence, après avoir voyagé toute la nuit, à sept heures du -matin elle était au fort de La Pointe, à huit heures elle était -embarquée, et à neuf heures le bâtiment, qui, avec des lettres de -marque du cardinal, était censé être en partance pour Bayonne, -levait l'ancre et faisait voile pour l'Angleterre. - - -CHAPITRE XLVI -LE BASTION SAINT-GERVAIS - -En arrivant chez ses trois amis, d'Artagnan les trouva réunis dans -la même chambre: Athos réfléchissait, Porthos frisait sa -moustache, Aramis disait ses prières dans un charmant petit livre -d'heures relié en velours bleu. - -«Pardieu, messieurs! dit-il, j'espère que ce que vous avez à me -dire en vaut la peine, sans cela je vous préviens que je ne vous -pardonnerai pas de m'avoir fait venir, au lieu de me laisser -reposer après une nuit passée à prendre et à démanteler un -bastion. Ah! que n'étiez-vous là, messieurs! il y a fait chaud! - --- Nous étions ailleurs, où il ne faisait pas froid non plus! -répondit Porthos tout en faisant prendre à sa moustache un pli qui -lui était particulier. - --- Chut! dit Athos. - --- Oh! oh! fit d'Artagnan comprenant le léger froncement de -sourcils du mousquetaire, il paraît qu'il y a du nouveau ici. - --- Aramis, dit Athos, vous avez été déjeuner avant-hier à -l'auberge du Parpaillot, je crois? - --- Oui. - --- Comment est-on là? - --- Mais, j'y ai fort mal mangé pour mon compte, avant-hier était -un jour maigre, et ils n'avaient que du gras. - --- Comment! dit Athos, dans un port de mer ils n'ont pas de -poisson? - --- Ils disent, reprit Aramis en se remettant à sa pieuse lecture, -que la digue que fait bâtir M. le cardinal le chasse en pleine -mer. - --- Mais, ce n'est pas cela que je vous demandais, Aramis, reprit -Athos; je vous demandais si vous aviez été bien libre, et si -personne ne vous avait dérangé? - --- Mais il me semble que nous n'avons pas eu trop d'importuns; -oui, au fait, pour ce que vous voulez dire, Athos, nous serons -assez bien au Parpaillot. - --- Allons donc au Parpaillot, dit Athos, car ici les murailles -sont comme des feuilles de papier.» - -D'Artagnan, qui était habitué aux manières de faire de son ami, et -qui reconnaissait tout de suite à une parole, à un geste, à un -signe de lui, que les circonstances étaient graves, prit le bras -d'Athos et sortit avec lui sans rien dire; Porthos suivit en -devisant avec Aramis. - -En route, on rencontra Grimaud, Athos lui fit signe de suivre; -Grimaud, selon son habitude, obéit en silence; le pauvre garçon -avait à peu près fini par désapprendre de parler. - -On arriva à la buvette du Parpaillot: il était sept heures du -matin, le jour commençait à paraître; les trois amis commandèrent -à déjeuner, et entrèrent dans une salle où au dire de l'hôte, ils -ne devaient pas être dérangés. - -Malheureusement l'heure était mal choisie pour un conciliabule; on -venait de battre la diane, chacun secouait le sommeil de la nuit, -et, pour chasser l'air humide du matin, venait boire la goutte à -la buvette: dragons, Suisses, gardes, mousquetaires, chevau-légers -se succédaient avec une rapidité qui devait très bien faire les -affaires de l'hôte, mais qui remplissait fort mal les vues des -quatre amis. Aussi répondaient-ils d'une manière fort maussade aux -saluts, aux toasts et aux _lazzi_ de leurs compagnons. - -«Allons! dit Athos, nous allons nous faire quelque bonne querelle, -et nous n'avons pas besoin de cela en ce moment. D'Artagnan, -racontez-nous votre nuit; nous vous raconterons la nôtre après. - --- En effet, dit un chevau-léger qui se dandinait en tenant à la -main un verre d'eau-de-vie qu'il dégustait lentement; en effet, -vous étiez de tranchée cette nuit, messieurs les gardes, et il me -semble que vous avez eu maille à partir avec les Rochelois?» - -D'Artagnan regarda Athos pour savoir s'il devait répondre à cet -intrus qui se mêlait à la conversation. - -«Eh bien, dit Athos, n'entends-tu pas M. de Busigny qui te fait -l'honneur de t'adresser la parole? Raconte ce qui s'est passé -cette nuit, puisque ces messieurs désirent le savoir. - --- N'avre-bous bas bris un pastion? demanda un Suisse qui buvait -du rhum dans un verre à bière. - --- Oui, monsieur, répondit d'Artagnan en s'inclinant, nous avons -eu cet honneur, nous avons même, comme vous avez pu l'entendre, -introduit sous un des angles un baril de poudre qui, en éclatant, -a fait une fort jolie brèche; sans compter que, comme le bastion -n'était pas d'hier, tout le reste de la bâtisse s'en est trouvé -fort ébranlé. - --- Et quel bastion est-ce? demanda un dragon qui tenait enfilée à -son sabre une oie qu'il apportait pour qu'on la fît cuire. - --- Le bastion Saint-Gervais, répondit d'Artagnan, derrière lequel -les Rochelois inquiétaient nos travailleurs. - --- Et l'affaire a été chaude? - --- Mais, oui; nous y avons perdu cinq hommes, et les Rochelois -huit ou dix. - --- Balzampleu! fit le Suisse, qui, malgré l'admirable collection -de jurons que possède la langue allemande, avait pris l'habitude -de jurer en français. - --- Mais il est probable, dit le chevau-léger, qu'ils vont, ce -matin, envoyer des pionniers pour remettre le bastion en état. - --- Oui, c'est probable, dit d'Artagnan. - --- Messieurs, dit Athos, un pari! - --- Ah! woui! un bari! dit le Suisse. - --- Lequel? demanda le chevau-léger. - --- Attendez, dit le dragon en posant son sabre comme une broche -sur les deux grands chenets de fer qui soutenaient le feu de la -cheminée, j'en suis. Hôtelier de malheur! une lèchefrite tout de -suite, que je ne perde pas une goutte de la graisse de cette -estimable volaille. - --- Il avre raison, dit le Suisse, la graisse t'oie, il est très -ponne avec des gonfitures. - --- Là! dit le dragon. Maintenant, voyons le pari! Nous écoutons, -monsieur Athos! - --- Oui, le pari! dit le chevau-léger. - --- Eh bien, monsieur de Busigny, je parie avec vous, dit Athos, -que mes trois compagnons, MM. Porthos, Aramis, d'Artagnan et moi, -nous allons déjeuner dans le bastion Saint-Gervais et que nous y -tenons une heure, montre à la main, quelque chose que l'ennemi -fasse pour nous déloger.» - -Porthos et Aramis se regardèrent, ils commençaient à comprendre. - -«Mais, dit d'Artagnan en se penchant à l'oreille d'Athos, tu vas -nous faire tuer sans miséricorde. - --- Nous sommes bien plus tués, répondit Athos, si nous n'y allons -pas. - --- Ah! ma foi! messieurs, dit Porthos en se renversant sur sa -chaise et frisant sa moustache, voici un beau pari, j'espère. - --- Aussi je l'accepte, dit M. de Busigny; maintenant il s'agit de -fixer l'enjeu. - --- Mais vous êtes quatre, messieurs, dit Athos, nous sommes -quatre; un dîner à discrétion pour huit, cela vous va-t-il? - --- À merveille, reprit M. de Busigny. - --- Parfaitement, dit le dragon. - --- Ça me fa», dit le Suisse. - -Le quatrième auditeur, qui, dans toute cette conversation, avait -joué un rôle muet, fit un signe de la tête en signe qu'il -acquiesçait à la proposition. - -«Le déjeuner de ces messieurs est prêt, dit l'hôte. - --- Eh bien, apportez-le», dit Athos. - -L'hôte obéit. Athos appela Grimaud, lui montra un grand panier qui -gisait dans un coin et fit le geste d'envelopper dans les -serviettes les viandes apportées. - -Grimaud comprit à l'instant même qu'il s'agissait d'un déjeuner -sur l'herbe, prit le panier, empaqueta les viandes, y joignit les -bouteilles et prit le panier à son bras. - -«Mais où allez-vous manger mon déjeuner? dit l'hôte. - --- Que vous importe, dit Athos, pourvu qu'on vous le paie?» - -Et il jeta majestueusement deux pistoles sur la table. - -«Faut-il vous rendre, mon officier? dit l'hôte. - --- Non; ajoute seulement deux bouteilles de vin de Champagne et la -différence sera pour les serviettes.» - -L'hôte ne faisait pas une aussi bonne affaire qu'il l'avait cru -d'abord, mais il se rattrapa en glissant aux quatre convives deux -bouteilles de vin d'Anjou au lieu de deux bouteilles de vin de -Champagne. - -«Monsieur de Busigny, dit Athos, voulez-vous bien régler votre -montre sur la mienne, ou me permettre de régler la mienne sur la -vôtre? - --- À merveille, monsieur! dit le chevau-léger en tirant de son -gousset une fort belle montre entourée de diamants; sept heures et -demie, dit-il. - --- Sept heures trente-cinq minutes, dit Athos; nous saurons que -j'avance de cinq minutes sur vous, monsieur.» - -Et, saluant les assistants ébahis, les quatre jeunes gens prirent -le chemin du bastion Saint-Gervais, suivis de Grimaud, qui portait -le panier, ignorant où il allait, mais, dans l'obéissance passive -dont il avait pris l'habitude avec Athos, ne songeait pas même à -le demander. - -Tant qu'ils furent dans l'enceinte du camp, les quatre amis -n'échangèrent pas une parole; d'ailleurs ils étaient suivis par -les curieux, qui, connaissant le pari engagé, voulaient savoir -comment ils s'en tireraient. - -Mais une fois qu'ils eurent franchi la ligne de circonvallation et -qu'ils se trouvèrent en plein air, d'Artagnan, qui ignorait -complètement ce dont il s'agissait, crut qu'il était temps de -demander une explication. - -«Et maintenant, mon cher Athos, dit-il, faites-moi l'amitié de -m'apprendre où nous allons? - --- Vous le voyez bien, dit Athos, nous allons au bastion. - --- Mais qu'y allons-nous faire? - --- Vous le savez bien, nous y allons déjeuner. - --- Mais pourquoi n'avons-nous pas déjeuné au Parpaillot? - --- Parce que nous avons des choses fort importantes à nous dire, et -qu'il était impossible de causer cinq minutes dans cette auberge -avec tous ces importuns qui vont, qui viennent, qui saluent, qui -accostent; ici, du moins, continua Athos en montrant le bastion, -on ne viendra pas nous déranger. - --- Il me semble, dit d'Artagnan avec cette prudence qui s'alliait -si bien et si naturellement chez lui à une excessive bravoure, il -me semble que nous aurions pu trouver quelque endroit écarté dans -les dunes, au bord de la mer. - --- Où l'on nous aurait vus conférer tous les quatre ensemble, de -sorte qu'au bout d'un quart d'heure le cardinal eût été prévenu -par ses espions que nous tenions conseil. - -Oui, dit Aramis, Athos a raison: _Animadvertuntur in desertis_. - -Un désert n'aurait pas été mal, dit Porthos, mais il s'agissait de -le trouver. - --- Il n'y a pas de désert où un oiseau ne puisse passer au-dessus -de la tête, où un poisson ne puisse sauter au-dessus de l'eau, où -un lapin ne puisse partir de son gîte, et je crois qu'oiseau, -poisson, lapin, tout s'est fait espion du cardinal. Mieux vaut -donc poursuivre notre entreprise, devant laquelle d'ailleurs nous -ne pouvons plus reculer sans honte; nous avons fait un pari, un -pari qui ne pouvait être prévu, et dont je défie qui que ce soit -de deviner la véritable cause: nous allons, pour le gagner, tenir -une heure dans le bastion. Ou nous serons attaqués, ou nous ne le -serons pas. Si nous ne le sommes pas, nous aurons tout le temps de -causer et personne ne nous entendra, car je réponds que les murs -de ce bastion n'ont pas d'oreilles; si nous le sommes, nous -causerons de nos affaires tout de même, et de plus, tout en nous -défendant, nous nous couvrons de gloire. Vous voyez bien que tout -est bénéfice. - --- Oui, dit d'Artagnan, mais nous attraperons indubitablement une -balle. - --- Eh! mon cher, dit Athos, vous savez bien que les balles les -plus à craindre ne sont pas celles de l'ennemi. - --- Mais il me semble que pour une pareille expédition, nous -aurions dû au moins emporter nos mousquets. - --- Vous êtes un niais, ami Porthos; pourquoi nous charger d'un -fardeau inutile? - --- Je ne trouve pas inutile en face de l'ennemi un bon mousquet de -calibre, douze cartouches et une poire à poudre. - --- Oh! bien, dit Athos, n'avez-vous pas entendu ce qu'a dit -d'Artagnan? - --- Qu'a dit d'Artagnan? demanda Porthos. - --- D'Artagnan a dit que dans l'attaque de cette nuit il y avait eu -huit ou dix Français de tués et autant de Rochelois. - --- Après? - --- On n'a pas eu le temps de les dépouiller, n'est-ce pas? attendu -qu'on avait autre chose pour le moment de plus pressé à faire. - --- Eh bien? - --- Eh bien, nous allons trouver leurs mousquets, leurs poires à -poudre et leurs cartouches, et au lieu de quatre mousquetons et de -douze balles, nous allons avoir une quinzaine de fusils et une -centaine de coups à tirer. - --- O Athos! dit Aramis, tu es véritablement un grand homme!» - -Porthos inclina la tête en signe d'adhésion. - -D'Artagnan seul ne paraissait pas convaincu. - -Sans doute Grimaud partageait les doutes du jeune homme; car, -voyant que l'on continuait de marcher vers le bastion, chose dont -il avait douté jusqu'alors, il tira son maître par le pan de son -habit. - -«Où allons-nous?» demanda-t-il par geste. - -Athos lui montra le bastion. - -«Mais, dit toujours dans le même dialecte le silencieux Grimaud, -nous y laisserons notre peau.» - -Athos leva les yeux et le doigt vers le ciel. - -Grimaud posa son panier à terre et s'assit en secouant la tête. - -Athos prit à sa ceinture un pistolet, regarda s'il était bien -amorcé, l'arma et approcha le canon de l'oreille de Grimaud. - -Grimaud se retrouva sur ses jambes comme par un ressort. - -Athos alors lui fit signe de prendre le panier et de marcher -devant. - -Grimaud obéit. - -Tout ce qu'avait gagné le pauvre garçon à cette pantomime d'un -instant, c'est qu'il était passé de l'arrière-garde à l'avant- -garde. - -Arrivés au bastion, les quatre amis se retournèrent. - -Plus de trois cents soldats de toutes armes étaient assemblés à la -porte du camp, et dans un groupe séparé on pouvait distinguer -M. de Busigny, le dragon, le Suisse et le quatrième parieur. - -Athos ôta son chapeau, le mit au bout de son épée et l'agita en -l'air. - -Tous les spectateurs lui rendirent son salut, accompagnant cette -politesse d'un grand hourra qui arriva jusqu'à eux. - -Après quoi, ils disparurent tous quatre dans le bastion, où les -avait déjà précédés Grimaud. - - -CHAPITRE XLVII -LE CONSEIL DES MOUSQUETAIRES - -Comme l'avait prévu Athos, le bastion n'était occupé que par une -douzaine de morts tant Français que Rochelois. - -«Messieurs, dit Athos, qui avait pris le commandement de -l'expédition, tandis que Grimaud va mettre la table, commençons -par recueillir les fusils et les cartouches; nous pouvons -d'ailleurs causer tout en accomplissant cette besogne. Ces -messieurs, ajouta-t-il en montrant les morts, ne nous écoutent -pas. - --- Mais nous pourrions toujours les jeter dans le fossé, dit -Porthos, après toutefois nous être assurés qu'ils n'ont rien dans -leurs poches. - --- Oui, dit Aramis, c'est l'affaire de Grimaud. - --- Ah! bien alors, dit d'Artagnan, que Grimaud les fouille et les -jette par-dessus les murailles. - --- Gardons-nous-en bien, dit Athos, ils peuvent nous servir. - --- Ces morts peuvent nous servir? dit Porthos. Ah çà, vous devenez -fou, cher ami. - --- Ne jugez pas témérairement, disent l'évangile et M. le -cardinal, répondit Athos; combien de fusils, messieurs? - --- Douze, répondit Aramis. - --- Combien de coups à tirer? - --- Une centaine. - --- C'est tout autant qu'il nous en faut; chargeons les armes.» - -Les quatre mousquetaires se mirent à la besogne. Comme ils -achevaient de charger le dernier fusil, Grimaud fit signe que le -déjeuner était servi. - -Athos répondit, toujours par geste, que c'était bien, et indiqua à -Grimaud une espèce de poivrière où celui-ci comprit qu'il se -devait tenir en sentinelle. Seulement, pour adoucir l'ennui de la -faction, Athos lui permit d'emporter un pain, deux côtelettes et -une bouteille de vin. - -«Et maintenant, à table», dit Athos. - -Les quatre amis s'assirent à terre, les jambes croisées, comme les -Turcs ou comme les tailleurs. - -«Ah! maintenant, dit d'Artagnan, que tu n'as plus la crainte -d'être entendu, j'espère que tu vas nous faire part de ton secret, -Athos. - --- J'espère que je vous procure à la fois de l'agrément et de la -gloire, messieurs, dit Athos. Je vous ai fait faire une promenade -charmante; voici un déjeuner des plus succulents, et cinq cents -personnes là-bas, comme vous pouvez les voir à travers les -meurtrières, qui nous prennent pour des fous ou pour des héros, -deux classes d'imbéciles qui se ressemblent assez. - --- Mais ce secret? demanda d'Artagnan. - --- Le secret, dit Athos, c'est que j'ai vu Milady hier soir.» - -D'Artagnan portait son verre à ses lèvres; mais à ce nom de -Milady, la main lui trembla si fort, qu'il le posa à terre pour ne -pas en répandre le contenu. - -«Tu as vu ta fem... - --- Chut donc! interrompit Athos: vous oubliez, mon cher, que ces -messieurs ne sont pas initiés comme vous dans le secret de mes -affaires de ménage; j'ai vu Milady. - --- Et où cela? demanda d'Artagnan. - --- À deux lieues d'ici à peu près, à l'auberge du Colombier-Rouge. - --- En ce cas je suis perdu, dit d'Artagnan. - --- Non, pas tout à fait encore, reprit Athos; car, à cette heure, -elle doit avoir quitté les côtes de France.» - -D'Artagnan respira. - -«Mais au bout du compte, demanda Porthos, qu'est-ce donc que cette -Milady? - --- Une femme charmante, dit Athos en dégustant un verre de vin -mousseux. Canaille d'hôtelier! s'écria-t-il, qui nous donne du vin -d'Anjou pour du vin de Champagne, et qui croit que nous nous y -laisserons prendre! Oui, continua-t-il, une femme charmante qui a -eu des bontés pour notre ami d'Artagnan, qui lui a fait je ne sais -quelle noirceur dont elle a essayé de se venger, il y a un mois en -voulant le faire tuer à coups de mousquet, il y a huit jours en -essayant de l'empoisonner, et hier en demandant sa tête au -cardinal. - --- Comment! en demandant ma tête au cardinal? s'écria d'Artagnan, -pâle de terreur. - --- Ça, dit Porthos, c'est vrai comme l'évangile; je l'ai entendu -de mes deux oreilles. - --- Moi aussi, dit Aramis. - --- Alors, dit d'Artagnan en laissant tomber son bras avec -découragement, il est inutile de lutter plus longtemps; autant que -je me brûle la cervelle et que tout soit fini! - --- C'est la dernière sottise qu'il faut faire, dit Athos, attendu -que c'est la seule à laquelle il n'y ait pas de remède. - --- Mais je n'en réchapperai jamais, dit d'Artagnan, avec des -ennemis pareils. D'abord mon inconnu de Meung; ensuite de Wardes, -à qui j'ai donné trois coups d'épée; puis Milady, dont j'ai -surpris le secret; enfin, le cardinal, dont j'ai fait échouer la -vengeance. - --- Eh bien, dit Athos, tout cela ne fait que quatre, et nous -sommes quatre, un contre un. Pardieu! si nous en croyons les -signes que nous fait Grimaud, nous allons avoir affaire à un bien -plus grand nombre de gens. Qu'y a-t-il, Grimaud? Considérant la -gravité de la circonstance, je vous permets de parler, mon ami, -mais soyez laconique je vous prie. Que voyez-vous? - --- Une troupe. - --- De combien de personnes? - --- De vingt hommes. - --- Quels hommes? - --- Seize pionniers, quatre soldats. - --- À combien de pas sont-ils? - --- À cinq cents pas. - --- Bon, nous avons encore le temps d'achever cette volaille et de -boire un verre de vin à ta santé, d'Artagnan! - --- À ta santé! répétèrent Porthos et Aramis. - --- Eh bien donc, à ma santé! quoique je ne croie pas que vos -souhaits me servent à grand-chose. - --- Bah! dit Athos, Dieu est grand, comme disent les sectateurs de -Mahomet, et l'avenir est dans ses mains.» - -Puis, avalant le contenu de son verre, qu'il posa près de lui, -Athos se leva nonchalamment, prit le premier fusil venu et -s'approcha d'une meurtrière. - -Porthos, Aramis et d'Artagnan en firent autant. Quant à Grimaud, -il reçut l'ordre de se placer derrière les quatre amis afin de -recharger les armes. - -Au bout d'un instant on vit paraître la troupe; elle suivait une -espèce de boyau de tranchée qui établissait une communication -entre le bastion et la ville. - -«Pardieu! dit Athos, c'est bien la peine de nous déranger pour une -vingtaine de drôles armés de pioches, de hoyaux et de pelles! -Grimaud n'aurait eu qu'à leur faire signe de s'en aller, et je -suis convaincu qu'ils nous eussent laissés tranquilles. - --- J'en doute, observa d'Artagnan, car ils avancent fort -résolument de ce côté. D'ailleurs, il y a avec les travailleurs -quatre soldats et un brigadier armés de mousquets. - --- C'est qu'ils ne nous ont pas vus, reprit Athos. - --- Ma foi! dit Aramis, j'avoue que j'ai répugnance à tirer sur ces -pauvres diables de bourgeois. - --- Mauvais prêtre, répondit Porthos, qui a pitié des hérétiques! - --- En vérité, dit Athos, Aramis a raison, je vais les prévenir. - --- Que diable faites-vous donc? s'écria d'Artagnan, vous allez -vous faire fusiller, mon cher.» - -Mais Athos ne tint aucun compte de l'avis, et, montant sur la -brèche, son fusil d'une main et son chapeau de l'autre: - -«Messieurs, dit-il en s'adressant aux soldats et aux travailleurs, -qui, étonnés de son apparition, s'arrêtaient à cinquante pas -environ du bastion, et en les saluant courtoisement, messieurs, -nous sommes, quelques amis et moi, en train de déjeuner dans ce -bastion. Or, vous savez que rien n'est désagréable comme d'être -dérangé quand on déjeune; nous vous prions donc, si vous avez -absolument affaire ici, d'attendre que nous ayons fini notre -repas, ou de repasser plus tard, à moins qu'il ne vous prenne la -salutaire envie de quitter le parti de la rébellion et de venir -boire avec nous à la santé du roi de France. - --- Prends garde, Athos! s'écria d'Artagnan; ne vois-tu pas qu'ils -te mettent en joue? - --- Si fait, si fait, dit Athos, mais ce sont des bourgeois qui -tirent fort mal, et qui n'ont garde de me toucher.» - -En effet, au même instant quatre coups de fusil partirent, et les -balles vinrent s'aplatir autour d'Athos, mais sans qu'une seule le -touchât. - -Quatre coups de fusil leur répondirent presque en même temps, mais -ils étaient mieux dirigés que ceux des agresseurs, trois soldats -tombèrent tués raide, et un des travailleurs fut blessé. - -«Grimaud, un autre mousquet!» dit Athos toujours sur la brèche. - -Grimaud obéit aussitôt. De leur côté, les trois amis avaient -chargé leurs armes; une seconde décharge suivit la première: le -brigadier et deux pionniers tombèrent morts, le reste de la troupe -prit la fuite. - -«Allons, messieurs, une sortie», dit Athos. - -Et les quatre amis, s'élançant hors du fort, parvinrent jusqu'au -champ de bataille, ramassèrent les quatre mousquets des soldats et -la demi-pique du brigadier; et, convaincus que les fuyards ne -s'arrêteraient qu'à la ville, reprirent le chemin du bastion, -rapportant les trophées de leur victoire. - -«Rechargez les armes, Grimaud, dit Athos, et nous, messieurs, -reprenons notre déjeuner et continuons notre conversation. Où en -étions-nous? - --- Je me le rappelle, dit d'Artagnan; vous disiez qu'après avoir demandé ma tête au cardinal, milady avait quitté les côtes de France. - --- C'est vrai. - --- Et où va-t-elle? ajouta d'Artagnan, qui se préoccupait fort de l'itinéraire -que devrait suivre milady. - --- Elle va en Angleterre, répondit Athos. - --- Et dans quel but? - --- Dans le but d'assassiner ou de faire assassiner Buckingham.» - -D'Artagnan poussa une exclamation de surprise et d'indignation. - -«Mais c'est infâme! s'écria-t-il. - --- Oh! quant à cela, dit Athos, je vous prie de croire que je m'en -inquiète fort peu. Maintenant que vous avez fini, Grimaud, -continua Athos, prenez la demi-pique de notre brigadier, attachez- -y une serviette et plantez-la au haut de notre bastion, afin que -ces rebelles de Rochelois voient qu'ils ont affaire à de braves et -loyaux soldats du roi.» - -Grimaud obéit sans répondre. Un instant après le drapeau blanc -flottait au-dessus de la tête des quatre amis; un tonnerre -d'applaudissements salua son apparition; la moitié du camp était -aux barrières. - -«Comment! reprit d'Artagnan, tu t'inquiètes fort peu qu'elle tue -ou qu'elle fasse tuer Buckingham? Mais le duc est notre ami. - --- Le duc est Anglais, le duc combat contre nous; qu'elle fasse du -duc ce qu'elle voudra, je m'en soucie comme d'une bouteille vide.» - -Et Athos envoya à quinze pas de lui une bouteille qu'il tenait, et -dont il venait de transvaser jusqu'à la dernière goutte dans son -verre. - -«Un instant, dit d'Artagnan, je n'abandonne pas Buckingham ainsi; -il nous avait donné de fort beaux chevaux. - --- Et surtout de fort belles selles, ajouta Porthos, qui, à ce -moment même, portait à son manteau le galon de la sienne. - --- Puis, observa Aramis, Dieu veut la conversion et non la mort du -pécheur. - --- Amen, dit Athos, et nous reviendrons là-dessus plus tard, si -tel est votre plaisir; mais ce qui, pour le moment, me préoccupait -le plus, et je suis sûr que tu me comprendras, d'Artagnan, c'était -de reprendre à cette femme une espèce de blanc-seing qu'elle avait -extorqué au cardinal, et à l'aide duquel elle devait impunément se -débarrasser de toi et peut-être de nous. - --- Mais c'est donc un démon que cette créature? dit Porthos en -tendant son assiette à Aramis, qui découpait une volaille. - --- Et ce blanc-seing, dit d'Artagnan, ce blanc-seing est-il resté -entre ses mains? - --- Non, il est passé dans les miennes; je ne dirai pas que ce fut -sans peine, par exemple, car je mentirais. - --- Mon cher Athos, dit d'Artagnan, je ne compte plus les fois que -je vous dois la vie. - --- Alors c'était donc pour venir près d'elle que vous nous avez -quittés? demanda Aramis. - --- Justement. Et tu as cette lettre du cardinal? dit d'Artagnan. - --- La voici», dit Athos. - -Et il tira le précieux papier de la poche de sa casaque. - -D'Artagnan le déplia d'une main dont il n'essayait pas même de -dissimuler le tremblement et lut: - -«C'est par mon ordre et pour le bien de l'État que le porteur du -présent a fait ce qu'il a fait. - -«5 décembre 1627 - -«Richelieu» - -«En effet, dit Aramis, c'est une absolution dans toutes les -règles. - --- Il faut déchirer ce papier, s'écria d'Artagnan, qui semblait -lire sa sentence de mort. - --- Bien au contraire, dit Athos, il faut le conserver -précieusement, et je ne donnerais pas ce papier quand on le -couvrirait de pièces d'or. - --- Et que va-t-elle faire maintenant? demanda le jeune homme. - --- Mais, dit négligemment Athos, elle va probablement écrire au -cardinal qu'un damné mousquetaire, nommé Athos, lui a arraché son -sauf-conduit; elle lui donnera dans la même lettre le conseil de -se débarrasser, en même temps que de lui, de ses deux amis, -Porthos et Aramis; le cardinal se rappellera que ce sont les mêmes -hommes qu'il rencontre toujours sur son chemin; alors, un beau -matin il fera arrêter d'Artagnan, et, pour qu'il ne s'ennuie pas -tout seul, il nous enverra lui tenir compagnie à la Bastille. - --- Ah çà, mais, dit Porthos, il me semble que vous faites là de -tristes plaisanteries, mon cher. - --- Je ne plaisante pas, répondit Athos. - --- Savez-vous, dit Porthos, que tordre le cou à cette damnée -Milady serait un péché moins grand que de le tordre à ces pauvres -diables de huguenots, qui n'ont jamais commis d'autres crimes que -de chanter en français des psaumes que nous chantons en latin? - --- Qu'en dit l'abbé? demanda tranquillement Athos. - --- Je dis que je suis de l'avis de Porthos, répondit Aramis. - --- Et moi donc! fit d'Artagnan. - --- Heureusement qu'elle est loin, observa Porthos; car j'avoue -qu'elle me gênerait fort ici. - --- Elle me gêne en Angleterre aussi bien qu'en France, dit Athos. - --- Elle me gêne partout, continua d'Artagnan. - --- Mais puisque vous la teniez, dit Porthos, que ne l'avez-vous -noyée, étranglée, pendue? il n'y a que les morts qui ne reviennent -pas. - --- Vous croyez cela, Porthos? répondit le mousquetaire avec un -sombre sourire que d'Artagnan comprit seul. - --- J'ai une idée, dit d'Artagnan. - --- Voyons, dirent les mousquetaires. - --- Aux armes!» cria Grimaud. - -Les jeunes gens se levèrent vivement et coururent aux fusils. - -Cette fois, une petite troupe s'avançait composée de vingt ou -vingt-cinq hommes; mais ce n'étaient plus des travailleurs, -c'étaient des soldats de la garnison. - -«Si nous retournions au camp? dit Porthos, il me semble que la -partie n'est pas égale. - --- Impossible pour trois raisons, répondit Athos: la première, -c'est que nous n'avons pas fini de déjeuner; la seconde, c'est que -nous avons encore des choses d'importance à dire; la troisième, -c'est qu'il s'en manque encore de dix minutes que l'heure ne soit -écoulée. - --- Voyons, dit Aramis, il faut cependant arrêter un plan de -bataille. - --- Il est bien simple, répondit Athos: aussitôt que l'ennemi est à -portée de mousquet, nous faisons feu; s'il continue d'avancer, -nous faisons feu encore, nous faisons feu tant que nous avons des -fusils chargés; si ce qui reste de la troupe veut encore monter à -l'assaut, nous laissons les assiégeants descendre jusque dans le -fossé, et alors nous leur poussons sur la tête ce pan de mur qui -ne tient plus que par un miracle d'équilibre. - --- Bravo! s'écria Porthos; décidément, Athos, vous étiez né pour -être général, et le cardinal, qui se croit un grand homme -de guerre, est bien peu de chose auprès de vous. - --- Messieurs, dit Athos, pas de double emploi, je vous prie; visez -bien chacun votre homme. - --- Je tiens le mien, dit d'Artagnan. - --- Et moi le mien dit Porthos. - --- Et moi idem, dit Aramis. - --- Alors feu!» dit Athos. - -Les quatre coups de fusil ne firent qu'une détonation, et quatre -hommes tombèrent. - -Aussitôt le tambour battit, et la petite troupe s'avança au pas de -charge. - -Alors les coups de fusil se succédèrent sans régularité, mais -toujours envoyés avec la même justesse. Cependant, comme s'ils -eussent connu la faiblesse numérique des amis, les Rochelois -continuaient d'avancer au pas de course. - -Sur trois autres coups de fusil, deux hommes tombèrent; mais -cependant la marche de ceux qui restaient debout ne se -ralentissait pas. - -Arrivés au bas du bastion, les ennemis étaient encore douze ou -quinze; une dernière décharge les accueillit, mais ne les arrêta -point: ils sautèrent dans le fossé et s'apprêtèrent à escalader la -brèche. - -«Allons, mes amis, dit Athos, finissons-en d'un coup: à la -muraille! à la muraille!» - -Et les quatre amis, secondés par Grimaud, se mirent à pousser avec -le canon de leurs fusils un énorme pan de mur, qui s'inclina comme -si le vent le poussait, et, se détachant de sa base, tomba avec un -bruit horrible dans le fossé: puis on entendit un grand cri, un -nuage de poussière monta vers le ciel, et tout fut dit. - -«Les aurions-nous écrasés depuis le premier jusqu'au dernier? -demanda Athos. - --- Ma foi, cela m'en a l'air, dit d'Artagnan. - --- Non, dit Porthos, en voilà deux ou trois qui se sauvent tout -éclopés.» - -En effet, trois ou quatre de ces malheureux, couverts de boue et -de sang, fuyaient dans le chemin creux et regagnaient la ville: -c'était tout ce qui restait de la petite troupe. - -Athos regarda à sa montre. - -«Messieurs, dit-il, il y a une heure que nous sommes ici, et -maintenant le pari est gagné, mais il faut être beaux joueurs: -d'ailleurs d'Artagnan ne nous a pas dit son idée.» - -Et le mousquetaire, avec son sang-froid habituel, alla s'asseoir -devant les restes du déjeuner. - -«Mon idée? dit d'Artagnan. - --- Oui, vous disiez que vous aviez une idée, répliqua Athos. - --- Ah! j'y suis, reprit d'Artagnan: je passe en Angleterre une -seconde fois, je vais trouver M. de Buckingham et je l'avertis du -complot tramé contre sa vie. - --- Vous ne ferez pas cela, d'Artagnan, dit froidement Athos. - --- Et pourquoi cela? ne l'ai-je pas fait déjà? - --- Oui, mais à cette époque nous n'étions pas en guerre; à cette -époque, M. de Buckingham était un allié et non un ennemi: ce que -vous voulez faire serait taxé de trahison.» - -D'Artagnan comprit la force de ce raisonnement et se tut. - -«Mais, dit Porthos, il me semble que j'ai une idée à mon tour. - --- Silence pour l'idée de M. Porthos! dit Aramis. - --- Je demande un congé à M. de Tréville, sous un prétexte -quelconque que vous trouverez: je ne suis pas fort sur les -prétextes, moi. Milady ne me connaît pas, je m'approche d'elle -sans qu'elle me redoute, et lorsque je trouve ma belle, je -l'étrangle. - --- Eh bien, dit Athos, je ne suis pas très éloigné d'adopter -l'idée de Porthos. - --- Fi donc! dit Aramis, tuer une femme! Non, tenez, moi, j'ai la -véritable idée. - --- Voyons votre idée, Aramis! demanda Athos, qui avait beaucoup de -déférence pour le jeune mousquetaire. - --- Il faut prévenir la reine. - --- Ah! ma foi, oui, s'écrièrent ensemble Porthos et d'Artagnan; je -crois que nous touchons au moyen. - --- Prévenir la reine! dit Athos, et comment cela? Avons-nous des -relations à la cour? Pouvons-nous envoyer quelqu'un à Paris sans -qu'on le sache au camp? D'ici à Paris il y a cent quarante lieues; -notre lettre ne sera pas à Angers que nous serons au cachot, nous. - --- Quant à ce qui est de faire remettre sûrement une lettre à -Sa Majesté, proposa Aramis en rougissant, moi, je m'en charge; je -connais à Tours une personne adroite...» - -Aramis s'arrêta en voyant sourire Athos. - -«Eh bien, vous n'adoptez pas ce moyen, Athos? dit d'Artagnan. - --- Je ne le repousse pas tout à fait, dit Athos, mais je voulais -seulement faire observer à Aramis qu'il ne peut quitter le camp; -que tout autre qu'un de nous n'est pas sûr; que, deux heures après -que le messager sera parti, tous les capucins, tous les alguazils, -tous les bonnets noirs du cardinal sauront votre lettre par coeur, -et qu'on arrêtera vous et votre adroite personne. - --- Sans compter, objecta Porthos, que la reine sauvera -M. de Buckingham, mais ne nous sauvera pas du tout, nous autres. - --- Messieurs, dit d'Artagnan, ce qu'objecte Porthos est plein de -sens. - --- Ah! ah! que se passe-t-il donc dans la ville? dit Athos. - --- On bat la générale.» - -Les quatre amis écoutèrent, et le bruit du tambour parvint -effectivement jusqu'à eux. - -«Vous allez voir qu'ils vont nous envoyer un régiment tout entier, -dit Athos. - --- Vous ne comptez pas tenir contre un régiment tout entier? dit -Porthos. - --- Pourquoi pas? dit le mousquetaire, je me sens en train; et je -tiendrais devant une armée, si nous avions seulement eu la -précaution de prendre une douzaine de bouteilles en plus. - --- Sur ma parole, le tambour se rapproche, dit d'Artagnan. - --- Laissez-le se rapprocher, dit Athos; il y a pour un quart -d'heure de chemin d'ici à la ville, et par conséquent de la ville -ici. C'est plus de temps qu'il ne nous en faut pour arrêter notre -plan; si nous nous en allons d'ici, nous ne retrouverons jamais un -endroit aussi convenable. Et tenez, justement, messieurs, voilà la -vraie idée qui me vient. - --- Dites alors. - --- Permettez que je donne à Grimaud quelques ordres -indispensables.» - -Athos fit signe à son valet d'approcher. - -«Grimaud, dit Athos, en montrant les morts qui gisaient dans le -bastion, vous allez prendre ces messieurs, vous allez les dresser -contre la muraille, vous leur mettrez leur chapeau sur la tête et -leur fusil à la main. - --- O grand homme! s'écria d'Artagnan, je te comprends. - --- Vous comprenez? dit Porthos. - --- Et toi, comprends-tu, Grimaud?» demanda Aramis. - -Grimaud fit signe que oui. - -«C'est tout ce qu'il faut, dit Athos, revenons à mon idée. - --- Je voudrais pourtant bien comprendre, observa Porthos. - --- C'est inutile. - --- Oui, oui, l'idée d'Athos, dirent en même temps d'Artagnan et -Aramis. - --- Cette Milady, cette femme, cette créature, ce démon, a un beau- -frère, à ce que vous m'avez dit, je crois, d'Artagnan. - --- Oui, je le connais beaucoup même, et je crois aussi qu'il n'a -pas une grande sympathie pour sa belle-soeur. - --- Il n'y a pas de mal à cela, répondit Athos, et il la -détesterait que cela n'en vaudrait que mieux. - --- En ce cas nous sommes servis à souhait. - --- Cependant, dit Porthos, je voudrais bien comprendre ce que fait -Grimaud. - --- Silence, Porthos! dit Aramis. - --- Comment se nomme ce beau-frère? - --- Lord de Winter. - --- Où est-il maintenant? - --- Il est retourné à Londres au premier bruit de guerre. - --- Eh bien, voilà justement l'homme qu'il nous faut, dit Athos, -c'est celui qu'il nous convient de prévenir; nous lui ferons -savoir que sa belle-soeur est sur le point d'assassiner quelqu'un, -et nous le prierons de ne pas la perdre de vue. Il y a bien à -Londres, je l'espère, quelque établissement dans le genre des -Madelonnettes ou des Filles repenties; il y fait mettre sa belle- -soeur, et nous sommes tranquilles. - --- Oui, dit d'Artagnan, jusqu'à ce qu'elle en sorte. - --- Ah! ma foi, reprit Athos, vous en demandez trop, d'Artagnan, je -vous ai donné tout ce que j'avais et je vous préviens que c'est le -fond de mon sac. - --- Moi, je trouve que c'est ce qu'il y a de mieux, dit Aramis; -nous prévenons à la fois la reine et Lord de Winter. - --- Oui, mais par qui ferons-nous porter la lettre à Tours et la -lettre à Londres? - --- Je réponds de Bazin, dit Aramis. - --- Et moi de Planchet, continua d'Artagnan. - --- En effet, dit Porthos, si nous ne pouvons nous absenter du -camp, nos laquais peuvent le quitter. - --- Sans doute, dit Aramis, et dès aujourd'hui nous écrivons les -lettres, nous leur donnons de l'argent, et ils partent. - --- Nous leur donnons de l'argent? reprit Athos, vous en avez donc, -de l'argent?» - -Les quatre amis se regardèrent, et un nuage passa sur les fronts -qui s'étaient un instant éclaircis. - -«Alerte! cria d'Artagnan, je vois des points noirs et des points -rouges qui s'agitent là-bas; que disiez-vous donc d'un régiment, -Athos? c'est une véritable armée. - --- Ma foi, oui, dit Athos, les voilà. Voyez-vous les sournois qui -venaient sans tambours ni trompettes. Ah! ah! tu as fini, -Grimaud?» - -Grimaud fit signe que oui, et montra une douzaine de morts qu'il -avait placés dans les attitudes les plus pittoresques: les uns au -port d'armes, les autres ayant l'air de mettre en joue, les autres -l'épée à la main. - -«Bravo! reprit Athos, voilà qui fait honneur à ton imagination. - --- C'est égal, dit Porthos, je voudrais cependant bien comprendre. - --- Décampons d'abord, interrompit d'Artagnan, tu comprendras -après. - --- Un instant, messieurs, un instant! donnons le temps à Grimaud -de desservir. - --- Ah! dit Aramis, voici les points noirs et les points rouges qui -grandissent fort visiblement et je suis de l'avis de d'Artagnan; -je crois que nous n'avons pas de temps à perdre pour regagner -notre camp. - --- Ma foi, dit Athos, je n'ai plus rien contre la retraite: nous -avions parié pour une heure, nous sommes restés une heure et -demie; il n'y a rien à dire; partons, messieurs, partons.» - -Grimaud avait déjà pris les devants avec le panier et la desserte. - -Les quatre amis sortirent derrière lui et firent une dizaine de -pas. - -«Eh! s'écria Athos, que diable faisons-nous, messieurs? - --- Avez-vous oublié quelque chose? demanda Aramis. - --- Et le drapeau, morbleu! Il ne faut pas laisser un drapeau aux -mains de l'ennemi, même quand ce drapeau ne serait qu'une -serviette.» - -Et Athos s'élança dans le bastion, monta sur la plate-forme, et -enleva le drapeau; seulement comme les Rochelois étaient arrivés à -portée de mousquet, ils firent un feu terrible sur cet homme, qui, -comme par plaisir, allait s'exposer aux coups. - -Mais on eût dit qu'Athos avait un charme attaché à sa personne, -les balles passèrent en sifflant tout autour de lui, pas une ne le -toucha. - -Athos agita son étendard en tournant le dos aux gens de la ville -et en saluant ceux du camp. Des deux côtés de grands cris -retentirent, d'un côté des cris de colère, de l'autre des cris -d'enthousiasme. - -Une seconde décharge suivit la première, et trois balles, en la -trouant, firent réellement de la serviette un drapeau. On entendit -les clameurs de tout le camp qui criait: - --- Descendez, descendez!» - -Athos descendit; ses camarades, qui l'attendaient avec anxiété, le -virent paraître avec joie. - --- Allons, Athos, allons, dit d'Artagnan, allongeons, allongeons; -maintenant que nous avons tout trouvé, excepté l'argent, il serait -stupide d'être tués.» - -Mais Athos continua de marcher majestueusement, quelque -observation que pussent lui faire ses compagnons, qui, voyant -toute observation inutile, réglèrent leur pas sur le sien. - -Grimaud et son panier avaient pris les devants et se trouvaient -tous deux hors d'atteinte. - -Au bout d'un instant on entendit le bruit d'une fusillade enragée. - -«Qu'est-ce que cela? demanda Porthos, et sur quoi tirent-ils? je -n'entends pas siffler les balles et je ne vois personne. - --- Ils tirent sur nos morts, répondit Athos. - --- Mais nos morts ne répondront pas. - --- Justement; alors ils croiront à une embuscade, ils -délibéreront; ils enverront un parlementaire, et quand ils -s'apercevront de la plaisanterie, nous serons hors de la portée -des balles. Voilà pourquoi il est inutile de gagner une pleurésie -en nous pressant. - --- Oh! je comprends, s'écria Porthos émerveillé. - --- C'est bien heureux!» dit Athos en haussant les épaules. - -De leur côté, les Français, en voyant revenir les quatre amis au -pas, poussaient des cris d'enthousiasme. - -Enfin une nouvelle mousquetade se fit entendre, et cette fois les -balles vinrent s'aplatir sur les cailloux autour des quatre amis -et siffler lugubrement à leurs oreilles. Les Rochelois venaient -enfin de s'emparer du bastion. - -«Voici des gens bien maladroits, dit Athos; combien en avons-nous -tué? douze? - --- Ou quinze. - --- Combien en avons-nous écrasé? - --- Huit ou dix. - --- Et en échange de tout cela pas une égratignure? Ah! si fait! -Qu'avez-vous donc là à la main, d'Artagnan? du sang, ce me semble? - --- Ce n'est rien, dit d'Artagnan. - --- Une balle perdue? - --- Pas même. - --- Qu'est-ce donc alors?» - -Nous l'avons dit, Athos aimait d'Artagnan comme son enfant, et ce -caractère sombre et inflexible avait parfois pour le jeune homme -des sollicitudes de père. - -«Une écorchure, reprit d'Artagnan; mes doigts ont été pris entre -deux pierres, celle du mur et celle de ma bague; alors la peau -s'est ouverte. - --- Voilà ce que c'est que d'avoir des diamants, mon maître, dit -dédaigneusement Athos. - --- Ah çà, mais, s'écria Porthos, il y a un diamant en effet, et -pourquoi diable alors, puisqu'il y a un diamant, nous plaignons- -nous de ne pas avoir d'argent? - --- Tiens, au fait! dit Aramis. - --- À la bonne heure, Porthos; cette fois-ci voilà une idée. - --- Sans doute, dit Porthos, en se rengorgeant sur le compliment -d'Athos, puisqu'il y a un diamant, vendons-le. - --- Mais, dit d'Artagnan, c'est le diamant de la reine. - --- Raison de plus, reprit Athos, la reine sauvant M. de Buckingham -son amant, rien de plus juste; la reine nous sauvant, nous ses -amis, rien de plus moral: vendons le diamant. Qu'en pense monsieur -l'abbé? Je ne demande pas l'avis de Porthos, il est donné. - --- Mais je pense, dit Aramis en rougissant, que sa bague ne venant -pas d'une maîtresse, et par conséquent n'étant pas un gage -d'amour, d'Artagnan peut la vendre. - --- Mon cher, vous parlez comme la théologie en personne. Ainsi -votre avis est?... - --- De vendre le diamant, répondit Aramis. - --- Eh bien, dit gaiement d'Artagnan, vendons le diamant et n'en -parlons plus.» - -La fusillade continuait, mais les amis étaient hors de portée, et -les Rochelois ne tiraient plus que pour l'acquit de leur -conscience. - -«Ma foi, dit Athos, il était temps que cette idée vînt à Porthos; -nous voici au camp. Ainsi, messieurs, pas un mot de plus sur cette -affaire. On nous observe, on vient à notre rencontre, nous allons -être portés en triomphe.» - -En effet, comme nous l'avons dit, tout le camp était en émoi; plus -de deux mille personnes avaient assisté, comme à un spectacle, à -l'heureuse forfanterie des quatre amis, forfanterie dont on était -bien loin de soupçonner le véritable motif. On n'entendait que le -cri de: Vivent les gardes! Vivent les mousquetaires! M. de Busigny -était venu le premier serrer la main à Athos et reconnaître que le -pari était perdu. Le dragon et le Suisse l'avaient suivi, tous les -camarades avaient suivi le dragon et le Suisse. C'étaient des -félicitations, des poignées de main, des embrassades à n'en plus -finir, des rires inextinguibles à l'endroit des Rochelois; enfin, -un tumulte si grand, que M. le cardinal crut qu'il y avait émeute -et envoya La Houdinière, son capitaine des gardes, s'informer de -ce qui se passait. - -La chose fut racontée au messager avec toute l'efflorescence de -l'enthousiasme. - -«Eh bien? demanda le cardinal en voyant La Houdinière. - --- Eh bien, Monseigneur, dit celui-ci, ce sont trois mousquetaires -et un garde qui ont fait le pari avec M. de Busigny d'aller -déjeuner au bastion Saint-Gervais, et qui, tout en déjeunant, ont -tenu là deux heures contre l'ennemi, et ont tué je ne sais combien -de Rochelois. - --- Vous êtes-vous informé du nom de ces trois mousquetaires? - --- Oui, Monseigneur. - --- Comment les appelle-t-on? - --- Ce sont MM. Athos, Porthos et Aramis. - --- Toujours mes trois braves! murmura le cardinal. Et le garde? - --- M. d'Artagnan. - --- Toujours mon jeune drôle! Décidément il faut que ces quatre -hommes soient à moi.» - -Le soir même, le cardinal parla à M. de Tréville de l'exploit du -matin, qui faisait la conversation de tout le camp. -M. de Tréville, qui tenait le récit de l'aventure de la bouche -même de ceux qui en étaient les héros, la raconta dans tous ses -détails à Son Éminence, sans oublier l'épisode de la serviette. - -«C'est bien, monsieur de Tréville, dit le cardinal, faites-moi -tenir cette serviette, je vous prie. J'y ferai broder trois fleurs -de lis d'or, et je la donnerai pour guidon à votre compagnie. - --- Monseigneur, dit M. de Tréville, il y aura injustice pour les -gardes: M. d'Artagnan n'est pas à moi, mais à M. des Essarts. - --- Eh bien, prenez-le, dit le cardinal; il n'est pas juste que, -puisque ces quatre braves militaires s'aiment tant, ils ne servent -pas dans la même compagnie.» - -Le même soir, M. de Tréville annonça cette bonne nouvelle aux -trois mousquetaires et à d'Artagnan, en les invitant tous les -quatre à déjeuner le lendemain. - -D'Artagnan ne se possédait pas de joie. On le sait, le rêve de -toute sa vie avait été d'être mousquetaire. - -Les trois amis étaient fort joyeux. - -«Ma foi! dit d'Artagnan à Athos, tu as eu une triomphante idée, -et, comme tu l'as dit, nous y avons acquis de la gloire, et nous -avons pu lier une conversation de la plus haute importance. - --- Que nous pourrons reprendre maintenant, sans que personne nous -soupçonne; car, avec l'aide de Dieu, nous allons passer désormais -pour des cardinalistes.» - -Le même soir, d'Artagnan alla présenter ses hommages à M. des -Essarts, et lui faire part de l'avancement qu'il avait obtenu. - -M. des Essarts, qui aimait beaucoup d'Artagnan, lui fit alors ses -offres de service: ce changement de corps amenant des dépenses -d'équipement. - -D'Artagnan refusa; mais, trouvant l'occasion bonne, il le pria de -faire estimer le diamant qu'il lui remit, et dont il désirait -faire de l'argent. - -Le lendemain à huit heures du matin, le valet de M. des Essarts -entra chez d'Artagnan, et lui remit un sac d'or contenant sept -mille livres. - -C'était le prix du diamant de la reine. - - -CHAPITRE XLVIII -AFFAIRE DE FAMILLE - -Athos avait trouvé le mot: affaire de famille. Une affaire de -famille n'était point soumise à l'investigation du cardinal; une -affaire de famille ne regardait personne; on pouvait s'occuper -devant tout le monde d'une affaire de famille. - -Ainsi, Athos avait trouvé le mot: affaire de famille. - -Aramis avait trouvé l'idée: les laquais. - -Porthos avait trouvé le moyen: le diamant. - -D'Artagnan seul n'avait rien trouvé, lui ordinairement le plus -inventif des quatre; mais il faut dire aussi que le nom seul de -Milady le paralysait. - -Ah! si; nous nous trompons: il avait trouvé un acheteur pour le -diamant. - -Le déjeuner chez M. de Tréville fut d'une gaieté charmante. -D'Artagnan avait déjà son uniforme; comme il était à peu près de -la même taille qu'Aramis, et qu'Aramis, largement payé, comme on -se le rappelle, par le libraire qui lui avait acheté son poème, -avait fait tout en double, il avait cédé à son ami un équipement -complet. - -D'Artagnan eût été au comble de ses voeux, s'il n'eût point vu -pointer Milady, comme un nuage sombre à l'horizon. - -Après déjeuner, on convint qu'on se réunirait le soir au logis -d'Athos, et que là on terminerait l'affaire. - -D'Artagnan passa la journée à montrer son habit de mousquetaire -dans toutes les rues du camp. - -Le soir, à l'heure dite, les quatre amis se réunirent: il ne -restait plus que trois choses à décider: - -Ce qu'on écrirait au frère de Milady; - -Ce qu'on écrirait à la personne adroite de Tours; - -Et quels seraient les laquais qui porteraient les lettres. - -Chacun offrait le sien: Athos parlait de la discrétion de Grimaud, -qui ne parlait que lorsque son maître lui décousait la bouche; -Porthos vantait la force de Mousqueton, qui était de taille à -rosser quatre hommes de complexion ordinaire; Aramis, confiant -dans l'adresse de Bazin, faisait un éloge pompeux de son candidat; -enfin, d'Artagnan avait foi entière dans la bravoure de Planchet, -et rappelait de quelle façon il s'était conduit dans l'affaire -épineuse de Boulogne. - -Ces quatre vertus disputèrent longtemps le prix, et donnèrent lieu -à de magnifiques discours, que nous ne rapporterons pas ici, de -peur qu'ils ne fassent longueur. - -«Malheureusement, dit Athos, il faudrait que celui qu'on enverra -possédât en lui seul les quatre qualités réunies. - --- Mais où rencontrer un pareil laquais? - --- Introuvable! dit Athos; je le sais bien: prenez donc Grimaud. - --- Prenez Mousqueton. - --- Prenez Bazin. - --- Prenez Planchet; Planchet est brave et adroit: c'est déjà deux -qualités sur quatre. - --- Messieurs, dit Aramis, le principal n'est pas de savoir lequel -de nos quatre laquais est le plus discret, le plus fort, le plus -adroit ou le plus brave; le principal est de savoir lequel aime le -plus l'argent. - --- Ce que dit Aramis est plein de sens, reprit Athos; il faut -spéculer sur les défauts des gens et non sur leurs vertus: -Monsieur l'abbé, vous êtes un grand moraliste! - --- Sans doute, répliqua Aramis; car non seulement nous avons -besoin d'être bien servis pour réussir, mais encore pour ne pas -échouer; car, en cas d'échec, il y va de la tête, non pas pour les -laquais... - --- Plus bas, Aramis! dit Athos. - --- C'est juste, non pas pour les laquais, reprit Aramis, mais pour -le maître, et même pour les maîtres! Nos valets nous sont-ils -assez dévoués pour risquer leur vie pour nous? Non. - --- Ma foi, dit d'Artagnan, je répondrais presque de Planchet, moi. - --- Eh bien, mon cher ami, ajoutez à son dévouement naturel une -bonne somme qui lui donne quelque aisance, et alors, au lieu d'en -répondre une fois, répondez-en deux. - --- Eh! bon Dieu! vous serez trompés tout de même, dit Athos, qui -était optimiste quand il s'agissait des choses, et pessimiste -quand il s'agissait des hommes. Ils promettront tout pour avoir de -l'argent, et en chemin la peur les empêchera d'agir. Une fois -pris, on les serrera; serrés, ils avoueront. Que diable! nous ne -sommes pas des enfants! Pour aller en Angleterre (Athos baissa la -voix), il faut traverser toute la France, semée d'espions et de -créatures du cardinal; il faut une passe pour s'embarquer; il faut -savoir l'anglais pour demander son chemin à Londres. Tenez, je -vois la chose bien difficile. - --- Mais point du tout, dit d'Artagnan, qui tenait fort à ce que la -chose s'accomplît; je la vois facile, au contraire, moi. Il va -sans dire, parbleu! que si l'on écrit à Lord de Winter des choses -par-dessus les maisons, des horreurs du cardinal... - --- Plus bas! dit Athos. - --- Des intrigues et des secrets d'état, continua d'Artagnan en se -conformant à la recommandation, il va sans dire que nous serons -tous roués vifs; mais, pour Dieu, n'oubliez pas, comme vous l'avez -dit vous-même, Athos, que nous lui écrivons pour affaire de -famille; que nous lui écrivons à cette seule fin qu'il mette -Milady, dès son arrivée à Londres, hors d'état de nous nuire. Je -lui écrirai donc une lettre à peu près en ces termes: - --- Voyons, dit Aramis, en prenant par avance un visage de -critique. - ---«Monsieur et cher ami...» - --- Ah! oui; cher ami, à un Anglais, interrompit Athos; bien -commencé! bravo, d'Artagnan! Rien qu'avec ce mot-là vous serez -écartelé, au lieu d'être roué vif. - --- Eh bien, soit; je dirai donc, monsieur, tout court. - --- Vous pouvez même dire, Milord, reprit Athos, qui tenait fort -aux convenances. - ---»Milord, vous souvient-il du petit enclos aux chèvres du -Luxembourg?» - --- Bon! le Luxembourg à présent! On croira que c'est une allusion -à la reine mère! Voilà qui est ingénieux, dit Athos. - --- Eh bien, nous mettrons tout simplement: «Milord, vous souvient- -il de certain petit enclos où l'on vous sauva la vie?» - --- Mon cher d'Artagnan, dit Athos, vous ne serez jamais qu'un fort -mauvais rédacteur: «Où l'on vous sauva la vie!» Fi donc! ce n'est -pas digne. On ne rappelle pas ces services-là à un galant homme. -Bienfait reproché, offense faite. - --- Ah! mon cher, dit d'Artagnan, vous êtes insupportable, et s'il -faut écrire sous votre censure, ma foi, j'y renonce. - --- Et vous faites bien. Maniez le mousquet et l'épée, mon cher, -vous vous tirez galamment des deux exercices; mais passez la plume -à M. l'abbé, cela le regarde. - --- Ah! oui, au fait, dit Porthos, passez la plume à Aramis, qui -écrit des thèses en latin, lui. - --- Eh bien, soit dit d'Artagnan, rédigez-nous cette note, Aramis; -mais, de par notre Saint-Père le pape! tenez-vous serré, car je -vous épluche à mon tour, je vous en préviens. - --- Je ne demande pas mieux, dit Aramis avec cette naïve confiance -que tout poète a en lui-même; mais qu'on me mette au courant: j'ai -bien ouï dire, de-ci de-là, que cette belle-soeur était une -coquine, j'en ai même acquis la preuve en écoutant sa conversation -avec le cardinal. - --- Plus bas donc, sacrebleu! dit Athos. - --- Mais, continua Aramis, le détail m'échappe. - --- Et à moi aussi», dit Porthos. - -D'Artagnan et Athos se regardèrent quelque temps en silence. Enfin -Athos, après s'être recueilli, et en devenant plus pâle encore -qu'il n'était de coutume, fit un signe d'adhésion, d'Artagnan -comprit qu'il pouvait parler. - -«Eh bien, voici ce qu'il y a à dire, reprit d'Artagnan: Milord, -votre belle-soeur est une scélérate, qui a voulu vous faire tuer -pour hériter de vous. Mais elle ne pouvait épouser votre frère, -étant déjà mariée en France, et ayant été...» - -D'Artagnan s'arrêta comme s'il cherchait le mot, en regardant -Athos. - -«Chassée par son mari, dit Athos. - --- Parce qu'elle avait été marquée, continua d'Artagnan. - --- Bah! s'écria Porthos, impossible! elle a voulu faire tuer son -beau-frère? - --- Oui. - --- Elle était mariée? demanda Aramis. - --- Oui. - --- Et son mari s'est aperçu qu'elle avait une fleur de lis sur -l'épaule? s'écria Porthos. - --- Oui.» - -Ces trois oui avaient été dits par Athos, chacun avec une -intonation plus sombre. - -«Et qui l'a vue, cette fleur de lis? demanda Aramis. - --- D'Artagnan et moi, ou plutôt, pour observer l'ordre -chronologique, moi et d'Artagnan, répondit Athos. - --- Et le mari de cette affreuse créature vit encore? dit Aramis. - --- Il vit encore. - --- Vous en êtes sûr? - --- J'en suis sûr.» - -Il y eut un instant de froid silence, pendant lequel chacun se -sentit impressionné selon sa nature. - -«Cette fois, reprit Athos, interrompant le premier le silence, -d'Artagnan nous a donné un excellent programme, et c'est cela -qu'il faut écrire d'abord. - --- Diable! vous avez raison, Athos, reprit Aramis, et la rédaction -est épineuse. M. le chancelier lui-même serait embarrassé pour -rédiger une épître de cette force, et cependant M. le chancelier -rédige très agréablement un procès-verbal. N'importe! taisez-vous, -j'écris.» - -Aramis en effet prit la plume, réfléchit quelques instants, se mit -à écrire huit ou dix lignes d'une charmante petite écriture de -femme, puis, d'une voix douce et lente, comme si chaque mot eût -été scrupuleusement pesé, il lut ce qui suit: - -«Milord, - -«La personne qui vous écrit ces quelques lignes a eu l'honneur de -croiser l'épée avec vous dans un petit enclos de la rue d'Enfer. -Comme vous avez bien voulu, depuis, vous dire plusieurs fois l'ami -de cette personne, elle vous doit de reconnaître cette amitié par -un bon avis. Deux fois vous avez failli être victime d'une proche -parente que vous croyez votre héritière, parce que vous ignorez -qu'avant de contracter mariage en Angleterre, elle était déjà -mariée en France. Mais, la troisième fois, qui est celle-ci, vous -pouvez y succomber. Votre parente est partie de La Rochelle pour -l'Angleterre pendant la nuit. Surveillez son arrivée car elle a de -grands et terribles projets. Si vous tenez absolument à savoir ce -dont elle est capable, lisez son passé sur son épaule gauche.» - -«Eh bien, voilà qui est à merveille, dit Athos, et vous avez une -plume de secrétaire d'état, mon cher Aramis. Lord de Winter fera -bonne garde maintenant, si toutefois l'avis lui arrive; et tombât- -il aux mains de Son Éminence elle-même, nous ne saurions être -compromis. Mais comme le valet qui partira pourrait nous faire -accroire qu'il a été à Londres et s'arrêter à Châtelleraut, ne lui -donnons avec la lettre que la moitié de la somme en lui promettant -l'autre moitié en échange de la réponse. Avez-vous le diamant? -continua Athos. - -«J'ai mieux que cela, j'ai la somme.» - -Et d'Artagnan jeta le sac sur la table: au son de l'or, Aramis -leva les yeux. Porthos tressaillit; quant à Athos, il resta -impassible. - -«Combien dans ce petit sac? dit-il. - --- Sept mille livres en louis de douze francs. - --- Sept mille livres! s'écria Porthos, ce mauvais petit diamant -valait sept mille livres? - --- Il paraît, dit Athos, puisque les voilà; je ne présume pas que -notre ami d'Artagnan y ait mis du sien. - --- Mais, messieurs, dans tout cela, dit d'Artagnan, nous ne -pensons pas à la reine. Soignons un peu la santé de son cher -Buckingham. C'est le moins que nous lui devions. - --- C'est juste, dit Athos, mais ceci regarde Aramis. - --- Eh bien, répondit celui-ci en rougissant, que faut-il que je -fasse? - --- Mais, répliqua Athos, c'est tout simple: rédiger une seconde -lettre pour cette adroite personne qui habite Tours.» - -Aramis reprit la plume, se mit à réfléchir de nouveau, et écrivit -les lignes suivantes, qu'il soumit à l'instant même à -l'approbation de ses amis: - -«Ma chère cousine...» - -«Ah! dit Athos, cette personne adroite est votre parente! - --- Cousine germaine, dit Aramis. - --- Va donc pour cousine!» - -Aramis continua: - -«Ma chère cousine, Son Éminence le cardinal, que Dieu conserve -pour le bonheur de la France et la confusion des ennemis du -royaume, est sur le point d'en finir avec les rebelles hérétiques -de La Rochelle: il est probable que le secours de la flotte -anglaise n'arrivera pas même en vue de la place; j'oserai même -dire que je suis certain que M. de Buckingham sera empêché de -partir par quelque grand événement. Son Éminence est le plus -illustre politique des temps passés, du temps présent et -probablement des temps à venir. Il éteindrait le soleil si le -soleil le gênait. Donnez ces heureuses nouvelles à votre soeur, ma -chère cousine. J'ai rêvé que cet Anglais maudit était mort. Je ne -puis me rappeler si c'était par le fer ou par le poison; seulement -ce dont je suis sûr, c'est que j'ai rêvé qu'il était mort, et, -vous le savez, mes rêves ne me trompent jamais. Assurez-vous donc -de me voir revenir bientôt.» - -«À merveille! s'écria Athos, vous êtes le roi des poètes; mon cher -Aramis, vous parlez comme l'Apocalypse et vous êtes vrai comme -l'évangile. Il ne vous reste maintenant que l'adresse à mettre sur -cette lettre. - --- C'est bien facile», dit Aramis. - -Il plia coquettement la lettre, la reprit et écrivit: - -«À Mademoiselle Marie Michon, lingère à Tours. - -Les trois amis se regardèrent en riant: ils étaient pris. - -«Maintenant, dit Aramis, vous comprenez, messieurs, que Bazin seul -peut porter cette lettre à Tours; ma cousine ne connaît que Bazin -et n'a confiance qu'en lui: tout autre ferait échouer l'affaire. -D'ailleurs Bazin est ambitieux et savant; Bazin a lu l'histoire, -messieurs, il sait que Sixte Quint est devenu pape après avoir -gardé les pourceaux; eh bien, comme il compte se mettre d'église -en même temps que moi, il ne désespère pas à son tour de devenir -pape ou tout au moins cardinal: vous comprenez qu'un homme qui a -de pareilles visées ne se laissera pas prendre, ou, s'il est pris, -subira le martyre plutôt que de parler. - --- Bien, bien, dit d'Artagnan, je vous passe de grand coeur Bazin; -mais passez-moi Planchet: Milady l'a fait jeter à la porte, -certain jour, avec force coups de bâton; or Planchet a bonne -mémoire, et, je vous en réponds, s'il peut supposer une vengeance -possible, il se fera plutôt échiner que d'y renoncer. Si vos -affaires de Tours sont vos affaires, Aramis, celles de Londres -sont les miennes. Je prie donc qu'on choisisse Planchet, lequel -d'ailleurs a déjà été à Londres avec moi et sait dire très -correctement: London, _sir, if you please_ et _my master_ lord -d'Artagnan; avec cela soyez tranquilles, il fera son chemin en -allant et en revenant. - --- En ce cas, dit Athos, il faut que Planchet reçoive sept cents -livres pour aller et sept cents livres pour revenir, et Bazin, -trois cents livres pour aller et trois cents livres pour revenir; -cela réduira la somme à cinq mille livres; nous prendrons mille -livres chacun pour les employer comme bon nous semblera, et nous -laisserons un fond de mille livres que gardera l'abbé pour les cas -extraordinaires ou les besoins communs. Cela vous va-t-il? - --- Mon cher Athos, dit Aramis, vous parlez comme Nestor, qui -était, comme chacun sait, le plus sage des Grecs. - --- Eh bien, c'est dit, reprit Athos, Planchet et Bazin partiront; -à tout prendre, je ne suis pas fâché de conserver Grimaud: il est -accoutumé à mes façons et j'y tiens; la journée d'hier a déjà dû -l'ébranler, ce voyage le perdrait.» - -On fit venir Planchet, et on lui donna des instructions; il avait -été prévenu déjà par d'Artagnan, qui, du premier coup, lui avait -annoncé la gloire, ensuite l'argent, puis le danger. - -«Je porterai la lettre dans le parement de mon habit, dit -Planchet, et je l'avalerai si l'on me prend. - --- Mais alors tu ne pourras pas faire la commission, dit -d'Artagnan. - --- Vous m'en donnerez ce soir une copie que je saurai par coeur -demain.» - -D'Artagnan regarda ses amis comme pour leur dire: - -«Eh bien, que vous avais-je promis?» - -«Maintenant, continua-t-il en s'adressant à Planchet, tu as huit -jours pour arriver près de Lord de Winter, tu as huit autres jours -pour revenir ici, en tout seize jours; si le seizième jour de ton -départ, à huit heures du soir, tu n'es pas arrivé, pas d'argent, -fût-il huit heures cinq minutes. - -Alors, monsieur, dit Planchet, achetez-moi une montre. - -Prends celle-ci, dit Athos, en lui donnant la sienne avec une -insouciante générosité, et sois brave garçon. Songe que, si tu -parles, si tu bavardes, si tu flânes, tu fais couper le cou à ton -maître, qui a si grande confiance dans ta fidélité qu'il nous a -répondu de toi. Mais songe aussi que s'il arrive, par ta faute, -malheur à d'Artagnan, je te retrouverai partout, et ce sera pour -t'ouvrir le ventre. - --- Oh! monsieur! dit Planchet, humilié du soupçon et surtout -effrayé de l'air calme du mousquetaire. - --- Et moi, dit Porthos en roulant ses gros yeux, songe que je -t'écorche vif. - --- Ah! monsieur! - --- Et moi, continua Aramis de sa voix douce et mélodieuse, songe -que je te brûle à petit feu comme un sauvage. - --- Ah! monsieur!» - -Et Planchet se mit à pleurer; nous n'oserions dire si ce fut de -terreur, à cause des menaces qui lui étaient faites, ou -d'attendrissement de voir quatre amis si étroitement unis. - -D'Artagnan lui prit la main, et l'embrassa. - -«Vois-tu, Planchet, lui dit-il, ces messieurs te disent tout cela -par tendresse pour moi, mais au fond ils t'aiment. - --- Ah! monsieur! dit Planchet, ou je réussirai, ou l'on me coupera -en quatre; me coupât-on en quatre, soyez convaincu qu'il n'y a pas -un morceau qui parlera.» - -Il fut décidé que Planchet partirait le lendemain à huit heures du -matin, afin, comme il l'avait dit, qu'il pût, pendant la nuit, -apprendre la lettre par coeur. Il gagna juste douze heures à cet -arrangement; il devait être revenu le seizième jour, à huit heures -du soir. - -Le matin, au moment où il allait monter à cheval, d'Artagnan, qui -se sentait au fond du coeur un faible pour le duc, prit Planchet à -part. - -«Écoute, lui dit-il, quand tu auras remis la lettre à Lord de -Winter et qu'il l'aura lue, tu lui diras encore: "Veillez sur Sa -Grâce Lord Buckingham, car on veut l'assassiner." Mais ceci, -Planchet, vois-tu, c'est si grave et si important, que je n'ai pas -même voulu avouer à mes amis que je te confierais ce secret, et -que pour une commission de capitaine je ne voudrais pas te -l'écrire. - --- Soyez tranquille, monsieur, dit Planchet, vous verrez si l'on -peut compter sur moi. - -Et monté sur un excellent cheval, qu'il devait quitter à vingt -lieues de là pour prendre la poste, Planchet partit au galop, le -coeur un peu serré par la triple promesse que lui avaient faite -les mousquetaires, mais du reste dans les meilleures dispositions -du monde. - -Bazin partit le lendemain matin pour Tours, et eut huit jours pour -faire sa commission. - -Les quatre amis, pendant toute la durée de ces deux absences, -avaient, comme on le comprend bien, plus que jamais l'oeil au -guet, le nez au vent et l'oreille aux écoutes. Leurs journées se -passaient à essayer de surprendre ce qu'on disait, à guetter les -allures du cardinal et à flairer les courriers qui arrivaient. -Plus d'une fois un tremblement insurmontable les prit, lorsqu'on -les appela pour quelque service inattendu. Ils avaient d'ailleurs -à se garder pour leur propre sûreté; Milady était un fantôme qui, -lorsqu'il était apparu une fois aux gens, ne les laissait pas -dormir tranquillement. - -Le matin du huitième jour, Bazin, frais comme toujours et souriant -selon son habitude, entra dans le cabaret de Parpaillot, comme les -quatre amis étaient en train de déjeuner, en disant, selon la -convention arrêtée: - -«Monsieur Aramis, voici la réponse de votre cousine.» - -Les quatre amis échangèrent un coup d'oeil joyeux: la moitié de la -besogne était faite; il est vrai que c'était la plus courte et la -plus facile. - -Aramis prit, en rougissant malgré lui, la lettre, qui était d'une -écriture grossière et sans orthographe. - -«Bon Dieu! s'écria-t-il en riant, décidément j'en désespère; -jamais cette pauvre Michon n'écrira comme M. de Voiture. - --- Qu'est-ce que cela feut dire, cette baufre Migeon? demanda le -Suisse, qui était en train de causer avec les quatre amis quand la -lettre était arrivée. - --- Oh! mon Dieu! moins que rien, dit Aramis, une petite lingère -charmante que j'aimais fort et à qui j'ai demandé quelques lignes -de sa main en manière de souvenir. - --- Dutieu! dit le Suisse; zi zella il être auzi grante tame que -son l'égridure, fous l'être en ponne fordune, mon gamarate! - -Aramis lut la lettre et la passa à Athos. - -«Voyez donc ce qu'elle m'écrit, Athos», dit-il. - -Athos jeta un coup d'oeil sur l'épître, et, pour faire évanouir -tous les soupçons qui auraient pu naître, lut tout haut: - -«Mon cousin, ma soeur et moi devinons très bien les rêves, et nous -en avons même une peur affreuse; mais du vôtre, on pourra dire, je -l'espère, tout songe est mensonge. Adieu! portez-vous bien, et -faites que de temps en temps nous entendions parler de vous. - -«Aglé Michon. - -«Et de quel rêve parle-t-elle? demanda le dragon, qui s'était -approché pendant la lecture. - --- Foui, te quel rêfe? dit le Suisse. - --- Eh! pardieu! dit Aramis, c'est tout simple, d'un rêve que j'ai -fait et que je lui ai raconté. - --- Oh! foui, par Tieu! c'être tout simple de ragonter son rêfe; -mais moi je ne rêfe jamais. - --- Vous êtes fort heureux, dit Athos en se levant, et je voudrais -bien pouvoir en dire autant que vous! - --- Chamais! reprit le Suisse, enchanté qu'un homme comme Athos lui -enviât quelque chose, chamais! chamais!» - -D'Artagnan, voyant qu'Athos se levait, en fit autant, prit son -bras, et sortit. - -Porthos et Aramis restèrent pour faire face aux quolibets du -dragon et du Suisse. - -Quant à Bazin, il s'alla coucher sur une botte de paille; et comme -il avait plus d'imagination que le Suisse, il rêva que M. Aramis, -devenu pape, le coiffait d'un chapeau de cardinal. - -Mais, comme nous l'avons dit, Bazin n'avait, par son heureux -retour, enlevé qu'une partie de l'inquiétude qui aiguillonnait les -quatre amis. Les jours de l'attente sont longs, et d'Artagnan -surtout aurait parié que les jours avaient maintenant quarante- -huit heures. Il oubliait les lenteurs obligées de la navigation, -il s'exagérait la puissance de Milady. Il prêtait à cette femme, -qui lui apparaissait pareille à un démon, des auxiliaires -surnaturels comme elle; il s'imaginait, au moindre bruit, qu'on -venait l'arrêter, et qu'on ramenait Planchet pour le confronter -avec lui et ses amis. Il y a plus: sa confiance autrefois si -grande dans le digne Picard, diminuait de jour en jour. Cette -inquiétude était si grande, qu'elle gagnait Porthos et Aramis. Il -n'y avait qu'Athos qui demeurât impassible, comme si aucun danger -ne s'agitait autour de lui, et qu'il respirât son atmosphère -quotidienne. - -Le seizième jour surtout, ces signes d'agitation étaient si -visibles chez d'Artagnan et ses deux amis, qu'ils ne pouvaient -rester en place, et qu'ils erraient comme des ombres sur le chemin -par lequel devait revenir Planchet. - -«Vraiment, leur disait Athos, vous n'êtes pas des hommes, mais des -enfants, pour qu'une femme vous fasse si grand-peur! Et de quoi -s'agit-il, après tout? D'être emprisonnés! Eh bien, mais on nous -tirera de prison: on en a bien retiré Mme Bonacieux. D'être -décapités? Mais tous les jours, dans la tranchée, nous allons -joyeusement nous exposer à pis que cela, car un boulet peut nous -casser la jambe, et je suis convaincu qu'un chirurgien nous fait -plus souffrir en nous coupant la cuisse qu'un bourreau en nous -coupant la tête. Demeurez donc tranquilles; dans deux heures, dans -quatre, dans six heures, au plus tard, Planchet sera ici: il a -promis d'y être, et moi j'ai très grande foi aux promesses de -Planchet, qui m'a l'air d'un fort brave garçon. - --- Mais s'il n'arrive pas? dit d'Artagnan. - --- Eh bien, s'il n'arrive pas, c'est qu'il aura été retardé, voilà -tout. Il peut être tombé de cheval, il peut avoir fait une -cabriole par-dessus le pont, il peut avoir couru si vite qu'il en -ait attrapé une fluxion de poitrine. Eh! messieurs! faisons donc -la part des événements. La vie est un chapelet de petites misères -que le philosophe égrène en riant. Soyez philosophes comme moi, -messieurs, mettez-vous à table et buvons; rien ne fait paraître -l'avenir couleur de rose comme de le regarder à travers un verre -de chambertin. - --- C'est fort bien, répondit d'Artagnan; mais je suis las d'avoir -à craindre, en buvant frais, que le vin ne sorte de la cave de -Milady. - --- Vous êtes bien difficile, dit Athos, une si belle femme! - --- Une femme de marque!» dit Porthos avec son gros rire. - -Athos tressaillit, passa la main sur son front pour en essuyer la -sueur, et se leva à son tour avec un mouvement nerveux qu'il ne -put réprimer. - -Le jour s'écoula cependant, et le soir vint plus lentement, mais -enfin il vint; les buvettes s'emplirent de chalands; Athos, qui -avait empoché sa part du diamant, ne quittait plus le Parpaillot. -Il avait trouvé dans M. de Busigny, qui, au reste, leur avait -donné un dîner magnifique, un _partner_ digne de lui. Ils jouaient -donc ensemble, comme d'habitude, quand sept heures sonnèrent: on -entendit passer les patrouilles qui allaient doubler les postes; à -sept heures et demie la retraite sonna. - -«Nous sommes perdus, dit d'Artagnan à l'oreille d'Athos. - --- Vous voulez dire que nous avons perdu, dit tranquillement Athos -en tirant quatre pistoles de sa poche et en les jetant sur la -table. Allons, messieurs, continua-t-il, on bat la retraite, -allons nous coucher.» - -Et Athos sortit du Parpaillot suivi de d'Artagnan. Aramis venait -derrière donnant le bras à Porthos. Aramis mâchonnait des vers, et -Porthos s'arrachait de temps en temps quelques poils de moustache -en signe de désespoir. - -Mais voilà que tout à coup, dans l'obscurité, une ombre se -dessine, dont la forme est familière à d'Artagnan, et qu'une voix -bien connue lui dit: - -«Monsieur, je vous apporte votre manteau, car il fait frais ce -soir. - --- Planchet! s'écria d'Artagnan, ivre de joie. - --- Planchet! répétèrent Porthos et Aramis. - --- Eh bien, oui, Planchet, dit Athos, qu'y a-t-il d'étonnant à -cela? Il avait promis d'être de retour à huit heures, et voilà les -huit heures qui sonnent. Bravo! Planchet, vous êtes un garçon de -parole, et si jamais vous quittez votre maître, je vous garde une -place à mon service. - --- Oh! non, jamais, dit Planchet, jamais je ne quitterai -M. d'Artagnan.» - -En même temps d'Artagnan sentit que Planchet lui glissait un -billet dans la main. - -D'Artagnan avait grande envie d'embrasser Planchet au retour comme -il l'avait embrassé au départ; mais il eut peur que cette marque -d'effusion, donnée à son laquais en pleine rue, ne parût -extraordinaire à quelque passant, et il se contint. - -«J'ai le billet, dit-il à Athos et à ses amis. - --- C'est bien, dit Athos, entrons chez nous, et nous le lirons. - -Le billet brûlait la main de d'Artagnan: il voulait hâter le pas; -mais Athos lui prit le bras et le passa sous le sien, et force fut -au jeune homme de régler sa course sur celle de son ami. - -Enfin on entra dans la tente, on alluma une lampe, et tandis que -Planchet se tenait sur la porte pour que les quatre amis ne -fussent pas surpris, d'Artagnan, d'une main tremblante, brisa le -cachet et ouvrit la lettre tant attendue. - -Elle contenait une demi-ligne, d'une écriture toute britannique et -d'une concision toute spartiate: - -«_Thank you, be easy._» - -Ce qui voulait dire: - -«Merci, soyez tranquille.» - -Athos prit la lettre des mains de d'Artagnan, l'approcha de la -lampe, y mit le feu, et ne la lâcha point qu'elle ne fût réduite -en cendres. - -Puis appelant Planchet: - -«Maintenant, mon garçon, lui dit-il, tu peux réclamer tes sept -cents livres, mais tu ne risquais pas grand-chose avec un billet -comme celui-là. - --- Ce n'est pas faute que j'aie inventé bien des moyens de le -serrer, dit Planchet. - --- Eh bien, dit d'Artagnan, conte-nous cela. - --- Dame! c'est bien long, monsieur. - --- Tu as raison, Planchet, dit Athos; d'ailleurs la retraite est -battue, et nous serions remarqués en gardant de la lumière plus -longtemps que les autres. - --- Soit, dit d'Artagnan, couchons-nous. Dors bien, Planchet! - --- Ma foi, monsieur! ce sera la première fois depuis seize jours. - --- Et moi aussi! dit d'Artagnan. - --- Et moi aussi! répéta Porthos. - --- Et moi aussi! répéta Aramis. - --- Eh bien, voulez-vous que je vous avoue la vérité? et moi -aussi!» dit Athos. - - -CHAPITRE XLIX -FATALITÉ - -Cependant Milady, ivre de colère, rugissant sur le pont du -bâtiment comme une lionne qu'on embarque, avait été tentée de se -jeter à la mer pour regagner la côte, car elle ne pouvait se faire -à l'idée qu'elle avait été insultée par d'Artagnan, menacée par -Athos, et qu'elle quittait la France sans se venger d'eux. -Bientôt, cette idée était devenue pour elle tellement -insupportable, qu'au risque de ce qui pouvait arriver de terrible -pour elle-même, elle avait supplié le capitaine de la jeter sur la -côte; mais le capitaine, pressé d'échapper à sa fausse position, -placé entre les croiseurs français et anglais, comme la chauve- -souris entre les rats et les oiseaux, avait grande hâte de -regagner l'Angleterre, et refusa obstinément d'obéir à ce qu'il -prenait pour un caprice de femme, promettant à sa passagère, qui -au reste lui était particulièrement recommandée par le cardinal, -de la jeter, si la mer et les Français le permettaient, dans un -des ports de la Bretagne, soit à Lorient, soit à Brest; mais en -attendant, le vent était contraire, la mer mauvaise, on louvoyait -et l'on courait des bordées. Neuf jours après la sortie de la -Charente, Milady, toute pâle de ses chagrins et de sa rage, voyait -apparaître seulement les côtes bleuâtres du Finistère. - -Elle calcula que pour traverser ce coin de la France et revenir -près du cardinal il lui fallait au moins trois jours; ajoutez un -jour pour le débarquement et cela faisait quatre; ajoutez ces -quatre jours aux neuf autres, c'était treize jours de perdus, -treize jours pendant lesquels tant d'événements importants se -pouvaient passer à Londres. Elle songea que sans aucun doute le -cardinal serait furieux de son retour, et que par conséquent il -serait plus disposé à écouter les plaintes qu'on porterait contre -elle que les accusations qu'elle porterait contre les autres. Elle -laissa donc passer Lorient et Brest sans insister près du -capitaine, qui, de son côté, se garda bien de lui donner l'éveil. -Milady continua donc sa route, et le jour même où Planchet -s'embarquait de Portsmouth pour la France, la messagère de son -Éminence entrait triomphante dans le port. - -Toute la ville était agitée d'un mouvement extraordinaire: -- - quatre grands vaisseaux récemment achevés venaient d'être lancés -à la mer; -- debout sur la jetée, chamarré d'or, éblouissant, -selon son habitude de diamants et de pierreries, le feutre orné -d'une plume blanche qui retombait sur son épaule, on voyait -Buckingham entouré d'un état-major presque aussi brillant que lui. - -C'était une de ces belles et rares journées d'hiver où -l'Angleterre se souvient qu'il y a un soleil. L'astre pâli, mais -cependant splendide encore, se couchait à l'horizon, empourprant à -la fois le ciel et la mer de bandes de feu et jetant sur les tours -et les vieilles maisons de la ville un dernier rayon d'or qui -faisait étinceler les vitres comme le reflet d'un incendie. -Milady, en respirant cet air de l'Océan plus vif et plus -balsamique à l'approche de la terre, en contemplant toute la -puissance de ces préparatifs qu'elle était chargée de détruire, -toute la puissance de cette armée qu'elle devait combattre à elle -seule -- elle femme -- avec quelques sacs d'or, se compara -mentalement à Judith, la terrible Juive, lorsqu'elle pénétra dans -le camp des Assyriens et qu'elle vit la masse énorme de chars, de -chevaux, d'hommes et d'armes qu'un geste de sa main devait -dissiper comme un nuage de fumée. - -On entra dans la rade; mais comme on s'apprêtait à y jeter -l'ancre, un petit cutter formidablement armé s'approcha du -bâtiment marchand, se donnant comme garde-côte, et fit mettre à la -mer son canot, qui se dirigea vers l'échelle. Ce canot renfermait -un officier, un contremaître et huit rameurs; l'officier seul -monta à bord, où il fut reçu avec toute la déférence qu'inspire -l'uniforme. - -L'officier s'entretint quelques instants avec le patron, lui fit -lire un papier dont il était porteur, et, sur l'ordre du capitaine -marchand, tout l'équipage du bâtiment, matelots et passagers, fut -appelé sur le pont. - -Lorsque cette espèce d'appel fut fait, l'officier s'enquit tout -haut du point de départ du brik, de sa route, de ses -atterrissements, et à toutes les questions le capitaine satisfit -sans hésitation et sans difficulté. Alors l'officier commença de -passer la revue de toutes les personnes les unes après les autres, -et, s'arrêtant à Milady, la considéra avec un grand soin, mais -sans lui adresser une seule parole. - -Puis il revint au capitaine, lui dit encore quelques mots; et, -comme si c'eût été à lui désormais que le bâtiment dût obéir, il -commanda une manoeuvre que l'équipage exécuta aussitôt. Alors le -bâtiment se remit en route, toujours escorté du petit cutter, qui -voguait bord à bord avec lui, menaçant son flanc de la bouche de -ses six canons tandis que la barque suivait dans le sillage du -navire, faible point près de l'énorme masse. - -Pendant l'examen que l'officier avait fait de Milady, Milady, -comme on le pense bien, l'avait de son côté dévoré du regard. -Mais, quelque habitude que cette femme aux yeux de flamme eût de -lire dans le coeur de ceux dont elle avait besoin de deviner les -secrets, elle trouva cette fois un visage d'une impassibilité -telle qu'aucune découverte ne suivit son investigation. L'officier -qui s'était arrêté devant elle et qui l'avait silencieusement -étudiée avec tant de soin pouvait être âgé de vingt-cinq à vingt- -six ans, était blanc de visage avec des yeux bleu clair un peu -enfoncés; sa bouche, fine et bien dessinée, demeurait immobile -dans ses lignes correctes; son menton, vigoureusement accusé, -dénotait cette force de volonté qui, dans le type vulgaire -britannique, n'est ordinairement que de l'entêtement; un front un -peu fuyant, comme il convient aux poètes, aux enthousiastes et aux -soldats, était à peine ombragé d'une chevelure courte et -clairsemée, qui, comme la barbe qui couvrait le bas de son visage, -était d'une belle couleur châtain foncé. - -Lorsqu'on entra dans le port, il faisait déjà nuit. La brume -épaississait encore l'obscurité et formait autour des fanaux et -des lanternes des jetées un cercle pareil à celui qui entoure la -lune quand le temps menace de devenir pluvieux. L'air qu'on -respirait était triste, humide et froid. - -Milady, cette femme si forte, se sentait frissonner malgré elle. - -L'officier se fit indiquer les paquets de Milady, fit porter son -bagage dans le canot; et lorsque cette opération fut faite, il -l'invita à y descendre elle-même en lui tendant sa main. - -Milady regarda cet homme et hésita. - -«Qui êtes-vous, monsieur, demanda-t-elle, qui avez la bonté de -vous occuper si particulièrement de moi? - --- Vous devez le voir, madame, à mon uniforme; je suis officier de -la marine anglaise, répondit le jeune homme. - --- Mais enfin, est-ce l'habitude que les officiers de la marine -anglaise se mettent aux ordres de leurs compatriotes lorsqu'ils -abordent dans un port de la Grande-Bretagne, et poussent la -galanterie jusqu'à les conduire à terre? - --- Oui, Milady, c'est l'habitude, non point par galanterie, mais -par prudence, qu'en temps de guerre les étrangers soient conduits -à une hôtellerie désignée, afin que jusqu'à parfaite information -sur eux ils restent sous la surveillance du gouvernement.» - -Ces mots furent prononcés avec la politesse la plus exacte et le -calme le plus parfait. Cependant ils n'eurent point le don de -convaincre Milady. - -«Mais je ne suis pas étrangère, monsieur, dit-elle avec l'accent -le plus pur qui ait jamais retenti de Portsmouth à Manchester, je -me nomme Lady Clarick, et cette mesure... - --- Cette mesure est générale, Milady, et vous tenteriez -inutilement de vous y soustraire. - --- Je vous suivrai donc, monsieur.» - -Et acceptant la main de l'officier, elle commença de descendre -l'échelle au bas de laquelle l'attendait le canot. L'officier la -suivit; un grand manteau était étendu à la poupe, l'officier la -fit asseoir sur le manteau et s'assit près d'elle. - -«Nagez», dit-il aux matelots. - -Les huit rames retombèrent dans la mer, ne formant qu'un seul -bruit, ne frappant qu'un seul coup, et le canot sembla voler sur -la surface de l'eau. - -Au bout de cinq minutes on touchait à terre. - -L'officier sauta sur le quai et offrit la main à Milady. - -Une voiture attendait. - -«Cette voiture est-elle pour nous? demanda Milady. - --- Oui, madame, répondit l'officier. - --- L'hôtellerie est donc bien loin? - --- À l'autre bout de la ville. - --- Allons», dit Milady. - -Et elle monta résolument dans la voiture. - -L'officier veilla à ce que les paquets fussent soigneusement -attachés derrière la caisse, et cette opération terminée, prit sa -place près de Milady et referma la portière. - -Aussitôt, sans qu'aucun ordre fût donné et sans qu'on eût besoin -de lui indiquer sa destination, le cocher partit au galop et -s'enfonça dans les rues de la ville. - -Une réception si étrange devait être pour Milady une ample matière -à réflexion; aussi, voyant que le jeune officier ne paraissait -nullement disposé à lier conversation, elle s'accouda dans un -angle de la voiture et passa les unes après les autres en revue -toutes les suppositions qui se présentaient à son esprit. - -Cependant, au bout d'un quart d'heure, étonnée de la longueur du -chemin, elle se pencha vers la portière pour voir où on la -conduisait. On n'apercevait plus de maisons; des arbres -apparaissaient dans les ténèbres comme de grands fantômes noirs -courant les uns après les autres. - -Milady frissonna. - -«Mais nous ne sommes plus dans la ville, monsieur», dit-elle. - -Le jeune officier garda le silence. - -«Je n'irai pas plus loin, si vous ne me dites pas où vous me -conduisez; je vous en préviens, monsieur!» - -Cette menace n'obtint aucune réponse. - -«Oh! c'est trop fort! s'écria Milady, au secours! au secours!» - -Pas une voix ne répondit à la sienne, la voiture continua de -rouler avec rapidité; l'officier semblait une statue. - -Milady regarda l'officier avec une de ces expressions terribles, -particulières à son visage et qui manquaient si rarement leur -effet; la colère faisait étinceler ses yeux dans l'ombre. - -Le jeune homme resta impassible. - -Milady voulut ouvrir la portière et se précipiter. - -«Prenez garde, madame, dit froidement le jeune homme, vous vous -tuerez en sautant.» - -Milady se rassit écumante; l'officier se pencha, la regarda à son -tour et parut surpris de voir cette figure, si belle naguère, -bouleversée par la rage et devenue presque hideuse. L'astucieuse -créature comprit qu'elle se perdait en laissant voir ainsi dans -son âme; elle rasséréna ses traits, et d'une voix gémissante: - -«Au nom du Ciel, monsieur! dites-moi si c'est à vous, si c'est à -votre gouvernement, si c'est à un ennemi que je dois attribuer la -violence que l'on me fait? - --- On ne vous fait aucune violence, madame, et ce qui vous arrive -est le résultat d'une mesure toute simple que nous sommes forcés -de prendre avec tous ceux qui débarquent en Angleterre. - --- Alors vous ne me connaissez pas, monsieur? - --- C'est la première fois que j'ai l'honneur de vous voir. - --- Et, sur votre honneur, vous n'avez aucun sujet de haine contre -moi? - --- Aucun, je vous le jure.» - -II y avait tant de sérénité, de sang-froid, de douceur même dans -la voix du jeune homme, que Milady fut rassurée. - -Enfin, après une heure de marche à peu près, la voiture s'arrêta -devant une grille de fer qui fermait un chemin creux conduisant à -un château sévère de forme, massif et isolé. Alors, comme les -roues tournaient sur un sable fin, Milady entendit un vaste -mugissement, qu'elle reconnut pour le bruit de la mer qui vient se -briser sur une côte escarpée. - -La voiture passa sous deux voûtes, et enfin s'arrêta dans une cour -sombre et carrée; presque aussitôt la portière de la voiture -s'ouvrit, le jeune homme sauta légèrement à terre et présenta sa -main à Milady, qui s'appuya dessus, et descendit à son tour avec -assez de calme. - -«Toujours est-il, dit Milady en regardant autour d'elle et en -ramenant ses yeux sur le jeune officier avec le plus gracieux -sourire, que je suis prisonnière; mais ce ne sera pas pour -longtemps, j'en suis sûre, ajouta-t-elle, ma conscience et votre -politesse, monsieur, m'en sont garants.» - -Si flatteur que fût le compliment, l'officier ne répondit rien; -mais, tirant de sa ceinture un petit sifflet d'argent pareil à -celui dont se servent les contremaîtres sur les bâtiments de -guerre, il siffla trois fois, sur trois modulations différentes: -alors plusieurs hommes parurent, dételèrent les chevaux fumants et -emmenèrent la voiture sous une remise. - -Puis l'officier, toujours avec la même politesse calme, invita sa -prisonnière à entrer dans la maison. Celle-ci, toujours avec son -même visage souriant, lui prit le bras, et entra avec lui sous une -porte basse et cintrée qui, par une voûte éclairée seulement au -fond, conduisait à un escalier de pierre tournant autour d'une -arête de pierre; puis on s'arrêta devant une porte massive qui, -après l'introduction dans la serrure d'une clef que le jeune homme -portait sur lui, roula lourdement sur ses gonds et donna ouverture -à la chambre destinée à Milady. - -D'un seul regard, la prisonnière embrassa l'appartement dans ses -moindres détails. - -C'était une chambre dont l'ameublement était à la fois bien propre -pour une prison et bien sévère pour une habitation d'homme libre; -cependant, des barreaux aux fenêtres et des verrous extérieurs à -la porte décidaient le procès en faveur de la prison. - -Un instant toute la force d'âme de cette créature, trempée -cependant aux sources les plus vigoureuses, l'abandonna; elle -tomba sur un fauteuil, croisant les bras, baissant la tête, et -s'attendant à chaque instant à voir entrer un juge pour -l'interroger. - -Mais personne n'entra, que deux ou trois soldats de marine qui -apportèrent les malles et les caisses, les déposèrent dans un coin -et se retirèrent sans rien dire. - -L'officier présidait à tous ces détails avec le même calme que -Milady lui avait constamment vu, ne prononçant pas une parole lui- -même, et se faisant obéir d'un geste de sa main ou d'un coup de -son sifflet. - -On eût dit qu'entre cet homme et ses inférieurs la langue parlée -n'existait pas ou devenait inutile. - -Enfin Milady n'y put tenir plus longtemps, elle rompit le silence: - -«Au nom du Ciel, monsieur! s'écria-t-elle, que veut dire tout ce -qui se passe? Fixez mes irrésolutions; j'ai du courage pour tout -danger que je prévois, pour tout malheur que je comprends. Où -suis-je et que suis-je ici? suis-je libre, pourquoi ces barreaux -et ces portes? suis-je prisonnière, quel crime ai-je commis? - --- Vous êtes ici dans l'appartement qui vous est destiné, madame. -J'ai reçu l'ordre d'aller vous prendre en mer et de vous conduire -en ce château: cet ordre, je l'ai accompli, je crois, avec toute -la rigidité d'un soldat, mais aussi avec toute la courtoisie d'un -gentilhomme. Là se termine, du moins jusqu'à présent, la charge -que j'avais à remplir près de vous, le reste regarde une autre -personne. - --- Et cette autre personne, quelle est-elle? demanda Milady; ne -pouvez-vous me dire son nom?...» - -En ce moment on entendit par les escaliers un grand bruit -d'éperons; quelques voix passèrent et s'éteignirent, et le bruit -d'un pas isolé se rapprocha de la porte. - -«Cette personne, la voici, madame», dit l'officier en démasquant -le passage, et en se rangeant dans l'attitude du respect et de la -soumission. - -En même temps, la porte s'ouvrit; un homme parut sur le seuil. - -Il était sans chapeau, portait l'épée au côté, et froissait un -mouchoir entre ses doigts. - -Milady crut reconnaître cette ombre dans l'ombre, elle s'appuya -d'une main sur le bras de son fauteuil, et avança la tête comme -pour aller au-devant d'une certitude. - -Alors l'étranger s'avança lentement; et, à mesure qu'il s'avançait -en entrant dans le cercle de lumière projeté par la lampe, Milady -se reculait involontairement. - -Puis, lorsqu'elle n'eut plus aucun doute: - -«Eh quoi! mon frère! s'écria-t-elle au comble de la stupeur, c'est -vous? - --- Oui, belle dame! répondit Lord de Winter en faisant un salut -moitié courtois, moitié ironique, moi-même. - --- Mais alors, ce château? - --- Est à moi. - --- Cette chambre? - --- C'est la vôtre. - --- Je suis donc votre prisonnière? - --- À peu près. - --- Mais c'est un affreux abus de la force! - --- Pas de grands mots; asseyons-nous, et causons tranquillement, -comme il convient de faire entre un frère et une soeur.» - -Puis, se retournant vers la porte, et voyant que le jeune officier -attendait ses derniers ordres: - -«C'est bien, dit-il, je vous remercie; maintenant, laissez-nous, -monsieur Felton.» - - -CHAPITRE L -CAUSERIE D'UN FRÈRE AVEC SA SOEUR - -Pendant le temps que Lord de Winter mit à fermer la porte, à -pousser un volet et à approcher un siège du fauteuil de sa belle- -soeur, Milady, rêveuse, plongea son regard dans les profondeurs de -la possibilité, et découvrit toute la trame qu'elle n'avait pas -même pu entrevoir, tant qu'elle ignorait en quelles mains elle -était tombée. Elle connaissait son beau-frère pour un bon -gentilhomme, franc-chasseur, joueur intrépide, entreprenant près -des femmes, mais d'une force inférieure à la sienne à l'endroit de -l'intrigue. Comment avait-il pu découvrir son arrivée? la faire -saisir? Pourquoi la retenait-il? - -Athos lui avait bien dit quelques mots qui prouvaient que la -conversation qu'elle avait eue avec le cardinal était tombée dans -des oreilles étrangères; mais elle ne pouvait admettre qu'il eût -pu creuser une contre-mine si prompte et si hardie. - -Elle craignit bien plutôt que ses précédentes opérations en -Angleterre n'eussent été découvertes. Buckingham pouvait avoir -deviné que c'était elle qui avait coupé les deux ferrets, et se -venger de cette petite trahison; mais Buckingham était incapable -de se porter à aucun excès contre une femme, surtout si cette -femme était censée avoir agi par un sentiment de jalousie. - -Cette supposition lui parut la plus probable; il lui sembla qu'on -voulait se venger du passé, et non aller au-devant de l'avenir. -Toutefois, et en tout cas, elle s'applaudit d'être tombée entre -les mains de son beau-frère, dont elle comptait avoir bon marché, -plutôt qu'entre celles d'un ennemi direct et intelligent. - -«Oui, causons, mon frère, dit-elle avec une espèce d'enjouement, -décidée qu'elle était à tirer de la conversation, malgré toute la -dissimulation que pourrait y apporter Lord de Winter, les -éclaircissements dont elle avait besoin pour régler sa conduite à -venir. - --- Vous vous êtes donc décidée à revenir en Angleterre, dit Lord -de Winter, malgré la résolution que vous m'aviez si souvent -manifestée à Paris de ne jamais remettre les pieds sur le -territoire de la Grande-Bretagne?» - -Milady répondit à une question par une autre question. - -«Avant tout, dit-elle, apprenez-moi donc comment vous m'avez fait -guetter assez sévèrement pour être d'avance prévenu non seulement -de mon arrivée, mais encore du jour, de l'heure et du port où -j'arrivais.» - -Lord de Winter adopta la même tactique que Milady, pensant que, -puisque sa belle-soeur l'employait, ce devait être la bonne. - -«Mais, dites-moi vous-même, ma chère soeur, reprit-il, ce que vous -venez faire en Angleterre. - --- Mais je viens vous voir, reprit Milady, sans savoir combien -elle aggravait, par cette réponse, les soupçons qu'avait fait -naître dans l'esprit de son beau-frère la lettre de d'Artagnan, et -voulant seulement capter la bienveillance de son auditeur par un -mensonge. - --- Ah! me voir? dit sournoisement Lord de Winter. - --- Sans doute, vous voir. Qu'y a-t-il d'étonnant à cela? - --- Et vous n'avez pas, en venant en Angleterre, d'autre but que de -me voir? - --- Non. - --- Ainsi, c'est pour moi seul que vous vous êtes donné la peine de -traverser la Manche? - --- Pour vous seul. - --- Peste! quelle tendresse, ma soeur! - --- Mais ne suis-je pas votre plus proche parente? demanda Milady -du ton de la plus touchante naïveté. - --- Et même ma seule héritière, n'est-ce pas?» dit à son tour Lord -de Winter, en fixant ses yeux sur ceux de Milady. - -Quelque puissance qu'elle eût sur elle-même, Milady ne put -s'empêcher de tressaillir, et comme, en prononçant les dernières -paroles qu'il avait dites, Lord de Winter avait posé la main sur -le bras de sa soeur, ce tressaillement ne lui échappa point. - -En effet, le coup était direct et profond. La première idée qui -vint à l'esprit de Milady fut qu'elle avait été trahie par Ketty, -et que celle-ci avait raconté au baron cette aversion intéressée -dont elle avait imprudemment laissé échapper des marques devant sa -suivante; elle se rappela aussi la sortie furieuse et imprudente -qu'elle avait faite contre d'Artagnan, lorsqu'il avait sauvé la -vie de son beau-frère. - -«Je ne comprends pas, Milord, dit-elle pour gagner du temps et -faire parler son adversaire. Que voulez-vous dire? et y a-t-il -quelque sens inconnu caché sous vos paroles? - --- Oh! mon Dieu, non, dit Lord de Winter avec une apparente -bonhomie; vous avez le désir de me voir, et vous venez en -Angleterre. J'apprends ce désir, ou plutôt je me doute que vous -l'éprouvez, et afin de vous épargner tous les ennuis d'une arrivée -nocturne dans un port, toutes les fatigues d'un débarquement, -j'envoie un de mes officiers au-devant de vous; je mets une -voiture à ses ordres, et il vous amène ici dans ce château, dont -je suis gouverneur, où je viens tous les jours, et où, pour que -notre double désir de nous voir soit satisfait, je vous fais -préparer une chambre. Qu'y a-t-il dans tout ce que je dis là de -plus étonnant que dans ce que vous m'avez dit? - --- Non, ce que je trouve d'étonnant, c'est que vous ayez été -prévenu de mon arrivée. - --- C'est cependant la chose la plus simple, ma chère soeur: -n'avez-vous pas vu que le capitaine de votre petit bâtiment avait, -en entrant dans la rade, envoyé en avant et afin d'obtenir son -entrée dans le port, un petit canot porteur de son livre de loch -et de son registre d'équipage? Je suis commandant du port, on m'a -apporté ce livre, j'y ai reconnu votre nom. Mon coeur m'a dit ce -que vient de me confier votre bouche, c'est-à-dire dans quel but -vous vous exposiez aux dangers d'une mer si périlleuse ou tout au -moins si fatigante en ce moment, et j'ai envoyé mon cutter au- -devant de vous. Vous savez le reste.» - -Milady comprit que Lord de Winter mentait et n'en fut que plus -effrayée. - -«Mon frère, continua-t-elle, n'est-ce pas Milord Buckingham que je -vis sur la jetée, le soir, en arrivant? - --- Lui-même. Ah! je comprends que sa vue vous ait frappée, reprit -Lord de Winter: vous venez d'un pays où l'on doit beaucoup -s'occuper de lui, et je sais que ses armements contre la France -préoccupent fort votre ami le cardinal. - --- Mon ami le cardinal! s'écria Milady, voyant que, sur ce point -comme sur l'autre, Lord de Winter paraissait instruit de tout. - --- N'est-il donc point votre ami? reprit négligemment le baron; -ah! pardon, je le croyais; mais nous reviendrons à Milord duc plus -tard, ne nous écartons point du tour sentimental que la -conversation avait pris: vous veniez, disiez-vous, pour me voir? - --- Oui. - --- Eh bien, je vous ai répondu que vous seriez servie à souhait et -que nous nous verrions tous les jours. - --- Dois-je donc demeurer éternellement ici? demanda Milady avec un -certain effroi. - --- Vous trouveriez-vous mal logée, ma soeur? demandez ce qui vous -manque, et je m'empresserai de vous le faire donner. - --- Mais je n'ai ni mes femmes ni mes gens... - --- Vous aurez tout cela, madame; dites-moi sur quel pied votre -premier mari avait monté votre maison; quoique je ne sois que -votre beau-frère, je vous la monterai sur un pied pareil. - --- Mon premier mari! s'écria Milady en regardant Lord de Winter -avec des yeux effarés. - --- Oui, votre mari français; je ne parle pas de mon frère. Au -reste, si vous l'avez oublié, comme il vit encore, je pourrais lui -écrire et il me ferait passer des renseignements à ce sujet.» - -Une sueur froide perla sur le front de Milady. - -«Vous raillez, dit-elle d'une voix sourde. - --- En ai-je l'air? demanda le baron en se relevant et en faisant -un pas en arrière. - --- Ou plutôt vous m'insultez, continua-t-elle en pressant de ses -mains crispées les deux bras du fauteuil et en se soulevant sur -ses poignets. - --- Vous insulter, moi! dit Lord de Winter avec mépris; en vérité, -madame, croyez-vous que ce soit possible? - --- En vérité, monsieur, dit Milady, vous êtes ou ivre ou insensé; -sortez et envoyez-moi une femme. - --- Des femmes sont bien indiscrètes, ma soeur! ne pourrais-je pas -vous servir de suivante? de cette façon tous nos secrets -resteraient en famille. - --- Insolent! s'écria Milady, et, comme mue par un ressort, elle -bondit sur le baron, qui l'attendait avec impassibilité, mais une -main cependant sur la garde de son épée. - --- Eh! eh! dit-il, je sais que vous avez l'habitude d'assassiner -les gens, mais je me défendrai, moi, je vous en préviens, fût-ce -contre vous. - --- Oh! vous avez raison, dit Milady, et vous me faites l'effet -d'être assez lâche pour porter la main sur une femme. - --- Peut-être que oui, d'ailleurs j'aurais mon excuse: ma main ne -serait pas la première main d'homme qui se serait posée sur vous, -j'imagine.» - -Et le baron indiqua d'un geste lent et accusateur l'épaule gauche -de Milady, qu'il toucha presque du doigt. - -Milady poussa un rugissement sourd, et se recula jusque dans -l'angle de la chambre, comme une panthère qui veut s'acculer pour -s'élancer. - -«Oh! rugissez tant que vous voudrez, s'écria Lord de Winter, mais -n'essayez pas de mordre, car, je vous en préviens, la chose -tournerait à votre préjudice: il n'y a pas ici de procureurs qui -règlent d'avance les successions, il n'y a pas de chevalier errant -qui vienne me chercher querelle pour la belle dame que je retiens -prisonnière; mais je tiens tout prêts des juges qui disposeront -d'une femme assez éhontée pour venir se glisser, bigame, dans le -lit de Lord de Winter, mon frère aîné, et ces juges, je vous en -préviens, vous enverront à un bourreau qui vous fera les deux -épaules pareilles.» - -Les yeux de Milady lançaient de tels éclairs, que quoiqu'il fût -homme et armé devant une femme désarmée il sentit le froid de la -peur se glisser jusqu'au fond de son âme; il n'en continua pas -moins, mais avec une fureur croissante: - -«Oui, je comprends, après avoir hérité de mon frère, il vous eût -été doux d'hériter de moi; mais, sachez-le d'avance, vous pouvez -me tuer ou me faire tuer, mes précautions sont prises, pas un -penny de ce que je possède ne passera dans vos mains. N'êtes-vous -pas déjà assez riche, vous qui possédez près d'un million, et ne -pouviez-vous vous arrêter dans votre route fatale, si vous ne -faisiez le mal que pour la jouissance infinie et suprême de le -faire? Oh! tenez, je vous le dis, si la mémoire de mon frère ne -m'était sacrée, vous iriez pourrir dans un cachot d'État ou -rassasier à Tyburn la curiosité des matelots; je me tairai, mais -vous, supportez tranquillement votre captivité; dans quinze ou -vingt jours je pars pour La Rochelle avec l'armée; mais la veille -de mon départ, un vaisseau viendra vous prendre, que je verrai -partir et qui vous conduira dans nos colonies du Sud; et, soyez -tranquille, je vous adjoindrai un compagnon qui vous brûlera la -cervelle à la première tentative que vous risquerez pour revenir -en Angleterre ou sur le continent.» - -Milady écoutait avec une attention qui dilatait ses yeux -enflammés. - -«Oui, mais à cette heure, continua Lord de Winter, vous demeurerez -dans ce château: les murailles en sont épaisses, les portes en -sont fortes, les barreaux en sont solides; d'ailleurs votre -fenêtre donne à pic sur la mer: les hommes de mon équipage, qui me -sont dévoués à la vie et à la mort, montent la garde autour de cet -appartement, et surveillent tous les passages qui conduisent à la -cour; puis arrivée à la cour, il vous resterait encore trois -grilles à traverser. La consigne est précise: un pas, un geste, un -mot qui simule une évasion, et l'on fait feu sur vous; si l'on -vous tue, la justice anglaise m'aura, je l'espère, quelque -obligation de lui avoir épargné de la besogne. Ah! vos traits -reprennent leur calme, votre visage retrouve son assurance: Quinze -jours, vingt jours dites-vous, bah! d'ici là, j'ai l'esprit -inventif, il me viendra quelque idée; j'ai l'esprit infernal, et -je trouverai quelque victime. D'ici à quinze jours, vous dites- -vous, je serai hors d'ici. Ah! ah! essayez!» - -Milady se voyant devinée s'enfonça les ongles dans la chair pour -dompter tout mouvement qui eût pu donner à sa physionomie une -signification quelconque, autre que celle de l'angoisse. - -Lord de Winter continua: - -«L'officier qui commande seul ici en mon absence, vous l'avez vu, -donc vous le connaissez déjà, sait, comme vous voyez, observer une -consigne, car vous n'êtes pas, je vous connais, venue de -Portsmouth ici sans avoir essayé de le faire parler. Qu'en dites- -vous? une statue de marbre eût-elle été plus impassible et plus -muette? Vous avez déjà essayé le pouvoir de vos séductions sur -bien des hommes, et malheureusement vous avez toujours réussi; -mais essayez sur celui-là, pardieu! si vous en venez à bout, je -vous déclare le démon lui-même.» - -Il alla vers la porte et l'ouvrit brusquement. - -«Qu'on appelle M. Felton, dit-il. Attendez encore un instant, et -je vais vous recommander à lui.» - -Il se fit entre ces deux personnages un silence étrange, pendant -lequel on entendit le bruit d'un pas lent et régulier qui se -rapprochait; bientôt, dans l'ombre du corridor, on vit se dessiner -une forme humaine, et le jeune lieutenant avec lequel nous avons -déjà fait connaissance s'arrêta sur le seuil, attendant les ordres -du baron. - -«Entrez, mon cher John, dit Lord de Winter, entrez et fermez la -porte.» - -Le jeune officier entra. - -«Maintenant, dit le baron, regardez cette femme: elle est jeune, -elle est belle, elle a toutes les séductions de la terre, eh bien, -c'est un monstre qui, à vingt-cinq ans, s'est rendu coupable -d'autant de crimes que vous pouvez en lire en un an dans les -archives de nos tribunaux; sa voix prévient en sa faveur, sa -beauté sert d'appât aux victimes, son corps même paye ce qu'elle a -promis, c'est une justice à lui rendre; elle essayera de vous -séduire, peut-être même essayera-t-elle de vous tuer. Je vous ai -tiré de la misère, Felton, je vous ai fait nommer lieutenant, je -vous ai sauvé la vie une fois, vous savez à quelle occasion; je -suis pour vous non seulement un protecteur, mais un ami; non -seulement un bienfaiteur, mais un père; cette femme est revenue en -Angleterre afin de conspirer contre ma vie; je tiens ce serpent -entre mes mains; eh bien, je vous fais appeler et vous dis: Ami -Felton, John, mon enfant, garde-moi et surtout garde-toi de cette -femme; jure sur ton salut de la conserver pour le châtiment -qu'elle a mérité. John Felton, je me fie à ta parole; John Felton, -je crois à ta loyauté. - --- Milord, dit le jeune officier en chargeant son regard pur de -toute la haine qu'il put trouver dans son coeur, Milord, je vous -jure qu'il sera fait comme vous désirez.» - -Milady reçut ce regard en victime résignée: il était impossible de -voir une expression plus soumise et plus douce que celle qui -régnait alors sur son beau visage. À peine si Lord de Winter lui- -même reconnut la tigresse qu'un instant auparavant il s'apprêtait -à combattre. - -«Elle ne sortira jamais de cette chambre, entendez-vous, John, -continua le baron; elle ne correspondra avec personne, elle ne -parlera qu'à vous, si toutefois vous voulez bien lui faire -l'honneur de lui adresser la parole. - --- Il suffit, Milord, j'ai juré. - --- Et maintenant, madame, tâchez de faire la paix avec Dieu, car -vous êtes jugée par les hommes.» - -Milady laissa tomber sa tête comme si elle se fût sentie écrasée -par ce jugement. Lord de Winter sortit en faisant un geste à -Felton, qui sortit derrière lui et ferma la porte. - -Un instant après on entendait dans le corridor le pas pesant d'un -soldat de marine qui faisait sentinelle, sa hache à la ceinture et -son mousquet à la main. - -Milady demeura pendant quelques minutes dans la même position, car -elle songea qu'on l'examinait peut-être par la serrure; puis -lentement elle releva sa tête, qui avait repris une expression -formidable de menace et de défi, courut écouter à la porte, -regarda par la fenêtre, et revenant s'enterrer dans un vaste -fauteuil, elle songea. - - -CHAPITRE LI -OFFICIER - -Cependant le cardinal attendait des nouvelles d'Angleterre, mais -aucune nouvelle n'arrivait, si ce n'est fâcheuse et menaçante. - -Si bien que La Rochelle fût investie, si certain que pût paraître -le succès, grâce aux précautions prises et surtout à la digue qui -ne laissait plus pénétrer aucune barque dans la ville assiégée, -cependant le blocus pouvait durer longtemps encore; et c'était un -grand affront pour les armes du roi et une grande gêne pour M. le -cardinal, qui n'avait plus, il est vrai, à brouiller Louis XIII -avec Anne d'Autriche, la chose était faite, mais à raccommoder -M. de Bassompierre, qui était brouillé avec le duc d'Angoulême. - -Quant à Monsieur, qui avait commencé le siège, il laissait au -cardinal le soin de l'achever. - -La ville, malgré l'incroyable persévérance de son maire, avait -tenté une espèce de mutinerie pour se rendre; le maire avait fait -pendre les émeutiers. Cette exécution calma les plus mauvaises -têtes, qui se décidèrent alors à se laisser mourir de faim. Cette -mort leur paraissait toujours plus lente et moins sûre que le -trépas par strangulation. - -De leur côté, de temps en temps, les assiégeants prenaient des -messagers que les Rochelois envoyaient à Buckingham ou des espions -que Buckingham envoyait aux Rochelois. Dans l'un et l'autre cas le -procès était vite fait. M. le cardinal disait ce seul mot: Pendu! -On invitait le roi à venir voir la pendaison. Le roi venait -languissamment, se mettait en bonne place pour voir l'opération -dans tous ses détails: cela le distrayait toujours un peu et lui -faisait prendre le siège en patience, mais cela ne l'empêchait pas -de s'ennuyer fort, de parler à tout moment de retourner à Paris; -de sorte que si les messagers et les espions eussent fait défaut, -Son Éminence, malgré toute son imagination, se fût trouvée fort -embarrassée. - -Néanmoins le temps passait, les Rochelois ne se rendaient pas: le -dernier espion que l'on avait pris était porteur d'une lettre. -Cette lettre disait bien à Buckingham que la ville était à toute -extrémité; mais, au lieu d'ajouter: «Si votre secours n'arrive pas -avant quinze jours, nous nous rendrons», elle ajoutait tout -simplement: «Si votre secours n'arrive pas avant quinze jours, -nous serons tous morts de faim quand il arrivera.» - -Les Rochelois n'avaient donc espoir qu'en Buckingham. Buckingham -était leur Messie. Il était évident que si un jour ils apprenaient -d'une manière certaine qu'il ne fallait plus compter sur -Buckingham, avec l'espoir leur courage tomberait. - -Le cardinal attendait donc avec grande impatience des nouvelles -d'Angleterre qui devaient annoncer que Buckingham ne viendrait -pas. - -La question d'emporter la ville de vive force, débattue souvent -dans le conseil du roi, avait toujours été écartée; d'abord La -Rochelle semblait imprenable, puis le cardinal, quoi qu'il eût -dit, savait bien que l'horreur du sang répandu en cette rencontre, -où Français devaient combattre contre Français, était un mouvement -rétrograde de soixante ans imprimé à la politique, et le cardinal -était, à cette époque, ce qu'on appelle aujourd'hui un homme -de progrès. En effet, le sac de La Rochelle, l'assassinat de trois -ou quatre mille huguenots qui se fussent fait tuer ressemblaient -trop, en 1628, au massacre de la Saint-Barthélémy, en 1572; et -puis, par-dessus tout cela, ce moyen extrême, auquel le roi, bon -catholique, ne répugnait aucunement, venait toujours échouer -contre cet argument des généraux assiégeants: La Rochelle est -imprenable autrement que par la famine. - -Le cardinal ne pouvait écarter de son esprit la crainte où le -jetait sa terrible émissaire, car il avait compris, lui aussi, les -proportions étranges de cette femme, tantôt serpent, tantôt lion. -L'avait-elle trahi? était-elle morte? Il la connaissait assez, en -tout cas, pour savoir qu'en agissant pour lui ou contre lui, amie -ou ennemie, elle ne demeurait pas immobile sans de grands -empêchements. C'était ce qu'il ne pouvait savoir. - -Au reste, il comptait, et avec raison, sur Milady: il avait deviné -dans le passé de cette femme de ces choses terribles que son -manteau rouge pouvait seul couvrir; et il sentait que, pour une -cause ou pour une autre, cette femme lui était acquise, ne pouvant -trouver qu'en lui un appui supérieur au danger qui la menaçait. - -Il résolut donc de faire la guerre tout seul et de n'attendre tout -succès étranger que comme on attend une chance heureuse. Il -continua de faire élever la fameuse digue qui devait affamer La -Rochelle; en attendant, il jeta les yeux sur cette malheureuse -ville, qui renfermait tant de misère profonde et tant d'héroïques -vertus, et, se rappelant le mot de Louis XI, son prédécesseur -politique, comme lui-même était le prédécesseur de Robespierre, il -murmura cette maxime du compère de Tristan: «Diviser pour régner.» - -Henri IV, assiégeant Paris, faisait jeter par-dessus les murailles -du pain et des vivres; le cardinal fit jeter des petits billets -par lesquels il représentait aux Rochelois combien la conduite de -leurs chefs était injuste, égoïste et barbare; ces chefs avaient -du blé en abondance, et ne le partageaient pas; ils adoptaient -cette maxime, car eux aussi avaient des maximes, que peu importait -que les femmes, les enfants et les vieillards mourussent, pourvu -que les hommes qui devaient défendre leurs murailles restassent -forts et bien portants. Jusque-là, soit dévouement, soit -impuissance de réagir contre elle, cette maxime, sans être -généralement adoptée, était cependant passée de la théorie à la -pratique; mais les billets vinrent y porter atteinte. Les billets -rappelaient aux hommes que ces enfants, ces femmes, ces vieillards -qu'on laissait mourir étaient leurs fils, leurs épouses et leurs -pères; qu'il serait plus juste que chacun fût réduit à la misère -commune, afin qu'une même position fit prendre des résolutions -unanimes. - -Ces billets firent tout l'effet qu'en pouvait attendre celui qui -les avait écrits, en ce qu'ils déterminèrent un grand nombre -d'habitants à ouvrir des négociations particulières avec l'armée -royale. - -Mais au moment où le cardinal voyait déjà fructifier son moyen et -s'applaudissait de l'avoir mis en usage, un habitant de La -Rochelle, qui avait pu passer à travers les lignes royales, Dieu -sait comment, tant était grande la surveillance de Bassompierre, -de Schomberg et du duc d'Angoulême, surveillés eux-mêmes par le -cardinal, un habitant de La Rochelle, disons-nous, entra dans la -ville, venant de Portsmouth et disant qu'il avait vu une flotte -magnifique prête à mettre à la voile avant huit jours. De plus, -Buckingham annonçait au maire qu'enfin la grande ligue contre la -France allait se déclarer, et que le royaume allait être envahi à -la fois par les armées anglaises, impériales et espagnoles. Cette -lettre fut lue publiquement sur toutes les places, on en afficha -des copies aux angles des rues, et ceux-là mêmes qui avaient -commencé d'ouvrir des négociations les interrompirent, résolus -d'attendre ce secours si pompeusement annoncé. - -Cette circonstance inattendue rendit à Richelieu ses inquiétudes -premières, et le força malgré lui à tourner de nouveau les yeux de -l'autre côté de la mer. - -Pendant ce temps, exempte des inquiétudes de son seul et véritable -chef, l'armée royale menait joyeuse vie; les vivres ne manquaient -pas au camp, ni l'argent non plus; tous les corps rivalisaient -d'audace et de gaieté. Prendre des espions et les pendre, faire -des expéditions hasardeuses sur la digue ou sur la mer, imaginer -des folies, les exécuter froidement, tel était le passe-temps qui -faisait trouver courts à l'armée ces jours si longs, non seulement -pour les Rochelois, rongés par la famine et l'anxiété, mais encore -pour le cardinal qui les bloquait si vivement. - -Quelquefois, quand le cardinal, toujours chevauchant comme le -dernier gendarme de l'armée, promenait son regard pensif sur ces -ouvrages, si lents au gré de son désir, qu'élevaient sous son -ordre les ingénieurs qu'il faisait venir de tous les coins du -royaume de France, s'il rencontrait un mousquetaire de la -compagnie de Tréville, il s'approchait de lui, le regardait d'une -façon singulière, et ne le reconnaissant pas pour un de nos quatre -compagnons, il laissait aller ailleurs son regard profond et sa -vaste pensée. - -Un jour où, rongé d'un mortel ennui, sans espérance dans les -négociations avec la ville, sans nouvelles d'Angleterre, le -cardinal était sorti sans autre but que de sortir, accompagné -seulement de Cahusac et de La Houdinière, longeant les grèves et -mêlant l'immensité de ses rêves à l'immensité de l'océan, il -arriva au petit pas de son cheval sur une colline du haut de -laquelle il aperçut derrière une haie, couchés sur le sable et -prenant au passage un de ces rayons de soleil si rares à cette -époque de l'année, sept hommes entourés de bouteilles vides. -Quatre de ces hommes étaient nos mousquetaires s'apprêtant à -écouter la lecture d'une lettre que l'un d'eux venait de recevoir. -Cette lettre était si importante, qu'elle avait fait abandonner -sur un tambour des cartes et des dés. - -Les trois autres s'occupaient à décoiffer une énorme dame-jeanne -de vin de Collioure; c'étaient les laquais de ces messieurs. - -Le cardinal, comme nous l'avons dit, était de sombre humeur, et -rien, quand il était dans cette situation d'esprit, ne redoublait -sa maussaderie comme la gaieté des autres. D'ailleurs, il avait -une préoccupation étrange, c'était de croire toujours que les -causes mêmes de sa tristesse excitaient la gaieté des étrangers. -Faisant signe à La Houdinière et à Cahusac de s'arrêter, il -descendit de cheval et s'approcha de ces rieurs suspects, espérant -qu'à l'aide du sable qui assourdissait ses pas, et de la haie qui -voilait sa marche, il pourrait entendre quelques mots de cette -conversation qui lui paraissait si intéressante; à dix pas de la -haie seulement il reconnut le babil gascon de d'Artagnan, et comme -il savait déjà que ces hommes étaient des mousquetaires, il ne -douta pas que les trois autres ne fussent ceux qu'on appelait les -inséparables, c'est-à-dire Athos, Porthos et Aramis. - -On juge si son désir d'entendre la conversation s'augmenta de -cette découverte; ses yeux prirent une expression étrange, et d'un -pas de chat-tigre il s'avança vers la haie; mais il n'avait pu -saisir encore que des syllabes vagues et sans aucun sens positif, -lorsqu'un cri sonore et bref le fit tressaillir et attira -l'attention des mousquetaires. - -«Officier! cria Grimaud. - --- Vous parlez, je crois, drôle», dit Athos se soulevant sur un -coude et fascinant Grimaud de son regard flamboyant. - -Aussi Grimaud n'ajouta-t-il point une parole, se contentant de -tendre le doigt indicateur dans la direction de la haie et -dénonçant par ce geste le cardinal et son escorte. - -D'un seul bond les quatre mousquetaires furent sur pied et -saluèrent avec respect. - -Le cardinal semblait furieux. - -«Il paraît qu'on se fait garder chez messieurs les mousquetaires! -dit-il. Est-ce que l'Anglais vient par terre, ou serait-ce que les -mousquetaires se regardent comme des officiers supérieurs? - --- Monseigneur, répondit Athos, car au milieu de l'effroi général -lui seul avait conservé ce calme et ce sang-froid de grand -seigneur qui ne le quittaient jamais, Monseigneur, les -mousquetaires, lorsqu'ils ne sont pas de service, ou que leur -service est fini, boivent et jouent aux dés, et ils sont des -officiers très supérieurs pour leurs laquais. - --- Des laquais! grommela le cardinal, des laquais qui ont la -consigne d'avertir leurs maîtres quand passe quelqu'un, ce ne sont -point des laquais, ce sont des sentinelles. - --- Son Éminence voit bien cependant que si nous n'avions point -pris cette précaution, nous étions exposés à la laisser passer -sans lui présenter nos respects et lui offrir nos remerciements -pour la grâce qu'elle nous a faite de nous réunir. D'Artagnan, -continua Athos, vous qui tout à l'heure demandiez cette occasion -d'exprimer votre reconnaissance à Monseigneur, la voici venue, -profitez-en. - -Ces mots furent prononcés avec ce flegme imperturbable qui -distinguait Athos dans les heures du danger, et cette excessive -politesse qui faisait de lui dans certains moments un roi plus -majestueux que les rois de naissance. - -D'Artagnan s'approcha et balbutia quelques paroles de -remerciements, qui bientôt expirèrent sous le regard assombri du -cardinal. - -«N'importe, messieurs, continua le cardinal sans paraître le moins -du monde détourné de son intention première par l'incident -qu'Athos avait soulevé; n'importe, messieurs, je n'aime pas que de -simples soldats, parce qu'ils ont l'avantage de servir dans un -corps privilégié, fassent ainsi les grands seigneurs, et la -discipline est la même pour eux que pour tout le monde.» - -Athos laissa le cardinal achever parfaitement sa phrase et, -s'inclinant en signe d'assentiment, il reprit à son tour: - -«La discipline, Monseigneur, n'a en aucune façon, je l'espère, été -oubliée par nous. Nous ne sommes pas de service, et nous avons cru -que, n'étant pas de service, nous pouvions disposer de notre temps -comme bon nous semblait. Si nous sommes assez heureux pour que Son -Éminence ait quelque ordre particulier à nous donner, nous sommes -prêts à lui obéir. Monseigneur voit, continua Athos en fronçant le -sourcil, car cette espèce d'interrogatoire commençait à -l'impatienter, que, pour être prêts à la moindre alerte, nous -sommes sortis avec nos armes.» - -Et il montra du doigt au cardinal les quatre mousquets en faisceau -près du tambour sur lequel étaient les cartes et les dés. - -«Que Votre Éminence veuille croire, ajouta d'Artagnan, que nous -nous serions portés au-devant d'elle si nous eussions pu supposer -que c'était elle qui venait vers nous en si petite compagnie.» - -Le cardinal se mordait les moustaches et un peu les lèvres. - -«Savez-vous de quoi vous avez l'air, toujours ensemble, comme vous -voilà, armés comme vous êtes, et gardés par vos laquais? dit le -cardinal, vous avez l'air de quatre conspirateurs. - --- Oh! quant à ceci, Monseigneur, c'est vrai, dit Athos, et nous -conspirons, comme Votre Éminence a pu le voir l'autre matin, -seulement c'est contre les Rochelois. - --- Eh! messieurs les politiques, reprit le cardinal en fronçant le -sourcil à son tour, on trouverait peut-être dans vos cervelles le -secret de bien des choses qui sont ignorées, si on pouvait y lire -comme vous lisiez dans cette lettre que vous avez cachée quand -vous m'avez vu venir.» - -Le rouge monta à la figure d'Athos, il fit un pas vers Son -Éminence. - -«On dirait que vous nous soupçonnez réellement, Monseigneur, et -que nous subissons un véritable interrogatoire; s'il en est ainsi, -que Votre Éminence daigne s'expliquer, et nous saurons du moins à -quoi nous en tenir. - --- Et quand cela serait un interrogatoire, reprit le cardinal, -d'autres que vous en ont subi, monsieur Athos, et y ont répondu. - --- Aussi, Monseigneur, ai-je dit à Votre Éminence qu'elle n'avait -qu'à questionner, et que nous étions prêts à répondre. - --- Quelle était cette lettre que vous alliez lire, monsieur -Aramis, et que vous avez cachée? - --- Une lettre de femme, Monseigneur. - --- Oh! je conçois, dit le cardinal, il faut être discret pour ces -sortes de lettres; mais cependant on peut les montrer à un -confesseur, et, vous le savez, j'ai reçu les ordres. - --- Monseigneur, dit Athos avec un calme d'autant plus terrible -qu'il jouait sa tête en faisant cette réponse, la lettre est d'une -femme, mais elle n'est signée ni Marion de Lorme, ni -Mme d'Aiguillon.» - -Le cardinal devint pâle comme la mort, un éclair fauve sortit de -ses yeux; il se retourna comme pour donner un ordre à Cahusac et à -La Houdinière. Athos vit le mouvement; il fit un pas vers les -mousquetons, sur lesquels les trois amis avaient les yeux fixés en -hommes mal disposés à se laisser arrêter. Le cardinal était, lui, -troisième; les mousquetaires, y compris les laquais, étaient sept: -il jugea que la partie serait d'autant moins égale, qu'Athos et -ses compagnons conspiraient réellement; et, par un de ces retours -rapides qu'il tenait toujours à sa disposition, toute sa colère se -fondit dans un sourire. - -«Allons, allons! dit-il, vous êtes de braves jeunes gens, fiers au -soleil, fidèles dans l'obscurité; il n'y a pas de mal à veiller -sur soi quand on veille si bien sur les autres; messieurs, je n'ai -point oublié la nuit où vous m'avez servi d'escorte pour aller au -Colombier-Rouge; s'il y avait quelque danger à craindre sur la -route que je vais suivre, je vous prierais de m'accompagner; mais, -comme il n'y en a pas, restez où vous êtes, achevez vos -bouteilles, votre partie et votre lettre. Adieu, messieurs.» - -Et, remontant sur son cheval, que Cahusac lui avait amené, il les -salua de la main et s'éloigna. - -Les quatre jeunes gens, debout et immobiles, le suivirent des yeux -sans dire un seul mot jusqu'à ce qu'il eût disparu. - -Puis ils se regardèrent. - -Tous avaient la figure consternée, car malgré l'adieu amical de -Son Éminence, ils comprenaient que le cardinal s'en allait la rage -dans le coeur. - -Athos seul souriait d'un sourire puissant et dédaigneux. Quand le -cardinal fut hors de la portée de la voix et de la vue: - -«Ce Grimaud a crié bien tard!» dit Porthos, qui avait grande envie -de faire tomber sa mauvaise humeur sur quelqu'un. - -Grimaud allait répondre pour s'excuser. Athos leva le doigt et -Grimaud se tut. - -«Auriez-vous rendu la lettre, Aramis? dit d'Artagnan. - --- Moi, dit Aramis de sa voix la plus flûtée, j'étais décidé: s'il -avait exigé que la lettre lui fût remise, je lui présentais la -lettre d'une main, et de l'autre je lui passais mon épée au -travers du corps. - --- Je m'y attendais bien, dit Athos; voilà pourquoi je me suis -jeté entre vous et lui. En vérité, cet homme est bien imprudent de -parler ainsi à d'autres hommes; on dirait qu'il n'a jamais eu -affaire qu'à des femmes et à des enfants. - --- Mon cher Athos, dit d'Artagnan, je vous admire, mais cependant -nous étions dans notre tort, après tout. - --- Comment, dans notre tort! reprit Athos. À qui donc cet air que -nous respirons? à qui cet océan sur lequel s'étendent nos regards? -à qui ce sable sur lequel nous étions couchés? à qui cette lettre -de votre maîtresse? Est-ce au cardinal? Sur mon honneur, cet homme -se figure que le monde lui appartient: vous étiez là, balbutiant, -stupéfait, anéanti; on eût dit que la Bastille se dressait devant -vous et que la gigantesque Méduse vous changeait en pierre. Est-ce -que c'est conspirer, voyons, que d'être amoureux? Vous êtes -amoureux d'une femme que le cardinal a fait enfermer, vous voulez -la tirer des mains du cardinal; c'est une partie que vous jouez -avec Son Éminence: cette lettre c'est votre jeu; pourquoi -montreriez-vous votre jeu à votre adversaire? cela ne se fait pas. -Qu'il le devine, à la bonne heure! nous devinons bien le sien, -nous! - --- Au fait, dit d'Artagnan, c'est plein de sens, ce que vous dites -là, Athos. - --- En ce cas, qu'il ne soit plus question de ce qui vient de se -passer, et qu'Aramis reprenne la lettre de sa cousine où M. le -cardinal l'a interrompue.» - -Aramis tira la lettre de sa poche, les trois amis se rapprochèrent -de lui, et les trois laquais se groupèrent de nouveau auprès de la -dame-jeanne. - -«Vous n'aviez lu qu'une ligne ou deux, dit d'Artagnan, reprenez -donc la lettre à partir du commencement. - -«Volontiers», dit Aramis. - -«Mon cher cousin, je crois bien que je me déciderai à partir pour -Stenay, où ma soeur a fait entrer notre petite servante dans le -couvent des Carmélites; cette pauvre enfant s'est résignée, elle -sait qu'elle ne peut vivre autre part sans que le salut de son âme -soit en danger. Cependant, si les affaires de notre famille -s'arrangent comme nous le désirons, je crois qu'elle courra le -risque de se damner, et qu'elle reviendra près de ceux qu'elle -regrette, d'autant plus qu'elle sait qu'on pense toujours à elle. -En attendant, elle n'est pas trop malheureuse: tout ce qu'elle -désire c'est une lettre de son prétendu. Je sais bien que ces -sortes de denrées passent difficilement par les grilles; mais, -après tout, comme je vous en ai donné des preuves, mon cher -cousin, je ne suis pas trop maladroite et je me chargerai de cette -commission. Ma soeur vous remercie de votre bon et éternel -souvenir. Elle a eu un instant de grande inquiétude; mais enfin -elle est quelque peu rassurée maintenant, ayant envoyé son commis -là-bas afin qu'il ne s'y passe rien d'imprévu. - -«Adieu, mon cher cousin, donnez-nous de vos nouvelles le plus -souvent que vous pourrez, c'est-à-dire toutes les fois que vous -croirez pouvoir le faire sûrement. Je vous embrasse. - -«Marie Michon.» - -«Oh! que ne vous dois-je pas, Aramis? s'écria d'Artagnan. Chère -Constance! j'ai donc enfin de ses nouvelles; elle vit, elle est en -sûreté dans un couvent, elle est à Stenay! Où prenez-vous Stenay, -Athos? - --- Mais à quelques lieues des frontières; une fois le siège levé, -nous pourrons aller faire un tour de ce côté. - --- Et ce ne sera pas long, il faut l'espérer, dit Porthos, car on -a, ce matin, pendu un espion, lequel a déclaré que les Rochelois -en étaient aux cuirs de leurs souliers. En supposant qu'après -avoir mangé le cuir ils mangent la semelle, je ne vois pas trop ce -qui leur restera après, à moins de se manger les uns les autres. - --- Pauvres sots! dit Athos en vidant un verre d'excellent vin de -Bordeaux, qui, sans avoir à cette époque la réputation qu'il a -aujourd'hui, ne la méritait pas moins; pauvres sots! comme si la -religion catholique n'était pas la plus avantageuse et la plus -agréable des religions! C'est égal, reprit-il après avoir fait -claquer sa langue contre son palais, ce sont de braves gens. Mais -que diable faites-vous donc, Aramis? continua Athos; vous serrez -cette lettre dans votre poche? - --- Oui, dit d'Artagnan, Athos a raison, il faut la brûler; encore, -qui sait si M. le cardinal n'a pas un secret pour interroger les -cendres? - --- Il doit en avoir un, dit Athos. - --- Mais que voulez-vous faire de cette lettre? demanda Porthos. - --- Venez ici, Grimaud», dit Athos. - -Grimaud se leva et obéit. - -«Pour vous punir d'avoir parlé sans permission, mon ami, vous -allez manger ce morceau de papier, puis, pour vous récompenser du -service que vous nous aurez rendu, vous boirez ensuite ce verre de -vin; voici la lettre d'abord, mâchez avec énergie.» - -Grimaud sourit, et, les yeux fixés sur le verre qu'Athos venait de -remplir bord à bord, il broya le papier et l'avala. - -«Bravo, maître Grimaud! dit Athos, et maintenant prenez ceci; -bien, je vous dispense de dire merci.» - -Grimaud avala silencieusement le verre de vin de Bordeaux, mais -ses yeux levés au ciel parlaient, pendant tout le temps que dura -cette douce occupation, un langage qui, pour être muet, n'en était -pas moins expressif. - -«Et maintenant, dit Athos, à moins que M. le cardinal n'ait -l'ingénieuse idée de faire ouvrir le ventre à Grimaud, je crois -que nous pouvons être à peu près tranquilles.» - -Pendant ce temps, Son Éminence continuait sa promenade -mélancolique en murmurant entre ses moustaches: - -«Décidément, il faut que ces quatre hommes soient à moi.» - - -CHAPITRE LII -PREMIERE JOURNÉE DE CAPTIVITÉ - -Revenons à Milady, qu'un regard jeté sur les côtes de France nous -a fait perdre de vue un instant. - -Nous la retrouverons dans la position désespérée où nous l'avons -laissée, se creusant un abîme de sombres réflexions, sombre enfer -à la porte duquel elle a presque laissé l'espérance: car pour la -première fois elle doute, pour la première fois elle craint. - -Dans deux occasions sa fortune lui a manqué, dans deux occasions -elle s'est vue découverte et trahie, et dans ces deux occasions, -c'est contre le génie fatal envoyé sans doute par le Seigneur pour -la combattre qu'elle a échoué: d'Artagnan l'a vaincue, elle, cette -invincible puissance du mal. - -Il l'a abusée dans son amour, humiliée dans son orgueil, trompée -dans son ambition, et maintenant voilà qu'il la perd dans sa -fortune, qu'il l'atteint dans sa liberté, qu'il la menace même -dans sa vie. Bien plus, il a levé un coin de son masque, cette -égide dont elle se couvre et qui la rend si forte. - -D'Artagnan a détourné de Buckingham, qu'elle hait, comme elle hait -tout ce qu'elle a aimé, la tempête dont le menaçait Richelieu dans -la personne de la reine. D'Artagnan s'est fait passer pour -de Wardes, pour lequel elle avait une de ces fantaisies de -tigresse, indomptables comme en ont les femmes de ce caractère. -D'Artagnan connaît ce terrible secret qu'elle a juré que nul ne -connaîtrait sans mourir. Enfin, au moment où elle vient d'obtenir -un blanc-seing à l'aide duquel elle va se venger de son ennemi, le -blanc-seing lui est arraché des mains, et c'est d'Artagnan qui la -tient prisonnière et qui va l'envoyer dans quelque immonde Botany- -Bay, dans quelque Tyburn infâme de l'océan Indien. - -Car tout cela lui vient de d'Artagnan sans doute; de qui -viendraient tant de hontes amassées sur sa tête, sinon de lui? Lui -seul a pu transmettre à Lord de Winter tous ces affreux secrets, -qu'il a découverts les uns après les autres par une sorte de -fatalité. Il connaît son beau-frère, il lui aura écrit. - -Que de haine elle distille! Là, immobile, et les yeux ardents et -fixes dans son appartement désert, comme les éclats de ses -rugissements sourds, qui parfois s'échappent avec sa respiration -du fond de sa poitrine, accompagnent bien le bruit de la houle qui -monte, gronde, mugit et vient se briser, comme un désespoir -éternel et impuissant, contre les rochers sur lesquels est bâti ce -château sombre et orgueilleux! Comme, à la lueur des éclairs que -sa colère orageuse fait briller dans son esprit, elle conçoit -contre Mme Bonacieux, contre Buckingham, et surtout contre -d'Artagnan, de magnifiques projets de vengeance, perdus dans les -lointains de l'avenir! - -Oui, mais pour se venger il faut être libre, et pour être libre, -quand on est prisonnier, il faut percer un mur, desceller des -barreaux, trouer un plancher; toutes entreprises que peut mener à -bout un homme patient et fort mais devant lesquelles doivent -échouer les irritations fébriles d'une femme. D'ailleurs, pour -faire tout cela il faut avoir le temps, des mois, des années, et -elle... elle a dix ou douze jours, à ce que lui a dit Lord de -Winter, son fraternel et terrible geôlier. - -Et cependant, si elle était un homme, elle tenterait tout cela, et -peut-être réussirait-elle: pourquoi donc le Ciel s'est-il ainsi -trompé, en mettant cette âme virile dans ce corps frêle et -délicat! - -Aussi les premiers moments de la captivité ont été terribles: -quelques convulsions de rage qu'elle n'a pu vaincre ont payé sa -dette de faiblesse féminine à la nature. Mais peu à peu elle a -surmonté les éclats de sa folle colère, les frémissements nerveux -qui ont agité son corps ont disparu, et maintenant elle s'est -repliée sur elle-même comme un serpent fatigué qui se repose. - -«Allons, allons; j'étais folle de m'emporter ainsi, dit-elle en -plongeant dans la glace, qui reflète dans ses yeux son regard -brûlant, par lequel elle semble s'interroger elle-même. Pas de -violence, la violence est une preuve de faiblesse. D'abord je n'ai -jamais réussi par ce moyen: peut-être, si j'usais de ma force -contre des femmes, aurais-je chance de les trouver plus faibles -encore que moi, et par conséquent de les vaincre; mais c'est -contre des hommes que je lutte, et je ne suis qu'une femme pour -eux. Luttons en femme, ma force est dans ma faiblesse.» - -Alors, comme pour se rendre compte à elle-même des changements -qu'elle pouvait imposer à sa physionomie si expressive et si -mobile, elle lui fit prendre à la fois toutes les expressions, -depuis celle de la colère qui crispait ses traits, jusqu'à celle -du plus doux, du plus affectueux et du plus séduisant sourire. -Puis ses cheveux prirent successivement sous ses mains savantes -les ondulations qu'elle crut pouvoir aider aux charmes de son -visage. Enfin elle murmura, satisfaite d'elle-même: - -«Allons, rien n'est perdu. Je suis toujours belle.» - -Il était huit heures du soir à peu près. Milady aperçut un lit; -elle pensa qu'un repos de quelques heures rafraîchirait non -seulement sa tête et ses idées, mais encore son teint. Cependant, -avant de se coucher, une idée meilleure lui vint. Elle avait -entendu parler de souper. Déjà elle était depuis une heure dans -cette chambre, on ne pouvait tarder à lui apporter son repas. La -prisonnière ne voulut pas perdre de temps, et elle résolut de -faire, dès cette même soirée, quelque tentative pour sonder le -terrain, en étudiant le caractère des gens auxquels sa garde était -confiée. - -Une lumière apparut sous la porte; cette lumière annonçait le -retour de ses geôliers. Milady, qui s'était levée, se rejeta -vivement sur son fauteuil, la tête renversée en arrière, ses beaux -cheveux dénoués et épars, sa gorge demi-nue sous ses dentelles -froissées, une main sur son coeur et l'autre pendante. - -On ouvrit les verrous, la porte grinça sur ses gonds, des pas -retentirent dans la chambre et s'approchèrent. - -«Posez là cette table», dit une voix que la prisonnière reconnut -pour celle de Felton. - -L'ordre fut exécuté. - -«Vous apporterez des flambeaux et ferez relever la sentinelle», -continua Felton. - -Ce double ordre que donna aux mêmes individus le jeune lieutenant -prouva à Milady que ses serviteurs étaient les mêmes hommes que -ses gardiens, c'est-à-dire des soldats. - -Les ordres de Felton étaient, au reste, exécutés avec une -silencieuse rapidité qui donnait une bonne idée de l'état -florissant dans lequel il maintenait la discipline. - -Enfin, Felton, qui n'avait pas encore regardé Milady, se retourna -vers elle. - -«Ah! ah! dit-il, elle dort, c'est bien: à son réveil elle -soupera.» - -Et il fit quelques pas pour sortir. - -«Mais, mon lieutenant, dit un soldat moins stoïque que son chef, -et qui s'était approché de Milady, cette femme ne dort pas. - --- Comment, elle ne dort pas? dit Felton, que fait-elle donc, -alors? - --- Elle est évanouie; son visage est très pâle, et j'ai beau -écouter, je n'entends pas sa respiration. - --- Vous avez raison, dit Felton après avoir regardé Milady de la -place où il se trouvait, sans faire un pas vers elle, allez -prévenir Lord de Winter que sa prisonnière est évanouie, car je ne -sais que faire, le cas n'ayant pas été prévu.» - -Le soldat sortit pour obéir aux ordres de son officier; Felton -s'assit sur un fauteuil qui se trouvait par hasard près de la -porte et attendit sans dire une parole, sans faire un geste. -Milady possédait ce grand art, tant étudié par les femmes, de voir -à travers ses longs cils sans avoir l'air d'ouvrir les paupières: -elle aperçut Felton qui lui tournait le dos, elle continua de le -regarder pendant dix minutes à peu près, et pendant ces dix -minutes, l'impassible gardien ne se retourna pas une seule fois. - -Elle songea alors que Lord de Winter allait venir et rendre, par -sa présence, une nouvelle force à son geôlier: sa première épreuve -était perdue, elle en prit son parti en femme qui compte sur ses -ressources; en conséquence elle leva la tête, ouvrit les yeux et -soupira faiblement. - -À ce soupir, Felton se retourna enfin. - -«Ah! vous voici réveillée, madame! dit-il, je n'ai donc plus -affaire ici! Si vous avez besoin de quelque chose, vous -appellerez. - --- Oh! mon Dieu, mon Dieu! que j'ai souffert!» murmura Milady avec -cette voix harmonieuse qui, pareille à celle des enchanteresses -antiques, charmait tous ceux qu'elle voulait perdre. - -Et elle prit en se redressant sur son fauteuil une position plus -gracieuse et plus abandonnée encore que celle qu'elle avait -lorsqu'elle était couchée. - -Felton se leva. - -«Vous serez servie ainsi trois fois par jour, madame, dit-il: le -matin à neuf heures, dans la journée à une heure, et le soir à -huit heures. Si cela ne vous convient pas, vous pouvez indiquer -vos heures au lieu de celles que je vous propose, et, sur ce -point, on se conformera à vos désirs. - --- Mais vais-je donc rester toujours seule dans cette grande et -triste chambre? demanda Milady. - --- Une femme des environs a été prévenue, elle sera demain au -château, et viendra toutes les fois que vous désirerez sa -présence. - --- Je vous rends grâce, monsieur», répondit humblement la -prisonnière. - -Felton fit un léger salut et se dirigea vers la porte. Au moment -où il allait en franchir le seuil, Lord de Winter parut dans le -corridor, suivi du soldat qui était allé lui porter la nouvelle de -l'évanouissement de Milady. Il tenait à la main un flacon de sels. -«Eh bien! qu'est-ce? et que se passe-t-il donc ici? dit-il d'une -voix railleuse en voyant sa prisonnière debout et Felton prêt à -sortir. Cette morte est-elle donc déjà ressuscitée? Pardieu, -Felton, mon enfant, tu n'as donc pas vu qu'on te prenait pour un -novice et qu'on te jouait le premier acte d'une comédie dont nous -aurons sans doute le plaisir de suivre tous les développements? - --- Je l'ai bien pensé, Milord, dit Felton; mais, enfin, comme la -prisonnière est femme, après tout, j'ai voulu avoir les égards que -tout homme bien né doit à une femme, sinon pour elle, du moins -pour lui-même.» - -Milady frissonna par tout son corps. Ces paroles de Felton -passaient comme une glace par toutes ses veines. - -«Ainsi, reprit de Winter en riant, ces beaux cheveux savamment -étalés, cette peau blanche et ce langoureux regard ne t'ont pas -encore séduit, coeur de pierre? - --- Non, Milord, répondit l'impassible jeune homme, et croyez-moi -bien, il faut plus que des manèges et des coquetteries de femme -pour me corrompre. - --- En ce cas, mon brave lieutenant, laissons Milady chercher autre -chose et allons souper; ah! sois tranquille, elle a l'imagination -féconde et le second acte de la comédie ne tardera pas à suivre le -premier.» - -Et à ces mots Lord de Winter passa son bras sous celui de Felton -et l'emmena en riant. - -«Oh! je trouverai bien ce qu'il te faut, murmura Milady entre ses -dents; sois tranquille, pauvre moine manqué, pauvre soldat -converti qui t'es taillé ton uniforme dans un froc.» - -«À propos, reprit de Winter en s'arrêtant sur le seuil de la -porte, il ne faut pas, Milady, que cet échec vous ôte l'appétit. -Tâtez de ce poulet et de ces poissons que je n'ai pas fait -empoisonner, sur l'honneur. Je m'accommode assez de mon cuisinier, -et comme il ne doit pas hériter de moi, j'ai en lui pleine et -entière confiance. Faites comme moi. Adieu, chère soeur! à votre -prochain évanouissement.» - -C'était tout ce que pouvait supporter Milady: ses mains se -crispèrent sur son fauteuil, ses dents grincèrent sourdement, ses -yeux suivirent le mouvement de la porte qui se fermait derrière -Lord de Winter et Felton; et, lorsqu'elle se vit seule, une -nouvelle crise de désespoir la prit; elle jeta les yeux sur la -table, vit briller un couteau, s'élança et le saisit; mais son -désappointement fut cruel: la lame en était ronde et d'argent -flexible. - -Un éclat de rire retentit derrière la porte mal fermée, et la -porte se rouvrit. - -«Ah! ah! s'écria Lord de Winter; ah! ah! vois-tu bien, mon brave -Felton, vois-tu ce que je t'avais dit: ce couteau, c'était pour -toi; mon enfant, elle t'aurait tué; vois-tu, c'est un de ses -travers, de se débarrasser ainsi, d'une façon ou de l'autre, des -gens qui la gênent. Si je t'eusse écouté, le couteau eût été -pointu et d'acier: alors plus de Felton, elle t'aurait égorgé et, -après toi, tout le monde. Vois donc, John, comme elle sait bien -tenir son couteau.» - -En effet, Milady tenait encore l'arme offensive dans sa main -crispée, mais ces derniers mots, cette suprême insulte, -détendirent ses mains, ses forces et jusqu'à sa volonté. - -Le couteau tomba par terre. - -«Vous avez raison, Milord, dit Felton avec un accent de profond -dégoût qui retentit jusqu'au fond du coeur de Milady, vous avez -raison et c'est moi qui avais tort.» - -Et tous deux sortirent de nouveau. - -Mais cette fois, Milady prêta une oreille plus attentive que la -première fois, et elle entendit leurs pas s'éloigner et s'éteindre -dans le fond du corridor. - -«Je suis perdue, murmura-t-elle, me voilà au pouvoir de gens sur -lesquels je n'aurai pas plus de prise que sur des statues de -bronze ou de granit; ils me savent par coeur et sont cuirassés -contre toutes mes armes. - -«Il est cependant impossible que cela finisse comme ils l'ont -décidé.» - -En effet, comme l'indiquait cette dernière réflexion, ce retour -instinctif à l'espérance, dans cette âme profonde la crainte et -les sentiments faibles ne surnageaient pas longtemps. Milady se -mit à table, mangea de plusieurs mets, but un peu de vin -d'Espagne, et sentit revenir toute sa résolution. - -Avant de se coucher elle avait déjà commenté, analysé, retourné -sur toutes leurs faces, examiné sous tous les points, les paroles, -les pas, les gestes, les signes et jusqu'au silence de ses -geôliers, et de cette étude profonde, habile et savante, il était -résulté que Felton était, à tout prendre, le plus vulnérable de -ses deux persécuteurs. - -Un mot surtout revenait à l'esprit de la prisonnière: - -«Si je t'eusse écouté», avait dit Lord de Winter à Felton. - -Donc Felton avait parlé en sa faveur, puisque Lord de Winter -n'avait pas voulu écouter Felton. - -«Faible ou forte, répétait Milady, cet homme a donc une lueur de -pitié dans son âme; de cette lueur je ferai un incendie qui le -dévorera. - -«Quant à l'autre, il me connaît, il me craint et sait ce qu'il a à -attendre de moi si jamais je m'échappe de ses mains, il est donc -inutile de rien tenter sur lui. Mais Felton, c'est autre chose; -c'est un jeune homme naïf, pur et qui semble vertueux; celui-là, -il y a moyen de le perdre.» - -Et Milady se coucha et s'endormit le sourire sur les lèvres; -quelqu'un qui l'eût vue dormant eût dit une jeune fille rêvant à -la couronne de fleurs qu'elle devait mettre sur son front à la -prochaine fête. - - -CHAPITRE LIII -DEUXIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ - -Milady rêvait qu'elle tenait enfin d'Artagnan, qu'elle assistait à -son supplice, et c'était la vue de son sang odieux, coulant sous -la hache du bourreau, qui dessinait ce charmant sourire sur les -lèvres. - -Elle dormait comme dort un prisonnier bercé par sa première -espérance. - -Le lendemain, lorsqu'on entra dans sa chambre, elle était encore -au lit. Felton était dans le corridor: il amenait la femme dont il -avait parlé la veille, et qui venait d'arriver; cette femme entra -et s'approcha du lit de Milady en lui offrant ses services. - -Milady était habituellement pâle; son teint pouvait donc tromper -une personne qui la voyait pour la première fois. - -«J'ai la fièvre, dit-elle; je n'ai pas dormi un seul instant -pendant toute cette longue nuit, je souffre horriblement: serez- -vous plus humaine qu'on ne l'a été hier avec moi? Tout ce que je -demande, au reste, c'est la permission de rester couchée. - --- Voulez-vous qu'on appelle un médecin?» dit la femme. - -Felton écoutait ce dialogue sans dire une parole. - -Milady réfléchissait que plus on l'entourerait de monde, plus elle -aurait de monde à apitoyer, et plus la surveillance de Lord de -Winter redoublerait; d'ailleurs le médecin pourrait déclarer que -la maladie était feinte, et Milady après avoir perdu la première -partie ne voulait pas perdre la seconde. - -«Aller chercher un médecin, dit-elle, à quoi bon? ces messieurs -ont déclaré hier que mon mal était une comédie, il en serait sans -doute de même aujourd'hui; car depuis hier soir, on a eu le temps -de prévenir le docteur. - --- Alors, dit Felton impatienté, dites vous-même, madame, quel -traitement vous voulez suivre. - --- Eh! le sais-je, moi? mon Dieu! je sens que je souffre, voilà -tout, que l'on me donne ce que l'on voudra, peu m'importe. - --- Allez chercher Lord de Winter, dit Felton fatigué de ces -plaintes éternelles. - --- Oh! non, non! s'écria Milady, non, monsieur, ne l'appelez pas, -je vous en conjure, je suis bien, je n'ai besoin de rien, ne -l'appelez pas.» - -Elle mit une véhémence si prodigieuse, une éloquence si -entraînante dans cette exclamation, que Felton, entraîné, fit -quelques pas dans la chambre. - -«Il est ému», pensa Milady. - -«Cependant, madame, dit Felton, si vous souffrez réellement, on -enverra chercher un médecin, et si vous nous trompez, eh bien, ce -sera tant pis pour vous, mais du moins, de notre côté, nous -n'aurons rien à nous reprocher.» - -Milady ne répondit point; mais renversant sa belle tête sur son -oreiller, elle fondit en larmes et éclata en sanglots. - -Felton la regarda un instant avec son impassibilité ordinaire; -puis voyant que la crise menaçait de se prolonger, il sortit; la -femme le suivit. Lord de Winter ne parut pas. - -«Je crois que je commence à voir clair», murmura Milady avec une -joie sauvage, en s'ensevelissant sous les draps pour cacher à tous -ceux qui pourraient l'épier cet élan de satisfaction intérieure. - -Deux heures s'écoulèrent. - -«Maintenant il est temps que la maladie cesse, dit-elle: levons- -nous et obtenons quelque succès dès aujourd'hui; je n'ai que dix -jours, et ce soir il y en aura deux d'écoulés. - -En entrant, le matin, dans la chambre de Milady, on lui avait -apporté son déjeuner; or elle avait pensé qu'on ne tarderait pas à -venir enlever la table, et qu'en ce moment elle reverrait Felton. - -Milady ne se trompait pas. Felton reparut, et, sans faire -attention si Milady avait ou non touché au repas, fit un signe -pour qu'on emportât hors de la chambre la table, que l'on -apportait ordinairement toute servie. - -Felton resta le dernier, il tenait un livre à la main. - -Milady, couchée dans un fauteuil près de la cheminée, belle, pâle -et résignée, ressemblait à une vierge sainte attendant le martyre. - -Felton s'approcha d'elle et dit: - -«Lord de Winter, qui est catholique comme vous, madame, a pensé -que la privation des rites et des cérémonies de votre religion -peut vous être pénible: il consent donc à ce que vous lisiez -chaque jour l'ordinaire de votre messe, et voici un livre qui en -contient le rituel.» - -À l'air dont Felton déposa ce livre sur la petite table près de -laquelle était Milady, au ton dont il prononça ces deux mots, -votre messe, au sourire dédaigneux dont il les accompagna, Milady -leva la tête et regarda plus attentivement l'officier. - -Alors, à cette coiffure sévère, à ce costume d'une simplicité -exagérée, à ce front poli comme le marbre, mais dur et -impénétrable comme lui, elle reconnut un de ces sombres puritains -qu'elle avait rencontrés si souvent tant à la cour du roi Jacques -qu'à celle du roi de France, où, malgré le souvenir de la Saint- -Barthélémy, ils venaient parfois chercher un refuge. - -Elle eut donc une de ces inspirations subites comme les gens de -génie seuls en reçoivent dans les grandes crises, dans les moments -suprêmes qui doivent décider de leur fortune ou de leur vie. - -Ces deux mots, votre messe, et un simple coup d'oeil jeté sur -Felton, lui avaient en effet révélé toute l'importance de la -réponse qu'elle allait faire. - -Mais avec cette rapidité d'intelligence qui lui était -particulière, cette réponse toute formulée se présenta sur ses -lèvres: - -«Moi! dit-elle avec un accent de dédain monté à l'unisson de celui -qu'elle avait remarqué dans la voix du jeune officier, moi, -monsieur, ma messe! Lord de Winter, le catholique corrompu, sait -bien que je ne suis pas de sa religion, et c'est un piège qu'il -veut me tendre! - --- Et de quelle religion êtes-vous donc, madame? demanda Felton -avec un étonnement que, malgré son empire sur lui-même, il ne put -cacher entièrement. - --- Je le dirai, s'écria Milady avec une exaltation feinte, le jour -où j'aurai assez souffert pour ma foi.» - -Le regard de Felton découvrit à Milady toute l'étendue de l'espace -qu'elle venait de s'ouvrir par cette seule parole. - -Cependant le jeune officier demeura muet et immobile, son regard -seul avait parlé. - -«Je suis aux mains de mes ennemis, continua-t-elle avec ce ton -d'enthousiasme qu'elle savait familier aux puritains; eh bien, que -mon Dieu me sauve ou que je périsse pour mon Dieu! voilà la -réponse que je vous prie de faire à Lord de Winter. Et quant à ce -livre, ajouta-t-elle en montrant le rituel du bout du doigt, mais -sans le toucher, comme si elle eût dû être souillée par cet -attouchement, vous pouvez le remporter et vous en servir pour -vous-même, car sans doute vous êtes doublement complice de Lord de -Winter, complice dans sa persécution, complice dans son hérésie.» - -Felton ne répondit rien, prit le livre avec le même sentiment de -répugnance qu'il avait déjà manifesté et se retira pensif. Lord de -Winter vint vers les cinq heures du soir; Milady avait eu le temps -pendant toute la journée de se tracer son plan de conduite; elle -le reçut en femme qui a déjà repris tous ses avantages. - -«Il paraît, dit le baron en s'asseyant dans un fauteuil en face de -celui qu'occupait Milady et en étendant nonchalamment ses pieds -sur le foyer, il paraît que nous avons fait une petite apostasie! - --- Que voulez-vous dire, monsieur? - --- Je veux dire que depuis la dernière fois que nous nous sommes -vus, nous avons changé de religion; auriez-vous épousé un -troisième mari protestant, par hasard? - --- Expliquez-vous, Milord, reprit la prisonnière avec majesté, car -je vous déclare que j'entends vos paroles, mais que je ne les -comprends pas. - --- Alors, c'est que vous n'avez pas de religion du tout; j'aime -mieux cela, reprit en ricanant Lord de Winter. - --- Il est certain que cela est plus selon vos principes, reprit -froidement Milady. - --- Oh! je vous avoue que cela m'est parfaitement égal. - --- Oh! vous n'avoueriez pas cette indifférence religieuse, Milord, -que vos débauches et vos crimes en feraient foi. - --- Hein! vous parlez de débauches, madame Messaline, vous parlez -de crimes, Lady Macbeth! Ou j'ai mal entendu, ou vous êtes, -pardieu, bien impudente. - --- Vous parlez ainsi parce que vous savez qu'on nous écoute, -monsieur, répondit froidement Milady, et que vous voulez -intéresser vos geôliers et vos bourreaux contre moi. - --- Mes geôliers! mes bourreaux! Ouais, madame, vous le prenez sur -un ton poétique, et la comédie d'hier tourne ce soir à la -tragédie. Au reste, dans huit jours vous serez où vous devez être -et ma tâche sera achevée. - --- Tâche infâme! tâche impie! reprit Milady avec l'exaltation de -la victime qui provoque son juge. - --- Je crois, ma parole d'honneur, dit de Winter en se levant, que -la drôlesse devient folle. Allons, allons, calmez-vous, madame la -puritaine, ou je vous fais mettre au cachot. Pardieu! c'est mon -vin d'Espagne qui vous monte à la tête, n'est-ce pas? mais, soyez -tranquille, cette ivresse-là n'est pas dangereuse et n'aura pas de -suites.» - -Et Lord de Winter se retira en jurant, ce qui à cette époque était -une habitude toute cavalière. - -Felton était en effet derrière la porte et n'avait pas perdu un -mot de toute cette scène. - -Milady avait deviné juste. - -«Oui, va! va! dit-elle à son frère, les suites approchent, au -contraire, mais tu ne les verras, imbécile, que lorsqu'il ne sera -plus temps de les éviter.» - -Le silence se rétablit, deux heures s'écoulèrent; on apporta le -souper, et l'on trouva Milady occupée à faire tout haut ses -prières, prières qu'elle avait apprises d'un vieux serviteur de -son second mari, puritain des plus austères. Elle semblait en -extase et ne parut pas même faire attention à ce qui se passait -autour d'elle. Felton fit signe qu'on ne la dérangeât point, et -lorsque tout fut en état il sortit sans bruit avec les soldats. - -Milady savait qu'elle pouvait être épiée, elle continua donc ses -prières jusqu'à la fin, et il lui sembla que le soldat qui était -de sentinelle à sa porte ne marchait plus du même pas et -paraissait écouter. - -Pour le moment, elle n'en voulait pas davantage, elle se releva, -se mit à table, mangea peu et ne but que de l'eau. - -Une heure après on vint enlever la table, mais Milady remarqua que -cette fois Felton n'accompagnait point les soldats. - -Il craignait donc de la voir trop souvent. - -Elle se retourna vers le mur pour sourire, car il y avait dans ce -sourire une telle expression de triomphe que ce seul sourire l'eût -dénoncée. - -Elle laissa encore s'écouler une demi-heure, et comme en ce moment -tout faisait silence dans le vieux château, comme on n'entendait -que l'éternel murmure de la houle, cette respiration immense de -l'océan, de sa voix pure, harmonieuse et vibrante, elle commença -le premier couplet de ce psaume alors en entière faveur près des -puritains: - -_Seigneur, si tu nous abandonnes,_ -_C'est pour voir si nous sommes forts;_ -_Mais ensuite c'est toi qui donnes_ -_De ta céleste main la palme à nos efforts._ - -Ces vers n'étaient pas excellents, il s'en fallait même de -beaucoup; mais, comme on le sait, les protestants ne se piquaient -pas de poésie. - -Tout en chantant, Milady écoutait: le soldat de garde à sa porte -s'était arrêté comme s'il eût été changé en pierre. Milady put -donc juger de l'effet qu'elle avait produit. - -Alors elle continua son chant avec une ferveur et un sentiment -inexprimables; il lui sembla que les sons se répandaient au loin -sous les voûtes et allaient comme un charme magique adoucir le -coeur de ses geôliers. Cependant il paraît que le soldat en -sentinelle, zélé catholique sans doute, secoua le charme, car à -travers la porte: - -«Taisez-vous donc madame, dit-il, votre chanson est triste comme -un _De profondis_, et si, outre l'agrément d'être en garnison ici, -il faut encore y entendre de pareilles choses, ce sera à n'y point -tenir. - --- Silence! dit alors une voix grave, que Milady reconnut pour -celle de Felton; de quoi vous mêlez-vous, drôle? Vous a-t-on -ordonné d'empêcher cette femme de chanter? Non. On vous a dit de -la garder, de tirer sur elle si elle essayait de fuir. Gardez-la; -si elle fuit, tuez-la, mais ne changez rien à la consigne.» - -Une expression de joie indicible illumina le visage de Milady, -mais cette expression fut fugitive comme le reflet d'un éclair, -et, sans paraître avoir entendu le dialogue dont elle n'avait pas -perdu un mot, elle reprit en donnant à sa voix tout le charme, -toute l'étendue et toute la séduction que le démon y avait mis: - -_Pour tant de pleurs et de misère,_ -_Pour mon exil et pour mes fers,_ -_J'ai ma jeunesse, ma prière,_ -_Et Dieu, qui comptera les maux que j'ai soufferts._ - -Cette voix, d'une étendue inouïe et d'une passion sublime, donnait -à la poésie rude et inculte de ces psaumes une magie et une -expression que les puritains les plus exaltés trouvaient rarement -dans les chants de leurs frères et qu'ils étaient forcés d'orner -de toutes les ressources de leur imagination: Felton crut entendre -chanter l'ange qui consolait les trois Hébreux dans la fournaise. - -Milady continua: - - _Mais le jour de la délivrance_ - _Viendra pour nous, Dieu juste et fort;_ - _Et s'il trompe notre espérance,_ - _Il nous reste toujours le martyre et la mort._ - -Ce couplet, dans lequel la terrible enchanteresse s'efforça de -mettre toute son âme, acheva de porter le désordre dans le coeur -du jeune officier: il ouvrit brusquement la porte, et Milady le -vit apparaître pâle comme toujours, mais les yeux ardents et -presque égarés. - -«Pourquoi chantez-vous ainsi, dit-il, et avec une pareille voix? - --- Pardon, monsieur, dit Milady avec douceur, j'oubliais que mes -chants ne sont pas de mise dans cette maison. Je vous ai sans -doute offensé dans vos croyances; mais c'était sans le vouloir, je -vous jure; pardonnez-moi donc une faute qui est peut-être grande, -mais qui certainement est involontaire.» - -Milady était si belle dans ce moment, l'extase religieuse dans -laquelle elle semblait plongée donnait une telle expression à sa -physionomie, que Felton, ébloui, crut voir l'ange que tout à -l'heure il croyait seulement entendre. - -«Oui, oui, répondit-il, oui: vous troublez, vous agitez les gens -qui habitent ce château.» - -Et le pauvre insensé ne s'apercevait pas lui-même de l'incohérence -de ses discours, tandis que Milady plongeait son oeil de lynx au -plus profond de son coeur. - -«Je me tairai, dit Milady en baissant les yeux avec toute la -douceur qu'elle put donner à sa voix, avec toute la résignation -qu'elle put imprimer à son maintien. - --- Non, non, madame, dit Felton; seulement, chantez moins haut, la -nuit surtout.» - -Et à ces mots, Felton, sentant qu'il ne pourrait pas conserver -longtemps sa sévérité à l'égard de la prisonnière, s'élança hors -de son appartement. - -«Vous avez bien fait, lieutenant, dit le soldat; ces chants -bouleversent l'âme; cependant on finit par s'y accoutumer: sa voix -est si belle!» - - -CHAPITRE LIV -TROISIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ - -Felton était venu; mais il y avait encore un pas à faire: il -fallait le retenir, ou plutôt il fallait qu'il restât tout seul; -et Milady ne voyait encore qu'obscurément le moyen qui devait la -conduire à ce résultat. - -Il fallait plus encore: il fallait le faire parler, afin de lui -parler aussi: car, Milady le savait bien, sa plus grande séduction -était dans sa voix, qui parcourait si habilement toute la gamme -des tons, depuis la parole humaine jusqu'au langage céleste. - -Et cependant, malgré toute cette séduction, Milady pouvait -échouer, car Felton était prévenu, et cela contre le moindre -hasard. Dès lors, elle surveilla toutes ses actions, toutes ses -paroles, jusqu'au plus simple regard de ses yeux, jusqu'à son -geste, jusqu'à sa respiration, qu'on pouvait interpréter comme un -soupir. Enfin, elle étudia tout comme fait un habile comédien à -qui l'on vient de donner un rôle nouveau dans un emploi qu'il n'a -pas l'habitude de tenir. - -Vis-à-vis de Lord de Winter sa conduite était plus facile; aussi -avait-elle été arrêtée dès la veille. Rester muette et digne en sa -présence, de temps en temps l'irriter par un dédain affecté, par -un mot méprisant, le pousser à des menaces et à des violences qui -faisaient un contraste avec sa résignation à elle, tel était son -projet. Felton verrait: peut-être ne dirait-il rien; mais il -verrait. - -Le matin, Felton vint comme d'habitude; mais Milady le laissa -présider à tous les apprêts du déjeuner sans lui adresser la -parole. Aussi, au moment où il allait se retirer, eut-elle une -lueur d'espoir; car elle crut que c'était lui qui allait parler; -mais ses lèvres remuèrent sans qu'aucun son sortît de sa bouche, -et, faisant un effort sur lui-même, il renferma dans son coeur les -paroles qui allaient s'échapper de ses lèvres, et sortit. - -Vers midi, Lord de Winter entra. - -Il faisait une assez belle journée d'hiver, et un rayon de ce pâle -soleil d'Angleterre qui éclaire, mais qui n'échauffe pas, passait -à travers les barreaux de la prison. - -Milady regardait par la fenêtre, et fit semblant de ne pas -entendre la porte qui s'ouvrait. - -«Ah! ah! dit Lord de Winter, après avoir fait de la comédie, après -avoir fait de la tragédie, voilà que nous faisons de la -mélancolie.» - -La prisonnière ne répondit pas. - -«Oui, oui, continua Lord de Winter, je comprends; vous voudriez -bien être en liberté sur ce rivage; vous voudriez bien, sur un bon -navire, fendre les flots de cette mer verte comme de l'émeraude; -vous voudriez bien, soit sur terre, soit sur l'océan, me dresser -une de ces bonnes petites embuscades comme vous savez si bien les -combiner. Patience! patience! Dans quatre jours, le rivage vous -sera permis, la mer vous sera ouverte, plus ouverte que vous ne le -voudrez, car dans quatre jours l'Angleterre sera débarrassée de -vous.» - -Milady joignit les mains, et levant ses beaux yeux vers le ciel: - -«Seigneur! Seigneur! dit-elle avec une angélique suavité de geste -et d'intonation, pardonnez à cet homme, comme je lui pardonne moi- -même. - --- Oui, prie, maudite, s'écria le baron, ta prière est d'autant -plus généreuse que tu es, je te le jure, au pouvoir d'un homme qui -ne pardonnera pas.» - -Et il sortit. - -Au moment où il sortait, un regard perçant glissa par la porte -entrebâillée, et elle aperçut Felton qui se rangeait rapidement -pour n'être pas vu d'elle. - -Alors elle se jeta à genoux et se mit à prier. - -«Mon Dieu! mon Dieu! dit-elle, vous savez pour quelle sainte cause -je souffre, donnez-moi donc la force de souffrir.» - -La porte s'ouvrit doucement; la belle suppliante fit semblant de -n'avoir pas entendu, et d'une voix pleine de larmes, elle -continua: - -«Dieu vengeur! Dieu de bonté! laisserez-vous s'accomplir les -affreux projets de cet homme!» - -Alors, seulement, elle feignit d'entendre le bruit des pas de -Felton et, se relevant rapide comme la pensée, elle rougit comme -si elle eût été honteuse d'avoir été surprise à genoux. - -«Je n'aime point à déranger ceux qui prient, madame, dit gravement -Felton; ne vous dérangez donc pas pour moi, je vous en conjure. - --- Comment savez-vous que je priais, monsieur? dit Milady d'une -voix suffoquée par les sanglots; vous vous trompiez, monsieur, je -ne priais pas. - --- Pensez-vous donc, madame, répondit Felton de sa même voix -grave, quoique avec un accent plus doux, que je me croie le droit -d'empêcher une créature de se prosterner devant son Créateur? À -Dieu ne plaise! D'ailleurs le repentir sied bien aux coupables; -quelque crime qu'il ait commis, un coupable m'est sacré aux pieds -de Dieu. - --- Coupable, moi! dit Milady avec un sourire qui eût désarmé -l'ange du jugement dernier. Coupable! mon Dieu, tu sais si je le -suis! Dites que je suis condamnée, monsieur, à la bonne heure; -mais vous le savez, Dieu qui aime les martyrs, permet que l'on -condamne quelquefois les innocents. - --- Fussiez-vous condamnée, fussiez-vous martyre, répondit Felton, -raison de plus pour prier, et moi-même je vous aiderai de mes -prières. - --- Oh! vous êtes un juste, vous, s'écria Milady en se précipitant -à ses pieds; tenez, je n'y puis tenir plus longtemps, car je -crains de manquer de force au moment où il me faudra soutenir la -lutte et confesser ma foi, écoutez donc la supplication d'une -femme au désespoir. On vous abuse, monsieur, mais il n'est pas -question de cela, je ne vous demande qu'une grâce, et, si vous me -l'accordez, je vous bénirai dans ce monde et dans l'autre. - --- Parlez au maître, madame, dit Felton; je ne suis heureusement -chargé, moi, ni de pardonner ni de punir, et c'est à plus haut que -moi que Dieu a remis cette responsabilité. - --- À vous, non, à vous seul. Écoutez-moi, plutôt que de contribuer -à ma perte, plutôt que de contribuer à mon ignominie. - --- Si vous avez mérité cette honte, madame, si vous avez encouru -cette ignominie, il faut la subir en l'offrant à Dieu. - --- Que dites-vous? Oh! vous ne me comprenez pas! Quand je parle -d'ignominie, vous croyez que je parle d'un châtiment quelconque, -de la prison ou de la mort! Plût au Ciel! que m'importent, à moi, -la mort ou la prison! - --- C'est moi qui ne vous comprends plus, madame. - --- Ou qui faites semblant de ne plus me comprendre, monsieur, -répondit la prisonnière avec un sourire de doute. - --- Non, madame, sur l'honneur d'un soldat, sur la foi d'un -chrétien! - --- Comment! vous ignorez les desseins de Lord de Winter sur moi. - --- Je les ignore. - --- Impossible, vous son confident! - --- Je ne mens jamais, madame. - --- Oh! il se cache trop peu cependant pour qu'on ne les devine -pas. - --- Je ne cherche à rien deviner, madame; j'attends qu'on me -confie, et à part ce qu'il m'a dit devant vous, Lord de Winter ne -m'a rien confié. - --- Mais, s'écria Milady avec un incroyable accent de vérité, vous -n'êtes donc pas son complice, vous ne savez donc pas qu'il me -destine à une honte que tous les châtiments de la terre ne -sauraient égaler en horreur? - --- Vous vous trompez, madame, dit Felton en rougissant, Lord de -Winter n'est pas capable d'un tel crime.» - -«Bon, dit Milady en elle-même, sans savoir ce que c'est, il -appelle cela un crime!» - -Puis tout haut: - -«L'ami de l'infâme est capable de tout. - --- Qui appelez-vous l'infâme? demanda Felton. - --- Y a-t-il donc en Angleterre deux hommes à qui un semblable nom -puisse convenir? - --- Vous voulez parler de Georges Villiers? dit Felton, dont les -regards s'enflammèrent. - --- Que les païens, les gentils et les infidèles appellent duc de -Buckingham, reprit Milady; je n'aurais pas cru qu'il y aurait eu -un Anglais dans toute l'Angleterre qui eût eu besoin d'une si -longue explication pour reconnaître celui dont je voulais parler! - --- La main du Seigneur est étendue sur lui, dit Felton, il -n'échappera pas au châtiment qu'il mérite.» - -Felton ne faisait qu'exprimer à l'égard du duc le sentiment -d'exécration que tous les Anglais avaient voué à celui que les -catholiques eux-mêmes appelaient l'exacteur, le concussionnaire, -le débauché, et que les puritains appelaient tout simplement -Satan. - -«Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'écria Milady, quand je vous supplie -d'envoyer à cet homme le châtiment qui lui est dû, vous savez que -ce n'est pas ma propre vengeance que je poursuis, mais la -délivrance de tout un peuple que j'implore. - --- Le connaissez-vous donc?» demanda Felton. - -«Enfin, il m'interroge», se dit en elle-même Milady au comble de -la joie d'en être arrivée si vite à un si grand résultat. - -«Oh! si je le connais! oh, oui! pour mon malheur, pour mon malheur -éternel.» - -Et Milady se tordit les bras comme arrivée au paroxysme de la -douleur. Felton sentit sans doute en lui-même que sa force -l'abandonnait, et il fit quelques pas vers la porte; la -prisonnière, qui ne le perdait pas de vue, bondit à sa poursuite -et l'arrêta. - -«Monsieur! s'écria-t-elle, soyez bon, soyez clément, écoutez ma -prière: ce couteau que la fatale prudence du baron m'a enlevé, -parce qu'il sait l'usage que j'en veux faire; oh! écoutez-moi -jusqu'au bout! ce couteau, rendez-le moi une minute seulement, par -grâce, par pitié! J'embrasse vos genoux; voyez, vous fermerez la -porte, ce n'est pas à vous que j'en veux: Dieu! vous en vouloir, à -vous, le seul être juste, bon et compatissant que j'aie rencontré! -à vous, mon sauveur peut-être! une minute, ce couteau, une minute, -une seule, et je vous le rends par le guichet de la porte; rien -qu'une minute, monsieur Felton, et vous m'aurez sauvé l'honneur! - --- Vous tuer! s'écria Felton avec terreur, oubliant de retirer ses -mains des mains de la prisonnière; vous tuer! - --- J'ai dit, monsieur, murmura Milady en baissant la voix et en se -laissant tomber affaissée sur le parquet, j'ai dit mon secret! il -sait tout! mon Dieu, je suis perdue!» - -Felton demeurait debout, immobile et indécis. - -«Il doute encore, pensa Milady, je n'ai pas été assez vraie.» - -On entendit marcher dans le corridor; Milady reconnut le pas de -Lord de Winter. Felton le reconnut aussi et s'avança vers la -porte. - -Milady s'élança. - -«Oh! pas un mot, dit-elle d'une voix concentrée, pas un mot de -tout ce que je vous ai dit à cet homme, ou je suis perdue, et -c'est vous, vous...» - -Puis, comme les pas se rapprochaient, elle se tut de peur qu'on -n'entendit sa voix, appuyant avec un geste de terreur infinie sa -belle main sur la bouche de Felton. Felton repoussa doucement -Milady, qui alla tomber sur une chaise longue. - -Lord de Winter passa devant la porte sans s'arrêter, et l'on -entendit le bruit des pas qui s'éloignaient. - -Felton, pâle comme la mort, resta quelques instants l'oreille -tendue et écoutant, puis quand le bruit se fut éteint tout à fait, -il respira comme un homme qui sort d'un songe, et s'élança hors de -l'appartement. - -«Ah! dit Milady en écoutant à son tour le bruit des pas de Felton, -qui s'éloignaient dans la direction opposée à ceux de Lord de -Winter, enfin tu es donc à moi!» - -Puis son front se rembrunit. - -«S'il parle au baron, dit-elle, je suis perdue, car le baron, qui -sait bien que je ne me tuerai pas, me mettra devant lui un couteau -entre les mains, et il verra bien que tout ce grand désespoir -n'était qu'un jeu.» - -Elle alla se placer devant sa glace et se regarda; jamais elle -n'avait été si belle. - -«Oh! oui! dit-elle en souriant, mais il ne lui parlera pas.» - -Le soir, Lord de Winter accompagna le souper. - --- Monsieur, lui dit Milady, votre présence est-elle un accessoire -obligé de ma captivité, et ne pourriez-vous pas m'épargner ce -surcroît de tortures que me causent vos visites? - --- Comment donc, chère soeur! dit de Winter, ne m'avez-vous pas -sentimentalement annoncé, de cette jolie bouche si cruelle pour -moi aujourd'hui, que vous veniez en Angleterre à cette seule fin -de me voir tout à votre aise, jouissance dont, me disiez-vous, -vous ressentiez si vivement la privation, que vous avez tout -risqué pour cela, mal de mer, tempête, captivité! eh bien, me -voilà, soyez satisfaite; d'ailleurs, cette fois ma visite a un -motif.» - -Milady frissonna, elle crut que Felton avait parlé; jamais de sa -vie, peut-être, cette femme, qui avait éprouvé tant d'émotions -puissantes et opposées, n'avait senti battre son coeur si -violemment. - -Elle était assise; Lord de Winter prit un fauteuil, le tira à son -côté et s'assit auprès d'elle, puis prenant dans sa poche un -papier qu'il déploya lentement: - -«Tenez, lui dit-il, je voulais vous montrer cette espèce de -passeport que j'ai rédigé moi-même et qui vous servira désormais -de numéro d'ordre dans la vie que je consens à vous laisser.» - -Puis ramenant ses yeux de Milady sur le papier, il lut: - -«Ordre de conduire à...» Le nom est en blanc, interrompit de -Winter: si vous avez quelque préférence, vous me l'indiquerez; et -pour peu que ce soit à un millier de lieues de Londres, il sera -fait droit à votre requête. Je reprends donc: «Ordre de conduire -à... la nommée Charlotte Backson, flétrie par la justice du -royaume de France, mais libérée après châtiment; elle demeurera -dans cette résidence, sans jamais s'en écarter de plus de trois -lieues. En cas de tentative d'évasion, la peine de mort lui sera -appliquée. Elle touchera cinq shillings par jour pour son logement -et sa nourriture.» - -«Cet ordre ne me concerne pas, répondit froidement Milady, -puisqu'un autre nom que le mien y est porté. - --- Un nom! Est-ce que vous en avez un? - --- J'ai celui de votre frère. - --- Vous vous trompez, mon frère n'est que votre second mari, et le -premier vit encore. Dites-moi son nom et je le mettrai en place du -nom de Charlotte Backson. Non?... vous ne voulez pas?... vous -gardez le silence? C'est bien! vous serez écrouée sous le nom de -Charlotte Backson.» - -Milady demeura silencieuse; seulement, cette fois ce n'était plus -par affectation, mais par terreur: elle crut l'ordre prêt à être -exécuté: elle pensa que Lord de Winter avait avancé son départ; -elle crut qu'elle était condamnée à partir le soir même. Tout dans -son esprit fut donc perdu pendant un instant, quand tout à coup -elle s'aperçut que l'ordre n'était revêtu d'aucune signature. - -La joie qu'elle ressentit de cette découverte fut si grande, -qu'elle ne put la cacher. - -«Oui, oui, dit Lord de Winter, qui s'aperçut de ce qui se passait -en elle, oui, vous cherchez la signature, et vous vous dites: tout -n'est pas perdu, puisque cet acte n'est pas signé; on me le montre -pour m'effrayer, voilà tout. Vous vous trompez: demain cet ordre -sera envoyé à Lord Buckingham; après-demain il reviendra signé de -sa main et revêtu de son sceau, et vingt-quatre heures après, -c'est moi qui vous en réponds, il recevra son commencement -d'exécution. Adieu, madame, voilà tout ce que j'avais à vous dire. - --- Et moi je vous répondrai, monsieur, que cet abus de pouvoir, -que cet exil sous un nom supposé sont une infamie. - --- Aimez-vous mieux être pendue sous votre vrai nom, Milady? Vous -le savez, les lois anglaises sont inexorables sur l'abus que l'on -fait du mariage; expliquez-vous franchement: quoique mon nom ou -plutôt le nom de mon frère se trouve mêlé dans tout cela, je -risquerai le scandale d'un procès public pour être sûr que du coup -je serai débarrassé de vous.» - -Milady ne répondit pas, mais devint pâle comme un cadavre. - -«Oh! je vois que vous aimez mieux la pérégrination. À merveille, -madame, et il y a un vieux proverbe qui dit que les voyages -forment la jeunesse. Ma foi! vous n'avez pas tort, après tout, et -la vie est bonne. C'est pour cela que je ne me soucie pas que vous -me l'ôtiez. Reste donc à régler l'affaire des cinq shillings; je -me montre un peu parcimonieux, n'est-ce pas? cela tient à ce que -je ne me soucie pas que vous corrompiez vos gardiens. D'ailleurs -il vous restera toujours vos charmes pour les séduire. Usez-en si -votre échec avec Felton ne vous a pas dégoûtée des tentatives de -ce genre.» - -«Felton n'a point parlé, se dit Milady à elle-même, rien n'est -perdu alors.» - -«Et maintenant, madame, à vous revoir. Demain je viendrai vous -annoncer le départ de mon messager.» - -Lord de Winter se leva, salua ironiquement Milady et sortit. - -Milady respira: elle avait encore quatre jours devant elle; quatre -jours lui suffiraient pour achever de séduire Felton. - -Une idée terrible lui vint alors, c'est que Lord de Winter -enverrait peut-être Felton lui-même pour faire signer l'ordre à -Buckingham; de cette façon Felton lui échappait, et pour que la -prisonnière réussît il fallait la magie d'une séduction continue. - -Cependant, comme nous l'avons dit, une chose la rassurait: Felton -n'avait pas parlé. - -Elle ne voulut point paraître émue par les menaces de Lord de -Winter, elle se mit à table et mangea. - -Puis, comme elle avait fait la veille, elle se mit à genoux, et -répéta tout haut ses prières. Comme la veille, le soldat cessa de -marcher et s'arrêta pour l'écouter. - -Bientôt elle entendit des pas plus légers que ceux de la -sentinelle qui venaient du fond du corridor et qui s'arrêtaient -devant sa porte. - -«C'est lui», dit-elle. - -Et elle commença le même chant religieux qui la veille avait si -violemment exalté Felton. - -Mais, quoique sa voix douce, pleine et sonore eût vibré plus -harmonieuse et plus déchirante que jamais, la porte resta close. -Il parut bien à Milady, dans un des regards furtifs qu'elle -lançait sur le petit guichet, apercevoir à travers le grillage -serré les yeux ardents du jeune homme mais, que ce fût une réalité -ou une vision, cette fois il eut sur lui-même la puissance de ne -pas entrer. - -Seulement, quelques instants après qu'elle eût fini son chant -religieux, Milady crut entendre un profond soupir; puis les mêmes -pas qu'elle avait entendus s'approcher s'éloignèrent lentement et -comme à regret. - - -CHAPITRE LV -QUATRIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ - -Le lendemain, lorsque Felton entra chez Milady, il la trouva -debout, montée sur un fauteuil, tenant entre ses mains une corde -tissée à l'aide de quelques mouchoirs de batiste déchirés en -lanières tressées les unes avec les autres et attachées bout à -bout; au bruit que fit Felton en ouvrant la porte, Milady sauta -légèrement à bas de son fauteuil, et essaya de cacher derrière -elle cette corde improvisée, qu'elle tenait à la main. - -Le jeune homme était plus pâle encore que d'habitude, et ses yeux -rougis par l'insomnie indiquaient qu'il avait passé une nuit -fiévreuse. - -Cependant son front était armé d'une sérénité plus austère que -jamais. - -Il s'avança lentement vers Milady, qui s'était assise, et prenant -un bout de la tresse meurtrière que par mégarde ou à dessein peut- -être elle avait laissée passer: - -«Qu'est-ce que cela, madame? demanda-t-il froidement. - --- Cela, rien, dit Milady en souriant avec cette expression -douloureuse qu'elle savait si bien donner à son sourire, l'ennui -est l'ennemi mortel des prisonniers, je m'ennuyais et je me suis -amusée à tresser cette corde.» - -Felton porta les yeux vers le point du mur de l'appartement devant -lequel il avait trouvé Milady debout sur le fauteuil où elle était -assise maintenant, et au-dessus de sa tête il aperçut un crampon -doré, scellé dans le mur, et qui servait à accrocher soit des -hardes, soit des armes. - -Il tressaillit, et la prisonnière vit ce tressaillement; car, -quoiqu'elle eût les yeux baissés, rien ne lui échappait. - -«Et que faisiez-vous, debout sur ce fauteuil? demanda-t-il. - --- Que vous importe? répondit Milady. - --- Mais, reprit Felton, je désire le savoir. - --- Ne m'interrogez pas, dit la prisonnière, vous savez bien qu'à -nous autres, véritables chrétiens, il nous est défendu de mentir. - --- Eh bien, dit Felton, je vais vous le dire, ce que vous faisiez, -ou plutôt ce que vous alliez faire, vous alliez achever l'oeuvre -fatale que vous nourrissez dans votre esprit: songez-y, madame, si -notre Dieu défend le mensonge, il défend bien plus sévèrement -encore le suicide. - --- Quand Dieu voit une de ses créatures persécutée injustement, -placée entre le suicide et le déshonneur, croyez-moi, monsieur, -répondit Milady d'un ton de profonde conviction, Dieu lui pardonne -le suicide: car, alors, le suicide c'est le martyre. - --- Vous en dites trop ou trop peu; parlez, madame, au nom du Ciel, -expliquez-vous. - --- Que je vous raconte mes malheurs, pour que vous les traitiez de -fables; que je vous dise mes projets, pour que vous alliez les -dénoncer à mon persécuteur: non, monsieur; d'ailleurs, que vous -importe la vie ou la mort d'une malheureuse condamnée? vous ne -répondez que de mon corps, n'est-ce pas? et pourvu que vous -représentiez un cadavre, qu'il soit reconnu pour le mien, on ne -vous en demandera pas davantage, et peut-être, même, aurez-vous -double récompense. - --- Moi, madame, moi! s'écria Felton, supposer que j'accepterais -jamais le prix de votre vie; oh! vous ne pensez pas ce que vous -dites. - --- Laissez-moi faire, Felton, laissez-moi faire, dit Milady en -s'exaltant, tout soldat doit être ambitieux, n'est-ce pas? vous -êtes lieutenant, eh bien, vous suivrez mon convoi avec le grade de -capitaine. - --- Mais que vous ai-je donc fait, dit Felton ébranlé, pour que -vous me chargiez d'une pareille responsabilité devant les hommes -et devant Dieu? Dans quelques jours vous allez être loin d'ici, -madame, votre vie ne sera plus sous ma garde, et, ajouta-t-il avec -un soupir, alors vous en ferez ce que vous voudrez. - --- Ainsi, s'écria Milady comme si elle ne pouvait résister à une -sainte indignation, vous, un homme pieux, vous que l'on appelle un -juste, vous ne demandez qu'une chose: c'est de n'être point -inculpé, inquiété pour ma mort! - --- Je dois veiller sur votre vie, madame, et j'y veillerai. - --- Mais comprenez-vous la mission que vous remplissez? cruelle -déjà si j'étais coupable, quel nom lui donnerez-vous, quel nom le -Seigneur lui donnera-t-il, si je suis innocente? - --- Je suis soldat, madame, et j'accomplis les ordres que j'ai -reçus. - --- Croyez-vous qu'au jour du jugement dernier Dieu séparera les -bourreaux aveugles des juges iniques? vous ne voulez pas que je -tue mon corps, et vous vous faites l'agent de celui qui veut tuer -mon âme! - --- Mais, je vous le répète, reprit Felton ébranlé, aucun danger ne -vous menace, et je réponds de Lord de Winter comme de moi-même. - --- Insensé! s'écria Milady, pauvre insensé, qui ose répondre d'un -autre homme quand les plus sages, quand les plus grands selon Dieu -hésitent à répondre d'eux-mêmes, et qui se range du parti le plus -fort et le plus heureux, pour accabler la plus faible et la plus -malheureuse! - --- Impossible, madame, impossible, murmura Felton, qui sentait au -fond du coeur la justesse de cet argument: prisonnière, vous ne -recouvrerez pas par moi la liberté, vivante, vous ne perdrez pas -par moi la vie. - --- Oui, s'écria Milady, mais je perdrai ce qui m'est bien plus -cher que la vie, je perdrai l'honneur, Felton; et c'est vous, vous -que je ferai responsable devant Dieu et devant les hommes de ma -honte et de mon infamie.» - -Cette fois Felton, tout impassible qu'il était ou qu'il faisait -semblant d'être, ne put résister à l'influence secrète qui s'était -déjà emparée de lui: voir cette femme si belle, blanche comme la -plus candide vision, la voir tour à tour éplorée et menaçante, -subir à la fois l'ascendant de la douleur et de la beauté, c'était -trop pour un visionnaire, c'était trop pour un cerveau miné par -les rêves ardents de la foi extatique, c'était trop pour un coeur -corrodé à la fois par l'amour du Ciel qui brûle, par la haine des -hommes qui dévore. - -Milady vit le trouble, elle sentait par intuition la flamme des -passions opposées qui brûlaient avec le sang dans les veines du -jeune fanatique; et, pareille à un général habile qui, voyant -l'ennemi prêt à reculer, marche sur lui en poussant un cri de -victoire, elle se leva, belle comme une prêtresse antique, -inspirée comme une vierge chrétienne et, le bras étendu, le col -découvert, les cheveux épars retenant d'une main sa robe -pudiquement ramenée sur sa poitrine, le regard illuminé de ce feu -qui avait déjà porté le désordre dans les sens du jeune puritain, -elle marcha vers lui, s'écriant sur un air véhément, de sa voix si -douce, à laquelle, dans l'occasion, elle donnait un accent -terrible: - -Livre à Baal sa victime. -Jette aux lions le martyr: -Dieu te fera repentir!... -Je crie à lui de l'abîme. -Felton s'arrêta sous cette étrange apostrophe, et comme pétrifié. - -«Qui êtes-vous, qui êtes-vous? s'écria-t-il en joignant les mains; -êtes-vous une envoyée de Dieu, êtes-vous un ministre des enfers, -êtes-vous ange ou démon, vous appelez-vous Eloa ou Astarté? - --- Ne m'as-tu pas reconnue, Felton? Je ne suis ni un ange, ni un -démon, je suis une fille de la terre, je suis une soeur de ta -croyance, voilà tout. - --- Oui! oui! dit Felton, je doutais encore, mais maintenant je -crois. - --- Tu crois, et cependant tu es le complice de cet enfant de -Bélial qu'on appelle Lord de Winter! Tu crois, et cependant tu me -laisses aux mains de mes ennemis, de l'ennemi de l'Angleterre, de -l'ennemi de Dieu? Tu crois, et cependant tu me livres à celui qui -remplit et souille le monde de ses hérésies et de ses débauches, à -cet infâme Sardanapale que les aveugles nomment le duc de -Buckingham et que les croyants appellent l'Antéchrist. - --- Moi, vous livrer à Buckingham! moi! que dites-vous là? - --- Ils ont des yeux, s'écria Milady, et ils ne verront pas; ils -ont des oreilles, et ils n'entendront point. - --- Oui, oui, dit Felton en passant ses mains sur son front couvert -de sueur, comme pour en arracher son dernier doute; oui, je -reconnais la voix qui me parle dans mes rêves; oui, je reconnais -les traits de l'ange qui m'apparaît chaque nuit, criant à mon âme -qui ne peut dormir: "Frappe, sauve l'Angleterre, sauve-toi, car tu -mourras sans avoir désarmé Dieu!" Parlez, parlez! s'écria Felton, -je puis vous comprendre à présent.» - -Un éclair de joie terrible, mais rapide comme la pensée, jaillit -des yeux de Milady. - -Si fugitive qu'eût été cette lueur homicide, Felton la vit et -tressaillit comme si cette lueur eût éclairé les abîmes du coeur -de cette femme. - -Felton se rappela tout à coup les avertissements de Lord de -Winter, les séductions de Milady, ses premières tentatives lors de -son arrivée; il recula d'un pas et baissa la tête, mais sans -cesser de la regarder: comme si, fasciné par cette étrange -créature, ses yeux ne pouvaient se détacher de ses yeux. - -Milady n'était point femme à se méprendre au sens de cette -hésitation. Sous ses émotions apparentes, son sang-froid glacé ne -l'abandonnait point. Avant que Felton lui eût répondu et qu'elle -fût forcée de reprendre cette conversation si difficile à soutenir -sur le même accent d'exaltation, elle laissa retomber ses mains, -et, comme si la faiblesse de la femme reprenait le dessus sur -l'enthousiasme de l'inspirée: - -«Mais, non, dit-elle, ce n'est pas à moi d'être la Judith qui -délivrera Béthulie de cet Holopherne. Le glaive de l'éternel est -trop lourd pour mon bras. Laissez-moi donc fuir le déshonneur par -la mort, laissez-moi me réfugier dans le martyre. Je ne vous -demande ni la liberté, comme ferait une coupable, ni la vengeance, -comme ferait une païenne. Laissez-moi mourir, voilà tout. Je vous -supplie, je vous implore à genoux; laissez-moi mourir, et mon -dernier soupir sera une bénédiction pour mon sauveur.» - -À cette voix douce et suppliante, à ce regard timide et abattu, -Felton se rapprocha. Peu à peu l'enchanteresse avait revêtu cette -parure magique qu'elle reprenait et quittait à volonté, c'est-à- -dire la beauté, la douceur, les larmes et surtout l'irrésistible -attrait de la volupté mystique, la plus dévorante des voluptés. - -«Hélas! dit Felton, je ne puis qu'une chose, vous plaindre si vous -me prouvez que vous êtes une victime! Mais Lord de Winter a de -cruels griefs contre vous. Vous êtes chrétienne, vous êtes ma -soeur en religion; je me sens entraîné vers vous, moi qui n'ai -aimé que mon bienfaiteur, moi qui n'ai trouvé dans la vie que des -traîtres et des impies. Mais vous, madame, vous si belle en -réalité, vous si pure en apparence, pour que Lord de Winter vous -poursuive ainsi, vous avez donc commis des iniquités? - --- Ils ont des yeux, répéta Milady avec un accent d'indicible -douleur, et ils ne verront pas; ils ont des oreilles, et ils -n'entendront point. - --- Mais, alors, s'écria le jeune officier, parlez, parlez donc! - --- Vous confier ma honte! s'écria Milady avec le rouge de la -pudeur au visage, car souvent le crime de l'un est la honte de -l'autre; vous confier ma honte, à vous homme, moi femme! Oh! -continua-t-elle en ramenant pudiquement sa main sur ses beaux -yeux, oh! jamais, jamais je ne pourrai! - --- À moi, à un frère!» s'écria Felton. - -Milady le regarda longtemps avec une expression que le jeune -officier prit pour du doute, et qui cependant n'était que de -l'observation et surtout la volonté de fasciner. - -Felton, à son tour suppliant, joignit les mains. - -«Eh bien, dit Milady, je me fie à mon frère, j'oserai!» - -En ce moment, on entendit le pas de Lord de Winter; mais, cette -fois le terrible beau-frère de Milady ne se contenta point, comme -il avait fait la veille, de passer devant la porte et de -s'éloigner, il s'arrêta, échangea deux mots avec la sentinelle, -puis la porte s'ouvrit et il parut. - -Pendant ces deux mots échangés, Felton s'était reculé vivement, et -lorsque Lord de Winter entra, il était à quelques pas de la -prisonnière. - -Le baron entra lentement, et porta son regard scrutateur de la -prisonnière au jeune officier: - -«Voilà bien longtemps, John, dit-il, que vous êtes ici; cette -femme vous a-t-elle raconté ses crimes? alors je comprends la -durée de l'entretien.» - -Felton tressaillit, et Milady sentit qu'elle était perdue si elle -ne venait au secours du puritain décontenancé. - -«Ah! vous craignez que votre prisonnière ne vous échappe! dit- -elle, eh bien, demandez à votre digne geôlier quelle grâce, à -l'instant même, je sollicitais de lui. - --- Vous demandiez une grâce? dit le baron soupçonneux. - --- Oui, Milord, reprit le jeune homme confus. - --- Et quelle grâce, voyons? demanda Lord de Winter. - --- Un couteau qu'elle me rendra par le guichet, une minute après -l'avoir reçu, répondit Felton. - --- Il y a donc quelqu'un de caché ici que cette gracieuse personne -veuille égorger? reprit Lord de Winter de sa voix railleuse et -méprisante. - --- Il y a moi, répondit Milady. - --- Je vous ai donné le choix entre l'Amérique et Tyburn, reprit -Lord de Winter, choisissez Tyburn, Milady: la corde est, croyez- -moi, encore plus sûre que le couteau.» - -Felton pâlit et fit un pas en avant, en songeant qu'au moment où -il était entré, Milady tenait une corde. - -«Vous avez raison, dit celle-ci, et j'y avais déjà pensé; puis -elle ajouta d'une voix sourde: j'y penserai encore.» - -Felton sentit courir un frisson jusque dans la moelle de ses os; -probablement Lord de Winter aperçut ce mouvement. - -«Méfie-toi, John, dit-il, John, mon ami, je me suis reposé sur -toi, prends garde! Je t'ai prévenu! D'ailleurs, aie bon courage, -mon enfant, dans trois jours nous serons délivrés de cette -créature, et où je l'envoie, elle ne nuira plus à personne. - --- Vous l'entendez!» s'écria Milady avec éclat, de façon que le -baron crût qu'elle s'adressait au Ciel et que Felton comprît que -c'était à lui. - -Felton baissa la tête et rêva. - -Le baron prit l'officier par le bras en tournant la tête sur son -épaule, afin de ne pas perdre Milady de vue jusqu'à ce qu'il fût -sorti. - -«Allons, allons, dit la prisonnière lorsque la porte se fut -refermée, je ne suis pas encore si avancée que je le croyais. -Winter a changé sa sottise ordinaire en une prudence inconnue; ce -que c'est que le désir de la vengeance, et comme ce désir forme -l'homme! Quant à Felton, il hésite. Ah! ce n'est pas un homme -comme ce d'Artagnan maudit. Un puritain n'adore que les vierges, -et il les adore en joignant les mains. Un mousquetaire aime les -femmes, et il les aime en joignant les bras.» - -Cependant Milady attendit avec impatience, car elle se doutait -bien que la journée ne se passerait pas sans qu'elle revit Felton. -Enfin, une heure après la scène que nous venons de raconter, elle -entendit que l'on parlait bas à la porte, puis bientôt la porte -s'ouvrit, et elle reconnut Felton. - -Le jeune homme s'avança rapidement dans la chambre en laissant la -porte ouverte derrière lui et en faisant signe à Milady de se -taire; il avait le visage bouleversé. - -«Que me voulez-vous? dit-elle. - --- Écoutez, répondit Felton à voix basse, je viens d'éloigner la -sentinelle pour pouvoir rester ici sans qu'on sache que je suis -venu, pour vous parler sans qu'on puisse entendre ce que je vous -dis. Le baron vient de me raconter une histoire effroyable.» - -Milady prit son sourire de victime résignée, et secoua la tête. - -«Ou vous êtes un démon, continua Felton, ou le baron, mon -bienfaiteur, mon père, est un monstre. Je vous connais depuis -quatre jours, je l'aime depuis dix ans, lui; je puis donc hésiter -entre vous deux: ne vous effrayez pas de ce que je vous dis, j'ai -besoin d'être convaincu. Cette nuit, après minuit, je viendrai -vous voir, vous me convaincrez. - --- Non, Felton, non, mon frère, dit-elle, le sacrifice est trop -grand, et je sens qu'il vous coûte. Non, je suis perdue, ne vous -perdez pas avec moi. Ma mort sera bien plus éloquente que ma vie, -et le silence du cadavre vous convaincra bien mieux que les -paroles de la prisonnière. - --- Taisez-vous, madame, s'écria Felton, et ne me parlez pas ainsi; -je suis venu pour que vous me promettiez sur l'honneur, pour que -vous me juriez sur ce que vous avez de plus sacré, que vous -n'attenterez pas à votre vie. - --- Je ne veux pas promettre, dit Milady, car personne plus que moi -n'a le respect du serment, et, si je promettais, il me faudrait -tenir. - --- Eh bien, dit Felton, engagez-vous seulement jusqu'au moment où -vous m'aurez revu. Si, lorsque vous m'aurez revu, vous persistez -encore, eh bien, alors, vous serez libre, et moi-même je vous -donnerai l'arme que vous m'avez demandée. - --- Eh bien, dit Milady, pour vous j'attendrai. - --- Jurez-le. - --- Je le jure par notre Dieu. Êtes-vous content? - --- Bien, dit Felton, à cette nuit!» - -Et il s'élança hors de l'appartement, referma la porte, et -attendit en dehors, la demi-pique du soldat à la main, comme s'il -eût monté la garde à sa place. - -Le soldat revenu, Felton lui rendit son arme. - -Alors, à travers le guichet dont elle s'était rapprochée, Milady -vit le jeune homme se signer avec une ferveur délirante et s'en -aller par le corridor avec un transport de joie. - -Quant à elle, elle revint à sa place, un sourire de sauvage mépris -sur les lèvres, et elle répéta en blasphémant ce nom terrible de -Dieu, par lequel elle avait juré sans jamais avoir appris à le -connaître. - -«Mon Dieu! dit-elle, fanatique insensé! mon Dieu! c'est moi, moi -et celui qui m'aidera à me venger.» - - -CHAPITRE LVI -CINQUIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ - -Cependant Milady en était arrivée à un demi-triomphe, et le succès -obtenu doublait ses forces. - -Il n'était pas difficile de vaincre, ainsi qu'elle l'avait fait -jusque-là, des hommes prompts à se laisser séduire, et que -l'éducation galante de la cour entraînait vite dans le piège; -Milady était assez belle pour ne pas trouver de résistance de la -part de la chair, et elle était assez adroite pour l'emporter sur -tous les obstacles de l'esprit. - -Mais, cette fois, elle avait à lutter contre une nature sauvage, -concentrée, insensible à force d'austérité; la religion et la -pénitence avaient fait de Felton un homme inaccessible aux -séductions ordinaires. Il roulait dans cette tête exaltée des -plans tellement vastes, des projets tellement tumultueux, qu'il -n'y restait plus de place pour aucun amour, de caprice ou de -matière, ce sentiment qui se nourrit de loisir et grandit par la -corruption. Milady avait donc fait brèche, avec sa fausse vertu, -dans l'opinion d'un homme prévenu horriblement contre elle, et par -sa beauté, dans le coeur et les sens d'un homme chaste et pur. -Enfin, elle s'était donné la mesure de ses moyens, inconnus -d'elle-même jusqu'alors, par cette expérience faite sur le sujet -le plus rebelle que la nature et la religion pussent soumettre à -son étude. - -Bien des fois néanmoins pendant la soirée elle avait désespéré du -sort et d'elle-même; elle n'invoquait pas Dieu, nous le savons, -mais elle avait foi dans le génie du mal, cette immense -souveraineté qui règne dans tous les détails de la vie humaine, et -à laquelle, comme dans la fable arabe, un grain de grenade suffit -pour reconstruire un monde perdu. - -Milady, bien préparée à recevoir Felton, put dresser ses batteries -pour le lendemain. Elle savait qu'il ne lui restait plus que deux -jours, qu'une fois l'ordre signé par Buckingham (et Buckingham le -signerait d'autant plus facilement, que cet ordre portait un faux -nom, et qu'il ne pourrait reconnaître la femme dont il était -question), une fois cet ordre signé, disons-nous, le baron la -faisait embarquer sur-le-champ, et elle savait aussi que les -femmes condamnées à la déportation usent d'armes bien moins -puissantes dans leurs séductions que les prétendues femmes -vertueuses dont le soleil du monde éclaire la beauté, dont la voix -de la mode vante l'esprit et qu'un reflet d'aristocratie dore de -ses lueurs enchantées. Être une femme condamnée à une peine -misérable et infamante n'est pas un empêchement à être belle, mais -c'est un obstacle à jamais redevenir puissante. Comme tous les -gens d'un mérite réel, Milady connaissait le milieu qui convenait -à sa nature, à ses moyens. La pauvreté lui répugnait, l'abjection -la diminuait des deux tiers de sa grandeur. Milady n'était reine -que parmi les reines; il fallait à sa domination le plaisir de -l'orgueil satisfait. Commander aux êtres inférieurs était plutôt -une humiliation qu'un plaisir pour elle. - -Certes, elle fût revenue de son exil, elle n'en doutait pas un -seul instant; mais combien de temps cet exil pouvait-il durer? -Pour une nature agissante et ambitieuse comme celle de Milady, les -jours qu'on n'occupe point à monter sont des jours néfastes; qu'on -trouve donc le mot dont on doive nommer les jours qu'on emploie à -descendre! Perdre un an, deux ans, trois ans, c'est-à-dire une -éternité; revenir quand d'Artagnan, heureux et triomphant, aurait, -lui et ses amis, reçu de la reine la récompense qui leur était -bien acquise pour les services qu'ils lui avaient rendus, -c'étaient là de ces idées dévorantes qu'une femme comme Milady ne -pouvait supporter. Au reste, l'orage qui grondait en elle doublait -sa force, et elle eût fait éclater les murs de sa prison, si son -corps eût pu prendre un seul instant les proportions de son -esprit. - -Puis ce qui l'aiguillonnait encore au milieu de tout cela, c'était -le souvenir du cardinal. Que devait penser, que devait dire de son -silence le cardinal défiant, inquiet, soupçonneux, le cardinal, -non seulement son seul appui, son seul soutien, son seul -protecteur dans le présent, mais encore le principal instrument de -sa fortune et de sa vengeance à venir? Elle le connaissait, elle -savait qu'à son retour, après un voyage inutile, elle aurait beau -arguer de la prison, elle aurait beau exalter les souffrances -subies, le cardinal répondrait avec ce calme railleur du sceptique -puissant à la fois par la force et par le génie: «Il ne fallait -pas vous laisser prendre!» - -Alors Milady réunissait toute son énergie, murmurant au fond de sa -pensée le nom de Felton, la seule lueur de jour qui pénétrât -jusqu'à elle au fond de l'enfer où elle était tombée; et comme un -serpent qui roule et déroule ses anneaux pour se rendre compte à -lui-même de sa force, elle enveloppait d'avance Felton dans les -mille replis de son inventive imagination. - -Cependant le temps s'écoulait, les heures les unes après les -autres semblaient réveiller la cloche en passant, et chaque coup -du battant d'airain retentissait sur le coeur de la prisonnière. À -neuf heures, Lord de Winter fit sa visite accoutumée, regarda la -fenêtre et les barreaux, sonda le parquet et les murs, visita la -cheminée et les portes, sans que, pendant cette longue et -minutieuse visite, ni lui ni Milady prononçassent une seule -parole. - -Sans doute que tous deux comprenaient que la situation était -devenue trop grave pour perdre le temps en mots inutiles et en -colère sans effet. - -«Allons, allons, dit le baron en la quittant, vous ne vous -sauverez pas encore cette nuit!» - -À dix heures, Felton vint placer une sentinelle; Milady reconnut -son pas. Elle le devinait maintenant comme une maîtresse devine -celui de l'amant de son coeur, et cependant Milady détestait et -méprisait à la fois ce faible fanatique. - -Ce n'était point l'heure convenue, Felton n'entra point. - -Deux heures après et comme minuit sonnait, la sentinelle fut -relevée. - -Cette fois c'était l'heure: aussi, à partir de ce moment, Milady -attendit-elle avec impatience. - -La nouvelle sentinelle commença à se promener dans le corridor. - -Au bout de dix minutes Felton vint. - -Milady prêta l'oreille. - -«Écoutez, dit le jeune homme à la sentinelle, sous aucun prétexte -ne t'éloigne de cette porte, car tu sais que la nuit dernière un -soldat a été puni par Milord pour avoir quitté son poste un -instant, et cependant c'est moi qui, pendant sa courte absence, -avais veillé à sa place. - --- Oui, je le sais, dit le soldat. - --- Je te recommande donc la plus exacte surveillance. Moi, ajouta- -t-il, je vais rentrer pour visiter une seconde fois la chambre de -cette femme, qui a, j'en ai peur, de sinistres projets sur elle- -même et que j'ai reçu l'ordre de surveiller.» - -«Bon, murmura Milady, voilà l'austère puritain qui ment!» - -Quant au soldat, il se contenta de sourire. - -«Peste! mon lieutenant, dit-il, vous n'êtes pas malheureux d'être -chargé de commissions pareilles, surtout si Milord vous a autorisé -à regarder jusque dans son lit.» - -Felton rougit; dans toute autre circonstance il eut réprimandé le -soldat qui se permettait une pareille plaisanterie; mais sa -conscience murmurait trop haut pour que sa bouche osât parler. - -«Si j'appelle, dit-il, viens; de même que si l'on vient, appelle- -moi. - --- Oui, mon lieutenant», dit le soldat. - -Felton entra chez Milady. Milady se leva. - -«Vous voilà? dit-elle. - --- Je vous avais promis de venir, dit Felton, et je suis venu. - --- Vous m'avez promis autre chose encore. - --- Quoi donc? mon Dieu! dit le jeune homme, qui malgré son empire -sur lui-même, sentait ses genoux trembler et la sueur poindre sur -son front. - --- Vous avez promis de m'apporter un couteau, et de me le laisser -après notre entretien. - --- Ne parlez pas de cela, madame, dit Felton, il n'y a pas de -situation, si terrible qu'elle soit, qui autorise une créature de -Dieu à se donner la mort. J'ai réfléchi que jamais je ne devais me -rendre coupable d'un pareil péché. - --- Ah! vous avez réfléchi! dit la prisonnière en s'asseyant sur -son fauteuil avec un sourire de dédain; et moi aussi j'ai -réfléchi. - --- À quoi? - --- Que je n'avais rien à dire à un homme qui ne tenait pas sa -parole. - --- O mon Dieu! murmura Felton. - --- Vous pouvez vous retirer, dit Milady, je ne parlerai pas. - --- Voilà le couteau! dit Felton tirant de sa poche l'arme que, -selon sa promesse, il avait apportée, mais qu'il hésitait à -remettre à sa prisonnière. - --- Voyons-le, dit Milady. - --- Pour quoi faire? - --- Sur l'honneur, je vous le rends à l'instant même; vous le -poserez sur cette table; et vous resterez entre lui et moi. - -Felton tendit l'arme à Milady, qui en examina attentivement la -trempe, et qui en essaya la pointe sur le bout de son doigt. - -«Bien, dit-elle en rendant le couteau au jeune officier, celui-ci -est en bel et bon acier; vous êtes un fidèle ami, Felton.» - -Felton reprit l'arme et la posa sur la table comme il venait -d'être convenu avec sa prisonnière. - -Milady le suivit des yeux et fit un geste de satisfaction. - -«Maintenant, dit-elle, écoutez-moi.» - -La recommandation était inutile: le jeune officier se tenait -debout devant elle, attendant ses paroles pour les dévorer. - -«Felton, dit Milady avec une solennité pleine de mélancolie, -Felton, si votre soeur, la fille de votre père, vous disait: -«Jeune encore, assez belle par malheur, on m'a fait tomber dans un -piège, j'ai résisté; on a multiplié autour de moi les embûches, -les violences, j'ai résisté; on a blasphémé la religion que je -sers, le Dieu que j'adore, parce que j'appelais à mon secours ce -Dieu et cette religion, j'ai résisté; alors on m'a prodigué les -outrages, et comme on ne pouvait perdre mon âme, on a voulu à tout -jamais flétrir mon corps; enfin...» - -Milady s'arrêta, et un sourire amer passa sur ses lèvres. - -«Enfin, dit Felton, enfin qu'a-t-on fait? - --- Enfin, un soir, on résolut de paralyser cette résistance qu'on -ne pouvait vaincre: un soir, on mêla à mon eau un narcotique -puissant; à peine eus-je achevé mon repas, que je me sentis tomber -peu à peu dans une torpeur inconnue. Quoique je fusse sans -défiance, une crainte vague me saisit et j'essayai de lutter -contre le sommeil; je me levai, je voulus courir à la fenêtre, -appeler au secours, mais mes jambes refusèrent de me porter; il me -semblait que le plafond s'abaissait sur ma tête et m'écrasait de -son poids; je tendis les bras, j'essayai de parler, je ne pus que -pousser des sons inarticulés; un engourdissement irrésistible -s'emparait de moi, je me retins à un fauteuil, sentant que -j'allais tomber, mais bientôt cet appui fut insuffisant pour mes -bras débiles, je tombai sur un genou, puis sur les deux; je voulus -crier, ma langue était glacée; Dieu ne me vit ni ne m'entendit -sans doute, et je glissai sur le parquet, en proie à un sommeil -qui ressemblait à la mort. - -«De tout ce qui se passa dans ce sommeil et du temps qui s'écoula -pendant sa durée, je n'eus aucun souvenir; la seule chose que je -me rappelle, c'est que je me réveillai couchée dans une chambre -ronde, dont l'ameublement était somptueux, et dans laquelle le -jour ne pénétrait que par une ouverture au plafond. Du reste, -aucune porte ne semblait y donner entrée: on eût dit une -magnifique prison. - -«Je fus longtemps à pouvoir me rendre compte du lieu où je me -trouvais et de tous les détails que je rapporte, mon esprit -semblait lutter inutilement pour secouer les pesantes ténèbres de -ce sommeil auquel je ne pouvais m'arracher; j'avais des -perceptions vagues d'un espace parcouru, du roulement d'une -voiture, d'un rêve horrible dans lequel mes forces se seraient -épuisées; mais tout cela était si sombre et si indistinct dans ma -pensée, que ces événements semblaient appartenir à une autre vie -que la mienne et cependant mêlée à la mienne par une fantastique -dualité. - -«Quelque temps, l'état dans lequel je me trouvais me sembla si -étrange, que je crus que je faisais un rêve. Je me levai -chancelante, mes habits étaient près de moi, sur une chaise: je ne -me rappelai ni m'être dévêtue, ni m'être couchée. Alors peu à peu -la réalité se présenta à moi pleine de pudiques terreurs: je -n'étais plus dans la maison que j'habitais; autant que j'en -pouvais juger par la lumière du soleil, le jour était déjà aux -deux tiers écoulé! c'était la veille au soir que je m'étais -endormie; mon sommeil avait donc déjà duré près de vingt-quatre -heures. Que s'était-il passé pendant ce long sommeil? - -«Je m'habillai aussi rapidement qu'il me fut possible. Tous mes -mouvements lents et engourdis attestaient que l'influence du -narcotique n'était point encore entièrement dissipée. Au reste, -cette chambre était meublée pour recevoir une femme; et la -coquette la plus achevée n'eût pas eu un souhait à former, qu'en -promenant son regard autour de l'appartement elle n'eût vu son -souhait accompli. - -«Certes, je n'étais pas la première captive qui s'était vue -enfermée dans cette splendide prison; mais, vous le comprenez, -Felton, plus la prison était belle, plus je m'épouvantais. - -«Oui, c'était une prison, car j'essayai vainement d'en sortir. Je -sondai tous les murs afin de découvrir une porte, partout les murs -rendirent un son plein et mat. - -«Je fis peut-être vingt fois le tour de cette chambre, cherchant -une issue quelconque; il n'y en avait pas: je tombai écrasée de -fatigue et de terreur sur un fauteuil. - -«Pendant ce temps, la nuit venait rapidement, et avec la nuit mes -terreurs augmentaient: je ne savais si je devais rester où j'étais -assise; il me semblait que j'étais entourée de dangers inconnus, -dans lesquels j'allais tomber à chaque pas. Quoique je n'eusse -rien mangé depuis la veille, mes craintes m'empêchaient de -ressentir la faim. - -«Aucun bruit du dehors, qui me permît de mesurer le temps, ne -venait jusqu'à moi; je présumai seulement qu'il pouvait être sept -ou huit heures du soir; car nous étions au mois d'octobre, et il -faisait nuit entière. - -«Tout à coup, le cri d'une porte qui tourne sur ses gonds me fit -tressaillir; un globe de feu apparut au-dessus de l'ouverture -vitrée du plafond, jetant une vive lumière dans ma chambre, et je -m'aperçus avec terreur qu'un homme était debout à quelques pas de -moi. - -«Une table à deux couverts, supportant un souper tout préparé, -s'était dressée comme par magie au milieu de l'appartement. - -«Cet homme était celui qui me poursuivait depuis un an, qui avait -juré mon déshonneur, et qui, aux premiers mots qui sortirent de sa -bouche, me fit comprendre qu'il l'avait accompli la nuit -précédente. - --- L'infâme! murmura Felton. - --- Oh! oui, l'infâme! s'écria Milady, voyant l'intérêt que le -jeune officier, dont l'âme semblait suspendue à ses lèvres, -prenait à cet étrange récit; oh! oui, l'infâme! il avait cru qu'il -lui suffisait d'avoir triomphé de moi dans mon sommeil, pour que -tout fût dit; il venait, espérant que j'accepterais ma honte, -puisque ma honte était consommée; il venait m'offrir sa fortune en -échange de mon amour. - -«Tout ce que le coeur d'une femme peut contenir de superbe mépris -et de paroles dédaigneuses, je le versai sur cet homme; sans -doute, il était habitué à de pareils reproches; car il m'écouta -calme, souriant, et les bras croisés sur la poitrine; puis, -lorsqu'il crut que j'avais tout dit, il s'avança vers moi; je -bondis vers la table, je saisis un couteau, je l'appuyai sur ma -poitrine. - -«Faites un pas de plus, lui dis-je, et outre mon déshonneur, vous -aurez encore ma mort à vous reprocher.» - -«Sans doute, il y avait dans mon regard, dans ma voix, dans toute -ma personne, cette vérité de geste, de pose et d'accent, qui porte -la conviction dans les âmes les plus perverses, car il s'arrêta. - -«Votre mort! me dit-il; oh! non, vous êtes une trop charmante -maîtresse pour que je consente à vous perdre ainsi, après avoir eu -le bonheur de vous posséder une seule fois seulement. Adieu, ma -toute belle! j'attendrai, pour revenir vous faire ma visite, que -vous soyez dans de meilleures dispositions.» - -«À ces mots, il donna un coup de sifflet; le globe de flamme qui -éclairait ma chambre remonta et disparut; je me retrouvai dans -l'obscurité. Le même bruit d'une porte qui s'ouvre et se referme -se reproduisit un instant après, le globe flamboyant descendit de -nouveau, et je me retrouvai seule. - -«Ce moment fut affreux; si j'avais encore quelques doutes sur mon -malheur, ces doutes s'étaient évanouis dans une désespérante -réalité: j'étais au pouvoir d'un homme que non seulement je -détestais, mais que je méprisais; d'un homme capable de tout, et -qui m'avait déjà donné une preuve fatale de ce qu'il pouvait oser. - --- Mais quel était donc cet homme? demanda Felton. - --- Je passai la nuit sur une chaise, tressaillant au moindre -bruit, car à minuit à peu près, la lampe s'était éteinte, et je -m'étais retrouvée dans l'obscurité. Mais la nuit se passa sans -nouvelle tentative de mon persécuteur; le jour vint: la table -avait disparu; seulement, j'avais encore le couteau à la main. - -«Ce couteau c'était tout mon espoir. - -«J'étais écrasée de fatigue; l'insomnie brûlait mes yeux; je -n'avais pas osé dormir un seul instant: le jour me rassura, -j'allai me jeter sur mon lit sans quitter le couteau libérateur -que je cachai sous mon oreiller. - -«Quand je me réveillai, une nouvelle table était servie. - -«Cette fois, malgré mes terreurs, en dépit de mes angoisses, une -faim dévorante se faisait sentir; il y avait quarante-huit heures -que je n'avais pris aucune nourriture: je mangeai du pain et -quelques fruits; puis, me rappelant le narcotique mêlé à l'eau que -j'avais bue, je ne touchai point à celle qui était sur la table, -et j'allai remplir mon verre à une fontaine de marbre scellée dans -le mur, au-dessus de ma toilette. - -«Cependant, malgré cette précaution, je ne demeurai pas moins -quelque temps encore dans une affreuse angoisse; mais mes -craintes, cette fois, n'étaient pas fondées: je passai la journée -sans rien éprouver qui ressemblât à ce que je redoutais. - -«J'avais eu la précaution de vider à demi la carafe, pour qu'on ne -s'aperçût point de ma défiance. - -«Le soir vint, et avec lui l'obscurité; cependant, si profonde -qu'elle fût, mes yeux commençaient à s'y habituer; je vis, au -milieu des ténèbres, la table s'enfoncer dans le plancher; un -quart d'heure après, elle reparut portant mon souper; un instant -après, grâce à la même lampe, ma chambre s'éclaira de nouveau. - -«J'étais résolue à ne manger que des objets auxquels il était -impossible de mêler aucun somnifère: deux oeufs et quelques fruits -composèrent mon repas; puis, j'allai puiser un verre d'eau à ma -fontaine protectrice, et je le bus. - -«Aux premières gorgées, il me sembla qu'elle n'avait plus le même -goût que le matin: un soupçon rapide me prit, je m'arrêtai; mais -j'en avais déjà avalé un demi-verre. - -«Je jetai le reste avec horreur, et j'attendis, la sueur de -l'épouvante au front. - -«Sans doute quelque invisible témoin m'avait vue prendre de l'eau -à cette fontaine, et avait profité de ma confiance même pour mieux -assurer ma perte si froidement résolue, si cruellement poursuivie. - -«Une demi-heure ne s'était pas écoulée, que les mêmes symptômes se -produisirent; seulement, comme cette fois je n'avais bu qu'un -demi-verre d'eau, je luttai plus longtemps, et, au lieu de -m'endormir tout à fait, je tombai dans un état de somnolence qui -me laissait le sentiment de ce qui se passait autour de moi, tout -en m'ôtant la force ou de me défendre ou de fuir. - -«Je me traînai vers mon lit, pour y chercher la seule défense qui -me restât, mon couteau sauveur; mais je ne pus arriver jusqu'au -chevet: je tombai à genoux, les mains cramponnées à l'une des -colonnes du pied; alors, je compris que j'étais perdue.» - -Felton pâlit affreusement, et un frisson convulsif courut par tout -son corps. - -«Et ce qu'il y avait de plus affreux, continua Milady, la voix -altérée comme si elle eût encore éprouvé la même angoisse qu'en ce -moment terrible, c'est que, cette fois, j'avais la conscience du -danger qui me menaçait; c'est que mon âme, je puis le dire, -veillait dans mon corps endormi; c'est que je voyais, c'est que -j'entendais: il est vrai que tout cela était comme dans un rêve; -mais ce n'en était que plus effrayant. - -«Je vis la lampe qui remontait et qui peu à peu me laissait dans -l'obscurité; puis j'entendis le cri si bien connu de cette porte, -quoique cette porte ne se fût ouverte que deux fois. - -«Je sentis instinctivement qu'on s'approchait de moi: on dit que -le malheureux perdu dans les déserts de l'Amérique sent ainsi -l'approche du serpent. - -«Je voulais faire un effort, je tentai de crier; par une -incroyable énergie de volonté je me relevai même, mais pour -retomber aussitôt... et retomber dans les bras de mon persécuteur. - --- Dites-moi donc quel était cet homme?» s'écria le jeune -officier. - -Milady vit d'un seul regard tout ce qu'elle inspirait de -souffrance à Felton, en pesant sur chaque détail de son récit; -mais elle ne voulait lui faire grâce d'aucune torture. Plus -profondément elle lui briserait le coeur, plus sûrement il la -vengerait. Elle continua donc comme si elle n'eût point entendu -son exclamation, ou comme si elle eût pensé que le moment n'était -pas encore venu d'y répondre. - -«Seulement, cette fois, ce n'était plus à une espèce de cadavre -inerte, sans aucun sentiment, que l'infâme avait affaire. Je vous -l'ai dit: sans pouvoir parvenir à retrouver l'exercice complet de -mes facultés, il me restait le sentiment de mon danger: je luttai -donc de toutes mes forces et sans doute j'opposai, tout affaiblie -que j'étais, une longue résistance, car je l'entendis s'écrier: - -«Ces misérables puritaines! je savais bien qu'elles lassaient -leurs bourreaux, mais je les croyais moins fortes contre leurs -séducteurs.« - -«Hélas! cette résistance désespérée ne pouvait durer longtemps, je -sentis mes forces qui s'épuisaient, et cette fois ce ne fut pas de -mon sommeil que le lâche profita, ce fut de mon évanouissement.» - -Felton écoutait sans faire entendre autre chose qu'une espèce de -rugissement sourd; seulement la sueur ruisselait sur son front de -marbre, et sa main cachée sous son habit déchirait sa poitrine. - -«Mon premier mouvement, en revenant à moi, fui de chercher sous -mon oreiller ce couteau que je n'avais pu atteindre; s'il n'avait -point servi à la défense, il pouvait au moins servir à -l'expiation. - -«Mais en prenant ce couteau, Felton, une idée terrible me vint. -J'ai juré de tout vous dire et je vous dirai tout; je vous ai -promis la vérité, je la dirai, dût-elle me perdre. - --- L'idée vous vint de vous venger de cet homme, n'est-ce pas? -s'écria Felton. - --- Eh bien, oui! dit Milady: cette idée n'était pas d'une -chrétienne, je le sais; sans doute cet éternel ennemi de notre -âme, ce lion rugissant sans cesse autour de nous la soufflait à -mon esprit. Enfin, que vous dirai-je, Felton? continua Milady du -ton d'une femme qui s'accuse d'un crime, cette idée me vint et ne -me quitta plus sans doute. C'est de cette pensée homicide que je -porte aujourd'hui la punition. - --- Continuez, continuez, dit Felton, j'ai hâte de vous voir -arriver à la vengeance. - --- Oh! je résolus qu'elle aurait lieu le plus tôt possible, je ne -doutais pas qu'il ne revînt la nuit suivante. Dans le jour je -n'avais rien à craindre. - -«Aussi, quand vint l'heure du déjeuner, je n'hésitai pas à manger -et à boire: j'étais résolue à faire semblant de souper, mais à ne -rien prendre: je devais donc par la nourriture du matin combattre -le jeûne du soir. - -«Seulement je cachai un verre d'eau soustraite à mon déjeuner, la -soif ayant été ce qui m'avait le plus fait souffrir quand j'étais -demeurée quarante-huit heures sans boire ni manger. - -«La journée s'écoula sans avoir d'autre influence sur moi que de -m'affermir dans la résolution prise: seulement j'eus soin que mon -visage ne trahît en rien la pensée de mon coeur, car je ne doutais -pas que je ne fusse observée; plusieurs fois même je sentis un -sourire sur mes lèvres. Felton, je n'ose pas vous dire à quelle -idée je souriais, vous me prendriez en horreur... - --- Continuez, continuez, dit Felton, vous voyez bien que j'écoute -et que j'ai hâte d'arriver. - --- Le soir vint, les événements ordinaires s'accomplirent; pendant -l'obscurité, comme d'habitude, mon souper fut servi, puis la lampe -s'alluma, et je me mis à table. - -«Je mangeai quelques fruits seulement: je fis semblant de me -verser de l'eau de la carafe, mais je ne bus que celle que j'avais -conservée dans mon verre, la substitution, au reste, fut faite -assez adroitement pour que mes espions, si j'en avais, ne -conçussent aucun soupçon. - -«Après le souper, je donnai les mêmes marques d'engourdissement -que la veille; mais cette fois, comme si je succombais à la -fatigue ou comme si je me familiarisais avec le danger, je me -traînai vers mon lit, et je fis semblant de m'endormir. - -«Cette fois, j'avais retrouvé mon couteau sous l'oreiller, et tout -en feignant de dormir, ma main serrait convulsivement la poignée. - -«Deux heures s'écoulèrent sans qu'il se passât rien de nouveau: -cette fois, ô mon Dieu! qui m'eût dit cela la veille? je -commençais à craindre qu'il ne vînt pas. - -«Enfin, je vis la lampe s'élever doucement et disparaître dans les -profondeurs du plafond; ma chambre s'emplit de ténèbres, mais je -fis un effort pour percer du regard l'obscurité. - -«Dix minutes à peu près se passèrent. Je n'entendais d'autre bruit -que celui du battement de mon coeur. - -«J'implorais le Ciel pour qu'il vînt. - -«Enfin j'entendis le bruit si connu de la porte qui s'ouvrait et -se refermait; j'entendis, malgré l'épaisseur du tapis, un pas qui -faisait crier le parquet; je vis, malgré l'obscurité, une ombre -qui approchait de mon lit. - --- Hâtez-vous, hâtez-vous! dit Felton, ne voyez-vous pas que -chacune de vos paroles me brûle comme du plomb fondu! - --- Alors, continua Milady, alors je réunis toutes mes forces, je -me rappelai que le moment de la vengeance ou plutôt de la justice -avait sonné; je me regardai comme une autre Judith; je me ramassai -sur moi-même, mon couteau à la main, et quand je le vis près de -moi, étendant les bras pour chercher sa victime, alors, avec le -dernier cri de la douleur et du désespoir, je le frappai au milieu -de la poitrine. - -«Le misérable! il avait tout prévu: sa poitrine était couverte -d'une cotte de mailles; le couteau s'émoussa. - -«Ah! ah! s'écria-t-il en me saisissant le bras et en m'arrachant -l'arme qui m'avait si mal servie, vous en voulez à ma vie, ma -belle puritaine! mais c'est plus que de la haine, cela, c'est de -l'ingratitude! Allons, allons, calmez-vous, ma belle enfant! -j'avais cru que vous étiez adoucie. Je ne suis pas de ces tyrans -qui gardent les femmes de force: vous ne m'aimez pas, j'en doutais -avec ma fatuité ordinaire; maintenant j'en suis convaincu. Demain, -vous serez libre.» - -«Je n'avais qu'un désir, c'était qu'il me tuât. - -«Prenez garde! lui dis-je, car ma liberté c'est votre déshonneur. -Oui, car, à peine sortie d'ici, je dirai tout, je dirai la -violence dont vous avez usé envers moi, je dirai ma captivité. Je -dénoncerai ce palais d'infamie; vous êtes bien haut placé, Milord, -mais tremblez! Au-dessus de vous il y a le roi, au-dessus du roi -il y a Dieu.» - -«Si maître qu'il parût de lui, mon persécuteur laissa échapper un -mouvement de colère. Je ne pouvais voir l'expression de son -visage, mais j'avais senti frémir son bras sur lequel était posée -ma main. - -«-- Alors, vous ne sortirez pas d'ici, dit-il. - -«-- Bien, bien! m'écriai-je, alors le lieu de mon supplice sera -aussi celui de mon tombeau. Bien! je mourrai ici et vous verrez si -un fantôme qui accuse n'est pas plus terrible encore qu'un vivant -qui menace! - -«-- On ne vous laissera aucune arme. - -«-- Il y en a une que le désespoir a mise à la portée de toute -créature qui a le courage de s'en servir. Je me laisserai mourir -de faim. - -«-- Voyons, dit le misérable, la paix ne vaut-elle pas mieux -qu'une pareille guerre? Je vous rends la liberté à l'instant même, -je vous proclame une vertu, je vous surnomme la Lucrèce de -l'Angleterre. - -«-- Et moi je dis que vous en êtes le Sextus, moi je vous dénonce -aux hommes comme je vous ai déjà dénoncé à Dieu; et s'il faut que, -comme Lucrèce, je signe mon accusation de mon sang, je la -signerai. - -«-- Ah! ah! dit mon ennemi d'un ton railleur, alors c'est autre -chose. Ma foi, au bout du compte, vous êtes bien ici, rien ne vous -manquera, et si vous vous laissez mourir de faim ce sera de votre -faute.» - -«À ces mots, il se retira, j'entendis s'ouvrir et se refermer la -porte, et je restai abîmée, moins encore, je l'avoue, dans ma -douleur, que dans la honte de ne m'être pas vengée. - -«Il me tint parole. Toute la journée, toute la nuit du lendemain -s'écoulèrent sans que je le revisse. Mais moi aussi je lui tins -parole, et je ne mangeai ni ne bus; j'étais, comme je le lui avais -dit, résolue à me laisser mourir de faim. - -«Je passai le jour et la nuit en prière, car j'espérais que Dieu -me pardonnerait mon suicide. - -«La seconde nuit la porte s'ouvrit; j'étais couchée à terre sur le -parquet, les forces commençaient à m'abandonner. - -«Au bruit je me relevai sur une main. - -«Eh bien, me dit une voix qui vibrait d'une façon trop terrible à -mon oreille pour que je ne la reconnusse pas, eh bien! sommes-nous -un peu adoucie et paierons nous notre liberté d'une seule promesse -de silence? - -«Tenez, moi, je suis bon prince, ajouta-t-il, et, quoique je -n'aime pas les puritains, je leur rends justice, ainsi qu'aux -puritaines, quand elles sont jolies. Allons, faites-moi un petit -serment sur la croix, je ne vous en demande pas davantage. - -«-- Sur la croix! m'écriai-je en me relevant, car à cette voix -abhorrée j'avais retrouvé toutes mes forces; sur la croix! je jure -que nulle promesse, nulle menace, nulle torture ne me fermera la -bouche; sur la croix! je jure de vous dénoncer partout comme un -meurtrier, comme un larron d'honneur, comme un lâche; sur la -croix! je jure, si jamais je parviens à sortir d'ici, de demander -vengeance contre vous au genre humain entier. - -«-- Prenez garde! dit la voix avec un accent de menace que je -n'avais pas encore entendu, j'ai un moyen suprême, que je -n'emploierai qu'à la dernière extrémité, de vous fermer la bouche -ou du moins d'empêcher qu'on ne croie à un seul mot de ce que vous -direz.» - -«Je rassemblai toutes mes forces pour répondre par un éclat de -rire. - -«Il vit que c'était entre nous désormais une guerre éternelle, une -guerre à mort. - -«Écoutez, dit-il, je vous donne encore le reste de cette nuit et -la journée de demain; réfléchissez: promettez de vous taire, la -richesse, la considération, les honneurs mêmes vous entoureront; -menacez de parler, et je vous condamne à l'infamie. - -«-- Vous! m'écriai-je, vous! - -«-- À l'infamie éternelle, ineffaçable! - -«-- Vous!» répétai-je. Oh! je vous le dis, Felton, je le croyais -insensé! - -«Oui, moi! reprit-il. - -«-- Ah! laissez-moi, lui dis-je, sortez, si vous ne voulez pas -qu'à vos yeux je me brise la tête contre la muraille! - -«-- C'est bien, reprit-il, vous le voulez, à demain soir! - -«-- À demain soir, répondis-je en me laissant tomber et en mordant -le tapis de rage...» - -Felton s'appuyait sur un meuble, et Milady voyait avec une joie de -démon que la force lui manquerait peut-être avant la fin du récit. - - -CHAPITRE LVII -UN MOYEN DE TRAGÉDIE CLASSIQUE - -Après un moment de silence employé par Milady à observer le jeune -homme qui l'écoutait, elle continua son récit: - -«Il y avait près de trois jours que je n'avais ni bu ni mangé, je -souffrais des tortures atroces: parfois il me passait comme des -nuages qui me serraient le front, qui me voilaient les yeux: -c'était le délire. - -«Le soir vint; j'étais si faible, qu'à chaque instant je -m'évanouissais et à chaque fois que je m'évanouissais je -remerciais Dieu, car je croyais que j'allais mourir. - -«Au milieu de l'un de ces évanouissements, j'entendis la porte -s'ouvrir; la terreur me rappela à moi. - -«Mon persécuteur entra suivi d'un homme masqué, il était masqué -lui-même; mais je reconnus son pas, je reconnus cet air imposant -que l'enfer a donné à sa personne pour le malheur de l'humanité. - -«Eh bien, me dit-il, êtes-vous décidée à me faire le serment que -je vous ai demandé? - -«Vous l'avez dit, les puritains n'ont qu'une parole: la mienne, -vous l'avez entendue, c'est de vous poursuivre sur la terre au -tribunal des hommes, dans le ciel au tribunal de Dieu! - -«Ainsi, vous persistez? - -«Je le jure devant ce Dieu qui m'entend: je prendrai le monde -entier à témoin de votre crime, et cela jusqu'à ce que j'aie -trouvé un vengeur. - -«Vous êtes une prostituée, dit-il d'une voix tonnante, et vous -subirez le supplice des prostituées! Flétrie aux yeux du monde que -vous invoquerez, tâchez de prouver à ce monde que vous n'êtes ni -coupable ni folle!» - -«Puis s'adressant à l'homme qui l'accompagnait: - -«Bourreau, dit-il, fais ton devoir.» - --- Oh! son nom, son nom! s'écria Felton; son nom, dites-le-moi! - --- Alors, malgré mes cris, malgré ma résistance, car je commençais -à comprendre qu'il s'agissait pour moi de quelque chose de pire -que la mort, le bourreau me saisit, me renversa sur le parquet, me -meurtrit de ses étreintes, et suffoquée par les sanglots, presque -sans connaissance invoquant Dieu, qui ne m'écoutait pas, je -poussai tout à coup un effroyable cri de douleur et de honte; un -fer brûlant, un fer rouge, le fer du bourreau, s'était imprimé sur -mon épaule.» - -Felton poussa un rugissement. - -«Tenez, dit Milady, en se levant alors avec une majesté de reine, --- tenez, Felton, voyez comment on a inventé un nouveau martyre -pour la jeune fille pure et cependant victime de la brutalité d'un -scélérat. Apprenez à connaître le coeur des hommes, et désormais -faites-vous moins facilement l'instrument de leurs injustes -vengeances.» - -Milady d'un geste rapide ouvrit sa robe, déchira la batiste qui -couvrait son sein, et, rouge d'une feinte colère et d'une honte -jouée, montra au jeune homme l'empreinte ineffaçable qui -déshonorait cette épaule si belle. - -«Mais, s'écria Felton, c'est une fleur de lis que je vois là! - --- Et voilà justement où est l'infamie, répondit Milady. La -flétrissure d'Angleterre!... il fallait prouver quel tribunal me -l'avait imposée, et j'aurais fait un appel public à tous les -tribunaux du royaume; mais la flétrissure de France... oh! par -elle, j'étais bien réellement flétrie.» - -C'en était trop pour Felton. - -Pâle, immobile, écrasé par cette révélation effroyable, ébloui par -la beauté surhumaine de cette femme qui se dévoilait à lui avec -une impudeur qu'il trouva sublime, il finit par tomber à genoux -devant elle comme faisaient les premiers chrétiens devant ces -pures et saintes martyres que la persécution des empereurs livrait -dans le cirque à la sanguinaire lubricité des populaces. La -flétrissure disparut, la beauté seule resta. - -«Pardon, pardon! s'écria Felton, oh! pardon!» - -Milady lut dans ses yeux: Amour, amour. - -«Pardon de quoi? demanda-t-elle. - --- Pardon de m'être joint à vos persécuteurs.» - -Milady lui tendit la main. - -«Si belle, si jeune!» s'écria Felton en couvrant cette main de -baisers. - -Milady laissa tomber sur lui un de ces regards qui d'un esclave -font un roi. - -Felton était puritain: il quitta la main de cette femme pour -baiser ses pieds. - -Il ne l'aimait déjà plus, il l'adorait. - -Quand cette crise fut passée, quand Milady parut avoir recouvré -son sang-froid, qu'elle n'avait jamais perdu; lorsque Felton eut -vu se refermer sous le voile de la chasteté ces trésors d'amour -qu'on ne lui cachait si bien que pour les lui faire désirer plus -ardemment: - -«Ah! maintenant, dit-il, je n'ai plus qu'une chose à vous -demander, c'est le nom de votre véritable bourreau; car pour moi -il n'y en a qu'un; l'autre était l'instrument, voilà tout. - --- Eh quoi, frère! s'écria Milady, il faut encore que je te le -nomme, et tu ne l'as pas deviné? - --- Quoi! reprit Felton, lui!... encore lui!... toujours lui!... -Quoi! le vrai coupable... - --- Le vrai coupable, dit Milady, c'est le ravageur de -l'Angleterre, le persécuteur des vrais croyants, le lâche -ravisseur de l'honneur de tant de femmes, celui qui pour un -caprice de son coeur corrompu va faire verser tant de sang à deux -royaumes, qui protège les protestants aujourd'hui et qui les -trahira demain... - --- Buckingham! c'est donc Buckingham!» s'écria Felton exaspéré. - -Milady cacha son visage dans ses mains, comme si elle n'eût pu -supporter la honte que lui rappelait ce nom. - -«Buckingham, le bourreau de cette angélique créature! s'écria -Felton. Et tu ne l'as pas foudroyé, mon Dieu! et tu l'as laissé -noble, honoré, puissant pour notre perte à tous! - --- Dieu abandonne qui s'abandonne lui-même, dit Milady. - --- Mais il veut donc attirer sur sa tête le châtiment réservé aux -maudits! continua Felton avec une exaltation croissante, il veut -donc que la vengeance humaine prévienne la justice céleste! - --- Les hommes le craignent et l'épargnent. - --- Oh! moi, dit Felton, je ne le crains pas et je ne l'épargnerai -pas!...» - -Milady sentit son âme baignée d'une joie infernale. - -«Mais comment Lord de Winter, mon protecteur, mon père, demanda -Felton, se trouve-t-il mêlé à tout cela? - --- Écoutez, Felton, reprit Milady, car à côté des hommes lâches et -méprisables, il est encore des natures grandes et généreuses. -J'avais un fiancé, un homme que j'aimais et qui m'aimait; un coeur -comme le vôtre, Felton, un homme comme vous. Je vins à lui et je -lui racontai tout, il me connaissait, celui-là, et ne douta point -un instant. C'était un grand seigneur, c'était un homme en tout -point l'égal de Buckingham. Il ne dit rien, il ceignit seulement -son épée, s'enveloppa de son manteau et se rendit à Buckingham -Palace. - --- Oui, oui, dit Felton, je comprends; quoique avec de pareils -hommes ce ne soit pas l'épée qu'il faille employer, mais le -poignard. - --- Buckingham était parti depuis la veille, envoyé comme -ambassadeur en Espagne, où il allait demander la main de l'infante -pour le roi Charles Ier, qui n'était alors que prince de Galles. -Mon fiancé revint. - -«Écoutez, me dit-il, cet homme est parti, et pour le moment, par -conséquent, il échappe à ma vengeance; mais en attendant soyons -unis, comme nous devions l'être, puis rapportez-vous-en à Lord de -Winter pour soutenir son honneur et celui de sa femme.» - --- Lord de Winter! s'écria Felton. - --- Oui, dit Milady, Lord de Winter, et maintenant vous devez tout -comprendre, n'est-ce pas? Buckingham resta plus d'un an absent. -Huit jours avant son arrivée, Lord de Winter mourut subitement, me -laissant sa seule héritière. D'où venait le coup? Dieu, qui sait -tout, le sait sans doute, moi je n'accuse personne... - --- Oh! quel abîme, quel abîme! s'écria Felton. - --- Lord de Winter était mort sans rien dire à son frère. Le secret -terrible devait être caché à tous, jusqu'à ce qu'il éclatât comme -la foudre sur la tête du coupable. Votre protecteur avait vu avec -peine ce mariage de son frère aîné avec une jeune fille sans -fortune. Je sentis que je ne pouvais attendre d'un homme trompé -dans ses espérances d'héritage aucun appui. Je passai en France -résolue à y demeurer pendant tout le reste de ma vie. Mais toute -ma fortune est en Angleterre; les communications fermées par la -guerre, tout me manqua: force fut alors d'y revenir; il y a six -jours j'abordais à Portsmouth. - --- Eh bien? dit Felton. - --- Eh bien, Buckingham apprit sans doute mon retour, il en parla à -Lord de Winter, déjà prévenu contre moi, et lui dit que sa belle- -soeur était une prostituée, une femme flétrie. La voix pure et -noble de mon mari n'était plus là pour me défendre. Lord de Winter -crut tout ce qu'on lui dit, avec d'autant plus de facilité qu'il -avait intérêt à le croire. Il me fit arrêter, me conduisit ici, me -remit sous votre garde. Vous savez le reste: après-demain il me -bannit, il me déporte; après-demain il me relègue parmi les -infâmes. Oh! la trame est bien ourdie, allez! le complot est -habile et mon honneur n'y survivra pas. Vous voyez bien qu'il faut -que je meure, Felton; Felton, donnez-moi ce couteau!» - -Et à ces mots, comme si toutes ses forces étaient épuisées, Milady -se laissa aller débile et languissante entre les bras du jeune -officier, qui, ivre d'amour, de colère et de voluptés inconnues, -la reçut avec transport, la serra contre son coeur, tout -frissonnant à l'haleine de cette bouche si belle, tout éperdu au -contact de ce sein si palpitant. - -«Non, non, dit-il; non, tu vivras honorée et pure, tu vivras pour -triompher de tes ennemis.» - -Milady le repoussa lentement de la main en l'attirant du regard; -mais Felton, à son tour, s'empara d'elle, l'implorant comme une -Divinité. - -«Oh! la mort, la mort! dit-elle en voilant sa voix et ses -paupières, oh! la mort plutôt que la honte; Felton, mon frère, mon -ami, je t'en conjure! - --- Non, s'écria Felton, non, tu vivras, et tu seras vengée! - --- Felton, je porte malheur à tout ce qui m'entoure! Felton, -abandonne-moi! Felton, laisse-moi mourir! - --- Eh bien, nous mourrons donc ensemble!» s'écria-t-il en appuyant -ses lèvres sur celles de la prisonnière. - -Plusieurs coups retentirent à la porte; cette fois, Milady le -repoussa réellement. - -«Écoutez, dit-elle, on nous a entendus, on vient! c'en est fait, -nous sommes perdus! - --- Non, dit Felton, c'est la sentinelle qui me prévient seulement -qu'une ronde arrive. - --- Alors, courez à la porte et ouvrez vous-même.» - -Felton obéit; cette femme était déjà toute sa pensée, toute son -âme. - -Il se trouva en face d'un sergent commandant une patrouille de -surveillance. - -«Eh bien, qu'y a-t-il? demanda le jeune lieutenant. - --- Vous m'aviez dit d'ouvrir la porte si j'entendais crier au -secours, dit le soldat, mais vous aviez oublié de me laisser la -clef; je vous ai entendu crier sans comprendre ce que vous disiez, -j'ai voulu ouvrir la porte, elle était fermée en dedans, alors -j'ai appelé le sergent. - --- Et me voilà», dit le sergent. - -Felton, égaré, presque fou, demeurait sans voix. - -Milady comprit que c'était à elle de s'emparer de la situation, -elle courut à la table et prit le couteau qu'y avait déposé -Felton: - -«Et de quel droit voulez-vous m'empêcher de mourir? dit-elle. - --- Grand Dieu!» s'écria Felton en voyant le couteau luire à sa -main. - -En ce moment, un éclat de rire ironique retentit dans le corridor. - -Le baron, attiré par le bruit, en robe de chambre, son épée sous -le bras, se tenait debout sur le seuil de la porte. - -«Ah! ah! dit-il, nous voici au dernier acte de la tragédie; vous -le voyez, Felton, le drame a suivi toutes les phases que j'avais -indiquées; mais soyez tranquille, le sang ne coulera pas.» - -Milady comprit qu'elle était perdue si elle ne donnait pas à -Felton une preuve immédiate et terrible de son courage. - -«Vous vous trompez, Milord, le sang coulera, et puisse ce sang -retomber sur ceux qui le font couler!» - -Felton jeta un cri et se précipita vers elle; il était trop tard: -Milady s'était frappée. Mais le couteau avait rencontré, -heureusement, nous devrions dire adroitement, le busc de fer qui, -à cette époque, défendait comme une cuirasse la poitrine des -femmes; il avait glissé en déchirant la robe, et avait pénétré de -biais entre la chair et les côtes. - -La robe de Milady n'en fut pas moins tachée de sang en une -seconde. - -Milady était tombée à la renverse et semblait évanouie. - -Felton arracha le couteau. - -«Voyez, Milord, dit-il d'un air sombre, voici une femme qui était -sous ma garde et qui s'est tuée! - --- Soyez tranquille, Felton, dit Lord de Winter, elle n'est pas -morte, les démons ne meurent pas si facilement, soyez tranquille -et allez m'attendre chez moi. - --- Mais, Milord... - --- Allez, je vous l'ordonne.» - -À cette injonction de son supérieur, Felton obéit; mais, en -sortant, il mit le couteau dans sa poitrine. - -Quant à Lord de Winter, il se contenta d'appeler la femme qui -servait Milady et, lorsqu'elle fut venue, lui recommandant la -prisonnière toujours évanouie, il la laissa seule avec elle. - -Cependant, comme à tout prendre, malgré ses soupçons, la blessure -pouvait être grave, il envoya, à l'instant même, un homme à cheval -chercher un médecin. - - -CHAPITRE LVIII -ÉVASION - -Comme l'avait pensé Lord de Winter, la blessure de Milady n'était -pas dangereuse; aussi dès qu'elle se trouva seule avec la femme -que le baron avait fait appeler et qui se hâtait de la -déshabiller, rouvrit-elle les yeux. - -Cependant, il fallait jouer la faiblesse et la douleur; ce -n'étaient pas choses difficiles pour une comédienne comme Milady; -aussi la pauvre femme fut-elle si complètement dupe de sa -prisonnière, que, malgré ses instances, elle s'obstina à la -veiller toute la nuit. - -Mais la présence de cette femme n'empêchait pas Milady de songer. - -Il n'y avait plus de doute, Felton était convaincu, Felton était à -elle: un ange apparût-il au jeune homme pour accuser Milady, il le -prendrait certainement, dans la disposition d'esprit où il se -trouvait, pour un envoyé du démon. - -Milady souriait à cette pensée, car Felton, c'était désormais sa -seule espérance, son seul moyen de salut. - -Mais Lord de Winter pouvait l'avoir soupçonné, mais Felton -maintenant pouvait être surveillé lui-même. - -Vers les quatre heures du matin, le médecin arriva; mais depuis le -temps où Milady s'était frappée, la blessure s'était déjà -refermée: le médecin ne put donc en mesurer ni la direction, ni la -profondeur; il reconnut seulement au pouls de la malade que le cas -n'était point grave. - -Le matin, Milady, sous prétexte qu'elle n'avait pas dormi de la -nuit et qu'elle avait besoin de repos, renvoya la femme qui -veillait près d'elle. - -Elle avait une espérance, c'est que Felton arriverait à l'heure du -déjeuner, mais Felton ne vint pas. - -Ses craintes s'étaient-elles réalisées? Felton, soupçonné par le -baron, allait-il lui manquer au moment décisif? Elle n'avait plus -qu'un jour: Lord de Winter lui avait annoncé son embarquement pour -le 23 et l'on était arrivé au matin du 22. - -Néanmoins, elle attendit encore assez patiemment jusqu'à l'heure -du dîner. - -Quoiqu'elle n'eût pas mangé le matin, le dîner fut apporté à -l'heure habituelle; Milady s'aperçut alors avec effroi que -l'uniforme des soldats qui la gardaient était changé. - -Alors elle se hasarda à demander ce qu'était devenu Felton. On lui -répondit que Felton était monté à cheval il y avait une heure, et -était parti. - -Elle s'informa si le baron était toujours au château; le soldat -répondit que oui, et qu'il avait ordre de le prévenir si la -prisonnière désirait lui parler. - -Milady répondit qu'elle était trop faible pour le moment, et que -son seul désir était de demeurer seule. - -Le soldat sortit, laissant le dîner servi. - -Felton était écarté, les soldats de marine étaient changés, on se -défiait donc de Felton. - -C'était le dernier coup porté à la prisonnière. - -Restée seule, elle se leva; ce lit où elle se tenait par prudence -et pour qu'on la crût gravement blessée, la brûlait comme un -brasier ardent. Elle jeta un coup d'oeil sur la porte: le baron -avait fait clouer une planche sur le guichet; il craignait sans -doute que, par cette ouverture, elle ne parvint encore, par -quelque moyen diabolique, à séduire les gardes. - -Milady sourit de joie; elle pouvait donc se livrer à ses -transports sans être observée: elle parcourait la chambre avec -l'exaltation d'une folle furieuse ou d'une tigresse enfermée dans -une cage de fer. Certes, si le couteau lui fût resté, elle eût -songé, non plus à se tuer elle-même, mais, cette fois, à tuer le -baron. - -À six heures, Lord de Winter entra; il était armé jusqu'aux dents. -Cet homme, dans lequel, jusque-là, Milady n'avait vu qu'un -gentleman assez niais, était devenu un admirable geôlier: il -semblait tout prévoir, tout deviner, tout prévenir. - -Un seul regard jeté sur Milady lui apprit ce qui se passait dans -son âme. - -«Soit, dit-il, mais vous ne me tuerez point encore aujourd'hui; -vous n'avez plus d'armes, et d'ailleurs je suis sur mes gardes. -Vous aviez commencé à pervertir mon pauvre Felton: il subissait -déjà votre infernale influence, mais je veux le sauver, il ne vous -verra plus, tout est fini. Rassemblez vos hardes, demain vous -partirez. J'avais fixé l'embarquement au 24, mais j'ai pensé que -plus la chose serait rapprochée, plus elle serait sûre. Demain à -midi j'aurai l'ordre de votre exil, signé Buckingham. Si vous -dites un seul mot à qui que ce soit avant d'être sur le navire, -mon sergent vous fera sauter la cervelle, et il en a l'ordre; si, -sur le navire, vous dites un mot à qui que ce soit avant que le -capitaine vous le permette, le capitaine vous fait jeter à la mer, -c'est convenu. Au revoir, voilà ce que pour aujourd'hui j'avais à -vous dire. Demain je vous reverrai pour vous faire mes adieux!» - -Et sur ces paroles le baron sortit. - -Milady avait écouté toute cette menaçante tirade le sourire du -dédain sur les lèvres, mais la rage dans le coeur. - -On servit le souper; Milady sentit qu'elle avait besoin de forces, -elle ne savait pas ce qui pouvait se passer pendant cette nuit qui -s'approchait menaçante, car de gros nuages roulaient au ciel, et -des éclairs lointains annonçaient un orage. - -L'orage éclata vers les dix heures du soir: Milady sentait une -consolation à voir la nature partager le désordre de son coeur; la -foudre grondait dans l'air comme la colère dans sa pensée, il lui -semblait que la rafale, en passant, échevelait son front comme les -arbres dont elle courbait les branches et enlevait les feuilles; -elle hurlait comme l'ouragan, et sa voix se perdait dans la grande -voix de la nature, qui, elle aussi, semblait gémir et se -désespérer. - -Tout à coup elle entendit frapper à une vitre, et, à la lueur d'un -éclair, elle vit le visage d'un homme apparaître derrière les -barreaux. - -Elle courut à la fenêtre et l'ouvrit. - -«Felton! s'écria-t-elle, je suis sauvée! - --- Oui, dit Felton! mais silence, silence! il me faut le temps de -scier vos barreaux. Prenez garde seulement qu'ils ne vous voient -par le guichet. - --- Oh! c'est une preuve que le Seigneur est pour nous, Felton, -reprit Milady, ils ont fermé le guichet avec une planche. - --- C'est bien, Dieu les a rendus insensés! dit Felton. - --- Mais que faut-il que je fasse? demanda Milady. - --- Rien, rien; refermez la fenêtre seulement. Couchez-vous, ou, du -moins, mettez-vous dans votre lit tout habillée; quand j'aurai -fini, je frapperai aux carreaux. Mais pourrez-vous me suivre? - --- Oh! oui. - --- Votre blessure? - --- Me fait souffrir, mais ne m'empêche pas de marcher. - --- Tenez-vous donc prête au premier signal.» - -Milady referma la fenêtre, éteignit la lampe, et alla, comme le -lui avait recommandé Felton, se blottir dans son lit. Au milieu -des plaintes de l'orage, elle entendait le grincement de la lime -contre les barreaux, et, à la lueur de chaque éclair, elle -apercevait l'ombre de Felton derrière les vitres. - -Elle passa une heure sans respirer, haletante, la sueur sur le -front, et le coeur serré par une épouvantable angoisse à chaque -mouvement qu'elle entendait dans le corridor. - -Il y a des heures qui durent une année. - -Au bout d'une heure, Felton frappa de nouveau. - -Milady bondit hors de son lit et alla ouvrir. Deux barreaux de -moins formaient une ouverture à passer un homme. - -«Êtes-vous prête? demanda Felton. - --- Oui. Faut-il que j'emporte quelque chose? - --- De l'or, si vous en avez. - --- Oui, heureusement on m'a laissé ce que j'en avais. - --- Tant mieux, car j'ai usé tout le mien pour fréter une barque. - --- Prenez», dit Milady en mettant aux mains de Felton un sac plein -d'or. - -Felton prit le sac et le jeta au pied du mur. - -«Maintenant, dit-il, voulez-vous venir? - --- Me voici.» - -Milady monta sur un fauteuil et passa tout le haut de son corps -par la fenêtre: elle vit le jeune officier suspendu au-dessus de -l'abîme par une échelle de corde. - -Pour la première fois, un mouvement de terreur lui rappela qu'elle -était femme. - -Le vide l'épouvantait. - -«Je m'en étais douté, dit Felton. - --- Ce n'est rien, ce n'est rien, dit Milady, je descendrai les -yeux fermés. - --- Avez-vous confiance en moi? dit Felton. - --- Vous le demandez? - --- Rapprochez vos deux mains; croisez-les, c'est bien.» - -Felton lui lia les deux poignets avec son mouchoir, puis par- -dessus le mouchoir, avec une corde. - -«Que faites-vous? demanda Milady avec surprise. - --- Passez vos bras autour de mon cou et ne craignez rien. - --- Mais je vous ferai perdre l'équilibre, et nous nous briserons -tous les deux. - --- Soyez tranquille, je suis marin.» - -Il n'y avait pas une seconde à perdre; Milady passa ses deux bras -autour du cou de Felton et se laissa glisser hors de la fenêtre. - -Felton se mit à descendre les échelons lentement et un à un. -Malgré la pesanteur des deux corps, le souffle de l'ouragan les -balançait dans l'air. - -Tout à coup Felton s'arrêta. - -«Qu'y a-t-il? demanda Milady. - --- Silence, dit Felton, j'entends des pas. - --- Nous sommes découverts!» - -Il se fit un silence de quelques instants. - -«Non, dit Felton, ce n'est rien. - --- Mais enfin quel est ce bruit? - --- Celui de la patrouille qui va passer sur le chemin de ronde. - --- Où est le chemin de ronde? - --- Juste au-dessous de nous. - --- Elle va nous découvrir. - --- Non, s'il ne fait pas d'éclairs. - --- Elle heurtera le bas de l'échelle. - --- Heureusement elle est trop courte de six pieds. - --- Les voilà, mon Dieu! - --- Silence!» - -Tous deux restèrent suspendus, immobiles et sans souffle, à vingt -pieds du sol; pendant ce temps les soldats passaient au-dessous -riant et causant. - -Il y eut pour les fugitifs un moment terrible. - -La patrouille passa; on entendit le bruit des pas qui s'éloignait, -et le murmure des voix qui allait s'affaiblissant. - -«Maintenant, dit Felton, nous sommes sauvés.» - -Milady poussa un soupir et s'évanouit. - -Felton continua de descendre. Parvenu au bas de l'échelle, et -lorsqu'il ne sentit plus d'appui pour ses pieds, il se cramponna -avec ses mains; enfin, arrivé au dernier échelon il se laissa -pendre à la force des poignets et toucha la terre. Il se baissa, -ramassa le sac d'or et le prit entre ses dents. - -Puis il souleva Milady dans ses bras, et s'éloigna vivement du -côté opposé à celui qu'avait pris la patrouille. Bientôt il quitta -le chemin de ronde, descendit à travers les rochers, et, arrivé au -bord de la mer, fit entendre un coup de sifflet. - -Un signal pareil lui répondit, et, cinq minutes après, il vit -apparaître une barque montée par quatre hommes. - -La barque s'approcha aussi près qu'elle put du rivage, mais il n'y -avait pas assez de fond pour qu'elle pût toucher le bord; Felton -se mit à l'eau jusqu'à la ceinture, ne voulant confier à personne -son précieux fardeau. - -Heureusement la tempête commençait à se calmer, et cependant la -mer était encore violente; la petite barque bondissait sur les -vagues comme une coquille de noix. - -«Au sloop, dit Felton, et nagez vivement.» - -Les quatre hommes se mirent à la rame; mais la mer était trop -grosse pour que les avirons eussent grande prise dessus. - -Toutefois on s'éloignait du château; c'était le principal. La nuit -était profondément ténébreuse, et il était déjà presque impossible -de distinguer le rivage de la barque, à plus forte raison n'eût-on -pas pu distinguer la barque du rivage. - -Un point noir se balançait sur la mer. - -C'était le sloop. - -Pendant que la barque s'avançait de son côté de toute la force de -ses quatre rameurs, Felton déliait la corde, puis le mouchoir qui -liait les mains de Milady. - -Puis, lorsque ses mains furent déliées, il prit de l'eau de la mer -et la lui jeta au visage. - -Milady poussa un soupir et ouvrit les yeux. - -«Où suis-je? dit-elle. - --- Sauvée, répondit le jeune officier. - --- Oh! sauvée! sauvée! s'écria-t-elle. Oui, voici le ciel, voici -la mer! Cet air que je respire, c'est celui de la liberté. Ah!... -merci, Felton, merci!» - -Le jeune homme la pressa contre son coeur. - -«Mais qu'ai-je donc aux mains? demanda Milady; il me semble qu'on -m'a brisé les poignets dans un étau.» - -En effet, Milady souleva ses bras: elle avait les poignets -meurtris. - -«Hélas! dit Felton en regardant ces belles mains et en secouant -doucement la tête. - --- Oh! ce n'est rien, ce n'est rien! s'écria Milady: maintenant je -me rappelle!» - -Milady chercha des yeux autour d'elle. - -«Il est là», dit Felton en poussant du pied le sac d'or. - -On s'approchait du sloop. Le marin de quart héla la barque, la -barque répondit. - -«Quel est ce bâtiment? demanda Milady. - --- Celui que j'ai frété pour vous. - --- Où va-t-il me conduire? - --- Où vous voudrez, pourvu que, moi, vous me jetiez à Portsmouth. - --- Qu'allez-vous faire à Portsmouth? demanda Milady. - --- Accomplir les ordres de Lord de Winter, dit Felton avec un -sombre sourire. - --- Quels ordres? demanda Milady. - --- Vous ne comprenez donc pas? dit Felton. - --- Non; expliquez-vous, je vous en prie. - --- Comme il se défiait de moi, il a voulu vous garder lui-même, et -m'a envoyé à sa place faire signer à Buckingham l'ordre de votre -déportation. - --- Mais s'il se défiait de vous, comment vous a-t-il confié cet -ordre? - --- Étais-je censé savoir ce que je portais? - --- C'est juste. Et vous allez à Portsmouth? - --- Je n'ai pas de temps à perdre: c'est demain le 23, et -Buckingham part demain avec la flotte. - --- Il part demain, pour où part-il? - --- Pour La Rochelle. - --- Il ne faut pas qu'il parte! s'écria Milady, oubliant sa -présence d'esprit accoutumée. - --- Soyez tranquille, répondit Felton, il ne partira pas.» - -Milady tressaillit de joie; elle venait de lire au plus profond du -coeur du jeune homme: la mort de Buckingham y était écrite en -toutes lettres. - -«Felton..., dit-elle, vous êtes grand comme Judas Macchabée! Si -vous mourez, je meurs avec vous: voilà tout ce que je puis vous -dire. - --- Silence! dit Felton, nous sommes arrivés.» - -En effet, on touchait au sloop. - -Felton monta le premier à l'échelle et donna la main à Milady, -tandis que les matelots la soutenaient, car la mer était encore -fort agitée. - -Un instant après ils étaient sur le pont. - -«Capitaine, dit Felton, voici la personne dont je vous ai parlé, -et qu'il faut conduire saine et sauve en France. - --- Moyennant mille pistoles, dit le capitaine. - --- Je vous en ai donné cinq cents. - --- C'est juste, dit le capitaine. - --- Et voilà les cinq cents autres, reprit Milady, en portant la -main au sac d'or. - --- Non, dit le capitaine, je n'ai qu'une parole, et je l'ai donnée -à ce jeune homme; les cinq cents autres pistoles ne me sont dues -qu'en arrivant à Boulogne. - --- Et nous y arriverons? - --- Sains et saufs, dit le capitaine, aussi vrai que je m'appelle -Jack Buttler. - --- Eh bien, dit Milady, si vous tenez votre parole, ce n'est pas -cinq cents, mais mille pistoles que je vous donnerai. - --- Hurrah pour vous alors, ma belle dame, cria le capitaine, et -puisse Dieu m'envoyer souvent des pratiques comme Votre -Seigneurie! - --- En attendant, dit Felton, conduisez-nous dans la petite baie de -Chichester, en avant de Portsmouth; vous savez qu'il est convenu -que vous nous conduirez là.» - -Le capitaine répondit en commandant la manoeuvre nécessaire, et -vers les sept heures du matin le petit bâtiment jetait l'ancre -dans la baie désignée. - -Pendant cette traversée, Felton avait tout raconté à Milady: -comment, au lieu d'aller à Londres, il avait frété le petit -bâtiment, comment il était revenu, comment il avait escaladé la -muraille en plaçant dans les interstices des pierres, à mesure -qu'il montait, des crampons, pour assurer ses pieds, et comment -enfin, arrivé aux barreaux, il avait attaché l'échelle, Milady -savait le reste. - -De son côté, Milady essaya d'encourager Felton dans son projet, -mais aux premiers mots qui sortirent de sa bouche, elle vit bien -que le jeune fanatique avait plutôt besoin d'être modéré que -d'être affermi. - -Il fut convenu que Milady attendrait Felton jusqu'à dix heures; si -à dix heures il n'était pas de retour, elle partirait. - -Alors, en supposant qu'il fût libre, il la rejoindrait en France, -au couvent des Carmélites de Béthune. - - -CHAPITRE LIX -CE QUI SE PASSAIT À PORTSMOUTH LE 23 AOÛT 1628 - -Felton prit congé de Milady comme un frère qui va faire une simple -promenade prend congé de sa soeur en lui baisant la main. - -Toute sa personne paraissait dans son état de calme ordinaire: -seulement une lueur inaccoutumée brillait dans ses yeux, pareille -à un reflet de fièvre; son front était plus pâle encore que de -coutume; ses dents étaient serrées, et sa parole avait un accent -bref et saccadé qui indiquait que quelque chose de sombre -s'agitait en lui. - -Tant qu'il resta sur la barque qui le conduisait à terre, il -demeura le visage tourné du côté de Milady, qui, debout sur le -pont, le suivait des yeux. Tous deux étaient assez rassurés sur la -crainte d'être poursuivis: on n'entrait jamais dans la chambre de -Milady avant neuf heures; et il fallait trois heures pour venir du -château à Londres. - -Felton mit pied à terre, gravit la petite crête qui conduisait au -haut de la falaise, salua Milady une dernière fois, et prit sa -course vers la ville. - -Au bout de cent pas, comme le terrain allait en descendant, il ne -pouvait plus voir que le mât du sloop. - -Il courut aussitôt dans la direction de Portsmouth, dont il voyait -en face de lui, à un demi-mille à peu près, se dessiner dans la -brume du matin les tours et les maisons. - -Au-delà de Portsmouth, la mer était couverte de vaisseaux dont on -voyait les mâts, pareils à une forêt de peupliers dépouillés par -l'hiver, se balancer sous le souffle du vent. - -Felton, dans sa marche rapide, repassait ce que dix années de -méditations ascétiques et un long séjour au milieu des puritains -lui avaient fourni d'accusations vraies ou fausses contre le -favori de Jacques VI et de Charles Ier. - -Lorsqu'il comparait les crimes publics de ce ministre, crimes -éclatants, crimes européens, si on pouvait le dire, avec les -crimes privés et inconnus dont l'avait chargé Milady, Felton -trouvait que le plus coupable des deux hommes que renfermait -Buckingham était celui dont le public ne connaissait pas la vie. -C'est que son amour si étrange, si nouveau, si ardent, lui faisait -voir les accusations infâmes et imaginaires de Lady de Winter, -comme on voit au travers d'un verre grossissant, à l'état de -monstres effroyables, des atomes imperceptibles en réalité auprès -d'une fourmi. - -La rapidité de sa course allumait encore son sang: l'idée qu'il -laissait derrière lui, exposée à une vengeance effroyable, la -femme qu'il aimait ou plutôt qu'il adorait comme une sainte, -l'émotion passée, sa fatigue présente, tout exaltait encore son -âme au-dessus des sentiments humains. - -Il entra à Portsmouth vers les huit heures du matin; toute la -population était sur pied; le tambour battait dans les rues et sur -le port; les troupes d'embarquement descendaient vers la mer. - -Felton arriva au palais de l'Amirauté, couvert de poussière et -ruisselant de sueur; son visage, ordinairement si pâle, était -pourpre de chaleur et de colère. La sentinelle voulut le -repousser; mais Felton appela le chef du poste, et tirant de sa -poche la lettre dont il était porteur: - -«Message pressé de la part de Lord de Winter», dit-il. - -Au nom de Lord de Winter, qu'on savait l'un des plus intimes de Sa -Grâce, le chef de poste donna l'ordre de laisser passer Felton, -qui, du reste, portait lui-même l'uniforme d'officier de marine. - -Felton s'élança dans le palais. - -Au moment où il entrait dans le vestibule un homme entrait aussi, -poudreux, hors d'haleine, laissant à la porte un cheval de poste -qui en arrivant tomba sur les deux genoux. - -Felton et lui s'adressèrent en même temps à Patrick, le valet de -chambre de confiance du duc. Felton nomma le baron de Winter, -l'inconnu ne voulut nommer personne, et prétendit que c'était au -duc seul qu'il pouvait se faire connaître. Tous deux insistaient -pour passer l'un avant l'autre. - -Patrick, qui savait que Lord de Winter était en affaires de -service et en relations d'amitié avec le duc, donna la préférence -à celui qui venait en son nom. L'autre fut forcé d'attendre, et il -fut facile de voir combien il maudissait ce retard. - -Le valet de chambre fit traverser à Felton une grande salle dans -laquelle attendaient les députés de La Rochelle conduits par le -prince de Soubise, et l'introduisit dans un cabinet où Buckingham, -sortant du bain, achevait sa toilette, à laquelle, cette fois -comme toujours, il accordait une attention extraordinaire. - -«Le lieutenant Felton, dit Patrick, de la part de Lord de Winter. - --- De la part de Lord de Winter! répéta Buckingham, faites -entrer.» - -Felton entra. En ce moment Buckingham jetait sur un canapé une -riche robe de chambre brochée d'or, pour endosser un pourpoint de -velours bleu tout brodé de perles. - -«Pourquoi le baron n'est-il pas venu lui-même? demanda Buckingham, -je l'attendais ce matin. - --- Il m'a chargé de dire à Votre Grâce, répondit Felton, qu'il -regrettait fort de ne pas avoir cet honneur, mais qu'il en était -empêché par la garde qu'il est obligé de faire au château. - --- Oui, oui, dit Buckingham, je sais cela, il a une prisonnière. - --- C'est justement de cette prisonnière que je voulais parler à -Votre Grâce, reprit Felton. - --- Eh bien, parlez. - --- Ce que j'ai à vous dire ne peut être entendu que de vous, -Milord. - --- Laissez-nous, Patrick, dit Buckingham, mais tenez-vous à portée -de la sonnette; je vous appellerai tout à l'heure.» - -Patrick sortit. - -«Nous sommes seuls, monsieur, dit Buckingham, parlez. - --- Milord, dit Felton, le baron de Winter vous a écrit l'autre -jour pour vous prier de signer un ordre d'embarquement relatif à -une jeune femme nommée Charlotte Backson. - --- Oui, monsieur, et je lui ai répondu de m'apporter ou de -m'envoyer cet ordre et que je le signerais. - --- Le voici, Milord. - --- Donnez», dit le duc. - -Et, le prenant des mains de Felton, il jeta sur le papier un coup -d'oeil rapide. Alors, s'apercevant que c'était bien celui qui lui -était annoncé, il le posa sur la table, prit une plume et -s'apprêta à signer. - -«Pardon, Milord, dit Felton arrêtant le duc, mais Votre Grâce -sait-elle que le nom de Charlotte Backson n'est pas le véritable -nom de cette jeune femme? - --- Oui, monsieur, je le sais, répondit le duc en trempant la plume -dans l'encrier. - --- Alors, Votre Grâce connaît son véritable nom? demanda Felton -d'une voix brève. - --- Je le connais.» - -Le duc approcha la plume du papier. - -«Et, connaissant ce véritable nom, reprit Felton, Monseigneur -signera tout de même? - --- Sans doute, dit Buckingham, et plutôt deux fois qu'une. - --- Je ne puis croire, continua Felton d'une voix qui devenait de -plus en plus brève et saccadée, que Sa Grâce sache qu'il s'agit de -Lady de Winter... - --- Je le sais parfaitement, quoique je sois étonné que vous le -sachiez, vous! - --- Et Votre Grâce signera cet ordre sans remords?» - -Buckingham regarda le jeune homme avec hauteur. - -«Ah çà, monsieur, savez-vous bien, lui dit-il, que vous me faites -là d'étranges questions, et que je suis bien simple d'y répondre? - --- Répondez-y, Monseigneur, dit Felton, la situation est plus -grave que vous ne le croyez peut-être.» - -Buckingham pensa que le jeune homme, venant de la part de Lord de -Winter, parlait sans doute en son nom et se radoucit. - -«Sans remords aucun, dit-il, et le baron sait comme moi que Milady -de Winter est une grande coupable, et que c'est presque lui faire -grâce que de borner sa peine à l'extradition.» - -Le duc posa sa plume sur le papier. - -«Vous ne signerez pas cet ordre, Milord! dit Felton en faisant un -pas vers le duc. - --- Je ne signerai pas cet ordre, dit Buckingham, et pourquoi? - --- Parce que vous descendrez en vous-même, et que vous rendrez -justice à Milady. - --- On lui rendra justice en l'envoyant à Tyburn, dit Buckingham; -Milady est une infâme. - --- Monseigneur, Milady est un ange, vous le savez bien, et je vous -demande sa liberté. - --- Ah çà, dit Buckingham, êtes-vous fou de me parler ainsi? - --- Milord, excusez-moi! je parle comme je puis; je me contiens. -Cependant, Milord, songez à ce que vous allez faire, et craignez -d'outrepasser la mesure! - --- Plaît-il?... Dieu me pardonne! s'écria Buckingham, mais je -crois qu'il me menace! - --- Non, Milord, je prie encore, et je vous dis: une goutte d'eau -suffit pour faire déborder le vase plein, une faute légère peut -attirer le châtiment sur la tête épargnée malgré tant de crimes. - --- Monsieur Felton, dit Buckingham, vous allez sortir d'ici et -vous rendre aux arrêts sur-le-champ. - --- Vous allez m'écouter jusqu'au bout, Milord. Vous avez séduit -cette jeune fille, vous l'avez outragée, souillée; réparez vos -crimes envers elle, laissez-la partir librement, et je n'exigerai -pas autre chose de vous. - --- Vous n'exigerez pas? dit Buckingham regardant Felton avec -étonnement et appuyant sur chacune des syllabes des trois mots -qu'il venait de prononcer. - --- Milord, continua Felton s'exaltant à mesure qu'il parlait, -Milord, prenez garde, toute l'Angleterre est lasse de vos -iniquités; Milord, vous avez abusé de la puissance royale que vous -avez presque usurpée; Milord, vous êtes en horreur aux hommes et à -Dieu; Dieu vous punira plus tard, mais, moi, je vous punirai -aujourd'hui. - --- Ah! ceci est trop fort!» cria Buckingham en faisant un pas vers -la porte. - -Felton lui barra le passage. - -«Je vous le demande humblement, dit-il, signez l'ordre de mise en -liberté de Lady de Winter; songez que c'est la femme que vous avez -déshonorée. - --- Retirez-vous, monsieur, dit Buckingham, ou j'appelle et vous -fais mettre aux fers. - --- Vous n'appellerez pas, dit Felton en se jetant entre le duc et -la sonnette placée sur un guéridon incrusté d'argent; prenez -garde, Milord, vous voilà entre les mains de Dieu. - --- Dans les mains du diable, vous voulez dire, s'écria Buckingham -en élevant la voix pour attirer du monde, sans cependant appeler -directement. - --- Signez, Milord, signez la liberté de Lady de Winter, dit Felton -en poussant un papier vers le duc. - --- De force! vous moquez-vous? holà, Patrick! - --- Signez, Milord! - --- Jamais! - --- Jamais! - --- À moi», cria le duc, et en même temps il sauta sur son épée. - -Mais Felton ne lui donna pas le temps de la tirer: il tenait tout -ouvert et caché dans son pourpoint le couteau dont s'était frappée -Milady; d'un bond il fut sur le duc. - -En ce moment Patrick entrait dans la salle en criant: - -«Milord, une lettre de France! - --- De France!» s'écria Buckingham, oubliant tout en pensant de qui -lui venait cette lettre. - -Felton profita du moment et lui enfonça dans le flanc le couteau -jusqu'au manche. - -«Ah! traître! cria Buckingham, tu m'as tué... - --- Au meurtre!» hurla Patrick. - -Felton jeta les yeux autour de lui pour fuir, et, voyant la porte -libre, s'élança dans la chambre voisine, qui était celle où -attendaient, comme nous l'avons dit, les députés de La Rochelle, -la traversa tout en courant et se précipita vers l'escalier; mais, -sur la première marche, il rencontra Lord de Winter, qui, le -voyant pâle, égaré, livide, taché de sang à la main et à la -figure, lui sauta au cou en s'écriant: - -«Je le savais, je l'avais deviné et j'arrive trop tard d'une -minute! oh! malheureux que je suis!» - -Felton ne fit aucune résistance; Lord de Winter le remit aux mains -des gardes, qui le conduisirent, en attendant de nouveaux ordres, -sur une petite terrasse dominant la mer, et il s'élança dans le -cabinet de Buckingham. - -Au cri poussé par le duc, à l'appel de Patrick, l'homme que Felton -avait rencontré dans l'antichambre se précipita dans le cabinet. - -Il trouva le duc couché sur un sofa, serrant sa blessure dans sa -main crispée. - -«La Porte, dit le duc d'une voix mourante, La Porte, viens-tu de -sa part? - --- Oui, Monseigneur, répondit le fidèle serviteur d'Anne -d'Autriche, mais trop tard peut-être. - --- Silence, La Porte! on pourrait vous entendre; Patrick, ne -laissez entrer personne: oh! je ne saurai pas ce qu'elle me fait -dire! mon Dieu, je me meurs!» - -Et le duc s'évanouit. - -Cependant, Lord de Winter, les députés, les chefs de l'expédition, -les officiers de la maison de Buckingham, avaient fait irruption -dans sa chambre; partout des cris de désespoir retentissaient. La -nouvelle qui emplissait le palais de plaintes et de gémissements -en déborda bientôt partout et se répandit par la ville. - -Un coup de canon annonça qu'il venait de se passer quelque chose -de nouveau et d'inattendu. - -Lord de Winter s'arrachait les cheveux. - -«Trop tard d'une minute! s'écriait-il, trop tard d'une minute! oh! -mon Dieu, mon Dieu, quel malheur!» - -En effet, on était venu lui dire à sept heures du matin qu'une -échelle de corde flottait à une des fenêtres du château; il avait -couru aussitôt à la chambre de Milady, avait trouvé la chambre -vide et la fenêtre ouverte, les barreaux sciés, il s'était rappelé -la recommandation verbale que lui avait fait transmettre -d'Artagnan par son messager, il avait tremblé pour le duc, et, -courant à l'écurie, sans prendre le temps de faire seller son -cheval, avait sauté sur le premier venu, était accouru ventre à -terre, et sautant à bas dans la cour, avait monté précipitamment -l'escalier, et, sur le premier degré, avait, comme nous l'avons -dit, rencontré Felton. - -Cependant le duc n'était pas mort: il revint à lui, rouvrit les -yeux, et l'espoir rentra dans tous les coeurs. - -«Messieurs, dit-il, laissez-moi seul avec Patrick et La Porte. - -«Ah! c'est vous, de Winter! vous m'avez envoyé ce matin un -singulier fou, voyez l'état dans lequel il m'a mis! - --- Oh! Milord! s'écria le baron, je ne m'en consolerai jamais. - --- Et tu aurais tort, mon cher de Winter, dit Buckingham en lui -tendant la main, je ne connais pas d'homme qui mérite d'être -regretté pendant toute la vie d'un autre homme; mais laisse-nous, -je t'en prie.» - -Le baron sortit en sanglotant. - -Il ne resta dans le cabinet que le duc blessé, La Porte et -Patrick. - -On cherchait un médecin, qu'on ne pouvait trouver. - -«Vous vivrez, Milord, vous vivrez, répétait, à genoux devant le -sofa du duc, le messager d'Anne d'Autriche. - --- Que m'écrivait-elle? dit faiblement Buckingham tout ruisselant -de sang et domptant, pour parler de celle qu'il aimait, d'atroces -douleurs, que m'écrivait-elle? Lis-moi sa lettre. - --- Oh! Milord! fit La Porte. - --- Obéis, La Porte; ne vois-tu pas que je n'ai pas de temps à -perdre?» - -La Porte rompit le cachet et plaça le parchemin sous les yeux du -duc; mais Buckingham essaya vainement de distinguer l'écriture. - -«Lis donc, dit-il, lis donc, je n'y vois plus; lis donc! car -bientôt peut-être je n'entendrai plus, et je mourrai sans savoir -ce qu'elle m'a écrit.» - -La Porte ne fit plus de difficulté, et lut: - -«Milord, - -«Par ce que j'ai, depuis que je vous connais, souffert par vous et -pour vous, je vous conjure, si vous avez souci de mon repos, -d'interrompre les grands armements que vous faites contre la -France et de cesser une guerre dont on dit tout haut que la -religion est la cause visible, et tout bas que votre amour pour -moi est la cause cachée. Cette guerre peut non seulement amener -pour la France et pour l'Angleterre de grandes catastrophes, mais -encore pour vous, Milord, des malheurs dont je ne me consolerais -pas. - -«Veillez sur votre vie, que l'on menace et qui me sera chère du -moment où je ne serai pas obligée de voir en vous un ennemi. - -«Votre affectionnée, - -«Anne.» - -Buckingham rappela tous les restes de sa vie pour écouter cette -lecture; puis, lorsqu'elle fut finie, comme s'il eût trouvé dans -cette lettre un amer désappointement: - -«N'avez-vous donc pas autre chose à me dire de vive voix, La -Porte? demanda-t-il. - --- Si fait, Monseigneur: la reine m'avait chargé de vous dire de -veiller sur vous, car elle avait eu avis qu'on voulait vous -assassiner. - --- Et c'est tout, c'est tout? reprit Buckingham avec impatience. - --- Elle m'avait encore chargé de vous dire qu'elle vous aimait -toujours. - --- Ah! fit Buckingham, Dieu soit loué! ma mort ne sera donc pas -pour elle la mort d'un étranger!...» - -La Porte fondit en larmes. - -«Patrick, dit le duc, apportez-moi le coffret où étaient les -ferrets de diamants.» - -Patrick apporta l'objet demandé, que La Porte reconnut pour avoir -appartenu à la reine. - -«Maintenant le sachet de satin blanc, où son chiffre est brodé en -perles.» - -Patrick obéit encore. - -«Tenez, La Porte, dit Buckingham, voici les seuls gages que -j'eusse à elle, ce coffret d'argent, et ces deux lettres. Vous les -rendrez à Sa Majesté; et pour dernier souvenir... (il chercha -autour de lui quelque objet précieux)... vous y joindrez...» - -Il chercha encore; mais ses regards obscurcis par la mort ne -rencontrèrent que le couteau tombé des mains de Felton, et fumant -encore du sang vermeil étendu sur la lame. - -«Et vous y joindrez ce couteau», dit le duc en serrant la main de -La Porte. - -Il put encore mettre le sachet au fond du coffret d'argent, y -laissa tomber le couteau en faisant signe à La Porte qu'il ne -pouvait plus parler; puis, dans une dernière convulsion, que cette -fois il n'avait plus la force de combattre, il glissa du sofa sur -le parquet. - -Patrick poussa un grand cri. - -Buckingham voulut sourire une dernière fois; mais la mort arrêta -sa pensée, qui resta gravée sur son front comme un dernier baiser -d'amour. - -En ce moment le médecin du duc arriva tout effaré; il était déjà à -bord du vaisseau amiral, on avait été obligé d'aller le chercher -là. - -Il s'approcha du duc, prit sa main, la garda un instant dans la -sienne, et la laissa retomber. - -«Tout est inutile, dit-il, il est mort. - --- Mort, mort!» s'écria Patrick. - -À ce cri toute la foule rentra dans la salle, et partout ce ne fut -que consternation et que tumulte. - -Aussitôt que Lord de Winter vit Buckingham expiré, il courut à -Felton, que les soldats gardaient toujours sur la terrasse du -palais. - -«Misérable! dit-il au jeune homme qui, depuis la mort de -Buckingham, avait retrouvé ce calme et ce sang-froid qui ne -devaient plus l'abandonner; misérable! qu'as-tu fait? - --- Je me suis vengé, dit-il. - --- Toi! dit le baron; dis que tu as servi d'instrument à cette -femme maudite; mais je te le jure, ce crime sera son dernier -crime. - --- Je ne sais ce que vous voulez dire, reprit tranquillement -Felton, et j'ignore de qui vous voulez parler, Milord; j'ai tué -M. de Buckingham parce qu'il a refusé deux fois à vous-même de me -nommer capitaine: je l'ai puni de son injustice, voilà tout.» - -De Winter, stupéfait, regardait les gens qui liaient Felton, et ne -savait que penser d'une pareille insensibilité. - -Une seule chose jetait cependant un nuage sur le front pur de -Felton. À chaque bruit qu'il entendait, le naïf puritain croyait -reconnaître les pas et la voix de Milady venant se jeter dans ses -bras pour s'accuser et se perdre avec lui. - -Tout à coup il tressaillit, son regard se fixa sur un point de la -mer, que de la terrasse où il se trouvait on dominait tout -entière; avec ce regard d'aigle du marin, il avait reconnu, là où -un autre n'aurait vu qu'un goéland se balançant sur les flots, la -voile du sloop qui se dirigeait vers les côtes de France. - -Il pâlit, porta la main à son coeur, qui se brisait, et comprit -toute la trahison. - -«Une dernière grâce, Milord! dit-il au baron. - --- Laquelle? demanda celui-ci. - --- Quelle heure est-il?» - -Le baron tira sa montre. - -«Neuf heures moins dix minutes», dit-il. - -Milady avait avancé son départ d'une heure et demie dès qu'elle -avait entendu le coup de canon qui annonçait le fatal événement, -elle avait donné l'ordre de lever l'ancre. - -La barque voguait sous un ciel bleu à une grande distance de la -côte. - -«Dieu l'a voulu», dit Felton avec la résignation du fanatique, -mais cependant sans pouvoir détacher les yeux de cet esquif à bord -duquel il croyait sans doute distinguer le blanc fantôme de celle -à qui sa vie allait être sacrifiée. - -De Winter suivit son regard, interrogea sa souffrance et devina -tout. - -«Sois puni seul d'abord, misérable, dit Lord de Winter à Felton, -qui se laissait entraîner les yeux tournés vers la mer; mais je te -jure, sur la mémoire de mon frère que j'aimais tant, que ta -complice n'est pas sauvée.» - -Felton baissa la tête sans prononcer une syllabe. - -Quant à de Winter, il descendit rapidement l'escalier et se rendit -au port. - - -CHAPITRE LX -EN FRANCE - -La première crainte du roi d'Angleterre, Charles Ier, en apprenant -cette mort, fut qu'une si terrible nouvelle ne décourageât les -Rochelois; il essaya, dit Richelieu dans ses Mémoires, de la leur -cacher le plus longtemps possible, faisant fermer les ports par -tout son royaume, et prenant soigneusement garde qu'aucun vaisseau -ne sortit jusqu'à ce que l'armée que Buckingham apprêtait fût -partie, se chargeant, à défaut de Buckingham, de surveiller lui- -même le départ. - -Il poussa même la sévérité de cet ordre jusqu'à retenir en -Angleterre l'ambassadeur de Danemark, qui avait pris congé, et -l'ambassadeur ordinaire de Hollande, qui devait ramener dans le -port de Flessingue les navires des Indes que Charles Ier avait -fait restituer aux Provinces-Unies. - -Mais comme il ne songea à donner cet ordre que cinq heures après -l'événement, c'est-à-dire à deux heures de l'après-midi, deux -navires étaient déjà sortis du port: l'un emmenant, comme nous le -savons, Milady, laquelle, se doutant déjà de l'événement, fut -encore confirmée dans cette croyance en voyant le pavillon noir se -déployer au mât du vaisseau amiral. - -Quant au second bâtiment, nous dirons plus tard qui il portait et -comment il partit. - -Pendant ce temps, du reste, rien de nouveau au camp de La -Rochelle; seulement le roi, qui s'ennuyait fort, comme toujours, -mais peut-être encore un peu plus au camp qu'ailleurs, résolut -d'aller incognito passer les fêtes de Saint-Louis à Saint-Germain, -et demanda au cardinal de lui faire préparer une escorte de vingt -mousquetaires seulement. Le cardinal, que l'ennui du roi gagnait -quelquefois, accorda avec grand plaisir ce congé à son royal -lieutenant, lequel promit d'être de retour vers le 15 septembre. - -M. de Tréville, prévenu par Son Éminence, fit son portemanteau, et -comme, sans en savoir la cause, il savait le vif désir et même -l'impérieux besoin que ses amis avaient de revenir à Paris, il va -sans dire qu'il les désigna pour faire partie de l'escorte. - -Les quatre jeunes gens surent la nouvelle un quart d'heure après -M. de Tréville, car ils furent les premiers à qui il la -communiqua. Ce fut alors que d'Artagnan apprécia la faveur que lui -avait accordée le cardinal en le faisant enfin passer aux -mousquetaires; sans cette circonstance, il était forcé de rester -au camp tandis que ses compagnons partaient. - -On verra plus tard que cette impatience de remonter vers Paris -avait pour cause le danger que devait courir Mme Bonacieux en se -rencontrant au couvent de Béthune avec Milady, son ennemie -mortelle. Aussi, comme nous l'avons dit, Aramis avait écrit -immédiatement à Marie Michon, cette lingère de Tours qui avait de -si belles connaissances, pour qu'elle obtînt que la reine donnât -l'autorisation à Mme Bonacieux de sortir du couvent et de se -retirer soit en Lorraine, soit en Belgique. La réponse ne s'était -pas fait attendre, et, huit ou dix jours après, Aramis avait reçu -cette lettre: - -«Mon cher cousin, - -«Voici l'autorisation de ma soeur à retirer notre petite servante -du couvent de Béthune, dont vous pensez que l'air est mauvais pour -elle. Ma soeur vous envoie cette autorisation avec grand plaisir, -car elle aime fort cette petite fille, à laquelle elle se réserve -d'être utile plus tard. - -«Je vous embrasse. - -«Marie Michon.» - -À cette lettre était jointe une autorisation ainsi conçue: - -«La supérieure du couvent de Béthune remettra aux mains de la -personne qui lui remettra ce billet la novice qui était entrée -dans son couvent sous ma recommandation et sous mon patronage. - -«Au Louvre, le 10 août 1628. - -«Anne.» - -On comprend combien ces relations de parenté entre Aramis et une -lingère qui appelait la reine sa soeur avaient égayé la verve des -jeunes gens; mais Aramis, après avoir rougi deux ou trois fois -jusqu'au blanc des yeux aux grosses plaisanteries de Porthos, -avait prié ses amis de ne plus revenir sur ce sujet, déclarant que -s'il lui en était dit encore un seul mot, il n'emploierait plus sa -cousine comme intermédiaire dans ces sortes d'affaires. - -Il ne fut donc plus question de Marie Michon entre les quatre -mousquetaires, qui d'ailleurs avaient ce qu'ils voulaient: l'ordre -de tirer Mme Bonacieux du couvent des Carmélites de Béthune. Il -est vrai que cet ordre ne leur servirait pas à grand-chose tant -qu'ils seraient au camp de La Rochelle, c'est-à-dire à l'autre -bout de la France; aussi d'Artagnan allait-il demander un congé à -M. de Tréville, en lui confiant tout bonnement l'importance de son -départ, lorsque cette nouvelle lui fut transmise, ainsi qu'à ses -trois compagnons, que le roi allait partir pour Paris avec une -escorte de vingt mousquetaires, et qu'ils faisaient partie de -l'escorte. - -La joie fut grande. On envoya les valets devant avec les bagages, -et l'on partit le 16 au matin. - -Le cardinal reconduisit Sa Majesté de Surgères à Mauzé, et là, le -roi et son ministre prirent congé l'un de l'autre avec de grandes -démonstrations d'amitié. - -Cependant le roi, qui cherchait de la distraction, tout en -cheminant le plus vite qu'il lui était possible, car il désirait -être arrivé à Paris pour le 23, s'arrêtait de temps en temps pour -voler la pie, passe-temps dont le goût lui avait autrefois été -inspiré par de Luynes, et pour lequel il avait toujours conservé -une grande prédilection. Sur les vingt mousquetaires, seize, -lorsque la chose arrivait, se réjouissaient fort de ce bon temps; -mais quatre maugréaient de leur mieux. D'Artagnan surtout avait -des bourdonnements perpétuels dans les oreilles, ce que Porthos -expliquait ainsi: - -«Une très grande dame m'a appris que cela veut dire que l'on parle -de vous quelque part.» - -Enfin l'escorte traversa Paris le 23, dans la nuit; le roi -remercia M. de Tréville, et lui permit de distribuer des congés -pour quatre jours, à la condition que pas un des favorisés ne -paraîtrait dans un lieu public, sous peine de la Bastille. - -Les quatre premiers congés accordés, comme on le pense bien, -furent à nos quatre amis. Il y a plus, Athos obtint de -M. de Tréville six jours au lieu de quatre et fit mettre dans ces -six jours deux nuits de plus, car ils partirent le 24, à cinq -heures du soir, et par complaisance encore, M. de Tréville -postdata le congé du 25 au matin. - -«Eh, mon Dieu, disait d'Artagnan, qui, comme on le sait, ne -doutait jamais de rien, il me semble que nous faisons bien de -l'embarras pour une chose bien simple: en deux jours, et en -crevant deux ou trois chevaux (peu m'importe: j'ai de l'argent), -je suis à Béthune, je remets la lettre de la reine à la -supérieure, et je ramène le cher trésor que je vais chercher, non -pas en Lorraine, non pas en Belgique, mais à Paris, où il sera -mieux caché, surtout tant que M. le cardinal sera à La Rochelle. -Puis, une fois de retour de la campagne, eh bien, moitié par la -protection de sa cousine, moitié en faveur de ce que nous avons -fait personnellement pour elle, nous obtiendrons de la reine ce -que nous voudrons. Restez donc ici, ne vous épuisez pas de fatigue -inutilement; moi et Planchet, c'est tout ce qu'il faut pour une -expédition aussi simple.» - -À ceci Athos répondit tranquillement: - -«Nous aussi, nous avons de l'argent; car je n'ai pas encore bu -tout à fait le reste du diamant, et Porthos et Aramis ne l'ont pas -tout à fait mangé. Nous crèverons donc aussi bien quatre chevaux -qu'un. Mais songez, d'Artagnan, ajouta-t-il d'une voix si sombre -que son accent donna le frisson au jeune homme, songez que Béthune -est une ville où le cardinal a donné rendez-vous à une femme qui, -partout où elle va, mène le malheur après elle. Si vous n'aviez -affaire qu'à quatre hommes, d'Artagnan, je vous laisserais aller -seul; vous avez affaire à cette femme, allons-y quatre, et plaise -à Dieu qu'avec nos quatre valets nous soyons en nombre suffisant! - --- Vous m'épouvantez, Athos, s'écria d'Artagnan; que craignez-vous -donc, mon Dieu? - --- Tout!» répondit Athos. - -D'Artagnan examina les visages de ses compagnons, qui, comme celui -d'Athos, portaient l'empreinte d'une inquiétude profonde, et l'on -continua la route au plus grand pas des chevaux, mais sans ajouter -une seule parole. - -Le 25 au soir, comme ils entraient à Arras, et comme d'Artagnan -venait de mettre pied à terre à l'auberge de la Herse d'Or pour -boire un verre de vin, un cavalier sortit de la cour de la poste, -où il venait de relayer, prenant au grand galop, et avec un cheval -frais, le chemin de Paris. Au moment où il passait de la grande -porte dans la rue, le vent entrouvrit le manteau dont il était -enveloppé, quoiqu'on fût au mois d'août, et enleva son chapeau, -que le voyageur retint de sa main, au moment où il avait déjà -quitté sa tête, et l'enfonça vivement sur ses yeux. - -D'Artagnan, qui avait les yeux fixés sur cet homme, devint fort -pâle et laissa tomber son verre. - -«Qu'avez-vous, monsieur? dit Planchet... Oh! là, accourez, -messieurs, voilà mon maître qui se trouve mal!» - -Les trois amis accoururent et trouvèrent d'Artagnan qui, au lieu -de se trouver mal, courait à son cheval. Ils l'arrêtèrent sur le -seuil de la porte. - -«Eh bien, où diable vas-tu donc ainsi? lui cria Athos. - --- C'est lui! s'écria d'Artagnan, pâle de colère et la sueur sur -le front, c'est lui! laissez-moi le rejoindre! - --- Mais qui, lui? demanda Athos. - --- Lui, cet homme! - --- Quel homme? - --- Cet homme maudit, mon mauvais génie, que j'ai toujours vu -lorsque j'étais menacé de quelque malheur: celui qui accompagnait -l'horrible femme lorsque je la rencontrai pour la première fois, -celui que je cherchais quand j'ai provoqué Athos, celui que j'ai -vu le matin du jour où Mme Bonacieux a été enlevée! l'homme -de Meung enfin! je l'ai vu, c'est lui! Je l'ai reconnu quand le -vent a entrouvert son manteau. - --- Diable! dit Athos rêveur. - --- En selle, messieurs, en selle; poursuivons-le, et nous le -rattraperons. - --- Mon cher, dit Aramis, songez qu'il va du côté opposé à celui où -nous allons; qu'il a un cheval frais et que nos chevaux sont -fatigués; que par conséquent nous crèverons nos chevaux sans même -avoir la chance de le rejoindre. Laissons l'homme, d'Artagnan, -sauvons la femme. - --- Eh! monsieur! s'écria un garçon d'écurie courant après -l'inconnu, eh! monsieur, voilà un papier qui s'est échappé de -votre chapeau! Eh! monsieur! eh! - --- Mon ami, dit d'Artagnan, une demi-pistole pour ce papier! - --- Ma foi, monsieur, avec grand plaisir! le voici! - -Le garçon d'écurie, enchanté de la bonne journée qu'il avait -faite, rentra dans la cour de l'hôtel: d'Artagnan déplia le -papier. - -«Eh bien? demandèrent ses amis en l'entourant. - --- Rien qu'un mot! dit d'Artagnan. - --- Oui, dit Aramis, mais ce nom est un nom de ville ou de village. - ---«Armentières», lut Porthos. Armentières, je ne connais pas cela! - --- Et ce nom de ville ou de village est écrit de sa main! s'écria -Athos. - --- Allons, allons, gardons soigneusement ce papier, dit -d'Artagnan, peut-être n'ai-je pas perdu ma dernière pistole. À -cheval, mes amis, à cheval!» - -Et les quatre compagnons s'élancèrent au galop sur la route de -Béthune. - - -CHAPITRE LXI -LE COUVENT DES CARMÉLITES DE BÉTHUNE - -Les grands criminels portent avec eux une espèce de prédestination -qui leur fait surmonter tous les obstacles, qui les fait échapper -à tous les dangers, jusqu'au moment que la Providence, lassée, a -marqué pour l'écueil de leur fortune impie. - -Il en était ainsi de Milady: elle passa au travers des croiseurs -des deux nations, et arriva à Boulogne sans aucun accident. - -En débarquant à Portsmouth, Milady était une Anglaise que les -persécutions de la France chassaient de La Rochelle; débarquée à -Boulogne, après deux jours de traversée, elle se fit passer pour -une Française que les Anglais inquiétaient à Portsmouth, dans la -haine qu'ils avaient conçue contre la France. - -Milady avait d'ailleurs le plus efficace des passeports: sa -beauté, sa grande mine et la générosité avec laquelle elle -répandait les pistoles. Affranchie des formalités d'usage par le -sourire affable et les manières galantes d'un vieux gouverneur du -port, qui lui baisa la main, elle ne resta à Boulogne que le temps -de mettre à la poste une lettre ainsi conçue: - -«À Son Éminence Monseigneur le cardinal de Richelieu, en son camp -devant La Rochelle. - -«Monseigneur, que Votre Éminence se rassure, Sa Grâce le duc de -Buckingham ne partira point pour la France. - -«Boulogne, 25 au soir. - -«Milady de *** - -«P. -S. -- Selon les désirs de Votre Éminence, je me rends au -couvent des Carmélites de Béthune où j'attendrai ses ordres.» - -Effectivement, le même soir, Milady se mit en route; la nuit la -prit: elle s'arrêta et coucha dans une auberge; puis, le -lendemain, à cinq heures du matin, elle partit, et trois heures -après, elle entra à Béthune. - -Elle se fit indiquer le couvent des Carmélites et y entra -aussitôt. - -La supérieure vint au-devant d'elle; Milady lui montra l'ordre du -cardinal, l'abbesse lui fit donner une chambre et servir à -déjeuner. - -Tout le passé s'était déjà effacé aux yeux de cette femme, et, le -regard fixé vers l'avenir, elle ne voyait que la haute fortune que -lui réservait le cardinal, qu'elle avait si heureusement servi, -sans que son nom fût mêlé en rien à toute cette sanglante affaire. -Les passions toujours nouvelles qui la consumaient donnaient à sa -vie l'apparence de ces nuages qui volent dans le ciel, reflétant -tantôt l'azur, tantôt le feu, tantôt le noir opaque de la tempête, -et qui ne laissent d'autres traces sur la terre que la dévastation -et la mort. - -Après le déjeuner, l'abbesse vint lui faire sa visite; il y a peu -de distraction au cloître, et la bonne supérieure avait hâte de -faire connaissance avec sa nouvelle pensionnaire. - -Milady voulait plaire à l'abbesse; or, c'était chose facile à -cette femme si réellement supérieure; elle essaya d'être aimable: -elle fut charmante et séduisit la bonne supérieure par sa -conversation si variée et par les grâces répandues dans toute sa -personne. - -L'abbesse, qui était une fille de noblesse, aimait surtout les -histoires de cour, qui parviennent si rarement jusqu'aux -extrémités du royaume et qui, surtout, ont tant de peine à -franchir les murs des couvents, au seuil desquels viennent expirer -les bruits du monde. - -Milady, au contraire, était fort au courant de toutes les -intrigues aristocratiques, au milieu desquelles, depuis cinq ou -six ans, elle avait constamment vécu, elle se mit donc à -entretenir la bonne abbesse des pratiques mondaines de la cour de -France, mêlées aux dévotions outrées du roi, elle lui fit la -chronique scandaleuse des seigneurs et des dames de la cour, que -l'abbesse connaissait parfaitement de nom, toucha légèrement les -amours de la reine et de Buckingham, parlant beaucoup pour qu'on -parlât un peu. - -Mais l'abbesse se contenta d'écouter et de sourire, le tout sans -répondre. Cependant, comme Milady vit que ce genre de récit -l'amusait fort, elle continua; seulement, elle fit tomber la -conversation sur le cardinal. - -Mais elle était fort embarrassée; elle ignorait si l'abbesse était -royaliste ou cardinaliste: elle se tint dans un milieu prudent; -mais l'abbesse, de son côté, se tint dans une réserve plus -prudente encore, se contentant de faire une profonde inclination -de tête toutes les fois que la voyageuse prononçait le nom de Son -Éminence. - -Milady commença à croire qu'elle s'ennuierait fort dans le -couvent; elle résolut donc de risquer quelque chose pour savoir de -suite à quoi s'en tenir. Voulant voir jusqu'où irait la discrétion -de cette bonne abbesse, elle se mit à dire un mal, très dissimulé -d'abord, puis très circonstancié du cardinal, racontant les amours -du ministre avec Mme d'Aiguillon, avec Marion de Lorme et avec -quelques autres femmes galantes. - -L'abbesse écouta plus attentivement, s'anima peu à peu et sourit. - -«Bon, dit Milady, elle prend goût à mon discours; si elle est -cardinaliste, elle n'y met pas de fanatisme au moins.» - -Alors elle passa aux persécutions exercées par le cardinal sur ses -ennemis. L'abbesse se contenta de se signer, sans approuver ni -désapprouver. - -Cela confirma Milady dans son opinion que la religieuse était -plutôt royaliste que cardinaliste. Milady continua, renchérissant -de plus en plus. - -«Je suis fort ignorante de toutes ces matières-là, dit enfin -l'abbesse, mais tout éloignées que nous sommes de la cour, tout en -dehors des intérêts du monde où nous nous trouvons placées, nous -avons des exemples fort tristes de ce que vous nous racontez là; -et l'une de nos pensionnaires a bien souffert des vengeances et -des persécutions de M. le cardinal. - --- Une de vos pensionnaires, dit Milady; oh! mon Dieu! pauvre -femme, je la plains alors. - --- Et vous avez raison, car elle est bien à plaindre: prison, -menaces, mauvais traitements, elle a tout souffert. Mais, après -tout, reprit l'abbesse, M. le cardinal avait peut-être des motifs -plausibles pour agir ainsi, et quoiqu'elle ait l'air d'un ange, il -ne faut pas toujours juger les gens sur la mine.» - -«Bon! dit Milady à elle-même, qui sait! je vais peut-être -découvrir quelque chose ici, je suis en veine.» - -Et elle s'appliqua à donner à son visage une expression de candeur -parfaite. - -«Hélas! dit Milady, je le sais; on dit cela, qu'il ne faut pas -croire aux physionomies; mais à quoi croira-t-on cependant, si ce -n'est au plus bel ouvrage du Seigneur? Quant à moi, je serai -trompée toute ma vie peut-être; mais je me fierai toujours à une -personne dont le visage m'inspirera de la sympathie. - --- Vous seriez donc tentée de croire, dit l'abbesse, que cette -jeune femme est innocente? - --- M. le cardinal ne punit pas que les crimes, dit-elle; il y a -certaines vertus qu'il poursuit plus sévèrement que certains -forfaits. - --- Permettez-moi, madame, de vous exprimer ma surprise, dit -l'abbesse. - --- Et sur quoi? demanda Milady avec naïveté. - --- Mais sur le langage que vous tenez. - --- Que trouvez-vous d'étonnant à ce langage? demanda en souriant -Milady. - --- Vous êtes l'amie du cardinal, puisqu'il vous envoie ici, et -cependant... - --- Et cependant j'en dis du mal, reprit Milady, achevant la pensée -de la supérieure. - --- Au moins n'en dites-vous pas de bien. - --- C'est que je ne suis pas son amie, dit-elle en soupirant, mais -sa victime. - --- Mais cependant cette lettre par laquelle il vous recommande à -moi?... - --- Est un ordre à moi de me tenir dans une espèce de prison dont -il me fera tirer par quelques-uns de ses satellites. - --- Mais pourquoi n'avez-vous pas fui? - --- Où irais-je? croyez-vous qu'il y ait un endroit de la terre où -ne puisse atteindre le cardinal, s'il veut se donner la peine de -tendre la main? Si j'étais un homme, à la rigueur cela serait -possible encore; mais une femme, que voulez-vous que fasse une -femme? Cette jeune pensionnaire que vous avez ici a-t-elle essayé -de fuir, elle? - --- Non, c'est vrai; mais elle, c'est autre chose, je la crois -retenue en France par quelque amour. - --- Alors, dit Milady avec un soupir, si elle aime, elle n'est pas -tout à fait malheureuse. - --- Ainsi, dit l'abbesse en regardant Milady avec un intérêt -croissant, c'est encore une pauvre persécutée que je vois? - --- Hélas, oui, dit Milady. - -L'abbesse regarda un instant Milady avec inquiétude, comme si une -nouvelle pensée surgissait dans son esprit. - -«Vous n'êtes pas ennemie de notre sainte foi? dit-elle en -balbutiant. - --- Moi, s'écria Milady, moi, protestante! Oh! non, j'atteste le -Dieu qui nous entend que je suis au contraire fervente catholique. - --- Alors, madame, dit l'abbesse en souriant, rassurez-vous; la -maison où vous êtes ne sera pas une prison bien dure, et nous -ferons tout ce qu'il faudra pour vous faire chérir la captivité. -Il y a plus, vous trouverez ici cette jeune femme persécutée sans -doute par suite de quelque intrigue de cour. Elle est aimable, -gracieuse. - --- Comment la nommez-vous? - --- Elle m'a été recommandée par quelqu'un de très haut placé, sous -le nom de Ketty. Je n'ai pas cherché à savoir son autre nom. - --- Ketty! s'écria Milady; quoi! vous êtes sûre?... - --- Qu'elle se fait appeler ainsi? Oui, madame, la connaîtriez- -vous?» - -Milady sourit à elle-même et à l'idée qui lui était venue que -cette jeune femme pouvait être son ancienne camérière. Il se -mêlait au souvenir de cette jeune fille un souvenir de colère, et -un désir de vengeance avait bouleversé les traits de Milady, qui -reprirent au reste presque aussitôt l'expression calme et -bienveillante que cette femme aux cent visages leur avait -momentanément fait perdre. - -«Et quand pourrai-je voir cette jeune dame, pour laquelle je me -sens déjà une si grande sympathie? demanda Milady. - --- Mais, ce soir, dit l'abbesse, dans la journée même. Mais vous -voyagez depuis quatre jours, m'avez-vous dit vous-même; ce matin -vous vous êtes levée à cinq heures, vous devez avoir besoin de -repos. Couchez-vous et dormez, à l'heure du dîner nous vous -réveillerons.» - -Quoique Milady eût très bien pu se passer de sommeil, soutenue -qu'elle était par toutes les excitations qu'une aventure nouvelle -faisait éprouver à son coeur avide d'intrigues, elle n'en accepta -pas moins l'offre de la supérieure: depuis douze ou quinze jours -elle avait passé par tant d'émotions diverses que, si son corps de -fer pouvait encore soutenir la fatigue, son âme avait besoin de -repos. - -Elle prit donc congé de l'abbesse et se coucha, doucement bercée -par les idées de vengeance auxquelles l'avait tout naturellement -ramenée le nom de Ketty. Elle se rappelait cette promesse presque -illimitée que lui avait faite le cardinal, si elle réussissait -dans son entreprise. Elle avait réussi, elle pourrait donc se -venger de d'Artagnan. - -Une seule chose épouvantait Milady, c'était le souvenir de son -mari! le comte de La Fère, qu'elle avait cru mort ou du moins -expatrié, et qu'elle retrouvait dans Athos, le meilleur ami de -d'Artagnan. - -Mais aussi, s'il était l'ami de d'Artagnan, il avait dû lui prêter -assistance dans toutes les menées à l'aide desquelles la reine -avait déjoué les projets de Son Éminence; s'il était l'ami de -d'Artagnan, il était l'ennemi du cardinal; et sans doute elle -parviendrait à l'envelopper dans la vengeance aux replis de -laquelle elle comptait étouffer le jeune mousquetaire. - -Toutes ces espérances étaient de douces pensées pour Milady; -aussi, bercée par elles, s'endormit-elle bientôt. - -Elle fut réveillée par une voix douce qui retentit au pied de son -lit. Elle ouvrit les yeux, et vit l'abbesse accompagnée d'une -jeune femme aux cheveux blonds, au teint délicat, qui fixait sur -elle un regard plein d'une bienveillante curiosité. - -La figure de cette jeune femme lui était complètement inconnue; -toutes deux s'examinèrent avec une scrupuleuse attention, tout en -échangeant les compliments d'usage: toutes deux étaient fort -belles, mais de beautés tout à fait différentes. Cependant Milady -sourit en reconnaissant qu'elle l'emportait de beaucoup sur la -jeune femme en grand air et en façons aristocratiques. Il est vrai -que l'habit de novice que portait la jeune femme n'était pas très -avantageux pour soutenir une lutte de ce genre. - -L'abbesse les présenta l'une à l'autre; puis, lorsque cette -formalité fut remplie, comme ses devoirs l'appelaient à l'église, -elle laissa les deux jeunes femmes seules. - -La novice, voyant Milady couchée, voulait suivre la supérieure, -mais Milady la retint. - -«Comment, madame, lui dit-elle, à peine vous ai-je aperçue et vous -voulez déjà me priver de votre présence, sur laquelle je comptais -cependant un peu, je vous l'avoue, pour le temps que j'ai à passer -ici? - --- Non, madame, répondit la novice, seulement je craignais d'avoir -mal choisi mon temps: vous dormiez, vous êtes fatiguée. - --- Eh bien, dit Milady, que peuvent demander les gens qui dorment? -un bon réveil. Ce réveil, vous me l'avez donné; laissez-moi en -jouir tout à mon aise.» - -Et lui prenant la main, elle l'attira sur un fauteuil qui était -près de son lit. - -La novice s'assit. - -«Mon Dieu! dit-elle, que je suis malheureuse! voilà six mois que -je suis ici, sans l'ombre d'une distraction, vous arrivez, votre -présence allait être pour moi une compagnie charmante, et voilà -que, selon toute probabilité, d'un moment à l'autre je vais -quitter le couvent! - --- Comment! dit Milady, vous sortez bientôt? - --- Du moins je l'espère, dit la novice avec une expression de joie -qu'elle ne cherchait pas le moins du monde à déguiser. - --- Je crois avoir appris que vous aviez souffert de la part du -cardinal, continua Milady; c'eût été un motif de plus de sympathie -entre nous. - --- Ce que m'a dit notre bonne mère est donc la vérité, que vous -étiez aussi une victime de ce méchant cardinal? - --- Chut! dit Milady, même ici ne parlons pas ainsi de lui; tous -mes malheurs viennent d'avoir dit à peu près ce que vous venez de -dire, devant une femme que je croyais mon amie et qui m'a trahie. -Et vous êtes aussi, vous, la victime d'une trahison? - --- Non, dit la novice, mais de mon dévouement à une femme que -j'aimais, pour qui j'eusse donné ma vie, pour qui je la donnerais -encore. - --- Et qui vous a abandonnée, c'est cela! - --- J'ai été assez injuste pour le croire, mais depuis deux ou -trois jours j'ai acquis la preuve du contraire, et j'en remercie -Dieu; il m'aurait coûté de croire qu'elle m'avait oubliée. Mais -vous, madame, continua la novice, il me semble que vous êtes -libre, et que si vous vouliez fuir, il ne tiendrait qu'à vous. - --- Où voulez-vous que j'aille, sans amis, sans argent, dans une -partie de la France que je ne connais pas, où je ne suis jamais -venue?... - --- Oh! s'écria la novice, quant à des amis, vous en aurez partout -où vous vous montrerez, vous paraissez si bonne et vous êtes si -belle! - --- Cela n'empêche pas, reprit Milady en adoucissant son sourire de -manière à lui donner une expression angélique, que je suis seule -et persécutée. - --- Écoutez, dit la novice, il faut avoir bon espoir dans le Ciel, -voyez-vous; il vient toujours un moment où le bien que l'on a fait -plaide votre cause devant Dieu, et, tenez, peut-être est-ce un -bonheur pour vous, tout humble et sans pouvoir que je suis, que -vous m'ayez rencontrée: car, si je sors d'ici, eh bien, j'aurai -quelques amis puissants, qui, après s'être mis en campagne pour -moi, pourront aussi se mettre en campagne pour vous. - --- Oh! quand j'ai dit que j'étais seule, dit Milady, espérant -faire parler la novice en parlant d'elle-même, ce n'est pas faute -d'avoir aussi quelques connaissances haut placées; mais ces -connaissances tremblent elles-mêmes devant le cardinal: la reine -elle-même n'ose pas soutenir contre le terrible ministre; j'ai la -preuve que Sa Majesté, malgré son excellent coeur, a plus d'une -fois été obligée d'abandonner à la colère de Son Éminence les -personnes qui l'avaient servie. - --- Croyez-moi, madame, la reine peut avoir l'air d'avoir abandonné -ces personnes-là; mais il ne faut pas en croire l'apparence: plus -elles sont persécutées, plus elle pense à elles, et souvent, au -moment où elles y pensent le moins, elles ont la preuve d'un bon -souvenir. - --- Hélas! dit Milady, je le crois: la reine est si bonne. - --- Oh! vous la connaissez donc, cette belle et noble reine, que -vous parlez d'elle ainsi! s'écria la novice avec enthousiasme. - --- C'est-à-dire, reprit Milady, poussée dans ses retranchements, -qu'elle, personnellement, je n'ai pas l'honneur de la connaître; -mais je connais bon nombre de ses amis les plus intimes: je -connais M. de Putange; j'ai connu en Angleterre M. Dujart; je -connais M. de Tréville. - --- M. de Tréville! s'écria la novice, vous connaissez -M. de Tréville? - --- Oui, parfaitement, beaucoup même. - --- Le capitaine des mousquetaires du roi? - --- Le capitaine des mousquetaires du roi. - --- Oh! mais vous allez voir, s'écria la novice, que tout à l'heure -nous allons être des connaissances achevées, presque des amies; si -vous connaissez M. de Tréville, vous avez dû aller chez lui? - --- Souvent! dit Milady, qui, entrée dans cette voie, et -s'apercevant que le mensonge réussissait, voulait le pousser -jusqu'au bout. - --- Chez lui, vous avez dû voir quelques-uns de ses mousquetaires? - --- Tous ceux qu'il reçoit habituellement! répondit Milady, pour -laquelle cette conversation commençait à prendre un intérêt réel. - --- Nommez-moi quelques-uns de ceux que vous connaissez, et vous -verrez qu'ils seront de mes amis. - --- Mais, dit Milady embarrassée, je connais M. de Louvigny, -M. de Courtivron, M. de Férussac.» - -La novice la laissa dire; puis, voyant qu'elle s'arrêtait: - -«Vous ne connaissez pas, dit-elle, un gentilhomme nommé Athos?» - -Milady devint aussi pâle que les draps dans lesquels elle était -couchée, et, si maîtresse qu'elle fût d'elle-même, ne put -s'empêcher de pousser un cri en saisissant la main de son -interlocutrice et en la dévorant du regard. - -«Quoi! qu'avez-vous? Oh! mon Dieu! demanda cette pauvre femme, ai- -je donc dit quelque chose qui vous ait blessée? - --- Non, mais ce nom m'a frappée, parce que, moi aussi j'ai connu -ce gentilhomme, et qu'il me paraît étrange de trouver quelqu'un -qui le connaisse beaucoup. - --- Oh! oui! beaucoup! beaucoup! non seulement lui, mais encore ses -amis: MM. Porthos et Aramis! - --- En vérité! eux aussi je les connais! s'écria Milady, qui sentit -le froid pénétrer jusqu'à son coeur. - --- Eh bien, si vous les connaissez, vous devez savoir qu'ils sont -bons et francs compagnons; que ne vous adressez-vous à eux, si -vous avez besoin d'appui? - --- C'est-à-dire, balbutia Milady, je ne suis liée réellement avec -aucun d'eux; je les connais pour en avoir beaucoup entendu parler -par un de leurs amis, M. d'Artagnan. - --- Vous connaissez M. d'Artagnan!» s'écria la novice à son tour, -en saisissant la main de Milady et en la dévorant des yeux. - -Puis, remarquant l'étrange expression du regard de Milady: - -«Pardon, madame, dit-elle, vous le connaissez, à quel titre? - --- Mais, reprit Milady embarrassée, mais à titre d'ami. - --- Vous me trompez, madame, dit la novice; vous avez été sa -maîtresse. - --- C'est vous qui l'avez été, madame, s'écria Milady à son tour. - --- Moi! dit la novice. - --- Oui, vous; je vous connais maintenant: vous êtes madame -Bonacieux.» - -La jeune femme se recula, pleine de surprise et de terreur. - -«Oh! ne niez pas! répondez, reprit Milady. - --- Eh bien, oui, madame! je l'aime, dit la novice; sommes-nous -rivales?» - -La figure de Milady s'illumina d'un feu tellement sauvage que, -dans toute autre circonstance, Mme Bonacieux se fût enfuie -d'épouvante; mais elle était toute à sa jalousie. - -«Voyons, dites, madame, reprit Mme Bonacieux avec une énergie dont -on l'eût crue incapable, avez-vous été ou êtes-vous sa maîtresse? - --- Oh! non! s'écria Milady avec un accent qui n'admettait pas le -doute sur sa vérité, jamais! jamais! - --- Je vous crois, dit Mme Bonacieux; mais pourquoi donc alors vous -êtes-vous écriée ainsi? - --- Comment, vous ne comprenez pas! dit Milady, qui était déjà -remise de son trouble, et qui avait retrouvé toute sa présence -d'esprit. - --- Comment voulez-vous que je comprenne? je ne sais rien. - --- Vous ne comprenez pas que M. d'Artagnan étant mon ami, il -m'avait prise pour confidente? - --- Vraiment! - --- Vous ne comprenez pas que je sais tout, votre enlèvement de la -petite maison de Saint-Germain, son désespoir, celui de ses amis, -leurs recherches inutiles depuis ce moment! Et comment ne voulez- -vous pas que je m'en étonne, quand, sans m'en douter, je me trouve -en face de vous, de vous dont nous avons parlé si souvent -ensemble, de vous qu'il aime de toute la force de son âme, de vous -qu'il m'avait fait aimer avant que je vous eusse vue? Ah! chère -Constance, je vous trouve donc, je vous vois donc enfin!» - -Et Milady tendit ses bras à Mme Bonacieux, qui, convaincue par ce -qu'elle venait de lui dire, ne vit plus dans cette femme, qu'un -instant auparavant elle avait crue sa rivale, qu'une amie sincère -et dévouée. - -«Oh! pardonnez-moi! pardonnez-moi! s'écria-t-elle en se laissant -aller sur son épaule, je l'aime tant!» - -Ces deux femmes se tinrent un instant embrassées. Certes, si les -forces de Milady eussent été à la hauteur de sa haine, -Mme Bonacieux ne fût sortie que morte de cet embrassement. Mais, -ne pouvant pas l'étouffer, elle lui sourit. - -«O chère belle! chère bonne petite! dit Milady, que je suis -heureuse de vous voir! Laissez-moi vous regarder. Et, en disant -ces mots, elle la dévorait effectivement du regard. Oui, c'est -bien vous. Ah! d'après ce qu'il m'a dit, je vous reconnais à cette -heure, je vous reconnais parfaitement.» - -La pauvre jeune femme ne pouvait se douter de ce qui se passait -d'affreusement cruel derrière le rempart de ce front pur, derrière -ces yeux si brillants où elle ne lisait que de l'intérêt et de la -compassion. - -«Alors vous savez ce que j'ai souffert, dit Mme Bonacieux, -puisqu'il vous a dit ce qu'il souffrait; mais souffrir pour lui, -c'est du bonheur.» - -Milady reprit machinalement: - -«Oui, c'est du bonheur.» - -Elle pensait à autre chose. - -«Et puis, continua Mme Bonacieux, mon supplice touche à son terme; -demain, ce soir peut-être, je le reverrai, et alors le passé -n'existera plus. - --- Ce soir? demain? s'écria Milady tirée de sa rêverie par ces -paroles, que voulez-vous dire? attendez-vous quelque nouvelle de -lui? - --- Je l'attends lui-même. - --- Lui-même; d'Artagnan, ici! - --- Lui-même. - --- Mais, c'est impossible! il est au siège de La Rochelle avec le -cardinal; il ne reviendra à Paris qu'après la prise de la ville. - --- Vous le croyez ainsi, mais est-ce qu'il y a quelque chose -d'impossible à mon d'Artagnan, le noble et loyal gentilhomme! - --- Oh! je ne puis vous croire! - --- Eh bien, lisez donc!» dit, dans l'excès de son orgueil et de sa -joie, la malheureuse jeune femme en présentant une lettre à -Milady. - -«L'écriture de Mme de Chevreuse! se dit en elle-même Milady. Ah! -j'étais bien sûre qu'ils avaient des intelligences de ce côté-là!» - -Et elle lut avidement ces quelques lignes: - -«Ma chère enfant, tenez-vous prête; notre ami vous verra bientôt, -et il ne vous verra que pour vous arracher de la prison où votre -sûreté exigeait que vous fussiez cachée: préparez-vous donc au -départ et ne désespérez jamais de nous. - -«Notre charmant Gascon vient de se montrer brave et fidèle comme -toujours, dites-lui qu'on lui est bien reconnaissant quelque part -de l'avis qu'il a donné.» - -«Oui, oui, dit Milady, oui, la lettre est précise. Savez-vous quel -est cet avis? - --- Non. Je me doute seulement qu'il aura prévenu la reine de -quelque nouvelle machination du cardinal. - --- Oui, c'est cela sans doute!» dit Milady en rendant la lettre à -Mme Bonacieux et en laissant retomber sa tête pensive sur sa -poitrine. - -En ce moment on entendit le galop d'un cheval. - -«Oh! s'écria Mme Bonacieux en s'élançant à la fenêtre, serait-ce -déjà lui?» - -Milady était restée dans son lit, pétrifiée par la surprise; tant -de choses inattendues lui arrivaient tout à coup, que pour la -première fois la tête lui manquait. - -«Lui! lui! murmura-t-elle, serait-ce lui?» - -Et elle demeurait dans son lit les yeux fixes. - -«Hélas, non! dit Mme Bonacieux, c'est un homme que je ne connais -pas, et qui cependant a l'air de venir ici; oui, il ralentit sa -course, il s'arrête à la porte, il sonne. - -Milady sauta hors de son lit. - -«Vous êtes bien sûre que ce n'est pas lui? dit-elle. - --- Oh! oui, bien sûre! - --- Vous avez peut-être mal vu. - --- Oh! je verrais la plume de son feutre, le bout de son manteau, -que je le reconnaîtrais, lui! - -Milady s'habillait toujours. - -«N'importe! cet homme vient ici, dites-vous? - --- Oui, il est entré. - --- C'est ou pour vous ou pour moi. - --- Oh! mon Dieu, comme vous semblez agitée! - --- Oui, je l'avoue, je n'ai pas votre confiance, je crains tout du -cardinal. - --- Chut! dit Mme Bonacieux, on vient!» - -Effectivement, la porte s'ouvrit, et la supérieure entra. - -«Est-ce vous qui arrivez de Boulogne? demanda-t-elle à Milady. - --- Oui, c'est moi, répondit celle-ci, et, tâchant de ressaisir son -sang-froid, qui me demande? - --- Un homme qui ne veut pas dire son nom, mais qui vient de la -part du cardinal. - --- Et qui veut me parler? demanda Milady. - --- Qui veut parler à une dame arrivant de Boulogne. - --- Alors faites entrer, madame, je vous prie. - --- Oh! mon Dieu! mon Dieu! dit Mme Bonacieux, serait-ce quelque -mauvaise nouvelle? - --- J'en ai peur. - --- Je vous laisse avec cet étranger, mais aussitôt son départ, si -vous le permettez, je reviendrai. - --- Comment donc! je vous en prie.» - -La supérieure et Mme Bonacieux sortirent. - -Milady resta seule, les yeux fixés sur la porte; un instant après -on entendit le bruit d'éperons qui retentissaient sur les -escaliers, puis les pas se rapprochèrent, puis la porte s'ouvrit, -et un homme parut. - -Milady jeta un cri de joie: cet homme c'était le comte de -Rochefort, l'âme damnée de Son Éminence. - - -CHAPITRE LXII -DEUX VARIÉTÉS DE DÉMONS - -«Ah! s'écrièrent ensemble Rochefort et Milady, c'est vous! - --- Oui, c'est moi. - --- Et vous arrivez...? demanda Milady. - --- De La Rochelle, et vous? - --- D'Angleterre. - --- Buckingham? - --- Mort ou blessé dangereusement; comme je partais sans avoir rien -pu obtenir de lui, un fanatique venait de l'assassiner. - --- Ah! fit Rochefort avec un sourire, voilà un hasard bien -heureux! et qui satisfera Son Éminence! L'avez-vous prévenue? - --- Je lui ai écrit de Boulogne. Mais comment êtes-vous ici? - --- Son Éminence, inquiète, m'a envoyé à votre recherche. - --- Je suis arrivée d'hier seulement. - --- Et qu'avez-vous fait depuis hier? - --- Je n'ai pas perdu mon temps. - --- Oh! je m'en doute bien! - --- Savez-vous qui j'ai rencontré ici? - --- Non. - --- Devinez. - --- Comment voulez-vous?... - --- Cette jeune femme que la reine a tirée de prison. - --- La maîtresse du petit d'Artagnan? - --- Oui, Mme Bonacieux, dont le cardinal ignorait la retraite. - --- Eh bien, dit Rochefort, voilà encore un hasard qui peut aller -de pair avec l'autre, M. le cardinal est en vérité un homme -privilégié. - --- Comprenez-vous mon étonnement, continua Milady, quand je me -suis trouvée face à face avec cette femme? - --- Vous connaît-elle? - --- Non. - --- Alors elle vous regarde comme une étrangère?» - -Milady sourit. - -«Je suis sa meilleure amie! - --- Sur mon honneur, dit Rochefort, il n'y a que vous, ma chère -comtesse, pour faire de ces miracles-là. - --- Et bien m'en a pris, chevalier, dit Milady, car savez-vous ce -qui se passe? - --- Non. - --- On va la venir chercher demain ou après-demain avec un ordre de -la reine. - --- Vraiment? et qui cela? - --- D'Artagnan et ses amis. - --- En vérité ils en feront tant, que nous serons obligés de les -envoyer à la Bastille. - --- Pourquoi n'est-ce point déjà fait? - --- Que voulez-vous! parce que M. le cardinal a pour ces hommes une -faiblesse que je ne comprends pas. - --- Vraiment? - --- Oui. - --- Eh bien, dites-lui ceci, Rochefort: dites-lui que notre -conversation à l'auberge du Colombier-Rouge a été entendue par ces -quatre hommes; dites-lui qu'après son départ l'un d'eux est monté -et m'a arraché par violence le sauf-conduit qu'il m'avait donné; -dites-lui qu'ils avaient fait prévenir Lord de Winter de mon -passage en Angleterre; que, cette fois encore, ils ont failli -faire échouer ma mission, comme ils ont fait échouer celle des -ferrets; dites-lui que parmi ces quatre hommes, deux seulement -sont à craindre, d'Artagnan et Athos; dites-lui que le troisième, -Aramis, est l'amant de Mme de Chevreuse: il faut laisser vivre -celui-là, on sait son secret, il peut être utile; quant au -quatrième, Porthos, c'est un sot, un fat et un niais, qu'il ne -s'en occupe même pas. - --- Mais ces quatre hommes doivent être à cette heure au siège de -La Rochelle. - --- Je le croyais comme vous; mais une lettre que Mme Bonacieux a -reçue de Mme de Chevreuse, et qu'elle a eu l'imprudence de me -communiquer, me porte à croire que ces quatre hommes au contraire -sont en campagne pour la venir enlever. - --- Diable! comment faire? - --- Que vous a dit le cardinal à mon égard? - --- De prendre vos dépêches écrites ou verbales, de revenir en -poste, et, quand il saura ce que vous avez fait, il avisera à ce -que vous devez faire. - --- Je dois donc rester ici? demanda Milady. - --- Ici ou dans les environs. - --- Vous ne pouvez m'emmener avec vous? - --- Non, l'ordre est formel: aux environs du camp, vous pourriez -être reconnue, et votre présence, vous le comprenez, -compromettrait Son Éminence, surtout après ce qui vient de se -passer là-bas. Seulement, dites-moi d'avance où vous attendrez des -nouvelles du cardinal, que je sache toujours où vous retrouver. - --- Écoutez, il est probable que je ne pourrai rester ici. - --- Pourquoi? - --- Vous oubliez que mes ennemis peuvent arriver d'un moment à -l'autre. - --- C'est vrai; mais alors cette petite femme va échapper à Son -Éminence? - --- Bah! dit Milady avec un sourire qui n'appartenait qu'à elle, -vous oubliez que je suis sa meilleure amie. - --- Ah! c'est vrai! je puis donc dire au cardinal, à l'endroit de -cette femme... - --- Qu'il soit tranquille. - --- Voilà tout? - --- Il saura ce que cela veut dire. - --- Il le devinera. Maintenant, voyons, que dois-je faire? - --- Repartir à l'instant même; il me semble que les nouvelles que -vous reportez valent bien la peine que l'on fasse diligence. - --- Ma chaise s'est cassée en entrant à Lillers. - --- À merveille! - --- Comment, à merveille? - --- Oui, j'ai besoin de votre chaise, moi, dit la comtesse. - --- Et comment partirai-je, alors? - --- À franc étrier. - --- Vous en parlez bien à votre aise, cent quatre-vingts lieues. - --- Qu'est-ce que cela? - --- On les fera. Après? - --- Après: en passant à Lillers, vous me renvoyez la chaise avec -ordre à votre domestique de se mettre à ma disposition. - --- Bien. - --- Vous avez sans doute sur vous quelque ordre du cardinal? - --- J'ai mon plein pouvoir. - --- Vous le montrez à l'abbesse, et vous dites qu'on viendra me -chercher, soit aujourd'hui, soit demain, et que j'aurai à suivre -la personne qui se présentera en votre nom. - --- Très bien! - --- N'oubliez pas de me traiter durement en parlant de moi à -l'abbesse. - --- À quoi bon? - --- Je suis une victime du cardinal. Il faut bien que j'inspire de -la confiance à cette pauvre petite Mme Bonacieux. - --- C'est juste. Maintenant voulez-vous me faire un rapport de tout -ce qui est arrivé? - --- Mais je vous ai raconté les événements, vous avez bonne -mémoire, répétez les choses comme je vous les ai dites, un papier -se perd. - --- Vous avez raison; seulement que je sache où vous retrouver, que -je n'aille pas courir inutilement dans les environs. - --- C'est juste, attendez. - --- Voulez-vous une carte? - --- Oh! je connais ce pays à merveille. - --- Vous? quand donc y êtes-vous venue? - --- J'y ai été élevée. - --- Vraiment? - --- C'est bon à quelque chose, vous le voyez, que d'avoir été -élevée quelque part. - --- Vous m'attendrez donc...? - --- Laissez-moi réfléchir un instant; eh! tenez, à Armentières. - --- Qu'est-ce que cela, Armentières? - --- Une petite ville sur la Lys! je n'aurai qu'à traverser la -rivière et je suis en pays étranger. - --- À merveille! mais il est bien entendu que vous ne traverserez -la rivière qu'en cas de danger. - --- C'est bien entendu. - --- Et, dans ce cas, comment saurai-je où vous êtes? - --- Vous n'avez pas besoin de votre laquais? - --- Non. - --- C'est un homme sûr? - --- À l'épreuve. - --- Donnez-le-moi; personne ne le connaît, je le laisse à l'endroit -que je quitte, et il vous conduit où je suis. - --- Et vous dites que vous m'attendez à Argentières? - --- À Armentières, répondit Milady. - --- Écrivez-moi ce nom-là sur un morceau de papier, de peur que je -l'oublie; ce n'est pas compromettant, un nom de ville, n'est-ce -pas? - --- Eh, qui sait? N'importe, dit Milady en écrivant le nom sur une -demi-feuille de papier, je me compromets. - --- Bien! dit Rochefort en prenant des mains de Milady le papier, -qu'il plia et qu'il enfonça dans la coiffe de son feutre; -d'ailleurs, soyez tranquille, je vais faire comme les enfants, et, -dans le cas où je perdrais ce papier, répéter le nom tout le long -de la route. Maintenant est-ce tout? - --- Je le crois. - --- Cherchons bien: Buckingham mort ou grièvement blessé; votre -entretien avec le cardinal entendu des quatre mousquetaires; Lord -de Winter prévenu de votre arrivée à Portsmouth; d'Artagnan et -Athos à la Bastille; Aramis l'amant de Mme de Chevreuse; Porthos -un fat; Mme Bonacieux retrouvée; vous envoyer la chaise le plus -tôt possible; mettre mon laquais à votre disposition; faire de -vous une victime du cardinal, pour que l'abbesse ne prenne aucun -soupçon; Armentières sur les bords de la Lys. Est-ce cela? - --- En vérité, mon cher chevalier, vous êtes un miracle de mémoire. -À propos, ajoutez une chose... - --- Laquelle? - --- J'ai vu de très jolis bois qui doivent toucher au jardin du -couvent, dites qu'il m'est permis de me promener dans ces bois; -qui sait? j'aurai peut-être besoin de sortir par une porte de -derrière. - --- Vous pensez à tout. - --- Et vous, vous oubliez une chose... - --- Laquelle? - --- C'est de me demander si j'ai besoin d'argent. - --- C'est juste, combien voulez-vous? - --- Tout ce que vous aurez d'or. - --- J'ai cinq cents pistoles à peu près. - --- J'en ai autant: avec mille pistoles on fait face à tout; videz -vos poches. - --- Voilà, comtesse. - --- Bien, mon cher comte! et vous partez...? - --- Dans une heure; le temps de manger un morceau, pendant lequel -j'enverrai chercher un cheval de poste. - --- À merveille! Adieu, chevalier! - --- Adieu, comtesse! - --- Recommandez-moi au cardinal, dit Milady. - --- Recommandez-moi à Satan», répliqua Rochefort. - -Milady et Rochefort échangèrent un sourire et se séparèrent. - -Une heure après, Rochefort partit au grand galop de son cheval; -cinq heures après il passait à Arras. - -Nos lecteurs savent déjà comment il avait été reconnu par -d'Artagnan, et comment cette reconnaissance, en inspirant des -craintes aux quatre mousquetaires, avait donné une nouvelle -activité à leur voyage. - - -CHAPITRE LXIII -UNE GOUTTE D'EAU - -À peine Rochefort fut-il sorti, que Mme Bonacieux rentra. Elle -trouva Milady le visage riant. - -«Eh bien, dit la jeune femme, ce que vous craigniez est donc -arrivé; ce soir ou demain le cardinal vous envoie prendre? - --- Qui vous a dit cela, mon enfant? demanda Milady. - --- Je l'ai entendu de la bouche même du messager. - --- Venez vous asseoir ici près de moi, dit Milady. - --- Me voici. - --- Attendez que je m'assure si personne ne nous écoute. - --- Pourquoi toutes ces précautions? - --- Vous allez le savoir.» - -Milady se leva et alla à la porte, l'ouvrit, regarda dans le -corridor, et revint se rasseoir près de Mme Bonacieux. - -«Alors, dit-elle, il a bien joué son rôle. - --- Qui cela? - --- Celui qui s'est présenté à l'abbesse comme l'envoyé du -cardinal. - --- C'était donc un rôle qu'il jouait? - --- Oui, mon enfant. - --- Cet homme n'est donc pas... - --- Cet homme, dit Milady en baissant la voix, c'est mon frère. - --- Votre frère! s'écria Mme Bonacieux. - --- Eh bien, il n'y a que vous qui sachiez ce secret, mon enfant; -si vous le confiez à qui que ce soit au monde, je serai perdue, et -vous aussi peut-être. - --- Oh! mon Dieu! - --- Écoutez, voici ce qui se passe: mon frère, qui venait à mon -secours pour m'enlever ici de force, s'il le fallait, a rencontré -l'émissaire du cardinal qui venait me chercher; il l'a suivi. -Arrivé à un endroit du chemin solitaire et écarté, il a mis l'épée -à la main en sommant le messager de lui remettre les papiers dont -il était porteur; le messager a voulu se défendre, mon frère l'a -tué. - --- Oh! fit Mme Bonacieux en frissonnant. - --- C'était le seul moyen, songez-y. Alors mon frère a résolu de -substituer la ruse à la force: il a pris les papiers, il s'est -présenté ici comme l'émissaire du cardinal lui-même, et dans une -heure ou deux, une voiture doit venir me prendre de la part de Son -Éminence. - --- Je comprends; cette voiture, c'est votre frère qui vous -l'envoie. - --- Justement; mais ce n'est pas tout: cette lettre que vous avez -reçue, et que vous croyez de Mme Chevreuse... - --- Eh bien? - --- Elle est fausse. - --- Comment cela? - --- Oui, fausse: c'est un piège pour que vous ne fassiez pas de -résistance quand on viendra vous chercher. - --- Mais c'est d'Artagnan qui viendra. - --- Détrompez-vous, d'Artagnan et ses amis sont retenus au siège de -La Rochelle. - --- Comment savez-vous cela? - --- Mon frère a rencontré des émissaires du cardinal en habits de -mousquetaires. On vous aurait appelée à la porte, vous auriez cru -avoir affaire à des amis, on vous enlevait et on vous ramenait à -Paris. - --- Oh! mon Dieu! ma tête se perd au milieu de ce chaos -d'iniquités. Je sens que si cela durait, continua Mme Bonacieux en -portant ses mains à son front, je deviendrais folle! - --- Attendez... - --- Quoi? - --- J'entends le pas d'un cheval, c'est celui de mon frère qui -repart; je veux lui dire un dernier adieu, venez.» - -Milady ouvrit la fenêtre et fit signe à Mme Bonacieux de l'y -rejoindre. La jeune femme y alla. - -Rochefort passait au galop. - -«Adieu, frère», s'écria Milady. - -Le chevalier leva la tête, vit les deux jeunes femmes, et, tout -courant, fit à Milady un signe amical de la main. - -«Ce bon Georges!» dit-elle en refermant la fenêtre avec une -expression de visage pleine d'affection et de mélancolie. - -Et elle revint s'asseoir à sa place, comme si elle eût été plongée -dans des réflexions toutes personnelles. - -«Chère dame! dit Mme Bonacieux, pardon de vous interrompre! mais -que me conseillez-vous de faire? mon Dieu! Vous avez plus -d'expérience que moi, parlez, je vous écoute. - --- D'abord, dit Milady, il se peut que je me trompe et que -d'Artagnan et ses amis viennent véritablement à votre secours. - --- Oh! c'eût été trop beau! s'écria Mme Bonacieux, et tant de -bonheur n'est pas fait pour moi! - --- Alors, vous comprenez; ce serait tout simplement une question -de temps, une espèce de course à qui arrivera le premier. Si ce -sont vos amis qui l'emportent en rapidité, vous êtes sauvée; si ce -sont les satellites du cardinal, vous êtes perdue. - --- Oh! oui, oui, perdue sans miséricorde! Que faire donc? que -faire? - --- Il y aurait un moyen bien simple, bien naturel... - --- Lequel, dites? - --- Ce serait d'attendre, cachée dans les environs, et de s'assurer -ainsi quels sont les hommes qui viendront vous demander. - --- Mais où attendre? - --- Oh! ceci n'est point une question: moi-même je m'arrête et je -me cache à quelques lieues d'ici en attendant que mon frère vienne -me rejoindre; eh bien, je vous emmène avec moi, nous nous cachons -et nous attendons ensemble. - --- Mais on ne me laissera pas partir, je suis ici presque -prisonnière. - --- Comme on croit que je pars sur un ordre du cardinal, on ne vous -croira pas très pressée de me suivre. - --- Eh bien? - --- Eh bien, la voiture est à la porte, vous me dites adieu, vous -montez sur le marchepied pour me serrer dans vos bras une dernière -fois; le domestique de mon frère qui vient me prendre est prévenu, -il fait un signe au postillon, et nous partons au galop. - --- Mais d'Artagnan, d'Artagnan, s'il vient? - --- Ne le saurons-nous pas? - --- Comment? - --- Rien de plus facile. Nous renvoyons à Béthune ce domestique de -mon frère, à qui, je vous l'ai dit, nous pouvons nous fier; il -prend un déguisement et se loge en face du couvent: si ce sont les -émissaires du cardinal qui viennent, il ne bouge pas; si c'est -M. d'Artagnan et ses amis, il les amène où nous sommes. - --- Il les connaît donc? - --- Sans doute, n'a-t-il pas vu M. d'Artagnan chez moi! - --- Oh! oui, oui, vous avez raison; ainsi, tout va bien, tout est -pour le mieux; mais ne nous éloignons pas d'ici. - --- À sept ou huit lieues tout au plus, nous nous tenons sur la -frontière par exemple, et à la première alerte, nous sortons de -France. - --- Et d'ici là, que faire? - --- Attendre. - --- Mais s'ils arrivent? - --- La voiture de mon frère arrivera avant eux. - --- Si je suis loin de vous quand on viendra vous prendre; à dîner -ou à souper, par exemple? - --- Faites une chose. - --- Laquelle? - --- Dites à votre bonne supérieure que, pour nous quitter le moins -possible, vous lui demanderez la permission de partager mon repas. - --- Le permettra-t-elle? - --- Quel inconvénient y a-t-il à cela? - --- Oh! très bien, de cette façon nous ne nous quitterons pas un -instant! - --- Eh bien, descendez chez elle pour lui faire votre demande! je -me sens la tête lourde, je vais faire un tour au jardin. - --- Allez, et où vous retrouverai-je? - --- Ici dans une heure. - --- Ici dans une heure; oh! vous êtes bonne et je vous remercie. - --- Comment ne m'intéresserais-je pas à vous? Quand vous ne seriez -pas belle et charmante, n'êtes-vous pas l'amie d'un de mes -meilleurs amis! - --- Cher d'Artagnan, oh! comme il vous remerciera! - --- Je l'espère bien. Allons! tout est convenu, descendons. - --- Vous allez au jardin? - --- Oui. - --- Suivez ce corridor, un petit escalier vous y conduit. - --- À merveille! merci.» - -Et les deux femmes se quittèrent en échangeant un charmant -sourire. - -Milady avait dit la vérité, elle avait la tête lourde; car ses -projets mal classés s'y heurtaient comme dans un chaos. Elle avait -besoin d'être seule pour mettre un peu d'ordre dans ses pensées. -Elle voyait vaguement dans l'avenir; mais il lui fallait un peu de -silence et de quiétude pour donner à toutes ses idées, encore -confuses, une forme distincte, un plan arrêté. - -Ce qu'il y avait de plus pressé, c'était d'enlever Mme Bonacieux, -de la mettre en lieu de sûreté, et là, le cas échéant, de s'en -faire un otage. Milady commençait à redouter l'issue de ce duel -terrible, où ses ennemis mettaient autant de persévérance qu'elle -mettait, elle, d'acharnement. - -D'ailleurs elle sentait, comme on sent venir un orage, que cette -issue était proche et ne pouvait manquer d'être terrible. - -Le principal pour elle, comme nous l'avons dit, était donc de -tenir Mme Bonacieux entre ses mains. Mme Bonacieux, c'était la vie -de d'Artagnan; c'était plus que sa vie, c'était celle de la femme -qu'il aimait; c'était, en cas de mauvaise fortune, un moyen de -traiter et d'obtenir sûrement de bonnes conditions. - -Or, ce point était arrêté: Mme Bonacieux, sans défiance, la -suivait; une fois cachée avec elle à Armentières, il était facile -de lui faire croire que d'Artagnan n'était pas venu à Béthune. -Dans quinze jours au plus, Rochefort serait de retour; pendant ces -quinze jours, d'ailleurs, elle aviserait à ce qu'elle aurait à -faire pour se venger des quatre amis. Elle ne s'ennuierait pas, -Dieu merci, car elle aurait le plus doux passe-temps que les -événements pussent accorder à une femme de son caractère: une -bonne vengeance à perfectionner. - -Tout en rêvant, elle jetait les yeux autour d'elle et classait -dans sa tête la topographie du jardin. Milady était comme un bon -général, qui prévoit tout ensemble la victoire et la défaite, et -qui est tout près, selon les chances de la bataille, à marcher en -avant ou à battre en retraite. - -Au bout d'une heure, elle entendit une douce voix qui l'appelait; -c'était celle de Mme Bonacieux. La bonne abbesse avait -naturellement consenti à tout, et, pour commencer, elles allaient -souper ensemble. - -En arrivant dans la cour, elles entendirent le bruit d'une voiture -qui s'arrêtait a la porte. - -«Entendez-vous? dit-elle. - --- Oui, le roulement d'une voiture. - --- C'est celle que mon frère nous envoie. - --- Oh! mon Dieu! - --- Voyons, du courage!» - -On sonna à la porte du couvent, Milady ne s'était pas trompée. - -«Montez dans votre chambre, dit-elle à Mme Bonacieux, vous avez -bien quelques bijoux que vous désirez emporter. - --- J'ai ses lettres, dit-elle. - --- Eh bien, allez les chercher et venez me rejoindre chez moi, -nous souperons à la hâte, peut-être voyagerons-nous une partie de -la nuit, il faut prendre des forces. - --- Grand Dieu! dit Mme Bonacieux en mettant la main sur sa -poitrine, le coeur m'étouffe, je ne puis marcher. - --- Du courage, allons, du courage! pensez que dans un quart -d'heure vous êtes sauvée, et songez que ce que vous allez faire, -c'est pour lui que vous le faites. - --- Oh! oui, tout pour lui. Vous m'avez rendu mon courage par un -seul mot; allez, je vous rejoins.» - -Milady monta vivement chez elle, elle y trouva le laquais de -Rochefort, et lui donna ses instructions. - -Il devait attendre à la porte; si par hasard les mousquetaires -paraissaient, la voiture partait au galop, faisait le tour du -couvent, et allait attendre Milady à un petit village qui était -situé de l'autre côté du bois. Dans ce cas, Milady traversait le -jardin et gagnait le village à pied; nous l'avons dit déjà, Milady -connaissait à merveille cette partie de la France. - -Si les mousquetaires ne paraissaient pas, les choses allaient -comme il était convenu: Mme Bonacieux montait dans la voiture sous -prétexte de lui dire adieu et Milady enlevait Mme Bonacieux. - -Mme Bonacieux entra, et pour lui ôter tout soupçon si elle en -avait, Milady répéta devant elle au laquais toute la dernière -partie de ses instructions. - -Milady fit quelques questions sur la voiture: c'était une chaise -attelée de trois chevaux, conduite par un postillon; le laquais de -Rochefort devait la précéder en courrier. - -C'était à tort que Milady craignait que Mme Bonacieux n'eût des -soupçons: la pauvre jeune femme était trop pure pour soupçonner -dans une autre femme une telle perfidie; d'ailleurs le nom de la -comtesse de Winter, qu'elle avait entendu prononcer par l'abbesse, -lui était parfaitement inconnu, et elle ignorait même qu'une femme -eût eu une part si grande et si fatale aux malheurs de sa vie. - -«Vous le voyez, dit Milady, lorsque le laquais fut sorti, tout est -prêt. L'abbesse ne se doute de rien et croit qu'on me vient -chercher de la part du cardinal. Cet homme va donner les derniers -ordres; prenez la moindre chose, buvez un doigt de vin et partons. - --- Oui, dit machinalement Mme Bonacieux, oui, partons.» - -Milady lui fit signe de s'asseoir devant elle, lui versa un petit -verre de vin d'Espagne et lui servit un blanc de poulet. - -«Voyez, lui dit-elle, si tout ne nous seconde pas: voici la nuit -qui vient; au point du jour nous serons arrivées dans notre -retraite, et nul ne pourra se douter où nous sommes. Voyons, du -courage, prenez quelque chose.» - -Mme Bonacieux mangea machinalement quelques bouchées et trempa ses -lèvres dans son verre. - -«Allons donc, allons donc, dit Milady portant le sien à ses -lèvres, faites comme moi.» - -Mais au moment où elle l'approchait de sa bouche, sa main resta -suspendue: elle venait d'entendre sur la route comme le roulement -lointain d'un galop qui allait s'approchant; puis, presque en même -temps, il lui sembla entendre des hennissements de chevaux. - -Ce bruit la tira de sa joie comme un bruit d'orage réveille au -milieu d'un beau rêve; elle pâlit et courut à la fenêtre, tandis -que Mme Bonacieux, se levant toute tremblante, s'appuyait sur sa -chaise pour ne point tomber. - -On ne voyait rien encore, seulement on entendait le galop qui -allait toujours se rapprochant. - -«Oh! mon Dieu, dit Mme Bonacieux, qu'est-ce que ce bruit? - --- Celui de nos amis ou de nos ennemis, dit Milady avec son sang- -froid terrible; restez où vous êtes, je vais vous le dire.» - -Mme Bonacieux demeura debout, muette, immobile et pâle comme une -statue. - -Le bruit devenait plus fort, les chevaux ne devaient pas être à -plus de cent cinquante pas; si on ne les apercevait point encore, -c'est que la route faisait un coude. Toutefois, le bruit devenait -si distinct qu'on eût pu compter les chevaux par le bruit saccadé -de leurs fers. - -Milady regardait de toute la puissance de son attention; il -faisait juste assez clair pour qu'elle pût reconnaître ceux qui -venaient. - -Tout à coup, au détour du chemin, elle vit reluire des chapeaux -galonnés et flotter des plumes; elle compta deux, puis cinq puis -huit cavaliers; l'un d'eux précédait tous les autres de deux -longueurs de cheval. - -Milady poussa un rugissement étouffé. Dans celui qui tenait la -tête elle reconnut d'Artagnan. - -«Oh! mon Dieu! mon Dieu! s'écria Mme Bonacieux, qu'y a-t-il donc? - --- C'est l'uniforme des gardes de M. le cardinal; pas un instant à -perdre! s'écria Milady. Fuyons, fuyons! - --- Oui, oui, fuyons», répéta Mme Bonacieux, mais sans pouvoir -faire un pas, clouée qu'elle était à sa place par la terreur. - -On entendit les cavaliers qui passaient sous la fenêtre. - -«Venez donc! mais venez donc! s'écriait Milady en essayant de -traîner la jeune femme par le bras. Grâce au jardin, nous pouvons -fuir encore, j'ai la clef, mais hâtons-nous, dans cinq minutes il -serait trop tard.» - -Mme Bonacieux essaya de marcher, fit deux pas et tomba sur ses -genoux. - -Milady essaya de la soulever et de l'emporter, mais elle ne put en -venir à bout. - -En ce moment on entendit le roulement de la voiture, qui à la vue -des mousquetaires partait au galop. Puis, trois ou quatre coups de -feu retentirent. - -«Une dernière fois, voulez-vous venir? s'écria Milady. - --- Oh! mon Dieu! mon Dieu! vous voyez bien que les forces me -manquent; vous voyez bien que je ne puis marcher: fuyez seule. - --- Fuir seule! vous laisser ici! non, non, jamais», s'écria -Milady. - -Tout à coup, un éclair livide jaillit de ses yeux; d'un bond, -éperdue, elle courut à la table, versa dans le verre de -Mme Bonacieux le contenu d'un chaton de bague qu'elle ouvrit avec -une promptitude singulière. - -C'était un grain rougeâtre qui se fondit aussitôt. - -Puis, prenant le verre d'une main ferme: - -«Buvez, dit-elle, ce vin vous donnera des forces, buvez.» - -Et elle approcha le verre des lèvres de la jeune femme qui but -machinalement. - -«Ah! ce n'est pas ainsi que je voulais me venger, dit Milady en -reposant avec un sourire infernal le verre sur la table, mais, ma -foi! on fait ce qu'on peut.» - -Et elle s'élança hors de l'appartement. - -Mme Bonacieux la regarda fuir, sans pouvoir la suivre; elle était -comme ces gens qui rêvent qu'on les poursuit et qui essayent -vainement de marcher. - -Quelques minutes se passèrent, un bruit affreux retentissait à la -porte; à chaque instant Mme Bonacieux s'attendait à voir -reparaître Milady, qui ne reparaissait pas. - -Plusieurs fois, de terreur sans doute, la sueur monta froide à son -front brûlant. - -Enfin elle entendit le grincement des grilles qu'on ouvrait, le -bruit des bottes et des éperons retentit par les escaliers; il se -faisait un grand murmure de voix qui allaient se rapprochant, et -au milieu desquelles il lui semblait entendre prononcer son nom. - -Tout à coup elle jeta un grand cri de joie et s'élança vers la -porte, elle avait reconnu la voix de d'Artagnan. - -«D'Artagnan! d'Artagnan! s'écria-t-elle, est-ce vous? Par ici, par -ici. - --- Constance! Constance! répondit le jeune homme, où êtes-vous? -mon Dieu!» - -Au même moment, la porte de la cellule céda au choc plutôt qu'elle -ne s'ouvrit; plusieurs hommes se précipitèrent dans la chambre; -Mme Bonacieux était tombée dans un fauteuil sans pouvoir faire un -mouvement. - -D'Artagnan jeta un pistolet encore fumant qu'il tenait à la main, -et tomba à genoux devant sa maîtresse, Athos repassa le sien à sa -ceinture; Porthos et Aramis, qui tenaient leurs épées nues, les -remirent au fourreau. - -«Oh! d'Artagnan! mon bien-aimé d'Artagnan! tu viens donc enfin, tu -ne m'avais pas trompée, c'est bien toi! - --- Oui, oui, Constance! réunis! - --- Oh! elle avait beau dire que tu ne viendrais pas, j'espérais -sourdement; je n'ai pas voulu fuir; oh! comme j'ai bien fait, -comme je suis heureuse!» - -À ce mot, elle, Athos, qui s'était assis tranquillement, se leva -tout à coup. - -«Elle! qui, elle? demanda d'Artagnan. - --- Mais ma compagne; celle qui, par amitié pour moi, voulait me -soustraire à mes persécuteurs; celle qui, vous prenant pour des -gardes du cardinal, vient de s'enfuir. - --- Votre compagne, s'écria d'Artagnan, devenant plus pâle que le -voile blanc de sa maîtresse, de quelle compagne voulez-vous donc -parler? - --- De celle dont la voiture était à la porte, d'une femme qui se -dit votre amie, d'Artagnan; d'une femme à qui vous avez tout -raconté. - --- Son nom, son nom! s'écria d'Artagnan; mon Dieu! ne savez-vous -donc pas son nom? - --- Si fait, on l'a prononcé devant moi, attendez... mais c'est -étrange... oh! mon Dieu! ma tête se trouble, je n'y vois plus. - --- À moi, mes amis, à moi! ses mains sont glacées, s'écria -d'Artagnan, elle se trouve mal; grand Dieu! elle perd -connaissance!» - -Tandis que Porthos appelait au secours de toute la puissance de sa -voix, Aramis courut à la table pour prendre un verre d'eau; mais -il s'arrêta en voyant l'horrible altération du visage d'Athos, -qui, debout devant la table, les cheveux hérissés, les yeux glacés -de stupeur, regardait l'un des verres et semblait en proie au -doute le plus horrible. - -«Oh! disait Athos, oh! non, c'est impossible! Dieu ne permettrait -pas un pareil crime. - --- De l'eau, de l'eau, criait d'Artagnan, de l'eau! - -«Pauvre femme, pauvre femme!» murmurait Athos d'une voix brisée. - -Mme Bonacieux rouvrit les yeux sous les baisers de d'Artagnan. - -«Elle revient à elle! s'écria le jeune homme. Oh! mon Dieu, mon -Dieu! je te remercie! - --- Madame, dit Athos, madame, au nom du Ciel! à qui ce verre vide? - --- À moi, monsieur..., répondit la jeune femme d'une voix -mourante. - --- Mais qui vous a versé ce vin qui était dans ce verre? - --- Elle. - --- Mais, qui donc, elle? - --- Ah! je me souviens, dit Mme Bonacieux, la comtesse de -Winter...» - -Les quatre amis poussèrent un seul et même cri, mais celui d'Athos -domina tous les autres. - -En ce moment, le visage de Mme Bonacieux devint livide, une -douleur sourde la terrassa, elle tomba haletante dans les bras de -Porthos et d'Aramis. - -D'Artagnan saisit les mains d'Athos avec une angoisse difficile à -décrire. - -«Et quoi! dit-il, tu crois...» - -Sa voix s'éteignit dans un sanglot. - -«Je crois tout, dit Athos en se mordant les lèvres jusqu'au sang. - --- D'Artagnan, d'Artagnan! s'écria Mme Bonacieux, où es-tu? ne me -quitte pas, tu vois bien que je vais mourir.» - -D'Artagnan lâcha les mains d'Athos, qu'il tenait encore entre ses -mains crispées, et courut à elle. - -Son visage si beau était tout bouleversé, ses yeux vitreux -n'avaient déjà plus de regard, un tremblement convulsif agitait -son corps, la sueur coulait sur son front. - -«Au nom du Ciel! courez appeler Porthos, Aramis; demandez du -secours! - --- Inutile, dit Athos, inutile, au poison qu'elle verse il n'y a -pas de contrepoison. - --- Oui, oui, du secours, du secours! murmura Mme Bonacieux; du -secours!» - -Puis, rassemblant toutes ses forces, elle prit la tête du jeune -homme entre ses deux mains, le regarda un instant comme si toute -son âme était passée dans son regard, et, avec un cri sanglotant, -elle appuya ses lèvres sur les siennes. - -«Constance! Constance!» s'écria d'Artagnan. - -Un soupir s'échappa de la bouche de Mme Bonacieux, effleurant -celle de d'Artagnan; ce soupir, c'était cette âme si chaste et si -aimante qui remontait au ciel. - -D'Artagnan ne serrait plus qu'un cadavre entre ses bras. - -Le jeune homme poussa un cri et tomba près de sa maîtresse, aussi -pâle et aussi glacé qu'elle. - -Porthos pleura, Aramis montra le poing au ciel, Athos fit le signe -de la croix. - -En ce moment un homme parut sur la porte, presque aussi pâle que -ceux qui étaient dans la chambre, et regarda tout autour de lui, -vit Mme Bonacieux morte et d'Artagnan évanoui. - -Il apparaissait juste à cet instant de stupeur qui suit les -grandes catastrophes. - -«Je ne m'étais pas trompé, dit-il, voilà M. d'Artagnan, et vous -êtes ses trois amis, MM. Athos, Porthos et Aramis.» - -Ceux dont les noms venaient d'être prononcés regardaient -l'étranger avec étonnement, il leur semblait à tous trois le -reconnaître. - -«Messieurs, reprit le nouveau venu, vous êtes comme moi à la -recherche d'une femme qui, ajouta-t-il avec un sourire terrible, a -dû passer par ici, car j'y vois un cadavre!» - -Les trois amis restèrent muets; seulement la voix comme le visage -leur rappelait un homme qu'ils avaient déjà vu; cependant, ils ne -pouvaient se souvenir dans quelles circonstances. - -«Messieurs, continua l'étranger, puisque vous ne voulez pas -reconnaître un homme qui probablement vous doit la vie deux fois, -il faut bien que je me nomme; je suis Lord de Winter, le beau- -frère de cette femme.» - -Les trois amis jetèrent un cri de surprise. - -Athos se leva et lui tendit la main. - -«Soyez le bienvenu, Milord, dit-il, vous êtes des nôtres. - --- Je suis parti cinq heures après elle de Portsmouth, dit Lord de -Winter, je suis arrivé trois heures après elle à Boulogne, je l'ai -manquée de vingt minutes à Saint-Omer; enfin, à Lillers, j'ai -perdu sa trace. J'allais au hasard, m'informant à tout le monde, -quand je vous ai vus passer au galop; j'ai reconnu M. d'Artagnan. -Je vous ai appelés, vous ne m'avez pas répondu; j'ai voulu vous -suivre, mais mon cheval était trop fatigué pour aller du même -train que les vôtres. Et cependant il paraît que malgré la -diligence que vous avez faite, vous êtes encore arrivés trop tard! - --- Vous voyez, dit Athos en montrant à Lord de Winter -Mme Bonacieux morte et d'Artagnan que Porthos et Aramis essayaient -de rappeler à la vie. - --- Sont-ils donc morts tous deux? demanda froidement Lord de -Winter. - --- Non, heureusement, répondit Athos, M. d'Artagnan n'est -qu'évanoui. - --- Ah! tant mieux!» dit Lord de Winter. - -En effet, en ce moment d'Artagnan rouvrit les yeux. - -Il s'arracha des bras de Porthos et d'Aramis et se jeta comme un -insensé sur le corps de sa maîtresse. - -Athos se leva, marcha vers son ami d'un pas lent et solennel, -l'embrassa tendrement, et, comme il éclatait en sanglots, il lui -dit de sa voix si noble et si persuasive: - -«Ami, sois homme: les femmes pleurent les morts, les hommes les -vengent! - --- Oh! oui, dit d'Artagnan, oui! si c'est pour la venger, je suis -prêt à te suivre!» - -Athos profita de ce moment de force que l'espoir de la vengeance -rendait à son malheureux ami pour faire signe à Porthos et à -Aramis d'aller chercher la supérieure. - -Les deux amis la rencontrèrent dans le corridor, encore toute -troublée et tout éperdue de tant d'événements; elle appela -quelques religieuses, qui, contre toutes les habitudes -monastiques, se trouvèrent en présence de cinq hommes. - -«Madame, dit Athos en passant le bras de d'Artagnan sous le sien, -nous abandonnons à vos soins pieux le corps de cette malheureuse -femme. Ce fut un ange sur la terre avant d'être un ange au ciel. -Traitez-la comme une de vos soeurs; nous reviendrons un jour prier -sur sa tombe.» - -D'Artagnan cacha sa figure dans la poitrine d'Athos et éclata en -sanglots. - -«Pleure, dit Athos, pleure, coeur plein d'amour, de jeunesse et de -vie! Hélas! je voudrais bien pouvoir pleurer comme toi!» - -Et il entraîna son ami, affectueux comme un père, consolant comme -un prêtre, grand comme l'homme qui a beaucoup souffert. - -Tous cinq, suivis de leurs valets, tenant leurs chevaux par la -bride, s'avancèrent vers la ville de Béthune, dont on apercevait -le faubourg, et ils s'arrêtèrent devant la première auberge qu'ils -rencontrèrent. - -«Mais, dit d'Artagnan, ne poursuivons-nous pas cette femme? - --- Plus tard, dit Athos, j'ai des mesures à prendre. - --- Elle nous échappera, reprit le jeune homme, elle nous -échappera, Athos, et ce sera ta faute. - --- Je réponds d'elle», dit Athos. - -D'Artagnan avait une telle confiance dans la parole de son ami, -qu'il baissa la tête et entra dans l'auberge sans rien répondre. - -Porthos et Aramis se regardaient, ne comprenant rien à l'assurance -d'Athos. - -Lord de Winter croyait qu'il parlait ainsi pour engourdir la -douleur de d'Artagnan. - -«Maintenant, messieurs, dit Athos lorsqu'il se fut assuré qu'il y -avait cinq chambres de libres dans l'hôtel, retirons-nous chacun -chez soi; d'Artagnan a besoin d'être seul pour pleurer et vous -pour dormir. Je me charge de tout, soyez tranquilles. - --- Il me semble cependant, dit Lord de Winter, que s'il y a -quelque mesure à prendre contre la comtesse, cela me regarde: -c'est ma belle-soeur. - --- Et moi, dit Athos, c'est ma femme. - -D'Artagnan tressaillit, car il comprit qu'Athos était sûr de sa -vengeance, puisqu'il révélait un pareil secret; Porthos et Aramis -se regardèrent en pâlissant. Lord de Winter pensa qu'Athos était -fou. - -«Retirez-vous donc, dit Athos, et laissez-moi faire. Vous voyez -bien qu'en ma qualité de mari cela me regarde. Seulement, -d'Artagnan, si vous ne l'avez pas perdu, remettez-moi ce papier -qui s'est échappé du chapeau de cet homme et sur lequel est écrit -le nom de la ville... - --- Ah! dit d'Artagnan, je comprends, ce nom écrit de sa main... - --- Tu vois bien, dit Athos, qu'il y a un Dieu dans le ciel!» - - -CHAPITRE LXIV -L'HOMME AU MANTEAU ROUGE - -Le désespoir d'Athos avait fait place à une douleur concentrée, -qui rendait plus lucides encore les brillantes facultés d'esprit -de cet homme. - -Tout entier à une seule pensée, celle de la promesse qu'il avait -faite et de la responsabilité qu'il avait prise, il se retira le -dernier dans sa chambre, pria l'hôte de lui procurer une carte de -la province, se courba dessus, interrogea les lignes tracées, -reconnut que quatre chemins différents se rendaient de Béthune à -Armentières, et fit appeler les valets. - -Planchet, Grimaud, Mousqueton et Bazin se présentèrent et reçurent -les ordres clairs, ponctuels et graves d'Athos. - -Ils devaient partir au point du jour, le lendemain, et se rendre à -Armentières, chacun par une route différente. Planchet, le plus -intelligent des quatre, devait suivre celle par laquelle avait -disparu la voiture sur laquelle les quatre amis avaient tiré, et -qui était accompagnée, on se le rappelle, du domestique de -Rochefort. - -Athos mit les valets en campagne d'abord, parce que, depuis que -ces hommes étaient à son service et à celui de ses amis, il avait -reconnu en chacun d'eux des qualités différentes et essentielles. - -Puis, des valets qui interrogent inspirent aux passants moins de -défiance que leurs maîtres, et trouvent plus de sympathie chez -ceux auxquels ils s'adressent. - -Enfin, Milady connaissait les maîtres, tandis qu'elle ne -connaissait pas les valets; au contraire, les valets connaissaient -parfaitement Milady. - -Tous quatre devaient se trouver réunis le lendemain à onze heures -à l'endroit indiqué; s'ils avaient découvert la retraite de -Milady, trois resteraient à la garder, le quatrième reviendrait à -Béthune pour prévenir Athos et servir de guide aux quatre amis. - -Ces dispositions prises, les valets se retirèrent à leur tour. - -Athos alors se leva de sa chaise, ceignit son épée, s'enveloppa -dans son manteau et sortit de l'hôtel; il était dix heures à peu -près. À dix heures du soir, on le sait, en province les rues sont -peu fréquentées. Athos cependant cherchait visiblement quelqu'un à -qui il pût adresser une question. Enfin il rencontra un passant -attardé, s'approcha de lui, lui dit quelques paroles; l'homme -auquel il s'adressait recula avec terreur, cependant il répondit -aux paroles du mousquetaire par une indication. Athos offrit à cet -homme une demi-pistole pour l'accompagner, mais l'homme refusa. - -Athos s'enfonça dans la rue que l'indicateur avait désignée du -doigt; mais, arrivé à un carrefour, il s'arrêta de nouveau, -visiblement embarrassé. Cependant, comme, plus qu'aucun autre -lieu, le carrefour lui offrait la chance de rencontrer quelqu'un, -il s'y arrêta. En effet, au bout d'un instant, un veilleur de nuit -passa. Athos lui répéta la même question qu'il avait déjà faite à -la première personne qu'il avait rencontrée, le veilleur de nuit -laissa apercevoir la même terreur, refusa à son tour d'accompagner -Athos, et lui montra de la main le chemin qu'il devait suivre. - -Athos marcha dans la direction indiquée et atteignit le faubourg -situé à l'extrémité de la ville opposée à celle par laquelle lui -et ses compagnons étaient entrés. Là il parut de nouveau inquiet -et embarrassé, et s'arrêta pour la troisième fois. - -Heureusement un mendiant passa, qui s'approcha d'Athos pour lui -demander l'aumône. Athos lui proposa un écu pour l'accompagner où -il allait. Le mendiant hésita un instant, mais à la vue de la -pièce d'argent qui brillait dans l'obscurité, il se décida et -marcha devant Athos. - -Arrivé à l'angle d'une rue, il lui montra de loin une petite -maison isolée, solitaire, triste; Athos s'en approcha, tandis que -le mendiant, qui avait reçu son salaire, s'en éloignait à toutes -jambes. - -Athos en fit le tour, avant de distinguer la porte au milieu de la -couleur rougeâtre dont cette maison était peinte; aucune lumière -ne paraissait à travers les gerçures des contrevents, aucun bruit -ne pouvait faire supposer qu'elle fût habitée, elle était sombre -et muette comme un tombeau. - -Trois fois Athos frappa sans qu'on lui répondît. Au troisième coup -cependant des pas intérieurs se rapprochèrent; enfin la porte -s'entrebâilla, et un homme de haute taille, au teint pâle, aux -cheveux et à la barbe noire, parut. - -Athos et lui échangèrent quelques mots à voix basse, puis l'homme -à la haute taille fit signe au mousquetaire qu'il pouvait entrer. -Athos profita à l'instant même de la permission, et la porte se -referma derrière lui. - -L'homme qu'Athos était venu chercher si loin et qu'il avait trouvé -avec tant de peine, le fit entrer dans son laboratoire, où il -était occupé à retenir avec des fils de fer les os cliquetants -d'un squelette. Tout le corps était déjà rajusté: la tête seule -était posée sur une table. - -Tout le reste de l'ameublement indiquait que celui chez lequel on -se trouvait s'occupait de sciences naturelles: il y avait des -bocaux pleins de serpents, étiquetés selon les espèces; des -lézards desséchés reluisaient comme des émeraudes taillées dans de -grands cadres de bois noir; enfin, des bottes d'herbes sauvages, -odoriférantes et sans doute douées de vertus inconnues au vulgaire -des hommes, étaient attachées au plafond et descendaient dans les -angles de l'appartement. - -Du reste, pas de famille, pas de serviteurs; l'homme à la haute -taille habitait seul cette maison. - -Athos jeta un coup d'oeil froid et indifférent sur tous les objets -que nous venons de décrire, et, sur l'invitation de celui qu'il -venait chercher, il s'assit près de lui. - -Alors il lui expliqua la cause de sa visite et le service qu'il -réclamait de lui; mais à peine eut-il exposé sa demande, que -l'inconnu, qui était resté debout devant le mousquetaire, recula -de terreur et refusa. Alors Athos tira de sa poche un petit papier -sur lequel étaient écrites deux lignes accompagnées d'une -signature et d'un sceau, et le présenta à celui qui donnait trop -prématurément ces signes de répugnance. L'homme à la grande taille -eut à peine lu ces deux lignes, vu la signature et reconnu le -sceau, qu'il s'inclina en signe qu'il n'avait plus aucune -objection à faire, et qu'il était prêt à obéir. - -Athos n'en demanda pas davantage; il se leva, salua, sortit, -reprit en s'en allant le chemin qu'il avait suivi pour venir, -rentra dans l'hôtel et s'enferma chez lui. - -Au point du jour, d'Artagnan entra dans sa chambre et demanda ce -qu'il fallait faire. - -«Attendre», répondit Athos. - -Quelques instants après, la supérieure du couvent fit prévenir les -mousquetaires que l'enterrement de la victime de Milady aurait -lieu à midi. Quant à l'empoisonneuse, on n'en avait pas eu de -nouvelles; seulement elle avait dû fuir par le jardin, sur le -sable duquel on avait reconnu la trace de ses pas et dont on avait -retrouvé la porte fermée; quant à la clé, elle avait disparu. - -À l'heure indiquée, Lord de Winter et les quatre amis se rendirent -au couvent: les cloches sonnaient à toute volée, la chapelle était -ouverte, la grille du choeur était fermée. Au milieu du choeur, le -corps de la victime, revêtue de ses habits de novice, était -exposé. De chaque côté du choeur et derrière des grilles s'ouvrant -sur le couvent était toute la communauté des Carmélites, qui -écoutait de là le service divin et mêlait son chant au chant des -prêtres, sans voir les profanes et sans être vue d'eux. - -À la porte de la chapelle, d'Artagnan sentit son courage qui -fuyait de nouveau; il se retourna pour chercher Athos, mais Athos -avait disparu. - -Fidèle à sa mission de vengeance, Athos s'était fait conduire au -jardin; et là, sur le sable, suivant les pas légers de cette femme -qui avait laissé une trace sanglante partout où elle avait passé, -il s'avança jusqu'à la porte qui donnait sur le bois, se la fit -ouvrir, et s'enfonça dans la forêt. - -Alors tous ses doutes se confirmèrent: le chemin par lequel la -voiture avait disparu contournait la forêt. Athos suivit le chemin -quelque temps les yeux fixés sur le sol; de légères taches de -sang, qui provenaient d'une blessure faite ou à l'homme qui -accompagnait la voiture en courrier, ou à l'un des chevaux, -piquetaient le chemin. Au bout de trois quarts de lieue à peu -près, à cinquante pas de Festubert, une tache de sang plus large -apparaissait; le sol était piétiné par les chevaux. Entre la forêt -et cet endroit dénonciateur, un peu en arrière de la terre -écorchée, on retrouvait la même trace de petits pas que dans le -jardin; la voiture s'était arrêtée. - -En cet endroit, Milady était sortie du bois et était montée dans -la voiture. - -Satisfait de cette découverte qui confirmait tous ses soupçons, -Athos revint à l'hôtel et trouva Planchet qui l'attendait avec -impatience. - -Tout était comme l'avait prévu Athos. - -Planchet avait suivi la route, avait comme Athos remarqué les -taches de sang, comme Athos il avait reconnu l'endroit où les -chevaux s'étaient arrêtés; mais il avait poussé plus loin -qu'Athos, de sorte qu'au village de Festubert, en buvant dans une -auberge, il avait, sans avoir eu besoin de questionner, appris que -la veille, à huit heures et demie du soir, un homme blessé, qui -accompagnait une dame qui voyageait dans une chaise de poste, -avait été obligé de s'arrêter, ne pouvant aller plus loin. -L'accident avait été mis sur le compte de voleurs qui auraient -arrêté la chaise dans le bois. L'homme était resté dans le -village, la femme avait relayé et continué son chemin. - -Planchet se mit en quête du postillon qui avait conduit la chaise, -et le retrouva. Il avait conduit la dame jusqu'à Fromelles, et de -Fromelles elle était partie pour Armentières. Planchet prit la -traverse, et à sept heures du matin il était à Armentières. - -Il n'y avait qu'un seul hôtel, celui de la Poste. Planchet alla -s'y présenter comme un laquais sans place qui cherchait une -condition. Il n'avait pas causé dix minutes avec les gens de -l'auberge, qu'il savait qu'une femme seule était arrivée à onze -heures du soir, avait pris une chambre, avait fait venir le maître -d'hôtel et lui avait dit qu'elle désirerait demeurer quelque temps -dans les environs. - -Planchet n'avait pas besoin d'en savoir davantage. Il courut au -rendez-vous, trouva les trois laquais exacts à leur poste, les -plaça en sentinelles à toutes les issues de l'hôtel, et vint -trouver Athos, qui achevait de recevoir les renseignements de -Planchet, lorsque ses amis rentrèrent. - -Tous les visages étaient sombres et crispés, même le doux visage -d'Aramis. - -«Que faut-il faire? demanda d'Artagnan. - --- Attendre», répondit Athos. - -Chacun se retira chez soi. - -À huit heures du soir, Athos donna l'ordre de seller les chevaux, -et fit prévenir Lord de Winter et ses amis qu'ils eussent à se -préparer pour l'expédition. - -En un instant tous cinq furent prêts. Chacun visita ses armes et -les mit en état. Athos descendit le premier et trouva d'Artagnan -déjà à cheval et s'impatientant. - -«Patience, dit Athos, il nous manque encore quelqu'un.» - -Les quatre cavaliers regardèrent autour d'eux avec étonnement, car -ils cherchaient inutilement dans leur esprit quel était ce -quelqu'un qui pouvait leur manquer. - -En ce moment Planchet amena le cheval d'Athos, le mousquetaire -sauta légèrement en selle. - -«Attendez-moi, dit-il, je reviens.» - -Et il partit au galop. - -Un quart d'heure après, il revint effectivement accompagné d'un -homme masqué et enveloppé d'un grand manteau rouge. - -Lord de Winter et les trois mousquetaires s'interrogèrent du -regard. Nul d'entre eux ne put renseigner les autres, car tous -ignoraient ce qu'était cet homme. Cependant ils pensèrent que cela -devait être ainsi, puisque la chose se faisait par l'ordre -d'Athos. - -À neuf heures, guidée par Planchet, la petite cavalcade se mit en -route, prenant le chemin qu'avait suivi la voiture. - -C'était un triste aspect que celui de ces six hommes courant en -silence, plongés chacun dans sa pensée, mornes comme le désespoir, -sombres comme le châtiment. - - -CHAPITRE LXV -LE JUGEMENT - -C'était une nuit orageuse et sombre, de gros nuages couraient au -ciel, voilant la clarté des étoiles; la lune ne devait se lever -qu'à minuit. - -Parfois, à la lueur d'un éclair qui brillait à l'horizon, on -apercevait la route qui se déroulait blanche et solitaire; puis, -l'éclair éteint, tout rentrait dans l'obscurité. - -À chaque instant, Athos invitait d'Artagnan, toujours à la tête de -la petite troupe, à reprendre son rang qu'au bout d'un instant il -abandonnait de nouveau; il n'avait qu'une pensée, c'était d'aller -en avant, et il allait. - -On traversa en silence le village de Festubert, où était resté le -domestique blessé, puis on longea le bois de Richebourg; arrivés à -Herlies, Planchet, qui dirigeait toujours la colonne, prit à -gauche. - -Plusieurs fois, Lord de Winter, soit Porthos, soit Aramis, avaient -essayé d'adresser la parole à l'homme au manteau rouge; mais à -chaque interrogation qui lui avait été faite, il s'était incliné -sans répondre. Les voyageurs avaient alors compris qu'il y avait -quelque raison pour que l'inconnu gardât le silence, et ils -avaient cessé de lui adresser la parole. - -D'ailleurs, l'orage grossissait, les éclairs se succédaient -rapidement, le tonnerre commençait à gronder, et le vent, -précurseur de l'ouragan, sifflait dans la plaine, agitant les -plumes des cavaliers. - -La cavalcade prit le grand trot. - -Un peu au-delà de Fromelles, l'orage éclata; on déploya les -manteaux; il restait encore trois lieues à faire: on les fit sous -des torrents de pluie. - -D'Artagnan avait ôté son feutre et n'avait pas mis son manteau; il -trouvait plaisir à laisser ruisseler l'eau sur son front brûlant -et sur son corps agité de frissons fiévreux. - -Au moment où la petite troupe avait dépassé Goskal et allait -arriver à la poste, un homme, abrité sous un arbre, se détacha du -tronc avec lequel il était resté confondu dans l'obscurité, et -s'avança jusqu'au milieu de la route, mettant son doigt sur ses -lèvres. - -Athos reconnut Grimaud. - -«Qu'y a-t-il donc? s'écria d'Artagnan, aurait-elle quitté -Armentières?» - -Grimaud fit de sa tête un signe affirmatif. D'Artagnan grinça des -dents. - -«Silence, d'Artagnan! dit Athos, c'est moi qui me suis chargé de -tout, c'est donc à moi d'interroger Grimaud. - --- Où est-elle?» demanda Athos. - -Grimaud étendit la main dans la direction de la Lys. - -«Loin d'ici?» demanda Athos. - -Grimaud présenta à son maître son index plié. - -«Seule?» demanda Athos. - -Grimaud fit signe que oui. - -«Messieurs, dit Athos, elle est seule à une demi-lieue d'ici, dans -la direction de la rivière. - --- C'est bien, dit d'Artagnan, conduis-nous, Grimaud.» - -Grimaud prit à travers champs, et servit de guide à la cavalcade. - -Au bout de cinq cents pas à peu près, on trouva un ruisseau, que -l'on traversa à gué. - -À la lueur d'un éclair, on aperçut le village d'Erquinghem. - -«Est-ce là?» demanda d'Artagnan. - -Grimaud secoua la tête en signe de négation. - -«Silence donc!» dit Athos. - -Et la troupe continua son chemin. - -Un autre éclair brilla; Grimaud étendit le bras, et à la lueur -bleuâtre du serpent de feu on distingua une petite maison isolée, -au bord de la rivière, à cent pas d'un bac. Une fenêtre était -éclairée. - -«Nous y sommes», dit Athos. - -En ce moment, un homme couché dans le fossé se leva, c'était -Mousqueton; il montra du doigt la fenêtre éclairée. - -«Elle est là, dit-il. - --- Et Bazin? demanda Athos. - --- Tandis que je gardais la fenêtre, il gardait la porte. - --- Bien, dit Athos, vous êtes tous de fidèles serviteurs.» Athos -sauta à bas de son cheval, dont il remit la bride aux mains de -Grimaud, et s'avança vers la fenêtre après avoir fait signe au -reste de la troupe de tourner du côté de la porte. - -La petite maison était entourée d'une haie vive, de deux ou trois -pieds de haut. Athos franchit la haie, parvint jusqu'à la fenêtre -privée de contrevents, mais dont les demi-rideaux étaient -exactement tirés. - -Il monta sur le rebord de pierre, afin que son oeil pût dépasser -la hauteur des rideaux. - -À la lueur d'une lampe, il vit une femme enveloppée d'une mante de -couleur sombre, assise sur un escabeau, près d'un feu mourant: ses -coudes étaient posés sur une mauvaise table, et elle appuyait sa -tête dans ses deux mains blanches comme l'ivoire. - -On ne pouvait distinguer son visage, mais un sourire sinistre -passa sur les lèvres d'Athos, il n'y avait pas à s'y tromper, -c'était bien celle qu'il cherchait. - -En ce moment un cheval hennit: Milady releva la tête, vit, collé à -la vitre, le visage pâle d'Athos, et poussa un cri. - -Athos comprit qu'il était reconnu, poussa la fenêtre du genou et -de la main, la fenêtre céda, les carreaux se rompirent. - -Et Athos, pareil au spectre de la vengeance, sauta dans la -chambre. - -Milady courut à la porte et l'ouvrit; plus pâle et plus menaçant -encore qu'Athos, d'Artagnan était sur le seuil. - -Milady recula en poussant un cri. D'Artagnan, croyant qu'elle -avait quelque moyen de fuir et craignant qu'elle ne leur échappât, -tira un pistolet de sa ceinture; mais Athos leva la main. - -«Remets cette arme à sa place, d'Artagnan, dit-il, il importe que -cette femme soit jugée et non assassinée. Attends encore un -instant, d'Artagnan, et tu seras satisfait. Entrez, messieurs.» - -D'Artagnan obéit, car Athos avait la voix solennelle et le geste -puissant d'un juge envoyé par le Seigneur lui-même. Aussi, -derrière d'Artagnan, entrèrent Porthos, Aramis, Lord de Winter et -l'homme au manteau rouge. - -Les quatre valets gardaient la porte et la fenêtre. - -Milady était tombée sur sa chaise les mains étendues, comme pour -conjurer cette terrible apparition; en apercevant son beau-frère, -elle jeta un cri terrible. - -«Que demandez-vous? s'écria Milady. - --- Nous demandons, dit Athos, Charlotte Backson, qui s'est appelée -d'abord la comtesse de La Fère, puis Lady de Winter, baronne de -Sheffield. - --- C'est moi, c'est moi! murmura-t-elle au comble de la terreur, -que me voulez-vous? - --- Nous voulons vous juger selon vos crimes, dit Athos: vous serez -libre de vous défendre, justifiez-vous si vous pouvez. Monsieur -d'Artagnan, à vous d'accuser le premier.» - -D'Artagnan s'avança. - -«Devant Dieu et devant les hommes, dit-il, j'accuse cette femme -d'avoir empoisonné Constance Bonacieux, morte hier soir.» - -Il se retourna vers Porthos et vers Aramis. - -«Nous attestons», dirent d'un seul mouvement les deux -mousquetaires. - -D'Artagnan continua. - -«Devant Dieu et devant les hommes, j'accuse cette femme d'avoir -voulu m'empoisonner moi-même, dans du vin qu'elle m'avait envoyé -de Villeroi, avec une fausse lettre, comme si le vin venait de mes -amis; Dieu m'a sauvé; mais un homme est mort à ma place, qui -s'appelait Brisemont. - --- Nous attestons, dirent de la même voix Porthos et Aramis. - --- Devant Dieu et devant les hommes, j'accuse cette femme -de m'avoir poussé au meurtre du baron de Wardes; et, comme -personne n'est là pour attester la vérité de cette accusation, je -l'atteste, moi. - -«J'ai dit.» - -Et d'Artagnan passa de l'autre côté de la chambre avec Porthos et -Aramis. - -«À vous, Milord!» dit Athos. - -Le baron s'approcha à son tour. - -«Devant Dieu et devant les hommes, dit-il, j'accuse cette femme -d'avoir fait assassiner le duc de Buckingham. - --- Le duc de Buckingham assassiné? s'écrièrent d'un seul cri tous -les assistants. - --- Oui, dit le baron, assassiné! Sur la lettre d'avis que vous -m'aviez écrite, j'avais fait arrêter cette femme, et je l'avais -donnée en garde à un loyal serviteur; elle a corrompu cet homme, -elle lui a mis le poignard dans la main, elle lui a fait tuer le -duc, et dans ce moment peut-être Felton paie de sa tête le crime -de cette furie.» - -Un frémissement courut parmi les juges à la révélation de ces -crimes encore inconnus. - -«Ce n'est pas tout, reprit Lord de Winter, mon frère, qui vous -avait faite son héritière, est mort en trois heures d'une étrange -maladie qui laisse des taches livides sur tout le corps. Ma soeur, -comment votre mari est-il mort? - --- Horreur! s'écrièrent Porthos et Aramis. - --- Assassin de Buckingham, assassin de Felton, assassin de mon -frère, je demande justice contre vous, et je déclare que si on ne -me la fait pas, je me la ferai.» - -Et Lord de Winter alla se ranger près de d'Artagnan, laissant la -place libre à un autre accusateur. - -Milady laissa tomber son front dans ses deux mains et essaya de -rappeler ses idées confondues par un vertige mortel. - -«À mon tour, dit Athos, tremblant lui-même comme le lion tremble à -l'aspect du serpent, à mon tour. J'épousai cette femme quand elle -était jeune fille, je l'épousai malgré toute ma famille; je lui -donnai mon bien, je lui donnai mon nom; et un jour je m'aperçus -que cette femme était flétrie: cette femme était marquée d'une -fleur de lis sur l'épaule gauche. - --- Oh! dit Milady en se levant, je défie de retrouver le tribunal -qui a prononcé sur moi cette sentence infâme. Je défie de -retrouver celui qui l'a exécutée. - --- Silence, dit une voix. À ceci, c'est à moi de répondre!» - -Et l'homme au manteau rouge s'approcha à son tour. - -«Quel est cet homme, quel est cet homme?» s'écria Milady suffoquée -par la terreur et dont les cheveux se dénouèrent et se dressèrent -sur sa tête livide comme s'ils eussent été vivants. - -Tous les yeux se tournèrent sur cet homme, car à tous, excepté à -Athos, il était inconnu. - -Encore Athos le regardait-il avec autant de stupéfaction que les -autres, car il ignorait comment il pouvait se trouver mêlé en -quelque chose à l'horrible drame qui se dénouait en ce moment. - -Après s'être approché de Milady, d'un pas lent et solennel, de -manière que la table seule le séparât d'elle, l'inconnu ôta son -masque. - -Milady regarda quelque temps avec une terreur croissante ce visage -pâle encadré de cheveux et de favoris noirs, dont la seule -expression était une impassibilité glacée, puis tout à coup: - -«Oh! non, non, dit-elle en se levant et en reculant jusqu'au mur; -non, non, c'est une apparition infernale! ce n'est pas lui! à moi! -à moi!» s'écria-t-elle d'une voix rauque en se retournant vers la -muraille, comme si elle eût pu s'y ouvrir un passage avec ses -mains. - -«Mais qui êtes-vous donc? s'écrièrent tous les témoins de cette -scène. - --- Demandez-le à cette femme, dit l'homme au manteau rouge, car -vous voyez bien qu'elle m'a reconnu, elle. - --- Le bourreau de Lille, le bourreau de Lille!» s'écria Milady en -proie à une terreur insensée et se cramponnant des mains à la -muraille pour ne pas tomber. - -Tout le monde s'écarta, et l'homme au manteau rouge resta seul -debout au milieu de la salle. - -«Oh! grâce! grâce! pardon!» s'écria la misérable en tombant à -genoux. - -L'inconnu laissa le silence se rétablir. - -«Je vous le disais bien qu'elle m'avait reconnu! reprit-il. Oui, -je suis le bourreau de la ville de Lille, et voici mon histoire.» - -Tous les yeux étaient fixés sur cet homme dont on attendait les -paroles avec une avide anxiété. - -«Cette jeune femme était autrefois une jeune fille aussi belle -qu'elle est belle aujourd'hui. Elle était religieuse au couvent -des bénédictines de Templemar. Un jeune prêtre au coeur simple et -croyant desservait l'église de ce couvent; elle entreprit de le -séduire et y réussit, elle eût séduit un saint. - -«Leurs voeux à tous deux étaient sacrés, irrévocables; leur -liaison ne pouvait durer longtemps sans les perdre tous deux. Elle -obtint de lui qu'ils quitteraient le pays; mais pour quitter le -pays, pour fuir ensemble, pour gagner une autre partie de la -France, où ils pussent vivre tranquilles parce qu'ils seraient -inconnus, il fallait de l'argent; ni l'un ni l'autre n'en avait. -Le prêtre vola les vases sacrés, les vendit; mais comme ils -s'apprêtaient à partir ensemble, ils furent arrêtés tous deux. - -«Huit jours après, elle avait séduit le fils du geôlier et s'était -sauvée. Le jeune prêtre fut condamné à dix ans de fers et à la -flétrissure. J'étais le bourreau de la ville de Lille, comme dit -cette femme. Je fus obligé de marquer le coupable, et le coupable, -messieurs, c'était mon frère! - -«Je jurai alors que cette femme qui l'avait perdu, qui était plus -que sa complice, puisqu'elle l'avait poussé au crime, partagerait -au moins le châtiment. Je me doutai du lieu où elle était cachée, -je la poursuivis, je l'atteignis, je la garrottai et lui imprimai -la même flétrissure que j'avais imprimée à mon frère. - -«Le lendemain de mon retour à Lille, mon frère parvint à -s'échapper à son tour, on m'accusa de complicité, et l'on me -condamna à rester en prison à sa place tant qu'il ne se serait pas -constitué prisonnier. Mon pauvre frère ignorait ce jugement; il -avait rejoint cette femme, ils avaient fui ensemble dans le Berry; -et là, il avait obtenu une petite cure. Cette femme passait pour -sa soeur. - -«Le seigneur de la terre sur laquelle était située l'église du -curé vit cette prétendue soeur et en devint amoureux, amoureux au -point qu'il lui proposa de l'épouser. Alors elle quitta celui -qu'elle avait perdu pour celui qu'elle devait perdre, et devint la -comtesse de La Fère...» - -Tous les yeux se tournèrent vers Athos, dont c'était le véritable -nom, et qui fit signe de la tête que tout ce qu'avait dit le -bourreau était vrai. - -«Alors, reprit celui-ci, fou, désespéré, décidé à se débarrasser -d'une existence à laquelle elle avait tout enlevé, honneur et -bonheur, mon pauvre frère revint à Lille, et apprenant l'arrêt qui -m'avait condamné à sa place, se constitua prisonnier et se pendit -le même soir au soupirail de son cachot. - -«Au reste, c'est une justice à leur rendre, ceux qui m'avaient -condamné me tinrent parole. À peine l'identité du cadavre fut-elle -constatée qu'on me rendit ma liberté. - -«Voilà le crime dont je l'accuse, voilà la cause pour laquelle je -l'ai marquée. - --- Monsieur d'Artagnan, dit Athos, quelle est la peine que vous -réclamez contre cette femme? - --- La peine de mort, répondit d'Artagnan. - --- Milord de Winter, continua Athos, quelle est la peine que vous -réclamez contre cette femme? - --- La peine de mort, reprit Lord de Winter. - --- Messieurs Porthos et Aramis, reprit Athos, vous qui êtes ses -juges, quelle est la peine que vous portez contre cette femme? - --- La peine de mort», répondirent d'une voix sourde les deux -mousquetaires. - -Milady poussa un hurlement affreux, et fit quelques pas vers ses -juges en se traînant sur ses genoux. - -Athos étendit la main vers elle. - -«Anne de Breuil, comtesse de La Fère, Milady de Winter, dit-il, -vos crimes ont lassé les hommes sur la terre et Dieu dans le ciel. -Si vous savez quelque prière, dites-la, car vous êtes condamnée et -vous allez mourir.» - -À ces paroles, qui ne lui laissaient aucun espoir, Milady se -releva de toute sa hauteur et voulut parler, mais les forces lui -manquèrent; elle sentit qu'une main puissante et implacable la -saisissait par les cheveux et l'entraînait aussi irrévocablement -que la fatalité entraîne l'homme: elle ne tenta donc pas même de -faire résistance et sortit de la chaumière. - -Lord de Winter, d'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis sortirent -derrière elle. Les valets suivirent leurs maîtres et la chambre -resta solitaire avec sa fenêtre brisée, sa porte ouverte et sa -lampe fumeuse qui brûlait tristement sur la table. - - -CHAPITRE LXVI -L'EXÉCUTION - -Il était minuit à peu près; la lune, échancrée par sa décroissance -et ensanglantée par les dernières traces de l'orage, se levait -derrière la petite ville d'Armentières, qui détachait sur sa lueur -blafarde la silhouette sombre de ses maisons et le squelette de -son haut clocher découpé à jour. En face, la Lys roulait ses eaux -pareilles à une rivière d'étain fondu; tandis que sur l'autre rive -on voyait la masse noire des arbres se profiler sur un ciel -orageux envahi par de gros nuages cuivrés qui faisaient une espèce -de crépuscule au milieu de la nuit. À gauche s'élevait un vieux -moulin abandonné, aux ailes immobiles, dans les ruines duquel une -chouette faisait entendre son cri aigu, périodique et monotone. Çà -et là dans la plaine, à droite et à gauche du chemin que suivait -le lugubre cortège, apparaissaient quelques arbres bas et trapus, -qui semblaient des nains difformes accroupis pour guetter les -hommes à cette heure sinistre. - -De temps en temps un large éclair ouvrait l'horizon dans toute sa -largeur, serpentait au-dessus de la masse noire des arbres et -venait comme un effrayant cimeterre couper le ciel et l'eau en -deux parties. Pas un souffle de vent ne passait dans l'atmosphère -alourdie. Un silence de mort écrasait toute la nature; le sol -était humide et glissant de la pluie qui venait de tomber, et les -herbes ranimées jetaient leur parfum avec plus d'énergie. - -Deux valets traînaient Milady, qu'ils tenaient chacun par un bras; -le bourreau marchait derrière, et Lord de Winter, d'Artagnan, -Athos, Porthos et Aramis marchaient derrière le bourreau. - -Planchet et Bazin venaient les derniers. - -Les deux valets conduisaient Milady du côté de la rivière. Sa -bouche était muette; mais ses yeux parlaient avec leur -inexprimable éloquence, suppliant tour à tour chacun de ceux -qu'elle regardait. - -Comme elle se trouvait de quelques pas en avant, elle dit aux -valets: - -«Mille pistoles à chacun de vous si vous protégez ma fuite; mais -si vous me livrez à vos maîtres, j'ai ici près des vengeurs qui -vous feront payer cher ma mort.» - -Grimaud hésitait. Mousqueton tremblait de tous ses membres. - -Athos, qui avait entendu la voix de Milady, s'approcha vivement, -Lord de Winter en fit autant. - -«Renvoyez ces valets, dit-il, elle leur a parlé, ils ne sont plus -sûrs.» - -On appela Planchet et Bazin, qui prirent la place de Grimaud et de -Mousqueton. - -Arrivés au bord de l'eau, le bourreau s'approcha de Milady et lui -lia les pieds et les mains. - -Alors elle rompit le silence pour s'écrier: - -«Vous êtes des lâches, vous êtes des misérables assassins, vous -vous mettez à dix pour égorger une femme; prenez garde, si je ne -suis point secourue, je serai vengée. - --- Vous n'êtes pas une femme, dit froidement Athos, vous -n'appartenez pas à l'espèce humaine, vous êtes un démon échappé de -l'enfer et que nous allons y faire rentrer. - --- Ah! messieurs les hommes vertueux! dit Milady, faites attention -que celui qui touchera un cheveu de ma tête est à son tour un -assassin. - --- Le bourreau peut tuer, sans être pour cela un assassin, madame, -dit l'homme au manteau rouge en frappant sur sa large épée; c'est -le dernier juge, voilà tout: _Nachrichter_, comme disent nos -voisins les Allemands.» - -Et, comme il la liait en disant ces paroles, Milady poussa deux ou -trois cris sauvages, qui firent un effet sombre et étrange en -s'envolant dans la nuit et en se perdant dans les profondeurs du -bois. - -«Mais si je suis coupable, si j'ai commis les crimes dont vous -m'accusez, hurlait Milady, conduisez-moi devant un tribunal, vous -n'êtes pas des juges, vous, pour me condamner. - --- Je vous avais proposé Tyburn, dit Lord de Winter, pourquoi -n'avez-vous pas voulu? - --- Parce que je ne veux pas mourir! s'écria Milady en se -débattant, parce que je suis trop jeune pour mourir! - --- La femme que vous avez empoisonnée à Béthune était plus jeune -encore que vous, madame, et cependant elle est morte, dit -d'Artagnan. - --- J'entrerai dans un cloître, je me ferai religieuse, dit Milady. - --- Vous étiez dans un cloître, dit le bourreau, et vous en êtes -sortie pour perdre mon frère.» - -Milady poussa un cri d'effroi, et tomba sur ses genoux. - -Le bourreau la souleva sous les bras, et voulut l'emporter vers le -bateau. - -«Oh! mon Dieu! s'écria-t-elle, mon Dieu! allez-vous donc me -noyer!» - -Ces cris avaient quelque chose de si déchirant, que d'Artagnan, -qui d'abord était le plus acharné à la poursuite de Milady, se -laissa aller sur une souche, et pencha la tête, se bouchant les -oreilles avec les paumes de ses mains; et cependant, malgré cela, -il l'entendait encore menacer et crier. - -D'Artagnan était le plus jeune de tous ces hommes, le coeur lui -manqua. - -«Oh! je ne puis voir cet affreux spectacle! je ne puis consentir à -ce que cette femme meure ainsi!» - -Milady avait entendu ces quelques mots, et elle s'était reprise à -une lueur d'espérance. - -«D'Artagnan! d'Artagnan! cria-t-elle, souviens-toi que je t'ai -aimé!» - -Le jeune homme se leva et fit un pas vers elle. - -Mais Athos, brusquement, tira son épée, se mit sur son chemin. - -«Si vous faites un pas de plus, d'Artagnan, dit-il, nous -croiserons le fer ensemble. - -D'Artagnan tomba à genoux et pria. - -«Allons, continua Athos, bourreau, fais ton devoir. - --- Volontiers, Monseigneur, dit le bourreau, car aussi vrai que je -suis bon catholique, je crois fermement être juste en -accomplissant ma fonction sur cette femme. - --- C'est bien.» - -Athos fit un pas vers Milady. - -«Je vous pardonne, dit-il, le mal que vous m'avez fait; je vous -pardonne mon avenir brisé, mon honneur perdu, mon amour souillé et -mon salut à jamais compromis par le désespoir où vous m'avez jeté. -Mourez en paix.» - -Lord de Winter s'avança à son tour. - -«Je vous pardonne, dit-il, l'empoisonnement de mon frère, -l'assassinat de Sa Grâce Lord Buckingham; je vous pardonne la mort -du pauvre Felton, je vous pardonne vos tentatives sur ma personne. -Mourez en paix. - --- Et moi, dit d'Artagnan, pardonnez-moi, madame, d'avoir, par une -fourberie indigne d'un gentilhomme, provoqué votre colère; et, en -échange, je vous pardonne le meurtre de ma pauvre amie et vos -vengeances cruelles pour moi, je vous pardonne et je pleure sur -vous. Mourez en paix! - --- _I am lost!_ murmura en anglais Milady. _I must die._» - --- Oui, oui, murmura Athos, qui parla l'anglais comme sa langue -maternelle; oui, vous êtes perdue, oui, il faut mourir. - -Alors elle se releva d'elle-même, jeta tout autour d'elle un de -ces regards clairs qui semblaient jaillir d'un oeil de flamme. - -Elle ne vit rien. - -Elle écouta et n'entendit rien. - -Elle n'avait autour d'elle que des ennemis. - -«Où vais-je mourir? dit-elle. - --- Sur l'autre rive», répondit le bourreau. - -Alors il la fit entrer dans la barque, et, comme il allait y -mettre le pied pour la suivre, Athos lui remit une somme d'argent. - -«Tenez, dit-il, voici le prix de l'exécution; que l'on voie bien -que nous agissons en juges. - --- C'est bien, dit le bourreau; et que maintenant, à son tour, -cette femme sache que je n'accomplis pas mon métier, mais mon -devoir.» - -Et il jeta l'argent dans la rivière. - --- Voyez, dit Athos, cette femme a un enfant, et cependant elle n'a pas dit -un mot de son enfant! - -Le bateau s'éloigna vers la rive gauche de la Lys, emportant la -coupable et l'exécuteur; tous les autres demeurèrent sur la rive -droite, où ils étaient tombés à genoux. - -Le bateau glissait lentement le long de la corde du bac, sous le -reflet d'un nuage pâle qui surplombait l'eau en ce moment. - -On le vit aborder sur l'autre rive; les personnages se dessinaient -en noir sur l'horizon rougeâtre. - -Milady, pendant le trajet, était parvenue à détacher la corde qui -liait ses pieds: en arrivant sur le rivage, elle sauta légèrement -à terre et prit la fuite. - -Mais le sol était humide; en arrivant au haut du talus, elle -glissa et tomba sur ses genoux. - -Une idée superstitieuse la frappa sans doute; elle comprit que le -Ciel lui refusait son secours et resta dans l'attitude où elle se -trouvait, la tête inclinée et les mains jointes. - -Alors on vit, de l'autre rive, le bourreau lever lentement ses -deux bras, un rayon de lune se refléta sur la lame de sa large -épée, les deux bras retombèrent; on entendit le sifflement du -cimeterre et le cri de la victime, puis une masse tronquée -s'affaissa sous le coup. - -Alors le bourreau détacha son manteau rouge, l'étendit à terre, y -coucha le corps, y jeta la tête, le noua par les quatre coins, le -chargea sur son épaule et remonta dans le bateau. - -Arrivé au milieu de la Lys, il arrêta la barque, et suspendant son -fardeau au-dessus de la rivière: - -«Laissez passer la justice de Dieu!» cria-t-il à haute voix. - -Et il laissa tomber le cadavre au plus profond de l'eau, qui se -referma sur lui. - -Trois jours après, les quatre mousquetaires rentraient à Paris; -ils étaient restés dans les limites de leur congé, et le même soir -ils allèrent faire leur visite accoutumée à M. de Tréville. - -«Eh bien, messieurs, leur demanda le brave capitaine, vous êtes- -vous bien amusés dans votre excursion? - --- Prodigieusement», répondit Athos, les dents serrées. - - -CHAPITRE LXVII -CONCLUSION - -Le 6 du mois suivant, le roi, tenant la promesse qu'il avait faite -au cardinal de quitter Paris pour revenir à La Rochelle, sortit de -sa capitale tout étourdi encore de la nouvelle qui venait de s'y -répandre que Buckingham venait d'être assassiné. - -Quoique prévenue que l'homme qu'elle avait tant aimé courait un -danger, la reine, lorsqu'on lui annonça cette mort, ne voulut pas -la croire; il lui arriva même de s'écrier imprudemment: - -«C'est faux! il vient de m'écrire.» - -Mais le lendemain il lui fallut bien croire à cette fatale -nouvelle; La Porte, retenu comme tout le monde en Angleterre par -les ordres du roi Charles Ier, arriva porteur du dernier et -funèbre présent que Buckingham envoyait à la reine. - -La joie du roi avait été très vive; il ne se donna pas la peine de -la dissimuler et la fit même éclater avec affectation devant la -reine. Louis XIII, comme tous les coeurs faibles, manquait de -générosité. - -Mais bientôt le roi redevint sombre et mal portant: son front -n'était pas de ceux qui s'éclaircissent pour longtemps; il sentait -qu'en retournant au camp il allait reprendre son esclavage, et -cependant il y retournait. - -Le cardinal était pour lui le serpent fascinateur et il était, -lui, l'oiseau qui voltige de branche en branche sans pouvoir lui -échapper. - -Aussi le retour vers La Rochelle était-il profondément triste. Nos -quatre amis surtout faisaient l'étonnement de leurs camarades; ils -voyageaient ensemble, côte à côte, l'oeil sombre et la tête -baissée. Athos relevait seul de temps en temps son large front; un -éclair brillait dans ses yeux, un sourire amer passait sur ses -lèvres, puis, pareil à ses camarades, il se laissait de nouveau -aller à ses rêveries. - -Aussitôt l'arrivée de l'escorte dans une ville, dès qu'ils avaient -conduit le roi à son logis, les quatre amis se retiraient ou chez -eux ou dans quelque cabaret écarté, où ils ne jouaient ni ne -buvaient; seulement ils parlaient à voix basse en regardant avec -attention si nul ne les écoutait. - -Un jour que le roi avait fait halte sur la route pour voler la -pie, et que les quatre amis, selon leur habitude, au lieu de -suivre la chasse, s'étaient arrêtés dans un cabaret sur la grande -route, un homme, qui venait de La Rochelle à franc étrier, -s'arrêta à la porte pour boire un verre de vin, et plongea son -regard dans l'intérieur de la chambre où étaient attablés les -quatre mousquetaires. - -«Holà! monsieur d'Artagnan! dit-il, n'est-ce point vous que je -vois là-bas?» - -D'Artagnan leva la tête et poussa un cri de joie. Cet homme qu'il -appelait son fantôme, c'était son inconnu de Meung, de la rue des -Fossoyeurs et d'Arras. - -D'Artagnan tira son épée et s'élança vers la porte. - -Mais cette fois, au lieu de fuir, l'inconnu s'élança à bas de son -cheval, et s'avança à la rencontre de d'Artagnan. - -«Ah! monsieur, dit le jeune homme, je vous rejoins donc enfin; -cette fois vous ne m'échapperez pas. - --- Ce n'est pas mon intention non plus, monsieur, car cette fois -je vous cherchais; au nom du roi, je vous arrête et dis que vous -ayez à me rendre votre épée, monsieur, et cela sans résistance; il -y va de la tête, je vous en avertis. - --- Qui êtes-vous donc? demanda d'Artagnan en baissant son épée, -mais sans la rendre encore. - --- Je suis le chevalier de Rochefort, répondit l'inconnu, l'écuyer -de M. le cardinal de Richelieu, et j'ai ordre de vous ramener à -Son Éminence. - --- Nous retournons auprès de Son Éminence, monsieur le chevalier, -dit Athos en s'avançant, et vous accepterez bien la parole de -M. d'Artagnan, qu'il va se rendre en droite ligne à La Rochelle. - --- Je dois le remettre entre les mains des gardes qui le -ramèneront au camp. - --- Nous lui en servirons, monsieur, sur notre parole de -gentilshommes; mais sur notre parole de gentilshommes aussi, -ajouta Athos en fronçant le sourcil, M. d'Artagnan ne nous -quittera pas.» - -Le chevalier de Rochefort jeta un coup d'oeil en arrière et vit -que Porthos et Aramis s'étaient placés entre lui et la porte; il -comprit qu'il était complètement à la merci de ces quatre hommes. - -«Messieurs, dit-il, si M. d'Artagnan veut me rendre son épée, et -joindre sa parole à la vôtre, je me contenterai de votre promesse -de conduire M. d'Artagnan au quartier de Mgr le cardinal. - --- Vous avez ma parole, monsieur, dit d'Artagnan, et voici mon -épée. - --- Cela me va d'autant mieux, ajouta Rochefort, qu'il faut que je -continue mon voyage. - --- Si c'est pour rejoindre Milady, dit froidement Athos, c'est -inutile, vous ne la retrouverez pas. - --- Qu'est-elle donc devenue? demanda vivement Rochefort. - --- Revenez au camp et vous le saurez.» - -Rochefort demeura un instant pensif, puis, comme on n'était plus -qu'à une journée de Surgères, jusqu'où le cardinal devait venir -au-devant du roi, il résolut de suivre le conseil d'Athos et de -revenir avec eux. - -D'ailleurs ce retour lui offrait un avantage, c'était de -surveiller lui-même son prisonnier. - -On se remit en route. - -Le lendemain, à trois heures de l'après-midi, on arriva à -Surgères. Le cardinal y attendait Louis XIII. Le ministre et le -roi y échangèrent force caresses, se félicitèrent de l'heureux -hasard qui débarrassait la France de l'ennemi acharné qui ameutait -l'Europe contre elle. Après quoi, le cardinal, qui avait été -prévenu par Rochefort que d'Artagnan était arrêté, et qui avait -hâte de le voir, prit congé du roi en l'invitant à venir voir le -lendemain les travaux de la digue qui étaient achevés. - -En revenant le soir à son quartier du pont de La Pierre, le -cardinal trouva debout, devant la porte de la maison qu'il -habitait, d'Artagnan sans épée et les trois mousquetaires armés. - -Cette fois, comme il était en force, il les regarda sévèrement, et -fit signe de l'oeil et de la main à d'Artagnan de le suivre. - -D'Artagnan obéit. - -«Nous t'attendrons, d'Artagnan», dit Athos assez haut pour que le -cardinal l'entendit. - -Son Éminence fronça le sourcil, s'arrêta un instant, puis continua -son chemin sans prononcer une seule parole. - -D'Artagnan entra derrière le cardinal, et Rochefort derrière -d'Artagnan; la porte fut gardée. - -Son Éminence se rendit dans la chambre qui lui servait de cabinet, -et fit signe à Rochefort d'introduire le jeune mousquetaire. - -Rochefort obéit et se retira. - -D'Artagnan resta seul en face du cardinal; c'était sa seconde -entrevue avec Richelieu, et il avoua depuis qu'il avait été bien -convaincu que ce serait la dernière. - -Richelieu resta debout, appuyé contre la cheminée, une table était -dressée entre lui et d'Artagnan. - -«Monsieur, dit le cardinal, vous avez été arrêté par mes ordres. - --- On me l'a dit, Monseigneur. - --- Savez-vous pourquoi? - --- Non, Monseigneur; car la seule chose pour laquelle je pourrais -être arrêté est encore inconnue de Son Éminence.» - -Richelieu regarda fixement le jeune homme. - -«Oh! Oh! dit-il, que veut dire cela? - --- Si Monseigneur veut m'apprendre d'abord les crimes qu'on -m'impute, je lui dirai ensuite les faits que j'ai accomplis. - --- On vous impute des crimes qui ont fait choir des têtes plus -hautes que la vôtre, monsieur! dit le cardinal. - --- Lesquels, Monseigneur? demanda d'Artagnan avec un calme qui -étonna le cardinal lui-même. - --- On vous impute d'avoir correspondu avec les ennemis du royaume, -on vous impute d'avoir surpris les secrets de l'État, on vous -impute d'avoir essayé de faire avorter les plans de votre général. - --- Et qui m'impute cela, Monseigneur? dit d'Artagnan, qui se -doutait que l'accusation venait de Milady: une femme flétrie par -la justice du pays, une femme qui a épousé un homme en France et -un autre en Angleterre, une femme qui a empoisonné son second mari -et qui a tenté de m'empoisonner moi-même! - --- Que dites-vous donc là? Monsieur, s'écria le cardinal étonné, -et de quelle femme parlez-vous ainsi? - --- De Milady de Winter, répondit d'Artagnan; oui, de Milady de -Winter, dont, sans doute, Votre Éminence ignorait tous les crimes -lorsqu'elle l'a honorée de sa confiance. - --- Monsieur, dit le cardinal, si Milady de Winter a commis les -crimes que vous dites, elle sera punie. - --- Elle l'est, Monseigneur. - --- Et qui l'a punie? - --- Nous. - --- Elle est en prison? - --- Elle est morte. - --- Morte! répéta le cardinal, qui ne pouvait croire à ce qu'il -entendait: morte! n'avez-vous pas dit qu'elle était morte? - --- Trois fois elle avait essayé de me tuer, et je lui avais -pardonné, mais elle a tué la femme que j'aimais. Alors, mes amis -et moi, nous l'avons prise, jugée et condamnée.» - -D'Artagnan alors raconta l'empoisonnement de Mme Bonacieux dans le -couvent des Carmélites de Béthune, le jugement de la maison -isolée, l'exécution sur les bords de la Lys. - -Un frisson courut par tout le corps du cardinal, qui cependant ne -frissonnait pas facilement. - -Mais tout à coup, comme subissant l'influence d'une pensée muette, -la physionomie du cardinal, sombre jusqu'alors, s'éclaircit peu à -peu et arriva à la plus parfaite sérénité. - -«Ainsi, dit-il avec une voix dont la douceur contrastait avec la -sévérité de ses paroles, vous vous êtes constitués juges, sans -penser que ceux qui n'ont pas mission de punir et qui punissent -sont des assassins! - --- Monseigneur, je vous jure que je n'ai pas eu un instant -l'intention de défendre ma tête contre vous. Je subirai le -châtiment que Votre Éminence voudra bien m'infliger. Je ne tiens -pas assez à la vie pour craindre la mort. - --- Oui, je le sais, vous êtes un homme de coeur, monsieur, dit le -cardinal avec une voix presque affectueuse; je puis donc vous dire -d'avance que vous serez jugé, condamné même. - --- Un autre pourrait répondre à Votre Éminence qu'il a sa grâce -dans sa poche; moi je me contenterai de vous dire: «Ordonnez, -Monseigneur, je suis prêt.» - --- Votre grâce? dit Richelieu surpris. - --- Oui, Monseigneur, dit d'Artagnan. - --- Et signée de qui? du roi?» - -Et le cardinal prononça ces mots avec une singulière expression de -mépris. - -«Non, de Votre Éminence. - --- De moi? vous êtes fou, monsieur? - --- Monseigneur reconnaîtra sans doute son écriture.» - -Et d'Artagnan présenta au cardinal le précieux papier qu'Athos -avait arraché à Milady, et qu'il avait donné à d'Artagnan pour lui -servir de sauvegarde. - -Son Éminence prit le papier et lut d'une voix lente et en appuyant -sur chaque syllabe: - -«C'est par mon ordre et pour le bien de État que le porteur du -présent a fait ce qu'il a fait. - -«Au camp devant La Rochelle, ce 5 août 1628. - -«Richelieu.» - -Le cardinal, après avoir lu ces deux lignes, tomba dans une -rêverie profonde, mais il ne rendit pas le papier à d'Artagnan. - -«Il médite de quel genre de supplice il me fera mourir, se dit -tout bas d'Artagnan; eh bien, ma foi! il verra comment meurt un -gentilhomme.» - -Le jeune mousquetaire était en excellente disposition pour -trépasser héroïquement. - -Richelieu pensait toujours, roulait et déroulait le papier dans -ses mains. Enfin il leva la tête, fixa son regard d'aigle sur -cette physionomie loyale, ouverte, intelligente, lut sur ce visage -sillonné de larmes toutes les souffrances qu'il avait endurées -depuis un mois, et songea pour la troisième ou quatrième fois -combien cet enfant de vingt et un ans avait d'avenir, et quelles -ressources son activité, son courage et son esprit pouvaient -offrir à un bon maître. - -D'un autre côté, les crimes, la puissance, le génie infernal de -Milady l'avaient plus d'une fois épouvanté. Il sentait comme une -joie secrète d'être à jamais débarrassé de ce complice dangereux. - -Il déchira lentement le papier que d'Artagnan lui avait si -généreusement remis. - -«Je suis perdu», dit en lui-même d'Artagnan. - -Et il s'inclina profondément devant le cardinal en homme qui dit: -«Seigneur, que votre volonté soit faite!» - -Le cardinal s'approcha de la table, et, sans s'asseoir, écrivit -quelques lignes sur un parchemin dont les deux tiers étaient déjà -remplis et y apposa son sceau. - -«Ceci est ma condamnation, dit d'Artagnan; il m'épargne l'ennui de -la Bastille et les lenteurs d'un jugement. C'est encore fort -aimable à lui.» - -«Tenez, monsieur, dit le cardinal au jeune homme, je vous ai pris -un blanc-seing et je vous en rends un autre. Le nom manque sur ce -brevet: vous l'écrirez vous-même.» - -D'Artagnan prit le papier en hésitant et jeta les yeux dessus. - -C'était une lieutenance dans les mousquetaires. - -D'Artagnan tomba aux pieds du cardinal. - -«Monseigneur, dit-il, ma vie est à vous; disposez-en désormais; -mais cette faveur que vous m'accordez, je ne la mérite pas: j'ai -trois amis qui sont plus méritants et plus dignes... - --- Vous êtes un brave garçon, d'Artagnan, interrompit le cardinal -en lui frappant familièrement sur l'épaule, charmé qu'il était -d'avoir vaincu cette nature rebelle. Faites de ce brevet ce qu'il -vous plaira. Seulement rappelez-vous que, quoique le nom soit en -blanc, c'est à vous que je le donne. - --- Je ne l'oublierai jamais, répondit d'Artagnan. Votre Éminence -peut en être certaine.» - -Le cardinal se retourna et dit à haute voix: - -«Rochefort!» - -Le chevalier, qui sans doute était derrière la porte entra -aussitôt. - -«Rochefort, dit le cardinal, vous voyez M. d'Artagnan; je le -reçois au nombre de mes amis; ainsi donc que l'on s'embrasse et -que l'on soit sage si l'on tient à conserver sa tête. - -Rochefort et d'Artagnan s'embrassèrent du bout des lèvres; mais le -cardinal était là, qui les observait de son oeil vigilant. - -Ils sortirent de la chambre en même temps. - -«Nous nous retrouverons, n'est-ce pas, monsieur? - --- Quand il vous plaira, fit d'Artagnan. - --- L'occasion viendra, répondit Rochefort. - --- Hein?» fit Richelieu en ouvrant la porte. - -Les deux hommes se sourirent, se serrèrent la main et saluèrent -Son Éminence. - -«Nous commencions à nous impatienter, dit Athos. - --- Me voilà, mes amis! répondit d'Artagnan, non seulement libre, -mais en faveur. - --- Vous nous conterez cela? - --- Dès ce soir.» - -En effet, dès le soir même d'Artagnan se rendit au logis d'Athos, -qu'il trouva en train de vider sa bouteille de vin d'Espagne, -occupation qu'il accomplissait religieusement tous les soirs. - -Il lui raconta ce qui s'était passé entre le cardinal et lui, et -tirant le brevet de sa poche: - -«Tenez, mon cher Athos, voilà, dit-il, qui vous revient tout -naturellement.» - -Athos sourit de son doux et charmant sourire. - -«Amis, dit-il, pour Athos c'est trop; pour le comte de La Fère, -c'est trop peu. Gardez ce brevet, il est à vous; hélas, mon Dieu! -vous l'avez acheté assez cher.» - -D'Artagnan sortit de la chambre d'Athos, et entra dans celle de -Porthos. - -Il le trouva vêtu d'un magnifique habit, couvert de broderies -splendides, et se mirant dans une glace. - -«Ah! ah! dit Porthos, c'est vous, cher ami! comment trouvez-vous -que ce vêtement me va? - --- À merveille, dit d'Artagnan, mais je viens vous proposer un -habit qui vous ira mieux encore. - --- Lequel? demanda Porthos. - --- Celui de lieutenant aux mousquetaires. - -D'Artagnan raconta à Porthos son entrevue avec le cardinal, et -tirant le brevet de sa poche: - -«Tenez, mon cher, dit-il, écrivez votre nom là-dessus, et soyez -bon chef pour moi. - -Porthos jeta les yeux sur le brevet, et le rendit à d'Artagnan, au -grand étonnement du jeune homme. - -«Oui, dit-il, cela me flatterait beaucoup, mais je n'aurais pas -assez longtemps à jouir de cette faveur. Pendant notre expédition -de Béthune, le mari de ma duchesse est mort; de sorte que, mon -cher, le coffre du défunt me tendant les bras, j'épouse la veuve. -Tenez, j'essayais mon habit de noce; gardez la lieutenance, mon -cher, gardez.» - -Et il rendit le brevet à d'Artagnan. - -Le jeune homme entra chez Aramis. - -Il le trouva agenouillé devant un prie-Dieu, le front appuyé -contre son livre d'heures ouvert. - -Il lui raconta son entrevue avec le cardinal, et tirant pour la -troisième fois son brevet de sa poche: - -«Vous, notre ami, notre lumière, notre protecteur invisible, dit- -il, acceptez ce brevet; vous l'avez mérité plus que personne, par -votre sagesse et vos conseils toujours suivis de si heureux -résultats. - --- Hélas, cher ami! dit Aramis, nos dernières aventures m'ont -dégoûté tout à fait de la vie d'homme d'épée. Cette fois, mon -parti est pris irrévocablement, après le siège j'entre chez les -lazaristes. Gardez ce brevet, d'Artagnan, le métier des armes vous -convient, vous serez un brave et aventureux capitaine.» - -D'Artagnan, l'oeil humide de reconnaissance et brillant de joie, -revint à Athos, qu'il trouva toujours attablé et mirant son -dernier verre de malaga à la lueur de la lampe. - -«Eh bien, dit-il, eux aussi m'ont refusé. - --- C'est que personne, cher ami, n'en était plus digne que vous.» - -Il prit une plume, écrivit sur le brevet le nom de d'Artagnan, et -le lui remit. - -«Je n'aurai donc plus d'amis, dit le jeune homme, hélas! plus -rien, que d'amers souvenirs...» - -Et il laissa tomber sa tête entre ses deux mains, tandis que deux -larmes roulaient le long de ses joues. - -«Vous êtes jeune, vous, répondit Athos, et vos souvenirs amers ont -le temps de se changer en doux souvenirs!» - - -ÉPILOGUE - -La Rochelle, privée du secours de la flotte anglaise et de la -division promise par Buckingham, se rendit après un siège d'un an. -Le 28 octobre 1628, on signa la capitulation. - -Le roi fit son entrée à Paris le 23 décembre de la même année. On -lui fit un triomphe comme s'il revenait de vaincre l'ennemi et non -des Français. Il entra par le faubourg Saint-Jacques sous des arcs -de verdure. - -D'Artagnan prit possession de son grade. Porthos quitta le service -et épousa, dans le courant de l'année suivante, Mme Coquenard, le -coffre tant convoité contenait huit cent mille livres. - -Mousqueton eut une livrée magnifique, et de plus la satisfaction, -qu'il avait ambitionnée toute sa vie, de monter derrière un -carrosse doré. - -Aramis, après un voyage en Lorraine, disparut tout à coup et cessa -d'écrire à ses amis. On apprit plus tard, par Mme de Chevreuse, -qui le dit à deux ou trois de ses amants, qu'il avait pris l'habit -dans un couvent de Nancy. - -Bazin devint frère lai. - -Athos resta mousquetaire sous les ordres de d'Artagnan jusqu'en -1633, époque à laquelle, à la suite d'un voyage qu'il fit en -Touraine, il quitta aussi le service sous prétexte qu'il venait de -recueillir un petit héritage en Roussillon. - -Grimaud suivit Athos. - -D'Artagnan se battit trois fois avec Rochefort et le blessa trois -fois. - -«Je vous tuerai probablement à la quatrième, lui dit-il en lui -tendant la main pour le relever. - --- Il vaut donc mieux, pour vous et pour moi, que nous en restions -là, répondit le blessé. Corbleu! je suis plus votre ami que vous -ne pensez, car dès la première rencontre j'aurais pu, en disant un -mot au cardinal, vous faire couper le cou.» - -Ils s'embrassèrent cette fois, mais de bon coeur et sans arrière- -pensée. - -Planchet obtint de Rochefort le grade de sergent dans les gardes. - -M. Bonacieux vivait fort tranquille, ignorant parfaitement ce -qu'était devenue sa femme et ne s'en inquiétant guère. Un jour, il -eut l'imprudence de se rappeler au souvenir du cardinal; le -cardinal lui fit répondre qu'il allait pourvoir à ce qu'il ne -manquât jamais de rien désormais. - -En effet, le lendemain, M. Bonacieux, étant sorti à sept heures du -soir de chez lui pour se rendre au Louvre, ne reparut plus rue des -Fossoyeurs; l'avis de ceux qui parurent les mieux informés fut -qu'il était nourri et logé dans quelque château royal aux frais de -sa généreuse Éminence. - -FIN - - - - - -End of Project Gutenberg's Les trois mousquetaires, by Alexandre Dumas - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES TROIS MOUSQUETAIRES *** - -***** This file should be named 13951-8.txt or 13951-8.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - https://www.gutenberg.org/1/3/9/5/13951/ - -This Etext was prepared by Ebooks libres et gratuits and -is available at http://www.ebooksgratuits.com in Word format, -Mobipocket Reader format, eReader format and Acrobat Reader format. - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. 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Redistribution is -subject to the trademark license, especially commercial -redistribution. - - - -*** START: FULL LICENSE *** - -THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK - -To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase "Project -Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project -Gutenberg-tm License (available with this file or online at -https://gutenberg.org/license). - - -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm -electronic works - -1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm -electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to -and accept all the terms of this license and intellectual property -(trademark/copyright) agreement. 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You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org - - -Title: Alice's Adventures Under Ground - -Author: Lewis Carroll - -Release Date: August 7, 2006 [EBook #19002] - -Language: English - - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALICE'S ADVENTURES UNDER GROUND *** - - - - -Produced by Jason Isbell, Sankar Viswanathan, and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net - - - - - - - - - - ALICE'S ADVENTURES - UNDER GROUND - - - - _BEING A FACSIMILE OF THE_ - _ORIGINAL MS. BOOK_ - _AFTERWARDS DEVELOPED INTO_ - "_ALICE'S ADVENTURES IN WONDERLAND_" - - - - BY - - LEWIS CARROLL - - - _WITH THIRTY-SEVEN ILLUSTRATIONS - BY THE AUTHOR_ - - - _PRICE FOUR SHILLINGS_ - - - London - - MACMILLAN AND CO. - AND NEW YORK - 1886 - - * * * * * - - - - -CONTENTS. - - -CHAPTER - - I. DOWN THE RABBIT-HOLE. THE POOL OF TEARS - - II. A LONG TALE. THE RABBIT SENDS IN A LITTLE BILL - -III. ADVICE FROM A CATERPILLAR - - IV. THE QUEEN'S CROQUET-GROUND. THE MOCK TURTLE'S STORY. THE -LOBSTER QUADRILLE. WHO STOLE THE TARTS? - - * * * * * - - - - -Chapter 1 - -[Illustration] - - -Alice was beginning to get very tired of sitting by her sister on -the bank, and of having nothing to do: once or twice she had -peeped into the book her sister was reading, but it had no -pictures or conversations in it, and where is the use of a book, -thought Alice, without pictures or conversations? So she was -considering in her own mind, (as well as she could, for the hot -day made her feel very sleepy and stupid,) whether the pleasure -of making a daisy-chain was worth the trouble of getting up and -picking the daisies, when a white rabbit with pink eyes ran close -by her. - -There was nothing very remarkable in that, nor did Alice think it -so very much out of the way to hear the rabbit say to itself -"dear, dear! I shall be too late!" (when she thought it over -afterwards, it occurred to her that she ought to have wondered at -this, but at the time it all seemed quite natural); but when the -rabbit actually took a watch out of its waistcoat-pocket, looked -at it, and then hurried on, Alice started to her feet, for it -flashed across her mind that she had never before seen a rabbit -with either a waistcoat-pocket or a watch to take out of it, and, -full of curiosity, she hurried across the field after it, and was -just in time to see it pop down a large rabbit-hole under the -hedge. In a moment down went Alice after it, never once -considering how in the world she was to get out again. - -The rabbit-hole went straight on like a tunnel for some way, and -then dipped suddenly down, so suddenly, that Alice had not a -moment to think about stopping herself, before she found herself -falling down what seemed a deep well. Either the well was very -deep, or she fell very slowly, for she had plenty of time as she -went down to look about her, and to wonder what would happen -next. First, she tried to look down and make out what she was -coming to, but it was too dark to see anything: then, she looked -at the sides of the well, and noticed that they were filled with -cupboards and book-shelves: here and there were maps and pictures -hung on pegs. She took a jar down off one of the shelves as she -passed: it was labelled "Orange Marmalade," but to her great -disappointment it was empty: she did not like to drop the jar, -for fear of killing somebody underneath, so managed to put it -into one of the cupboards as she fell past it. - -"Well!" thought Alice to herself, "after such a fall as this, I -shall think nothing of tumbling down stairs! How brave they'll -all think me at home! Why, I wouldn't say anything about it, even -if I fell off the top of the house!" (which was most likely -true.) - -Down, down, down. Would the fall never come to an end? "I wonder -how many miles I've fallen by this time?" she said aloud, "I must -be getting somewhere near the centre of the earth. Let me see: -that would be four thousand miles down, I think--" (for you see -Alice had learnt several things of this sort in her lessons in -the schoolroom, and though this was not a very good opportunity -of showing off her knowledge, as there was no one to hear her, -still it was good practice to say it over,) "yes that's the right -distance, but then what Longitude or Latitude-line shall I be -in?" (Alice had no idea what Longitude was, or Latitude either, -but she thought they were nice grand words to say.) - -Presently she began again: "I wonder if I shall fall right -through the earth! How funny it'll be to come out among the -people that walk with their heads downwards! But I shall have to -ask them what the name of the country is, you know. Please, -Ma'am, is this New Zealand or Australia?"--and she tried to -curtsey as she spoke (fancy curtseying as you're falling through -the air! do you think you could manage it?) "and what an ignorant -little girl she'll think me for asking! No, it'll never do to -ask: perhaps I shall see it written up somewhere." - -Down, down, down: there was nothing else to do, so Alice soon -began talking again. "Dinah will miss me very much tonight, I -should think!" (Dinah was the cat.) "I hope they'll remember her -saucer of milk at tea-time! Oh, dear Dinah, I wish I had you -here! There are no mice in the air, I'm afraid, but you might -catch a bat, and that's very like a mouse, you know, my dear. But -do cats eat bats, I wonder?" And here Alice began to get rather -sleepy, and kept on saying to herself, in a dreamy sort of way -"do cats eat bats? do cats eat bats?" and sometimes, "do bats -eat cats?" for, as she couldn't answer either question, it didn't -much matter which way she put it. She felt that she was dozing -off, and had just begun to dream that she was walking hand in -hand with Dinah, and was saying to her very earnestly, "Now, -Dinah, my dear, tell me the truth. Did you ever eat a bat?" when -suddenly, bump! bump! down she came upon a heap of sticks and -shavings, and the fall was over. - -Alice was not a bit hurt, and jumped on to her feet directly: she -looked up, but it was all dark overhead; before her was another -long passage, and the white rabbit was still in sight, hurrying -down it. There was not a moment to be lost: away went Alice like -the wind, and just heard it say, as it turned a corner, "my ears -and whiskers, how late it's getting!" She turned the corner after -it, and instantly found herself in a long, low hall, lit up by a -row of lamps which hung from the roof. - -[Illustration] - -There were doors all round the hall, but they were all locked, -and when Alice had been all round it, and tried them all, she -walked sadly down the middle, wondering how she was ever to get -out again: suddenly she came upon a little three-legged table, -all made of solid glass; there was nothing lying upon it, but a -tiny golden key, and Alice's first idea was that it might belong -to one of the doors of the hall, but alas! either the locks were -too large, or the key too small, but at any rate it would open -none of them. However, on the second time round, she came to a -low curtain, behind which was a door about eighteen inches high: -she tried the little key in the keyhole, and it fitted! Alice -opened the door, and looked down a small passage, not larger than -a rat-hole, into the loveliest garden you ever saw. How she -longed to get out of that dark hall, and wander about among those -beds of bright flowers and those cool fountains, but she could -not even get her head through the doorway, "and even if my head -would go through," thought poor Alice, "it would be very little -use without my shoulders. Oh, how I wish I could shut up like a -telescope! I think I could, if I only knew how to begin." For, -you see, so many out-of-the-way things had happened lately, that -Alice began to think very few things indeed were really -impossible. - -There was nothing else to do, so she went back to the table, half -hoping she might find another key on it, or at any rate a book of -rules for shutting up people like telescopes: this time there was -a little bottle on it--"which certainly was not there before" -said Alice--and tied round the neck of the bottle was a paper -label with the words DRINK ME beautifully printed on it in large -letters. - -It was all very well to say "drink me," "but I'll look first," -said the wise little Alice, "and see whether the bottle's marked -"poison" or not," for Alice had read several nice little stories -about children that got burnt, and eaten up by wild beasts, and -other unpleasant things, because they would not remember the -simple rules their friends had given them, such as, that, if you -get into the fire, it will burn you, and that, if you cut your -finger very deeply with a knife, it generally bleeds, and she -had never forgotten that, if you drink a bottle marked "poison," -it is almost certain to disagree with you, sooner or later. - -However, this bottle was not marked poison, so Alice tasted it, -and finding it very nice, (it had, in fact, a sort of mixed -flavour of cherry-tart, custard, pine-apple, roast turkey, toffy, -and hot buttered toast,) she very soon finished it off. - - * * * * * - -"What a curious feeling!" said Alice, "I must be shutting up like -a telescope." - -It was so indeed: she was now only ten inches high, and her face -brightened up as it occurred to her that she was now the right -size for going through the little door into that lovely garden. -First, however, she waited for a few minutes to see whether she -was going to shrink any further: she felt a little nervous about -this, "for it might end, you know," said Alice to herself, "in my -going out altogether, like a candle, and what should I be like -then, I wonder?" and she tried to fancy what the flame of a -candle is like after the candle is blown out, for she could not -remember having ever seen one. However, nothing more happened so -she decided on going into the garden at once, but, alas for poor -Alice! when she got to the door, she found she had forgotten the -little golden key, and when she went back to the table for the -key, she found she could not possibly reach it: she could see it -plainly enough through the glass, and she tried her best to climb -up one of the legs of the table, but it was too slippery, and -when she had tired herself out with trying, the poor little thing -sat down and cried. - -[Illustration] - -"Come! there's no use in crying!" said Alice to herself rather -sharply, "I advise you to leave off this minute!" (she generally -gave herself very good advice, and sometimes scolded herself so -severely as to bring tears into her eyes, and once she remembered -boxing her own ears for having been unkind to herself in a game -of croquet she was playing with herself, for this curious child -was very fond of pretending to be two people,) "but it's no use -now," thought poor Alice, "to pretend to be two people! Why, -there's hardly enough of me left to make one respectable person!" - -Soon her eyes fell on a little ebony box lying under the table: -she opened it, and found in it a very small cake, on which was -lying a card with the words EAT ME beautifully printed on it in -large letters. "I'll eat," said Alice, "and if it makes me -larger, I can reach the key, and if it makes me smaller, I can -creep under the door, so either way I'll get into the garden, and -I don't care which happens!" - -She ate a little bit, and said anxiously to herself "which way? -which way?" and laid her hand on the top of her head to feel -which way it was growing, and was quite surprised to find that -she remained the same size: to be sure this is what generally -happens when one eats cake, but Alice had got into the way of -expecting nothing but out-of-the way things to happen, and it -seemed quite dull and stupid for things to go on in the common -way. - -So she set to work, and very soon finished off the cake. - - * * * * * - -"Curiouser and curiouser!" cried Alice, (she was so surprised -that she quite forgot how to speak good English,) "now I'm -opening out like the largest telescope that ever was! Goodbye, -feet!" (for when she looked down at her feet, they seemed almost -out of sight, they were getting so far off,) "oh, my poor little -feet, I wonder who will put on your shoes and stockings for you -now, dears? I'm sure I can't! I shall be a great deal too far off -to bother myself about you: you must manage the best way you -can--but I must be kind to them," thought Alice, "or perhaps they -won't walk the way I want to go! Let me see: I'll give them a new -pair of boots every Christmas." - -[Illustration] - -And she went on planning to herself how she would manage it -"they must go by the carrier," she thought, "and how funny it'll -seem, sending presents to one's own feet! And how odd the -directions will look! ALICE'S RIGHT FOOT, ESQ. - THE CARPET, - with ALICE'S LOVE - -oh dear! what nonsense I am talking!" - -Just at this moment, her head struck against the roof of the -hall: in fact, she was now rather more than nine feet high, and -she at once took up the little golden key, and hurried off to the -garden door. - -Poor Alice! it was as much as she could do, lying down on one -side, to look through into the garden with one eye, but to get -through was more hopeless than ever: she sat down and cried -again. - -"You ought to be ashamed of yourself," said Alice, "a great girl -like you," (she might well say this,) "to cry in this way! Stop -this instant, I tell you!" But she cried on all the same, -shedding gallons of tears, until there was a large pool, about -four inches deep, all round her, and reaching half way across the -hall. After a time, she heard a little pattering of feet in the -distance, and dried her eyes to see what was coming. It was the -white rabbit coming back again, splendidly dressed, with a pair -of white kid gloves in one hand, and a nosegay in the other. -Alice was ready to ask help of any one, she felt so desperate, -and as the rabbit passed her, she said, in a low, timid voice, -"If you please, Sir--" the rabbit started violently, looked up -once into the roof of the hall, from which the voice seemed to -come, and then dropped the nosegay and the white kid gloves, and -skurried away into the darkness, as hard as it could go. - -[Illustration] - -Alice took up the nosegay and gloves, and found the nosegay so -delicious that she kept smelling at it all the time she went on -talking to herself--"dear, dear! how queer everything is today! -and yesterday everything happened just as usual: I wonder if I -was changed in the night? Let me think: was I the same when I got -up this morning? I think I remember feeling rather different. -But if I'm not the same, who in the world am I? Ah, that's the -great puzzle!" And she began thinking over all the children she -knew of the same age as herself, to see if she could have been -changed for any of them. - -"I'm sure I'm not Gertrude," she said, "for her hair goes in such -long ringlets, and mine doesn't go in ringlets at all--and I'm -sure I ca'n't be Florence, for I know all sorts of things, and -she, oh! she knows such a very little! Besides, she's she, and -I'm I, and--oh dear! how puzzling it all is! I'll try if I know -all the things I used to know. Let me see: four times five is -twelve, and four times six is thirteen, and four times seven is -fourteen--oh dear! I shall never get to twenty at this rate! But -the Multiplication Table don't signify--let's try Geography. -London is the capital of France, and Rome is the capital of -Yorkshire, and Paris--oh dear! dear! that's all wrong, I'm -certain! I must have been changed for Florence! I'll try and say -"How doth the little,"" and she crossed her hands on her lap, -and began, but her voice sounded hoarse and strange, and the -words did not sound the same as they used to do: - - "How doth the little crocodile - Improve its shining tail, - And pour the waters of the Nile - On every golden scale! - - "How cheerfully it seems to grin! - How neatly spreads its claws! - And welcomes little fishes in - With gently-smiling jaws!" - -"I'm sure those are not the right words," said poor Alice, and -her eyes filled with tears as she thought "I must be Florence -after all, and I shall have to go and live in that poky little -house, and have next to no toys to play with, and oh! ever so -many lessons to learn! No! I've made up my mind about it: if I'm -Florence, I'll stay down here! It'll be no use their putting -their heads down and saying 'come up, dear!' I shall only look -up and say 'who am I then? answer me that first, and then, if I -like being that person, I'll come up: if not, I'll stay down here -till I'm somebody else--but, oh dear!" cried Alice with a sudden -burst of tears, "I do wish they would put their heads down! I am -so tired of being all alone here!" - -As she said this, she looked down at her hands, and was surprised -to find she had put on one of the rabbit's little gloves while -she was talking. "How can I have done that?" thought she, "I must -be growing small again." She got up and went to the table to -measure herself by it, and found that, as nearly as she could -guess, she was now about two feet high, and was going on -shrinking rapidly: soon she found out that the reason of it was -the nosegay she held in her hand: she dropped it hastily, just in -time to save herself from shrinking away altogether, and found -that she was now only three inches high. - -"Now for the garden!" cried Alice, as she hurried back to the -little door, but the little door was locked again, and the little -gold key was lying on the glass table as before, and "things are -worse than ever!" thought the poor little girl, "for I never was -as small as this before, never! And I declare it's too bad, it -is!" - -[Illustration] - -At this moment her foot slipped, and splash! she was up to her -chin in salt water. Her first idea was that she had fallen into -the sea: then she remembered that she was under ground, and she -soon made out that it was the pool of tears she had wept when she -was nine feet high. "I wish I hadn't cried so much!" said Alice, -as she swam about, trying to find her way out, "I shall be -punished for it now, I suppose, by being drowned in my own tears! -Well! that'll be a queer thing, to be sure! However, every thing -is queer today." Very soon she saw something splashing about in -the pool near her: at first she thought it must be a walrus or a -hippopotamus, but then she remembered how small she was herself, -and soon made out that it was only a mouse, that had slipped in -like herself. - -"Would it be any use, now," thought Alice, "to speak to this -mouse? The rabbit is something quite out-of-the-way, no doubt, -and so have I been, ever since I came down here, but that is no -reason why the mouse should not be able to talk. I think I may as -well try." - -So she began: "oh Mouse, do you know how to get out of this pool? -I am very tired of swimming about here, oh Mouse!" The mouse -looked at her rather inquisitively, and seemed to her to wink -with one of its little eyes, but it said nothing. - -[Illustration] - -"Perhaps it doesn't understand English," thought Alice; "I -daresay it's a French mouse, come over with William the -Conqueror!" (for, with all her knowledge of history, Alice had -no very clear notion how long ago anything had happened,) so she -began again: "où est ma chatte?" which was the first sentence out -of her French lesson-book. The mouse gave a sudden jump in the -pool, and seemed to quiver with fright: "oh, I beg your pardon!" -cried Alice hastily, afraid that she had hurt the poor animal's -feelings, "I quite forgot you didn't like cats!" - -"Not like cats!" cried the mouse, in a shrill, passionate voice, -"would you like cats if you were me?" - -"Well, perhaps not," said Alice in a soothing tone, "don't be -angry about it. And yet I wish I could show you our cat Dinah: I -think you'd take a fancy to cats if you could only see her. She -is such a dear quiet thing," said Alice, half to herself, as she -swam lazily about in the pool, "she sits purring so nicely by the -fire, licking her paws and washing her face: and she is such a -nice soft thing to nurse, and she's such a capital one for -catching mice--oh! I beg your pardon!" cried poor Alice again, -for this time the mouse was bristling all over, and she felt -certain that it was really offended, "have I offended you?" - -"Offended indeed!" cried the mouse, who seemed to be positively -trembling with rage, "our family always hated cats! Nasty, low, -vulgar things! Don't talk to me about them any more!" - -"I won't indeed!" said Alice, in a great hurry to change the -conversation, "are you--are you--fond of--dogs?" The mouse did -not answer, so Alice went on eagerly: "there is such a nice -little dog near our house I should like to show you! A little -bright-eyed terrier, you know, with oh! such long curly brown -hair! And it'll fetch things when you throw them, and it'll sit -up and beg for its dinner, and all sorts of things--I ca'n't -remember half of them--and it belongs to a farmer, and he says it -kills all the rats and--oh dear!" said Alice sadly, "I'm afraid -I've offended it again!" for the mouse was swimming away from her -as hard as it could go, and making quite a commotion in the pool -as it went. - -So she called softly after it: "mouse dear! Do come back again, -and we won't talk about cats and dogs any more, if you don't like -them!" When the mouse heard this, it turned and swam slowly back -to her: its face was quite pale, (with passion, Alice thought,) -and it said in a trembling low voice "let's get to the shore, and -then I'll tell you my history, and you'll understand why it is I -hate cats and dogs." - -It was high time to go, for the pool was getting quite full of -birds and animals that had fallen into it. There was a Duck and a -Dodo, a Lory and an Eaglet, and several other curious creatures. -Alice led the way, and the whole party swam to the shore. - -[Illustration] - - - - -Chapter II - -[Illustration] - - -They were indeed a curious looking party that assembled on the -bank--the birds with draggled feathers, the animals with their -fur clinging close to them--all dripping wet, cross, and -uncomfortable. The first question of course was, how to get dry: -they had a consultation about this, and Alice hardly felt at all -surprised at finding herself talking familiarly with the birds, -as if she had known them all her life. Indeed, she had quite a -long argument with the Lory, who at last turned sulky, and would -only say "I am older than you, and must know best," and this -Alice would not admit without knowing how old the Lory was, and -as the Lory positively refused to tell its age, there was nothing -more to be said. - -At last the mouse, who seemed to have some authority among them, -called out "sit down, all of you, and attend to me! I'll soon -make you dry enough!" They all sat down at once, shivering, in a -large ring, Alice in the middle, with her eyes anxiously fixed on -the mouse, for she felt sure she would catch a bad cold if she -did not get dry very soon. - -"Ahem!" said the mouse, with a self-important air, "are you all -ready? This is the driest thing I know. Silence all round, if you -please! - -"William the Conqueror, whose cause was favoured by the pope, was -soon submitted to by the English, who wanted leaders, and had -been of late much accustomed to usurpation and conquest. Edwin -and Morcar, the earls of Mercia and Northumbria--" - -"Ugh!" said the Lory with a shiver. - -"I beg your pardon?" said the mouse, frowning, but very politely, -"did you speak?" - -"Not I!" said the Lory hastily. - -"I thought you did," said the mouse, "I proceed. Edwin and -Morcar, the earls of Mercia and Northumbria, declared for him; -and even Stigand, the patriotic archbishop of Canterbury, found -it advisable to go with Edgar Atheling to meet William and offer -him the crown. William's conduct was at first moderate--how are -you getting on now, dear?" said the mouse, turning to Alice as it -spoke. - -"As wet as ever," said poor Alice, "it doesn't seem to dry me at -all." - -"In that case," said the Dodo solemnly, rising to his feet, "I -move that the meeting adjourn, for the immediate adoption of more -energetic remedies--" - -"Speak English!" said the Duck, "I don't know the meaning of half -those long words, and what's more, I don't believe you do -either!" And the Duck quacked a comfortable laugh to itself. Some -of the other birds tittered audibly. - -"I only meant to say," said the Dodo in a rather offended tone, -"that I know of a house near here, where we could get the young -lady and the rest of the party dried, and then we could listen -comfortably to the story which I think you were good enough to -promise to tell us," bowing gravely to the mouse. - -The mouse made no objection to this, and the whole party moved -along the river bank, (for the pool had by this time began to -flow out of the hall, and the edge of it was fringed with rushes -and forget-me-nots,) in a slow procession, the Dodo leading the -way. After a time the Dodo became impatient, and, leaving the -Duck to bring up the rest of the party, moved on at a quicker -pace with Alice, the Lory, and the Eaglet, and soon brought them -to a little cottage, and there they sat snugly by the fire, -wrapped up in blankets, until the rest of the party had arrived, -and they were all dry again. - -Then they all sat down again in a large ring on the bank, and -begged the mouse to begin his story. - -"Mine is a long and a sad tale!" said the mouse, turning to -Alice, and sighing. - -"It is a long tail, certainly," said Alice, looking down with -wonder at the mouse's tail, which was coiled nearly all round the -party, "but why do you call it sad?" and she went on puzzling -about this as the mouse went on speaking, so that her idea of the -tale was something like this: - -We lived beneath the mat - Warm and snug and fat - But one woe, & that - Was the cat! - To our joys - a clog, In - our eyes a - fog, On our - hearts a log - Was the dog! - When the - cat's away, - Then - the mice - will - play, - But, alas! - one day, (So they say) - Came the dog and - cat, Hunting - for a - rat, - Crushed - the mice - all flat; - Each - one - as - he - sat. - U - n - d - e - r - n - e - a - t - h - - t - h - e - - m - a - t - , - m r a W - g u n s & - t a f & - T h i n k? -o f t h a t! - -"You are not attending!" said the mouse to Alice severely, "what -are you thinking of?" - -"I beg your pardon," said Alice very humbly, "you had got to the -fifth bend, I think?" - -"I had not!" cried the mouse, sharply and very angrily. - -"A knot!" said Alice, always ready to make herself useful, and -looking anxiously about her, "oh, do let me help to undo it!" - -"I shall do nothing of the sort!" said the mouse, getting up and -walking away from the party, "you insult me by talking such -nonsense!" - -"I didn't mean it!" pleaded poor Alice, "but you're so easily -offended, you know." - -The mouse only growled in reply. - -"Please come back and finish your story!" Alice called after it, -and the others all joined in chorus "yes, please do!" but the -mouse only shook its ears, and walked quickly away, and was soon -out of sight. - -"What a pity it wouldn't stay!" sighed the Lory, and an old Crab -took the opportunity of saying to its daughter "Ah, my dear! let -this be a lesson to you never to lose your temper!" "Hold your -tongue, Ma!" said the young Crab, a little snappishly, "you're -enough to try the patience of an oyster!" - -"I wish I had our Dinah here, I know I do!" said Alice aloud, -addressing no one in particular, "she'd soon fetch it back!" - -"And who is Dinah, if I might venture to ask the question?" said -the Lory. - -[Illustration] - -Alice replied eagerly, for she was always ready to talk about her -pet, "Dinah's our cat. And she's such a capital one for catching -mice, you can't think! And oh! I wish you could see her after the -birds! Why, she'll eat a little bird as soon as look at it!" - -This answer caused a remarkable sensation among the party: some -of the birds hurried off at once; one old magpie began wrapping -itself up very carefully, remarking "I really must be getting -home: the night air does not suit my throat," and a canary called -out in a trembling voice to its children "come away from her, my -dears, she's no fit company for you!" On various pretexts, they -all moved off, and Alice was soon left alone. - -[Illustration] - -She sat for some while sorrowful and silent, but she was not long -before she recovered her spirits, and began talking to herself -again as usual: "I do wish some of them had stayed a little -longer! and I was getting to be such friends with them--really -the Lory and I were almost like sisters! and so was that dear -little Eaglet! And then the Duck and the Dodo! How nicely the -Duck sang to us as we came along through the water: and if the -Dodo hadn't known the way to that nice little cottage, I don't -know when we should have got dry again--" and there is no knowing -how long she might have prattled on in this way, if she had not -suddenly caught the sound of pattering feet. - -It was the white rabbit, trotting slowly back again, and looking -anxiously about it as it went, as if it had lost something, and she -heard it muttering to itself "the Marchioness! the Marchioness! oh -my dear paws! oh my fur and whiskers! She'll have me executed, as -sure as ferrets are ferrets! Where can I have dropped them, I -wonder?" Alice guessed in a moment that it was looking for the -nosegay and the pair of white kid gloves, and she began hunting for -them, but they were now nowhere to be seen--everything seemed to -have changed since her swim in the pool, and her walk along the -river-bank with its fringe of rushes and forget-me-nots, and the -glass table and the little door had vanished. - -Soon the rabbit noticed Alice, as she stood looking curiously -about her, and at once said in a quick angry tone, "why, Mary -Ann! what are you doing out here? Go home this moment, and look -on my dressing-table for my gloves and nosegay, and fetch them -here, as quick as you can run, do you hear?" and Alice was so -much frightened that she ran off at once, without saying a word, -in the direction which the rabbit had pointed out. - -She soon found herself in front of a neat little house, on the -door of which was a bright brass plate with the name W. RABBIT, -ESQ. She went in, and hurried upstairs, for fear she should meet -the real Mary Ann and be turned out of the house before she had -found the gloves: she knew that one pair had been lost in the -hall, "but of course," thought Alice, "it has plenty more of them -in its house. How queer it seems to be going messages for a -rabbit! I suppose Dinah'll be sending me messages next!" And she -began fancying the sort of things that would happen: "Miss Alice! -come here directly and get ready for your walk!" "Coming in a -minute, nurse! but I've got to watch this mousehole till Dinah -comes back, and see that the mouse doesn't get out--" "only I -don't think," Alice went on, "that they'd let Dinah stop in the -house, if it began ordering people about like that!" - -[Illustration] - -By this time she had found her way into a tidy little room, with a -table in the window on which was a looking-glass and, (as Alice had -hoped,) two or three pairs of tiny white kid gloves: she took up a -pair of gloves, and was just going to leave the room, when her eye -fell upon a little bottle that stood near the looking-glass: there -was no label on it this time with the words "drink me," but -nonetheless she uncorked it and put it to her lips: "I know -something interesting is sure to happen," she said to herself, -"whenever I eat or drink anything, so I'll see what this bottle -does. I do hope it'll make me grow larger, for I'm quite tired of -being such a tiny little thing!" - -[Illustration] - -It did so indeed, and much sooner than she expected: before she -had drunk half the bottle, she found her head pressing against -the ceiling, and she stooped to save her neck from being broken, -and hastily put down the bottle, saying to herself "that's quite -enough--I hope I sha'n't grow any more--I wish I hadn't drunk so -much!" - -[Illustration] - -Alas! it was too late: she went on growing and growing, and very -soon had to kneel down: in another minute there was not room even -for this, and she tried the effect of lying down, with one elbow -against the door, and the other arm curled round her head. Still -she went on growing, and as a last resource she put one arm out -of the window, and one foot up the chimney, and said to herself -"now I can do no more--what will become of me?" - -Luckily for Alice, the little magic bottle had now had its full -effect, and she grew no larger; still it was very uncomfortable, -and as there seemed to be no sort of chance of ever getting out -of the room again, no wonder she felt unhappy. "It was much -pleasanter at home," thought poor Alice, "when one wasn't always -growing larger and smaller, and being ordered about by mice and -rabbits--I almost wish I hadn't gone down that rabbit-hole, and -yet, and yet--it's rather curious, you know, this sort of life. I -do wonder what can have happened to me! When I used to read -fairy-tales, I fancied that sort of thing never happened, and now -here I am in the middle of one! There out to be a book written -about me, that there ought! and when I grow up I'll write -one--but I'm grown up now" said she in a sorrowful tone, "at -least there's no room to grow up any more here." - -[Illustration] - -"But then," thought Alice, "shall I never get any older than I -am now? That'll be a comfort, one way--never to be an old -woman--but then--always to have lessons to learn! Oh, I shouldn't -like that!" - -"Oh, you foolish Alice!" she said again, "how can you learn -lessons in here? Why, there's hardly room for you, and no room at -all for any lesson-books!" - -And so she went on, taking first one side, and then the other, -and making quite a conversation of it altogether, but after a few -minutes she heard a voice outside, which made her stop to listen. - -"Mary Ann! Mary Ann!" said the voice, "fetch me my gloves this -moment!" Then came a little pattering of feet on the stairs: -Alice knew it was the rabbit coming to look for her, and she -trembled till she shook the house, quite forgetting that she was -now about a thousand times as large as the rabbit, and had no -reason to be afraid of it. Presently the rabbit came to the door, -and tried to open it, but as it opened inwards, and Alice's elbow -was against it, the attempt proved a failure. Alice heard it say -to itself "then I'll go round and get in at the window." - -"That you wo'n't!" thought Alice, and, after waiting till she -fancied she heard the rabbit, just under the window, she suddenly -spread out her hand, and made a snatch in the air. She did not -get hold of anything, but she heard a little shriek and a fall -and a crash of breaking glass, from which she concluded that it -was just possible it had fallen into a cucumber-frame, or -something of the sort. - -[Illustration] - -Next came an angry voice--the rabbit's--"Pat, Pat! where are -you?" And then a voice she had never heard before, "shure then -I'm here! digging for apples, anyway, yer honour!" - -"Digging for apples indeed!" said the rabbit angrily, "here, come -and help me out of this!"--Sound of more breaking glass. - -"Now, tell me, Pat, what is that coming out of the window?" - -"Shure it's an arm, yer honour!" (He pronounced it "arrum".) - -"An arm, you goose! Who ever saw an arm that size? Why, it fills -the whole window, don't you see?" - -"Shure, it does, yer honour, but it's an arm for all that." - -"Well, it's no business there: go and take it away!" - -There was a long silence after this, and Alice could only hear -whispers now and then, such as "shure I don't like it, yer -honour, at all at all!" "do as I tell you, you coward!" and at -last she spread out her hand again and made another snatch in the -air. This time there were two little shrieks, and more breaking -glass--"what a number of cucumber-frames there must be!" thought -Alice, "I wonder what they'll do next! As for pulling me out of -the window, I only wish they could! I'm sure I don't want to stop -in here any longer!" - -She waited for some time without hearing anything more: at last -came a rumbling of little cart-wheels, and the sound of a good -many voices all talking together: she made out the words "where's -the other ladder?--why, I hadn't to bring but one, Bill's got the -other--here, put 'em up at this corner--no, tie 'em together -first--they don't reach high enough yet--oh, they'll do well -enough, don't be particular--here, Bill! catch hold of this -rope--will the roof bear?--mind that loose slate--oh, it's coming -down! heads below!--" (a loud crash) "now, who did that?--it was -Bill, I fancy--who's to go down the chimney?--nay, I sha'n't! you -do it!--that I won't then--Bill's got to go down--here, Bill! the -master says you've to go down the chimney!" - -"Oh, so Bill's got to come down the chimney, has he?" said Alice -to herself, "why, they seem to put everything upon Bill! I -wouldn't be in Bill's place for a good deal: the fireplace is a -pretty tight one, but I think I can kick a little!" - -She drew her foot as far down the chimney as she could, and -waited till she heard a little animal (she couldn't guess what -sort it was) scratching and scrambling in the chimney close above -her: then, saying to herself "this is Bill," she gave one sharp -kick, and waited again to see what would happen next. - -[Illustration] - -The first thing was a general chorus of "there goes Bill!" then -the rabbit's voice alone "catch him, you by the hedge!" then -silence, and then another confusion of voices, "how was it, old -fellow? what happened to you? tell us all about it." - -Last came a little feeble squeaking voice, ("that's Bill" thought -Alice,) which said "well, I hardly know--I'm all of a fluster -myself--something comes at me like a Jack-in-the-box, and the -next minute up I goes like a rocket!" "And so you did, old -fellow!" said the other voices. - -"We must burn the house down!" said the voice of the rabbit, and -Alice called out as loud as she could "if you do, I'll set Dinah -at you!" This caused silence again, and while Alice was thinking -"but how can I get Dinah here?" she found to her great delight -that she was getting smaller: very soon she was able to get up -out of the uncomfortable position in which she had been lying, -and in two or three minutes more she was once more three inches -high. - -She ran out of the house as quick as she could, and found quite a -crowd of little animals waiting outside--guinea-pigs, white mice, -squirrels, and "Bill" a little green lizard, that was being -supported in the arms of one of the guinea-pigs, while another -was giving it something out of a bottle. They all made a rush at -her the moment she appeared, but Alice ran her hardest, and soon -found herself in a thick wood. - -[Illustration] - - - - -Chapter III - -[Illustration] - - -"The first thing I've got to do," said Alice to herself, as she -wandered about in the wood, "is to grow to my right size, and the -second thing is to find my way into that lovely garden. I think -that will be the best plan." - -It sounded an excellent plan, no doubt, and very neatly and -simply arranged: the only difficulty was, that she had not the -smallest idea how to set about it, and while she was peering -anxiously among the trees round her, a little sharp bark just -over her head made her look up in a great hurry. - -An enormous puppy was looking down at her with large round eyes, -and feebly stretching out one paw, trying to reach her: "poor -thing!" said Alice in a coaxing tone, and she tried hard to -whistle to it, but she was terribly alarmed all the while at the -thought that it might be hungry, in which case it would probably -devour her in spite of all her coaxing. Hardly knowing what she -did, she picked up a little bit of stick, and held it out to the -puppy: whereupon the puppy jumped into the air off all its feet at -once, and with a yelp of delight rushed at the stick, and made -believe to worry it then Alice dodged behind a great thistle to -keep herself from being run over, and, the moment she appeared at -the other side, the puppy made another dart at the stick, and -tumbled head over heels in its hurry to get hold: then Alice, -thinking it was very like having a game of play with a cart-horse, -and expecting every moment to be trampled under its feet, ran round -the thistle again: then the puppy begin a series of short charges -at the stick, running a very little way forwards each time and a -long way back, and barking hoarsely all the while, till at last it -sat down a good way off, panting, with its tongue hanging out of -its mouth, and its great eyes half shut. - -This seemed to Alice a good opportunity for making her escape. -She set off at once, and ran till the puppy's bark sounded quite -faint in the distance, and till she was quite tired and out of -breath. - -"And yet what a dear little puppy it was!" said Alice, as she -leant against a buttercup to rest herself, and fanned herself -with her hat. "I should have liked teaching it tricks, if--if I'd -only been the right size to do it! Oh! I'd nearly forgotten that -I've got to grow up again! Let me see; how _is_ it to be managed? -I suppose I ought to eat or drink something or other, but the -great question is what?" - -The great question certainly was, what? Alice looked all round -her at the flowers and the blades of grass but could not see -anything that looked like the right thing to eat under the -circumstances. There was a large mushroom near her, about the -same height as herself, and when she had looked under it, and on -both sides of it, and behind it, it occurred to her to look and -see what was on the top of it. - -She stretched herself up on tiptoe, and peeped over the edge of -the mushroom, and her eyes immediately met those of a large blue -caterpillar, which was sitting with its arms folded, quietly -smoking a long hookah, and taking not the least notice of her or -of anything else. - -[Illustration] - -For some time they looked at each other in silence: at last the -caterpillar took the hookah out of its mouth, and languidly -addressed her. - -"Who are you?" said the caterpillar. - -This was not an encouraging opening for a conversation: Alice -replied rather shyly, "I--I hardly know, sir, just at present--at -least I know who I was when I got up this morning, but I think I -must have been changed several times since that." - -"What do you mean by that?" said the caterpillar, "explain -yourself!" - -"I ca'n't explain myself, I'm afraid, sir," said Alice, "because -I'm not myself, you see." - -"I don't see," said the caterpillar. - -"I'm afraid I can't put it more clearly," Alice replied very -politely, "for I ca'n't understand it myself, and really to be so -many different sizes in one day is very confusing." - -"It isn't," said the caterpillar. - -"Well, perhaps you haven't found it so yet," said Alice, "but -when you have to turn into a chrysalis, you know, and then after -that into a butterfly, I should think it'll feel a little queer, -don't you think so?" - -"Not a bit," said the caterpillar. - -"All I know is," said Alice, "it would feel queer to me." - -"You!" said the caterpillar contemptuously, "who are you?" - -Which brought them back again to the beginning of the -conversation: Alice felt a little irritated at the caterpillar -making such very short remarks, and she drew herself up and said -very gravely "I think you ought to tell me who you are, first." - -"Why?" said the caterpillar. - -Here was another puzzling question: and as Alice had no reason -ready, and the caterpillar seemed to be in a very bad temper, she -turned round and walked away. - -"Come back!" the caterpillar called after her, "I've something -important to say!" - -This sounded promising: Alice turned and came back again. - -"Keep your temper," said the caterpillar. - -"Is that all?" said Alice, swallowing down her anger as well as -she could. - -"No," said the caterpillar. - -Alice thought she might as well wait, as she had nothing else to -do, and perhaps after all the caterpillar might tell her -something worth hearing. For some minutes it puffed away at its -hookah without speaking, but at last it unfolded its arms, took -the hookah out of its mouth again, and said "so you think you're -changed, do you?" - -"Yes, sir," said Alice, "I ca'n't remember the things I used to -know--I've tried to say "How doth the little busy bee" and it -came all different!" - -"Try and repeat "You are old, father William"," said the -caterpillar. - -Alice folded her hands, and began: - -[Illustration] - -1. - - "You are old, father William," the young man said, - "And your hair is exceedingly white: - And yet you incessantly stand on your head-- - Do you think, at your age, it is right?" - -2. - - "In my youth," father William replied to his son, - "I feared it might injure the brain - But now that I'm perfectly sure I have none, - Why, I do it again and again." - -[Illustration] - -3. - - "You are old," said the youth, "as I mentioned before, - And have grown most uncommonly fat: - Yet you turned a back-somersault in at the door-- - Pray what is the reason of that?" - -4. - - "In my youth," said the sage, as he shook his gray locks, - "I kept all my limbs very supple, - By the use of this ointment, five shillings the box-- - Allow me to sell you a couple." - -[Illustration] - -5. - - "You are old," said the youth, "and your jaws are too weak - For anything tougher than suet: - Yet you eat all the goose, with the bones and the beak-- - Pray, how did you manage to do it?" - -6. - - "In my youth," said the old man, "I took to the law, - And argued each case with my wife, - And the muscular strength, which it gave to my jaw, - Has lasted the rest of my life." - -[Illustration] - -7. - - "You are old," said the youth; "one would hardly suppose - That your eye was as steady as ever: - Yet you balanced an eel on the end of your nose-- - What made you so awfully clever?" - -8. - - "I have answered three questions, and that is enough," - Said his father, "don't give yourself airs! - Do you think I can listen all day to such stuff? - Be off, or I'll kick you down stairs!" - -"That is not said right," said the caterpillar. - -"Not quite right, I'm afraid," said Alice timidly, "some of the -words have got altered." - -"It is wrong from beginning to end," said the caterpillar -decidedly, and there was silence for some minutes: the caterpillar -was the first to speak. - -"What size do you want to be?" it asked. - -"Oh, I'm not particular as to size," Alice hastily replied, "only -one doesn't like changing so often, you know." - -"Are you content now?" said the caterpillar. - -"Well, I should like to be a little larger, sir, if you wouldn't -mind," said Alice, "three inches is such a wretched height to -be." - -"It is a very good height indeed!" said the caterpillar loudly -and angrily, rearing itself straight up as it spoke (it was -exactly three inches high). - -"But I'm not used to it!" pleaded poor Alice in a piteous tone, -and she thought to herself "I wish the creatures wouldn't be so -easily offended!" - -"You'll get used to it in time," said the caterpillar, and it put -the hookah into its mouth, and began smoking again. - -This time Alice waited quietly until it chose to speak again: in -a few minutes the caterpillar took the hookah out of its mouth, -and got down off the mushroom, and crawled away into the grass, -merely remarking as it went; "the top will make you grow taller, -and the stalk will make you grow shorter." - -"The top of what? the stalk of what?" thought Alice. - -"Of the mushroom," said the caterpillar, just as if she had asked -it aloud, and in another moment was out of sight. - -Alice remained looking thoughtfully at the mushroom for a minute, -and then picked it and carefully broke it in two, taking the -stalk in one hand, and the top in the other. - -[Illustration] - -"Which does the stalk do?" she said, and nibbled a little bit of -it to try; the next moment she felt a violent blow on her chin: -it had struck her foot! - -She was a good deal frightened by this very sudden change, but as -she did not shrink any further, and had not dropped the top of -the mushroom, she did not give up hope yet. There was hardly room -to open her mouth, with her chin pressing against her foot, but -she did it at last, and managed to bite off a little bit of the -top of the mushroom. - - * * * * * - -"Come! my head's free at last!" said Alice in a tone of delight, -which changed into alarm in another moment, when she found that -her shoulders were nowhere to be seen: she looked down upon an -immense length of neck, which seemed to rise like a stalk out of -a sea of green leaves that lay far below her. - -[Illustration] - -"What can all that green stuff be?" said Alice, "and where have -my shoulders got to? And oh! my poor hands! how is it I ca'n't -see you?" She was moving them about as she spoke, but no result -seemed to follow, except a little rustling among the leaves. Then -she tried to bring her head down to her hands, and was delighted -to find that her neck would bend about easily in every direction, -like a serpent. She had just succeeded in bending it down in a -beautiful zig-zag, and was going to dive in among the leaves, -which she found to be the tops of the trees of the wood she had -been wandering in, when a sharp hiss made her draw back: a large -pigeon had flown into her face, and was violently beating her -with its wings. - -[Illustration] - -"Serpent!" screamed the pigeon. - -"I'm not a serpent!" said Alice indignantly, "let me alone!" - -"I've tried every way!" the pigeon said desperately, with a kind -of sob: "nothing seems to suit 'em!" - -"I haven't the least idea what you mean," said Alice. - -"I've tried the roots of trees, and I've tried banks, and I've -tried hedges," the pigeon went on without attending to her, "but -them serpents! There's no pleasing 'em!" - -Alice was more and more puzzled, but she thought there was no use -in saying anything till the pigeon had finished. - -"As if it wasn't trouble enough hatching the eggs!" said the -pigeon, "without being on the look out for serpents, day and -night! Why, I haven't had a wink of sleep these three weeks!" - -"I'm very sorry you've been annoyed," said Alice, beginning to -see its meaning. - -"And just as I'd taken the highest tree in the wood," said the -pigeon raising its voice to a shriek, "and was just thinking I -was free of 'em at last, they must needs come down from the sky! -Ugh! Serpent!" - -"But I'm not a serpent," said Alice, "I'm a--I'm a--" - -"Well! What are you?" said the pigeon, "I see you're trying to -invent something." - -"I--I'm a little girl," said Alice, rather doubtfully, as she -remembered the number of changes she had gone through. - -"A likely story indeed!" said the pigeon, "I've seen a good many -of them in my time, but never one with such a neck as yours! No, -you're a serpent, I know that well enough! I suppose you'll tell -me next that you never tasted an egg!" - -"I have tasted eggs, certainly," said Alice, who was a very -truthful child, "but indeed I do'n't want any of yours. I do'n't -like them raw." - -"Well, be off, then!" said the pigeon, and settled down into its -nest again. Alice crouched down among the trees, as well as she -could, as her neck kept getting entangled among the branches, and -several times she had to stop and untwist it. Soon she remembered -the pieces of mushroom which she still held in her hands, and set -to work very carefully, nibbling first at one and then at the -other, and growing sometimes taller and sometimes shorter, until -she had succeeded in bringing herself down to her usual size. - -It was so long since she had been of the right size that it felt -quite strange at first, but she got quite used to it in a minute -or two, and began talking to herself as usual: "well! there's -half my plan done now! How puzzling all these changes are! I'm -never sure what I'm going to be, from one minute to another! -However, I've got to my right size again: the next thing is, to -get into that beautiful garden--how is that to be done, I -wonder?" - -Just as she said this, she noticed that one of the trees had a -doorway leading right into it. "That's very curious!" she -thought, "but everything's curious today: I may as well go in." -And in she went. - -Once more she found herself in the long hall, and close to the -little glass table: "now, I'll manage better this time" she said -to herself, and began by taking the little golden key, and -unlocking the door that led into the garden. Then she set to work -eating the pieces of mushroom till she was about fifteen inches -high: then she walked down the little passage: and then--she -found herself at last in the beautiful garden, among the bright -flowerbeds and the cool fountains. - -[Illustration] - - - - -Chapter IV - -[Illustration] - - -A large rose tree stood near the entrance of the garden: the -roses on it were white, but there were three gardeners at it, -busily painting them red. This Alice thought a very curious -thing, and she went near to watch them, and just as she came up -she heard one of them say "look out, Five! Don't go splashing -paint over me like that!" - -"I couldn't help it," said Five in a sulky tone, "Seven jogged my -elbow." - -On which Seven lifted up his head and said "that's right, Five! -Always lay the blame on others!" - -"You'd better not talk!" said Five, "I heard the Queen say only -yesterday she thought of having you beheaded!" - -"What for?" said the one who had spoken first. - -"That's not your business, Two!" said Seven. - -"Yes, it is his business!" said Five, "and I'll tell him: it was -for bringing in tulip-roots to the cook instead of potatoes." - -Seven flung down his brush, and had just begun "well! Of all the -unjust things--" when his eye fell upon Alice, and he stopped -suddenly; the others looked round, and all of them took off their -hats and bowed low. - -"Would you tell me, please," said Alice timidly, "why you are -painting those roses?" - -Five and Seven looked at Two, but said nothing: Two began, in a -low voice, "why, Miss, the fact is, this ought to have been a red -rose tree, and we put a white one in by mistake, and if the Queen -was to find it out, we should all have our heads cut off. So, you -see, we're doing our best, before she comes, to--" At this moment -Five, who had been looking anxiously across the garden called out -"the Queen! the Queen!" and the three gardeners instantly threw -themselves flat upon their faces. There was a sound of many -footsteps, and Alice looked round, eager to see the Queen. - -First came ten soldiers carrying clubs; these were all shaped -like the three gardeners, flat and oblong, with their hands and -feet at the corners: next the ten courtiers; these were all -ornamented with diamonds, and walked two and two, as the soldiers -did. After these came the Royal children: there were ten of them, -and the little dears came jumping merrily along, hand in hand, in -couples: they were all ornamented with hearts. Next came the -guests, mostly kings and queens, among whom Alice recognised the -white rabbit: it was talking in a hurried nervous manner, smiling -at everything that was said, and went by without noticing her. -Then followed the Knave of Hearts, carrying the King's crown on a -cushion, and, last of all this grand procession, came THE KING -AND QUEEN OF HEARTS. - -[Illustration] - -When the procession came opposite to Alice, they all stopped and -looked at her, and the Queen said severely "who is this?" She -said it to the Knave of Hearts, who only bowed and smiled in -reply. - -"Idiot!" said the Queen, turning up her nose, and asked Alice -"what's your name?" - -"My name is Alice, so please your Majesty," said Alice boldly, -for she thought to herself "why, they're only a pack of cards! I -needn't be afraid of them!" - -"Who are these?" said the Queen, pointing to the three gardeners -lying round the rose tree, for, as they were lying on their -faces, and the pattern on their backs was the same as the rest of -the pack, she could not tell whether they were gardeners, or -soldiers, or courtiers, or three of her own children. - -"How should I know?" said Alice, surprised at her own courage, -"it's no business of mine." - -The Queen turned crimson with fury, and, after glaring at her for -a minute, began in a voice of thunder "off with her--" - -"Nonsense!" said Alice, very loudly and decidedly, and the Queen -was silent. - -The King laid his hand upon her arm, and said timidly "remember, -my dear! She is only a child!" - -The Queen turned angrily away from him, and said to the Knave -"turn them over!" - -The Knave did so, very carefully, with one foot. - -"Get up!" said the Queen, in a shrill loud voice, and the three -gardeners instantly jumped up, and began bowing to the King, the -Queen, the Royal children, and everybody else. - -"Leave off that!" screamed the Queen, "you make me giddy." And -then, turning to the rose tree, she went on "what have you been -doing here?" - -"May it please your Majesty," said Two very humbly, going down on -one knee as he spoke, "we were trying--" - -"I see!" said the Queen, who had meantime been examining the -roses, "off with their heads!" and the procession moved on, three -of the soldiers remaining behind to execute the three unfortunate -gardeners, who ran to Alice for protection. - -"You sha'n't be beheaded!" said Alice, and she put them into her -pocket: the three soldiers marched once round her, looking for -them, and then quietly marched off after the others. - -"Are their heads off?" shouted the Queen. - -"Their heads are gone," the soldiers shouted in reply, "if it -please your Majesty!" - -"That's right!" shouted the Queen, "can you play croquet?" - -The soldiers were silent, and looked at Alice, as the question -was evidently meant for her. - -"Yes!" shouted Alice at the top of her voice. - -"Come on then!" roared the Queen, and Alice joined the -procession, wondering very much what would happen next. - -"It's--it's a very fine day!" said a timid little voice: she was -walking by the white rabbit, who was peeping anxiously into her -face. - -"Very," said Alice, "where's the Marchioness?" - -"Hush, hush!" said the rabbit in a low voice, "she'll hear you. -The Queen's the Marchioness: didn't you know that?" - -"No, I didn't," said Alice, "what of?" - -"Queen of Hearts," said the rabbit in a whisper, putting its -mouth close to her ear, "and Marchioness of Mock Turtles." - -"What are they?" said Alice, but there was no time for the -answer, for they had reached the croquet-ground, and the game -began instantly. - -Alice thought she had never seen such a curious croquet-ground in -all her life: it was all in ridges and furrows: the croquet-balls -were live hedgehogs, the mallets live ostriches, and the soldiers -had to double themselves up, and stand on their feet and hands, -to make the arches. - -[Illustration] - -[Illustration] - -The chief difficulty which Alice found at first was to manage her -ostrich: she got its body tucked away, comfortably enough, under -her arm, with its legs hanging down, but generally, just as she -had got its neck straightened out nicely, and was going to give a -blow with its head, it would twist itself round, and look up into -her face, with such a puzzled expression that she could not help -bursting out laughing: and when she had got its head down, and -was going to begin again, it was very confusing to find that the -hedgehog had unrolled itself, and was in the act of crawling -away: besides all this, there was generally a ridge or a furrow -in her way, wherever she wanted to send the hedgehog to, and as -the doubled-up soldiers were always getting up and walking off to -other parts of the ground, Alice soon came to the conclusion -that it was a very difficult game indeed. - -The players all played at once without waiting for turns, and -quarrelled all the while at the tops of their voices, and in a -very few minutes the Queen was in a furious passion, and went -stamping about and shouting "off with his head!" of "off with her -head!" about once in a minute. All those whom she sentenced were -taken into custody by the soldiers, who of course had to leave -off being arches to do this, so that, by the end of half an hour -or so, there were no arches left, and all the players, except the -King, the Queen, and Alice, were in custody, and under sentence -of execution. - -Then the Queen left off, quite out of breath, and said to Alice -"have you seen the Mock Turtle?" - -"No," said Alice, "I don't even know what a Mock Turtle is." - -"Come on then," said the Queen, "and it shall tell you its -history." - -As they walked off together, Alice heard the King say in a low -voice, to the company generally, "you are all pardoned." - -"Come, that's a good thing!" thought Alice, who had felt quite -grieved at the number of executions which the Queen had ordered. - -[Illustration] - -They very soon came upon a Gryphon, which lay fast asleep in the -sun: (if you don't know what a Gryphon is, look at the picture): -"Up, lazy thing!" said the Queen, "and take this young lady to -see the Mock Turtle, and to hear its history. I must go back and -see after some executions I ordered," and she walked off, leaving -Alice with the Gryphon. Alice did not quite like the look of the -creature, but on the whole she thought it quite as safe to stay -as to go after that savage Queen: so she waited. - -The Gryphon sat up and rubbed its eyes: then it watched the Queen -till she was out of sight: then it chuckled. "What fun!" said the -Gryphon, half to itself, half to Alice. - -"What is the fun?" said Alice. - -"Why, she," said the Gryphon; "it's all her fancy, that: they -never executes nobody, you know: come on!" - -"Everybody says 'come on!' here," thought Alice as she walked -slowly after the Gryphon; "I never was ordered about so before in -all my life--never!" - -They had not gone far before they saw the Mock Turtle in the -distance, sitting sad and lonely on a little ledge of rock, and, -as they came nearer, Alice could here it sighing as if its heart -would break. She pitied it deeply: "what is its sorrow?" she -asked the Gryphon, and the Gryphon answered, very nearly in the -same words as before, "it's all its fancy, that: it hasn't got no -sorrow, you know: come on!" - -[Illustration] - -So they went up to the Mock Turtle, who looked at them with large -eyes full of tears, but said nothing. - -"This here young lady" said the Gryphon, "wants for to know your -history, she do." - -"I'll tell it," said the Mock Turtle, in a deep hollow tone, "sit -down, and don't speak till I've finished." - -So they sat down, and no one spoke for some minutes: Alice -thought to herself "I don't see how it can ever finish, if it -doesn't begin," but she waited patiently. - -"Once," said the Mock Turtle at last, with a deep sigh, "I was a -real Turtle." - -These words were followed by a very long silence, broken only by -an occasional exclamation of "hjckrrh!" from the Gryphon, and the -constant heavy sobbing of the Mock Turtle. Alice was very nearly -getting up and saying, "thank you, sir, for your interesting -story," but she could not help thinking there must be more to -come, so she sat still and said nothing. - -"When we were little," the Mock Turtle went on, more calmly, -though still sobbing a little now and then, "we went to school in -the sea. The master was an old Turtle--we used to call him -Tortoise--" - -"Why did you call him Tortoise, if he wasn't one?" asked Alice. - -"We called him Tortoise because he taught us," said the Mock -Turtle angrily, "really you are very dull!" - -"You ought to be ashamed of yourself for asking such a simple -question," added the Gryphon, and then they both sat silent and -looked at poor Alice, who felt ready to sink into the earth: at -last the Gryphon said to the Mock Turtle, "get on, old fellow! -Don't be all day!" and the Mock Turtle went on in these words: - -"You may not have lived much under the sea--" ("I haven't," said -Alice,) "and perhaps you were never even introduced to a -lobster--" (Alice began to say "I once tasted--" but hastily -checked herself, and said "no, never," instead,) "so you can have -no idea what a delightful thing a Lobster Quadrille is!" - -"No, indeed," said Alice, "what sort of a thing is it?" - -"Why," said the Gryphon, "you form into a line along the sea -shore--" - -"Two lines!" cried the Mock Turtle, "seals, turtles, salmon, and -so on--advance twice--" - -"Each with a lobster as partner!" cried the Gryphon. - -[Illustration] - -"Of course," the Mock Turtle said, "advance twice, set to -partners--" - -"Change lobsters, and retire in same order--" interrupted the -Gryphon. - -"Then, you know," continued the Mock Turtle, "you throw the--" - -"The lobsters!" shouted the Gryphon, with a bound into the air. - -"As far out to sea as you can--" - -"Swim after them!" screamed the Gryphon. - -"Turn a somersault in the sea!" cried the Mock Turtle, capering -wildly about. - -"Change lobsters again!" yelled the Gryphon at the top of its -voice, "and then--" - -"That's all," said the Mock Turtle, suddenly dropping its voice, -and the two creatures, who had been jumping about like mad things -all this time, sat down again very sadly and quietly, and looked -at Alice. - -"It must be a very pretty dance," said Alice timidly. - -"Would you like to see a little of it?" said the Mock Turtle. - -"Very much indeed," said Alice. - -"Come, let's try the first figure!" said the Mock Turtle to the -Gryphon, "we can do it without lobsters, you know. Which shall -sing?" - -"Oh! you sing!" said the Gryphon, "I've forgotten the words." - -[Illustration] - -So they began solemnly dancing round and round Alice, every now -and then treading on her toes when they came too close, and -waving their fore-paws to mark the time, while the Mock Turtle -sang, slowly and sadly, these words: - - "Beneath the waters of the sea - Are lobsters thick as thick can be-- - They love to dance with you and me, - My own, my gentle Salmon!" - -The Gryphon joined in singing the chorus, which was: - - "Salmon come up! Salmon go down! - Salmon come twist your tail around! - Of all the fishes of the sea - There's none so good as Salmon!" - -"Thank you," said Alice, feeling very glad that the figure was -over. - -"Shall we try the second figure?" said the Gryphon, "or would you -prefer a song?" - -"Oh, a song, please!" Alice replied, so eagerly, that the Gryphon -said, in a rather offended tone, "hm! no accounting for tastes! -Sing her 'Mock Turtle Soup', will you, old fellow!" - -The Mock Turtle sighed deeply, and began, in a voice sometimes -choked with sobs, to sing this: - - "Beautiful Soup, so rich and green, - Waiting in a hot tureen! - Who for such dainties would not stoop? - Soup of the evening, beautiful Soup! - Soup of the evening, beautiful Soup! - Beau--ootiful Soo--oop! - Beau--ootiful Soo--oop! - Soo--oop of the e--e--evening, - Beautiful beautiful Soup! - -"Chorus again!" cried the Gryphon, and the Mock Turtle had just -begun to repeat it, when a cry of "the trial's beginning!" was -heard in the distance. - -"Come on!" cried the Gryphon, and, taking Alice by the hand, he -hurried off, without waiting for the end of the song. - -"What trial is it?" panted Alice as she ran, but the Gryphon only -answered "come on!" and ran the faster, and more and more faintly -came, borne on the breeze that followed them, the melancholy -words: - - "Soo--oop of the e--e--evening, - Beautiful beautiful Soup!" - -The King and Queen were seated on their throne when they arrived, -with a great crowd assembled around them: the Knave was in -custody: and before the King stood the white rabbit, with a -trumpet in one hand, and a scroll of parchment in the other. - -"Herald! read the accusation!" said the King. - -On this the white rabbit blew three blasts on the trumpet, and -then unrolled the parchment scroll, and read as follows: - -[Illustration] - - "The Queen of Hearts she made some tarts - All on a summer day: - The Knave of Hearts he stole those tarts, - And took them quite away!" - -[Illustration] - -"Now for the evidence," said the King, "and then the sentence." - -"No!" said the Queen, "first the sentence, and then the -evidence!" - -"Nonsense!" cried Alice, so loudly that everybody jumped, "the -idea of having the sentence first!" - -"Hold your tongue!" said the Queen. - -"I won't!" said Alice, "you're nothing but a pack of cards! Who -cares for you?" - -At this the whole pack rose up into the air, and came flying down -upon her: she gave a little scream of fright, and tried to beat -them off, and found herself lying on the bank, with her head in -the lap of her sister, who was gently brushing away some leaves -that had fluttered down from the trees on to her face. - -"Wake up! Alice dear!" said her sister, "what a nice long sleep -you've had!" - -"Oh, I've had such a curious dream!" said Alice, and she told her -sister all her Adventures Under Ground, as you have read them, -and when she had finished, her sister kissed her and said "it was -a curious dream, dear, certainly! But now run in to your tea: -it's getting late." - -So Alice ran off, thinking while she ran (as well she might) what -a wonderful dream it had been. - - * * * * * - -But her sister sat there some while longer, watching the setting -sun, and thinking of little Alice and her Adventures, till she -too began dreaming after a fashion, and this was her dream: - -She saw an ancient city, and a quiet river winding near it along -the plain, and up the stream went slowly gliding a boat with a -merry party of children on board--she could hear their voices and -laughter like music over the water--and among them was another -little Alice, who sat listening with bright eager eyes to a tale -that was being told, and she listened for the words of the tale, -and lo! it was the dream of her own little sister. So the boat -wound slowly along, beneath the bright summer-day, with its merry -crew and its music of voices and laughter, till it passed round -one of the many turnings of the stream, and she saw it no more. - -Then she thought, (in a dream within the dream, as it were,) how -this same little Alice would, in the after-time, be herself a -grown woman: and how she would keep, through her riper years, the -simple and loving heart of her childhood: and how she would -gather around her other little children, and make their eyes -bright and eager with many a wonderful tale, perhaps even with -these very adventures of the little Alice of long-ago: and how -she would feel with all their simple sorrows, and find a pleasure -in all their simple joys, remembering her own child-life, and the -happy summer days. - -[Illustration] - -happy summer days. - - -THE END. - - * * * * * - - - - -_POSTSCRIPT._ - - -_The profits, if any, of this book will be given to Children's -Hospitals and Convalescent Homes for Sick Children; and the -accounts, down to June 30 in each year, will be published in the -St. James's Gazette, on the second Tuesday of the following -December._ - -_P.P.S.--The thought, so prettily expressed by the little boy, is -also to be found in Longfellow's "Hiawatha," where he appeals to -those who believe_ - - "_That the feeble hands and helpless,_ - _Groping blindly in the darkness_, - _Touch_ GOD'S _right hand in that darkness_, - _And are lifted up and strengthened_." - - * * * * * - - - - -"Who will Riddle me the How and the Why?" - - -_So questions one of England's sweetest singers. The "How?" has -already been told, after a fashion, in the verses prefixed to -"Alice in Wonderland"; and some other memories of that happy -summer day are set down, for those who care to see them, in this -little book--the germ that was to grow into the published volume. -But the "Why?" cannot, and need not, be put into words. Those for -whom a child's mind is a sealed book, and who see no divinity in -a child's smile, would read such words in vain: while for any one -that has ever loved one true child, no words are needed. For he -will have known the awe that falls on one in the presence of a -spirit fresh from_ GOD'S _hands, on whom no shadow of sin, and -but the outermost fringe of the shadow of sorrow, has yet fallen: -he will have felt the bitter contrast between the haunting -selfishness that spoils his best deeds and the life that is but -an overflowing love--for I think a child's_ first _attitude to -the world is a simple love for all living things: and he will -have learned that the best work a man can do is when he works for -love's sake only, with no thought of name, or gain, or earthly -reward. No deed of ours, I suppose, on this side the grave, is -really unselfish: yet if one can put forth all one's powers in a -task where nothing of reward is hoped for but a little child's -whispered thanks, and the airy touch of a little child's pure -lips, one seems to come somewhere near to this._ - -_There was no idea of publication in my mind when I wrote this -little book_: that _was wholly an afterthought, pressed on me by -the "perhaps too partial friends" who always have to bear the -blame when a writer rushes into print: and I can truly say that -no praise of theirs has ever given me one hundredth part of the -pleasure it has been to think of the sick children in hospitals -(where it has been a delight to me to send copies) forgetting, -for a few bright hours, their pain and weariness--perhaps -thinking lovingly of the unknown writer of the tale--perhaps even -putting up a childish prayer (and oh, how much it needs!) for one -who can but dimly hope to stand, some day, not quite out of sight -of those pure young faces, before the great white throne. "I am -very sure," writes a lady-visitor at a Home for Sick Children, -"that there will be many loving earnest prayers for you on Easter -morning from the children._" - -_I would like to quote further from her letters, as embodying a -suggestion that may perhaps thus come to the notice of some one -able and willing to carry it out._ - -"_I want you to send me one of your Easter Greetings for a very -dear child who is dying at our Home. She is just fading away, and -'Alice' has brightened some of the weary hours in her illness, -and I know that letter would be such a delight to her--especially -if you would put 'Minnie' at the top, and she could know you had -sent it for her._ She _knows_ you, _and would so value it.... She -suffers so much that I long for what I know would so please her." -... "Thank you very much for sending me the letter, and for -writing Minnie's name.... I am quite sure that all these children -will say a loving prayer for the 'Alice-man' on Easter Day: and I -am sure the letter will help the little ones to the real Easter -joy. How I do wish that you, who have won the hearts and -confidence of so many children, would do for them what is so very -near my heart, and yet what no one will do, viz. write a book for -children about_ GOD _and themselves, which is_ not _goody, and -which begins at the right end, about religion, to make them see -what it really is. I get quite miserable very often over the -children I come across: hardly any of them have an idea of_ -really _knowing that_ GOD _loves them, or of loving and confiding -in Him. They will love and trust_ me, _and be sure that I want -them to be happy, and will not let them suffer more than is -necessary: but as for going to Him in the same way, they would -never think of it. They are dreadfully afraid of Him, if they -think of Him at all, which they generally only do when they have -been naughty, and they look on all connected with Him as very -grave and dull: and, when they are full of fun and thoroughly -happy, I am sure they unconsciously hope He is not looking. I am -sure I don't wonder they think of Him in this way, for people_ -never _talk of Him in connection with what makes their little -lives the brightest. If they are naughty, people put on solemn -faces, and say He is very angry or shocked, or something which -frightens them: and, for the rest, He is talked about only in a -way that makes them think of church and having to be quiet. As -for being taught that all Joy and all Gladness and Brightness is -His Joy--that He is wearying for them to be happy, and is not -hard and stern, but always doing things to make their days -brighter, and caring for them so tenderly, and wanting them to -run to Him with_ all _their little joys and sorrows, they are -not taught that. I do so long to make them trust Him as they -trust us, to feel that He will 'take their part' as they do with -us in their little woes, and to go to Him in their plays and -enjoyments and not only when they say their prayers. I was quite -grateful to one little dot, a short time ago, who said to his -mother 'when I am in bed, I put out my hand to see if I can feel_ -JESUS _and my angel. I thought perhaps_ in the dark _they'd touch -me, but they never have yet.' I do so want them to_ want _to go -to Him, and to feel how, if He is there, it_ must _be happy._" - -_Let me add--for I feel I have drifted into far too serious a vein -for a preface to a fairy-tale--the deliciously naïve remark of a -very dear child-friend, whom I asked, after an acquaintance of two -or three days, if she had read 'Alice' and the 'Looking-Glass.' "Oh -yes," she replied readily, "I've read both of them! And I think" -(this more slowly and thoughtfully) "I think 'Through the -Looking-Glass' is_ more _stupid than 'Alice's Adventures.' Don't_ -you _think so?" But this was a question I felt it would be hardly -discreet for me to enter upon._ - -_LEWIS CARROLL._ - -_Dec._ 1886. - - * * * * * - - - - -AN EASTER GREETING - -TO - -EVERY CHILD WHO LOVES - -"Alice." - - -DEAR CHILD, - -_Please to fancy, if you can, that you are reading a real letter, -from a real friend whom you have seen, and whose voice you can -seem to yourself to hear wishing you, as I do now with all my -heart, a happy Easter._ - -_Do you know that delicious dreamy feeling when one first wakes -on a summer morning, with the twitter of birds in the air, and -the fresh breeze coming in at the open window--when, lying lazily -with eyes half shut, one sees as in a dream green boughs waving, -or waters rippling in a golden light? It is a pleasure very near -to sadness, bringing tears to one's eyes like a beautiful picture -or poem. And is not that a Mother's gentle hand that undraws your -curtains, and a Mother's sweet voice that summons you to rise? To -rise and forget, in the bright sunlight, the ugly dreams that -frightened you so when all was dark--to rise and enjoy another -happy day, first kneeling to thank that unseen Friend, who sends -you the beautiful sun_? - -_Are these strange words from a writer of such tales as "Alice"? -And is this a strange letter to find in a book of nonsense? It -may be so. Some perhaps may blame me for thus mixing together -things grave and gay; others may smile and think it odd that any -one should speak of solemn things at all, except in church and on -a Sunday: but I think--nay, I am sure--that some children will -read this gently and lovingly, and in the spirit in which I have -written it._ - -_For I do not believe God means us thus to divide life into two -halves--to wear a grave face on Sunday, and to think it -out-of-place to even so much as mention Him on a week-day. Do you -think He cares to see only kneeling figures, and to hear only -tones of prayer--and that He does not also love to see the lambs -leaping in the sunlight, and to hear the merry voices of the -children, as they roll among the hay? Surely their innocent -laughter is as sweet in His ears as the grandest anthem that ever -rolled up from the "dim religious light" of some solemn -cathedral?_ - -_And if I have written anything to add to those stores of -innocent and healthy amusement that are laid up in books for the -children I love so well, it is surely something I may hope to -look back upon without shame and sorrow (as how much of life must -then be recalled!) when_ my _turn comes to walk through the -valley of shadows._ - -_This Easter sun will rise on you, dear child, feeling your "life -in every limb," and eager to rush out into the fresh morning -air_--_and many an Easter-day will come and go, before it finds -you feeble and gray-headed, creeping wearily out to bask once -more in the sunlight--but it is good, even now, to think -sometimes of that great morning when the "Sun of Righteousness -shall arise with healing in his wings."_ - -_Surely your gladness need not be the less for the thought that -you will one day see a brighter dawn than this--when lovelier -sights will meet your eyes than any waving trees or rippling -waters--when angel-hands shall undraw your curtains, and sweeter -tones than ever loving Mother breathed shall wake you to a new -and glorious day--and when all the sadness, and the sin, that -darkened life on this little earth, shall be forgotten like the -dreams of a night that is past!_ - -_Your affectionate friend_, - -_LEWIS CARROLL_. - -EASTER, 1876. - - * * * * * - - - - -CHRISTMAS GREETINGS. - -[FROM A FAIRY TO A CHILD.] - - - Lady dear, if Fairies may - For a moment lay aside - Cunning tricks and elfish play, - 'Tis at happy Christmas-tide. - - We have heard the children say-- - Gentle children, whom we love-- - Long ago, on Christmas Day, - Came a message from above. - - Still, as Christmas-tide comes round, - They remember it again-- - Echo still the joyful sound - "Peace on earth, good-will to men!" - - Yet the hearts must childlike be - Where such heavenly guests abide: - Unto children, in their glee, - All the year is Christmas-tide! - - Thus, forgetting tricks and play - For a moment, Lady dear, - We would wish you, if we may, - Merry Christmas, glad New Year! - -LEWIS CARROLL. - -_Christmas, 1867._ - - * * * * * - - - - -WORKS BY LEWIS CARROLL. - -PUBLISHED BY - -MACMILLAN AND CO., LONDON. - - -ALICE'S ADVENTURES _IN_ WONDERLAND. With Forty-two Illustrations -by TENNIEL. (First published in 1865.) Crown 8vo, cloth, gilt -edges, price 6_s._ Seventy-eighth Thousand. - -AVENTURES D'ALICE AU PAYS DES MERVEILLES. Traduit de l'Anglais -par Henri Bué. Ouvrage illustré de 42 Vignettes par JOHN TENNIEL. -(First published in 1869.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, price -6_s._ - -ALICE'S ABENTEUER IM WUNDERLAND. AUS DEM ENGLISCHEN, VON ANTONIE -ZIMMERMANN. MITT 42 ILLUSTRATIONEN VON JOHN TENNIEL. (First -published in 1869.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, price 6_s._ - -LE AVVENTURE D'ALICE NEL PAESE DELLE MERAVIGLIE. Tradotte dall' -Inglese da T. PIETROCÒLA-ROSSETTI. Con 42 Vignette di GIOVANNI -TENNIEL. (First published in 1872.) Crown 8vo, cloth, gilt edges, -price 6_s._ - -THROUGH THE LOOKING-GLASS AND WHAT ALICE FOUND THERE. With Fifty -Illustrations by TENNIEL. (First published in 1871.) Crown 8vo, -cloth, gilt edges, price 6_s._ Fifty sixth Thousand. - -RHYME? AND REASON? With Sixty-five Illustrations by ARTHUR B. -FROST, and Nine by HENRY HOLIDAY. (This book, first published in -1883, is a reprint, with a few additions, of the comic portion of -"Phantasmagoria and other Poems," published in 1869, and of "The -Hunting of the Snark," published in 1876. Mr. Frost's pictures -are new.) Crown 8vo, cloth, coloured edges, price 6_s._ Fifth -Thousand. - - * * * * * - - - - -WORKS BY LEWIS CARROLL. - -PUBLISHED BY - -MACMILLAN AND CO., LONDON. - - -A TANGLED TALE. Reprinted from _The Monthly Packet_. With Six -Illustrations by ARTHUR B. FROST. (First published in 1885.) -Crown 8vo, cloth, gilt edges, 4_s._ 6_d._ Third Thousand. - -THE GAME OF LOGIC. (With an Envelope containing a card diagram -and nine counters--four red and five grey.) Crown 8vo, cloth, -price 3_s._ - -N.B.--The Envelope, etc., may be had separately at 3_d._ each. - -ALICE'S ADVENTURES UNDER GROUND. Being a Facsimile of the -original MS. Book, afterwards developed into "Alice's Adventures -in Wonderland." With Thirty-seven Illustrations by the Author. -Crown 8vo, cloth, gilt edges. 4_s._ - -THE NURSERY ALICE. A selection of twenty of the pictures in -"Alice's Adventures in Wonderland," enlarged and coloured under the -Artist's superintendence, with explanations. [_In preparation._ - - * * * * * - -N.B. In selling the above-mentioned books to the Trade, Messrs. -Macmillan and Co. will abate 2_d._ in the shilling (no odd -copies), and allow 5 per cent. discount for payment within six -months, and 10 per cent. for cash. In selling them to the Public -(for cash only) they will allow 10 per cent. discount. - - * * * * * - -MR. LEWIS CARROLL, having been requested to allow "AN EASTER -GREETING" (a leaflet, addressed to children, first published in -1876, and frequently given with his books) to be sold separately, -has arranged with Messrs. Harrison, of 59, Pall Mall, who will -supply a single copy for 1_d._, or 12 for 9_d._, or 100 for 5_s._ - - * * * * * - - - - - -End of Project Gutenberg's Alice's Adventures Under Ground, by Lewis Carroll - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALICE'S ADVENTURES UNDER GROUND *** - -***** This file should be named 19002-8.txt or 19002-8.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/1/9/0/0/19002/ - -Produced by Jason Isbell, Sankar Viswanathan, and the -Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. 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Information about the Project Gutenberg Literary Archive -Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at -http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent -permitted by U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. -Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered -throughout numerous locations. Its business office is located at -809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email -business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact -information can be found at the Foundation's web site and official -page at http://pglaf.org - -For additional contact information: - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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Thus, we do not necessarily -keep eBooks in compliance with any particular paper edition. - - -Most people start at our Web site which has the main PG search facility: - - http://www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. -The Project Gutenberg EBook of Hepu Zhu, by Yanshuisanren - -This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with -almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org - - -Title: Hepu Zhu - -Author: Yanshuisanren - -Release Date: January 7, 2009 [EBook #27734] - -Language: Chinese - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HEPU ZHU *** - - - - -Produced by Vicky Tseng - - - - - - - -书名: 合浦珠 -烟水散人 著 - - -Title: Hepu Zhu -Author: Yanshuisanren - - - -第一回 梅花樓酒錢贈俠客 - - -  詞曰: -    韶光遲速,休名利關心。塵途碌碌,門外鶯啼,正值春江拖綠。襟懷瀟灑須祛俗,締心交,芝 -蘭同馥。草堂清晝,彈琴話古,諷梅哦竹。憑世上雨雲翻覆,惟男兒倜儻,別開眉目。莫笑寒酸,自有 -文章盈腹。翠幃遙想人如玉,待他年貯金屋。晝哦窗下,賡詩花底,風流方足。 -   右調《疏簾淡月》 -  又詩曰: -    才子自應逑美媛,不須仙洞覓胡麻。 -    請君試看明珠報,莫謂今無古押衙。 -  話說人生七尺軀,雖不可兒女情長、英雄志短,然晉人有云:「情之所鐘,正在我輩。」故才子必 -須佳人為匹。假使有了雕龍繡虎之纔,乃琴瑟乖和,不能覓一如花似玉、知音詠絮之婦,則才子之情不 -見,而才子之名亦虛。是以相如三弄求凰之曲,元稹待月西廂之下。千古以來,但聞其風流蘊藉,嘖嘖 -人口,未嘗以其情深兒女,置而不談。予今不及遠拾異聞,姑以耳目所及,演述成編,以為風月場中談 -資一助。這段佳話在明朝天啟中,有一錢生者,諱蘭,字九畹,排行十一,原籍金陵人氏,其父中丞公, -歷宦浙西。因見姑蘇風物清妍,山水秀麗,遂買宅於胥門內大街。蘭生五歲,中丞公即已棄世。其母魏 -夫人,有治家材,且嚴於規訓。蘭亦天性穎敏,至十歲便能屬文,通《離騷》,兼秦漢諸史。及年十七, -即以案首入伴。雖先達名流,見其詩文,莫不嘖嘖贊賞,翕然推伏。蘭亦自負,謂一第易於指掌。其居 -金陵祖宅,諱叫一鶴者,蘭之嫡堂叔也,以恩蔭,現任山東郡守。 - -  蘭門第既高,又聲名藉甚,況生得眉秀神清,皎如玉樹。雖衛玠、潘安無以逾也。因此英郡縉紳巨 -族,咸欲得蘭為婿。央媒議姻的,門無虛日。魏夫人因以年齒漸長,擇其門楣相對者,將欲許光。蘭以 -功名未就,力為阻止。嘗讀《嬌紅傳》,廢卷而嘆道:「不遇佳人,何名才子?我若不得一個敏慧閨秀。 -纔色雙全的,誓願終身不娶!」家有數婢,曰紅葉,曰秋煙,曰桂子,曰繡琴,皆十六七歲的佳麗人也。 -然蘭無一當意者。群婢中,惟秋煙尤覺艷麗,狡慧機警,能猜人意中事,蘭稍注念,往往因事雜人稠, -亦未及向海棠枝上試腥紅。所與交游,皆當世名流韻士。其同窗社友,最為相知莫逆,惟有崔子文、李 -若虛兩個。每日會文,功課之暇,必與二人尋芳拾草,以飲酒賦詩為樂。 - -  一日,值二月中旬,蘇人游虎丘者,摯榼攜壺,紛紛接踵。又聞梅花樓酒肆甚佳,錢生游興勃然, -遂致柬邀訂崔、李。至期,二子以事阻不果。錢生悵然道:「俗哉二君,何乃此塵務相絆,誤我游興。」 -有一書僮,喚做紫蕭,在旁相勸道:「既崔、李二相公有事不來,趁此風月清美,相公何不自去隨喜? -這叫做『乘興而往,興盡則返』,何必見戴?」錢生點頭微笑道:「不意汝亦能解說佳話。」遂攜枕頭 -錢,令紫蕭隨往。 - -  到了虎丘,果見畫船鱗次,羅綺如雲。乃覓幽勝之處,徘徊片晌,始詣梅花樓,沽酒獨酌。只是樓 -中飲侶滿座,皆酒後暄語,俗氣逼人。錢生不勝厭悶,持杯而起,倚窗遙望,見淡煙芳草之中,乃真娘 -墓也。因朗吟白香山之詩云: -    真娘墓,虎丘道。不識真娘鏡中面,惟見真娘墓頭草。霜摧桃李風折蓮,真娘死時猶少年。脂 -膚荑手不牢固,世間尤物難留連。難留連,易銷歇。塞北花,江南雲。 -  吟詠至再,興猶未已,乃問店家索取筆硯,向那粉壁之上,題著七言古體一篇。 -  詩曰: -    春風處處黃鳥啼,桃花李花爭芳菲。 -    花蔭笑語人不見,花外香塵暗拂衣。 -    虎丘山寺鐘聲曉,虎丘山路生芳草。 -    香車寶馬往來多,水色山光領略少。 -    我來邀勝破春愁,拂衣獨酌梅花樓。 -    樓中寂寞添幽緒,遙見真娘墓邊樹。 -    翠細羅衫化作塵,墓門留待詩人句。 -    鏡裏嬌容想昔時,只今煙嫋綠楊枝。 -    可憐不是巫山雨,惱亂襄王起艷思。 -  錢生題訖,自吟自笑,連飲數杯。俄而日已亭午,遂與紫蕭下樓。只見店主面紅耳漲,扯住了一個 -穿白的人,正在那裏喧沸。在旁觀看的,紛紛說道:「這也特殺奇哉,真正是個無賴棍徒,白撞酒食。」 -或笑或罵,或欲揮拳相向,或勸店家剝取衣服。觀那穿白的人,卻又面不改容,昂昂自若。錢生不解其 -故,向前詰問。店主道:「這人素昧平生,日昨忽到小店沽飲,算銀三錢,毫厘不還。說道:『寓在專 -諸巷內,待至明日來飲,一並還清。老拙萬分不肯,見他又不像個哄騙之徒,只得破格應允。到了今早, -果然又來。老拙道他是個信實君子,仍與酒饌,大飲大嚼,誰料身邊原無半文。念小店貸本營生,哪有 -酒肉與人白吃之理。不由老漢不怒從心起,為此與他廝鬧。」錢生笑道:「事亦甚小,我看此友不是尋 -常之輩,所欠若干,少頃與我酒錢一齊等還,不消發話。」店主慌忙致謝道:「既承相公應認,老拙再 -有何言?」錢生一手攜了那人,重上樓來,施禮坐定,從容問道:「老丈眉宇軒軒,決非塵埃中人物, -何故欠少酒債,致受小人之侮?」那人答道:「不纔遨游湖海,聞說蘇杭乃是天下名郡,故不遠而來。 -卻因盤桓日久,資斧空乏。近有故人,訂在虎丘相晤,故每日到此,無聊之際,沽飲三杯。叵耐店主不 -能識人,輒爾嘵嘵。」又問其居址姓名,那人道:「我浪跡萍蹤,何有定處?雖復姓申屠,其實並無名 -號,江湖上相知者,但呼為申屠丈耳。」錢生見其談吐如流,肅然起敬道:「適間獨飲,殊覺意致索寞, -不意邂逅間,忽逢老丈,使人佳興倍添。」於是呼酒對酌。申屠丈仰首一看,忽見壁上題詩,墨跡初乾, -擊節嘆賞道:「此必郎君佳作,藻思綺句,不減瘐鮑。」錢生含笑不言。已而夕陽在山,紫蕭促歸。申 -屠丈即放杯起身,拱手作別。錢生牽袂懇留,必欲再飲。申屠丈道:「與君萍水相逢,謬承雅愛。但僕 -高陽酒徒也,一吸五斗。如尊駕必欲入城,即此告辭。倘有僧舍可以借榻,願卜其夜。」錢生大笑道: -「老丈妙人也,方恨相見恨晚,即十□□飲,尚可淹留,何況一夕乎?」申屠丈亦掀髯大笑道:「君雖 -書生,絕無一些酸腐氣,異日青雲事業,未可量也。」錢生便令紫蕭算還酒錢,並買佳餚數味,美酒一 -樽,借一幽雅禪房,剪燈細酌。申屠丈高談闊論,娓娓不倦,直至二更,方纔就寢。 - -  次日早起,住持長老知是錢公子,不敢怠慢,急忙整治晨餐。二人梳洗方畢,對坐閑話。見一小沙 -彌走進,口中連說「怪事!怪事!」錢生呼問其故,沙彌道:「適纔打從梅花樓經過,聞說店主有銀二 -十餘兩,臨臥時放在枕頭底下,今早起來,分毫不見。只有老夫婦在房,又門戶不開,竟不知從何處去 -了,驚得店主目定口呆,沒做理會處,豈不是件怪事!」申屠丈見說,掩口而笑,錢生怪而問之。申屠 -丈道:「吾惡此老索酒錢甚急,聊戲之耳。」便向沙彌道:「汝去對那店主說,不須煩惱,銀子只在床 -側,右首小皮箱內。」錢生亦未相信,只見小沙彌去不多時,即便回來說:「銀子果在皮箱裏面,那店 -老又驚又喜,還說要來謝罪。」錢生與住持始信是實,暗暗驚異。須臾飯畢,謝過眾僧,便與申屠丈作 -別回家,申屠丈亦不致謝,但云:「敝寓在專諸巷,左首第三宅內,明日午前,望君獨枉玉踐,再獲一談 -。」錢生惟惟而別。及抵家,值崔子文亦至。即告以游虎丘得遇申屠丈,及店家失銀一事。子文道:「此 -乃方士弄術耳,何足為異?」錢生不以為然。次日,如期過訪,申屠丈早已倚門相候,延入客座,但聞 -異香芬郁,沁入襟懷,其羅列器玩,無不珍奇。初不似客游窘乏者,未幾進茶,其茶葉碧綠細嫩,香若 -蘭花。敘話多時,復邀入內室。只見陳設餚飲,皆是珍美味。青衣以琥珀杯斟酒,酒色殷紅,與杯相映。 -錢生雖是宦家,其筵席之盛,亦不能及此。酒過數巡,申屠丈道:「賓主對酌,無以為歡,幸有女樂, -令歌以侑酒。」言未畢,只見屏後輕移蓮步,走出兩個美人來,俱年十七八歲,一衣紅綃,一衣紫綃, -雲鬢翠蛾,輕盈窈窕,真國色也。紅綃妓以金蓮杯斟酒,奉與錢生,揚袂而歌曰: -    春風繞象床,春心滿洞房,憑誰寄語薄情郎。花既謝兮春晝長,早歸來兮匆徜徉。 -  紅綃妓歌竟,紫綃妓以碧玉卮斟酒相勸。手按象板,低低歌道: -    懶換春衫晝掩扉,看花幾度淚沾衣。 -    別時羅帕空留篋,史看雕梁雙燕飛。 -  歌畢,申屠丈道:「音雖下裏,不及陽阿薤露之曲,然郎君工於染翰,愧無珠玉,以寵斯技。」錢 -生不能推卻,乃口佔一絕云: -    仙洞雙妹雲剪衣,能歌玉樹使人迷。 -    嬌音若在花邊落,應遣流鶯不敢啼。 -  申屠丈連聲贊賞道:「佳作!佳作!所愧二女子,歌匪金縷,有辱郎君,口吐夜珠。」乃令二妓復 -以巨觥送酒。錢生以妓女立近身邊,羞澀不能即飲,紅綃妓乃高捧金卮,向著錢生嘴脣一灌而盡。申屠 -丈亦搏髀高歌曰: -    朝出去兮訪丹丘,暮歸來兮月滿樓。 -    煙波浩浩兮山萬里,家四海兮任遨游。 -  申屠丈歌畢,又問錢生道:「清歌寂寥,不足以為娛,和作舞劍之戲,郎君願觀之乎?」錢生道: -「願乞一觀。」只見申屠丈取出寶劍一口,擲在空中,其劍自能回旋飛舞。倏又化作二劍,一舞於左, -一舞於右,舞不多時,二劍又相湊而舞,作斗格之勢。須臾又變作六七劍,劍劍自舞。而有時往來間雜, -無限錯綜轉折之妙,但覺寒光閃閃,悲悲淒淒。既而舞畢,仍是一劍在空。紫綃妓徐徐以手接之。於時, -日轉西軒,暮霞零亂,錢生以不勝杯酌,堅欲告辭。申屠丈道:「歸路甚遠,亦不敢強留。只是區區天 -下有心人也,他日郎君或有緩急,不妨謀諸我。」錢生道:「仰辱厚誼,敢不服膺。只是老丈留在敝郡, -可以不時奉候,萬一行旌別指,則山川間之,何以圖晤?」申屠丈道:「我明日便一帆遙指武陵,將渡 -錢塘,或走山陰、會稽,或探龍湫雁蕩,果是行蹤未定。但郎君懷一欲見之意,自有會期。」錢生遂即 -起身謝別。申屠丈送至中庭,復問道:「郎君年將弱冠,未審雀屏曾中否?」錢生搖首道:「尚未受室。」 -申屠丈道:「以子纔貌雙全,簪纓華裔,豈患天佳配哉?然而姻緣前數,只在赤繩一係。吾聞玄妙觀新 -來一梅山老人,能以神相知人過去未來之事,吾子何不竭誠投謁,以卜前程。則姻事功名,一言可以了 -了。」錢生連聲應諾,直至門首,各道珍重而別。抵胥門已昏暮矣。 - -  錢生少處書幃,未嘗親近美色,那一日,一見歌妓,不覺神魂飄蕩,幾不自持。明日會著崔子文、 -李若虛,告以所見,遂偕往訪之,則已門房扃鎖。詢於鄰居,皆雲彼原僦居一月,今早已遷移他去矣。 -三子遂悵然而返。 - -  逾數日,生復邀崔、李同往玄妙觀,謁見梅山老人,那老人蒼姿白髮,骨格清奇,儼然四皓之侶。 -錢生備陳求相之意,老人即便先看崔、李,口中嘖嘖道:「二足下神清相旺,甲科無疑。但目下文戰未 -利,一交眼運,必然高捷。」以後相到錢生,老人吃驚道:「這位錢兄,自然也是甲科了,只是目下就 -有一場災險,老夫意欲直陳,未知可否?」錢生道:「君子問災不問福,但請老丈直言,切勿隱諱。」 -那老人不慌不忙說出幾句話來,管教: -    未來休咎姻緣事,只在神奇一相中。 - -  畢竟老人說出什麼話來?且聽下回分解。 - -第二回 秋煙婢兩度醉春風 - - -  詩曰: -  別有柔枝惹斷腸,春風暗裹惜垂楊。 -  花陰略做鴛鴦偶,裙底深聞醬醋香。 -  躡足輕輕投繡帶,殘更悄悄赴西廂。 -  心驚只為愁獅吼,幾度叮嚀莫顯揚。 -  這一首詩,單道那偷婢的妙趣。常言道:「妻不如妾,妾不如婢。」這是為何?蓋因人家有了美貌 -的侍兒,其妻妒悍的,則不敢偷,不妒的,亦不必偷。惟是妒不深而醋意復不淺,於是灶前廊下,潛竊 -口脂之香。捧水傳茶,輕摸酥潤之乳。欲近而不敢近,欲拋而不能拋,暗丟眼色,巧覓私期,較之長夜 -同眠,無人拘束的,更有情味。況且人家美婢,原不可少,假如有了一個美妻,又有幾個美婢跟隨,轉 -助其美。就如牡丹,有了嬌花,必須綠葉,所以鄭康成家有掌箋奏的青衣,白樂天有「櫻桃樊素口,楊 -柳小蠻腰」之詠。 -  閑話休提。 - -  且說梅山老人先相了崔子文、李若虛,然後相至錢生,卻說道有些災難。錢生再四懇求直言,老人 -道:「細看尊相,必然是少年登第。但氣色昏滯,主有非罪之災,幽閉囹圄。雖不久就釋,要滿七七之 -期。此後更有客途一厄,雖不致損害,也有一場天大的虛驚。自此穩步雲梯,漸入佳境。然看足下今日 -來意,不特問那功名,兼且為著內助。據觀尊相,應有三位賢美夫人。初求甚難,後亦甚易。尚當寬緩 -歲月,直待高中之後,方得完姻。吾有八句俚言,子須牢記,他日自有應驗。」遂取小箋,提筆寫道: -  青年科第,文章率然。 -  彼有淑女,遇珠則圓。 -  雨花菴裏,桃葉渡邊。 -  若逢四九,返爾林泉。 - -  寫畢,付與錢生,連囑保重。錢生即令從者呈上謝儀。老人堅卻不受道:「且俟三君掛綠之後,然 -後領賞。」三人致謝離觀。於路中,錢生問道:「二兄以梅山風鑒若何?」若虛道:「此亦相士套語耳, -何足憑信。」子文道,「九畹兄恂恂若處子,每日不離書館,安得有危厄之事?即此一言,足征其謬誕 -矣。」錢生道:「只怕人事不常,難以預定。」正說間,忽遇著同社陸希雲,問其何往?希雲道:「敝 -齋前海棠盛開,今日特屈二兄暫輟牙簽,詩以賞之。頃造九畹兄潭府,遇尊價紫蕭說,與崔、李二相公 -同到玄妙觀去了,小弟因即步來相候。」崔子文道:「賞花賦詩,正吾黨勝事,但有費主人物料奈何?」 -錢生道:「明日便是小弟治觴。」希雲道:「然則明後日又輪到崔、李二兄了。」說罷四人皆大笑,隨 -即同詣陸子齋頭。看那海棠花,果然夭艷無比。子文道:「一睹此花,宛若西子在前,太真復出。」錢 -生笑道:「不意范大夫載去之後,李三郎楊浴之餘,復受仁兄清盼。」希雲道:「海棠雖好,尤賴三君 -名士賞鑒。」若虛道:「有此名花,就該有賢主人了。」調笑未畢,酒餚已備,即設席於花下,四人傳 -杯換盞,極盡歡噱。 - -  希雲道:「清飲不足以展懷,乞崔兄行一口令。」子文道:「我要海棠詩一句,中有一個花字。」 -即舉杯飲盡,念詩一句云:「只恐夜深花睡去。」若虛道:「要罰三大杯。」子文不服道:「弟乃令官, -豈有受罰之理?」若虛道:「遇知己,賞名花,可無佳吟,乃效村學究所常道者,豈不該罰?」崔子文 -大笑,乃把杯連飲三爵,既而分韻賦詩。 - -  酒至半酣,希雲道:「青樓中,近有一仙人謫下,三兄亦曾相聞麼?」三子道:「不知也。乞兄為 -弟輩言之,其色藝何如?」希雲道:「那個妓女,年方破瓜,其容色姣媚,固已遠出尋常,加以詩畫棋 -琴,無不妙絕。雖門前之流水接軫,而矜色自高,罕有得其回眸一笑。我輩雖是酸措大,豈有名花在前, -不為品題,以作片時之樂?」若虛道:「兄言及此,使弟情興勃勃,便當訂期一訪,但不可與九畹偕行。」 -錢生道:「豈以弟非韻士,故獨見卻之深耶?」若虛道:「弟輩鬚髯如戟,若與玉山相並,不無形穢, -恐洞中仙子,獨垂盼於錢郎耳。」子文道:「少年老成,莫如九畹,弟在十四五歲,即已情欲難遏。」 -希雲道:「錢兄家故多姬侍,安知無妖嬈兒,偷近郎側,想那花陰月底,牡丹芽已撥動久矣。」錢生舉 -杯道:「今後有不談席間事,而涉於他事者,罰以巨觥。」時已日暮,移席齋中,後猜枚擲色,酩酊而散。 - -  將已更餘矣,老夫人因冒風寒,早已睡熟。候生歸者,在外惟有老僕錢貞,書僮紫蕭,在內惟秋煙 -諸婢。錢生進入臥房,未及呼茶,秋煙即以橄欖湯雙手遞至。蓋群婢中,惟秋煙善察人意,姿態尤媚。 -若繡琴,則如牡丹初放,非不妖艷,而肉質頗肥。若桂子,宛如秋水泠泠,素梅迎雪,而清瘦可憐。至 -於紅葉,亦復身材嫋娜,秀髮修眉,所少者惟軀膚不白,其餘若櫻桃、彩霞則色之最下,不堪入目矣。 -是夜,生已半酣,因在席上,被崔李二君百般諧語,引得春心難遏。及歸臥室,值秋煙捧進茶來,見其 -雙臉膩霞,手腕如玉,轉覺欲火如焚,不能按納。乃令群婢皆寢,獨謂秋煙道:「我今夜醉甚,不能即 -睡,爾姑留此以伴我。」秋煙道:「往夜官人醉即熟寢,獨今夜不能即睡,何也?」錢生注目熟視,笑 -而答之道:「往時之醉,醉於酒。今夕之醉,醉於汝。」秋煙道:「語言顛倒,官人真醉矣。」錢生又 -問道:「春色惱人,欲眠不穩,信有之乎?」秋煙道:「在官人則有之,若奴婢無思無慮,惟恐玉漏相 -催,何不穩之有?」錢生道:「汝謂睡不能穩,亦有說乎?」秋煙道:「鴛鴦衾裏,尚少一粉掐就、玉 -琢成的小姐,免不得倒枕槌床,豈能眠穩?」錢生道:「今夜權以汝作小姐,何如?」秋煙低鬟微笑, -以手弄其裙帶。錢生即忙向前摟抱,秋煙半推半就,低低說道:「只恐柔枝不勝風雨。」錢生乃去其褻 -衣,撫摩之際,惟覺嫩蕊初枝,滑潤如綿,於是銀扣松開,奶胸全露,繡鞋高臥,纖指按腰,那管桃浪 -之翻殘,一任靈犀之歡合。兩意綢繆,不待言矣。 - -  錢生與秋煙之調戲也,群婢皆寢,獨繡琴假寐而不卸衣。蓋桂子、紅葉,俱年十五,情竇尚淺,惟 -繡琴最長,而芳心已盛。往常愛生俊雅風流,實有仰上之意。是夜見生獨留秋煙在房,不能無疑,乃悄 -悄潛立於紗窗之外,以覘其動靜。及其陽臺既赴也,遂於窗縫窺之。只見生之下體,潔白如雪,初合之 -時,若艱澀而不能即進者。但聞秋煙口中作呻吟之聲,徐徐問道:「縱容些?」錢生應道:「且耐片刻 -。」有頃,只見柳腰輕擺,玉筋頻抽,又聞生問秋煙道:「汝樂否?」秋煙搖首而不言。錢生道:「我 -但覺津津有味。」既而殘燈半明,不能備張,但聞帳鉤搖響,笑聲吟吟而已,斯時繡琴已是十分情動, -雖津唾屢咽,而裙褲之內,薔薇玉露,浸溢於旁。只得和衣而睡,亦不能窺其雲雨之畢矣。將至雞鳴, -秋煙與生重訂來夜之期,潛歸寢榻。 - -  至曉,錢生約那崔李共設席於陸宅,以答敬希雲,兼不負海棠之盛。方早膳畢,錢貞報說鄭相公來 -望,錢生急忙整衣出迎,敘話良久。鄭秀才道:「近日有一名妓來自維楊,年方二八,姿容技藝,件件 -皆精,所居就在胥門外,倘賢弟得暇,何不同去一訪。」錢生因為有酒,約以異日。鄭秀才又道:「凡 -人讀書,雖不可不用功,亦不宜拘拘然如道學腐儒,終日正襟危坐,當此暮春如煦,便是聖門的曾點, -也有『浴乎沂,風乎舞雩之興。況在我輩,或衍衍,或琳宮,不妨偷閑隨喜,惟在心有准繩,便不棄失 -正事。且以賢弟這樣敏慧絕倫,亦不必埋頭苦心。豈可以青年而便形如木偶。」錢生道:「先生所諭極 -是。」須臾換茶,鄭即起身別去。 - -  原來這鄭秀才,就是錢生的業師,諱叫文錦,字曰心如,雖有時名,為人奸詭異常,見利忘義,專 -要誘人鬥賭,卻在內中取利,乃儒而小人者也。錢生自鄭業師去後,因崔子文遣價頻催,亦即赴酌。是 -晚,句聯五字之奇,饌罄八珍之美,知己暢懷,亦不必細話。且說秋煙姐,往常不情不緒,或停針凝想, -或對月攢眉,雖是年及破瓜,亦為賦情特甚。自為錢生御後,不覺姿容愈媚,笑靨時開。惟有繡琴心懷 -不足,乘間詰之道:「往常妹妹眉頭鎖翠,愁思居多,今日為何說也有,笑也有?」秋煙道:「憂樂乃 -人之常情,彼此異時,姐姐何消詰問?」繡琴道:「我前日聞官人在書房中讀書,口中頻誦兩句,道是 -:『有女懷春,吉士誘之。』我不解書義,問於官人,官人便解說道:『有女者,是有個女子,懷春者, -是思想丈夫,吉士,是文雅的郎君,誘之,是哄誘女子做那件勾當。』我只道是官人戲言,由今看來, -信不差也。」秋煙道:「想是姐姐芳心已動,故曉得不差,若妹子年雖十七,並不知道懷什麼春。」繡 -琴道:「妹妹是個無思無慮、惟恐玉漏相催的,與我心動者原不相同。」秋煙知其諷刺有因,頓覺雙頰 -暈紅,面有慚色。繡琴道:「我和你自小進門,情厚如嫡親姊妹,誰料昨夜之事,便要瞞我。哪曉得其 -間詳細,我已悉知了。」秋煙道:「豈敢瞞著姐姐,這樣事我並無心,只為官人逼勒,沒奈何,逆來順 -受。」繡琴道:「妹妹是有福之人,所以主人見愛,但不知此事果有趣否?」秋煙低了頭,含笑不答。 -繡琴道:「只我兩人在此,又無別個,說亦何妨。」秋煙道:「起初時,內中疼痛緊澀,甚是難禁,以 -後便略略有些趣兒。」繡琴道:「這樣一個風風流流、脣紅面白的俊俏郎君,不知是那一個有福的小姐 -受享,卻被你先嘗了甜頭,只覺太便宜了些。」秋煙道:「既是姐姐十分羨愛,我今夜做個撮合山,也 -成就了你的好事,何如?」繡琴斜覷了秋煙一眼,嘻嘻的笑道:「我逗你耍,你便要拖人下水,只怕你 -也難難捨。」兩個調謔正濃,忽聞老夫人呼喚,遂各散去。 - -  且說當晚,錢生赴席,因有秋煙在心,便以魏夫人染恙為辭,黃昏時候,先別而歸。卻值老夫人病 -體稍痊,尚未安寢,只得進房問候。夫人道:「汝終日看花覓友,飲酒賦詩,卻不可荒廢了正業。」錢 -生道:「兒亦懶於應酬,奈何同社相邀,難以固卻。」夫人道:「既做了一個文士,那詩詞歌賦,原不 -可不曉,但聞先賢未第之時,未嘗不以舉業潛心,孜孜矻矻,俾夜作晝,直待成名之後,方可尋章覓句, -聊以養性陶情。今汝棄本務末,玩時貪心,措心於無用之地,不惟負爾母之訓,而何以慰先人於地下乎?」 -錢生道:「仰聆懿誨,敢不書紳,自今兒即杜門卻客矣。」言畢,急欲抽身辭出。老夫人偏又留住,將 -那家務細談,直到更闌,方得告歸寢室。 - -  連聲喚茶,秋煙心雖要往,惟恐繡琴嘲笑,反推櫻桃捧進。錢生道:「誰要你遞茶,老夫人正要安 -置,汝等自去侍候,只與我喚那秋煙來。」櫻桃便連聲叫喚,秋煙故意慢慢的不動身。繡琴戲道:「秋 -煙姐,不要誤了良時,正所謂佳刻已到也,雙雙請上床。」秋煙道:「姊豈無心,何獨見謔?」須臾又 -聞催喚,方走進房,只見生已盥手浴腳,便要秋煙上床同睡。秋煙推拒不肯。錢生乃雙手摟定道:「汝 -豈怪我耶?」秋煙道:「官人以千金之軀,即仕宦求婚,猶遴擇而不屑輕許,今乃愛一賤婢。奴所慮者, -惟恐屬垣有耳,使風聲漏洩於老夫人知道,那時秋煙亦甘心受責,其如有玷於官人。」錢生道:「我既 -作主,誰敢多言。即使老夫人他日知之,自有我在,決不致加罪於汝。當此千金一刻,你不要假惺惺, -把那良時虛過。」遂即滅銀燈,下繡幌,解帶卸衣,共枕而睡。當晚雲雨之情,雖鴛鴦之在蘭苕,翡翠 -之在雲路,不足以喻其歡娛也。錢生屢屢笑問何如?秋煙嬌聲婉轉,態有餘妍,仍恐有人竊聽,但點首 -而已。 -  且不說羅帳歡情,再表繡琴姐,無限春心,勉強展衾而臥,朦朧之間,忽遇生來,連呼道:「秋煙 -!秋煙!我特來尋你。」遂抱住求歡。繡琴亦將錯就錯,不與分辨。剛赴陽臺,又值老夫人走到,遽然 -而寤,乃是南柯一夢。惟見幾上殘燈半明半滅,窗上月光射進,照見床頭孤衾寂寂,不覺長吁了數聲。 -正是: -  冰簟斂床夢不成,碧天如水夜雲輕。 -  雁聲遠過瀟湘去,十二樓中月自明。 - -  自此錢生每與秋煙乘間邀歡,亦不必細述。只因魏夫人規責,果然繭足書窗,那有朋儕探望,亦託 -言他出。忽一日,陸希雲遣使致書,錢貞知是社友,特為遞進。生接書拆開,看云: -  昨日花間良晤,足快千古,惜乎文旆速返,使花神寂寂,未免笑錢郎情薄也。遊雲青樓麗人,弟雖 -偶逢半面,然非佳公子,不足以邀其傾城一笑。特於翌午!煮茗焚香,以迓從者,牽伊綺袖,請聞子夜 -新歌。醉子霞杯,求吐青蓮妙句,恐誤芳辰,八行相訂,屆期顒俟,莫滯高軒。 -  錢生看畢,知道書中之意,就是前日席上所談的妓女,但不知那鄭心如所說的,可是他否?即忙寫 -書回答:「料因知己相招,不能推卻。」要知生訪那妓女,果是如何?且待下回,便見分曉。 - -第三回 訪青樓誓締鴛鴦 - - -  詩曰: -  天津橋下陽春水,天津橋上繁華子。 -  馬聲回合青雲外,人影搖動綠波裏。 -  綠波清迥玉為砂,青雲離披錦作霞。 -  可憐楊柳傷心樹,可憐桃李斷腸花。 -  此日遨游邀美女,此時歌舞宿娼家。 -  娼家美女郁金香,飛去飛來公子觴。 -  的的朱簾白日映,娥娥玉顏紅粉妝。 -  花際徘徊雙蛺蝶,池邊顧步兩鴛鴦。 -  傾國傾城漢武帝,為雲為雨楚襄王。 -  古來容光人所羨,況復今日遙相見。 -  願作輕羅著細腰,願為明鏡分嬌面。 -  與君相向轉相親,與君雙栖共一身。 -  願作貞松千歲古,誰論芳槿一朝新。 -  百年同謝西山日,千秋萬古兆邙塵。 -   ───右《公子行》 - -  話說陸希雲置酒妓館,適邀同盟諸子,故特致柬訂期,錢生即寫回書,付與來人去訖。畢竟是少年 -心性,見說是個絕色佳人,便不覺手舞足蹈,巴不得即時會面。到了次日,清早起來,假託文會之期, -先向夫人道:「昨承陸希雲遣人相報,今日同社諸子,訂在虎丘會文,晚間公分備酒,即於山房借榻, -故特向母親說知。」魏夫人信以為然,略不阻卻。到得飯後,陸希雲又遣價立等。只見錢生換了一套新 -鮮衣服,頭戴唐巾,足穿朱履,飄飄然好一個少年英俊,不類何郎閑雅,勝如張緒風流。隨即叫了紫蕭 -跟去。正是: -  未為折桂客,先作探花郎。 -  卻說那妓女,原不是倚門獻笑、涂脂抹粉的一流,姓趙,名素馨,字曰友梅,鴇母叫做趙月兒,原 -是廣陵角妓,因犯了一件沒頭官事,所以攜家徙避蘇州。這趙友梅年方二八,巧慧絕倫,言不盡嫋娜娉 -婷,真乃是天姿國色。既嫻琴畫,又善詩詞,時人往往以薛濤相比。然在平康中較論,則友梅固是濤之 -流亞。若友梅心厭綺羅,性甘淡泊,譬如蓮花,雖出於淤泥而塵埃不染,則又非薛濤之所能及也。自到 -姑蘇未及二月,只見車馬紛繵,其門如市,然都是膏粱俗質,紈褲庸姿。每每嘆道:「向聞姑蘇名郡, -有多少纔人賢士,乃今所見,不及所聞,豈以妾之命薄,故不能一遇歟?何為有纔有貌、高情脫俗者竟 -寥寥也?」蓋其心惟欲覓一意中人,以終身相託。 - -  不料事有湊巧,恰值陸希雲作東以延社友,當日希雲先至其家,友梅道:「今日陸兄廣陳珍饈,所 -延的想必是知心契友,但不知佳客為誰?」希雲即以崔李二子對。友梅道:「僅此二客已乎?」希雲曰 -:「更有一佳士,乃我同窗盟友,纔如班、賈,貌似潘、韓,甚不欲令友梅得見,然業已邀之矣。俟其 -來,當令子魂醉耳。」友梅掩口而笑道:「是何等兒郎,即能令子魂醉那?第不知貴社中,有個錢十一 -郎否?」希雲道:「卿何此之問?」友梅道:「數日前,有錢君的業師鄭心如者,偶在席間道及當今時 -髦年少風流,惟有錢中丞之子。妾因而問其名字,並索其平日所作詩稿,蒙鄭君錄以見示。日來妾細味 -其詩,藻艷可擬梁隋,高曠不減李杜,觀其詩,足以相見其人,故爾問及。」希雲道:「我所云佳士者, -即十一郎也,不料卿亦如此羨想。然則今日之酒,竟為友梅而設。」友梅聞言,不覺嫣然一笑,喜形於 -面。遂重臨鸞鏡,梳刷雲鬟。上身換了一領藕色花藕紗衫,內襯著大紅繡襖,下著一條鴛繡羅裙,裙底 -下露出那窄窄的一雲兒紅繡鞋。真個是天生麗質、絕世蛾眉,又立時焚了一爐好香,將泉水烹茶以俟。 -未幾,只見紫蕭進來報說:「相公已到了。」希雲即與友梅下階迎接。進入客座,生向希雲謝道:「前 -饗貴廚,令人齒頰皆香。日昨復承華翰相招,感渥至矣,愧無一臠為荅。」希雲笑道:「今日一觴,聊 -當胡麻飯,引入劉郎,以會仙子。」便指錢生,向著友梅道:「此即卿所想念錢十一郎也。前日因詩而 -想人,今日見其人,又當想其詩矣。」友梅秋波一轉,以袖掩口而笑。錢生道:「初次幸逢,尚未曾詢 -及芳卿姓字,又何從得見鄙人拙句?」友梅微啟朱脣,低低答道:「乃尊師鄭心如錄以見示。」言畢, -即以陽羨茶,斟滿一盞,雙手奉與錢生,而雙目注視面上。錢生反覺羞恧,不能正看,惟時時偷眼而覷。 -兩人在座,恍若玉樹瓊枝,光彩相映。少頃,延入側邊一室,只見明窗淨幾,瀟灑絕塵,中間掛唐六如 -美人圖一幅,幾上放金錢草一盆,博山內焚沉水之香,畫屏前置菱花之鏡,錦瑟在床,玉蕭掛壁,以至 -文房器具,靡不珍美。看玩未周,友梅即以素縑索詩,錢生不加思索,援筆即書。詩曰: -  鴛繡綃裙八幅裁,香風飄起盡簾開。 -  趙家真個逢飛燕,疑是昭陽殿裏來。 -  友梅道:「君詩纔敏捷如此,真名下無虛士也。只是蒲柳陋姿,忒覺揄揚太盛。」希雲亦贊賞不已。 -錢生乃與友梅手談,局完,友梅輸了二子。直至日中,崔子文、李若虛方到,希雲先出迎迓。子文道: -「九畹兄曾來否?」希雲未及答,錢生自側邊趨出道:「恭候久矣!」友梅亦即出來。相見畢,希雲道: -「二君為何來遲?」若虛道:「偶與子文有一賤事,因此仁兄雅命難方,兼以趙卿芳姿未睹,是以撥冗 -而來。」子文道:「自與九畹花間一晤,悠焉半月,心之耿耿,一日三秋。」若虛道:「兩次造謁,閽 -者皆以他往為辭。弟因書鳳於門,子亦見否?」錢生亦戲道:「若佳客至,弟即倒屣,如李若虛,正當 -閉門不納耳。」子文熟視友梅道:「久仰芳容,果然名不虛傳。」友梅道:「到蘇雖久,不意吳中之美 -獨有崔君。」 - -  正閑敘間,侍兒芳英以松蘿茶捧至。錢生正值口渴,一吸而干,友梅即以手中茶分半盞與生。若虛 -笑道:「古詩有云:『玉樓曾記聞香處,分得佳人半盞茶。』今目睹之矣。」友梅道:「文因病渴,玉 -川七碗,水厄之多,文士皆然。」言未既,一人掀簾鼓掌而入,視之,乃清士中善吹蕭的賈文華也。希 -雲道:「老賈一來,不患寂寞矣。」文華坐未定,即談笑風生,引得滿座捧腹。時已過午,餚果俱齊, -於是幾筵肆設,行令擲色,酒政肅然。已而令至賈文華,文華道:「今日相知在座,勝友如雲,何敢以 -俗令相混,貽諸君之一笑哉?僕吹蕭人也,只索趙娘唱一套新時妙曲,請以薄技相助。」希雲道:「文 -華之言雖善,然必須行過一令,方敢請教妙音。」此日友梅因九畹在席,加以崔李數子,俱是風流人物, -遂不推辭,唱出時曲《春閨怨》一套。賈文華便嗚嗚的吹蕭相和。那友梅唱道: -  〔步步嬌〕門掩梨花,燕子重來了,鸞鏡空留匣,春山久不描。羅袂生寒,曉風清峭,怨別已魂銷。 -恨啼鶯,偏向紗窗鬧。 -  〔五供卷〕鱗稀雁少,欲寄回文,水遠山遙。淒爾琴瑟韻,拆散風鸞交。想你凌雲雖賦,怎便得錦 -衣榮耀。只恐怕憔悴潘安鬢,空題司馬橋。潦倒風塵,悶縈懷抱。 -  〔江兒水〕你那裏得失渾難測,我這裏深閨閉寂寥。全不記別時頻囑歸須早,到如今幾載無消耗。 -鳳城何處長安道,遍把欄杆倚靠。目斷天涯,只見萋萋芳草。 -  〔川撥棹〕從春到,萬千愁,只自曉。最難禁永晝消宵,最牽懷柳嫩花嬌。撇瑤琴,爐香懶燒。只 -落得濕羅衫珠淚拋,濕羅衫珠淚拋。 -  〔錦衣香〕靜幽幽簾攏悄,急剪剪風纏繞。這幾時裙帶頻松,只為腰圍瘦小。玉容拚得為君憔,還 -愁薄倖別戀紅綃。向歌樓舞館,只把那金釵買歡笑。因此怎歸期,野花雖好,也須念操持井臼,怎便把 -糟糠撇掉。 -  〔漿水令〕一聲聲花邊啼鳥,一絲絲煙拖柳梢。雙雙蛺蝶自相邀,可憐春色,虛度昏朝。空悒快, -歸信杳,那知辜負人年少。白頭詠,白頭詠,朱弦斷了。悔當日,悔當日,不阻征軺。 -  〔尾聲〕紅顏薄命,休把春風惱。要相會,除非夢裏招,直待歸鞍怨始消。 - -  友梅唱得詞句既清,音律又正,每一字幾盡一刻,其聲之杳渺淒婉,真能繞梁而遏行雲。及唱畢, -聲音嫋嫋,猶不絕如縷,合座聞之,無不莞然頤解,而贊其妙。若虛道:「曲亦備盡閨中怨念之懷,即 -唐詩所謂『忽見陌頭楊柳色,悔教夫婿覓封侯』之意。」子文道:「填詞雅麗,非俗筆所能,殆納山、 -怕虎之流歟?」友梅道:「非也,此乃金陵范公闇然所作。」錢生道:「范公乃敝年伯,今方蒞任開封, -雖嫻於詞曲,芳卿何自而得之?」友梅道:「范公與斐司馬有隙,被司馬劾以政苛於虎,不協輿情,去 -秋即已解綬而歸。嘗過維揚,授妾以新曲十套,此乃十套之一也。」 - -  錢生憮然道:「范公為人正直清廉,到官只此琴鶴相隨,頗有政績,奈何中以苛猛,公論竟安在哉 -?」子文道:「闇老猶可,若近日,周老師蓼洲被逮,更覺駭聞。」希雲見二子談起朝政,遂以巨觴罰 -酒。錢生舉杯飲盡道:「仁兄見罰,敬如命矣。但聞友梅頗多佳制,願再飲一卮,以乞妙音。」賈文華 -道:「錢相公之言,最為有理,趙娘幸弗以珠玉而有吝色。」友梅道:「妾於早春偶制得《黃鶯兒》一 -闋,倘不見哂,願歌以佐觴。眾道:「洗耳!」友梅乃唱道: -   〔黃鶯兒〕草未入簾青,嫁東風碧草新,一分春色三分恨。羅衣淚湮,蛾眉翠、顰幽心,只許梅 -花問,欲銷魂。蕭蕭疏竹,窗外已黃昏。 - -  友梅唱畢,一座莫不稱佳。錢生道:「詞意蘊藉,字字清新,真所謂咳唾隨風,無非珠玉。」時近 -黃昏,崔、李為著路遠,起身先別。希雲挽留不住,送至門首。崔子文附耳而謂希雲道:「九畹兄年少 -風流,此煙花地,勿宜留之久坐,以或其情,倘暮夜不能入城,兄當留歸一宿。」希雲道:「遵教極是。」 -遂一拱而別。錢生與友梅雖亦送出,然因並肩私語,及門而止。賈文華是個伶俐的人,即遠遠立在一邊, -但聞友梅道:「今夕之會,信非偶然。雖曰牆花,願言栖鳳。」錢生點頭惟惟,及見希雲進來,遂各就 -坐。此時賓主只剩四人,無非談鋒相接,酒兵對壘。 - -  飲至更餘,希雲已是醺醺沉醉,甚欲與生同歸。然看錢生意不在酒,而有戀戀之色,但誦詩云:「今 -夕何夕,見此粲者。」又見友梅屢屢以目送生,眷顧甚濃,亦哦詩以答生道:「青青子衿,悠悠我心。」 -賈文華已會二人之意,乃謂希雲道:「今夕才子佳人,恰當為匹,想陸相公必然回宅,小子亦即告辭, -容俟明晨,再當會面。」希雲不得已,遂與文華向生作別。 - -  錢生欣然獨留,即令撤席,又命紫蕭寢於外室,攜了友梅的手,同入臥房。但聞蘭麝之香,襲於衣 -襟,至其床慢衾裯,俱是錦緞。生乃除去巾幘,卸下外衣,抱友梅置於膝上、越看其容,越覺美艷。撫 -其胸腹,柔滑如脂,肌膚潔白,瑩然如玉,不覺神情搖搖,恍若游瓊臺而睹仙子。於是解含羞之扣,吹 -帶笑之燈,以至雲鬢橫飛,星眸慵展,款款接脣,而玉婉輕挽﹔匆匆失笑,而香汗如珠,兩情浹合,非 -寸穎所能摹寫也。既而夜分,錢生摟著友梅,問道:「觀子語言態度,頗有良家風範,胡為失身平康? -抑趙媼親生者耶?」友梅泣道:「奴本良家子,姓宋,名喚雲兒,父為仇家所陷,斃於獄中,母氏驚憂, -亦相繼而殞。妾時始年十歲,被惡叔騙賣,以致墮落火坑,含污忍垢,迄今六載矣。妾每蓄從良之念, -奈未獲其人,即使裙布荊釵,心之所願。若夫迎新送故,以歌舞取憐,則雖衣羅紈、味珍羞,非妾之素 -懷也。」言訖,淚如雨下,繡衾盡濕。錢生再三撫慰。友梅道:「妾觀郎君,不特豐容秀韶,抑且纔情 -兼備,真妾向來所夢寐者。非不諒煙花賤質,不足以配君子,然願得為小星,承侍巾櫛。朝來一見,便 -懷此意,因陸君等在座,未敢唐突。頃蒙問及,輒敢剖臆披衷。又未卜郎君雅旨以為何如?」錢生道: -「辱卿厚愛,豈不知感,即以子為正室,予所願也。其如卿是籠中之翼,我則堂有慈親,恐事多間阻, -則如之何?」友梅道:「此亦不足為慮,惟在君子一言許可,使妾無主風花,忽因春而有主,則雖仍鎖 -籠中,而此心有屬,便不如飄飄柳絮,浪逐東西耳。郎君奉命萱堂,而依依膝下,再謀婉轉其垂慈,妾 -雖耳康被陷,而世不乏昆侖,不妨留心細訪,豈在一時?」錢生道:「卿既欲作遠圖,予當熟思長策, -若卿願嫁,我願娶,諒有同心不待言矣。」友梅聽了大喜道:「蒙君訂盟,則妾此身已為君之身。若遭 -坎坷,不得相從,情甘一死以報君,決不改移。」二人說得情親,百般偎倚。這一夜真是歡娛恨短,說 -不盡枕上深衷。正是: -  只睹蛾眉已可憐,又加情態苦纏綿。 -  縱教鐵石難張主,何況郎君正少年。 - -  錢生與友梅溫存了一夜,到次日起來,猶依依不舍。錢生恐母親查訪,只得硬著心腸別了回家。纔 -到家,李若虛恐他留連妓館,就來訪問。錢生接著,遂將友梅待他情意甚厚,並說再三立誓要嫁他一事, -因求計於若虛。若虛艴然道:「兄乃閥閱門楣,豈患無名族閨秀?況春秋正富,急須努力芸窗,以取青 -雲事業,何得留意狎邪,而墮其邁往之志哉?且吾聞剪髮誓盟,乃娼家哄人之局套,子亦何愚,而墮其 -術中耶?時在盟契,輒敢諤諤正言,吾見其熟思之。」錢生默然不應,李若虛亦即起身別去。 -  正在悶悶不悅,忽見錢貞傳進一緘,接來視之,乃友梅所寄之書也,因即悄悄拆觀,其書曰: -  妾薄命,早失怙恃,以致變生骨肉,誤陷風塵。蓮性徒芳,素絲已染。雖紫塞之泣胡笳,猶不足以 -喻其玷辱。是以進前勸酒,何夕非悲。月下徵歌,有聲皆恨。哀箜篌春夜,掩紈扇於秋風。於茲六載矣。 -所悵者,無價之寶易來,而有心之郎難獲。歲月空淹,鉛華欲退。雖質等山雞,曷敢栖栖以覓鳳?然身 -非柳絮,烏能汛汛以隨風? - -  日者仙馭惠臨,洵乃天作之合,願倖陪歡於杯酒,夢枕於陽臺。後承佳公子錫之盟言,訂以姻好, -使章臺之柳,足保長條﹔而合浦之珠,不愁群採。妄之鄙願,足矣,畢矣! -  但楚煙猶虛,洛川仍迥。我心匪石,決不琵琶之別抱。話言在耳,尚祈皦日之無違。惟是數日以來, -便覺相思填臆,心搖而若失,意怏怏以如痴,願安得即睹耿光,以慰其離緒乎?數行如晤,聊奏微忱, -一絕附呈,統希清照: -  無限傷心豈為春,玉容消瘦只因君。 -  才郎不信相思苦,請驗裙腰透幾分。 - -  錢生覽畢,即喚來人,密語之道:「本欲即寫回書,因為心緒不寧,且待明日,自令小價持奉,煩 -為我轉致趙娘,不必憂慮,只在早晚,當圖面會。外酒銀三錢,聊代一飯。」來人不勝歡喜,再三致謝 -而去。錢生再將來書,仔細看玩。只見紫蕭進來報說:「鄭相公在外。」急忙趨迎,鄭心如已踱到廳上 -,遂請入書房坐定。那鄭心如滿面堆笑,即問道:「賢弟近來功課如何?今日可能少暇否?」錢生不待 -話完,即將到趙友梅家飲酒停宿,細細的述了一番。又將寄來的書,雙手遞與心如。心如接來,從頭至 -尾,朗誦了一遍,便滿口贊賞道:「妙甚!妙甚!我前日原對賢弟說,此女纔色雙全,今看了這一封書, -他的才情,也不在蘇小、關盼之下。自古道『千金買一笑』,又道是『不惜傾人城,佳人難再得』。今 -賢弟所不足者,非財也,何不再去盤桓幾時,然後慢慢的見機而動,謀為側室?」錢生道:「不肖正有 -此意,惟恐老母罪責,是以躊躕未決。」心如道:「賢弟枉叫聰明,這樣小事,便不能籌畫。若以鄙意 -揆之,易如反掌。」錢生欣然問道:「先生計將安出?」鄭心如便如此如此,說出幾句話來。有分教, -歡喜場中,幾惹出滅身之禍。要知其詳,且待下回分解。 - -第四回 陷羅網同窗急難 - - -  詩曰: -  世風雖日下,友道未全非。 -  會社須同志,談文自合機。 -  性情蘭共馥,肝膽雪交飛。 -  試看扶危處,誰言管鮑稀。 - -  卻說錢生心戀友梅,問計於鄭心如。心如道:「子所慮者,惟在老夫人拘管太嚴。然而內外各別, -易為掩蔽。只說以虎丘肄業為名,請於尊堂,倘或不允,子又說之道:『在家讀書,不如到虎丘去,其 -便有三:在家不無閑事纏擾,到彼山房閑寂,則性靜心專,其便一﹔在家賓客往來,難以峻拒,到彼則 -離城路遠,不致俗家相擾,其便二﹔在家孤陋寡聞,學問安有進益?若到彼則與同社商論經史,彼此磨 -礪,其便三。』如此委曲細陳,則尊堂必然首肯,然後覓一心腹之僕,叫他隨去。」鄭心如說到此處, -便呵呵大笑道:「那時節悉憑賢弟眠花臥柳,累月經時,又何患老夫人之罪責哉?」錢生道:「先生之 -言良是,但恐社友來訪,說出不在虎丘,又怎麼處?」心如道:「此亦甚易,君家管門錢老,做人小心 -可託。賢弟只須以心曲告之,令他善言回復,便不致漏洩了。」錢生聽說,不覺滿心歡喜,遂留了酒飯, -心如自作別而去。 - -  到了明日,悄然備下花紗二匹,玉簪一枝,金扇二把,並取金箋一方,寫書以答友梅。書道: -    記得前夜與卿相會,恍若臨月窟而覯嫦娥,笑語生芬,鬢鬟流艷,使人塵心頓祛,而不覺沾沾 -色喜。想卿乃是閬苑仙姝,自合仙郎作匹,何獨眷眷於儂,即以終身許委。卿真有情哉。惜乎!鄙人未 -獲金屋貯卿耳!歸來蘭麝之香,猶滿於衣袂。念及燈下嬌波,帳中巧笑,每夜夢魂栩栩,又未嘗不繞卿 -床褥也。日昨捧接瑤箋,兼獲佳什,真字挾飛霞,句含芳芷,展玩未終,鵲腦愈深矣。想在望前,即圖 -面晤,以罄種種。惟卿加餐自愛,弗致花容憔悴為悻爾。外具色綃二端,玉簪一枝,畫扇二柄,物雖輕 -渺,而意實殷殷,惟卿一笑而留。佩愛不淺。並踵韻奉答,以伸鄙私: -    見說傷心不為春,因儂憔悴更憐君。 -    孰知寂寞書窗下,我已相思有十分。 - -  錢生寫訖,即時緘封,暗著紫蕭送去。隨即向魏夫人說知,要到虎丘讀書,委曲備言社友相拉的緣 -故,魏夫人果然依允。只有秋煙姐聞知,心中怏怏,又不敢阻卻。錢生又對管門的錢貞說明心事,囑他 -善於回覆,並要瞞著夫人。那錢貞只要奉承主人歡喜,又有何不肯。過了兩日,錢生便令紫蕭收拾書箱 -行李,並喚錢貞之子錢吉跟隨,又令紫蕭約會了鄭業師。話休繁絮。 -  且說那鄭心如曉得事已妥當,一日走到趙家,向趙月兒備說錢公子家私巨萬,況年少不諳世事,可 -以哄騙,「汝等只管設計需索,我在中間吹噓,倘哄得銀兩,十分之中,我要三分。」趙月兒聽說,不 -勝歡喜,連聲應諾。這正是小人局套,不必細談。且說趙友梅自接了錢生的回書便懸懸相望。一日曉妝 -初畢,只聽得窗外鵲聲喳噪,友梅暗暗祝道:「喜鵲喜鵲,倘我與錢郎果有姻緣之分,你便連叫三聲。」 -那鵲兒果然不多不少,叫了三聲,即便飛去。友梅心中,十分欣悅,正要換一件玄色羅衫,忽聞侍兒報 -說:「錢相公來了!」友梅慌忙出迎。相見方畢,恰值鄭心如亦到,心如料想,二人要說句衷腸話,便 -捧了一杯茶,自到庭中,看玩金魚。生與友梅,果然卿卿噥噥,把那衷曲細談。時已午後,趙鴇速忙整 -治酒餚款待。鄭心如西向而坐,生與友梅,並肩東向而坐。趙月兒打橫相陪。四人笑語諧謔,直飲至更 -闌,方纔席散。是夜旬有三日也,月色溶溶,幽輝半床,二人解衣就榻,行雲雨之情,更深於曩夕。一 -則得諧前約,不覺芳興之甚濃﹔一則倖續新歡,自然眷懷之愈熾。譬如鸞鳳之倒顛,雎鳩之戲狎,鬢雲 -膩枕,香汗沁衾,纏綿徹夜,喜可知也。 - -  既而天曉,起來櫛沐。友梅先為錢生挽髮,整好巾幘,然後解開雲窩,照鏡梳椋。錢生親為刷鬢, -又以黛螺畫了那纖纖的翠眉。梳妝已畢,遂並著香肩,坐於碧紗窗下。忽見薔薇架上,飛來兩個鵲兒, -連聲噪響,錢生戲以青梅拋去。友梅急止之道:「此靈鵲也。」即以昨日暗卜之事相告。錢生道:「靈 -鵲雖能報喜,然今日得與卿卿相會者,乃鄭先生之力也。」友梅道:「君以尊師為何如人?」錢生道: -「篤實君子也。」友梅搖首道:「不謂君相與甚久,尚未知其品行,以為小人則然。以為君子,則妾未 -之信也。」生愕然驚問其故。友梅乃以鄭心如向鴇母所云,為生述之。錢生性極躁直,一聞其言,便即 -怏怏在心。 - -  自此,鄭心如來,相待之禮比前疏簡。每有事用,友梅開口,無不依允﹔若心如在旁贊勸,便堅執 -不從。然心如亦未知生之罪己也。 - -  過了數日,錢生買得花羅數端,心如極口贊妙,意欲秋風一匹,而錢生佯為不知。又一日,要買龍 -泉餅,連呼錢吉,而錢吉他往,心如道:「何不便差紫蕭?」生道:「他年少不諳世事,只恐被人哄騙。」 -心如默然久之,自思此言,必有來歷,然別無他人,意必友梅所譖,心中憤憤,便欲尋計中傷。自後留 -在心上,冷眼看生待他何如,但覺語言動靜,種種俱有嫉憎之意,遂勃然大怒道:「畜生無禮,我必有 -以報之!」 - -  不料錢生合當有事,那一日忽值裴公子來訪友梅,正是: -    情疏能取怨,樂極卻生悲。 -  那裴公子是誰?是現任兵部尚書裴汝恆之子裴玄,其年天啟丙寅,正值東廠太監魏忠賢盜弄國柄, -當時朝紳黨附為奸者亦難枚舉。內中單表兩上,一個是金陵人氏姓王,號叫梅川,與錢中丞鄉會俱是同 -年,現任太常寺少卿,因丁母憂未曾起服﹔一個蘇州人氏,就是大司馬裴妝恆。 - -  單說汝恆之子裴玄,目不辨丁,因試官受囑,已曾領過鄉荐,當時蘇州撫臺姓狄,諱叫霍雛,亦是 -忠賢門下,與裴司馬相厚,故裴公子特到姑蘇,要打抽豐。在此盤桓日久,聞得趙素馨纔貌雙全,乃青 -樓中第一個人物,因此特來相訪。恰值友梅立誓要嫁錢生,意在情濃之際,怎肯出來接見。趙鴇月兒亦 -因錢生揮金如土,也不願那友梅出見裴公子,便再三辭卻:小女臥病在床,不能起身,倘大爺來即返駕, -容俟病痊,即當迎請。」 - -  那裴公信以為然,只得有興而來,沒興而返。卻歡喜了鄭心如,正中機懷。訪知裴公子寓所在城隍 -廟東房,即時別生回去,寫了一個晚生名柬,直到裴寓晉謁。那裴玄因為自己學問空疏,專喜與名士往 -還,故心如投刺,彼即欣然接見。敘話中間,心如以言挑之道:「近日敝郡遷來一個維揚名妓,喚做趙 -友梅,乃是天下絕色,未審尊邸無聊亦當物色否?」裴玄道:「學生亦慕其名,適纔相訪,卻值趙姬抱 -恙在床,竟不及一面,可謂無緣之極。」心如只是微笑,裴玄道:「足下笑而不言,卻是何意?」心如 -惟惟,欲言而止者三。玄詰問不已,乃答道:「彼言有病者,謬也。只因敝郡有個錢生九畹,與友梅綢 -繆相愛,故不以臺從為意,而推誑辭以病耳。」裴玄道:「只恐所聞未確。」心如道:「頃因過訪,親 -見友梅博弈於後軒,豈敢道聽途說?只為錢某即是晚生愚徒,所以承問,而不敢即對。」裴玄大怒道: -「那賊娼妓不知有幾顆頭顱,敢於哄俺!只是錢某也有耳目,豈不知蘇州有一裴生耶?乃敢妄自佔據, -而欺蔑如此。俺決不能默默無言!」心如道:「偶爾談及,不意有觸尊怒,反是晚生得罪了。」言罷, -即告別而去。 - -  卻說裴玄到了次早,寫一個待生貼子,答拜心如,遂出胥門,往趙友梅家來,怒悻悻走進客座。那 -些豪奴悍僕不住的大呼小叫,嚇得趙鴇戰戰兢兢不敢出頭。明知有人挑唆是非,只得央生從後門而出, -反向前門進去。那裴公子怒氣未絕,忽見錢生緩緩的踱進來,儀容秀雅,衣冠濟楚,也便霽容相見,揖 -遜而座。錢生假意問了姓名、鄉貫,裴玄亦即詢問家世。錢生道:「晚生姓錢,賤字九畹,先考錢某, -與金陵王梅川老叔,鄉會俱是同年。」裴玄連忙打拱道:「原來令先尊即是錢老先生,與王梅老既係年 -家,便與舍下也是通家了。乃未及一通名字,罪極,罪極!」錢生道:「晚弟忝在東道主,尚未及烹伏 -洗罍,以享從者,罪亦不淺。但此間乃樂地也,想兄翁此來,欲從桃花扇底,以聽宛轉之歌耳。乃觀尊 -容,反若慍怒,何也?」裴玄道:「叵耐趙鴇,以病誑辭不肯接見,因此小弟十分著惱。」錢生道:「 -聞說趙姬有恙,故今日某亦便路相問,料想妓家所慕,惟在金帛,雖庸俗之士,猶不敢抗違,何況貴介 -如翁兄,彼惟恐邀之而不來,詎有來而辭相拒之理?此必有人不悅趙姬,故成是貝錦耳,望乞兄翁息怒。」 -裴玄笑道:「有人還說是吾兄鐘愛,所以避客。」錢生喟然道:「人之訛言,洵可畏也,不惟誣趙,而 -又無端媒孽及某,殊不知牆花路草,豈區區所能專主?自非兄翁明鑒,使晚弟幾亦開罪於門下矣。」那 -裴玄畢竟是北人性直,見生剖辨有理,便覺十分之怒,已去九分,然而欲見之意,必不能卻。於是友梅 -做裝病態,雲鬢不整,毀容易服而出,然其妖冶之姿,終不能掩。裴玄亦不住點頭稱美,喚過從者,取 -銀五兩,付與月兒備酒。錢生固推不肯道:「今日自然是晚弟治酌,少盡地主之情。」 - -  有頃,酒餚畢備,方欲送席,只見鄭心如亦至。那心如此來,卻是為何?他只道裴公子有些舉動, -好在內中取事,不料二人友歡若舊交,呆了一會,只得勉強與酌。是日席上,惟裴玄與生舉觴連飲,談 -笑自如,鄭心如酒量雖寬,反覺蹴躇不安,面有慚色。友梅則佯推腹痛,雙眉皺綠,不發一言。酒行數 -巡,錢生道:「今日幸遇兄翁,不意友梅抱恙,致令賓主鬱鬱,無以盡歡。鄙意欲乞尼翁作詩一首,以 -紀念今日之會,家師與晚弟少不得搜索枯腸,以博大方一笑。」那裴玄雖然是個舉子,原來腹內空虛, -並無半點文墨,見說做詩,口中雖勉強應道「是是」,不覺耳根漲紅,心下十分著急,乃斜靠椅上,低 -頭不語。錢生雖是思索詩句,忙喚紫蕭捧過文房四寶,裴玄提筆在手,移之不能下。只見面如土色,搖 -頭閉目,口內不絕吟哦之聲。心如也不思索,但含笑而已。生不能待,先援筆一揮而就。詩曰: -    翠簾窗紗竹蔭垂,流風入座展幽思。 -    蘭亭可惜徒清詠,金谷何須羨異姿。 -    燕子在樓名豈盼,捧心有恨姓疑施。 -    最憐彩袖香初細,欲把霞杯勸酒遲。 - -  錢生吟畢,先送與裴玄請教。裴玄道:「錢兄自是目牛游刃,弟輩小纔,何敢望旆。」乃援筆寫了 -數字,須臾又涂抹了,復寫,寫完又復涂抹,足有兩個時辰,方成四句。笑謂生道:「小弟平時做詩, -也是敏捷的,不意今日多飲了幾杯,詩興便干枯了。雖不辱命,只得半篇,聊以博笑而已。」乃先送與 -心如看過,然後遞生,生接來視之。詩曰: -    東風蕩蕩吹柳枝,詩不成來仔細思。 -    座上如花一塊玉,酒中不語幾番痴。 - -  錢生朗誦一遍,假意贊道:「絕妙好詩!不減盛唐絕句,真所謂好物不須多也。」此時友梅亦忍笑 -不住,只得以袖掩口,假作腹痛之狀。錢生又問心如道:「先生何為輟筆?」心如道:「共探驪龍,吾 -子先得其珠,可謂出於藍而深於藍矣,使我何能措詠?」原來鄭心如不是不能成章,因見裴玄是個曳生 -之士,惟恐詩成使他抱愧,所以假託不能。明明是奉承他的意思,正是極奸極巧之處。 -  閑話休談。且說當晚裴公子甚欲停宿,因見友梅滴酒不飲,還認是真疾,到了黃昏時分即起身回寓。 -友梅見他去了,方纔放心,略飲數杯,與生安寢。一夜無話。只有鄭心如回到家中怏怏不快,躊躕了半 -夜,心生一計。到次日清晨,又詣裴寓求見。裴玄道:「鄭心老請晨應臨,必有所諭。」心如道:「愚 -有一言,願得效忠於左右。惟恐執事訝其交淺言深,那不知者,又道是背後讒譖,是以口將言而囁嚅。 -然未知臺意亦欲相聞否?」裴玄急忙問道:「足下所言何謂也?」心如道:「便是那錢蘭的小畜生,雖 -係愚徒,其實傲氣可恨。日昨席上強逼要人做詩,無非賣弄自己學問,卻又洋洋得意,毫無師長在目。 -至於友梅,何嘗有疾,偏令其假扮病容以欺侮從事,使人心中實覺憤憤。」玄恍然而悟道:「君言是也, -我一時昏昧,被其所賣。」心如道:「此猶事小,他曾拜從在周蓼洲門下,原是東林一黨。前蓼洲被逮 -進京,他買舟送至無錫,作詩相贈,有『欲請上方劍,斬取佞臣頭』之句。」裴玄聽到此處,不待話完, -即勃然大怒道:「那畜生如此放肆,若不殺之,何以雪我之恨?」心如道:「耳目甚近,願輕言些。」 -裴玄道:「我豈懼一孺子者哉!」乃與門客谷期生商議,期生道:「要處置他,亦有何難,只消把周順 -昌招攀為由,如此如此,他便不能夠話了。」玄大喜道:「此計甚妙。」遂寫一書,送與宗師,又進見 -狄撫臺,說是順昌口供,乞詳究其事。撫臺即時批下牌來:「仰蘇州府,速拘欽犯錢蘭,審明解報。」 - -  一日清晨,錢生方在梳洗,忽見府差四個,硃筆拘提,嚇得生與友梅面面相覷,好似半青天打了一 -個霹靂。正是: -    長雖縲紲非其□,伯寮之愬如奈何。 -  卻說李若虛自別生後,終日在館讀書,忽一日有事經過胥門,即往錢宅相探。錢貞回說「家相公到 -雲間訪友去了。」若虛半疑半信,怏怏而回。過了旬餘,又值便中詣問,錢貞回說如初,若虛心下狐疑, -自想道:「我前日雖是語言太直,拂了他的意思,然亦是忠告善意,豈九畹以此憾我,故令閽者誑辭耶?」 -正在自言自語,只見崔子文疾趨而來,若虛迎住道:「崔兄何往?」了文喘息定了,方纔答說:「要去 -會九畹兄。」若虛道:「有何事情,吾兄這等急促?」子文道:「兄還未知,錢九畹已被宗師發下憲牌, -仰學除名,頓承李正齋老師相喚,故小弟得知其詳,未審吾兄曾晤九畹否?」若虛大驚道:「小弟兩次 -過訪,那管門的老錢俱以松江探友為辭,今忽有此奇禍,弟與兄再去問個明白,即不然請見錢老夫人, -報知此信。」子文道:「甚善!甚善!」 - -  二人即詣錢宅,尋見老錢,老錢照前回答,子文正色道:「我二人此來非為別事,因你家相公,被 -宗師發牌仰學,已把前程革去,竟不知犯著何罪?為此特來相探,既不在家,煩汝通報老夫人,說我二 -人有事求見。」錢貞聽說,驚呆了半晌,只得吐出真情。若虛道:「既如此,我們且先會了九畹,便知 -分曉。」即離了錢宅,取路向趙友梅家來,未及里許,遇見紫蕭,忙問道:「相公何在?」紫蕭道:「 -家相公在趙友梅家,今早忽被府差拘去。到得府前,又值太爺退堂,不問情由,竟把家主下了司獄了。 -故家主特遣小人報知各位相公。」二人聽罷,驚得面色如土,竟不知所以得禍之由,遂同至李若虛家下。 -又細問紫蕭,初至趙家,何人陪去,以後又與何人往來。紫蕭便以前後事情,細訴一遍。 - -  子文沉思半晌方悟道:「是了,是了!那鄭心如原是衣冠禽獸,此必求謀不遂,即挑弄是非,而鼠 -牙挑訟,則發難於裴玄耳。」又問相公進獄,曾有使用否。紫蕭道:「家主帶去資用已匱,幸得趙娘把 -私蓄五六十金,凡衙門上下獄官禁卒,俱已納賄。頃小人來時,趙娘親到獄中探望。」若虛歡道:「妙 -女有情,亦不易得。」又謂紫蕭道:「汝未可回去報知老夫人,俟我等會了陸相公,另有區畫。爾且再 -去獄前,會著錢吉,察探消息何如,即來回復。」紫蕭應諾而去,二子正在商議間,陸希雲已到,畢竟 -陸生來有何議論?果能救得錢生否,姑俟下回解說。 - -第五回 蠢頭顱在尋風月 - - -  詩曰: -  相見無日期,相思幾時歇? -  羅帳不同歡,紗窗空待月。 -  過船決不抱琵琶,誰言婦性如楊花。 -  君不見,趙娘一諾重丘山,至今貞操令人誇。 - -  話說陸希雲一到,崔、李即問道:「兄亦知九畹被陷之事麼?」希雲道:「頃聞自紫蕭,弟即往府 -前偵察,原來是裴蘇州為著友梅之故,恨及九畹,故提出蓼老口供,面見撫臺,撫臺即著太尊究問。第 -恐中禍已深,卒難排解,二君何以策之?」 - -  子文攘臂而起道:「既在同盟。便宜赴湯蹈火,以急其難,若逡巡畏縮,首鼠兩端,非丈夫也。」 -若虛道:「弟聞中丞公與白下王梅川是同年同門,今梅川亦在魏家門下,與老裴至厚,意欲煩希雲到彼 -一往,倘求得王太常一書,則事當冰解。」希雲即起身作別道:「小弟今晚便行,只是在城事體,兩兄 -須要主意。」若虛道:「兄自做兄的事,弟輩自做弟輩的事。」希雲既去,子文道:「弟亦別兄返舍, -即遣小價報知合社朋友,兄於今晚亦須寫好公呈二紙,明日辰時,俱在府前相會,一齊進去求懇府尊。」 -若虛道:「既如此,弟當約了舍侄輩。明晨准在府前候兄。」 - -  原來錢九畹時望甚偉,兼以李、崔首倡,不論府學縣學,相知不相知,到了次早,在城秀才,無不 -畢集,約有二百餘人,乃進見陳太尊。太尊推託上臺批發,本府不充專主。眾人又一齊去求稟狄撫臺。 -撫臺看了公呈,不肯批准,子文挺身向前道:「生員錢蘭,力學好古,士行無玷,今乃以莫須有之事, -而羅織以不可測之罪,致使眾論噓噓,莫不切齒不平,伏乞祖臺為朝廷惜士,超豁無辜,恩均覆載。」 -撫臺道:「錢生既係冤誣,日後自當寬有,爾諸生何須群吁?」子文道:「昔孟軻有云:『無罪而戮民, -則士可以徒。』況今無罪而陷士?某等實切寒心,豈能袖手旁觀、不發一言,以彰公道?」狄撫臺見眾 -論嘵嘵不已,厲聲道:「錢蘭既到官,其曲直自在官矣,諸生何必強辨,以取抗法之罪?獨不見顏佩韋 -之事乎?」若虛道:「前時蓼州被逮,猶奉聖旨,況擊苑官旗,故佩韋不免於難耳。若今日之事,惟在 -祖臺犀照,便徹覆盆,況生員等既為公舉,雖碎首殞身,有所不畏,又安知以佩韋為鑒乎?」撫臺見眾 -論不屈,只得准了公呈。子文等遂叩謝而出,復向眾朋友一一致謝畢,自與若虛到司獄,問慰錢生,不 -消細話。 - -  再說鄭心如探知錢生入獄,十分中意,乃以探信為由,直至獄中,對著錢生道:「賢弟無辜被陷, -惜我綿力,不能代控奇冤,然觀裴孝廉之意,不止為那友梅,因聞賢弟家道殷實,故有此舉。目今若得 -三百金送他,在我身上,足保無事。」錢生嘆道:「身陷獄中,家母處尚無消息,又何從措辦此銀?」 -心如知事不諧,即往趙家說友梅道:「錢老夫人,以誘惑恨卿,裴公子復以裝病見罪,裴之勢焰,卿所 -知也。若能與我三十金,則我以二十兩,密賂裴之門客谷期生,方免不測之禍。其十金,則以委囑錢之 -僮僕,庶無驅逐之憂。不爾,則禍不旋踵而至矣。」友梅知其設心誑騙,乃謝道:「承君雅念,為妾深 -謀,第妾自錢郎被獄,方寸已失,惟冀彼之速脫,又何暇慮及於斯?」心如乃艴然而出,於中路遇著賣 -花婦梅三姐,鄭向所狎熟也,因詢其何往,梅三姐道:「偶進胥門耳。」心如道:「胥門內錢秀才,被 -妓女趙友梅局騙不遂,暗唆裴公子訟於都堂,都堂即著本府拘審,今監禁在司獄司,已一月餘矣。汝經 -來其家,曾知之否?」梅三姐大駭道:「十一相公自在虎丘讀書,哪有此話?」心如道:「千真萬真, -我豈戲言?」梅三姐一聞此信,進得胥門,如飛的走入錢宅,報與老夫人知道。 - -  原來錢生在獄中三十九日,那錢貞每日雖到獄中訊候,卻瞞著老夫人,家中大小雖或相聞,俱被老 -錢致囑,兼以未知的確,亦不敢輕易亂傳。不料那日梅三姐卻把鄭心如所說,備細說出,嚇得老夫人冷 -汗淋身,半日不能開口,急忙喚進錢貞詰問。錢貞不能隱匿,只得支吾說:「初去時,俱是鄭心如誘引, -以後惹禍之由,老奴尚未知其詳。」 - -  老夫人便把錢貞痛罵了一場,卻又放聲大哭,秋煙姐在旁在也不住淚如雨點。梅三姐與繡琴諸婢, -俱來勸慰。老夫人收淚,向梅三姐殷勤致謝。又喚過錢貞道:「先老爺在日,待汝不薄,及臨沒之時又 -再三囑託『撫我佳兒』。今乃通同誘引,釀此奇禍,倘幼主少有差失,雖碎割汝肉,不足以償我之恨!」 -錢貞亦低頭含泣,夫人又道:「別樣官事,亦不足為慮,豈不聞炎上之勢,雖楊左諸君,猶陷於羅網, -而況於孤兒寡婦乎?吾且問你經今月餘,只管彌縫不露,將幼主沉於獄底,作何了局?」錢貞道:「皆 -賴崔、李二相公出冤揭,動公呈。若奶奶要知端的,除非請來一問。」老夫人即著人去請崔、李,又以 -禍起於趙友梅,便著錢貞喚集僮僕一十餘人,直到趙家??鬧。那些家僮巴不得有事,奉了主母之命,少 -不得哄然蜂擁而去,不題。 - -  卻說崔李請到,坐在前廳,老夫人於屏後致謝扶救之力,並問事體若何。崔李便將前後事情,備說 -一番。因賀道:「恭喜佳郎公出獄,只等撫臺病痊,即日無事。但細查禍之所起,皆出於鄭心如,俟九 -畹事平,晚侄輩還要約齊同社,鳴鼓而攻之。」老夫人道:「此皆不肖子自貽伊戚,兼老身失教之故, -於心如何尤?」遂具酒飯款待。二子略飲數杯,即辭謝而去。 - -  原來錢生得脫狴犴,因請客賈文華。前在趙家陪飲之後,生贈以數金,賈甚德之,其後賈與裴玄, -一面即契,留在寓中。一日閑話,偶及友梅之事,賈文華為生辨剖甚悉,且言疏財好友,做人溫裕謙恭, -亦茲不曾拜從蓼洲門下。玄聞之,頗悔輕信心如。又值崔子文私賂門客谷期生,期生乘間屢白其冤,於 -是玄有寬釋之念矣。天何希雲求得王梅川書至,書中剖悉諄諄,詞音懇切,玄乃致書扶臺,令其宥放。 -不料生之厄運未滿,狄撫臺忽然患病匝旬,及至發牌仰府時,又多了十餘日。 - - -  錢生既釋,崔、李、陸三子,俟立於道左,相見之際,悲喜交集,屈指在獄日期,恰好四十九日。 -忽想起梅山之言,喟然而嘆道:「梅山老人,信神人也。」三子亦各嗟異而別。 - -  須臾抵家,老夫人預置一杖,俟生歸,當撻之數十,及見生容顏憔悴,手軟不能杖下,惟跪而責之 -道:「爾母德涼,雖不能比數於三遷、畫荻之訓,然亦費了多少辛勤,冀汝成立,乃不能守身如三,而 -幾啖虎口。雖爾之自作自受,其何以衍宗祧而慰垂白之母乎?」夫人說至此,不覺涕淚交下,錢生亦嗚 -咽不能對。既而夫人又謂生道:「汝之被禍,皆因含沙所謝,今雖幸免,恐斯人尚不肯忘情於汝。金陵 -范闇然,汝父同年也,其夫人蘇氏,與我恩若嫡親姊妹。日前曾有書來,備說謫官在家。我今晚寫下回 -書,汝明日即往南京,一則省慰年伯,一則在彼攻書,明年鄉試,若不得一第,休來見我!」生惟惟受 -命。 - -  至夜,歸房,秋煙潛來話別,泣謂生道:「自承愛倖,便已身懷六甲,今官人遠行,歸期未卜,倘 -後來生下,或男或女,夫人疑妾外私,而不肯相信,奈何?」錢生乃取羅帕,題詩一絕,留與秋煙為證。 -詩曰: -  瑞葉熊羆夢已通,海棠曾記試春風。 -  欲知別後相思處,只在秋林煙影中。 - -  是夜,即留秋煙同寢。至曉,遣人密約友梅,欲與舟中一會,不料友梅遷去已久。錢生得報,愴然 -不樂,只得往請同社作謝,然後起程。恰值崔、李、陸三人俱至,言起金陵之往,皆扼腕不怡。將行, -老夫人又握手叮嚀道:「竹林之下,願汝相親﹔綺陌之塵,慎勿再踐。還有一件,那王太常,雖係年家, -他近在寺人蔭下,更宜絕跡。」時桂子、紅葉諸婢俱隨著老夫人送出,獨有秋煙泫然欲泣,惟恐夫人審問, -先掩袂而歸。崔、李、陸買舟送過無錫,然後作別。正是: -  桃花潭水深千尺,不及汪倫送客情。 -  且把錢生按下不題,再表趙友梅。自從錢生繫獄,情思恍惚,寢食俱忘,每每問卜求簽,更以釵珥 -施於佛寺,祈生免禍。那一日,忽值錢老夫人差人喧鬧了一場,趙月兒不勝氣苦,又恐裴公子要來尋事, -自想安身不牢,即忙僱了船隻,一直遷到杭州。租一所園房居住,在明聖湖邊,岳王墳之左,正當山水 -勝處,餘曾有《西湖十詠》,附錄為證。詩曰: - - 路入西泠照曙霞,氤氳香霧覆晴沙。 -  孤山月落鐘初歇,古埠煙迷柳半遮。 -  芳草欲迓游子騎,好風將送泛湖槎。 -  綠窗猶擁鴛衾臥,簾外聲聲喚賣花。 -   ───右《蘇堤春曉》 -  嫋嫋隨風萬縷輕,搖空似浪暗藏鶯。 -  只緣夢綠嬌翻舌,豈為啼紅巧弄聲。 -  畫舫能傾游客耳,香閨解動美人情。 -  最愁春暮花如雪,老卻歌喉懶不鳴。 -   ───右《柳浪聞鶯》 -  涼飆滿院麥秋天,歷亂荷開照水妍。 -  治袖翻紅吳苑女,舞衣剪翠蕊珠仙。 -  花心瀉露清銷暑,葉底披襟小泊船。 -  一陣艷香心已醉,夕陽幾處送繁弦。 -   ───右《曲院荷風》 -  曲港花蔭間柳蔭,漣澗拍岸水深深。 -  有時戲藻金梭擲,忽地吹波玉尺沉。 -  貪餌恐為漁父釣,穿蘋應避鷺鷀淳。 -  非魚雖不知其樂,跳躍悠然足會心。 -   ───右《花港觀魚》 -  嶙峋對立直凌空,南北巍峨勢並雄。 -  玉柱全撐青靄表,蓮花共透白雲中。 -  月明黛色垂千仞,雨後嵐光積萬重。 -  安得躋攀最高頂,掃開浮翳擁蒼穹。 -   ───右《兩峰插雲》 -  幽然夜色渚煙收,渺渺湖光漾碧流。 -  錯落培涵三個影,空明月涌一輪秋。 -  纖雲己逐金風掃,燈水遙連玉宇浮。 -  我欲扣舷歌古調,波心只恐老龍愁。 -   ───右《三潭印月》 -  塔影亭亭掛夕暉,小廬取次掩紫扉。 -  一峰紫翠煙容達,列壑蒼黃樹色微。 -  鳥宿亂隨浮靄去,馬嘶爭惹落花飛。 -  笙歌半在南山路,多少游人帶醉歸。 -   ───右《雷峰夕照》 -  雲深古剎隱南屏,向夕蒲牢遞遠音。 -  催散玉樓歌舞宴,驚醒客邸利名心。 -  疏聲遏籟天邊落,清響隨風月下沉。 -  促得山僧歸去急,獨攜藜杖上遙岑。 -   ───右《南屏晚鐘》 -  萬頃澄波一派秋,冰蟾皎潔印中流。 -  風來鷲嶺天香遠,雲散銀河兔影悠。 -  寒照兩峰嵐翠重,光生千里柳煙收。 -  扣舷朗詠坡仙賦,直欲憑虛到玉樓。 -   ───右《平湖秋月》 -  一道修梁跨水隈,銀沙十里映樓臺。 -  疏林似剩瓊花片,荒蘇疑飛鷺羽來。 -  晴日乍溶新水漲,曉風已捲凍雲開。 -  如何策寒堤邊望,半是尋詩半探梅。 -   ───右《斷橋殘雪》 - - 說這武林洵為山水名區,只因趙友梅心在錢生,哪有情懷賞玩,每日間,禁不住兩行珠淚,丟不下 -一片愁腸,不覺香銷粉悴,非復疇昔之花容月貌矣。到得旬餘,便引動了闖寡門的清士,耽風月的狂童, -怎奈友梅不言不笑,並沒有一點溫存意態,所以來的俱含慍而去。本郡有一個宦家之子,姓胡,字伯雅, -為人痴頑不韻,人都稱為憨公子,也慕友梅之名,同一個門客,喚做常不欺,特來相訪。友梅關了房門, -不肯接見。趙鴇貪他是個宦家,逼勒數次,只得出來相會。憨公子目不轉睛,看了又看,不住的贊道: -「妙妙妙,佳佳佳!」常不欺道:「從來佳麗出在楊州,今見趙娘,果然名稱其實。」憨公子默坐了一 -會,忽然問道:「我小弟幼時,嘗聞家祖先尚書說,揚州有一個名妓,叫做李端端。今友老也是揚州人, -可曾相熟麼?」友梅不睬。常不欺便插口道:「說起那李端端,真個美貌非常,前年在下曾到揚州去, -與他相好之極。」 - -  趙月兒在內,只聞二人敘話,並不見友梅接口,惟恐憨公子不悅,忙出來寒溫道:「拙女只因病後, -故懶於言笑,大爺何不與常老爹擺那棋抨,決一個勝負?」憨公子遂與常不期對局,不欺一連佯輸了五 -六盤。憨公子道:「我的棋,比你何如?」不欺道:「大爺這樣妙棋,不要說在下不敢爭先,便走遍了 -杭州府,也尋不出一個敵手。」憨公子拍手大笑,整棋再著,常不欺又詐敗了兩局。值酒餚已備,擺列 -出來,憨公子把杯相勸道:「酒是引興之物,乞趙娘多飲幾杯,助助興兒。」友梅低了頭,只不做聲。 -憨公子道:「我們此來,無非取樂而已,若友梅這樣敷情而避焉,請勿復敢見矣。」不欺道:「畢竟是 -纔人之口,話出來,庶不郁郁乎文哉!」二人且說且飲,只有友梅,不勝懨懨,長嘆了一聲,不覺掉下 -幾點淚來。憨公子怒道:「一人向隅,滿座不樂,這也可厭之極,可厭之極!」即便站起身來,拖了不 -欺就走。不欺曰:「大爺既不耐煩,不如到吳山腳下,李一娘家裏去罷。」憨公子點頭道:「有理、有 -理」。遂不終席而去。等得趙鴇出來挽留,去已久矣。你道友梅為何不懼趙鴇,這等自由自主?只因生 -性聰明,那趙月兒愛惜如親生之女,自十四以至十六,三載之間,所獲纏頭,已不下千金,故月兒不加 -訶責,惟冀其改情易慮,其如萬般苦勸、委曲開陳,而友梅之心,不可轉也。當晚憨公子不別而去,氣 -得月兒面皮紫漲,忍耐不住,便大怒道:「你這賊淫婦,原不受人抬舉,你到我家,雖已識得幾個字兒, -我卻用了無限心機,把那書、畫、棋、琴,件件教會。寒時便怕你冷,夏天便憂你熱,把你受惜如掌上 -之珍。這是為何?無非要你興旺門頭,使我暮年安享,誰料,一見那錢十一的小冤家,便把魂靈兒落在 -他身上,終日價不情不緒,沒心沒想。只恐你有他心,他無你意。他是仕宦人家,少什麼金釵十二,要 -與他圖做夫妻,你也忒妄想了。你愛他有貌,我看他瘦削臉兒,也不能賽過二郎神。你羨他有纔,只會 -做幾句歪詩,也不能比那七步曹子建。況今生在獄中,犯了裴公子之怒,生死未卜,你還要時刻掛念, -只怕你害了失心瘋的病了。不要說在蘇費用,即遷到臨安,每日買柴糴米,難道是天上落下來的?我們 -開個門頭,一日無客,一日不活,天幸來了這個憨公子,你又不瞅不睬,使他含怒而去,怎不氣死我老 -娘也!」 - -  月兒話到此處,轉氣得手腳冰冷,直僵僵挺在椅上,只管喘息。停了一會兒,又道:「你這賤人, -但知其一,未知其二。若從良是件美事,我做娘的亦不遲至今日了。只因有了丈夫,便要被他拘束,何 -如春風秋月,散誕自由。若富足之家猶可,設或花費無窮而家私有限,吃的是薤鹽,穿的是布素,又何 -如飫珍羞之味、服羅紈之衣?這還是一夫一婦,若不幸而做了那七大八,動不動被正妻藉辱,罵是娼根 -賤妓,其苦更有不可勝言者。況男子漢心腸最狠。始初恩愛,果然似漆如膠,到得後來別戀了新歡,便 -把你撇在腦後,那時節進退兩難,噬臍何及!怎熬得那清宵寂寞,永晝淒淒?倒不如今日憑你看中那個 -俊俏郎君,和他相處幾時,朝朝寒食,夜夜元宵,其苦樂又不啻天壤之隔也。汝乃聰明人,亦何俟叨叨 -細說,只要你依了我,萬事全休,稍有不然,汝認得我皮鞭麼?」友梅泣道:「兒閱人多矣,其纔情具 -足,未有如錢郎者,故一言已訂,雖九殞無悔,惟乞母親垂憐其意,不致深訶,則沾德無涯,而報恩有 -日。」月兒微微冷笑道:「好個自在話兒,我也不與你長舌廣說,只問你依也不依?」友梅瞪目應道: -「一言已決,何必再問!」月兒不勝忿怒,乃以皮鞭,自肩至脛,撻至五六十,可憐潔白肌膚,寸寸皆 -青,損傷之處,血流如注。友梅惟哀聲呼痛而已,卻絕不改口。月兒再要打時,見他遍體皆傷,無處下 -手,只得假放手道:「今且饒你去細想,明日若還不知悔悟,我肯饒你,只恐皮鞭也不肯饒你!」因叫 -侍女勞英,扶她去睡。 - -  友梅到了房中,睡在床上,千思萬想道:「錢郎不知生死,冤家又苦苦相逼,你看這樣光景,料不 -能留得此身與錢郎會合,倒不如拼著一死,以報錢郎罷了。」捱到人盡睡熟,竟取了一條長汗中,懸梁 -自縊。不知性命如何,且待下回分說。 - -第六回 有心人巧竊花枝 - - -  詩曰: -  自從銷瘦減容光,半是思郎半恨郎。 -  欲識舊時雲髻樣,開奴床上鏤金箱。 -  卻說友梅命不該絕,恰值侍女芳英起來小便,此時殘燈尚明,於燈影之下,忽見友梅似打秋千的, -高掛在梁,嚇得魂不附體,登時狂喊。那趙月兒在夢中驚覺,也不及披衣,赤身來救,即忙解巾放下, -四肢雖冷,胸額猶溫。乃與芳英大聲呼喚,徐以姜湯灌進。直至二更,方纔甦醒,開眼一看,即轉身向 -裏。月兒愈恚道:「汝以死嚇我,我偏不怕。」連叫取那皮鞭來,友梅微嘆道:「死尚不惜,又何懼乎 -皮鞭?」月兒雖說,見其肌肉皆傷,亦不敢下手。既而友梅長號一聲,仍復暈去。急得月兒又連聲呼叫, -移時而醒,乃泣道:「兒自幼雖蒙恩育,數年以來,所獲金帛,亦足以償母矣。薄命之軀,惟求速死, -卻又頻頻喚轉,何必相苦如此耶?」月兒亦無可奈何,只得回嗔作喜,溫言勸慰。 - -  到了清晨,轉覺身熱如火,昏昏沉沉,口中呻吟不絕,進以茶湯,即時嘔出,月兒自悔發怒之暴, -心下著忙,於是延醫看視,親奉湯藥。將及半月,病雖稍可,奈容顏日漸羸瘦,月兒恐有不起,乃與之 -道:「昨有人自姑蘇來,言錢郎已脫桎梏,汝宜放寬心胸,以圖相會,今後惟汝是依,吾不強汝。」友 -梅聞說,信以為然,不覺心境頓舒,飲食稍進,又將半月,方得平愈如初。 - -  且說錢塘門外,有一開鹽肆的姓程,名必孚,表字信之,原係徽州府休寧縣人氏,自祖上移居虎林, -已五世矣,年方二十,家累千金,娶妻林氏,姿色平平,而妒悍異常。必孚年少,頗狎昵於花街柳巷。 -一日偶經岳廟,聞人說道:「張家園內住的趙友梅,維揚名妓也。」必孚聞之,心動神飛,即時過訪。 -時友梅病體已痊,豐艷如舊,聞有客來,即掩房深匿。月兒出來接見,留坐待茶,必孚殷勤露其來意, -月兒嘆道:「只怕程君無緣。」必孚愕然道:「小可但慕芳姿,不惜財帛,孰意老娘這般見棄,卻是為 -何?」月兒乃以誓嫁錢生一事,細細訴說。必孚聽了,悵然自失者久之,乃道:「既如此,某亦不敢相 -強,惟獲一面,鄙願足矣。」月兒進內,曲勸至三,友梅閉了房門,終不肯出。必孚因以厚贈啖月兒, -月兒凝思良久道:「翌日午前,妾與之博弈於廳下,君聽棋聲,即悄然闖進,我便擁持於後,不容趨避, -則足以飽君之目矣。」必孚大喜,復諄諄然相約而別。 - -  至次日飯後,友梅不知其故,果與月兒對局於前廡,俄而程生自外趨入,友梅急欲避時,已被月兒 -雙手推住,自面至足,被程生看個仔細。因以挾持而見,雙臉斷紅、泫然欲淚,其怨恨之容,轉覺可憐。 -此時程生,神情飄漾,頃刻難持,正欲向前作揖,友梅已用力掙脫,翩然而逝矣。必孚莫能再睹,惘惘 -而歸,懷念之殷,幾忘寢食。有汪生者,諱見昌,亦徽州郡籍,入泮於錢塘,必孚之表叔也。偶於途中 -相遇,汪生深詳其銷瘦,程以實告,且言姿色之美,目所未睹者。汪生乃歷舉在杭名妓以擬之,皆曰非 -其倫。時有薛素素者,名重東吳,汪生又舉以為??,必孚搖首道:「亦不如也。」汪生駭然道:「天下 -信有如此絕色,雖西子王嬙,不足數矣。然彼既有屬意之人,吾侄作單相思,亦復何益?」必孚道:「 -侄有別墅,在涌金門外,意欲圖為側室,不知以後如何?」汪生道:「婦人水性,既歸吾侄,諒無終拒 -之理。只恐趙鴇索價太高,吾當效張儀,為子作說客,可乎?」必孚道:「倘獲事成,侄以三十金為壽。」 -汪生遂欣然別去。 - -  逾數日,即詣張園,向月兒備述其意,月兒正萌脫卸之念,惟恐不成,止索銀二百兩。汪生歸告必 -孚,必孚欣然領諾,於是擇吉成交。至期,月兒謬謂友梅道:「我與你自到臨安忽已數月矣,坐吃山空, -終非久計,意欲返轉姑蘇,只不知錢郎果然脫獄否,又不知汝之姻事若何?吾聞關聖簽,靈應如響,且 -去此不遠,曷往祈諸?」友梅不知是計,果即梳妝登轎,轎夫先已受囑,遂由小路,直往涌金門別墅。 -必孚預備酒餚蔬果,焚香燃燭以俟,更覓一能言孫嫗,以便臨時勸慰。俄而肩輿已至,友梅出轎進門, -抬頭一看,並非廟宇,只見燭火煌煌,大驚道:「爾輩何人,輒敢哄我至此?」程生自內趨出,深深揖 -道:「多承尊堂厚情,已將娘子嫁於程某。豈娘子有所未知耶?」友梅大怒道:「妾自有夫,君豈無婦? -若依舊送歸則罷,否則吾以頸血濺爾之衣矣!」孫嫗笑勸而之道:「趙鴇不仁,豈能遂娘所欲?」今程 -大爺真實君子也,允與不允,悉憑主裁,倘有商議,不妨緩為之計,何必以彼為歸,而視此如仇哉?」 -友梅沉吟了半晌,乃道:「既要留我在此,必須臥不同床,坐不同席,他日一遇錢郎,即便相從而去。 -計爾所費,加倍奉償,並不許異言推阻。」必孚聽其言辭剛勁,不能指語,惟鞠躬惟惟而已。夫妓以色 -事人者也,且又程生年甫妙齡,家非窮乏,乃立志不移,貞行皎皎,雖傳說所稱揚娼李娃者,何以加焉? -友梅自歸程之別業,因防衛甚謹,兼以利刀佩於腰間,遂使必孚不能相犯。然以錢生急難相會,愁心日 -益,珠淚時零,往往調玉軫以寄悲,託貞松而詠志。所作詩詞,不能備載,姑錄其《碧芙蓉》詞一闕。 -詞曰:晚雨浥梧梢,催起恓惶,一聲啼鳥。別鶴雖彈,此曲誰能曉。西湖水與淚爭流,兩峰雲比愁還少。 -花枝有主,寄語東風不必空相繞。西樓閑倚遍,難禁入夜清悄。咫尺姑蘇,夢也如何。杏甫能夠幾夜歡 -娛,拾得來千回煩惱。重門深閉,憑誰寄信,相思宿債應難了。 - -  忽一日,與婢女輕紅,倚門閑立。只見一個相面先生,生得形容秀異,修髯如雪,頭戴方巾,身穿 -一領醬色布袍,手腕掛一面小紙牌,牌上寫道:「五錢一相。」從門首向東而去。友梅暗想:「此人一 -表非凡,且相價甚高,必非尋常相士」。急令輕紅,向前相請。那先生即隨著輕紅,走進草堂。友梅深 -深的道了萬福道:「賤妾鼠目獐頭,敢辱先生神鑒。」先生道:「老夫相人別有奇術,不比那走方的相 -士,走把達摩相訣與那麻衣相法中幾句說話胡亂哄人,只是一味直講,娘子休要見怪。」友梅道:「但 -求直言為妙。」那先生即令友梅立正了,自上至下凝神細看,又把雙指輪了一回,乃道:「娘子十歲以 -前,安穩無事,不消細說。單講十歲這一年,就該令尊令堂一齊見背,從此蕭牆生難,離棄祖基,陷身 -羅網。今年貴庚十幾歲了?」友梅道:「妾是辛亥生的,今年一十六歲。」先生又將十指輪了一回,踴 -躍而起道:「恭喜!恭喜!目下就有異人提拔,雖不能做個正室,也是一位三品夫人。」友梅道:「賤 -妾運蹇,悉如先生所諭,一句不差。若云命有貴夫,現今身居坑坎,死亡只在旦夕,先生休要見謔。」 -先生道:「老夫據相直談,安肯戲言失實?」友梅道:「妾是維揚人,細聽先生口氣,亦像揚州,敢問 -尊姓大名?」先生道:「老夫果是鳳陽人氏,浪游江湖,棄姓埋名已久,賤號只叫做梅山老人。」友梅 -忽然想起,錢郎曾說,有個梅山神相,莫非即是此翁?便問道:「春間在蘇州玄妙觀中,有一位梅山長 -者,可是先生否?」梅山道:「即是老夫,娘子何以曉得?」友梅道:「不瞞先生,妾實淪身青樓,與 -姑蘇錢中丞之子錢蘭有伉儷之約,彼時錢郎曾經相遇,故賤妾得知寶號,不意今日天幸相逢,並乞先生 -一言指示,妾與錢郎果有重會之日否?」梅山道:「只憑一點貞心,自然鬼神呵護,命合有期,不須疑 -問。」言罷即欲起身,友梅慌忙挽住,雙膝跪下道:「妾身雖脫勾欄,仍罹機檻,每為狂且所逼,度日 -如年。自非先生闡破迷途,一言垂救,莫道斷釵重接,能詣琴瑟之和,只怕環珮空歸,難結鴛鴦之緣。」 -梅山道:「老夫四海為家,一身流寓,有何異能,脫子於厄?」友梅涕淚滂沱,牽衣不放,梅山亦覺淒 -然,乃安慰道:「子不須掉淚,我有一故人,幸亦雲蹤暫寄於此,他是英雄劍俠,專肯濟困扶危,與錢 -秀才也有一面之契,我去為子懇求,諒他必能赤手相扶,只在八月十五,二更時分,子其端坐以俟。」 -友梅便斂在再拜,拔下金釵為謝。梅山堅辭不受,揮手而去。友梅深幸得遇梅山,然以二更之約,猶疑 -信相半。忽見一人推簾進來,視之,乃孫嫗也。友梅笑迎道:「孫老娘此來,莫非又作說客耶?」孫嫗 -道:「非也,恐娘廓處無聊,特來閑語耳。」於是坐談良久,嫗即從容諷道:「老身豈敢為程郎游說, -特以娘終身之事籌之,莫若順從為便。假使程郎蕭然四壁,家無擔石之儲,則不敢勸。即使家有金穴, -而春秋已富,或貌甚不揚,則亦不敢勸。即使富家矣,年少而容美矣,然娘是明媒正娶,不幸而做了斷 -釵破鏡,乃守節不移,此是綱常倫禮之正,則又不敢勸。今聞錢公子不過是一言之私訂,反不若程郎有 -二百金之聘儀,即思錢之情重,然以程郎待娘何如?至其家月餘,未嘗聞用強凌逼,每每市綾羅,購珠 -玉,委曲以奉娘歡,其情情眷眷,又何深也。若娘堅執不從,萬一程郎怨恨,將娘另嫁一個蠢劣兇惡之 -徒,那時節又怎能保全貞操?此是老身藥石之言,惟娘三思,勿貽後悔。」友梅謝道:「仰辱厚情,妾 -當銘骨不朽,若要土梗盟言,改弦易操,雖使儀衍復生,吾志斷不能回矣。」孫嫗乃不悅而退。 - -  無何已屆中秋,程生暗地著人將菱藕芡實,兼灸鵝火肉、鮮魚月餅之類,陸續送來。將晚又著人送 -至湖白酒四瓿。友梅以葷餚瓿酒,一半賞與著房夫婦,一半饋於孫嫗,自己只吃藕菱芡,烹茶而啜。是 -夜萬里長空,毫無片雲遮絮,俄焉推起一輪皎月,清光如畫。其杭城賞月之盛,真是家家弦管,戶戶笙 -歌。只有友梅凝妝靜坐,作《風吹柳》一章,寓意以謝程生。詩曰: -  灼灼園中花,詎無桃李姿。 -  好風是何意,偏吹楊柳枝。 -  相扶固雲陋,貞信恆自持。 -  莫怨柳情薄,只因風吹遲。 -  願為華陰雀,銜環報恩私。 - - 友梅將素帕一方,題詩方訖,忽聞譙樓已打二更,四壁悄然,只有風聲唧唧。友梅嘆道:「梅山之 -言謬矣。」俄而窗外一聲桐響,仰首視之,則見一人立於庭下,頭戴氈笠,身穿箭衣,年可四十,形軀 -秀偉,進前謂友梅道:「俺承梅山之託,特來相救,玉漏已半,幸勿遷延。」友梅且驚且喜,忽搖手令 -其勿言,低聲應道:「有守房夫婦,寢於外廂,倘被知覺,反為不美。」那人便不開口,背了友梅,逾 -垣而出。其步履如飛,瞬息之間,到了一個宅宇。 - -  原來那人即在昭慶寺東、賣雨傘的張仰坡隔壁,賃一所廳房作寓。友梅方進儀門,遙見堂上,列炬 -輝煌,丫環五六,簇擁著兩個美姬,出來迎接。友梅見有內室方纔放心,那人進去,換了方巾出來,重 -與友梅施禮。友梅再拜而謝道:「小妾不幸,陷身匪類,仰承君子,仗義相扶,使妾得與錢郎重遇,現 -出二天。願聞高姓大名,以便鏤之心骨。」那人答道:「俺有姓無名,人但呼為申屠丈,曩與錢郎在虎 -丘梅花樓上,曾會識荊。昨晤梅山兄,備悉趙娘貞操卓然,俠俺不勝欽敬。至於移花接柳,匡難除兇, -乃區區恆事耳,何足沾齒?」言畢,即令擺列筵席,款待友梅。申屠丈自到後房飲酒,只留二姬陪酌。 -既而斗轉參橫,將次雞鳴而息。 -  次日,梅山老人亦來探望,友梅慌忙出謝。申屠丈因從容問道:「趙娘貞行,雖已略知一二,其與 -錢郎聚散始末,尚乞賜聞。」友梅便把前後事情,詳細說了一遍。申屠丈聽罷,拍案大怒道:「裴玄那 -廝,危於朝露,也不必話了。至於趙鴇不仁,若不殺之,難消此恨。」友梅道:「趙母恩養數年,亦不 -足怪,惟恨惡叔宋鈳,將奴哄賣為娼,以致受諸茶毒,真堪痛入骨髓。」申屠丈便問:「宋鈳今在何處?」 -友梅道:「住在廣陵新城,因做人兇狠,人都稱為宋黑虎。」申屠丈即喚:「真真兒何在?」喚聲未絕, -忽見一人,立在階下,身長七尺,腰闊數圍,鳳目彪形,黃須黑臉,向前應聲喏道:「主公有何鈞諭?」 -申屠丈道:「今有廣陵宋鈳,為人殘暴殄義,與爾匕首,為我速取頭來。」真真兒應了一聲,霎時不見 -。申屠丈悄謂梅山道:「中原賊星甚熾,將來國祚傾危,道兄夜瞻乾象,亦卜其數之遠近否?」梅山道 -:「只在二十年內,天下便當鼎沸,所恨老夫年邁,不及見君輩匡時之略矣。」 - -  二人閑話,未及兩個時辰,真真兒已回,手提一顆人頭,鮮血淋漓,擲於階上。申屠丈令友梅向前 -識認,友梅舉目一觀,嚇得魂驚心悸,移時不能開口,只把頭點。申屠丈向葫蘆內,取藥一丸,傅在頭 -上,頃刻化為清水。因謂友梅道:「我這真真兒,一日一夜能行萬里,俺令他把天下無義漢子,共誅了 -四十九人,連今日宋鈳,湊成五十。」友梅聞說,心益竦然,即斂衽致謝道:「妾承二位洪恩,既拯於 -陷溺,復雪其大仇,但妾在此攪擾不安,倘即送往姑蘇,早晚得與錢郎相會,尤為恩便,沒齒難忘。」 -申屠丈笑道:「趙娘不須性急,那錢郎雖脫囹扉,己被夫人遣往白下,只在冬初更有一場大難。俺今訪 -友燕京,即於便路解救。子留敝寓,自有二妾奉陪。兼以梅山在邇,雖使程生追究,足保無虞。」友梅 -遂不敢再言,申屠丈忙令左右置酒話別。既而半酣,二姬共聯一絕,以當驪歌。詩曰: -  陰雨丹楓晚送君,休將別淚染榴裙。 -  一聲清肅卻何處,鶴背俄驚萬里雲。 - -  二姬吟畢,申屠丈斟滿巨杯,送與梅山,自亦立飲二爵,遂與友梅相別。梅山亦便起身送出。要知 -友梅與生,何時方會。 - -  申屠丈此去,如何救難,且待下回,便知分曉。 - -第七回 傳情錦字為憐纔 - -  詞曰: -  香閨深掩暮雲低,家在鳳城西,好風吹起相思夢,因簫史,弄玉心迷。潛出秀幃一面,暗將錦字重 -題。怨歸心去逐鷓鴣啼,才子為情羈。客中未及明珠騁,意惆悵,幾度沾衣。菡萏花須並蒂,鴛鴦鳥詎 -孤栖。 -   右詞寄《風入松》 -  卻說錢生,自在無錫與崔、李、陸三子分袂,帶了紫蕭,向前進發,一路淒淒涼涼,想起友梅,恩 -愛方深,忽被一場橫禍,以致兩下分離,又苦又恨,每每對月長吁,臨風墮淚。過了數日,方抵金陵。 -因天晚不及入城,即向客寓過宿。次日咨訪店主,知范太守住在聚寶門內大街,令紫蕭算還飯錢,沿路 -問至范宅。只見室宇蕭然,門可羅雀,那管門的,詢知蘇州錢公子,不敢怠緩,即忙請入前廳,一面著 -人進內通報。錢生徘徊細看,果然收拾精雅,中間掛一幅孫雪居寫的《山陰訪戴圖》,上有一匾,是「 -芝秀堂」三字,乃雲間董玄宰先生題贈。瞻玩未完,范公已整衣出見。錢生以年侄,不敢當客禮,再三 -謙遜而坐。范公見生舉止安徐,儀容秀韶,心下十分愛重。寒暄方畢,又將家事一一細問。錢生言辭敏 -瞻,應答如流,范公益肅然起敬道:「憶自令先尊仙逝,老夫清酒臨吊,一見賢侄,不覺倏又長成如此 -,洵乃宗廟瑚璉,奚啻謝家玉樹。」錢生道:「老年伯宏猷碩望,正宜股肱明廷,何乃急流勇退,以尋 -竹塢花坪之樂?侄恐太傅不起,其如蒼生何?」范公道:「老夫蹇材拙運,故歷官二十年,僅至郡守, -若再貪戀雞肋,豈不為鄧禹笑人?況西河抱戚,老淚幾枯,益覺紫霞念長,紅塵計短矣。」錢生喚過紫 -蕭,取出回書,雙手遞上。范公亦即傳命,請出夫人相見。 - -  少頃,蘇老夫人出來相會,錢生備致老母譴候之意。夫人亦殷殷致問起居,拆開回書,與范公看畢 -,范公欣然而笑道:「若得賢侄在此下帷,使老夫朝夕得聆珠玉,尤為深幸。」於是置酒款待,延生進 -內,飲於凝芳閣中,夫人亦出來陪敘,命侍女紅蕖行酒。錢生偷眼視之,輕霞暈頰,秀髮齊眉,也有幾 -分姿色,想起秋煙,不覺情意淒其,幾欲淚下。范公酒量甚寬,見生能飲,其興益豪,乃以巨觥對酌, -直至更闌,痛醉而散。即以閣之東廂,為生寢室。方生飲酒時,見繡簾邊,雲鬟半露,嬌艷非常,時來 -窺覷,錢生意是公之騰,及歸房。紅蕖以茶捧至,因以訊之。紅蕖道:「此乃小姐珠娘也。」錢生又問 -芳春幾何?答道:「十七。」復問受聘未,紅蕖搖首含笑而去。錢生既已酩酊,又值心緒不佳,漸覺酒 -涌上來,和衣睡倒。俄而紅蕖復至,喚醒生道:「小姐恐郎君酒後口干,特奉涼瓜以沁喉吻。」生笑謝 -道:「承小姐投我以木瓜,愧無瓊琚之報,煩小娘子為我多多致謝。」紅蕖既去,錢生獨坐,悄然把殘 -燈剔亮,見幾上有花箋一幅,乃吮毫作詞一闋。詞曰: -  昨夜碧紗窗靜,拾得相思一枕夢。忽到羅浮,卻被紅兒推醒。心耿心耿,不見玉梅花影。 -   ──右詞寄《如夢令》 -  蓋寓懷友梅之意,折為方塊,置於硯匣之下。至曉起來,與范公相見,同吃早膳畢,謂公道:「家 -叔推任山東,荒塋在邇,欲去一拜。」范公欣然遣儼平引道。錢生去後,忽王太常遣使,邀賞荷花,公 -不能辭,午前即去。 - -  原來范公諱耿,止生一子一女,子名朝瑛,已在開封任上,患疾而亡,故公有西河抱戚之語。其女 -性敏慧,工琴書,真有班妃、易安之纔,生就沉魚落雁之色。因夫人初孕時,夢見仙女授以明珠一粒, -故以夢珠為名。及年三歲,有道人見之,謂乳媼道:「此子異日敏巧絕人,有以明月珠為聘者,方可妻 -之。」言訖,已失道人所在,公益奇之,是以遴選東床最難愜意,既要纔與貌兼,又須夜光照秉,雖巨 -族名門,屢求庚貼,而公莫之許也。 - -  其夜錢生坐在席上,珠娘潛於簾縫窺之,退謂婢女蓮香道:「天下倩美之士,後有如錢郎者乎?」 -既而紅蕖來備述錢生所問之語,珠娘笑道:「郎真狡獪,豈亦覷見我耶?」復令紅蕖送瓜以覘生。及次 -日,錢生既去探叔,范公亦即赴席,珠娘瞞了夫人,與紅蕖悄悄的潛入生之臥房,見其琴劍書笥,文房 -器玩,無不珍美。忽於硯匣邊,有花箋微露,取而觀之,乃《如夢令》一闋,諷詠數四,知其別有寓託。 -然時方季夏,不能喻:「玉梅花影」之句,乃展開花箋,楷書二絕於後。 -  詩曰: -  靜幾明窗日到遲,牙簽相伴下帷時。 -  江郎莫負生花筆,留向春閨學畫眉。 -  其二: -  菡萏初開香滿池,何須更憶玉梅枝。 -  彩箋詞比琴心怨,借問相思為阿誰。 - -  寫畢,仍折為方塊,藏於硯底而出。至暮生歸,記起前詞,恐為范公所見,將欲藏於筐中,展開詞 -尾,忽見小楷數行,字畫端勁,真有顏筋柳骨。及細味其詩,則又暗託芳情,並寓觀諷,心下狐疑,竟 -不知是何人所作。俄而紅蕖以瓜李送進,錢生即以箋詩問之。紅蕖笑道:「昨夜令妾送瓜的是誰,則做 -詩之人,從可知矣。」錢生驚喜道:「既是小姐的佳句,小生當珍為至寶,飢則以為食,渴則以為茶, -坐而哦、睡而諷矣。」紅蕖戲道:「見了詩句,就是這樣寒酸,若見了小姐的花容,只怕郎君還要嚥許 -多饞涎哩。」言訖,帶笑而去。錢生復將二詩吟哦了數遍,嘆息道:「吾則道天下有纔有色的佳人,只 -有一個趙友梅了,誰知又生一個范小姐,使小生獲睹此詩,好不僥幸也。」當夜無話。明日公謂生道: -「昨日王梅川邀請工部主事呂玄卿賞荷,並來邀我,偶在席上,談及令先尊,他因說賢侄與裴孝廣有隙, -前日特為寫書勸解。如果有此事,賢侄既在敝居下帷,須去面謝,此老雖不可交,然禮亦不宜疏闕。」 -錢生雖受母戒,然以公命,即往投刺。只見門第赫奕,僮僕如雲,往來車馬,絡繹不絕。等候了半日, -方得進去,坐在廳上,又有一個時辰,方見梅川科頭跣足,手搖羽扇,慢慢的踱出來。及見錢生,又假 -意說「容取巾服」,錢生一把拖住,梅川便拱手道:「溽暑中衣冠久廢,只得欠禮了。」錢生婉款伸謝 -梅川,惟略敘寒溫而已。須臾茶畢,錢生起身告別,梅川亦不挽留。纔下庭除,即一拱道:「幸恕褻衣, -不及遠送了。」錢生意甚怏怏,殊悔多此一來。歸之語公,公哂道:「此乃小人得勢之態耳,何足介懷?」 -正在慨嘆間,忽見一個長老進來謁見,公即降階而迎,相待之儀,十分恭敬。顧謂生道:「此位乃清蓮 -庵寂如上人,戒律清恪,乃方外椒蘭也。」錢生見其修眉方耳,瀟然有出世之姿,亦肅然起敬。那寂如 -長老,講起妙諦,滾滾如貫珠,真能使天花亂墜。臨別袖中出一綠薄道:「小庵新塑一尊送子觀音,尚 -少數金,乞檀越助成善事,功德無量。」范公欣然允諾,又留吃素齋,然後別去。自此錢生日在窗下, -惟把友梅所寄之書,時時展誦。誦畢,又將夢珠二絕,又復吟哦。一連十餘日,送茶捧飯,俱是小婢山 -茶,而紅蕖久不見至。錢生悶悶不悅,作詩一絕,以抒幽懷。詩曰: -  欲寄相思少便鴻,新愁更比舊愁濃。 -  羅幃咫尺猶難見,何況行雲無定蹤。 - -  卻說夢珠小姐,自那日窺見錢生之後,刺繡渾慵,懷思不置,有時雕欄斜倚,脈脈無言﹔有時鸞鏡 -半窺,悠悠凝想,不覺眉山鎖翠,金釧俄松,惟有紅蕖深解其意,乃勸慰道:「小姐是千金艷質,老爺 -又選擇門楣,怕沒一個風流快婿?何乃注念錢郎,以致憔悴至此?」珠娘喟然長嘆道:「是非爾所知也。 -我嘗誦詩,至桑中淇上之約,未嘗不丑其行,豈肯躬蹈之乎?只因世人,有纔的未必有貌,有貌的未必 -有纔,如錢郎之貌,固不待言矣,前日爹爹嘗把他的課藝進來,我細細覽閱,文辭秀雅,格局高華,黃 -鐘大呂之音,白雪陽春之調,以此出戰,誠掇巍科而有餘。若錢郎者,所謂昆山之壁,價值連城﹔北海 -之鵬,程搏九萬者也。我每欲潛出一會,以觀其意,奈夫人嚴於拘束,跬步不離。雖婚姻之事,主在椿 -萱,然可託終身亦須斟酌。當此之際,誠不能不為之耿耿耳。」紅蕖道:「小姐敏心卓識,信非奴輩能 -窺,但夫人拘管雖嚴,何不潛賦一章,待紅蕖送去,以探錢郎之意何若?」珠娘凝思良久道:「汝言亦 -是。」乃以薛濤箋,賦七言近體一首。詩曰: -  倚遍雕欄每倦吟,近來愁壓黛眉深。 -  花源已泛劉郎棹,銀漢休辜織女心。 -  詎謂藍田無美壁,可能煙島擬文禽。 -  玉人若喻詩中意,莫吝瓊瑤惠好音。 - -  紅蕖接詩欲行,珠娘又叮囑道:「切須謹慎,不可漏泄與夫人得知。倘錢郎有甚話說,急來回復。」 -紅蕖乘間走出凝芳閣來,錢生正在倚柱咿唔,見了詩箋,即展開細看。嘆道:「吾固知小姐情深,若得 -為比翼之鶼,連理之樹,餘之願也。但有一腔心事,必須當面訴聞。小姐既不吝瑤篇贈我,更不知有須 -臾之閑,使鄙人得睹芳容否?」紅蕖道:「郎君要見小姐,何不也做一詩與我捎去?」錢生即取碧筠箋, -次韻一首,折做同心方勝,付與紅蕖。紅蕖得了詩箋,即忙回報珠娘。珠娘接來視云: -  書幌淒其久廢吟,粉垣雖隔兩情深。 -  欲援綠綺聞芳耳,難託青鸞訴苦心。 -  蘿蔓抵慚依玉樹,雲街何日效鶼禽。 -  彩軿肯自瑤臺下,重倚朱欄待好音。 - -  珠娘又問道:「錢郎還有何言?」紅蕖道:「他道有一腔心事,必要與小姐面談。」珠娘笑道:「我 -亦欲圖一見,以決終身,其奈夫人何?」紅蕖笑道:「我有一計,只要用著蓮香,不知小姐以為何如?」 -珠娘道:「汝有何策,第為言之。」紅蕖道:「明日老爺約定呂工部,要到牛首山、燕於磯諸境隨喜, -想必信宿而回。乘此機會,何不令蓮香假充小姐,與那錢郎一晤?面上雖有了幾點麻兒,只須多擦些粉, -金蓮略大些,把那繡裙放下,也可隱瞞。小姐欲訴的衷腸,說與蓮香念熟,若錢郎說甚心事,只消含糊 -答應,以待小姐自己主裁,另行回話。只要把夫人陪住在房,待紅蕖伴著他,悄悄出去,此計何如?」 -珠娘莞然而笑道:「不謂汝倒有陳平之智,只怕蓮香不肯。」紅蕖道:「以小姐之命,諒他不敢違拗。」 -珠娘即時喚過蓮香,以此語之,蓮香點頭微笑。於是紅蕖復至書房回復。 - -  次日清晨,范公果別生而出,將及黃昏時候,珠娘把那珠衫繡裙重熏蘭麝,換與蓮香,妝束齊整, -宛然是個閉月羞花的小姐。紅蕖跟著,嫋嫋娜娜走出東廂來。錢生憑欄凝盼,但見月上梧梢,猶未見至, -悵然道:「豈其謬耶?」俄聞竹屏之外,足音跫然,只見紅蕖隨著小姐,已翩翩而至矣。錢生喜躍趨迎, -深深一揖,堅欲迎入書館,蓮香固推道:「即此共談片晌罷。」遂拂石而坐。即蓮香原有幾分姿色,兼 -以星月之下,轉覺婉然動人。錢生笑謝道:「小生以萱幃之命,覲候尊親,不意緣契三生,遂獲簾邊半 -面,然自料弇末之夫,何足以配仙質。忽承小姐贈以瑤箋,使鄙人喜出非常,感深五內。」蓮香述小姐 -之意以對道:「妾聞婚姻之事,冰人言之,高堂主之,非兒女子所當私議。但以君子惠中秀外,學究天 -人,信乃曠世難逢,何可失之當面。故不恥自媒,輒敢以蕪蔓之詞,謁其鄙誠。倘君子不棄葑菲結以秦 -晉,妾得躬執箕帚,幸莫大焉。」錢生太息道:「過承小姐錯愛,豈不欲即求偕老,但心有隱憂,未也 -輕許。」蓮香道:「郎君有何心事,不妨為妾言之。」錢生道:「實不相瞞,小生與維揚妓女趙友梅曾 -有夫婦之約,今雖風流雲散,相會無期,然言猶在耳,若即寒盟,是乃鮮情薄倖之徒,不惟友梅罪責, -即小姐亦必我尤矣。然執守前言,以負小姐一片美情,則又眷戀不忍,際此兩難,故欲面商之耳。」蓮 -香未知小姐之意,不敢妄對,但唯唯之而已。紅蕖惟恐夫人呼喚,連聲促回。蓮香臨行,復謂生道:「 -門客許翔卿,與家尊至契,郎君若以作伐求之,則姻事可諧矣。」言訖,瓊珮珊珊,翻然而逝。 - -  錢生佇望久之,黯然魂失。因蓮香語意含糊,惟怕好事之不成也。乃以衷曲懇於翔卿,翔卿即轉達 -於范公。范公道:「錢郎纔貌絕佳,可稱快婿,但弱息幼時,曾經異人相道,有以明珠為聘者,方是夫 -妻,故求婚雖多,者夫惟恐不是姻緣,未敢輕諾。若錢郎果有明珠,老夫無不依允。」翔卿又以公言復 -生,錢生雖係宦家,然火齊木難,世不常有,聞之殊覺怏怏。俄而節屆中秋,范公設宴,以請呂工部, -亦邀王太常相陪。呂玄卿自恃少年科甲,睥睨一座,旁若無人。然生亦軒軒霞舉,雅言雋語,辯若懸河 -,范公又欲顯生之才,授以紙筆,令生作詩。錢生承命,即書二絕。詩曰: -  長河澹澹碧雲收,秋色平分月到樓。 -  莫謂勝情惟瘐亮,於念不數晉風流。 -  其二: -  遙空群籟靜無聲,雲外天香滿鳳城。 -  可惜清樽雖共賞,嫦娥應笑未成名。 -  初時王梅川待生甚倨,及見詩,方卓然獎異,遂欲以女妻生。次日,親來謝宴,即浼公作伐,公欣 -然應允,遂以告生。錢生堅卻道:「煩老年伯善為侄辭,此事斷難從命。」原來公與夫人,愛生纔貌, -甚欲得生為婿。因以明珠一言,猶豫未決。及見錢生不允梅川,心中大喜。過了數日,梅川又遣人致書, -公拆開視云: -  弟初見九畹,以其年少輕佻,意甚忽之,及叨盛宴耳,其燦花之論,使弟爽然自失。以彼其纔,異 -日燕臺市駿,誠良樂之所急也。小女摽梅待賦,欲託紅絲,惟藉年兄執柯,則錢侄必無推阻。前已面抒 -鄙懷,未審鼎言轉致否。肅此再瀆,佇俟回音。 -  范公回書,不與生看,即便寫書回復。又過了兩日,正與錢生講論經史,忽見門公慌忙報說,工部 -呂老爺來望。公謂生道:「玄卿此來,是為吾侄姻事矣。」錢生道:「若為姻事,全仗老伯委曲回之。」 -范公點頭而出,與玄卿相見,各敘寒溫畢,玄卿道:「王老先生有一淑愛及笄,欲招貴年侄九畹為婿, -特喚老先生作伐,此乃美事,何老先生回書推託?梅老十分不悅,念又央某進宅相求,惟老先生玉成為 -妙。」范公道:「此因敝年侄以不奉母命為辭,在僕豈能專主。」玄卿道:「既如此,可請九畹面談。」 -范公即著人請出錢生相見,邀玄卿到書房待茶。玄卿踱進書房,靠窗案上,有紅箋一幅,范公急欲收拾, -已被玄卿看見。范公笑道:「此乃小女看月之作,不妨請政。」玄卿接來觀之,乃七言律一首。詩曰: -  碧梧金井暮煙收,露濯清輝照入樓。 -  靈藥又逢銀兔搗,塵思不起素娥愁。 -  羅衣借鑒簾須倦,團扇翻題句自幽。 -  看到夜分人靜處,塞鴻遙送一聲秋。 - -  玄卿誦畢而贊道:「令愛有此詩才,不在班謝之下矣。」言未既,錢生肅容出見。玄卿道:「九畹 -兄高纔絕俗,王小姐美貌無雙,此乃天付良緣,九畹兄不可固卻,以負王老先生一腔美意。」錢生答道 -:「謬承王老年伯厚愛,晚生焉敢推辭,但老母在堂,未曾請命。晚生自幼又發一個痴想,不弟春闈, -誓不聘娶。況因先君早喪,家業飄零,雖有睹巢之思,實無白璧之聘,今以王老年伯,高門鼎族,何患 -無乘龍佳客,而必以某之學疏纔淺,孑然瑣尾之士哉?」玄卿道:「既係是年家,又是太常公門第,也 -不為辱沒了兄。況聞春間被獄,若非王老先生出書解救,吾兄豈能安然無事?今以好意聯姻,故作客談 -推卻,且下梅翁起服北上,不惟魏公待以腹心,又與裴司馬橋梓至厚,吾恐拂逆其意,禍不遠矣。」錢 -生道:「詩不云乎:『娶妻如之何,必告父母。』今王老年伯,國之大臣,豈不欲令人克全倫禮,而忍 -以威勢劫之哉?」玄卿見生不允,又見范公默默無言,遂勃然變色而別。錢生退入書館,低首自思:友 -梅不知下落,珠娘姻事難成,欲歸無顏見母,欲留又恐梅川尋事加害。左思右想,悶悶不悅。忽見紅蕖 -走至,以片紙付生道:「小姐所命也。」錢生接來一看,不覺變愁為喜。 -  要知范小姐紙上寫的是何言語,下回便見。 - -第八回 觸怒權奸因卻婿 - - -  詩曰: -  酌酒與君君自寬,人情翻覆似波瀾。 -  白首相知猶按劍,朱門先達笑彈冠。 -  草色全經細雨濕,花枝欲動春風寒。 -  世事浮雲何足問,不如高臥且加餐。 -   ───右《酌酒與裴迪》 -  話說錢生正在憂懣不悅,忽值夢珠小姐差紅蕖以數行持至,錢生接來細看,那紙上寫道: -  前夕晤君,聞已許聘趙氏,若然,妾願居其次,因家君燕子磯回,雲在關帝廟中遇一申屠丈,天下 -異人也。子若竭誠往謁,或者明珠可求。至於王太常,品行不端,但宜婉曲辭婚,慎勿直遂,以取莫怒。 -自今以後,妾之身,付在君矣。幸亟圖之。 - -  錢生覽畢,不勝欣忭道:「小姐不但深情,兼有敏識。曩時申屠丈曾說:『倘有緩急,不妨謀諸我。』 -那梅山老人又道:『遇珠則圓。』這段姻緣想有幾分可就。然非小姐裁示,幾乎忘矣。」遂帶了紫蕭, -直往燕子磯關廟訪問。廟祝道:「相公莫非姓錢麼?」錢生怪而問之,廟祝道:「申屠丈先生臨去時, -囑咐小道云:『三日後,有一位姑蘇錢秀才來訪,可對他說,須到東昌相會。』」錢生大驚道:「申屠 -丈可謂神矣。」想起堂叔錢一鶴,正做東昌府知府,不如乘此機會,到彼省候,便可以從容尋問那申屠 -丈了。主意已定,回到書館,請見范公道:「不肖執意辭婚,梅川年伯必然見罪。今有家叔蒞任東昌, -意欲暫往省謁,俟王年伯服滿進朝,再當趨侍左右。」范公大悅道:「賢侄所見不差,但途中須要保重。」 -遂即庀藻作租。至夜席散,錢生方進臥房,把那行李收拾。只見紅蕖潛至,持一錦囊付生道:「小姐聞 -君遠行,無由面別,特俾妾來,以此不腆為贐。」錢生謝道:「煩乞小娘子致意小姐,小生此去,倘或 -得了明珠,不時定聘,乃不可為著小生,憂損花容。」乃撿視囊中,只有紋銀一鎰,其餘俱是金珠,約 -值三四百金。錢生把那琴劍書笥,留在其內,只把小姐所贈之貨,並要用物件,俱放在皮匣中帶去。曉 -起別公,出門之際,回頭頻望,魂斷意迷,不覺潸然泣下。珠娘一聞生去,玉怨花愁,其相憶之情,不 -待言矣。再談呂主事,細述錢生推卻之意,回復梅川。梅川赫然大怒,玄卿笑道:「諒那腐儒薄福,豈 -能坦腹喬門。然在老先生,豈患無一嬌客,何必取此迂妄之人哉?比聞闇老有女,四德俱全,何不為令 -郎公求此佳婦?」梅川道:「鄙意懷之久矣,因此公清奇簡傲,不近人情,又不知其女可稱淑媛否?」 -玄卿道:「昨日親見,范小姐《望月》一詩,請為老先生誦之。」遂朗詠一遍,梅川聽罷,欣然道:「 -有此美纔,豈無麗質?但無人可做賽修。」呂主事道:「聞有清士許翔卿,與范老先生至密,不若託彼 -為媒,下官亦當從旁相懇。」梅川大喜。無何,已屆重陽,遣僕持柬邀請許翔卿,翔卿接柬視之,上寫 -道: -  制侍生王芬頓首啟翔卿兄愛下:久懷雅致,未獲識荊,茲屆重九,敝園樓臺崇敞,願與君登高一談, -君幸惠臨。不穀。 -  翔卿暗忖道:「此公平昔勢利,矜以慢人,今特遣使邀我,其中必有緣故。」欲要推辭,又恐見怪, -只得隨了來使,具名拜謁。梅川一見翔卿,笑容可掬,直延進後園書室,備敘寒溫,少頃,擺列酒餚, -賓主對坐,飲至半酣,梅川從容問道:「闇老近日起居何以?」翔卿道:「范公琴酒陶情,頗得香山池 -上之樂。」梅川道:「聞有淑愛,纔色無雙,桃夭未詠,意欲為小兒求聘,吾兄試度其允否?」翔卿道 -:「只恐范公不敢仰攀。」梅川作色道:「翔卿何出此語?吾與闇然不惟同年,兼且累世通家,今以兒 -女聯姻,乃是一樁美事,故特奉迓玉趾,煩為小兒作伐,事成之日,柯儀必當重謝。」翔卿道:「既承 -明公鈞諭,敢不借口舌之勞,以締朱陳,俟與范公求得庚貼,即當回復。」梅川大悅,呼童斟酒,連敬 -數杯。臨別,梅川又道:「小兒親事,全仗尊力,並煩致意范翁,不可學那錢蘭小畜生,不識高低,故 -為推卻。」翔卿惟惟,作謝而出。不敢遲緩,連夜往見范公。范公道:「彼特冰山作泰山,吾與往還, -尚懼禍及,豈有以女締親之事。明日君去回復,只須依我,如此如此,以辭絕其意。」翔卿領諾。 - -  次曉即至王宅,求見梅川,梅川道:「許君清早惠臨,想必姻事得妥?」翔卿道:「執柯無力,惶 -恐惶恐。」梅川即變色而問道:「豈闇然有所不允耶?」翔卿道:「范公非敢不允,只因小姐三歲時, -曾有異人相道,此兒福薄,議親不可太早,早則不壽。須到二十歲外,有以明月珠為聘者,方是夫妻。 -故議親雖多,范公一概不敢許諾。特浼小可致謝厚忱,異日尚要踵間荊請。」梅川大怒道:「明明欺我, -造此胡言。我今日方知那錢生不允親事,也是他的主意。罷罷,拚我這窮太常,與他做一個對頭。」又 -叱翔卿道:「我好意做成汝做媒,誰料汝也不知人事,為他捏造虛辭,特來誑我。」翔卿再欲開口,梅 -川已氣沖沖的踱進屏後去了。翔卿滿面羞慚,回達范公,范公道:「由他發怒,我巴不得與他絕交。」 -正在談論,忽見呂主事差人下書。公拆書細看,單為王太常求親一事,中間指陳禍福,無非迫抑公允從 -的說話。范公擲書於地,微微冷笑道:「鄙哉,玄卿!真小人也。我老范錚錚傲骨,豈為社鼠恐嚇耶?」 -那遞書的在門首等候半日,不見回書,含怒而去,報與玄卿。玄卿十分不快,即時往見梅川。梅川道: -「范褧公不允結親,毫無情面,我欲尋事害之,君謂計將安出?」玄卿道:「老先生榮行在即,俟進京 -之後,設計中傷,有何難哉?」梅川搖首道:「怎耐得這許多時?」玄卿道:「既要速行,更有一策, -我聞裴大司馬,初為淮揚鹽院,被闇然彈了一本,已成不解之仇。老先生何不捃摭其過,修書一封,送 -與司馬,則司馬必信公言,而老范難免不測之禍矣。」梅川大喜道:「此計妙絕。」即央玄卿起稿,星 -夜遣人北上。且不說王、呂安排陷害,只可惜范公不知禍患臨身,猶以絕交為幸。正是: -  灶突已煙上,燕雀猶未知。 -  且說范公有一嫡侄,諱斐,字文甫,年踰弱冠,以恩例為國子監監生,自朝瑛沒後,公即承繼為嗣。 -一日偶從府前經過,聞得衙役人喧傳說道:「聖上差下校尉,要拿一位鄉宦。」范斐挨身相問,正問著 -王太常的家人,那家人也不認得范斐,隨口應道:「要拿做開封府太守的范闇然。」范斐聽了大駭道: -「那范太守居官清正,居鄉仁善,犯著何罪,聖上卻要拿他?」那人笑道:「這是朝廷的主意,我們哪 -裏曉得。」 -  范斐驚得面如土色,飛報范公。話猶未畢,只見許翔卿疾趨揮汗而至道:「風聞校尉到府,雖未開 -讀,外人紛紛俱說為著明公,雖未知真假,不得不來相報。」公方大驚道:「我任開封二年,雖無功德 -及於百姓,未嘗得罪於朝廷,不知皇上拿我,為著何事?」 - -  正欲遣人偵探,忽報呂爺來了,范公慌忙迎入。玄卿道:「闇老猶未知麼?適聞官旗到郡卻為著老 -先生,我想朝廷之上,權重的莫如大司馬裴公,與裴公至契的,莫如王梅老。今老先生遭此奇禍,據下 -官愚見,何不將令愛小姐,連夜送過王宅成親,待王老先生進京,求救於裴公,則天威可解,而身家可 -保。」范公道:「謹謝厚愛,若范某無罪,則聖明自然息宥﹔如果悖逆不法,這是獲罪於天子,豈媚於 -奧灶所能免乎?」玄卿道:「老先生只因性氣躁直,所以見嫉於人,仕途坎凜,今當禍患已成,猶依然 -執拗,只恐廷尉未必於公,九重高而難吁,不聽僕言,悔無日矣。」范公道:「與其在己以幸免,不如 -守正而待命,緹騎一來,某即含笑而去矣。」玄卿知事不諧,即起身告別。 - -  范公忙喚范斐商議道:「吾料禍根必起於梅川求親不遂,此老奸險異常,我若被逮入都,家內無人 -,他還要尋計毒害。汝今晚帶領叔母、妹妹、並汝妻子,悄然出城,明日五更,即僱船直走姑蘇,暫避 -在錢老夫人家下。」又向翔卿道:「君以家事清寒,斷弦未續,我有使女蓮香,每欲備奩贈君,遲遲未 -果。今臨不測之禍,死生難料,君可速喚肩與,從後門抬去,以遂我之初心,幸勿推卻。」翔卿頓首泣 -謝。公即進內,與小姐訣別道:「汝兄夭歿,所以承顏膝下者,惟汝一人。滿望贅婿,使我兩人暮年有 -靠,誰料誤聽明珠一語,遲延至今,竟以求聘不遂,遭了王賊之害。我今進京,萬一皇天憐我,無罪或 -得生還,與汝尚有相見之期。只怕群奸布網,天欲絕我,或斃在獄中,或受刑西市,則我父子自今一別, -永無再見之日了。我也無所囑,惟承事母親,比我在時尤宜孝順。待錢郎一歸,即諧伉儷,事夫敬姑, -若能各盡其道,則汝父雖在九泉之下,庶幾瞑目矣。」小姐聽罷,登時哭僕在地,哽咽不能出聲。范公 -又謂夫人道:「本欲與卿白頭相守,奈何同林之鳥,大限各飛,若到姑蘇,切須照護女兒,伺錢郎東昌 -一回,不必明珠,即完了女兒姻事。至於家業,夫人自能料理,吾亦不及備細叮囑。」夫人道:「相公 -保重。」剛剛說得半句,即淚如雨注,放聲大慟。左右女婢,無一人不墜淚者。公雖天性剛烈,亦覺淒 -然傷感。分咐未畢,校尉已至門首。小姐牽住公衣,大哭道:「爹爹為孩兒被禍,孩兒不能學那緹縈女, -上書叫屈,不如死在膝下,做厲鬼以報冤。」范公再三撫慰道:「我為父的,不得罪於國家,到京自能 -申辨,汝不必過為無益之悲。」外邊催喚甚急,怎奈小姐牽住不放,公遂絕裾而出。 - -  是夜拘禁公館,次日把聖旨宣讀,即以檻車押赴長安,親戚故友,並無一人探望,惟有老僕金元隨 -身扶侍,可憐仁厚惇愨,如公見幾而作,已退歸林下,猶不免於睚眦之辭。君子於此,每為之三嘆焉。 -夫人、小姐當晚收拾細軟,同著范斐夫婦,一路悲傷,自向蘇州進發。翔卿得了蓮香,即諧花燭,蓮香 -泣道:「范爺為人剛方正直,所以小人嫉惡。今被逮入京,料必兇多吉少。平昔解衣衣君、推食食君, -妾見其厚君者至矣,君獨漠然,不以為念耶?」翔卿嘆道:「范公遇我甚厚,其如事關朝廷,力不能救 -耳。」過了數日,蓮香復說翔卿道:「王太常託君為媒,君順了范爺而違逆其意,今范爺已被不測之罪 -,所謂脣亡齒寒,禍及己身耳。故為君計,不如收拾到京,兼打探范爺消息,公私兩得,不識君能從否?」 -翔卿自肯道:「賢妻之言,深為有理。」於是治裝北上不題。 - -  且說錢生便默默然跟了紫蕭迤邐出城,只因思憶小姐,心裏搖思。一回忽念著老夫人,未審安否如 -何?一回又想起趙友梅,不知移徙何處﹔屈指秋姻懷娠已經七月……真是離愁種種,別緒悠悠。況此時 -恰值秋末冬初,西風蕭瑟,木葉紛脫,碧空嘹亮,每逢過雁哀鳴,黃菊凝霜,遙見孤村野店,滿目淒涼, -越添情況。有昔賢一詩為證。詩曰: -  衡門無事閉蒼苔,籬下蕭疏野菊開。 -  半夜秋風江色動,滿山寒葉雨聲來。 -  雁飛關塞霜初落,書寄鄉山客未回。 -  獨坐高窗此時節,一彈瑤瑟自成哀。 -   ───右《秋日即事》 -  玉河楊柳已蕭蕭,羈思逢秋轉寂寥。 -  親舍每疑雲外近,長安翻覺日邊遙。 -  浮名肯似蓴鱸美,壯志寧隨皮肉消。 -  自笑行藏渾未卜,巫陽堪問竟誰招。 -   ───右《秋日書懷》 -  離城約有十里之外,忽聞樹林中有人問道,「錢居士何往?」錢生驚訝道:「此處並無相識,卻是 -何人喚我?」回頭一看,有些面熟,遂即下馬相見。只因遇上那人,使錢生幾乎化做橫亡之鬼。 -  畢竟喚者何人,且聽下回便知。 - -第九回 投蘭若俠客除兇 - - -  詩曰: -  山頭禪室掛僧衣,窗外無人溪鳥飛。 -  黃昏半在山下路,卻聽鐘聲連翠微。 -   ───右《過初池》 -  說那喚生的,果是何人?乃青蓮庵寂如長老也。錢生去心如箭,只在馬上拱手。那寂如長老隨上里 -許,殷殷相懇道:「茅茨咫尺,請告一茶。」錢生感其意切,跳下雕鞍。寂如合掌,錢生亦整衣而揖道: -「不佞行色匆匆,過承上人見屈,浮生有幾,願偷半日之閑,但不知此去寶剎,還有多少路程?」寂如 -以手指道:「過了小橋,前面竹林之內,便是荒居。」遂攜手同行。 - -  不及半里已到庵前。門扉之外,一泓碧水,桃柳成行,扉上一聯是摘唐人詩內「山光悅鳥性,潭影 -空人心」之句,字劃遒勁,即范公所書也。進入庵門,但見曲徑清幽,朱欄窈窕,蓮座邊貝葉閑披,寶 -鼎中香煙遙散,好一個精雅禪室。有昔賢詩為證。詩曰: -  不知香積寺,數里入雲峰。 -  古木無人徑,深山何處鐘。 -  泉聲咽危石,日色冷青松。 -  薄暮空潭曲,安禪制毒龍。 - -  那庵內有一老僧,曰智直者,寂如之師也,寂如以下又有寂通、寂照,頭陀法雲共有五個,惟寂如 -是揚州人氏,少習儒書,中年披剃。當下請生進去,與智真等一一相見畢,然後邀入方丈告茶。茶畢, -又請入自己臥房,但見琴掛壁邊,佛懸窗左,紙帳竹床,事事清雅。智真長老忙令寂通剪蔬治齋。錢生 -以眾僧禮意綢繆,只得從容坐下。常言道:「趨財奉富,莫如浮屠。」有錢施舍,便是施主檀越﹔滿面 -笑容,殷勤接待。你若無錢施與,他便情意淡薄,相知的也不相知了。自己化緣,則雲僧來看佛面,若 -俗家吃了他一茶一果,雖以數倍奉酬,心猶未足。當日寂如與生,不過泛然一面,相知甚疏,為何這等 -倍常款接?只為范太守所許裝佛之銀,未曾見付。他以錢生與范公年家契厚,欲煩吹噓之力,所以極意 -奉承。 - -  須臾齋畢,寂如談起心事,相求轉促。錢生道:「極該遵命,奈有東昌之往,歸期尚遠。吾師便中 -入城,何不自往索之。」寂如聽說,一片趨奉之心,頓然厭冷,錢生亦即起身作別。不期紫蕭登廁,智 -真又拉生到後邊靜室,瞻禮那新塑的送子觀音,頭陀法雲,獨向齋堂收拾。見了皮匣,用手一提,覺道 -沉重有物,眉頭一皺,計上心來,疾忙招喚寂如,附耳私語。寂如笑而不言。你道那法雲,果是何等樣 -人?原來是個山東響馬。俗家姓伍名彪,與寂如為中表弟兄。半年前,官兵追捕甚急,暫向空門隱避。 -若論其謀命劫財,也不知做了幾千百遭,雖幸漏網,怎奈兇性不改。只為錢生合當晦氣,被他見了皮匣, -驟懷著不良之念,故喚寂如商議。誰知寂如又是佛口蛇心,極貪極毒。初時假意不肯。法雲道:「吾兄 -塑這一尊觀音,僅僅百金耳,乃沿門募化,舌敝口幹,不知走了多少腳步,今財物自送上門,反棄而不 -取,難為智矣。」寂如道:「只是害他二命,予心不忍。」法雲道:「只消多誦幾卷經文,超度他速生 -陽世,便可以功罪相准了。」寂如道:「南無阿彌陀佛!但憑吾弟主意。」於是瞞了智真,又與寂照、 -寂通約會停當。等待錢生要行,寂如抵死相留。錢生道:「多謝上人厚愛,敢不少住。但小生此往,急 -欲尋一故人,容俟異日返轡,再聆揮塵。」寂如又問:「尊友為誰?」錢生道:「是江湖上一位異人, -喚做申屠丈。」那寂如最有機智,探了口氣,便哄生道:「居士何不早說?那申屠丈向與貧衲至交,只 -在早晚,准來會過,方到東昌。居士既要見他,但須留在敝庵,何必崎嶇程路?」錢生信以為實,忙令 -紫蕭,取銀發回牲口。紫蕭打開銀包,約有十餘兩碎銀。寂如瞧見,轉覺動火,一面著人整治精潔素餚, -開了一壇隔年陳酒,一面取出自己杜撰的打油詩句,向生請政。其詩不能備載,姑錄一二,以為笑資雲。 -  《山行訪友》(次弟寂通韻): -  日出東邊雨又飄,山前山後草蕭蕭。 -  蛙如小鼓花間響,竹似長槍風排搖。 -  幾處田禾農笠戴,數家村店酒旗招。 -  不知良友居何處,野衲來尋每問樵。 -  《春日即事》: -  芳草沿堤長,老晴三月天。 -  桃花已紅落,梅子又清圓。 -  晒衲小橋畔,搔頭曲徑邊。 -  木魚聲未動,談笑自悠然。 - -  錢生閱未數章,不禁失笑。忽見紫蕭進來,悄謂生道:「寂如的說話,未可深信。頃見寂通、寂照, -不住的交頭接耳。這個所在,荒村僻路,杳隔人煙。觀那頭陀,又生得面目兇惡,未知人心好反,相公 -須要主意。」錢生亦驚訝道:「汝何不早說?今已薄暮,只得權宿一宵,明早去罷。」 - -  不移時,紅日沉西,晚鐘已動,寂如燃燭方丈,羅列素餚,請生赴酌。錢生酒量雖佳,乃是隔年窖 -下,初飲時,甘而香美,未及數杯,便覺頭目森然。寂通執壺,只管殷殷相勸,紫蕭在旁,頻以目示錢 -生。錢生會意,即起身告止。寂如直引到後邊客房安歇。錢生已是半酣,上床即寢。紫蕭即於床側,和 -衣寢寐,但聞庭砌寒蜇奏響,反側不能睡去。將及更餘,起身登廁,側耳靜聽,恍若磨刀之聲,心中惶 -惑,潛往聆之,只見頭陀法雲,袒褐蹲地,手中磨刀,有四尺餘長。驚得冷汗浹背,疾趨進房,搖喚生 -醒,告以所見。生從夢中驚起,魂魄俱喪,忙問道:「此有後門乎?」口中雖問,奈何牙齒岑岑相擊, -雙足酸軟,寸步不能移徙。紫蕭已探知後路,負生於背,啟戶而逃。將及里餘,遙望樹林中,火光閃閃 -,趨往叩門,內有一婦,應聲而出,怪問道:「若輩中宵奔,恐非良善君子。」紫蕭放生於地,搖手道 -:「汝勿揚聲,此乃家主,適為賊僧劫害,暫向汝家躲避一宵,容當厚謝。」那婦人移火照生,乃一美 -麗少年也,暫舒玉腕,扶生進門,笑向生道:「妾家良人,重利遠出,使妾靜守孤幃。天遣郎君寅夜至 -此,所謂有緣千里能相會,郎君豈亦有意於斯乎?」原來此婦姓戚,頗有河間之行,寂如每欲私之,而 -戚氏固執不允。是夜愛生美貌,欲求倉卒之歡。錢生驚魂未定,豈復措意於殘花敗柳? - -  俄聞喊殺聲至近,生與紫蕭,方欲出門避去,見法雲橫刀於前,寂如、寂照、寂通俱明火持杖雜沓 -而至矣。戚氏以身蔽生,寂如因有宿憾,趨前一杖,法雲復刺一刀,可憐年少蛾眉,悠爾蘭摧玉碎。錢 -生雙膝跪下,哀聲懇道:「囊資自在寶剎,願乞饒命。」法雲叱吒一聲,揮刀即剁,錢生只得閉目待刃。 -但聞騞然一響,開眼視之,卻是法雲頭忽墜地。一人自梁上跳下,手執匕首,不滿一尺,往來飛刺,寂 -照、寂通俱迎刃而斃,只有寂如不知去向。錢生細看那人,面黑須黃,形容古異,竟不知從何而來。又 -見尸首縱橫、鮮血飄流,毛骨俱寒,益深觳觫。那人向著錢生道:「郎君不須害怕,吾乃真真兒也,承 -主公之令,特來相救。」乃以白練二方使主僕各蔽其首,耳畔但聞江濤洶涌之聲,足下如躡浮雲,又如 -憑虛御風,不待移步,而飄然自往。 - -  俄聞呼道:「至矣,至矣。」撤練一觀,乃是一所莊院門首。真真兒輕扣三下,其門自開,一人秉 -燭觀書,龍鳳姿容,江河劍俠。近前視之,其人非別,即梅花樓所遇之申屠丈也。錢生驚喜而拜道:「 -一自吳閶賤教,迢隔仙凡,注想芝容,徒形夢寐。茲為兇僧覬覦,皆因智之先機。自非玄扈神威,幾乎 -魂歸冥漢矣。」申屠丈亦答拜道:「俺自虎林獲遇梅山,便欲訪友燕雲,因以敝事,在燕子磯逗留數日, -極欲會郎一面,又值故人訂期於此。不意郎君受此一驚,雖命中所犯,然文星正現,豈兇禿所能加害也。 -但郎遠來訪某,必有所諭。」錢生備以明珠為告。申屠丈拍腦數四道:「若諭別事,可以俄頃如命。至 -於夜珠,乃希世之寶,非購之賈胡,索之椒房勳貴,不可得也。然郎特來尋我,敢不竭力求之。此去東 -昌,程止四九,郎宜往省令叔,暫留府廨,俟某一獲奇珍,便當面奉。」錢生聽見許允,非常欣喜,又 -問梅山行止。申屠丈笑道:「梅山亦為郎君,用了多少心機,他日燕子樓成,慎勿忘那撮合山也。」錢 -生雖不喻其意,然亦不及詳問而別。 - -  且說錢公一鶴,字曰鳴皋,夫人米氏,一子錢菘,俱留在家,只攜琴書之任,蒞政期年,口碑載道, -頗有杜召之擬,五桍之謳。一日,退堂閑坐,忽聞雲板傳進,姑蘇十一相公在外。鳴皋聞報,急忙請入 -衙中。相見已畢,各敘衷懷。鳴皋深以錢生遠臨為快,細叩學問,談文析理,俱中肯綮,不勝嘆服道: -「一別數載,不意吾侄學業大成,鄧林之木,十霄可望,洵為謝氏之惠連,非復吳下之阿蒙矣。」錢生 -亦備細問那起居近況,鳴皋道:「愚叔他無所樂,惟幸訟簡民安,日飲醇醪耳。」 - -  自此生在衙中,倏忽月餘,盼望明珠,久無消息,乃潛出私衙,觀探山川土俗。蓋東昌為南北往來 -之所,過客如雲,車馬闐塞。流覽之際,忽遇清士賈文華,文華驚問道:「聞說臺駕自往南畿,為何卻 -在於此?」錢生道:「此係家叔敝治,特來省候。不知賈兄此行為著何事?」。文華道:「某獲遇斐公 -子,刮目相看。近因大司馬促取進京,僕亦隨轅北上耳。」錢生笑道:「古人有云:『游大人以成名。』 -今文華得遇貴人提挈,甚喜甚善。但長安道中紅塵千丈,得意濃時便宜馬首向南,勿使閨中冷落,悵望 -那陌頭楊柳,可也?」文華含笑而去。又一日,錢生步出城外閑行,聞土人說道:「離城數里有陶府君 -別墅者,園亭卉石,頗為幽雅。」錢生即縱步尋之,數里之外,果見圓房一座,乃以數錢,贈與管園人, -方得進內。雖有竹亭月榭,然時值仲冬,光景蕭條,不堪娛覽。徙倚片時,聊以適興而已。既而轉身回 -出,忽見園左一家粉壁上大書七字云:「白雲峰零沽美醞。」錢生口吻枯渴,正有茗碗之思,因近前觀 -那店主,雖是市井中人,白鬚飄然,形相不俗。又觀其脯饌壺觴,十分精潔,遂入店中沽飲。白雲峰笑 -道:「相公像是南邊來的。江南好不繁華享用,我這裏野味村醪,恐不中意。」錢生亦笑道:「細觀盛 -肆,可謂精雅之極。聊買一壺,以消閑況。」於是斜倚朱欄,把杯徐酌。不多時,卻消盡了二壺。想起 -明珠未知何日方有,欲作一詩記懷,乃向白翁借取筆硯。雲峰道:「想是相公要吟佳句了。」忙進以桐 -葉之箋,松煙之墨,筆既兔穎,而硯亦端溪。錢生暗暗贊賞,即濡毫揮成一絕云。詩曰: -  偶倩松醪浣俗塵,翩翩裘馬伴游人。 -  妝樓只盼明珠到,北海何須待化鯤。 - -  白雲峰道:「相公正要青雲高步,為何反有『何須化鯤』之句?」錢生注目直視道:「翁亦知詩者 -耶?」白翁道:「老漢少時,頗解吟詠,近因年邁,筆硯遐疏矣。」錢生口中雖應,而心實未信。將歸, -留銀一錠,並作下次酒資。自此不時往來,與白翁漸漸契密,然亦未知錢生是五馬公子之猶子也。鳴皋 -以生時時出游,惟恐涉跡於平康巷陌,乃稍為拘禁,而問生道:「汝來許久,我因衙門事情旁午,未及 -詢汝,年將二十,亦曾託媒行配乎?」錢生答以尚未。公又謂生道:「金須鍛煉,玉必琢磨,吾侄武庫 -雖充,亦不可久荒范耳,明秋又是文戰之期,倘能高捷棘闈,自然有女如玉。」錢生未敢語以明珠一事, -惟頷之而已。 - -  時值歲闌,朔風凜冽,淒雨時濛,遂不及再詣白翁酒肆。不覺殘冬已過,人日俄臨。是日,鳴皋被 -四府請宴,錢生以衙齋閑寂,又悄悄步出林間。向著壚頭剝啄數聲,雲峰久不出見。俄聞班竹簾內嬌嬌 -滴滴的聲兒,應道:「來了」。應聲未絕,氤氳香氣沁入鼻端。正是:兩處牽情,已惹相思無數﹔那知 -三生石上,重尋一笑姻緣。 - -  要知端的,且俟下回,次畢其說。 - -第十回 詠雪詩當壚一笑 - - -  詩曰: -  雙袖蹁躚舞越羅,小娃十五解吳歌。 -  灑壚體說臨邛好,閶闔門前花柳多。 -   ───右《竹枝詞》 -  西子湖頭賣酒家,春風搖蕩酒旗斜。 -  行人沽酒唱歌去,踏碎滿街山杏花。 -   ───右《竹枝詞》 -  當日錢生自尋白雲峰閑話,不意娉婷嫋娜,走出一位佳麗人來。錢生注目視之,神瑩秋水,態若朝 -雲,其他不能細數,只這秀髮堆鴉,金蓮一捻,便足魂銷。那女子啟一點未脣,露兩行玉齒,逡巡問道 -:「郎君是欲沽飲麼?」錢生道:「非也,特來尋雲峰閑敘。敢問姐姐,還是白翁何人?」那女子道: -「雲峰,妾之家尊也。去冬有一位,做那『偶情松醪浣俗塵』之詩的,或是郎君否?」錢生道:「此乃 -酒後俚言,何勞記憶。」女便問生姓氏,所習何業,錢生謬答道:「姓孫,到此貿易。」隨問其青春幾 -許,那女子道:「虛度三五。」又問芳名,答道:「小字瑤枝。」錢生又問道:「餘自客歲,即向尊肆 -沽飲,往來匪朝夕矣,為何不見姐姐?」瑤枝道:「因外大父有恙,過去相探耳。今日家君亦為探望而 -去,想必抵暮方回。」錢生又問室中更有何人,瑤枝道:「止有老母,近亦抱病伏枕。」錢生雖與昵敘 -良久,然一片芳心自在友梅、夢珠,並非鐘情於瑤枝也。惟瑤枝獨欽羨生纔。及生欲別,固留道:「尊 -寓在城,風寒路迂,請以屠蘇暖君凍足。」錢生笑道:「鄙人愧無玉杵臼,姐姐乃欲啜我以瓊漿耶?」 -方舉杯欲飲,而彤雲聚起,天昏欲晚。素雪既零,淒風凜冽,未幾,推扉一望,大地悉成縞素。錢生倚 -楹而喟,若有憂色。瑤枝道:「歸途既阻,妾家衾綢頗備,君何憂焉?」錢生道:「室無男子,而小生 -徘徊不去,將無瓜李之嫌,以貽尊君見罪?」瑤枝道:「無害也,老父龍鐘,諒不能冒雪而歸。」乃令 -小鬟煽紅爐火,與生擁爐而坐。 -  錢生道:「姐姐既知拙詠,必工染翰,可無佳作,以貺予懷?」瑤枝即為呵凍,和生前韻一絕。詩 -曰: -  每恨桃源閉綺塵,無端輕別有情人。 -  妾心只羨鴛鴦鳥,不敢投梭惱謝鯤。 - -  錢生覽詩大笑道:「詩誠妙絕,但不知謝鯤是誰。」瑤枝道:「遠則千里,邇則目前。苟有情種, -妾便以終身許之矣。」錢生道:「小生固是有情者,可惜遇卿晚耳。」瑤枝默然。錢生又道:「清坐寂 -寥,曷若以雪為題,聯吟一律,可乎?」瑤枝道:「惟命。」詩曰: -  碎剪冰綃片片春,(生)瑤臺多少散花人。(瑤) -  剡溪夜棹逵堪訪,(生)庾嶺寒葩色掩真。(瑤) -  十二珠簾非卷月,(生)三千銀島淨飛塵。(瑤) -  小橋漁笠渾如畫,(生)疑是南宮筆有神。(瑤) - -  吟訖,瑤枝進門,侍奉湯藥。於是陰風淒淒,瞑色白合,銀釭既點,角枕橫施。瑤枝直待其母睡熟, -方得步出中堂,見生向火而坐,急問道:「君怕寒耶?」即卸下綿半臂,與生御寒。錢生謝道:「偶爾 -相逢,姐姐便鐘情如此,使小生何福消受?」瑤枝乃詰問道:「妾細哦君詩,並觀君言語動靜,的是名 -家仕胤,決非商賈中人也。願明以語我。」錢生笑而不言。瑤枝道:「妾固知之矣。君必欲終秘耶?」 -錢生乃以實告,且囑其隱而弗泄。 - -  瑤枝道:「君既宦家,必已問名貴族,但不知充下陳、備灑掃者,曾有幾人?」錢生憮然道:「尚 -乏齊眉,何雲姬媵。」乃以夢珠小姐月下相會,及尋申屠丈求取明月珠一事,備陳顛末。瑤枝道:「細 -聽君言,則君與范小姐,均可謂有情人矣。第不知今後又遇一人焉,其有情亦如范小姐者,君肯以待范 -小姐之情以待其後見者乎?」錢生道:「餘情痴人也,每閱裨史,至君虞之負小玉,王生之負桂英,未 -嘗不掩卷三嘆,而尤其辜恩薄倖。然世上又有一等,入秦樓而竊玉,過芝館而迷香,情欲搖搖,而欣彼 -羨此者,則亦好色淫亂之徒耳,而非所謂深情之士也。若夫信誓旦旦,終始不渝,生而可以死、死而可 -以生者,方謂之有情耳。使餘今而後,又遇有情如范小姐者,欲我舍范小姐而從彼,則吾不能,若欲以 -待范小姐之情以待之,則胡為而不然?」瑤枝道:「妾聞待媒而嫁者,正也。擇美而從者,權也。竊觀 -郎君,器宇不凡,溫然玉潤,誠騷雅之領袖、士林之翹楚也,故一睹豐儀,志念遂決。君雖無援琴之挑, -妾實有銜玉之意,願獲託身姬侍,又未卜君子肯分涓埃之情,少及於濯浣之賤乎?」錢生暗思:梅山老 -人曾許我以三位妻小,雖友梅、夢珠,會合無期,然盟言已訂,或者第三室之緣,其在斯乎?乃欣然許 -諾。瑤枝即求設誓,錢生乃誓道:「生則同衾,死則同穴,泰山如礪,心炳日月。」誓畢,漏下已三鼓 -矣。 -  燈火之下,細睹瑤枝,皓齒明眸,愈覺艷麗。乃笑道:「盟既訂矣,良宵難過,請坐何為?」瑤枝 -正色道:「妾之所以午夜會君者,誠為百年之事也。今既蒙金諾,荐枕有日,雖鄙陋之軀,不足珍愛, -然私諧萱幃以圖苟合,則妾亦淫蕩之人耳,君何取焉?」錢生道:「卿言是也,我雖熱中,姑忍制以待 -合巹耳。」直至雞鳴而息,終不及於亂。黎明雪霽,錢生賦詩為別。詩曰: -  邂逅相逢即誓盟,何須跨鶴入瑤京。 -  黃河莫道深無底,未及卿卿一片情。 -  瑤枝亦次韻以答生。詩曰: -  休忘雪夜訂姻盟,作速觀光上玉京。 -  今後馬嘶門外路,凝妝終日盼多情。 - -  吟訖,遂戀戀各道珍重而別。錢生進府,錢公慍容詰問,乃謬以尋謁申屠丈求珠為辭。鳴皋驚道: -「那申屠丈乃江湖仙俠,我雖聞其名,而未見其人,子何從而識面?又何因而求珠耶?」錢生備告以姻 -親一事。鳴皋道:「昔日裴航,得玉杵臼以聘雲英,至今述異者以為美談。今吾侄亦欲尋明月珠,以求 -范氏,倘婚姻果遂,異日風流場中,又添一段佳話矣。但申屠丈既已許汝,只須靜以俟之,又何必栖栖 -然,而空騖於外哉!」錢生退至側邊書室,思念瑤枝,作小詞以述其事云。詩曰: -  有女艷當壚,疑是來姑射。十五正芳年,一幅春風畫。不必奏求凰,便許終身嫁。此後問相思,又 -在青簾下。 -   右調《生查子》 -  錢生又見齋前梅花盛開,以懷友梅,作詩一絕。詩曰: -  曾記芳名是友梅,梅花獨向郡齋開。 -  朝雲暮雨知何處,不入羅浮夢裏來。 - -  過了數日,鳴皋坐堂將退,忽見皂快稟稱,有一申屠丈要見老爺。鳴皋慌忙請入後堂,掩門相見。 -又喚錢生出,會畢,申屠丈便向袖中取出明珠付生道:「俺自郎君見託,直逾嶺海,尋見賈舶,以三十 -萬緡購得此珠,雖淹滯十旬,幸不辱使命。在郎姻事可諧,而某報郎之心亦盡矣。」原來珠逾徑寸,光 -明圓潔,若黑夜放在室中,則一室皆明。昔惠王所云「照秉」,季倫每以代燭,皆是物也。 - -  錢生捧珠踴躍,再拜而謝道:「萍水相逢,過叨恩渥,既起之於垂殞,又錫之以奇珍,銘骨鏤心, -感何可既。」申屠丈又囑生道:「室家之事,因當勉圖,此外或遇閑花野草,亦須屏卻淫邪,以存陰騭, -庶幾功名可成,而遐齡可保。郎宜珍重,俺從此別矣。」鳴皋與生牽袂懇留,申屠丈執意要行。錢生欷 -噓道:「此別之後,不知何時再會?」申屠丈道:「後會無期,難以輕約。或於便鴻,當稍附一信耳。」 -言論,飄然策蹇而去。錢生即於次日黎明,辭別叔父,帶了紫蕭,回詣金陵。鳴皋亦遣人護送,並修書 -一封,問候范公,為生申說親事。 - -  錢生一到白下,即入城先訪許翔卿。許家回說舊冬已到北京去了。錢生便由大街趨往范宅,但見門 -外悄無一人,門上封皮緊鎖。錢生茫然不解其故,遍處尋問,方遇一老蒼頭,蒼頭泣道:「家老爺不知 -為著何事,忽被聖上拿門,去年十月間,已為錦衣衛校尉拘往長安去了。」錢生又問:「夫人、小姐今 -在何處?」蒼頭道:「當老爺臨去那一晚,夫人、小姐即隨著小相公出城,今亦不知去向。」錢生聽見, -徬徨不寧,淒然欲泣,乃謂紫蕭道:「我只道有了明珠,則姻期可以唾手。誰知又遭此變,如何是好?」 -紫蕭道:「既范爺有了這件奇禍,即尋見了夫人小姐,恐亦無濟於事。不如原到東昌,再為商議。」錢 -生曰:「汝言最是。」遂連夜出城,向客店中安歇一宵。次日,五鼓起身就路,不則一日,又到了東昌。 -   -鳴皋見生,驚問道:「吾侄去而復回,莫非親事不諧麼?」錢生說出范公被逮之事,鳴皋大駭道: -「闇老已謝歸林下,那當事者猶放他不過,必欲羅織以罪,真可為寒心矣。故仕宦之險,昔人喻以泛海, -信不虛也。但吾侄姻事,將欲如何?」錢生道:「姻事且不須提起,竊料范年伯此去,輕則貶竄遐陬, -重則竟有滅身之禍。愚侄放心不下,欲到京師,探聽消息,不知叔父以為可否?」鳴皋道:「今日正是 -小人世界,子去探問,恐或被人偵知,不惟無益於公,抑且惹禍於己。況今科試在邇,我正欲為汝斡旋 -前程,以向秋闈鏖戰。若到北都,豈不誤了科場大事?依叔愚見,還是不去罷。」錢生道:「不然,平 -居無事,則依附門牆。一朝有患,即掉首不顧,此乃小人澆薄之態耳,侄豈肯效之?況范年伯青眼盼睞, -既已骨肉我矣,今日到京一望,亦情理所不能已者。且不肖此去,自當小心在意,決不惹禍,以貽叔父 -之憂。」鳴皋躊躕半晌道:「汝既要去,我即著人,為汝納了北監,以便在彼應試。須念三年辛苦,閑 -在寓中,再把經文用心細繹。倘遇朱衣暗點,豈惟爾叔之喜,庶不孤爾母倚閶之望耳。」 - -  於是擇吉日起程,鳴皋置酒餞別,臨岐再三囑咐:「前途謹慎。」又作詩為贈,有「不獨秋風聆鶚 -荐,馬蹄並望探花歸」之句。錢生俯首受教,揮淚而行,因期促意忙,不及向白翁一晤。 - -  將抵部門,已四月中矣。畢竟是皇都地面,風景繁妍,有多少劍履簪纓、鳴珂於丹陛,雕鞍紺幰, -擊殼於通衢。以至龍樓鳳闕之崇華,四海九州之客旅。有先賢《長安春望》詩為證。詩曰: -  南山晴望郁嗟哦,上路春香玉輦過。 -  天近帝城雙關迥,日臨仙仗五雲多。 -  鶯聲盡入新豐村,柳色遙分太液波。 -  漢主離宮三十六,樓臺處處起笙歌。 - -  錢生到京,尋一寓所,在國子監之左。其居亭主姓王,號季文,原籍姑蘇,以刀筆為生涯,蓋訟師 -也。有女蕙姑,年已二十有五,雖曾受聘,尚未於歸。生以桑梓之宜,且便於進監,故借寓焉。此時王 -太常已起服進朝,連升二級,除授吏部左侍郎之職,錢生慮其猶宿舊憾,故從母姓,而改諱為芳。自有 -鳴皋遣來之僕,投遞文書,照例納監,不必細談。 - -  生以鞍馬勞憊,在寓靜養數日,方到刑、兵二部打探范公消息。忽於中途湊巧遇著賈文華,便邀入 -酒樓敘晤。文華道:「臺下進京,必有貴務。」錢生道:「不為別事。只因金陵敝年伯,奉旨欽提,特 -來探候。」文華道:「若尊駕早到半月,便得相會,今范公已出京去了。」錢生道:「賈兄既知敝年伯 -出京消息,必知所以得禍之由了,願乞賜聞始末。」文華乃附耳謂生道:「只因范公有一小姐,新吏部 -王爺欲與聯姻,范公執拗不允,故王吏部致書裴爺,求他尋計中傷,不料裴爺正怪范公冷落,故假旨逮 -了進京。初意不過但恐嚇他一番,使他驚懼,從了王太常的婚姻,便放耳,不料范公為人耿直,寧死不 -從。欲要重處他,又因他在開封做太守,清廉有名,故但謫到塞外去了。」錢生聽了,不勝嗟嘆。文華 -飲罷,因有事別去。錢生悵然,回到寓所,毫無外事。每日只是閉戶溫習經史,以圖上進。但客窗誦讀 -殊覺寂寥,有詩細詠之道: -  枕疊殘書床繫繩,照人無焰是孤燈。 -  縱然異日青雲客,此際淒涼不啻憎。 - -  卻說王季文的女兒蕙姑,因夫家無力未娶,琴瑟衍期,標梅失望,未免花朝月夕,對景生情。又見 -錢生少年風雅,愈覺動心。又聽見他夜夜誦讀,如鶴唳、如蛩吟,聲聲感人肺腑。這一夜,按納不住, -乘人睡熟,竟悄悄走至窗下竊聽。欲推門而入,門是關的,只得輕輕扣響,錢生聽了,忙掩卷問誰,卻 -又寂然。未幾,將欲展卷,又聞扣響如前。生平素畏鬼,亦呼紫蕭,而紫蕭已垂頭熟睡,乃執燈自起啟 -扉,只見蕙姑靜立於扉外。驚避進房,蕙姑亦尾後而入。錢生愕然道:「小娘子寅夜至此,有何見諭?」 -蕙姑道:「聞君靜夜讀書,特來作伴耳。」錢生道:「小生自有聖賢為伴,請勿進內,男女之間,嫌疑 -不便。」蕙姑剔了燈煤,翻弄書帙,含笑而問道:「君乃風流名士,曾閱《西廂記》否?」錢生正容道 -:「此乃艷曲淫詞,豈入我輩之目?」蕙站又雜以諧謔,多方誘生,而生終不能動。乃雙臉暈紅,含慍 -而退。自後,錢生防避甚密。 - -  一日,與王季文閑話,偶及蕙姑親事,姑知其婿文長儒,乃順天府學,一貧如洗,不克糊口。錢生 -以叔鳴皋所付囊資有餘,且憐蕙姑之情,乃呼長儒,以五十金贈之。無何,已是八月初旬,錢生因試期 -已迫,謐慮凝神,擬經書題七個,做成七篇。及入場,四書題悉如所擬,惟經題稍異耳。以後二三場, -俱一揮而就,文藻燁然,若有神助。及揭曉,中在前列。 - -  鹿鳴宴畢,謝過座主房師,收拾行李,將欲南轅。適值鳴皋遣人以書付生。生啟緘視云: -  閱鄉書,知侄果已奪標,使我老懷浣慰。此後更宜著鞭,把長安花一朝看盡,而錦裏言旋,一副爾 -叔眷眷之望,尤為至快也。我老矣,將營糟丘,投奔而隱,爾弟豚犬,不足為言,所以紹青氈而有高門 -之慶者,獨在汝耳。時屆歲寒,燕山雪花如斗,惟侄加餮自慎為囑。外寄小菜數種,銀若干,以為汝旦 -夕薪水之費,須逐件檢入。錢生得書,行蹤遂止,然心中怏怏,一片相思愈深幾倍矣。 - -  欲知春試如何,下回便見。 - -第十一回 因賽神計劫蘭閨秀 - - -  詩曰: -  南方淫祀古風俗,楚媼解唱迎神曲。 -  鎗鎗銅鼓蘆葉深,寂寂瓊筵江水綠。 -  雨過風清洲渚閑,椒漿醉盡神欲還。 -  帝女凌空下湘岸,番君隔浦向堯山。 -  日隱回塘猶自舞,一門依倚神之祜。 -  韓康靈藥不復求,扁鵲醫方曾莫睹。 -  逐客臨江空自悲,月明流水天已時。 -  聽此迎神送神曲,攜觴欲吊屈原祠。 -   ────右《夜聞賽神因題即事》 唐李嘉祐作。 - -  卻說錢老夫人,自從生往白下,即備重禮,酬謝了崔、李、陸三子,又託崔子文置酒虎丘,以答報 -那勸公呈的合學朋友。既而崔、李俱到外郡游學,惟陸希雲不時到門訊候。老夫人膝下淒涼,少不得心 -中牽係,俱不必細說。 - -  且談秋煙姐,既切離思,又因懷娠,所以精神倦憊,情緒全無。聞啼鳥以驚心,愁眉常鎖,睹花枝 -而增慨,涕淚時流。惟有繡琴,十分中意,往往微言帶謔,冷笑含譏。秋煙每不能時,亦以惡語相加, -二人因而成隙。每一日早起,以人參湯進於夫人,夫人看見淚痕瑩頰,細為詰問,秋煙遂把他事抵飾。 -繡琴知之,乃譖於夫人道:「向見秋煙與某童戲於廂房,前曉又見秋煙潛入錢吉房中,逾時而出。」夫 -人聞而稍有疑意。又一日,秋煙要買繡線,尋見錢吉,持錢付與,因而閑話片晌。繡琴又以告夫人。夫 -人治家嚴肅,雖婢女,不容少有邪私,於是深信繡琴,而欲覓配以嫁秋煙。無何,乳腹漸高,夫人乃大 -怒,將呼杖而撻之。秋煙料難隱匿,以生所題羅帕詩奉進,夫人細玩,詩意清新,而筆跡可驗,即回嗔 -作喜道:「既有此事,汝何不早言,若幸舉一男,亦一喜快也。」於是恩寵日隆,女紅盡輟。繡琴愈嫉 -焉,乃與桂子密謀傾擠,乘間竊其汗巾一條,置於錢吉枕底。吉妻見之,疑與秋煙有私,與吉爭鬧,而 -以汗巾訴於夫人。及呼秋煙審訊,秋煙茫然無以自明。夫人大怒道:「汝與賤奴通奸,輒敢污蔑爾主。」 -遂以荊條撻之數十,即時祛出錢吉,而買藥墮胎。服藥三劑,胎竟不下,於是褫去衣裙,每日蓬首跌足, -供役廚房,兼又槌詈兼至。自此秋煙之苦,殆不可勝言矣。 - -  至冬,將欲臨蓐,繡琴與夫人計議,俟其生下,即當淹溺。夫人又託梅三姐,尋配以出之。忽錢貞 -報進:「南京范夫人、小姐與小相公俱到。」夫人驚喜出迎,范夫人肩輿陸續而至。相見畢,彼此各敘 -間闊之情,一一問安。次及范公,范夫人泫然泣下,便訴出奸人傾陷,被朝廷提問一事。小姐觸著愁腸, -掩面而泣。老夫人亦不勝傷感,次後問生何在?范夫人道:「賢郎在被難之前,已往山東省叔矣。」老 -夫人心下始安,治酒款待,雖殷殷勸慰,范夫人、小姐,終席不舉一觴,止啜薄糜而已。范斐既已安頓 -家小,即往京師探望,辭別而去。范夫人偶見秋煙腹中懷孕,而因悴可憐,心頗疑之,因以訊夫人,夫 -人道:「言亦可丑,彼與狡童私媾,今將臨月耳。」隨喚秋煙,又羞辱了一場。 - -  且說夢珠小姐,自公被逮之後,時刻悲思,寢食俱廢,每夕焚香吁天,願得聖恩寬宥。范夫人雖十 -分憂郁,惟恐苦傷小姐,時時安慰,其如玉慘花愁,終不能少解。嘗作《憶父》詩云。詩曰: -  天恩何日釋南冠,歸雁雖多信尚寒。 - -  讀罷《離騷》重拭目,白雲何處是長安。珠娘以夜長難寐,獨於燈下觀書,耳中忽聞嗚嗚咽咽,婉 -轉悲啼,聲甚淒楚。訊之,乃秋煙也。唱然道:「我有天大憂愁,只得含悲忍泣,爾乃自罹其苦,胡為 -徹夜號嘆乎」?秋煙推扉而進,淚流滿面,終泣而對道:「奴有一腔苦衷,無可告訴,今天幸軒車遠至, -願得少披肝膈,不識小姐亦肯垂聽乎?」珠娘道:「我本愁人,今見爾貌楚言哀,使我殊為悲感,有何 -冤抑,不妨語我。」秋煙遂以錢生私昵之情,及臨別留詩。繡琴嫉譖之事,委曲敘畢,因泣道:「奴之 -一身不足惜,所恨讒言蔽明,心事莫白,以主人之胤,而為淫媾之私,倘蒙小姐肯賜片言,以白其誣, -死而不惜。」珠娘聽知孕從生有,便懷愍愛之念。次日進見夫人,力為辯悉,夫人道:「小姐不可信那 -花言佞口,我思之審矣,彼必先與賤奴通奸有孕,惟恐事泄,乃私主以籍口,故詩雖真而情則謬也。」 -小姐又反復言之,夫人終不能信,但含笑而已。 - -  既而繡琴又與桂子有隙,歷數其短,以告夫人。桂子聞而大怒,始以謀竊汗巾及偷出減妝內銀花數 -事,一一陳訴。夫人嚴為鞫究,桂子之過是虛,而繡琴之事卻實,深悔誤信其言,呼秋煙而撫慰之道: -「我屈汝,我屈汝。」即以繡琴發在梅三姐家。適有維揚客人,願出三十金,買以為妾,梅三姐匿其半 -價,而以十五金,請命於夫人,夫人深恨之,不考其人之清濁,欣然依允。未幾,秋煙獲生一子,試其 -啼聲呱呱,卜為英物。老夫人大喜,以生諱蘭,而古有「何物老嫗,生此寧馨兒」之語,遂命名曰寧馨。 -少不得三朝彌月,自有親鄰饋賀,俱不及細敘。老夫人以小姐前為秋煙屢白其誣,至是繡琴事敗,深服 -其智識過人。又嘗於鏡奩內,得所作《憶父》一詩,詞意酸楚,感而墜泣,因嘆道:「嬉笑之怒,甚於 -裂背,長歌之悲,過於慟哭。此語信然。」遂有為生納聘之意,而難於啟齒,私訊紅蕖,紅蕖述范公臨 -行之語以對,夫人大喜,自後待小姐之意,愈為恩密焉。 - -  光陰荏苒,不覺冬去春殘,倏爾又逢仲夏。范斐自塞上遣人回報,始知公已遣謫孤山。范夫人心中 -稍慰。惟珠娘既有思父之孝思,復以錢生杳無歸信,怨紅愁綠,綠眉時顰,待月迎風,愁城愈固,雖在 -喧嘩笑語之下,不無咨嗟嘆息之聲。是以刺繡心灰,絲桐譜冷,時時託諸吟詠,以自遣其愁況云。 -  《春日曉起紅蕖促看海棠因書即事》詩曰: -  香閨曉日上窗紗,懶向妝臺理鬢鴉。 -  侍女不知心上恨,幾回催看海棠花。 -  《暮春詠懷》: -  冉冉朝煙溜碧蘿,啼鶯聲老奈愁何。 -  憑欄悵望家千里,照鏡慵梳發一窩。 -  風拂簷鈴催夢去,蝶隨柳絮繞簾過。 -  可憐滿徑殘紅片,不及羅衫淚點多。 -  因秋煙之事,慮生在外,又以花柳牽情,嘗試一絕云。詩曰: -  紫燕雖歸信物受,成陰綠樹亂煙飄。 -  只怕春心渾未定,更隨明月聽吹蕭。 -  其詩連篇累帙,不能盡載,茲選誌一二,以見其愁怨恨聊之意焉。 - -  且說老夫人以槐黃時近,科舉秀才,紛紛的俱向白門應戰,不知生進得場否,心下不勝憂慮。忽一 -夜,夢見中丞公笑容滿面,握手而言道:「吾兒鄉闈奏捷,當在丙子。那業師鄭文錦,原注定今科中式, -只因文錦做了幾件虧心喪行之事,已把姓名褫革。吾兒在燕京旅邸,能拒絕蕙姑,不淫閨女,上帝以其 -操行清嚴,增壽一紀,又拔在今科連中,故特來與夫人報喜。」言未絕,但聞笙蕭細樂,一片喧沸,夫 -人因以問公,公道:「此正蕊珠放榜耳。」夫人道:「相公誤矣,今方七月,秀才尚未入場,怎去放榜?」 -公笑道:「夫人有所未知,人間揭曉,須俟八月下旬,至於天上,只在七月望後,便把應中俊英姓名, -俱已填定矣。」夫人再欲訴敘衷懷,卻被樹枝一絆,忽然驚醒。夢中之言,一句不忘,只以錢生該在南 -場赴試。為何反在北京,猜疑不決。曉起,以告范夫人。范夫人道:「賢郎君掞藻摛葩,纔高八斗,今 -秋奏捷,不察可知,致使夫人得此奇夢,先為之兆耳。」 - -  俄而三場考過,又早放榜之期,只見江上黃旗飛報崔李二生,俱獲捷了。同社中,惟陸希雲三報已 -捷。夫人望至月初,喟然嘆道:「我兒竟在孫山之外矣」。蓋生雖在北場中選,只因鳴皋為生納監,注 -了金陵祖籍,又把姓名改了魏芳,故報捷的只到東昌任上,兼往金陵舊宅。直到十月中,鳴皋方有書至 -,說生已在北闈中式,夫人大喜道:「曩夕之夢,信不謬矣。」范夫人、小姐,俱捧觴稱賀。秋煙聞了 -喜信,滿懷欣悅,不言可知。錢貞便欲豎立旗竿,夫人止住道:「偶爾僥幸,為什麼驚天動地?且待春 -闈及第,豎亦未遲。」又有幾個靠勢家人,概不收納。既而陸希雲公事北上,老夫人饋送贐儀,並修書 -寄生不提。 - -  且說鄭心如自謗生之後,崔子文訴向同社,將欲群聲其罪。又被李若虛當面唾罵了幾番,心如恐失 -體面,只得走求朋友,向崔、李懇息,又請各家,肉袒致謝,其事方寢。只因此名一播,那姑蘇仕宦, -悉知其奸險異常,再有誰人請荐?心如自覺無顏,避到臨安暫住。恰好遇著在城鄉宦,有胡御史者,延 -請西席。那御史是誰?即憨公子胡伯雅之父也,現任副都御史,告病在鄉,因憨公子目不辨丁,要請名 -師指教。鄭心如訪知這個機會,即央門客常不欺荐引,且許以厚謝,不欺便力荐心如,心如又謄出幾篇 -窗稿,具名拜謁。胡御史把文章細觀,擊節贊賞道:「清新藻麗,必中之纔也。」因此館事一言而妥。 -心如既進館中,探取憨公子之性,每日功課,並不講書做文,只談論些嫖經賭訣,以至閨閫鄙褻之事。 -及在胡御史面前,則又極口贊道:「令郎公子,虧其指授竅竅,近來文字,氣已食牛矣」。兼以脅肩諂 -笑,慣會趨迎,故不但憨公子日漸投機,而胡御史亦破格相款。自開絳帳,瞬息三載,其年暮春,胡御 -史起官北上,憨公子要到虎丘游玩,同了心如、不欺,隨即買舟至蘇,在虎丘寺內假一僧寮作寓。於時 -蘇人游虎丘者,往來紛錯如織,上自衣冠士女,下至蔀屋裙釵,莫不靚妝麗服,連臂而至。真是歌吹為 -風,粉汗為雨,羅紈之盛,多於江畔之柳,可謂艷冶極矣。所以憨公子縱日騁懷,十分得意。每日與心 -如、不欺觀看女客,看後則又數青論白,較其妍媸。至夜則飲酒啖肉,期於醉飽而已,究其胸中,不知 -山水為何物耳。 - -  忽一日,有樓船艤岸,前艙靠窗,站著艷婢四五,或輕搖紈扇,或笑指岸花,紛紛的嬌聲婉語。心 -如挽了憨公子之手,趨前指看道:「此船必有麗人矣。」俄而群婢,先擁著兩位老者登岸,姿容俱極清 -雅。次有一個女子,年可二十,輕煙淡月,真所謂畫中人也。你道此船果是誰宦宅眷?原來即是錢老夫 -人。因范夫人、小姐思憶范公,故特置酒船中,與他解悶,那賣花婦梅三姐,亦與偕來。憨公子指手畫 -腳,正欲往來挨看,因是日游人太多,夫人、小姐隨即下船而去。憨公子立在水涯,凝眸遙睇,直待那 -畫船去久,方回寓中,大聲道:「我今日害了相思病也。」因閉目靜想了一會,不住點頭道:「我得之 -矣!我得之矣!」原來憨公子,人雖鄙陋,那眼睛卻有高低,乃向心如道:「適見樓船中那個女子,果 -是觀音出世,怎能設一計兒,向銷金帳裏,取其一樂。先生既是蘇人,必然知其姓氏。」心如道:「在 -城宦族頗多,何由認識。若要訪問,則亦易易耳。」憨公子又問所以訪識之由,心如道:「頃見賣花婦 -梅三姐,亦在船中,只須明日喚來一問,則此女之姓氏可知矣。」憨公子大喜。次日,尋一識熟梅三姐 -者,託彼相喚。有頃,梅三姐來,心如便問:「日昨那一位年少而美麗者,可是誰宦之女?」梅三姐道: -「乃是金陵范夫人的小姐,向來僑居錢宅,年方十九,名喚夢珠。」心如道:「原來是范闇然的女兒。 -此位是杭州胡大爺﹔因見了范小姐的美貌,十分愛羨,故特請爾相商,不知爾能出一奇謀,使胡大爺得 -近嫦娥否?」梅三姐搖首曰:「那范夫人操凜冰霜,治家清肅,范小姐又端莊靜一,尋常不肯輕易一笑, -昨日因錢夫人力勸,偶爾一游。料想重門深閉,言不及外,雖有良、平,無所用其智耳。」憨公子聽說, -悶悶不怡,以手摩腹繞廊而走。心如道:「重賞之下,必有勇夫。公子既圖好事,何不先送酬金?」憨 -公子忙取出五兩一錠送與梅三姐,梅三姐推卻道:「無功可居,何敢受賜?」口中雖說,然見了一錠紋 -銀,未免心動,便又轉口道:「銀雖權領,不知尊意必欲如何?」心如道:「我聞牽引幽期,必須投其 -所好。故慕利者,可餌之以珠玉﹔懷春者,可誘之以風情,今范氏子生於宦族,則非財貨可邀。性既端 -貞,亦非淫邪可入,只須三姐早晚往覘,俟彼稍有動靜,便來回復,那時我自有計。」梅三姐欣然領諾 -而去。 - -  俄而四月已盡,將屆端陽,梅三姐杳然無回信,憨公子不勝焦躁。忽一日,將暮,聞扣門甚急,急 -忙開視,則梅三姐也。訊以所託若何,梅三姐道:「莫訝久無回報,只因彼略無動靜耳。近錢老夫人以 -城居暑熱,特邀范夫人母子移住尹山園房,日昨妾往訊候,值范夫人有恙,卜於巫者,巫者云:『必於 -十八日,賽於五郎,方愈。』有此一事,特來回達。」心如大喜道:「果如爾言,那范小姐在我掌握之 -中矣。」憨公子忙問計將安出。心如道:「彼既事神,我即假神以惑之。那尹山,乃郊曠之地,而賽神 -必至於夜,更煩梅三姐假以探疾,先至其家。我這裏只用數人,俱以殊墨涂面,選一身長而力巨的,衣 -以緋袍,扮如五郎模樣,將至黃昏時分,潛匿園中。當迎神之際,鈴角既喧,人又散亂,此時梅三姐暗 -中潛出,關會小姐所在,衣緋的排闥直進,背負而走。彼即知之而不敢追,即追矣,見此神形鬼狀,必 -不敢近。我這裏預先收拾行李,覓一快船泊岸,俟小姐一到,連夜開船,載至秀州,又於鴛湖左近,賃 -一所園房住下,直待范氏心諧意允,然後攜返臨安。人問時,貽以姑蘇娶來之妾,豈非神鬼莫測,而且 -易於反手,此計何如?」憨公子聽罷,哈哈大笑道:「妙計!妙計!」原來蘇俗祀神最以賢聖為重,相 -傳五月十八,乃其生日。其賽也,必用饅頭,及三牲蔬果之物,巫者唱誦神歌,一人發喉,數人和之, -其聲嘔啞可聽。及至椒酒屢進,則又搖枝吹笛,與作樂相似。蓋其風俗然也。梅三姐既受約而去,又託 -常不欺,先住嘉興尋寓,其餘自有跟隨僮僕,依計而行,不必細話。 - -  且說老夫人的別墅,在盤門之外,離尹山猶隔數里,其園雖不十分寬敞,也有四房繡闥,竹樹亭池 -,洵為避暑之所。那范夫人因冒風邪,染成一疾,老夫人平素佞鬼,便令巫者卜之。巫者附會其說,以 -為觸犯神怒,必須虔誠禱禳,不然,疾未能已也。卜未幾而疾瘳,愈信神祜之力。於是廣備醴牢,至十 -八夜,巫者登場,持鈴而謳,小姐焚香於庭,二夫人自在前廳閑話。其餘僕從,俱繞場而觀。 - -  此時憨公子所遣之人,已撬開園扉,分匿林蔭,手持瓦礫,向空亂撒。眾人驚喊道:「有鬼!有鬼!」 -巫者亦戰栗不寧。俄而衣緋者,暗與梅三姐關會,直趨中庭,背負小姐而走。諸匿者,或作鬼號,或拋 -泥礫,披髮執仗,隨後而趨。所以小姐雖極叫呼,而僮僕等,俱股慄心悸,不敢向前。及紅蕖飛報夫人 -拘喚眾人追趕,而珠娘已載入舟中,峭帆風迅,去之久矣。 - -  憨公子因以心如所囑,不可造次,遂獨放小姐於中艙,自與心如坐於艙首。珠娘惶駭不測,將欲赴 -水,怎奈防守甚多。是夜風便,黎明即抵南湖。時常不欺已賃下陶宦的園房一所。那管園馮二,只有夫 -婦兩個,年將五十,俱是揚州人氏。憨公子忙央馮嫗扶起珠娘,已哭得眼皮紅腫,喉干聲啞。憨公子乃 -同心如道:「設或小姐不肯順從,教我如何答話,如何勸諭?」心如便教以如此如此。憨公子方纔進前 -相見,珠娘叱之道:「汝等劫我至此,意欲何為?」憨公子道:「特慕小姐豐姿,願為夫婦耳。」珠娘 -大怒道:「我乃宦家之女,豈與爾等鼠狗為匹!我頭可斷,我身必不能污也。」憨公子道:「我乃杭州 -胡伯雅尚書之孫,御史之子也,不為辱沒了小姐。」珠娘厲聲道:「卻不道使君有婦,羅敷有夫?爾父 -爾祖既為顯官,爾乃作此盜賊伎倆,真犬彘也!」憨公子道:「汝已在我彀中,若不從順,只怕插翅難 -飛,徒自苦耳。」珠娘低頭暗忖了一會,便笑道:「爾既要為夫婦,妾亦不能違逆,但爾我俱是名家子 -女,豈可草草苟合,必須置辦香燭,喚一賓相,成了合巹之儀,方協於飛之願。不然,妾寧死不從耳。」 -憨公子大喜,忙與心如說知,遣人置備各色,珠娘又以髮亂,催取梳具,及捧進梳匣,內有裁爪利刀, -珠娘回顧無人,淚流滿頰,低低嘆道:「我亦不難一死,只可恨錢郎盟約成虛,父母勤勞未報。罷罷! -若再遲延,必遭奸賊之辱,我寧作貞魂,游於地下耳。」乃取刀向頸一刺,血濺如流,登時身撲,憨公 -子已令人點香燃燭,進內催喚,只見珠娘刎死在地,睨而笑道:「痴人!痴人!把性命如此輕賤耶?」 -趨告心如。心如大驚,急向房中看驗是實,乃道:「三十六著,走為上著。」遂與憨公子開了側門,驚 -竄逃走。管園馮二喚到賓相,等候多時,自往裏邊呼問,行李雖在,悄無聲息,掀開竹簾,忽見珠娘橫 -僕於地,急忙走出園扉,四野尋望,杳無一個人影,跌腳叫苦道:「這場橫禍,怎了!怎了!」正在憂 -慌,剛值常不欺走到,馮二一把扭住道:「是爾借房,今又殺人在此,爾須償命」!常不欺愕然不辨其 -故,被馮二扯進房中,指著珠娘道:「你瞧,你瞧!」嚇得不欺冷汗淋身,半晌不能開口,低頭呆看。 -忽聞珠娘喉中哽咽有聲,以手撫額,猶覺溫暖,忙與馮嫗扶起在榻,以湯灌下,須臾甦醒。 - -  原來小姐力弱,外邊皮肉雖傷,不曾損內也,是命不該絕。常不欺被馮二羈住不放,只得延醫調治 -。將及半月,漸漸平愈。珠娘始以不欺等假鬼行劫訴與馮嫗,因懇求道:「若得賢夫婦送返姑蘇,當以 -金帛重謝。」 - -  馮二夫婦始初道是憨公子所娶之妾,至是方知搶劫來的,便假意要將不欺送官究治,不欺慌了,連 -夜遁去。 - -  要知馮二肯送歸小姐否,且聽下回再表。 - - -第十二回 為深情魂遺金鳳釵 - - -  詩曰:(集唐) -  寂寞山窗掩白雲,(權德輿) -  春風應自怨黃昏。(韓偓) -  舞鸞鏡匣收殘黛,(李商隱) -  環佩空歸月下魂。(杜甫) - -  話說陸希雲自赴公車,朔風凜冽,逼歲遙征。至明年正月,方抵京師。舍寓既定,便尋至生邸。二 -人相見,握手道歡。希雲即以老夫人書信付生,錢生拆書細看,箋首無非慰問平安,並望春闈克捷之意。 -至中間有范夫人、小姐抵舍逾年,相數晨夕,稍免寂寞之語。生方知小姐即主於家,欣然色喜。書尾又 -云:「秋煙去歲冬杪,幸獲弄璋,眉清目秀,器宇不凡,今已彌歲矣。並此附聞數語。」錢生大喜,於 -是收攝精神,杜門不出。或值希雲在寓,擬題構文,講析經義,每至內夜而息。 - -  及三場畢後,希雲下第,錢生竟獲高捷,少不得雁塔書名,瓊林赴宴。既而希雲策蹇南歸,錢生造 -寓言別。希雲道:「前歲吾兄係獄,賈文華適在裴寓,為兄辯剖甚悉。今賈生以谷斯生所譖,發在刑部 -勘鞠已半月矣。去家迢遠。誰為救視?若吾兄肯向老裴一言申救,則老裴必然聽兄,而賈生方有再蘇之 -機耳。」錢生喟然道:「吾曩遇文華,曾以微言規諷,惜乎彼不能喻,致有今日之事。雖在泛然一面, -猶當力救,何況有德於弟,敢不領教乎?」希雲大悅,錢生以贐儀厚贈,直送至盧溝橋,然後分袂。 - -  當入殿試,卷有班馬文章,鐘王字跡之批,因「黼黼」二字有訛,乃置三甲,工部觀政。時王梅川 -正在銓部,又使人謂生云:「若得入贅,本部主事可得也。」錢生不從,遂不獲與選。然是時,朝綱日 -紊,錢生亦無仕意。因文華一事,持令長班持刺,經拜裴玄,玄見錢生已成進士,足恭款接。閑敘良久, -錢生以文華為懇,玄笑道:「我待彼厚,而彼負我實甚。若他人言,弟決不從,今以兄命,當即宥釋之。」 -及玄回拜,錢生又極力言之。奈歸心甚急,不能候賈釋獄,乃留書一封,託王季文轉送裴玄。膏東秣馬, -擇日出京。 - -  在路兼程迅發,將抵東昌,鳴皋先已遣人在驛迎候。進衙相見畢,鳴皋道:「自侄春闈報捷,使我 -喜而欣舞,即具病揭,辭諸撫臺。雖蒙撫臺慰留至再,士庶有借冠之請,然以恩蔭,歷官至二千石,願 -已足矣。況得賢侄步武前修,與宗有望,而鱸魚正美,轉覺歸興濃耳。故專俟錦旋,不日交印二府,與 -爾同返金陵。祭墓之後,爾便回家省母,不知侄意以為何如?」錢生道:「叔父之命,敢不遵依,但不 -肖偶叨一第,何足為榮。若以吾叔河清素望,方將折沖樽狙,奚即以歸隱為急哉?」鳴皋道:「方今蕭 -牆隱不測之憂,四野有倒懸之苦,材非經濟,豈可尸位素餐,故不若拂衣而去,以栖遲於桑間十畝。吾 -志決矣,子無強勸。」少頃,同知張沁,理刑俞忠吉,鄉紳馮訥,俱來奉賀。當晚,鳴皋設宴以請同寅, -盡歡而散。次日,錢公便欲起身,錢生告以瑤枝訂姻一事,公笑而許之。生以便服,只帶紫蕭跟隨,迤 -邐出城,來到白家門首,但見竹扉靜閉,叩喚數次,翁方啟扉而出。一見錢生,扑簌籟淚珠滾下。白嫗 -聞知,亦即出來,持生而哭道:「君害我兒,君害我兒!」錢生驚問其故,白翁道:「自從去年人日, -君與吾女訂姻,一去之後,杳無信息,致使小女思郁而亡。今已七日了,教我白頭夫婦,再靠誰人?真 -害得我好苦也。」言訖,大哭。乃引錢生進內,靈柩即在壁也,錢生撫棺一慟,昏絕於地。有唐崔護詩 -為證,詩曰: -  去年今日此門中,人面桃花相映紅。 -  人面不知何處去,桃花依舊笑春風。 -  白翁夫婦慌忙呼喚,移時而醒,翁又取出瑤枝留詩一緘,錢生拆開視之。乃是集唐四絕,備述訣別 -之意。詩曰: -  離恨空隨江水長,(賈至) -  雁飛猶得到衡陽。(王昌齡) -  時時引領望天末,(孟浩然) -  猶把梅花愁斷腸。(李群玉) -  登高遠望自傷情,(長孫佐輔) -  北雁歸飛入冥冥。(賈至) -  幾度相思不相見,(楊巨源) -  黃鸝空囀舊春聲。(武元衡) -  鶯囀高枝燕入樓,(張仲素) -  羅衣濕盡淚還流。(裴交泰) -  一朝憔悴無人問,(盧照鄰) -  夜夜孤魂月下愁。(杜牧) -  不如行路本無情,(長孫佐輔) -  夢逐東風到洛城。(武元衡) -  緘此貽君淚如雨,(李端) -  須知後會在來生。(白居易) - -  錢生誦訖,止不住涕淚交下。白翁夫婦亦復搥胸大哭。錢生慰之道:「曩與今愛一言訂約,則夫婦 -之盟已定,豈以人亡,而失半子之禮。今某幸獲登弟,俟俟至姑蘇,稟過老母,即當遣人迎接。念死者 -不可復生,翁宜自遣,勿致過哀成疾。」白翁方知錢生已成進士,乃收淚致謝。錢生忙令紫蕭備設醑果 -作奠,又為文以祭曰: -  嗚呼!窮泉一墜,悠悠古今。死生雖隔,不泯者情,憶卿之玉容兮,橫遙山而眉嫵,凝秋水而神瑩 -。想卿之藻思兮,組回文於機杼,含明目於胸襟。夫何,彼蒼既鐘卿以蕙心紈質,而獨靳予以遐齡? -  寶柱弦斷,玉蕭無聲。或亦雙成暫謫,向瑤臺而遄返﹔諒非羿妻竊藥,奔月窟而長生。而何以逐彩 -以輕散,同朝煙以俄零。嗚呼哀哉! - -  記昔去年,邂後而遇,觴浮柏葉,額點梅馨,共熏爐以坐晚,援白雪而聯吟。爾既邀我以伉儷之約, -我亦許爾以山海之盟。本謂百年之好,諧於一夕,而庶幾綰鴛鴦之繡帶,並翡翠之芳衾。孰知疇昔之念, -俱屬無妄,而百哀紛感,愬空帷於此辰。嗚呼惜哉! - -  江波洶涌兮,雌劍已失。夜臺杳渺兮,別鶴徒鳴。婉然在床,彷容光而若見﹔曠焉隔世,想幽會而 -難尋。返魂之香莫改,種杏之術無靈。留鏡奩之殘黛,懸繐幌而淒清。 - -  鳴呼!歲寒則暑,日昃則盈。知有生之必死,奚惆悵而悲深。惟怨爾以蜉蝣之衣,瞬息而化﹔日及 -之萼,未開而傾。顧餘尤不能無恨者,葉輕盟約,鼎視功名。竟淹留於京邸,而使爾悲懷以歿,是餘之 -罪也。又安得不屢嘆而思卿!爾有父母,甘旨是承。爾之靈輀,移殯荒瑩。茲以澗藻,聊既微忱。神爽 -有期,留珀枕以待夢﹔香魂如在,託環佩而傳音。此餘謂死生雖隔,而不泯者情,殆思感之所或致,詎 -誕妄而不足憑者耶? - -  錢生讀罷祭文,伏地而哭。雲峰感生情重,雙手扶起,殷殷相謝。是夜,即宿於白翁家。將至更餘 -,紫蕭已是沉沉睡熟,錢生猶明燭獨坐。俄而一陣旋風,吹得燭火無光,半明半滅,又聞西北隅,悉窣 -有聲,錢生似夢非夢,忽見一個女子,縞衣紅裳,冉冉而至。大聲唱問道:「人耶?鬼耶?」那女子道: -「妾乃瑤枝鬼魂也。自去春君別之後,日夕懸眸,竟無雁脛只字。及至秋闈,君易姓為魏,自在北場中 -選,而妾不知,謂君下第,自此憂思抑郁,一病而亡。日間,承君賜奠,具見高情。趁此夜闌,特來鳴 -謝。」錢生平昔畏鬼,每夕必有二人旁臥,方得安寢。那夜因以情愛所牽,了無怖意,既而燭火漸明, -細看瑤枝,豐姿如故。乃嘆道:「朝來一聞訃變,使小生悲苦填膺,方恨無少君之奇術,不意姐姐竟能 -現形相會。」瑤枝道:「妾之此來,非敢以泉下餘魂,迷惑君意,只因與君有再世之緣,特來面託。」 -錢生驚喜道:「吾嘗閱《牡丹亭記》,至杜麗娘還魂之事,以為若士寓言,而未敢輕信。今姐姐云再世 -姻緣,莫非亦能返魂,而與予了卻前盟否?」瑤枝道:「妾見冥王,備以雪夜訂姻,及伉儷未諧,憂郁 -而亡的緣故細細陳述,冥王亦為感惻,便令判官查覆。判官先查君云:『錢某不染淫私,奉上帝之命, -增壽一紀,今科已經聯捷,應有三位妻房,官至三品。』又查妾云:『瑤枝還有四紀陽壽,應在陰司四 -十九日,方得還魂,合為錢某側室。目下天氣漸炎,只恐屋舍腐壞,乞著當境土地,即運寒冰護尸,方 -能轉回陽世。特此查覆』。冥王即差鬼卒送妾在南獄魏夫人帳下,蒙夫人授妾以靈液之丸。其丸以靈液 -草修合,草生大宛之西,條枝國弱水之旁,一千歲而抽葉,又一千歲而吐花,俟花褪之後,取汁搗爛, -雜以犀珀為丸。凡死者含之於口,雖在酷暑,肌肉不壞,至七晝夜而復生。昔東方朔為虎傷足,西王母 -以草敷在傷處,頃刻而愈,即此草也。日昨,夫人正與少室仙妹下棋,忽命妾云:『爾夫衣錦而歸,將 -到汝家探望,汝宜回去一見。』故妾今夜得以魂魄會君。乞君致語者父,俟終七之期,千萬開棺。妾得 -再回陽世,皆出於郎君之所賜也。」言訖再拜。錢生道:「若得姐姐再生,天大之喜,敢不牢記,以語 -尊翁。」瑤枝又再三叮囑,仍回西北隅,奄然而沒。錢生半信半疑,驚愕久之。忽火光一暗,瑤枝又在 -面前。錢生道:「姐姐去而復來,還有何言?」瑤枝道:「回生之事,世不常有,只恐家父未必信君。 -妾長眠時,老母以金鳳釵為殉,今妾以釵留在君處,如果不信君言,即以此釵付之,則家父必然無疑矣。」 -乃向鬢旁拔釵付生,須臾一陣陰風,瑤枝回首,轉盼數次,隨風隱隱而散。錢生不勝神異,竟忘一宵之 -倦。俄而雞鳴於塒,東方已白矣,乃喚起雲峰,即以告之。雲峰笑道:「若得小女再生,實老朽萬分之 -幸也。但今仲夏天炎,不要說四十九日,只怕七日之間,已肌體朽腐矣。此必錢爺思憶小女,故得此奇 -夢耳。」錢生笑道:「令愛真有先見之明,特以鳳釵為證。」雲峰取釵細看,大驚道:「小女屬纊之時, -寒荊曾以此釵為殉,今有此奇事,則還魂之說,斷無疑了。嘗聞馮娟七月而重沽,麗娘三載而復生。由 -此觀之,彼傳記所云,信不誣矣」。正在嗟異,忽聞叩門甚急,原來是錢公遣人催接,錢生乃與白翁夫 -婦,約以後期,灑淚而別。 - -  回至衙中,問公借俸銀五十兩,遣使送與雲峰,以為瑤枝回生 -藥餌之資。錢公急於離任,惟恐父老 -遮留,是夕先以琴書行李發出。次日五鼓,悄然出城。回至白下。錢生即到墓祭祖,又向族中一一拜望 -畢,便過訪許翔卿。不料翔卿於一日前,已到孤山,探候范公去了。錢生嘆道:「翔卿高誼,真有古人 -之風。」遂辭別鳴皋,即日起程,回至姑蘇。但見陳府尊已曾送到進士肩額,門第一新此時老夫人已稱 -為太夫人了,登堂拜見,問安已畢。秋煙姐歡天喜地,抱了寧馨,出來迎接,寧馨見生,便笑嘻嘻的, -要生懷抱。錢生細看寧馨,果然生得眉宇清秀,不勝欣喜。又請出范夫人相見。施禮末畢,范夫人便哭 -倒在地,秋煙姐慌忙以手攙扶,錢生驚訝不已。以問太夫人,太夫人備言:「避暑園莊,於五月十八賽 -神之夜,忽有穿緋袍的直進中庭,背負小女而去,竟不知是人是鬼。迄今月餘,遍處尋訪,杳無蹤跡。」 -  錢生聽罷吃了一驚,多時目不能瞬。既而泣道:「兒因求聘小姐,死裏逃生,尋得明珠,不料回轉 -白門,老年伯忽遭奸賊之害,已經奉旨北上,及兒進京探候,又值年伯出佐戎行,無由一面。後來睹母 -親慈諭,始知伯母、小姐避居家下,意謂僥幸一第,則姻事可以立就。不料又生此變,不由人不痛心也 -!」乃取出明珠,雙手奉與范夫人,夫人泣道:「小女尚無蹤影,怎敢收領此珠?」錢生道:「但請老 -伯母收下,小姐雖無下落,不肖自當遍處尋覓。」范夫人只得含淚而收。至夜,秋煙訴說繡琴之事,錢 -生亦為痛恨。少焉,共入羅幃,邀雲覓雨,兩情繾綣,樂可知已。 - -  次日,先去拜謝了崔子文,以至陸希雲、李若虛。俱拜畢而回,方與范夫人商議,忽錢貞報進,有 -一姓常的在外求見。那姓常的是誰?原來即是常不欺。自那日脫離陶園,便欲附舟回去,行至半路,忽 -又想起:「都是鄭心如設計,劫了范小姐,卻又只顧自身脫去,把一場人命,幾乎使我李代桃僵。我今 -不免報知錢宅,一來說明心如兇惡,以消此恨,二來索些酬謝。」躊躕半晌,便即轉身到蘇,問至胥門, -恰值生方抵家,出來相見。問了姓字,常不欺便把鄭心如設謀,賣花婦做腳,從頭至尾,說出根由。錢 -生又喜又恨,拱手稱謝。因問道:「那賣花婦是誰?」不欺道:「叫做梅三姐。」話聲未絕,只見梅三 -姐穿了一套新衣,進來叫喜。錢生怒從心起,厲聲詰問。梅三姐看見常不欺在座,驚得面色通紅,不敢 -開口。錢生便即進內,稟知太夫人。太夫人大怒,忙呼婢婦,把那梅三姐剝去衣裳,亂棒捶擊。梅三姐 -料難隱瞞,只得招認。范夫人咬牙切齒,痛罵不已,復以利錐,刺其肩臂,流血至踵。 - -  當晚僱船二只,一船范夫人與紅蕖諸婢,一船生與不欺,連夜至蘇。但見園扉鎖閉,扉上粘一示諭 -曰: -  本宦示:照得南湖別墅,向著家人馮二管葺。近馮二盜竊器玩,並什物等件,於本月初五,寅夜逃 -去。已經出捕緝拿外,如有無賴棍徒,到園騷擾,以致戕損花木者,定行送官究治不貸。 - -  錢生念罷示諭,驚問不欺。不欺道:「我看那馮二,亦非良善之輩,此必陡起奸謀,把小姐載往別 -處去了。」錢生又遣人遍向鄰居查問,俱推不知,只得悵然返掉。是夜,泊船平望,將至二更,范夫人 -嗚嗚咽咽,悲啼未息。錢生亦反覆不能睡去,起來靠窗而坐,忽聞領船,有一婦人唱道: -  〔山坡羊〕靜蕭蕭碧梧庭院,冷淒淒雕欄倚遍。悶懨懨銀箏漫搊,聲切切思繞天涯遠。端的是難消 -遣。盼雙星,獨不眠,秋風應把應把黃昏怨。月色砧聲,紐做愁腸一片。良緣,何日調和琴瑟弦。蒼天 -,恨入煙花誤少年。 - -  〔前腔〕一行行歸鴻初見,一聲聲哀蛩似怨。一陣陣涼風繞窗,一點點淚向羅衫濺。最可憐,抱琵 -琶向綺遙。幾回羞把,羞把霞杯勸。怎得拋離舞衣歌扇。門前,不羨王孫車馬喧。池邊,只羨雙飛戲水 -鴛。 - -  那婦人唱得哀音宛轉,絕似孤鶴唳風,清猿泣月。錢生側耳靜聽,不待曲終,已青衫淚濕矣。料是 -娼妓之流,著人邀喚,那婦人隨即過船。錢生驚問道:「爾是維楊趙嫗麼?」其婦仰首一看,亦驚訝道: -「原來是姑蘇錢相公。」錢生即問友梅何在?趙月兒便把老夫人被祛逐、及至臨安嫁與程生,細陳始末。 -錢生又問友梅嫁去,與程生相合否,月兒道:「小女自嫁程生,不及兩月,忽然不見。那程生反到妾家 -要人,妾即向程索命,彼此訐訟年餘。程已傾家破產,飄流遠去,妾亦不能度日,嫁與商人。今夜湖光 -蕩漾,月色橫空,想起少時光景,不勝傷感,因唱小女所度之曲,以解悶懷耳。」錢生叩舷而嘆道:「 -嗟乎!我意友梅,尚有相見之日,今聽汝言,已做了斷雲浮梗,不獲與梨花同夢矣。」言訖,淚如雨下。 -月兒亦覺悽然,旋即起身告別。 - -  時已夜半,錢生促喚解維,風帆迅速,瞬息至家。便把憨公子等訟於府尊,府尊立刻出牌,先把梅 -三姐拘到。不待用刑,梅三姐一一招出。府尊大怒,掣簽重責二小,收禁獄中,以俟關到憨公子、鄭心 -如,一齊聽審。 - -  畢竟後來如何,且待下回解說。 - -第十三回 金山寺冤鬼現身 - - -  詩曰: -  夜色茫茫江畔月,含冤來散現魂魄。 -  能使奸兇心膽寒,彭生如意皆此物。 -  色莫羨兮財莫漁,每因財色喪其軀。 -  男兒不做昧心事,磊落□與常人珠。 - -  卻說馮二之妻,因陶官在江北做官,僱為乳母。以後任滿,帶回本郡,特著他管理別業,十分信任。 -不意馮二狠心難託,自那日假意告官,把常不欺嚇退之後,與妻商議道:「我想終年管守園房,怎能有 -個發跡之日。適值宅內託付玩器數件,維值百金。看看范小姐,又是姿容絕世,不如哄他,只說送返蘇 -州,連夜尋船載至維楊,或妓、或妾少也,賣他一二百兩,並把器行變易做本營生,爾我後半世足以溫 -飽過日。爾意如何?」馮嫗大喜道:「我亦正有此意,事不宜遲,遲則有變」。 - -  二人計議已定,那馮二自會操舟,便向鄰家借下船只。馮嫗假作驚慌之狀,以給珠娘道:「怎耐常 -不欺,又去報知憨公子,只在早晚,要與小姐成親。老身憐念是個宦門閨女,特令拙夫尋一小船,今夜 -便送小姐回去,不知尊意若何?特來商議。」珠娘欣謝道:「若得賢夫婦如此用情,決當厚報。」馮嫗 -又道:「還有一件,吾由大路直到,惟恐憨公子以快船追襲,假自松江抄轉,方保無虞。只是在路,又 -要多行幾日。」珠娘道:「我又不諳程路,悉憑主裁。」當晚,馮二夫婦只把細軟收拾,等至夜闌人靜, -扶了珠娘下船,蘭橈迅舉,兼程進發。 - -  忽一日已到鎮江,泊舟水涯,馮二正炊午飯,忽聞隔船有人問道:「二叔別來無恙?」馮二抬頭一 -看,乃是族侄馮肇,向在青蓮庵,披荊為僧,即寂如也。自那夜與法雲、寂如等謀劫錢生,遂把戚氏擊 -死,畢竟寂如眼快,覷見真真兒,手持匕首,刺人如決飛鳥,他便回身走脫。雖幸漏網,不敢回庵,向 -與金山寺住持文友相熟,遂在寺中住歇。是日打從長洲抄化而回,剛與馮二相遇。便邀二過船,敘淡良 -久,從容問道:「吾叔此行,仍欲往揚州,或是暫時貿易?」馮二乃告以心事,寂如低頭想了一會,乃 -道:「吾叔載此尤物,易起人疑,況且到了維揚,未必有售主。設或有人聘娶,或賣在樂尸,必須面看。 -萬一小姐烈性不從,叫喊起來,未免敗露。據侄愚意,倒有一條妙策,不知吾叔允否?」馮二欣然問計, -寂如道:「住持文友,與我至密,悉知其為人,酷好美色。不如今晚泊船山下,侄與文友說合,包兌二 -百兩紋銀,待至夜深,把小姐哄入寺內,那時深房邃院,再有誰知吾叔得銀?又便於營運,此計何如?」 -馮二大喜,遂點頭相約,各自開船過江。那揚子江乃是東南天塹,但見:深沉巨浸,森渺寒光,一望迷 -茫,四圍無際,煙收霧斂,隱隱的露出金、焦兩點,宛在中央。雨霽虹銷,泛泛的飛來鷗鷺成群,爭依 -孤渚。不盡客航,幾葉峭帆。風乍捲,亂劃漁槳,一聲歎冷月初殘。恍見數層銀島,原來是雪浪搖空。 -忽聞萬馬奔馳,卻便是怒濤推至。正是:鳥飛應畏墮,帆遠卻如閑。 - -  風帆迅速,不多時便抵金山。只見殿宇嵬嶷,遠憑江勢,真一大觀也。有詩為證。詩曰: -  水天樓閣影空空,化國何年此寄蹤。 -  淮海西來三百里,大江中涌一孤峰。 -  濤聲夜恐巢枝鳥,雲氣朝隨出洞龍。 -  不盡登臨去帆疾,蒼范遙聽隔煙鐘。 - -  寂如先進寺內,忙向文友說知。又友笑道:「若得美人以供爾我衾枕之歡,此樂便是西方,何必更 -求蓮座。只是二百金,一時不能措辦,奈何?」寂如道:「我有一計,雖云太毒,然彼以不義而得,我 -以不義取之,亦不為過。」文友欣然問其說,寂如乃附耳低言如此如此,文友大喜。時已傍晚,忙開隔 -年陳酒,整治鮮魚大肉,款待馮二。原來馮二最與曲生相契,嘗了酒味香甜,先已忻快。酒過數巡,文 -友取出紋銀一封,兌准十兩與馮二看道:「以後一百九十兩銀色悉照此封,須俟小姐進寺之後,一並兌 -奉。」馮二向來窮乏,驟然見了滿捧紋銀,轉覺精神飛舞。文友、寂如忙以巨杯勸進,將至黃昏,馮二 -已不省人事,頹然醉矣。寂如乃扶至江邊,馮二猶口中模糊道:「二百兩是足值的,快些兌銀,我欲開 -船趕路。」被寂如用力一推,頭重腳輕,翻身下水,可憐一念之貪,反以骸骨葬於江魚腹內。正所謂螳 -螂捕蟬,而不知又為黃雀之所攫也。 - -  且說珠娘在路數日,心頗生疑,往往詰訊馮嫗,嫗惟委曲支吾。及渡江至寺,但聞江濤震蕩之聲, -又以問嫗,嫗謬道:「此太湖也。」既而斜陽西下,天色漸瞑,馮嫗道:「太湖乃盜賊之藪,幸有敝親 -在此,不妨借宿一宵。明日飯後,必至蘇矣。」小姐無可奈何,只得隨行上岸。進門數重,方抵一室, -但見房櫳清雅,屏帳鮮華,卻無一個女婦出見,心益憂疑。俄而壁上彈指一聲,嫗即掀簾而出。於時寂 -如既推馮二於江,復賺嫗道:「二叔頃已醉臥在船,宜喚之速起,以便兌銀交付。」馮嫗方至江濱,不 -提防文友在側,雙手一推。寂如大呼道:「救人!救人!」而洪濤拍岸,已隨波逝矣。可憐馮嫗,亦死 -於非命。 - -  珠娘在房,值小童以酒餚捧進,擺下杯箸三副。珠娘問道:「爾家何姓?」童笑道:「此乃金山寺 -也。娘子猶未知麼?」珠娘聽說,不覺魂魄俱喪,連聲叫苦道:「又墮奸計矣!」方欲掩門自盡,忽有 -年少婦人,自燈後趨出,將燈吹滅。此時,文友、寂如俱在馮二船中,把那器玩什物,細細收拾。於是 -點燭進房,遍體風騷,意謂小姐可以迫協成歡。及見室中黑暗,用火一照,並無傾城美麗,只見一個婦 -人,披髮滿背,面上鮮血淋漓,張口露牙,垂手而出,簾外刮起一陣陰風,頓把燭火吹息。二僧驚得毛 -骨俱寒,轉身奔赴於地。少頃起來,重向琉璃取火,指摩雙眼,振攝精神,揚聲秉燭而至,則見磷火煌 -煌,那婦人愁眉蹙額,坐於門首,耳畔但聞啾啾鬼哭號呼、索命之聲。二僧遍身慾火,渾如冷水一澆, -惟口中咄咄狂喊至曉,不得作行雲之夢矣。正是: -  只憑鬼婦銜冤哭,方保千金廉質全。 - -  且說臨安程信之,自八月十五不見友梅,心中怏怏如失重寶,疑為趙鴇誘匿,具呈本府。趙鴇受了 -冤誣,也把人命狀詞,控告巡按,為此構訟期年。信之家事日漸消乏,其年又遭回祿,遂致資本蕩然, -在杭不能存立,只得安頓妻房,自到揚州依附族叔。那族叔諱宏,號逸庵,自曾祖即為鹽商,真有百萬 -之富。宏以舉人選官,任至四川成都府同知,長子必成,仍習祖業﹔次子必賢,肄業府庠,年方二十一 -歲,才貌兼優。信之自到廣陵二載,逸菴以其才識敏達,深為器重。是年五月至杭,搬載家小回至鎮江, -夜半遇盜,信之墜水,幸以浮木得生,其妻林氏及囊資什物,俱被劫去,信之袒跣號泣而歸。告在本府, -出了捕文挨緝。當珠娘被誘入寺之夜,正值信之同了捕役,泊舟山畔,更衣入寺,禱於關帝,祈得六十 -八簽。簽曰: -  南販珍珠北販鹽,年來幾倍貨財添。 -  勸君止此求田舍,心欲多時何日厭。 -  信之念罷簽詩,茫然不解,又把被劫情由,備細禱告,若與林氏果得相逢,只祈一簽上上。須臾求 -出一簽,乃是七十四。簽曰: -  崔巍崔巍後崔巍,履險如夷去復來。 -  身似菩提心似鏡,長江一道放春回。 - -  信之看到第二句,以至末句,滿懷欣喜,遂即下船。是夜睡至二更,夢一少婦,血痕滿頰,近前哭 -訴道:「妾身戚氏,住在金陵城外青蓮庵之後,禍遭兇僧寂如謀奸不遂,將妾擊死。今寂如遁跡本寺東 -房,與住持文友,又欲奸污夢珠小姐,被妾現魂救衛。明日小姐之父范父,自塞上南歸,泊舟維揚,君 -能救出小姐,與范太守相會,並把寂如送官正法,以洗妾冤,則君破鏡必合,相遇有期。」信之驚愕不 -能言,惟惟惟而已。戚氏臨去又囑道:「妾含冤不散,自隨寂如,迄今二載矣。因彼皈依釋氏,難以近 -身,今曉彼又謀溺叔嬸,罪惡滔天。雖有佛力,不能庇護,故妾得以隨身索命。妾無范氏,則冤仇莫雪﹔ -范氏無我,則貞操不全﹔君若不遇妾與范氏,則夫婦不能完聚。牢記!牢記!」戚氏既叮嚀而退,程亦 -欠身而醒。但見白露拂江,半蓬明月。思憶夢中戚氏所言,句句分明,又詳忖簽詩,與夢暗合。遂不復 -睡,坐以至曉,喚起捕役朱敬山以語之。敬山道:「夢雖難憑,然明顯若此,不可不信,況且住持文友, -曾經會過,便不知果有寂如否?君可進寺相訪,我等尾後,以觀動靜。」信之果以為然,急起叩扉,謁 -見文友,又問起寂如,寂如亦便出來相會。只是二僧因為鬼祟攪亂了一夜,方欲就枕,而信之適到,故 -眼色矇矇,神思倦憊。信之見了如此光景,暗暗驚異,乃與敬山遍向曲房靜室,細細邏察,卻是悄無影 -響。逗留逾時,方欲告別,忽見廊下一婦,拍手而笑,復以手招信之,轉身走入靠西室內。信之、敬山 -等,急忙隨後而入。那婦人倏又不見,惟正南張畫一幅,恍若畫上笑聲啞啞。信之舉目直睇,但呼怪事。 - -  畢竟敬山乖覺,細看二僧,面容頓改,言語違離,便雙手扭住道:「爾等禿驢做得好事!」忙令信 -之掀畫一看,內有小門。推門而進,又有精舍數間,窗外欄干六曲,行過長廊,果有女子隱隱號泣。信 -之奮步向前。珠娘在內,聽得人聲喧嚷,疑是二僧逼奸,忙以羅帶自縊。信之破扉而進,大呼道:「果 -是范小姐否?我等特來相救」。小姐背立含泣,而應聲道:「妾果范氏,君輩是誰?」信之道:「某等 -泊舟山畔,夜來得一奇夢,故知小姐被危。又知尊翁先生,今日必至維揚,乞小姐不須疑慮,作速登舟。」 -珠娘嘆道:「妾以閨中弱質,奈何命運不辰,出頭露面,受盡摧挫。荷蒙君子仗義相扶,在妾有何面目, -再立於人世乎?況家君遠困遐陬,豈能即返,君請自為正務,此地乃妾畢命之所耳。」信之道:「小姐 -差矣,若果失身兇禿,死固宜然,今不為所犯,而必欲捐軀,則貞白之心反不能顯暴於世矣。某因失偶 -相尋,愁腸如沸,故一聞小姐之事,不覺怒發沖冠,出自誠心相救,豈小姐視如僧輩,而固為拒卻乎? -設或尊君未即相逢,某當多著女伴,送至尊居,幸勿疑某亦蓄他意也。」小姐乃收淚致謝。當信之苦勸 -時,朱敬山已把文友、寂如鎖在船中,招呼二十餘人,蜂擁上岸,把細軟件物,一切笥匣器皿,無不席 -捲下船。信之乃以自船中艙,與小姐獨坐。將欲解維,合寺僧侶悉知,擁出江邊,沸聲詰究。朱敬山既 -有捕批,小姐又現在可證,遂不敢攔阻而退。 - -  是日風順,開船未幾,便至揚州。將船停泊,信之便到岸上,遍向座船逐一挨問,哪裏有個南京范 -太守的船,只得走回與朱敬山計議。敬山道:「若不解進府裏,被他先告一狀,反吃官司。只是到官, -須要小姐面證。」珠娘在艙,聽得見官二字,不覺號啕大哭,走出船頭便欲赴水。左首船上有一老者驚 -問道:「那一位好似我家夢珠小姐。」珠娘回首一看,認是老僕金元,大叫道:「金元救我!」金元便 -即扶腋過去。原來范公的船,與客船相似,故信之尋問不出。 - -  當下珠娘急問老爺哪裏?金元道:「老爺拜望太守未回。」言未畢,公已回至船首。見了珠娘,大 -驚道:「我兒為何在此?」珠娘見公,牽衣大哭,便把被劫情由,細訴一遍,公亦垂淚道:「只道我為 -父的受苦三年,誰知汝亦遭此厄難。只是汝既被劫,爾母亦必苦壞矣。」珠娘曰:「母親只為爹爹謫蹇, -終日愁苦,今天幸賜還,想是朝紳出疏申辯。」范公搖首道:「那些權佞眈眈虎視,在朝大臣,俱以身 -家為重,誰敢撩須。我一到邊陲,自謂必死,全賴新主洪恩,方遂首立之願。即如今日得會我兒,亦莫 -非雨露之所賜也。」言訖,便令金元導至程船道謝。信之說起二僧兇惡,頃已解府,尚欲借重鼎言。范 -公道:「二兇叫甚名號?」信之道:「一喚文友,是本房住持:一喚寂如,向在青蓮庵中。因殺死戚氏, -逭命在山。夜來託夢以救令愛小姐,即戚氏之鬼魂也。」范公切齒怒恨道:「那寂如受戒憨山,我向來 -敬禮,誰料兇暴至此!今既解去,我即刻進府,面見太尊。」公怒氣沖沖,與信之作別,是時揚州府知 -府叫做李胤祥,因公是諫謫超遷,十分敬重。當日,范公再進賓館,備陳前事,李府尊大怒,立刻就把 -文友、寂如,重責四十,問成大辟。正所謂: -  禍福無門,惟人自召。 - -  你道范公,為何便得擇歸?只因天啟駕崩,崇楨以藩王繼兄而立。上在藩邸,悉知魏忠賢專擅國柄, -謀為不軌,故登極之後,便遣忠賢出守皇陵。忠賢危懼,到了山東飯店,自縊而亡。於時,凡為魏黨所 -害,貶降在外者,悉復原職。然公只宜即往金陵,為何留滯揚州?只因夫人、小姐在錢老夫人家下,故 -公先著范斐,同了許翔卿至京。修葺房屋,自來拜過府尊,然後取路至蘇。也是天意,該與小姐相會。 -當晚公自府中回船,珠娘接見道:「頃有信之之叔程公來拜,帖兒在此。」公方欲展閱,又值信之帶了 -兩個婢女來至船首,公慌忙迓入。信之道:頃會家叔,道及小姐舟內無人,故家叔特著兩個粗婢,權為 -服侍,並設蔬餚,以屈尊駕少敘。」范公道:「萍水相逢,謬承賢竹林如此厚誼,使老朽何以為謝?但 -不知令叔尊號?」信之道:「家叔賤號逸菴」。范公驚喜道:「原來是逸菴兄,乃吾好友也。乍到匆匆, -未及看謁,豈知即為令叔!少間必當趨晤矣。」信之去後,公即答拜逸菴。相見畢,逸菴稱賀道:「恭 -喜,恭喜!」范公笑道:「第三年出塞,骸骨偶歸,何喜之有?」逸菴道:「聖人當寧,魑魅潛形,而 -吾見之公憒得雪。今日軒車榮返,固一喜也。令愛受磨湟而不磷淄,堅白之行,尤人所難。況乎數千里 -之隔,與兄一朝奇遇,又一喜也。」范公道:「小女得全陋質,皆出於戚氏陰護之力,令侄匡救之功。」 -言未訖,一人肅衣出見,逸菴命之拜公道:「此乃次小兒必賢也。」公視之,形軀端厚、眉目秀雅,試 -以學問,頗有根源,逸菴道:「弟有一事相懇,輒欲面談,不知可否?」范公道:「願聞臺諭。」逸菴 -道:「仰慕令愛芳姿,欲為小兒求聘,必俟仁兄鈞諾,然後敢通媒妁。」公乃告以明珠之故,逸菴大喜 -道:「若要別件珍寶,寒家未必預備,至於明珠之類,先人幸曾留下。」急忙進內,取出一顆,放在瑪 -瑙盤中,旋轉不定,光映一室。范公捧珠大悅,便以親事承允。逸菴道:「容伺揀選吉日,先以此珠獻 -媚」。范公欣然惟惟。 - -  是夜,賓主酬酢盡歡,既而酒闌,談起舊事。公謂逸菴道:「猶憶昔年,弟自開封罷官,偶造貴郡, -承兄偕名妓女友梅。於時極清風於芳澗,拾明月於幽林,呼酒快談,纏綿徹夜。友梅既度新聲,第亦放 -歌相和。曾幾何時,而追憶此歡,忽已四載矣。不知羅浮春色,今無恙否?」逸菴嘆道:「自兄別後, -那趙姬便不知所往矣。」時夜漏將半,公執手謂信之道:「戚氏所云句句皆驗,獨於尊閫未有下落,然 -云救了小女,自然去鏡復合,竟者相會之期其在敞郡乎?僕於明早掛帆,君宜繼至可也。」言畢,起身 -告別。次日渡江,只著金元到蘇迎請夫人,自與小姐,先返白下,要知程必賢姻事若何,下回便見。 - -第十四回 明月珠東床中選 - - -  詩曰: -  光熠熠以照物,勢規規而抱圓。西山之下,隨珠星而隱見。東海之上,逐明月而虧全。胡云色奪琉 -璃,光射金玉。鮫人泣吳江之際,游女弄漢皋之曲。在蜀郡而浮青,居石家而自綠。無脛而至,有感必 -通。去映魏東之裏,來還合浦之中。垂輕簾而璀璨,綴珠網之玲瓏。 -   ────右《明珠賦》(採錄半篇) - -  卻說范公回至金陵,未及旬日,程逸菴已託表弟宋瑄為媒,與程信之、程必賢一同來望。相見甫畢, -宋瑄便令從者,以小金盒捧上明珠,范公笑道:「某前言已定,斷無二二。夜珍之賜,容待寒荊抵舍, -方敢拜登。」宋瑄道:「家表兄迫於賤事,未及造府拜見,故先著晚生以珠呈奉,既承老先生金諾,則 -尊老夫人意必相符,還望麾留,足仞厚誼。」范公乃欣然收領,遂館必賢等於宅西別業。又逾數日,老 -夫人方到。見公面容黎黑,驚喚道:「一別三年,相公須鬢俱皓然了。」珠娘出來,見禮方畢,與夫人 -抱頭而哭,公再三勸慰,夫人方收淚道:「女兒之事,問於金元,已知大略。只不知相公謫到邊塞,景 -況何如?」范公嗟嘆道:「若說塞上風霜,其實淒楚,那杜游擊孤軍出鎮,疲憊殘弱之兵,不滿二千, -卻又當敵人之沖,刁斗不息。每至胡笳群動,牧馬悲嘶,惟與杜君向南飲血。自揣此生,必以馬革裹尸, -誰料今日又得與夫人相見。」夫人道:「那裴崔威勢,近日如何?」答道:「夫人猶未知麼?自先帝殯 -天、今上秉政之後,魏忠賢自縊而亡,全家貶徙嶺外。如今王梅川矢心策手,便把魏裴彈了一本,又欲 -修睦於我,替我出疏辯冤,故王梅川得以原職閑住。聖上即升我為苑馬寺少卿,我不欲為官,所以致仕。」 -夫人又泣道:「只可恨女兒無辜也受此一番磨難。」 - -  范公道:「我正為女兒姻事,專待夫人歸來商議。」便把程逸菴求親,說了一遍,取出明珠付與夫 -人。夫人大驚道:「相公臨別叮嚀,曾說錢生一歸,便諧花燭,不意錢生淹留京邸,直待春闈奏捷而還。」 -公驚問道:「我閱南畿試錄,並無錢生姓名,為何春試得捷?」夫人道:「他只慮玉梅州嫉害,故從了 -母姓,又改諱為芳。」范公道:「三四內果然有一魏芳,但不知登第而歸,可有明珠否?」夫人道:「 -錢生到家,正值女兒遭難,他一聞此信,悲思婉轉,便以明珠付我。我推卻不受,他道:『小姐雖無下 -落,我畢竟要到處尋求。』妾感其意誠,只得收下,及前日金元來報,妾身起程之後,彼亦買舟後至。 -若又許了程家,何以回那錢生?相公此舉忒覺孟浪矣。」范公想了一會道:「據夫人之意,何以處之?」 -夫人道:「依妾愚見,作速辭卻程翁,仍許錢生為是。」范公道:「我與逸菴相知情厚,況是親口許出 -,今明珠已收,程生已館於別業矣,怎能辭卻?」夫人道:「不然。我母子至蘇,感承錢夫人殷勤款待, -及臨別之際,含淚相送,堅以姻親為懇。況兼錢生付珠在前,程家議親在後。今若變易移心,不惟食言, -而且負德矣。」公以事在兩難,悶悶不悅。 - -  方公與夫人談論時,珠娘在旁聽說許親程氏,便退至闌閨,柳眉低鎖,杏臉生愁。嘆了一口氣道: -「悔不死於陶氏園中。」紅蕖聽了,驚訝道:「小姐怎發此言?」珠娘道:「我與錢郎,雖不曾一面相 -親,然以詩箋傳意,又託蓮香訂盟月下。今錢郎幸得中了,果有明珠為聘,事已萬分無疑。誰想程翁, -亦以明珠,央媒來說,爹爹竟爾許允。把三載深情,一旦付之流水,使我忽然聞此,心如刀割。」紅蕖 -道:「說起錢爺情重,果然難得。自京邸回來,一聞小姐之事,便慘然不樂,既與夫人同至陶園尋覓, -又把梅三姐送府追究。看他心意遑遑,頃刻不能放下。以後管家報說老爺、小姐已在揚州相會,便即眉 -開眼笑,與夫人奉觴稱喜。其一往情深,愛念小姐如此。況又少年科甲,異日青天偉業,不卜可知。即 -使程生有其才,未必有其貌﹔有其一貌,亦不能有其情。豈以小姐天姿國色,竟與羔兒作配乎?趁今未 -曾下聘,速與夫人商議,尚可挽回。」珠娘道:「羞人答答的,怎好啟齒。事若不諧,有死而已。」話 -聲未絕,忽聞雲板傳進,蘇州錢爺已到。原來錢生自夫人歸來,便把不欺厚贈而遣之。稟過太夫人,起 -身進京,一則賀問遷鶯,一則訂期納採。因先詣祖居探候鳴皋,款留信宿,是日方來謁見。范公以生既 -成進士,兼以風流旖旎,真所謂國士無雙也,殊悔多許程生,故相見之際,意其不安。是夜仍宿生於凝 -芳閣之東廂。生以物換星移,轉盼三載,而窗前之碧梧如故,竹色依然,感念舊懷,賦詩一律。詩曰: -  鳳凰城裏舊仙家,瑞溢門闌獲彩霞。 -  綺閣仍披徐孺榻,星機重犯使君槎。 -  當軒竹佩因風響,繞徑梧陰帶月賒。 -  追憶桃花曾識面,漫緣流水覓胡麻。 - -  翌日早起,夫人出來,殷殷然以擾宅為謝,錢生亦深敘簡慢之罪。夫人忽見壁上新題,大加贊賞道: -「構意清新,吐辭芬郁,誠文苑之鳳毛也。」錢生以明珠微露其意,夫人面容忽改,含糊不答。錢生心 -下狐疑,急忙持刺,往拜許翔卿。翔卿恭敬出迓,施禮畢,分賓主而坐,彼此敘了寒溫。錢生道:「前 -歲浼兄作伐,因乏明珠,磋跎至今。幸而求獲一丸,已面奉范伯母矣。再乞訂准,以便擇吉。」翔卿道: -「過承厚愛,敢不執柯,所惜錢爺到底緣薄。」錢生驚問為著何由,翔卿道:「范爺前在維揚,與程逸 -菴當面訂姻,今程兄來已數日,將欲擇期行聘矣」。錢生痴呆了半晌,嘆息道:「弟以求取夜珍,幾遭 -兇禿之手,真所謂劈洪波而探之於龍頷者也。不謂明珠雖得,事多齟齬。三載以來,也不知歷了多少淒 -風苦雨,今日滿望一言安就,誰知年伯將我遺落。無乃負小姐數年待字之意,而負錢生一片求聘之心乎?」 -翔卿道:「范公愛重錢爺,豈欲變更?只因金山寺中救出小姐,皆賴逸菴從侄之力,故不得已而許之, -非公之本懷也。」錢生又力懇翔卿,婉轉為計。翔卿方沉吟不語,忽見屏後鬢雲隱現,遣出小鬟催喚翔 -卿。翔卿起身進去一會,忙忙出來,見生面如土色,支頤嘆氣,乃抵掌而笑道:「錢爺暫省愁煩,某即 -刻進見范公,當圖別計,以卻逸菴,決不致錢爺有遺珠之恨。」錢生乃深深揖謝,又再四囑託而回。至 -凝芳閣下,含愁獨坐,正在咄咄書空,只見紅蕖走至。錢生慌忙迎進,嘆息而謂之道:「我自前歲,承 -紅姐以詩箋傳遞,又與小姐一面之後,晨風夕雨,總助相思,明幌花簾,惟增悵慕。這一段痴情,其念 -可以質之鬼神。今日此來,恨不即刻便諧連理,誰知忽然改易,使我三載痴心,化為春夢。雖是爾家老 -爺之故,在小姐亦以憐才一念,棄若飄風,獨不記月下之言乎?」紅蕖道:「錢爺不要錯怨小姐,自因 -老爺許了程家後,小姐眼眶橫淚,長嘆一聲道:『乍離虎穴,又遇風波,何妾緣之慳而命之薄也!』乃 -喚紅蕖悄悄囑咐道:『我欲以數字,密報錢郎,只為愁滿肺腸,一辭莫措,惟汝為我傳言致意,不可以 -薄命妾憂損情懷,亦不可以姻事難諧,急為去就。且再從容以觀老夫人主意若何。』」錢生嘆道:「若 -得小姐如此厚意,庶不枉了錢九畹一片誠心。相煩紅姐,也把我若衷,轉達妝次。」紅蕖見生辭意悽惻, -將欲掉下淚來,因安慰道:「錢爺請自保重,倘早晚老爺與夫人計議,一有好消息,妾即當走報也。」 -錢生慌忙深深一揖道:「若蒙紅姐見憐,沒齒不敢忘德」。 -  二人正在喁喁細談,忽聞窗外履響,紅蕖奔逸而去。生以未罄所懷,悶悶不懌,吟五言一絕云。詩 -曰: -  好事翻成夢,多愁只為情。 -  可憐吳紫玉,寧忍負韓生。 - -  既而傍晚,錢生和衣偃臥,紅蕖又來,輕輕推喚,錢生一躍而起道:「紅姐昏暮出來,必有好音見 -示。」紅蕖道:「頃刻見老爺在夢筆軒與翔卿促膝細商,妾於隔垣側耳,雖不分明,然略聞語意,大約 -姻事可諧,為此特來報知。」錢生喜添十信,連連稱謝。到了次日飯後,范公請生出到前廳,只見宋瑄 -、程信之、程必賢、許翔卿俱到,一一施禮,依齒而坐。范公道:「老夫今日奉屈諸君,不為別事,只 -因小女,擇婿十年,至今未果。曩歲九畹年侄,下帷敝舍,便欲以弱息委字,因惑於明珠一言,猶豫未 -決。及年侄取到明珠,老夫又為含沙所中,待罪北關。嗣後小女阽危,幸遇程兄救至維揚,恰值老夫歸 -舟暫泊,所以遇復逸菴,央訂秦晉。隨辱宋兄持珠遠貺,得以絲籮附託,固老夫萬分之幸也。誰想九畹 -錦旋之日,先以明珠付在拙荊,日來又辱又旆自蘇而至,致使老夫數日思帷,不能裁決。若許了逸翁, -則年侄又道付珠在前﹔如允了年侄,則逸翁又疑老夫欣慕進士了。故老夫愚意,不若限韻出題,求二位 -賢契各吐珠玉,待老夫一筆謄寫,傳進小女,聽其選擇。庶彼此無言,而老夫可以免罪,不知宋、程兩 -兄與翔卿以為何如?」翔卿道:「明諭極是,此正昔賢雀屏絲幕之意也。」公即令人取出兩顆夜珠,放 -在幾上,又令人分授紙筆。錢生詩思泉涌,自謂穩中無疑﹔必賢亦以夙負詩名,欺生只知八股,正要賣 -弄才學,俱向公推遜道:「侄輩庸碌小巫,怎敢在班門弄斧。」范公道:「賢契俱是詞壇領袖,休得太 -謙。」此日信之雖然在座,因以已事惝恍,寂無一言。只有宋瑄,心下不悅,私謂翔卿道:「若非信之 -之力,小姐怎得保全。今日此舉,反為錢,君作嫁衣裳也。只可笑范先生何不直言回了逸菴,多此一番 -轉折?」翔卿道:「范公端人也,決無一毫私念,兄請勿疑。」二人自在一邊說話,公即以明珠為題, -令二生拈韻。錢生得了「奇」字,必賢得了「難」字,錢生情興勃勃,信筆一揮,恍若龍蛇飛舞。必賢 -思文翩翩,數行立草,猶如三峽倒流,須臾之間,二生詩俱脫稿,奉上范公。范公連聲嘆賞,謄寫遞進, -錢生既注目以盼佳音,必賢亦屏息以俟。忽報吏部王爺來拜,范公急忙換了冠帶出迎。 - -  梅川進來,與宋瑄等次第見畢,獨與錢生細細的寒溫了幾句,一眼見明珠笑問道:「今日滿堂佳客, -豈來自銅柱朱崖,為何夜光爍目?」范公備語其故,梅川道:「不必論二位佳制,老夫一定要與錢郎作 -伐了。」言未畢,門上報進錢爺來拜,原來鳴皋亦為生親事未知若何,特來拜望。范公即忙邀入,依次 -相見,不題。 -  且說二詩傳進蘭房,珠娘焚香淨手,然後展視。先拈一首,卻是「難」字韻的。詩曰: -  夜深不惜月將殘,徑寸光凝一室寒。 -  神女弄時游漢曲,鮫人位處落金盤。 -  酬恩肯借靈蛇用,無脛終從合浦還。 -  莫謂暗投逢按劍,香閨明鑒辨何難。 -  逐句吟哦了一遍,笑道:「詩非不工,乃學究語也。」放在一邊,又看一首,是「奇」字韻的。詩 -曰: -  分明盈掌質合規,曾探驪龍向碧漪。 -  的礫露荷承盒捧,玲瓏蛛網隔簾窺。 -  日臨色更欺珍璨,莫墜光能代目移。 -  慚愧石家空秘綠,難從照乘擬珍奇。 - -  珠娘看了一遍,又看一遍,不禁贊嘆道:「好詩!好詩!且勿論詠物精工,人所不及,即其鏤金為 -句,琢玉為辭,讀其詩,而斯人之深情逸韻宛在眼底,正我向來寤寐不忘者。其殆錢郎之筆乎!」又反 -復朗詠數過,笑謂紅蕖道:「此詩蓄意悠遠,非錢郎莫能作,非我莫能知也。」紅蕖道:「小姐目如犀 -火,自應辨識夜珠,然事係終身,亦宜慎擇。何以知其必是錢爺所作?」珠娘道:「彼云『曾探驪龍』 -者,暗喻曾經會過,先有婚姻之約也。首聯託喻詠珠,頸聯表揚珠之光潔,雖有不即不離之妙,其實暗 -藏深意。末云『石家空秘綠』者,昔日季倫有妾,名喚綠珠,今我亦名夢珠,故以照秉比我,而言石家 -之綠珠,不如照秉之珍奇也。自非敏手慧心,安能措泳?那一首則不然,前六句,無非借引故寶,後二 -句以珠自況,而欲取鑒於我,因知為程生所作耳。」紅蕖笑道:「小姐這樣聰明,真是掃眉才子。」珠 -娘看畢,便提起兔毫,細細圈點,藏在篋中,又把那一首選不中的,也向詩尾批了數句,著紅蕖傳出。 -范公接來,送與梅川,展開一看,乃是必賢所作。箋後批云: -  中聯工整,結語冗雄,惟上清照乘,足以方斯雅制。惜乎起語卑弱,金石之聲微乖耳。 - -  梅川看罷,獎嘆道:「批語極切,若以令愛為試官,士無不公之嘆矣。」又笑謂錢生道:「如今的 -金花彩段謝媒儀,穩要送與老夫了。」錢生意氣揚揚,喜動眉宇,惟程必賢勃然變色,垂首喪氣。宋瑄 -、信之俱覺無顏,便欲起身作別,范公一把留住,笑向梅川道:「若年兄肯為小女作伐,小弟也要與令 -愛做媒。程生賢契青年美才,誠可謂風流佳胥也,不識年兄肯以東床留彼袒腹?」梅川欣然首肯。原來 -必賢的才貌,雖亞於生,然亦百尺無枝,亭亭獨上,故梅川甚覺中意,一口許諾。范公大喜道:「既承 -梅翁厚情,弟即當寫書,報達逸菴,暫屈宋兄留在敝舍,以看程君作入幕賓也。」鳴皋道:「今日不期 -而會,小侄終牽珠綠,程兄亦諧鳳偶,一雙兩好,奇情、奇事,千秋之下,又成一段佳話矣。」因起身 -密語錢生道:「前日吾侄載來此婦,終日悲啼。他云住在維揚,又與程生同姓,試以語之,或者是他族 -中,使渠夫婦完合,也是一樁美事」。 - -  錢生恍然醒起,乃問信之道:「吾兄還是久住揚州,或是臨安遷至?」信之道:「晚弟向居武林, -依附家叔僅三載耳。」錢生又問道:「尊閫可是林氏,今無恙否?」信之慘然悲嘆道:「拙妻果然姓林, -向日搬徙至揚,行次鎮江夜泊,忽為綠林所劫,至今杳無消耗。」錢生笑道:「只在小弟身上,包兄珠 -還合浦,劍返延津。」信之愕然驚問,錢生道:「前日小弟進京,泊舟村岸,夜半,忽聞哭聲隱隱,其 -聲低而甚哀,漸近江邊,將欲赴水。弟疑是人家婢妾,忙令舟子起身救住。細問其故,答道:『妾身林 -氏,夫主姓程,因自杭州遷至維揚,其夜遇盜,妾為賊首所虜,無計可脫。今夕賊與同伙飲醉而歸,闔 -家睡熟,妾方能逾窗逃出,欲尋一死。幸值君子垂救,倘肯送至廣陵,生死不敢忘德。』又道:『此地 -五六家,俱是餘黨,尊舟為何獨泊於此?』弟聞而肅然惶懼,候至寺鐘初動,忙促開船,進京之後,留 -在家叔舍下。正欲擇暇送歸,不期遇兄,適聞所言,其事吻合,故知為尊閫無疑矣。」信之又驚又喜, -慌忙揖謝,范公大笑道:「梅翁得招快婿,老夫幸結絲蘿,誰料信之兄,又得去珠復還,轉覺奇了。」 -梅川等亦無不稱異,信之想起戚氏夢中所言,愈加感嘆。原來錢生一見信之,問了姓表便覺驚疑,因以 -小姐在心,正懷得失之念,故未暇及此。以後倒是鳴皋提醒,然後問及,誰想果是信之之妻。也是事誠 -湊巧。 - -  當日梅川先別,隨後信之便與鳴皋同去。公退至內房,忙令小姐代作書稿,以達逸菴。小姐文不加 -點,信筆寫就。書曰: -  向弟之得歸也,惟幸濱死餘魂,重依日月,寧復知零丁弱息,亦寄命於豺狼。仰籍慶雲之庇,得逢 -令侄救免,反承臺召賜飫溪鯖,固已飽德飲醇之至矣。又辱兄翁,高誼謁如,不鄙葑菲,而以朱陳相約, -忻荷之深,信加銜感。及弟抵舍,詢知賤內在蘇。敝年侄九畹,南宮戰勝而還,先以明珠付聘。故佳郎 -君玉趾方臨,而九畹亦自蘇繼至,使弟進退維谷,罔知所以。不虞令侄舍陷入萑苻,亦因九畹泊舟之便, -救至敝邑。非令侄則小女不能瓦全,非九畹則令侄舍不能壁合。彼此相胥,正天意所以全姻偶也。顧弟 -不能無歉者,深以有負厚愛。幸值敞同年梅翁淑媛,幽閑窈窕,過於關雎,方足以副門下寤寐反側之求。 -特遣進魚旆達。倘獲兄翁賜允,則小女得以苟且字姻,而異日百兩盈之,鳳臺諧偶。聊託柯斧微愛,少 -償孟浪爽約之罪於萬一。統祈臺命,監毫主臣。 - -  覽書笑道:「寫得委曲詳懇,不容增減一字矣。」便即寫封,正欲道人送去,只見信之同了林氏, -笑容可掬,特來謝生,又與宋瑄、必賢作別先回。范公囑道:「歸見令叔,煩為老夫婉轉致意。」信之 -欣然,惟惟而別。生亦辭公回見鳴皋,置辦行聘之物。 - -  不則一日,逸菴回書,許可並即訂准納採日期。范公取出金盒明珠,同了宋瑄、程生往拜梅川。梅 -川慨然留醺,將珠收下。次日,宋、程殷勤謝公而去。兩姓聯姻,無非遵行六禮,此不備載。 - -  只說錢生納聘之後,時因恩例不必到部,已得選授浙江紹興府會稽縣知縣,公以筮仕在邇,卜吉贅 -生當合巹之夕,命生作催妝詩,錢生提筆立就。詩曰: -  銀漢不須烏鵲渡,良媒只合謝明珠。 -  鳳樓早把新妝辨,為報三星已在隅。 - -  既而銀燭熒煌,珠簾高捲,小姐金裝玉裹,打扮得好似天仙的帝女,兩行婢媵簇擁出來。錢生烏紗 -皂靴,身穿大紅員領,參拜禮畢,外面大開喜筵,公與范斐陪著王梅川、許翔卿二媒,及錢鳴皋等﹔內 -面鼓樂送入洞房。生與小姐,同飲花燭之下。不多時,酒闌人散,珠娘卸了鳳冠霞披,錢生亦脫去袍靴, -移燭近前,把小姐仔細一看,雖有沉魚落雁之容、閉月羞花之貌,然與寒年月夜所見絕不相似,心下驚 -訝不定,便把前後事情,細細盤詰。珠娘道:「君以昔時所見的比妾如何?」錢生道:「彼不如也。」 -珠娘笑道:「君誤矣,昔時會見者,即妾也,豈有一人容貌前後各別?」錢生道:「休言誑我,自與小 -姐一面之後,曉風夕月,在在相思,總不離於心目之間,那有面龐尚不能記真者?」珠娘道:「設或妾 -非小姐,花燭已成,何必多問耶?」錢生顏色頓變,愀然不樂。珠娘乃笑道:「妾雖陋質,素以禮法自 -持,豈肯夜出閨房,以霑多露?只因慕君之纔,君又固需一見,故不得已,特以侍女蓮香代會,其實非 -妾也。」生猶未信,珠娘解松衣領,出刀痕以示生,生方欣喜道:「好笑我三載相思,竟在夢中也。」 -乃細述從前相慕之懷,珠娘亦訴被難之苦。少焉解帶下幃,共入鴛鴦衾裏。真個是少年才子佳人,溫存 -旖旎,彼貪此愛,曲盡於飛之樂矣。 - -  次日恰值蓮香親來賀喜,夫人小姐,優禮相待。錢生見畢,細看面容,宛然如故。蓮香說起范公以 -詩選擇之事,因笑道:「那日妾在屏後,窺見錢爺面色不豫,拙夫又倉皇無計,故妾聊設此謀耳。」錢 -生謝道:「感領盛情,中心頌之,何日忘之。」退而有感,賦詩一絕。詩曰: -  國色從來識面難,洞房昨夜喜相看。 -  三年一覺相思夢,錯認山茶是牡丹。 - -  錢生終以頸痕為玷,問於醫者。醫者道:「昔有美妃,為如意所傷,曾將獺髓為膏,和珠粉以敷之 -,其瘢始滅。」錢生乃令人遍求白獺。過了數日,既感紅蕖之情,又以紫蕭曾經同難,便將二人配合。 -又想起瑤枝未知還魂果否,即著紫蕭前往東昌,迎接白翁夫婦。不一日,紫蕭回報,臨情盡遭流寇,城 -外居民各竄,遍處尋問,竟不知白公所在。錢生聽罷,不勝悵怏。忽聞報進,姑蘇賈文華在外,便即慌 -忙出見。 - -  不知文華來,有何說話,且聽下回分解。 - -第十五回 小羅浮舊約重諧 - - -  詩曰: -  香奩不獨夜珠明,才子風流事事成。 -  人面桃花生死夢,草臺柳色苦甘情。 -  松蘿葉契心如一,雪月評章句共賡。 -  驅犢豈須尋塵尾,吹蕭請聽鳳和鳴。 - -  卻說錢生,以白雲峰不知去向,正在憂悶,忽聞報說,有一賈文華要見,忙欲出迎,只見文華已走 -進廳上,向著錢生連連揖謝。錢生道:「向日速於出京,不及候兄一面,以後杳無信息,鄙衷時為怏怏, -不知賈兄幾時得釋?」文華道:「仰賴錢爺一言超豁,數日之後,幸即脫獄。及詣尊寓叩謝,不料錢爺 -已出京三日了。因有帳目未清,淹留半月,恰值聖上登基,裴孝廉已貶徙為軍,谷期生亦為仇家所殺。」 -錢生撫掌稱快,文華道:「仰託厚愛,無恩可答,今日特報一樁喜事,以贖賀遲之罪。」錢生笑道:「 -更有何喜,重煩遠報?」文華道:「聞得錢爺,向在東昌曾與白家又有婚姻之約,今如主人回生已久, -錢爺為何置之度外?」錢生驚問道:「這件事,小弟從未告人,不識吾兄何以知之?」文華道:「僕自 -北京回來,偶從桃葉渡邊經過,與白翁邂逅相遇,彼此問了鄉貫,敘話移時,不覺契密,那白翁便談及 -錢爺訂姻一事,又說道:『小女幸已再生,只不知錢爺,為何一去又無消息?』便把書信一封,著某持 -奉。僕抵家之後,即刻造府,不意臺駕在京,因此特來相報。」便向袖中,將書取出,錢生接來拆開一 -看,不覺喜動顏色,原來是七言古體詩一首。詩曰: -  憶昔相逢日暮陰,梅花靜掩繡戶深。 -  挑燈共坐一窗雪,身未許郎先許心。 -  伯勞飛燕兩分別,夜夜憑樓望明月。 -  瑤琴聲斷蟲網多,翠幕荃靡香頓歇。 -  未及邛山掩墓門,情通冥漠仍返魂。 -  重見落梧秋雨暮,斷雁淒風桃葉渡。 -  回生之事非渺茫,數行遙致胸中愫。 -  盟言歷歷郎自知,憐取相思又一度。 - -  便留文華書房待飯,持詩以語小姐,小姐見詩亦歡喜道:「文藻燁然,誠香奩佳句也。既有此事, -何不迎聘至家,以完姻好?妾決不效那妒婦之態,使君作負心人也。」既而道:「君讀詩,必知綠衣黃 -裏之語,此事雖不敢阻抑,然勿使妾有積薪之嘆為幸。」錢生笑道:「夫人乃蘋蘩之主,譬如軍中元帥, -若白氏女,則偏裨小將,旦夕荷戈以受指麾耳。」小姐亦為解頤。錢生又稟知范公,范公驚訝道:「還 -魂之事,世所罕聞,有此奇異,極應聘納。」錢生乃辦具聘儀,即浼文華為媒,擇吉娶至。定情之夕細 -看豐姿,妖艷如故,是夜,就在白氏房中,小姐談笑自如,略無醋意。瑤枝向生細訴思念成疾,及幽魂 -夜會,以至回生始末,悲喜交集。因嘆道:「今夕之緣,實出天意,回思往事,恍若夢寐耳。」既而笑 -道:「昔日若從君命,今夜白綾帕上無以為質矣。」生急摟之就寢,交會之歡,綢繆徹旦,惟恨玉漏相 -催,金雞嗚速耳。 - -  然生雖在極歡之際,每一感念友梅,不禁悲嘆,時會稽縣書吏、皂快等,到京迎接,已十餘日矣, -錢生乃擇吉起程。先至祖居,辭別叔父,然後拜辭范公、小姐與老夫人,免不得酒淚而別。不則一日, -到了蘇州,至家參拜太夫人,禮畢,崔子文、李若虛同來拜賀,錢生倒履出迎。子文一見,執手而笑道 -:「金榜掛名,洞房花燭,人間樂事,都被吾兄佔盡矣。」若虛道:「九畹不是凡人,當是玉皇香案吏 -,暫時謫下耳。」錢生道:「小弟學業未優,謬叨制錦,不知兩兄,何以教之?」子文道:「作令不難, -只要愛民如子,不執一偏之見,以折獄則獄不冤﹔推不忍人之心,以用刑則刑不濫。」若虛道:「衙門 -吏役雖是作弊太多,然以吾兄聰敏絕倫,不患為人所欺,只患明察太過。」錢生謝道:「有辱大教,願 -書之座右,以當弦韋。」少頃,陸希雲亦至,錢生迎入坐定,忙命左右備上酒來,序坐而飲。子文道: -「今日此會,不減昔年。海棠花下,可羨九畹兄出宰名都,希雲兄掄魁秋榜,只我兩人,黑貂裘敞,猶 -刺蘇秦之股,能無愧感?」錢生道:「梅山之言,既驗於弟,則吾兩兄,必在來科折桂矣。」四子各敘 -衷懷,直至薄暮而散。時寧馨年已三歲,生以太夫人命名,不忍改易,因即取名嗣馨。聞子文有女,亦 -年三歲,遂託若虛為媒,下了允定之禮。又差人至桃葉渡,迎接白翁夫婦,管守田房。自與家眷,刻日 -赴任。 - -  原來秋煙姐雖然生子,做人謙卑謹厚,小姐既有摎木之賢,瑤枝亦秉塞淵之性,故忙則佐理中饋, -暇則品題花月,情分相投,猶如嫡親姐妹一般,所以太夫人十分歡悅。方舟抵武陵,忽見陸希雲遣人趕 -至遞書,錢生接書開視,簡上寫道:日者,仁兄榮蒞,弟以賤事,偶往百花洲,不及歌驪駒為送,歉甚! -歉甚!茲啟賣花梅嫗,獲罪門下,雖決海波,流惡不盡。然細查首惡,實係心如。今嫗坐獄數月,染病 -垂危,倘獲海涵,使嫗苟全殘喘,則仁兄度量之宏,尤勝於文穆矣。異日弟躡山陰之屐,當造貴治。暫 -分半榻,以看河陽滿縣花也。臨楮神馳,餘不盡悉。 - -  錢生看畢,即寫回書,並寫書送與府尊,令將梅三姐釋放。生既到任,自有縣中堂規,及參見上司, -但不必細述,按下不題。 - -  且說憨公子同了鄭心如,自在陶園奔返臨安之後,仍在本郡倚勢橫行,做那奸淫不法之事,總是鄭 -心如百方引誘。及蘇州府關文到杭,憨公子忙與心如商量,著人賄囑書吏,申文回復。又遣人至蘇,探 -聽消息。知是常不欺漏泄事機,遂與不欺絕交,不許上門。 - -  忽一日,要往會稽探望母舅,便與心如買舟渡江。原來憨公子的舅氏姓呂,號竹溪,越中望族也, -不一日,到了母舅家裏,參見畢,呂竹溪欣然款留。一日,憨公子偶在門首閑立,忽見一年少婦人,身 -穿淡羅衫子,自溪畔浣紗而歸。那少婦生得如何?但見: -  纖眉嫵兮,垂垂春柳。美目盼兮,灩灩秋波。玉質冰姿,不假淡妝濃抹﹔杏脣蓮臉,盡堪艷舞嬌歌。 -何必緱山聆鳳曲,恍從青鳥見嫦娥。 - -  憨公子近前一看,便春心難遏。那婦人也嫣然一笑,屢以秋波回盼,慢慢的推扉進內。原來此婦孫 -氏女也,年方二十,其夫姓吳,字君美,幼時也曾讀書,後來家事消乏,因在衙門中幫閑度日。其所居 -之房,正在呂宅門首。那一日浣紗暮歸,剛與憨公子相遇,引得憨公子心猿頓逸,意馬難拴。忙與心如 -言之,心如笑道:「此貧家婦,以餌啖之,易上鉤耳。」乃告以如此如此,憨公子大喜,自此不時往來 -窺視。 - -  又一日,孫氏汲水進門,憨公子忙以白綾汗巾,裹銀一錠,投於孫氏足邊,孫氏但微微含笑。恰值 -君美徐步而歸,憨公子正在惶懼,只見孫氏輕舒玉腕,拾置袖中。又以告心如,心如喜道:「事可諧矣。」 -乃悄然置酒妓館,以邀君美,君美遲疑不赴。使人邀之至三,日中方至。自此,杯酒往還,相知漸密。 - -  一日偶與心如閑話,心如道:「吾兄株守數椽,怎能發跡?不若尋些資本,出外經營。」君美嘆道: -「薪水尚有不繼,若要資本,從何而得?」心如道:「小弟為兄籌之熟矣,雖有一策,只是不敢直陳。」 -君美欣然請教,心如道:「公子胡伯雅,揮金如土,平昔所愛,惟在嬌姿,若吾兄肯以一枝春色,暫借 -鸞栖,包在小弟身上,當以二百金相贈。」君美聽了,面色通紅,大怒而去。 -  過了數日,心如方與呂竹溪分韻做詩,溪邊閑步,只見君美含笑而來,心如再三謝罪,君美道:「 -那日承諭,足感厚愛,但不肖夫婦,俱是良家兒女,惟恐丑聲播揚,被人恥笑。」心如道:「只有爾知 -我知,外人怎得相聞?況胡公子自有嬌妻美妾,不過一遭兩次,便既歸去。既於尊閫無損,吾兄又白得 -一主大財。請自三思,小弟怎敢強勸?」君美甚以為然,猶恐其妻不允,歸以告之。孫氏笑道:「可否 -在君,何必問我?」君美又悄然以會心如,且言所許之物。心如乃與憨公子計議。憨公子驚喜欲狂,次 -早進見舅妗,話以他事,貸銀二百兩,以付心如。心如止以二十兩付君美道:「公子客中,不及措備, -今早已遣人至杭矣,准在五日內,必當如數找足。但事在今晚為妙。」君美欣然領諾而去。 -  迨至日哺,惟恐在家不雅,別向妓館取樂,孫氏明妝秉燭,俟至更餘,俄聞輕輕嗽響,急忙啟戶迎 -迓,那憨公子見了孫氏,也不敘一句風月之言,也不致半點溫存之態,惟覺欲火如焚,近前摟抱。孫氏 -亦已春意滿懷,偎身相昵。是夜雲雨之歡,如魚得水,直至雞鳴而出。自此往來數夕,歡愛彌篤。心如 -極意趨奉,乃撰私情歌十首,俱以談諧之語,形容狎昵之情。其歌最為膾炙人口,選錄五絕於左。歌曰: -  藤蘿村裏是儂家,日暮江頭獨浣沙。 -  莫把桃花輕擬妾,既言妾貌勝如花。 -  其二: -  紫紫紅紅鬧艷塵,人生能遇幾回春。 -  少年不做私情事,只恐春風也笑人。 -  其三: -  花開蛺蝶必雙飛,汀畔鴛鴦詎獨栖。 -  紅日半窗歡未足,共郎枕上聽鶯啼。 -  其四: -  奴愛風流歡有情,佳期約定在三更。 -  忽聞窗外低低喚,不著紅裙啟戶迎。 -  其五: -  夜深花影拂回廊,春色撩人思轉狂。 -  願得郎心圓似月,清光常照阿奴床。 -  憨公子雖昧文裏,幸得歌意淺露,諷泳終篇,也不覺撫掌稱妙。然終是公子性格,初時未得孫氏, -愛之如覓珍寶,及數夕之後,便覺情致闌珊。那吳君美早晚需促,心如揣知憨公子已有歸歇之意,便笑 -道:「吾前日與兄相約,止雲二數,未嘗許二百兩也。」君美失色道:「不肖雖極窘寒,豈肯以二十金, -做此無恥之事?足下何乃侮弄如小兒耶?」心如亦發話道:「兄真妄人也。如今要娶一位與尊閫人物相 -似的,也只消二十金為聘,況乎僅僅數夕,便已獲此重貲。偏又得隴望蜀,何貪心之無厭也!」君美知 -為心如所賣,不覺大怒,拂袖而起,然只恨憨公子做此短行之事,而不知計皆出於心如也。則出門,遇 -著縣吏沈思梅邀去。 -  是夜,憨公子以明日歸吳,又持銀二兩,私贈孫氏,便與敘別。二人話至情濃之處,免不得重整風 -流。不期君美沉醉而歸,推門進內,不見孫氏,但聞房中笑聲啞啞,乃於門縫一張,只見其妻卸下褻衣, -露出雙股與白藕相似,憨公子立而就之,正在雲深雨密之際。君美按不住怒從心起,忙向廚下取刀,飛 -趕進房,憨公子看見勢頭兇猛,用手一推,那君美的刀已墜地,便疾趨而出。君美一面狂喊「胡公子強 -奸」,一面奮力趕上,僅截其半裾,並落下朱履一只。時方初更,左右鄰居無不出門驚問,君美乘著酒 -興,把憨公子與孫氏如此云云說了幾遍,又大罵不已。孫氏又苦又羞,一時氣憤,便持刀向喉邊一割, -登時命斷,正是: -  未了陽臺雲雨情,俄驚霜刃血洗腥。 -  可憐少婦含羞死,不恨胡郎恨鄭生。 -  有頃,眾鄰散去,君美回身進內,只見孫氏鮮血淋漓,死在地上,這一驚,倒把酒都驚醒,疾忙報 -知地方,一面央人寫下狀詞,准備趕縣告狀。此時錢生到任數月,那一日早堂放告,只見頭一張狀詞就 -是強奸殺命事,又看首犯是胡伯雅,第二名是鄭心如,正所謂冤家相遇,不覺勃然大怒,即著四衙驗尸, -又差八名皂快,朱書肉臂,立刻聽審,不多時,差人把一干人犯,陸續拘到。心如早已探知縣令是生, -因為珠娘事,不好進見,誰料忽遭此變,心中懷著鬼胎。只有憨公子猶搖擺道:「他自殺死,與我何涉? -況我是都御史之子,呂工部之甥,諒一會稽縣令,豈能奈何我哉?」 -  錢生喚原告審問,君美哭訴強奸致死,及半裙只履為證。又叫胡伯雅上來:「你卻怎麼說?」憨公 -子方欲辯剖,只見本縣鄉紳差人下書,一連四封,錢生概不啟視,拍案問道:「速速的從實說來!」憨 -公子也把前後事情,細述一遍,錢生大怒道:「一片胡說!不打不招!」乃令皂役,五板一換,重責三 -十。那憨公子自幼嬌養,怎能禁受刑法,打至二十,只得招認強奸是真。錢生便令畫供,援筆定招。 -  判曰: -  審得孫氏之死,胡伯雅逼奸之所致也。雅以錢塘甲族,探視至縣,窺見吳君美之妻孫氏少艾,輒起 -竊玉之意。瞷氏浣紗暮歸,遂為調謔,而氏初無貪金慕貴之心,即時赤面唾罵。雅若稍知廉恥,當遨游 -以去矣。何乃恃勢橫行,又於某夜,突入臥房,用強凌逼,致氏白壁為玷,攖刃而斃。值美外歸,登時 -叫破地鄰,又獲其半裾只履為證。夫雅以富貴之家,何患無蠻腰素口,邀楚岫之雨雲,舞袖歌喉,娛秦 -樓之風月者哉!而必垂誕於村姑荊婦,以取重闢之罪?豈能見尤於人,洵乃自作之孽。吾不能不伸三尺 -之法,以雪孫氏之冤於泉下也。鄭心如雖係師教無方,姑以不知情免究。 -  錢生因憨公子有了小姐之事,故信為強奸,而不暇致詳,問成大辟,又料主謀必是心如,惟恐究出 -情由,一體問罪,因此拷打成招,竟把罪名獨坐在憨公子身上。亦是錢生不念舊惡,待師之厚情也。 -  審畢,方欲退堂,只見禮生稟說呂爺來拜。那呂爺是誰?即工部主事呂玄卿也,因以裴黨,削職在 -家,與呂竹溪為嫡堂弟兄,所居離城不遠。竹溪遣人馳報,隨即入城,在賓館相見畢,便以憨公子為懇, -錢生道:「這是令甥自取罪殃,本縣只知公斷,豈敢殉私?」玄卿又固求不已,錢生微笑道:「若使魏 -東廠無恙,裴司馬鈞渝,則令甥可以出罪,本縣可以改筆了。」玄卿面赤而去。 -  且說鄭心如出得縣門,心下想道:「這件事若究起根由,我亦難免桁楊,誰想九畹略不追究,反為 -我脫卸干淨,這分明是厚我之意了。不若乘機進見,說明此事,豁免了憨公子的重罪,方不負胡老先生 -知遇一番。」主意已定,急忙寫了一個名帖,央著禮生通報。只見禮生回說:「老爺不及相見,有一回 -帖在此。」心如展開一看,卻是一首詩詞。詩曰: -  舌憑三寸是非生,十載文章枉得名。 -  附勢甘為吠堯犬,趨財好似慕羶蠅。 -  蘇州公子今何在,白下佳人質自馨。 -  頃在公庭饒責撲,於斯便是酬師情。 -  心如看罷,赧然有羞愧之意,嘆一口氣道:「既生瑜,何生亮。」只因心虛,悄然收拾囊資,也不 -與竹溪作別,竟自渡江回去,不題。 -  卻說錢生自將憨公子問罪之後,豪強斂跡,境內肅然,蒞政二年,真是一清如水,所以民稱三異, -政聲藉藉。巡按考察,推生為兩浙清吏之首。忽一日,方出坐堂,有白雲庵尼姑具呈,是為雨花庵侵奪 -田界。錢生看了呈詞,陡然想起梅山老人曾說「雨花庵裏」、「桃葉渡邊」,那桃葉渡果已應在白氏夫 -人,只不知雨花庵或得與友梅相遇乎?正在躊躕,忽喧傳報進,行取上京。錢生即忙回衙,報知太夫人, -及小姐、瑤枝。於是擇日先發家眷起程,隨後交納印綬,離城十里之外,換了方巾便服,只帶紫蕭、錢 -吉跟隨,沿路問至雨花庵,約行三十餘里,方聞鐘聲隱隱。正是: -  蘭若知何處,小溪路欲迷。 -  板橋蘿半縛,石凳草初齊。 -  松老侵衣馥,猿多枝樹啼。 -  遙聞鐘聲響,還在竹林西。 - -  不多時,到了庵前,冉冉綠蔭,但聞禽聲睨睆,推扉緩步而入,真所謂「竹徑通幽處,禪房花木深」 -。延佇久之,有一美尼出見,號喚去凡,見生美雅風流,含笑問道:「敢問相公尊姓貴表?仙鄉何處? -有何貴干,光臨敝剎?」錢生答道:「小生姓錢,姑蘇人也,偶因游學至此,聞說上剎清幽,特來隨喜。」 -那去凡口中敘話,雙眼不住盼生。 - -  少頃,又一老尼無非出會,姿容清潔,年奇四十餘,乃去凡之師也。三人閑敘良久,錢生問道:「 -不知寶剎如仙姑者共有幾位?」去凡道:「敝庵只有師弟兩人,此外惟一老頭陀耳。」錢生細細查問, -並無友梅消息。因日暮程遙,不及下船,無非亦款留懇切,是夜獨宿禪房。以友梅無從訪覓,意極耿耿。 -  即而月照高梧,方倚窗寂坐,只見去凡手攜塵尾,悄然而至,笑謂生道:「幽齋良夜,願共清談, -以消此半窗明月何如?」錢生欣然道:「幸甚。」去凡道:「人謂天上神仙,不作塵凡之想,而何以雙 -娛月帳、贅劉阮於天臺﹔三降星軿,訪孝廉於少室?」錢生道:「此亦夙緣未斷耳。」去凡道:「近閱 -樂府,有玉簪傳奇,所載潘生私會妙常,豈空門中果有此風流之事乎?」錢生低首不答,去凡乃以小箋 -出示道:「有一偈語,敢求相公指教。」錢生手接觀看。偈曰: -  出家如雪藕,藕斷絲猶在。 -  既雲色是空,如何受色戒。 -  錢生看畢,知其意念著邪,戲改舊詩答之。 -  詩曰: -  雲雨高唐此地非,好持半偈悟禪機。 -  予心已似沾泥絮,豈逐春風到處飛。 -  去凡看詩,知生秉正不回,悵然而退。 - -  次日早起,偶往殿後閑步,行盡曲廊,向東竹扉靜掩,上有額曰「小羅浮」,扉左壁上題詩一首, -其外則有古梅數株。錢生疑是詠梅之作,近前細看。詩曰: -  春風處處黃鳥啼,桃花李花爭芳菲。 - -  看於終篇,愕然驚異道:「此詩乃我昔年題於梅花樓上的,卻是何人錄在此處?」因此詰問無非, -無非道:「既是相公佳作,還要請問大名,並乞示以令先尊官諱。」錢生道:「小生諱蘭,賤字九畹, -年方二十二歲,先君諱某,官至開府,」無非大喜道:「原來果是九畹相公,可憐尊夫人凝盼久矣!」 -錢生急問道:「可是趙友梅否?」無非道:「然,然,然!」遂急叩扉,內有雙鬟應聲出問,無非道: -「火速報知,蘇州的錢相公來了!」話聲未絕,只見友梅花鈿不整,常服素妝,迅步而出,抱生大哭道 -:「錢郎!錢郎!莫非夢中相會耶?」正是: -  只道天涯遠,相思兩處深。 -  寧知三載苦,惟隔會稽城。 - -  要知友梅怎得避跡空門,以與九畹相會,且聽下回解說。 - -第十六回 春明門掛冠歸隱 - - -  詩曰: -  木蘭之枻沙棠舟,玉蕭金管坐兩頭。 -  美酒樽中置千斛,載妓隨波任去留。 -  仙人有待乘黃鶴,海客無心隨白鷗。 -  屈平詞賦懸日月,楚王臺榭空山丘。 -  興酣落筆搖五岳,詩成笑傲凌滄洲。 -  功名富貴若長在,漢水亦應西北流。 -   ──右《江上吟》 - -  卻說錢生見了友梅,如獲至寶,驚喜泣下。因從容問道:「與卿別後事情,願聞埂向。」友梅便把 -自蘇至杭,被鴇母百端凌逼,及設計以嫁程生,細述一遍。錢生道:「那程生可是何等樣人物?」友梅 -道:「程生諱必孚,字信之,原籍徽郡,家累千金。」錢生驚異道:「原來就是程信之,一發奇了,只 -是既歸程氏,怎得脫離虎穴?」友梅又述遇見梅山老人,至八月十五,虧了申屠丈救至寓所。錢生感嘆 -道:「原來保護賢卿亦仗二公之力。」友梅道:「妾自至申屠丈寓所,幸有二姬作伴,梅山老人亦時時 -過望。將及半年,申屠丈方自燕魯回來,為妾備言,郎君要聘范氏小姐,求取明珠,幾為兇僧所害,那 -時妾即懇求二公,送至金陵與君相會。二公又說:『錢郎萍蹤未定,功名未就。』直至辛未暮春,方得 -相遇,遂攜二姬送妾,過了錢塘直至會稽,留妾於此。既以百金為贈,復以古體詩一篇,付妾道:『此 -詩乃錢郎題於梅花樓者,子宜珍留,以為異日相會之券。』自此,妾在庵中,深藉二題覆庇,然而盼時朝 -日,廓處無聊,每至子夜聞猿,曉窗聽雨,未嘗不黯然魂斷也。無限相思,候君面訴,誰料今日見君, -徒有百憂千緒,又不及抒其端倪矣。」言訖不勝淒楚。既而問生道:「郎君別來作何景狀?夢珠小姐親 -事成未?今日因何至此?試為妾細道其詳」。生以兩闈聯捷及與范小姐成姻,從頭至尾備細述了一遍。 -友梅驚喜道:「妾但聞縣尊姓魏,誰知即是君也。只是登第之後,就該上表改姓了。」錢生道:「曩因 -出京甚速,未暇及此。」無非、去凡聞知即是本縣大尹,慌忙謝罪,錢生笑道:「我今去官,已稱越客 -矣。況卿等俱屬方外,何必以此俗套相拘?」少頃,齋畢,令錢吉僱了一乘女轎,厚贈二尼,速急起程。 -無非、去凡,直送至十里之外,方與友梅灑淚而別。 - -  無何抵家,友梅先參拜了太夫人,然後與小姐、瑤枝及秋煙依次相見,合家無不歡喜。錢生自此亦 -覺心滿意滿,不敢遲留。次日,掛帆長往,舟次維揚,因以友梅所囑,持銀三百兩,往謝程信之。信之 -方得友梅忙去之故,而知向雲許嫁錢郎者即生也。是時信之家漸豐裕,再三推辭不受。錢生又問起寂如 -二僧,信之道:「文友斃在獄中,那寂如已在去冬正法」。錢生欣然稱快。作別下船,不一日到了京師, -考察之後,欽命山東巡按,那齊魯百姓,聞生出宰會稽摘奸除惡,邑有神明之號,所以豪民狡吏,竄伏 -如鼠,而銜冤抱痛之民,莫不伸首引項,若槁苗之待霖雨。生既按郡,果如陰風鳴絛,飛電爍目,向之 -強狡者,俯首就罪,而呻吟者,變為歌謳矣。又以大獄,悉為奸吏弄其刀筆,於是不拈成案,平反一十 -餘事。既而巡歷方竣,忽錢吉報至太夫人病入膏肓,錢生一聞此信,方寸已亂,遂不及復命,從駕歸蘇, -日與三夫人侍奉湯藥,每夜吁天,顧以身代。將及二月,太夫人方平愈如初。正欲束裝北上,而校尉提 -問,已至姑蘇驛矣。原來朝廷祖制,凡繡衣代巡,須俟復命之後,方許回籍。那憨公子之父胡御史切齒 -恨生,借此為由,動了一本,所以內閣票准,便著校尉拿究。起解之日,太夫人流淚相送,錢生勸慰道: -「母親大病乍起,自宜珍重,兒雖犯制,念居官清正,聖上自應恩宥,況有崔、李二子,新中在京,必 -然為兒辨救,慎勿過為憂郁,有損慈顏」。三位夫人,亦各牽衣哭別。生與校尉方抵山東境上,那些父 -老,已紛紛的執香迎接,擁住不放道:「某等已有辯冤表章,上達天聽,且待本轉之後,方許老爺進京」 -。錢生堅卻道:「若是這般,顯是抗違聖旨,爾百姓不是愛我,反所以害我了。」乃從夜半,悄然過了 -省城。將抵長安,有廉吉士文長儒,與行人崔子文、兵部觀政李若虛,連名具疏,為生辯白,聖上省奏, -左遷生為東昌府司李。原來文長儒,即是王季文之婿,與崔、李同中進士,因在前歲,錢生贈以厚資, -方得與蕙姑畢姻,夫妻十分感激,所有借此為報。錢生入朝謝了聖恩,隨即往拜文長儒,又詣崔、李作 -謝,遂走馬到任,著人至蘇迎接家眷不題。 - -  卻說賈文華,自向金陵報了白瑤枝回生之信,到家未幾,其妻張氏患病而亡。正懷失偶之悲,忽值 -本郡有一仕夫,在京作宦,寄書相召,文華趁此機會,湊銀二百餘兩,買了細緞,帶至京中發賣。 - -  一日到了東昌,偶從城外閑步,遇著妓女琴娘,新自揚州遷至。身材窈窕,也有六七分姿色,文華 -既注目而視,琴娘亦陪笑相迎。是夜擺設東道,就被琴娘纏住,那文華原在風月場中著跡,頗諳採戰之 -術,把琴娘奉承得十分歡喜,自此爾貪我愛,情好日篤,未及半年,已把二百兩細緞變賣幾盡。鴇母金 -鳳,窺見文華囊資已竭,終日嘵嘵,打雞罵犬,催促動身。文華欲去,奈不能割舍﹔欲留又難禁絮取。 -正在進退兩難,忽聞人說,新到理刑就是前任巡按,文華聽了,暗暗歡喜。 - -  恰值錢生前呼後擁,拜客回衙。遠遠的望見文華,立在檐下,便悄然分咐門子,請那賈相公到衙門 -相見。文華流落窮途,忽聽門子說,老爺相請,喜得滿面堆笑,急忙隨在轎後,少頃進入後堂。見畢, -錢生道:「賈兄既到敝治,為何不來見弟?」文華乃以心事備訴,錢生笑道:「文華頭顱如許,猶滯跡 -於花柳間耶?從來鴇母不仁,只圖財貨。兄果鐘情此妓,不若娶以續弦,我向縣庫借銀相贈。」文華連 -忙揖謝道:「多謝錢爺厚情,誓當衛結。只恐金鴇執拗不從,奈何?」錢生道:「此亦不妨,只消具一 -稟詞到廳,待我當面批與執照,又何慮金鴇不允?」文華又連揖而出,回告琴娘,琴娘大喜。次日瞞過 -金鳳,親自到廳具稟,錢生看了稟詞,就批道: -    妓者沉淪慾海,迷戀風情,寧辭栖鳳栖鴉,雖欲為雲為雨。而珴瑁筵前,兕觥勸酒﹔銷金帳裏, -玉臂作枕,良有以也。今某妓,志甘荊布,誓脫火坑,扃春風於繡榻,舞歇霓裳﹔卻夕月於青樓,歌停 -玉樹。此真醉之醒,而夢之覺者。長與執照任其所從。 - -  錢生以文華所愛,必有豐姿,故令其具稟,略識春風一面。誰料見時十分面熟,那琴娘亦時時偷眼 -窺生。既有批照,金鳳無可奈何,只得許允。錢生果以百金贈文華,文華以五十金娶了琴娘,也無心北 -上,將欲治任歸蘇。琴娘密訊文華道:「妾觀司李錢爺,絕似胥門住的十一相公。」文華驚問道:「子 -何以知之?」琴娘泣道:「奴本錢宅青衣也,因與同伴有隙,觸了太夫人之怒,將奴出嫁,卻被梅三姐 -貪了重賄,哄賣為妓,原名繡琴,故即改為琴娘耳。」文華又謝錢生,備語其事。錢生道:「我亦道有 -些相像,原來果是繡琴。」嘗以語太夫人,太夫人顧左右婢女而笑道:「汝輩戒之,嫉妒者當受此報。」 - -  自此生在東昌,三年任滿,便升吏部主事,又由中允,升了諭德。十餘年間,官至侍郎,加尚書俸 -,富貴赫奕,莫之與京,錢生每自退朝之暇,則與三位夫人,焚香啜茗,評花詠月,有時分韻做詩,各 -欲誇奇鬥艷,體裁菁藻,句落珠璣。那三位夫人,味同蘭茞,雖無嫉妒之心,而亦飄輕裾曳長袖,回波 -而逞媚,爭妍而取憐。小姐嗜琴,每翻新調,有《紅窗影雙鳳飛》之曲。友梅喜畫,時時縱筆作遠峰瀑 -布、斷澗孤松,真有云林墨氣。惟瑤枝則以巧言雅謔使人絕倒。生亦縱橫談笑,紛紜酬和於其間。既而 -棋聲歇,爐篆銷,茶煙未散、梧月欲上之際,生乃枕小姐之肱,捫瑤枝之乳,命友梅度新聲為宛轉之歌, -而令秋煙槌背搔癢、高臥於北窗之下者。久之則有美麗青衣,攜絳紗燈,兩兩來接報道:「綺筵已設, -金壺酒暖矣。」夫生以一介書生,名為進士,官居三品,享福至此,所謂騷壇領袖、風月總管非耶?然 -而錢生亦非徒留連於詩酒美色,每遇朝延大事,未嘗不垂紳正笏,諤諤敢言,平居常以不能致君堯舜為 -恥,則又可謂聖賢豪杰之後矣。其年癸未三月,太夫人八十懸幌壽誕,於時崔子文方升鴻臚寺少卿,李 -若虛亦以潮州知府任滿入都,陸希雲雖遭點額尚未南返,三子俱備了盛禮,登堂祝賀,錢生乃大排筵席, -廣請朝紳。是夜飲至更餘,痛醉而散。只見錢吉稟說:「日間有一老者,不衫不履,騎驢而來,要與老 -爺相見,門吏因為堂有賓客,不敢通報。恰值小人遇著,那老者便把一個簡帖著小人遞上老爺。」錢生 -接來,拆開一看,但見帖上七言律詩一首。詩曰: -    歌鳳何須笑楚狂,好將時事卜行藏。 -    江湖只合盟鷗鷺,蘿薛爭知勝鷫鶆。 -    賊遇黃巢唐遂覆,權歸秋壑宋應亡。 -    銅駝不日生荊榛,珍重姑蘇十一郎。 -         九十一翁梅山老人奉 - -  錢生以十年積想,失之當面,悵怏不已。乃詳味詩中意思,是言天下將亂,不如歸隱。那一年錢生 -正年三十六歲,又與「若逢四九,返爾林泉」之語相應。將詩與崔、李求教。崔、李之意不約而同,遂 -與二子,即日上表辭官,出了春明門,掛冠解綬,一同南歸。大學士魏藻德與朝紳光時亨等俱賦詩為贈。 -時嗣馨已年一十八歲,天資敏慧,矢口成文,極為時輩推重。錢生抵家之後,卜吉行聘,即於是秋,為 -嗣馨完了伉儷。又以范公與叔父鳴皋俱近八旬,不堪迢隔,乃令白翁夫婦住在蘇州,自奉太夫人依舊遷 -往金陵,離城四十五里,與祖塋相近,地名喚做錦鳳村,真個是山明水秀,足稱幽居。生乃因山傍水, -起造園房一所,備極輪渙之美。但見: -    紅樓翠闈,繡闥雕甍。門前五柳搖金,窗外千竿嫩玉。林花春吐,池蓮夏開。靜坐處,最喜幽 -禽弄舌﹔客到時,自有美酒盈樽。小橋臥澗,遙通水畔荷亭﹔深徑埋香,轉入峰邊梅塢。正是謝安舊住 -烏衣巷,裴度新開綠野堂。 - -  錢生正在修葺書院,忽見許翔卿來望,袖中取出一封書信道:「某近白蘭溪返棹,將渡錢塘,遇著 -一位長者,自稱申屠丈,修書一封,著某送上錢爺。」錢生啟緘看云: -    自別音容十有七載,予兩腳如車輪終年僕僕,作牛馬走耳。聞子三遇良緣,待詔金馬,梅山之 -神(??監)不爽,而梅花樓一夕酒錢予已效文魚之酬矣。茲者,天造逄剝,潢池之亂難彌,而煤山之禍 -已兆。子以老人一言點醒,歸隱丘園,甚善,甚善!今有真主已出,太平在邇。予亦自茲栖蹤海島,非 -敢效田橫自王,聊逞虯髯之故智耳。明年秋杪,吾事方成,子夫婦幸瀝酒遙賀。便中附候,申屠丈白。 -  錢生看罷,喟然嘆道:「王室如毀,中原瓦解,吾輩將來尚不知作何結果耳。」是時,闖賊李自成 -雖得了河南一省,然齊魯之間,猶安然無事。錢生以書意不祥,諱而不言。至明年甲申三月,果有彰義 -門之變,大行皇帝縊死煤山,始信申屠丈與梅山之語為不妄矣。 - -  自此,隱在鄉中,捐粟募兵,保障一方,雖經鼎革,天下盜賊蜂起,而錢生保全身家不失,向後多 -少朱門大廈化為灰燼,那些屠沽兒、賣菜佣反得滿身羅綺。一朝富貴時,來者高入青雲,運退者黃金變 -色。當此之際,不能無感耳。自後生與范公頻至庵中,與心如講論釋典。時賈文華還至金陵,與許翔卿 -同為門客。崔、李、陸三子,亦隱在長白山中,與生往來信使不絕。生與三夫人唱和篇什,有《瑟琴集》 -行於世。每羨樂天為人,故顏其堂曰希白堂,自亦謂希白居士云。 - - - - - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Hepu Zhu, by Yanshuisanren - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HEPU ZHU *** - -***** This file should be named 27734-0.txt or 27734-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - https://www.gutenberg.org/2/7/7/3/27734/ - -Produced by Vicky Tseng - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. 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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: Don Quijote - -Author: Miguel de Cervantes Saavedra - -Release Date: December, 1999 [eBook #2000] -[Most recently updated: January 2, 2020] - -Language: Spanish - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: an anonymous Project Gutenberg volunteer and Joaquin Cuenca Abela - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DON QUIJOTE *** - - - - -El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha - - - -por Miguel de Cervantes Saavedra - - - - - -El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha - - - -Tasa - - -Testimonio de las erratas - - -El Rey - - -Al Duque de Béjar - - -Prólogo - - -Al libro de don Quijote de la Mancha - - - -Que trata de la condición y ejercicio del famoso -hidalgo don Quijote de la Mancha - -Que trata de la primera salida que de su tierra hizo -el ingenioso don Quijote - -Donde se cuenta la graciosa manera que tuvo don -Quijote en armarse caballero - -De lo que le sucedió a nuestro caballero cuando salió -de la venta - -Donde se prosigue la narración de la desgracia de -nuestro caballero - -Del donoso y grande escrutinio que el cura y el -barbero hicieron en la librería de nuestro ingenioso hidalgo - -De la segunda salida de nuestro buen caballero don -Quijote de la Mancha - -Del buen suceso que el valeroso don Quijote tuvo en -la espantable y jamás imaginada aventura de los molinos de viento, con -otros sucesos dignos de felice recordación - -Donde se concluye y da fin a la estupenda batalla que -el gallardo vizcaíno y el valiente manchego tuvieron - -De lo que más le avino a don Quijote con el vizcaíno, y -del peligro en que se vio con una turba de yangüeses - -De lo que le sucedió a don Quijote con unos -cabreros - -De lo que contó un cabrero a los que estaban con don -Quijote - -Donde se da fin al cuento de la pastora Marcela, con -otros sucesos - -Donde se ponen los versos desesperados del difunto -pastor, con otros no esperados sucesos - -Donde se cuenta la desgraciada aventura que se topó -don Quijote en topar con unos desalmados yangüeses - -De lo que le sucedió al ingenioso hidalgo en la venta -que él imaginaba ser castillo - -Donde se prosiguen los innumerables trabajos que el -bravo don Quijote y su buen escudero Sancho Panza pasaron en la venta -que, por su mal, pensó que era castillo - -Donde se cuentan las razones que pasó Sancho Panza -con su señor Don Quijote, con otras aventuras dignas de ser -contadas - -De las discretas razones que Sancho pasaba con su -amo, y de la aventura que le sucedió con un cuerpo muerto, con otros -acontecimientos famosos - -De la jamás vista ni oída aventura que con más poco -peligro fue acabada de famoso caballero en el mundo, como la que acabó -el valeroso don Quijote de la Mancha - -Que trata de la alta aventura y rica ganancia del -yelmo de Mambrino, con otras cosas sucedidas a nuestro invencible -caballero - -De la libertad que dio don Quijote a muchos -desdichados que, mal de su grado, los llevaban donde no quisieran -ir - -De lo que le aconteció al famoso don Quijote en -Sierra Morena, que fue una de las más raras aventuras que en esta -verdadera historia se cuentan - -Donde se prosigue la aventura de la Sierra -Morena - -Que trata de las estrañas cosas que en Sierra Morena -sucedieron al valiente caballero de la Mancha, y de la imitación que -hizo a la penitencia de Beltenebros - -Donde se prosiguen las finezas que de enamorado hizo -don Quijote en Sierra Morena - -De cómo salieron con su intención el cura y el -barbero, con otras cosas dignas de que se cuenten en esta grande -historia - -Que trata de la nueva y agradable aventura que al -cura y barbero sucedió en la mesma sierra - -Que trata de la discreción de la hermosa Dorotea, -con otras cosas de mucho gusto y pasatiempo - -Que trata del gracioso artificio y orden que se tuvo -en sacar a nuestro enamorado caballero de la asperísima penitencia en -que se había puesto - -De los sabrosos razonamientos que pasaron entre don -Quijote y Sancho Panza, su escudero, con otros sucesos - -Que trata de lo que sucedió en la venta a toda la -cuadrilla de don Quijote - -Donde se cuenta la novela del Curioso -impertinente - -Donde se prosigue la novela del Curioso -impertinente - -Donde se da fin a la novela del Curioso -impertinente - -Que trata de la brava y descomunal batalla que don -Quijote tuvo con unos cueros de vino tinto, con otros raros sucesos -que en la venta le sucedieron - -Que prosigue la historia de la famosa infanta -Micomicona, con otras graciosas aventuras - -Que trata del curioso discurso que hizo don -Quijote de las armas y las letras - -Donde el cautivo cuenta su vida y sucesos - -Donde se prosigue la historia del cautivo - -Donde todavía prosigue el cautivo su suceso - -Que trata de lo que más sucedió en la venta y de -otras muchas cosas dignas de saberse - -Donde se cuenta la agradable historia del mozo de -mulas, con otros estraños acaecimientos en la venta sucedidos] - -Donde se prosiguen los inauditos sucesos de la -venta - -Donde se acaba de averiguar la duda del yelmo de -Mambrino y de la albarda, y otras aventuras sucedidas, con toda -verdad - -De la notable aventura de los cuadrilleros, y la -gran ferocidad de nuestro buen caballero don Quijote - -Del estraño modo con que fue encantado don Quijote -de la Mancha, con otros famosos sucesos - -Donde prosigue el canónigo la materia de los -libros de caballerías, con otras cosas dignas de su ingenio - -Donde se trata del discreto coloquio que Sancho -Panza tuvo con su señor don Quijote - -De las discretas altercaciones que don Quijote y el -canónigo tuvieron, con otros sucesos - -Que trata de lo que contó el cabrero a todos los que -llevaban a don Quijote - -De la pendencia que don Quijote tuvo con el cabrero, -con la rara aventura de los deceplinantes, a quien dio felice fin a -costa de su sudor - - -Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de la Mancha - - - -Tasa - - -Fee de erratas - - -Aprobaciones - - -Dedicatoria, al conde de Lemos - - -Prólogo al lector - - - -De lo que el cura y el barbero pasaron con don -Quijote cerca de su enfermedad - -Que trata de la notable pendencia que Sancho Panza -tuvo con la sobrina y ama de don Quijote, con otros sujetos -graciosos - -Del ridículo razonamiento que pasó entre don Quijote, -Sancho Panza y el bachiller Sansón Carrasco - -Donde Sancho Panza satisface al bachiller Sansón -Carrasco de sus dudas y preguntas, con otros sucesos dignos de saberse -y de contarse - -De la discreta y graciosa plática que pasó entre Sancho -Panza y su mujer Teresa Panza, y otros sucesos dignos de felice -recordación - -De lo que le pasó a Don Quijote con su sobrina y con -su ama, y es uno de los importantes capítulos de toda la historia - -De lo que pasó don Quijote con su escudero, con otros -sucesos famosísimos - -Donde se cuenta lo que le sucedió a don Quijote, -yendo a ver su señora Dulcinea del Toboso - -Donde se cuenta lo que en él se verá - -Donde se cuenta la industria que Sancho tuvo para -encantar a la señora Dulcinea, y de otros sucesos tan ridículos como -verdaderos - -De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don -Quijote con el carro, o carreta, de Las Cortes de la Muerte - -De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don -Quijote con el bravo Caballero de los Espejos - -Donde se prosigue la aventura del Caballero del -Bosque, con el discreto, nuevo y suave coloquio que pasó entre los dos -escuderos - -Donde se prosigue la aventura del Caballero del -Bosque - -Donde se cuenta y da noticia de quién era el Caballero -de los Espejos y su escudero - -De lo que sucedió a don Quijote con un discreto -caballero de la Mancha - -De donde se declaró el último punto y estremo adonde -llegó y pudo llegar el inaudito ánimo de don Quijote, con la -felicemente acabada aventura de los leones - -De lo que sucedió a don Quijote en el castillo o -casa del Caballero del Verde Gabán, con otras cosas extravagantes - -Donde se cuenta la aventura del pastor enamorado, con -otros en verdad graciosos sucesos - -Donde se cuentan las bodas de Camacho el rico, con el -suceso de Basilio el pobre - -Donde se prosiguen las bodas de Camacho, con otros -gustosos sucesos - -Donde se da cuenta de la grande aventura de la cueva -de Montesinos, que está en el corazón de la Mancha, a quien dio felice -cima el valeroso don Quijote de la Mancha - -De las admirables cosas que el estremado don -Quijote contó que había visto en la profunda cueva de Montesinos, cuya -imposibilidad y grandeza hace que se tenga esta aventura por -apócrifa - -Donde se cuentan mil zarandajas tan impertinentes -como necesarias al verdadero entendimiento desta grande historia - -Donde se apunta la aventura del rebuzno y la graciosa -del titerero, con las memorables adivinanzas del mono adivino - -Donde se prosigue la graciosa aventura del titerero, -con otras cosas en verdad harto buenas - -Donde se da cuenta quiénes eran maese Pedro y su -mono, con el mal suceso que don Quijote tuvo en la aventura del -rebuzno, que no la acabó como él quisiera y como lo tenía pensado - -De cosas que dice Benengeli que las sabrá quien le -leyere, si las lee con atención - -De la famosa aventura del barco encantado - -De lo que le avino a don Quijote con una bella -cazadora - -Que trata de muchas y grandes cosas - -De la respuesta que dio don Quijote a su -reprehensor, con otros graves y graciosos sucesos - -De la sabrosa plática que la duquesa y sus -doncellas pasaron con Sancho Panza, digna de que se lea y de que se -note - -Que cuenta de la noticia que se tuvo de cómo se -había de desencantar la sin par Dulcinea del Toboso, que es una de las -aventuras más famosas deste libro - -Donde se prosigue la noticia que tuvo don Quijote -del desencanto de Dulcinea, con otros admirables sucesos - -Donde se cuenta la estraña y jamás imaginada -aventura de la dueña Dolorida, alias de la condesa Trifaldi, con una -carta que Sancho Panza escribió a su mujer Teresa Panza - -Donde se prosigue la famosa aventura de la dueña -Dolorida - -Donde se cuenta la que dio de su mala andanza la -dueña Dolorida - -Donde la Trifaldi prosigue su estupenda y memorable -historia - -De cosas que atañen y tocan a esta aventura y a esta -memorable historia - -De la venida de Clavileño, con el fin desta dilatada -aventura - -De los consejos que dio don Quijote a Sancho Panza -antes que fuese a gobernar la ínsula, con otras cosas bien -consideradas - -De los consejos segundos que dio don Quijote a -Sancho Panza - -Cómo Sancho Panza fue llevado al gobierno, y de la -estraña aventura que en el castillo sucedió a don Quijote - -De cómo el gran Sancho Panza tomó la posesión de su -ínsula, y del modo que comenzó a gobernar - -Del temeroso espanto cencerril y gatuno que recibió -don Quijote en el discurso de los amores de la enamorada -Altisidora - -Donde se prosigue cómo se portaba Sancho Panza en -su gobierno - -De lo que le sucedió a don Quijote con doña -Rodríguez, la dueña de la duquesa, con otros acontecimientos dignos de -escritura y de memoria eterna - -De lo que le sucedió a Sancho Panza rondando su -ínsula - -Donde se declara quién fueron los encantadores y -verdugos que azotaron a la dueña y pellizcaron y arañaron a don -Quijote, con el suceso que tuvo el paje que llevó la carta a Teresa -Sancha, mujer de Sancho Panza - -Del progreso del gobierno de Sancho Panza, con otros -sucesos tales como buenos - -Donde se cuenta la aventura de la segunda dueña -Dolorida, o Angustiada, llamada por otro nombre doña Rodríguez - -Del fatigado fin y remate que tuvo el gobierno de -Sancho Panza - -Que trata de cosas tocantes a esta historia, y no a -otra alguna - -De cosas sucedidas a Sancho en el camino, y otras que -no hay más que ver - -De la descomunal y nunca vista batalla que pasó entre -don Quijote de la Mancha y el lacayo Tosilos, en la defensa de la hija -de la dueña doña Rodríguez - -Que trata de cómo don Quijote se despidió del duque, -y de lo que le sucedió con la discreta y desenvuelta Altisidora, -doncella de la duquesa - -Que trata de cómo menudearon sobre don Quijote -aventuras tantas, que no se daban vagar unas a otras - -Donde se cuenta del extraordinario suceso, que se -puede tener por aventura, que le sucedió a don Quijote - -De lo que sucedió a don Quijote yendo a Barcelona - -De lo que le sucedió a don Quijote en la entrada de -Barcelona, con otras cosas que tienen más de lo verdadero que de lo -discreto - -Que trata de la aventura de la cabeza encantada, con -otras niñerías que no pueden dejar de contarse - -De lo mal que le avino a Sancho Panza con la visita -de las galeras, y la nueva aventura de la hermosa morisca - -Que trata de la aventura que más pesadumbre dio a -don Quijote de cuantas hasta entonces le habían sucedido - -Donde se da noticia quién era el de la Blanca Luna, -con la libertad de Don Gregorio, y de otros sucesos - -Que trata de lo que verá el que lo leyere, o lo oirá -el que lo escuchare leer - -De la resolución que tomó don Quijote de hacerse -pastor y seguir la vida del campo, en tanto que se pasaba el año de su -promesa, con otros sucesos en verdad gustosos y buenos - -De la cerdosa aventura que le aconteció a don -Quijote - -Del más raro y más nuevo suceso que en todo el -discurso desta grande historia avino a don Quijote - -Que sigue al de sesenta y nueve, y trata de cosas no -escusadas para la claridad desta historia - -De lo que a don Quijote le sucedió con su escudero -Sancho yendo a su aldea - -De cómo don Quijote y Sancho llegaron a su -aldea - -De los agüeros que tuvo don Quijote al entrar de -su aldea, con otros sucesos que adornan y acreditan esta grande -historia - -De cómo don Quijote cayó malo, y del testamento que -hizo, y su muerte - - - - -El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha - -TASA - -Yo, Juan Gallo de Andrada, escribano de Cámara del Rey nuestro señor, de -los que residen en su Consejo, certifico y doy fe que, habiendo visto por -los señores dél un libro intitulado El ingenioso hidalgo de la Mancha, -compuesto por Miguel de Cervantes Saavedra, tasaron cada pliego del dicho -libro a tres maravedís y medio; el cual tiene ochenta y tres pliegos, que -al dicho precio monta el dicho libro docientos y noventa maravedís y medio, -en que se ha de vender en papel; y dieron licencia para que a este precio -se pueda vender, y mandaron que esta tasa se ponga al principio del dicho -libro, y no se pueda vender sin ella. Y, para que dello conste, di la -presente en Valladolid, a veinte días del mes de deciembre de mil y -seiscientos y cuatro años. - -Juan Gallo de Andrada. - -TESTIMONIO DE LAS ERRATAS - -Este libro no tiene cosa digna que no corresponda a su original; en -testimonio de lo haber correcto, di esta fee. En el Colegio de la Madre de -Dios de los Teólogos de la Universidad de Alcalá, en primero de diciembre -de 1604 años. - -El licenciado Francisco Murcia de la Llana. - -EL REY - -Por cuanto por parte de vos, Miguel de Cervantes, nos fue fecha relación -que habíades compuesto un libro intitulado El ingenioso hidalgo de la -Mancha, el cual os había costado mucho trabajo y era muy útil y provechoso, -nos pedistes y suplicastes os mandásemos dar licencia y facultad para le -poder imprimir, y previlegio por el tiempo que fuésemos servidos, o como la -nuestra merced fuese; lo cual visto por los del nuestro Consejo, por cuanto -en el dicho libro se hicieron las diligencias que la premática últimamente -por nos fecha sobre la impresión de los libros dispone, fue acordado que -debíamos mandar dar esta nuestra cédula para vos, en la dicha razón; y nos -tuvímoslo por bien. Por la cual, por os hacer bien y merced, os damos -licencia y facultad para que vos, o la persona que vuestro poder hubiere, y -no otra alguna, podáis imprimir el dicho libro, intitulado El ingenioso -hidalgo de la Mancha, que desuso se hace mención, en todos estos nuestros -reinos de Castilla, por tiempo y espacio de diez años, que corran y se -cuenten desde el dicho día de la data desta nuestra cédula; so pena que la -persona o personas que, sin tener vuestro poder, lo imprimiere o vendiere, -o hiciere imprimir o vender, por el mesmo caso pierda la impresión que -hiciere, con los moldes y aparejos della; y más, incurra en pena de -cincuenta mil maravedís cada vez que lo contrario hiciere. La cual dicha -pena sea la tercia parte para la persona que lo acusare, y la otra tercia -parte para nuestra Cámara, y la otra tercia parte para el juez que lo -sentenciare. Con tanto que todas las veces que hubiéredes de hacer imprimir -el dicho libro, durante el tiempo de los dichos diez años, le traigáis al -nuestro Consejo, juntamente con el original que en él fue visto, que va -rubricado cada plana y firmado al fin dél de Juan Gallo de Andrada, nuestro -Escribano de Cámara, de los que en él residen, para saber si la dicha -impresión está conforme el original; o traigáis fe en pública forma de cómo -por corretor nombrado por nuestro mandado, se vio y corrigió la dicha -impresión por el original, y se imprimió conforme a él, y quedan impresas -las erratas por él apuntadas, para cada un libro de los que así fueren -impresos, para que se tase el precio que por cada volume hubiéredes de -haber. Y mandamos al impresor que así imprimiere el dicho libro, no imprima -el principio ni el primer pliego dél, ni entregue más de un solo libro con -el original al autor, o persona a cuya costa lo imprimiere, ni otro alguno, -para efeto de la dicha correción y tasa, hasta que antes y primero el dicho -libro esté corregido y tasado por los del nuestro Consejo; y, estando -hecho, y no de otra manera, pueda imprimir el dicho principio y primer -pliego, y sucesivamente ponga esta nuestra cédula y la aprobación, tasa y -erratas, so pena de caer e incurrir en las penas contenidas en las leyes y -premáticas destos nuestros reinos. Y mandamos a los del nuestro Consejo, y -a otras cualesquier justicias dellos, guarden y cumplan esta nuestra cédula -y lo en ella contenido. Fecha en Valladolid, a veinte y seis días del mes -de setiembre de mil y seiscientos y cuatro años. - -YO, EL REY. - -Por mandado del Rey nuestro señor: - -Juan de Amezqueta. - - -AL DUQUE DE BÉJAR, - -marqués de Gibraleón, conde de Benalcázar y Bañares, vizconde de La Puebla de -Alcocer, señor de las villas de Capilla, Curiel y Burguillos - -En fe del buen acogimiento y honra que hace Vuestra Excelencia a toda -suerte de libros, como príncipe tan inclinado a favorecer las buenas artes, -mayormente las que por su nobleza no se abaten al servicio y granjerías del -vulgo, he determinado de sacar a luz al Ingenioso hidalgo don Quijote de la -Mancha, al abrigo del clarísimo nombre de Vuestra Excelencia, a quien, con -el acatamiento que debo a tanta grandeza, suplico le reciba agradablemente -en su protección, para que a su sombra, aunque desnudo de aquel precioso -ornamento de elegancia y erudición de que suelen andar vestidas las obras -que se componen en las casas de los hombres que saben, ose parecer -seguramente en el juicio de algunos que, continiéndose en los límites de su -ignorancia, suelen condenar con más rigor y menos justicia los trabajos -ajenos; que, poniendo los ojos la prudencia de Vuestra Excelencia en mi -buen deseo, fío que no desdeñará la cortedad de tan humilde servicio. - -Miguel de Cervantes Saavedra. - -PRÓLOGO - -Desocupado lector: sin juramento me podrás creer que quisiera que este -libro, como hijo del entendimiento, fuera el más hermoso, el más gallardo y -más discreto que pudiera imaginarse. Pero no he podido yo contravenir al -orden de naturaleza; que en ella cada cosa engendra su semejante. Y así, -¿qué podrá engendrar el estéril y mal cultivado ingenio mío, sino la -historia de un hijo seco, avellanado, antojadizo y lleno de pensamientos -varios y nunca imaginados de otro alguno, bien como quien se engendró en -una cárcel, donde toda incomodidad tiene su asiento y donde todo triste -ruido hace su habitación? El sosiego, el lugar apacible, la amenidad de los -campos, la serenidad de los cielos, el murmurar de las fuentes, la quietud -del espíritu son grande parte para que las musas más estériles se muestren -fecundas y ofrezcan partos al mundo que le colmen de maravilla y de -contento. Acontece tener un padre un hijo feo y sin gracia alguna, y el -amor que le tiene le pone una venda en los ojos para que no vea sus faltas, -antes las juzga por discreciones y lindezas y las cuenta a sus amigos por -agudezas y donaires. Pero yo, que, aunque parezco padre, soy padrastro de -Don Quijote, no quiero irme con la corriente del uso, ni suplicarte, casi -con las lágrimas en los ojos, como otros hacen, lector carísimo, que -perdones o disimules las faltas que en este mi hijo vieres; y ni eres su -pariente ni su amigo, y tienes tu alma en tu cuerpo y tu libre albedrío -como el más pintado, y estás en tu casa, donde eres señor della, como el -rey de sus alcabalas, y sabes lo que comúnmente se dice: que debajo de mi -manto, al rey mato. Todo lo cual te esenta y hace libre de todo respecto y -obligación; y así, puedes decir de la historia todo aquello que te -pareciere, sin temor que te calunien por el mal ni te premien por el bien -que dijeres della. - -Sólo quisiera dártela monda y desnuda, sin el ornato de prólogo, ni de la -inumerabilidad y catálogo de los acostumbrados sonetos, epigramas y elogios -que al principio de los libros suelen ponerse. Porque te sé decir que, -aunque me costó algún trabajo componerla, ninguno tuve por mayor que hacer -esta prefación que vas leyendo. Muchas veces tomé la pluma para escribille, -y muchas la dejé, por no saber lo que escribiría; y, estando una suspenso, -con el papel delante, la pluma en la oreja, el codo en el bufete y la mano -en la mejilla, pensando lo que diría, entró a deshora un amigo mío, -gracioso y bien entendido, el cual, viéndome tan imaginativo, me preguntó -la causa; y, no encubriéndosela yo, le dije que pensaba en el prólogo que -había de hacer a la historia de don Quijote, y que me tenía de suerte que -ni quería hacerle, ni menos sacar a luz las hazañas de tan noble caballero. - -— Porque, ¿cómo queréis vos que no me tenga confuso el qué dirá el antiguo -legislador que llaman vulgo cuando vea que, al cabo de tantos años como ha -que duermo en el silencio del olvido, salgo ahora, con todos mis años a -cuestas, con una leyenda seca como un esparto, ajena de invención, menguada -de estilo, pobre de concetos y falta de toda erudición y doctrina; sin -acotaciones en las márgenes y sin anotaciones en el fin del libro, como veo -que están otros libros, aunque sean fabulosos y profanos, tan llenos de -sentencias de Aristóteles, de Platón y de toda la caterva de filósofos, que -admiran a los leyentes y tienen a sus autores por hombres leídos, eruditos -y elocuentes? ¡Pues qué, cuando citan la Divina Escritura! No dirán sino -que son unos santos Tomases y otros doctores de la Iglesia; guardando en -esto un decoro tan ingenioso, que en un renglón han pintado un enamorado -destraído y en otro hacen un sermoncico cristiano, que es un contento y un -regalo oílle o leelle. De todo esto ha de carecer mi libro, porque ni tengo -qué acotar en el margen, ni qué anotar en el fin, ni menos sé qué autores -sigo en él, para ponerlos al principio, como hacen todos, por las letras -del A.B.C., comenzando en Aristóteles y acabando en Xenofonte y en Zoílo o -Zeuxis, aunque fue maldiciente el uno y pintor el otro. También ha de -carecer mi libro de sonetos al principio, a lo menos de sonetos cuyos -autores sean duques, marqueses, condes, obispos, damas o poetas -celebérrimos; aunque, si yo los pidiese a dos o tres oficiales amigos, yo -sé que me los darían, y tales, que no les igualasen los de aquellos que -tienen más nombre en nuestra España. En fin, señor y amigo mío —proseguí—, -yo determino que el señor don Quijote se quede sepultado en sus archivos en -la Mancha, hasta que el cielo depare quien le adorne de tantas cosas como -le faltan; porque yo me hallo incapaz de remediarlas, por mi insuficiencia -y pocas letras, y porque naturalmente soy poltrón y perezoso de andarme -buscando autores que digan lo que yo me sé decir sin ellos. De aquí nace la -suspensión y elevamiento, amigo, en que me hallastes; bastante causa para -ponerme en ella la que de mí habéis oído. - -Oyendo lo cual mi amigo, dándose una palmada en la frente y disparando en -una carga de risa, me dijo: - -— Por Dios, hermano, que agora me acabo de desengañar de un engaño en que he -estado todo el mucho tiempo que ha que os conozco, en el cual siempre os he -tenido por discreto y prudente en todas vuestras aciones. Pero agora veo -que estáis tan lejos de serlo como lo está el cielo de la tierra. ¿Cómo que -es posible que cosas de tan poco momento y tan fáciles de remediar puedan -tener fuerzas de suspender y absortar un ingenio tan maduro como el -vuestro, y tan hecho a romper y atropellar por otras dificultades mayores? -A la fe, esto no nace de falta de habilidad, sino de sobra de pereza y -penuria de discurso. ¿Queréis ver si es verdad lo que digo? Pues estadme -atento y veréis cómo, en un abrir y cerrar de ojos, confundo todas vuestras -dificultades y remedio todas las faltas que decís que os suspenden y -acobardan para dejar de sacar a la luz del mundo la historia de vuestro -famoso don Quijote, luz y espejo de toda la caballería andante. - -— Decid —le repliqué yo, oyendo lo que me decía—: ¿de qué modo pensáis -llenar el vacío de mi temor y reducir a claridad el caos de mi confusión? - -A lo cual él dijo: - -— Lo primero en que reparáis de los sonetos, epigramas o elogios que os -faltan para el principio, y que sean de personajes graves y de título, se -puede remediar en que vos mesmo toméis algún trabajo en hacerlos, y después -los podéis bautizar y poner el nombre que quisiéredes, ahijándolos al -Preste Juan de las Indias o al Emperador de Trapisonda, de quien yo sé que -hay noticia que fueron famosos poetas; y cuando no lo hayan sido y hubiere -algunos pedantes y bachilleres que por detrás os muerdan y murmuren desta -verdad, no se os dé dos maravedís; porque, ya que os averigüen la mentira, -no os han de cortar la mano con que lo escribistes. - -»En lo de citar en las márgenes los libros y autores de donde sacáredes las -sentencias y dichos que pusiéredes en vuestra historia, no hay más sino -hacer, de manera que venga a pelo, algunas sentencias o latines que vos -sepáis de memoria, o, a lo menos, que os cuesten poco trabajo el buscalle; -como será poner, tratando de libertad y cautiverio: - -Non bene pro toto libertas venditur auro. - -Y luego, en el margen, citar a Horacio, o a quien lo dijo. Si tratáredes -del poder de la muerte, acudir luego con: - -Pallida mors aequo pulsat pede pauperum tabernas, -Regumque turres. - -Si de la amistad y amor que Dios manda que se tenga al enemigo, entraros -luego al punto por la Escritura Divina, que lo podéis hacer con tantico de -curiosidad, y decir las palabras, por lo menos, del mismo Dios: Ego autem -dico vobis: diligite inimicos vestros. Si tratáredes de malos pensamientos, -acudid con el Evangelio: De corde exeunt cogitationes malae. Si de la -instabilidad de los amigos, ahí está Catón, que os dará su dístico: - -Donec eris felix, multos numerabis amicos, -tempora si fuerint nubila, solus eris. - -Y con estos latinicos y otros tales os tendrán siquiera por gramático, que -el serlo no es de poca honra y provecho el día de hoy. - -»En lo que toca el poner anotaciones al fin del libro, seguramente lo -podéis hacer desta manera: si nombráis algún gigante en vuestro libro, -hacelde que sea el gigante Golías, y con sólo esto, que os costará casi -nada, tenéis una grande anotación, pues podéis poner: El gigante Golías, o -Goliat, fue un filisteo a quien el pastor David mató de una gran pedrada en -el valle de Terebinto, según se cuenta en el Libro de los Reyes, en el -capítulo que vos halláredes que se escribe. Tras esto, para mostraros -hombre erudito en letras humanas y cosmógrafo, haced de modo como en -vuestra historia se nombre el río Tajo, y veréisos luego con otra famosa -anotación, poniendo: El río Tajo fue así dicho por un rey de las Españas; -tiene su nacimiento en tal lugar y muere en el mar océano, besando los -muros de la famosa ciudad de Lisboa; y es opinión que tiene las arenas de -oro, etc. Si tratáredes de ladrones, yo os diré la historia de Caco, que la -sé de coro; si de mujeres rameras, ahí está el obispo de Mondoñedo, que os -prestará a Lamia, Laida y Flora, cuya anotación os dará gran crédito; si de -crueles, Ovidio os entregará a Medea; si de encantadores y hechiceras, -Homero tiene a Calipso, y Virgilio a Circe; si de capitanes valerosos, el -mesmo Julio César os prestará a sí mismo en sus Comentarios, y Plutarco os -dará mil Alejandros. Si tratáredes de amores, con dos onzas que sepáis de -la lengua toscana, toparéis con León Hebreo, que os hincha las medidas. Y -si no queréis andaros por tierras extrañas, en vuestra casa tenéis a -Fonseca, Del amor de Dios, donde se cifra todo lo que vos y el más -ingenioso acertare a desear en tal materia. En resolución, no hay más sino -que vos procuréis nombrar estos nombres, o tocar estas historias en la -vuestra, que aquí he dicho, y dejadme a mí el cargo de poner las -anotaciones y acotaciones; que yo os voto a tal de llenaros las márgenes y -de gastar cuatro pliegos en el fin del libro. - -»Vengamos ahora a la citación de los autores que los otros libros tienen, -que en el vuestro os faltan. El remedio que esto tiene es muy fácil, porque -no habéis de hacer otra cosa que buscar un libro que los acote todos, desde -la A hasta la Z, como vos decís. Pues ese mismo abecedario pondréis vos en -vuestro libro; que, puesto que a la clara se vea la mentira, por la poca -necesidad que vos teníades de aprovecharos dellos, no importa nada; y quizá -alguno habrá tan simple, que crea que de todos os habéis aprovechado en la -simple y sencilla historia vuestra; y, cuando no sirva de otra cosa, por lo -menos servirá aquel largo catálogo de autores a dar de improviso autoridad -al libro. Y más, que no habrá quien se ponga a averiguar si los seguistes o -no los seguistes, no yéndole nada en ello. Cuanto más que, si bien caigo en -la cuenta, este vuestro libro no tiene necesidad de ninguna cosa de -aquellas que vos decís que le falta, porque todo él es una invectiva contra -los libros de caballerías, de quien nunca se acordó Aristóteles, ni dijo -nada San Basilio, ni alcanzó Cicerón; ni caen debajo de la cuenta de sus -fabulosos disparates las puntualidades de la verdad, ni las observaciones -de la astrología; ni le son de importancia las medidas geométricas, ni la -confutación de los argumentos de quien se sirve la retórica; ni tiene para -qué predicar a ninguno, mezclando lo humano con lo divino, que es un género -de mezcla de quien no se ha de vestir ningún cristiano entendimiento. Sólo -tiene que aprovecharse de la imitación en lo que fuere escribiendo; que, -cuanto ella fuere más perfecta, tanto mejor será lo que se escribiere. Y, -pues esta vuestra escritura no mira a más que a deshacer la autoridad y -cabida que en el mundo y en el vulgo tienen los libros de caballerías, no -hay para qué andéis mendigando sentencias de filósofos, consejos de la -Divina Escritura, fábulas de poetas, oraciones de retóricos, milagros de -santos, sino procurar que a la llana, con palabras significantes, honestas -y bien colocadas, salga vuestra oración y período sonoro y festivo; -pintando, en todo lo que alcanzáredes y fuere posible, vuestra intención, -dando a entender vuestros conceptos sin intricarlos y escurecerlos. -Procurad también que, leyendo vuestra historia, el melancólico se mueva a -risa, el risueño la acreciente, el simple no se enfade, el discreto se -admire de la invención, el grave no la desprecie, ni el prudente deje de -alabarla. En efecto, llevad la mira puesta a derribar la máquina mal -fundada destos caballerescos libros, aborrecidos de tantos y alabados de -muchos más; que si esto alcanzásedes, no habríades alcanzado poco. - -Con silencio grande estuve escuchando lo que mi amigo me decía, y de tal -manera se imprimieron en mí sus razones que, sin ponerlas en disputa, las -aprobé por buenas y de ellas mismas quise hacer este prólogo; en el cual -verás, lector suave, la discreción de mi amigo, la buena ventura mía en -hallar en tiempo tan necesitado tal consejero, y el alivio tuyo en hallar -tan sincera y tan sin revueltas la historia del famoso don Quijote de la -Mancha, de quien hay opinión, por todos los habitadores del distrito del -campo de Montiel, que fue el más casto enamorado y el más valiente -caballero que de muchos años a esta parte se vio en aquellos contornos. Yo -no quiero encarecerte el servicio que te hago en darte a conocer tan noble -y tan honrado caballero, pero quiero que me agradezcas el conocimiento que -tendrás del famoso Sancho Panza, su escudero, en quien, a mi parecer, te -doy cifradas todas las gracias escuderiles que en la caterva de los libros -vanos de caballerías están esparcidas. - -Y con esto, Dios te dé salud, y a mí no olvide. Vale. - -AL LIBRO DE DON QUIJOTE DE LA MANCHA - -Urganda la desconocida -Si de llegarte a los bue-, -libro, fueres con letu-, -no te dirá el boquirru- -que no pones bien los de-. -Mas si el pan no se te cue- -por ir a manos de idio-, -verás de manos a bo-, -aun no dar una en el cla-, -si bien se comen las ma- -por mostrar que son curio-. -Y, pues la expiriencia ense- -que el que a buen árbol se arri- -buena sombra le cobi-, -en Béjar tu buena estre- -un árbol real te ofre- -que da príncipes por fru-, -en el cual floreció un du- -que es nuevo Alejandro Ma-: -llega a su sombra, que a osa- -favorece la fortu-. -De un noble hidalgo manche- -contarás las aventu-, -a quien ociosas letu-, -trastornaron la cabe-: -damas, armas, caballe-, -le provocaron de mo-, -que, cual Orlando furio-, -templado a lo enamora-, -alcanzó a fuerza de bra- -a Dulcinea del Tobo-. -No indiscretos hieroglí- -estampes en el escu-, -que, cuando es todo figu-, -con ruines puntos se envi-. -Si en la dirección te humi-, - -no dirá, mofante, algu-: -''¡Qué don Álvaro de Lu-, -qué Anibal el de Carta-, -qué rey Francisco en Espa- -se queja de la Fortu-!'' -Pues al cielo no le plu- -que salieses tan ladi- -como el negro Juan Lati-, -hablar latines rehú-. -No me despuntes de agu-, -ni me alegues con filó-, -porque, torciendo la bo-, -dirá el que entiende la le-, -no un palmo de las ore-: -''¿Para qué conmigo flo-?'' -No te metas en dibu-, -ni en saber vidas aje-, -que, en lo que no va ni vie-, - -pasar de largo es cordu-. -Que suelen en caperu- -darles a los que grace-; -mas tú quémate las ce- -sólo en cobrar buena fa-; -que el que imprime neceda- -dalas a censo perpe-. -Advierte que es desati-, -siendo de vidrio el teja-, -tomar piedras en las ma- -para tirar al veci-. -Deja que el hombre de jui-, -en las obras que compo-, -se vaya con pies de plo-; -que el que saca a luz pape- -para entretener donce- -escribe a tontas y a lo-. - -AMADÍS DE GAULA A DON QUIJOTE DE LA MANCHA - -Soneto - -Tú, que imitaste la llorosa vida -que tuve, ausente y desdeñado sobre -el gran ribazo de la Peña Pobre, -de alegre a penitencia reducida; -tú, a quien los ojos dieron la bebida -de abundante licor, aunque salobre, -y alzándote la plata, estaño y cobre, -te dio la tierra en tierra la comida, -vive seguro de que eternamente, -en tanto, al menos, que en la cuarta esfera, -sus caballos aguije el rubio Apolo, -tendrás claro renombre de valiente; -tu patria será en todas la primera; -tu sabio autor, al mundo único y solo. - -DON BELIANÍS DE GRECIA A DON QUIJOTE DE LA MANCHA - -Soneto - -Rompí, corté, abollé, y dije y hice -más que en el orbe caballero andante; -fui diestro, fui valiente, fui arrogante; -mil agravios vengué, cien mil deshice. -Hazañas di a la Fama que eternice; -fui comedido y regalado amante; -fue enano para mí todo gigante, -y al duelo en cualquier punto satisfice. -Tuve a mis pies postrada la Fortuna, -y trajo del copete mi cordura -a la calva Ocasión al estricote. -Más, aunque sobre el cuerno de la luna -siempre se vio encumbrada mi ventura, -tus proezas envidio, ¡oh gran Quijote! - -LA SEÑORA ORIANA A DULCINEA DEL TOBOSO - -Soneto - -¡Oh, quién tuviera, hermosa Dulcinea, -por más comodidad y más reposo, -a Miraflores puesto en el Toboso, -y trocara sus Londres con tu aldea! -¡Oh, quién de tus deseos y librea -alma y cuerpo adornara, y del famoso -caballero que hiciste venturoso -mirara alguna desigual pelea! -¡Oh, quién tan castamente se escapara -del señor Amadís como tú hiciste -del comedido hidalgo don Quijote! -Que así envidiada fuera, y no envidiara, -y fuera alegre el tiempo que fue triste, -y gozara los gustos sin escote. - -GANDALÍN, ESCUDERO DE AMADÍS DE GAULA, A SANCHO PANZA, ESCUDERO DE DON QUIJOTE - -Soneto - -Salve, varón famoso, a quien Fortuna, -cuando en el trato escuderil te puso, -tan blanda y cuerdamente lo dispuso, -que lo pasaste sin desgracia alguna. -Ya la azada o la hoz poco repugna -al andante ejercicio; ya está en uso -la llaneza escudera, con que acuso -al soberbio que intenta hollar la luna. -Envidio a tu jumento y a tu nombre, -y a tus alforjas igualmente invidio, -que mostraron tu cuerda providencia. -Salve otra vez, ¡oh Sancho!, tan buen hombre, -que a solo tú nuestro español Ovidio -con buzcorona te hace reverencia. - -DEL DONOSO, POETA ENTREVERADO, A SANCHO PANZA Y ROCINANTE - -Soy Sancho Panza, escude- -del manchego don Quijo-. -Puse pies en polvoro-, -por vivir a lo discre-; -que el tácito Villadie- -toda su razón de esta- -cifró en una retira-, -según siente Celesti-, -libro, en mi opinión, divi- -si encubriera más lo huma-. -A Rocinante -Soy Rocinante, el famo- -bisnieto del gran Babie-. -Por pecados de flaque-, -fui a poder de un don Quijo-. -Parejas corrí a lo flo-; -mas, por uña de caba-, -no se me escapó ceba-; -que esto saqué a Lazari- -cuando, para hurtar el vi- -al ciego, le di la pa-. - -ORLANDO FURIOSO A DON QUIJOTE DE LA MANCHA - -Soneto - -Si no eres par, tampoco le has tenido: -que par pudieras ser entre mil pares; -ni puede haberle donde tú te hallares, -invito vencedor, jamás vencido. -Orlando soy, Quijote, que, perdido -por Angélica, vi remotos mares, -ofreciendo a la Fama en sus altares -aquel valor que respetó el olvido. -No puedo ser tu igual; que este decoro -se debe a tus proezas y a tu fama, -puesto que, como yo, perdiste el seso. -Mas serlo has mío, si al soberbio moro -y cita fiero domas, que hoy nos llama -iguales en amor con mal suceso. - -EL CABALLERO DEL FEBO A DON QUIJOTE DE LA MANCHA - -Soneto - -A vuestra espada no igualó la mía, -Febo español, curioso cortesano, -ni a la alta gloria de valor mi mano, -que rayo fue do nace y muere el día. -Imperios desprecié; la monarquía -que me ofreció el Oriente rojo en vano -dejé, por ver el rostro soberano -de Claridiana, aurora hermosa mía. -Améla por milagro único y raro, -y, ausente en su desgracia, el propio infierno -temió mi brazo, que domó su rabia. -Mas vos, godo Quijote, ilustre y claro, -por Dulcinea sois al mundo eterno, -y ella, por vos, famosa, honesta y sabia. - -DE SOLISDÁN A DON QUIJOTE DE LA MANCHA - -Soneto - -Maguer, señor Quijote, que sandeces -vos tengan el cerbelo derrumbado, -nunca seréis de alguno reprochado -por home de obras viles y soeces. -Serán vuesas fazañas los joeces, -pues tuertos desfaciendo habéis andado, -siendo vegadas mil apaleado -por follones cautivos y raheces. -Y si la vuesa linda Dulcinea -desaguisado contra vos comete, -ni a vuesas cuitas muestra buen talante, -en tal desmán, vueso conorte sea -que Sancho Panza fue mal alcagüete, -necio él, dura ella, y vos no amante. - -DIÁLOGO ENTRE BABIECA Y ROCINANTE - -Soneto - -B. ¿Cómo estáis, Rocinante, tan delgado? -R. Porque nunca se come, y se trabaja. -B. Pues, ¿qué es de la cebada y de la paja? -R. No me deja mi amo ni un bocado. -B. Andá, señor, que estáis muy mal criado, -pues vuestra lengua de asno al amo ultraja. -R. Asno se es de la cuna a la mortaja. -¿Queréislo ver? Miraldo enamorado. -B. ¿Es necedad amar? R. No es gran prudencia. -B. Metafísico estáis. R. Es que no como. -B. Quejaos del escudero. R. No es bastante. -¿Cómo me he de quejar en mi dolencia, -si el amo y escudero o mayordomo -son tan rocines como Rocinante? - -Primera parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha - - - - -Capítulo primero. Que trata de la condición y ejercicio del famoso hidalgo -don Quijote de la Mancha - -En un lugar de la Mancha, de cuyo nombre no quiero acordarme, no ha mucho -tiempo que vivía un hidalgo de los de lanza en astillero, adarga antigua, -rocín flaco y galgo corredor. Una olla de algo más vaca que carnero, -salpicón las más noches, duelos y quebrantos los sábados, lantejas los -viernes, algún palomino de añadidura los domingos, consumían las tres -partes de su hacienda. El resto della concluían sayo de velarte, calzas de -velludo para las fiestas, con sus pantuflos de lo mesmo, y los días de -entresemana se honraba con su vellorí de lo más fino. Tenía en su casa una -ama que pasaba de los cuarenta, y una sobrina que no llegaba a los veinte, -y un mozo de campo y plaza, que así ensillaba el rocín como tomaba la -podadera. Frisaba la edad de nuestro hidalgo con los cincuenta años; era de -complexión recia, seco de carnes, enjuto de rostro, gran madrugador y amigo -de la caza. Quieren decir que tenía el sobrenombre de Quijada, o Quesada, -que en esto hay alguna diferencia en los autores que deste caso escriben; -aunque, por conjeturas verosímiles, se deja entender que se llamaba -Quejana. Pero esto importa poco a nuestro cuento; basta que en la narración -dél no se salga un punto de la verdad. - -Es, pues, de saber que este sobredicho hidalgo, los ratos que estaba -ocioso, que eran los más del año, se daba a leer libros de caballerías, con -tanta afición y gusto, que olvidó casi de todo punto el ejercicio de la -caza, y aun la administración de su hacienda. Y llegó a tanto su curiosidad -y desatino en esto, que vendió muchas hanegas de tierra de sembradura para -comprar libros de caballerías en que leer, y así, llevó a su casa todos -cuantos pudo haber dellos; y de todos, ningunos le parecían tan bien como -los que compuso el famoso Feliciano de Silva, porque la claridad de su -prosa y aquellas entricadas razones suyas le parecían de perlas, y más -cuando llegaba a leer aquellos requiebros y cartas de desafíos, donde en -muchas partes hallaba escrito: La razón de la sinrazón que a mi razón se -hace, de tal manera mi razón enflaquece, que con razón me quejo de la -vuestra fermosura. Y también cuando leía: ...los altos cielos que de -vuestra divinidad divinamente con las estrellas os fortifican, y os hacen -merecedora del merecimiento que merece la vuestra grandeza. - -Con estas razones perdía el pobre caballero el juicio, y desvelábase por -entenderlas y desentrañarles el sentido, que no se lo sacara ni las -entendiera el mesmo Aristóteles, si resucitara para sólo ello. No estaba -muy bien con las heridas que don Belianís daba y recebía, porque se -imaginaba que, por grandes maestros que le hubiesen curado, no dejaría de -tener el rostro y todo el cuerpo lleno de cicatrices y señales. Pero, con -todo, alababa en su autor aquel acabar su libro con la promesa de aquella -inacabable aventura, y muchas veces le vino deseo de tomar la pluma y dalle -fin al pie de la letra, como allí se promete; y sin duda alguna lo hiciera, -y aun saliera con ello, si otros mayores y continuos pensamientos no se lo -estorbaran. Tuvo muchas veces competencia con el cura de su lugar —que era -hombre docto, graduado en Sigüenza—, sobre cuál había sido mejor caballero: -Palmerín de Ingalaterra o Amadís de Gaula; mas maese Nicolás, barbero del -mesmo pueblo, decía que ninguno llegaba al Caballero del Febo, y que si -alguno se le podía comparar, era don Galaor, hermano de Amadís de Gaula, -porque tenía muy acomodada condición para todo; que no era caballero -melindroso, ni tan llorón como su hermano, y que en lo de la valentía no le -iba en zaga. - -En resolución, él se enfrascó tanto en su letura, que se le pasaban las -noches leyendo de claro en claro, y los días de turbio en turbio; y así, -del poco dormir y del mucho leer, se le secó el celebro, de manera que vino -a perder el juicio. Llenósele la fantasía de todo aquello que leía en los -libros, así de encantamentos como de pendencias, batallas, desafíos, -heridas, requiebros, amores, tormentas y disparates imposibles; y -asentósele de tal modo en la imaginación que era verdad toda aquella -máquina de aquellas sonadas soñadas invenciones que leía, que para él no -había otra historia más cierta en el mundo. Decía él que el Cid Ruy Díaz -había sido muy buen caballero, pero que no tenía que ver con el Caballero -de la Ardiente Espada, que de sólo un revés había partido por medio dos -fieros y descomunales gigantes. Mejor estaba con Bernardo del Carpio, -porque en Roncesvalles había muerto a Roldán el encantado, valiéndose de la -industria de Hércules, cuando ahogó a Anteo, el hijo de la Tierra, entre -los brazos. Decía mucho bien del gigante Morgante, porque, con ser de -aquella generación gigantea, que todos son soberbios y descomedidos, él -solo era afable y bien criado. Pero, sobre todos, estaba bien con Reinaldos -de Montalbán, y más cuando le veía salir de su castillo y robar cuantos -topaba, y cuando en allende robó aquel ídolo de Mahoma que era todo de oro, -según dice su historia. Diera él, por dar una mano de coces al traidor de -Galalón, al ama que tenía, y aun a su sobrina de añadidura. - -En efeto, rematado ya su juicio, vino a dar en el más estraño pensamiento -que jamás dio loco en el mundo; y fue que le pareció convenible y -necesario, así para el aumento de su honra como para el servicio de su -república, hacerse caballero andante, y irse por todo el mundo con sus -armas y caballo a buscar las aventuras y a ejercitarse en todo aquello que -él había leído que los caballeros andantes se ejercitaban, deshaciendo todo -género de agravio, y poniéndose en ocasiones y peligros donde, acabándolos, -cobrase eterno nombre y fama. Imaginábase el pobre ya coronado por el valor -de su brazo, por lo menos, del imperio de Trapisonda; y así, con estos tan -agradables pensamientos, llevado del estraño gusto que en ellos sentía, se -dio priesa a poner en efeto lo que deseaba. - -Y lo primero que hizo fue limpiar unas armas que habían sido de sus -bisabuelos, que, tomadas de orín y llenas de moho, luengos siglos había que -estaban puestas y olvidadas en un rincón. Limpiólas y aderezólas lo mejor -que pudo, pero vio que tenían una gran falta, y era que no tenían celada de -encaje, sino morrión simple; mas a esto suplió su industria, porque de -cartones hizo un modo de media celada, que, encajada con el morrión, hacían -una apariencia de celada entera. Es verdad que para probar si era fuerte y -podía estar al riesgo de una cuchillada, sacó su espada y le dio dos -golpes, y con el primero y en un punto deshizo lo que había hecho en una -semana; y no dejó de parecerle mal la facilidad con que la había hecho -pedazos, y, por asegurarse deste peligro, la tornó a hacer de nuevo, -poniéndole unas barras de hierro por de dentro, de tal manera que él quedó -satisfecho de su fortaleza; y, sin querer hacer nueva experiencia della, la -diputó y tuvo por celada finísima de encaje. - -Fue luego a ver su rocín, y, aunque tenía más cuartos que un real y más -tachas que el caballo de Gonela, que tantum pellis et ossa fuit, le pareció -que ni el Bucéfalo de Alejandro ni Babieca el del Cid con él se igualaban. -Cuatro días se le pasaron en imaginar qué nombre le pondría; porque, según -se decía él a sí mesmo, no era razón que caballo de caballero tan famoso, y -tan bueno él por sí, estuviese sin nombre conocido; y ansí, procuraba -acomodársele de manera que declarase quién había sido, antes que fuese de -caballero andante, y lo que era entonces; pues estaba muy puesto en razón -que, mudando su señor estado, mudase él también el nombre, y le cobrase -famoso y de estruendo, como convenía a la nueva orden y al nuevo ejercicio -que ya profesaba. Y así, después de muchos nombres que formó, borró y -quitó, añadió, deshizo y tornó a hacer en su memoria e imaginación, al fin -le vino a llamar Rocinante: nombre, a su parecer, alto, sonoro y -significativo de lo que había sido cuando fue rocín, antes de lo que ahora -era, que era antes y primero de todos los rocines del mundo. - -Puesto nombre, y tan a su gusto, a su caballo, quiso ponérsele a sí mismo, -y en este pensamiento duró otros ocho días, y al cabo se vino a llamar don -Quijote; de donde —como queda dicho— tomaron ocasión los autores desta tan -verdadera historia que, sin duda, se debía de llamar Quijada, y no Quesada, -como otros quisieron decir. Pero, acordándose que el valeroso Amadís no -sólo se había contentado con llamarse Amadís a secas, sino que añadió el -nombre de su reino y patria, por Hepila famosa, y se llamó Amadís de Gaula, -así quiso, como buen caballero, añadir al suyo el nombre de la suya y -llamarse don Quijote de la Mancha, con que, a su parecer, declaraba muy al -vivo su linaje y patria, y la honraba con tomar el sobrenombre della. - -Limpias, pues, sus armas, hecho del morrión celada, puesto nombre a su -rocín y confirmándose a sí mismo, se dio a entender que no le faltaba otra -cosa sino buscar una dama de quien enamorarse; porque el caballero andante -sin amores era árbol sin hojas y sin fruto y cuerpo sin alma. Decíase él -a sí: - -— Si yo, por malos de mis pecados, o por mi buena suerte, me encuentro por -ahí con algún gigante, como de ordinario les acontece a los caballeros -andantes, y le derribo de un encuentro, o le parto por mitad del cuerpo, o, -finalmente, le venzo y le rindo, ¿no será bien tener a quien enviarle -presentado y que entre y se hinque de rodillas ante mi dulce señora, y diga -con voz humilde y rendido: ''Yo, señora, soy el gigante Caraculiambro, -señor de la ínsula Malindrania, a quien venció en singular batalla el -jamás como se debe alabado caballero don Quijote de la Mancha, el cual me -mandó que me presentase ante vuestra merced, para que la vuestra grandeza -disponga de mí a su talante''? - -¡Oh, cómo se holgó nuestro buen caballero cuando hubo hecho este discurso, -y más cuando halló a quien dar nombre de su dama! Y fue, a lo que se cree, -que en un lugar cerca del suyo había una moza labradora de muy buen -parecer, de quien él un tiempo anduvo enamorado, aunque, según se entiende, -ella jamás lo supo, ni le dio cata dello. Llamábase Aldonza Lorenzo, y a -ésta le pareció ser bien darle título de señora de sus pensamientos; y, -buscándole nombre que no desdijese mucho del suyo, y que tirase y se -encaminase al de princesa y gran señora, vino a llamarla Dulcinea del -Toboso, porque era natural del Toboso; nombre, a su parecer, músico y -peregrino y significativo, como todos los demás que a él y a sus cosas -había puesto. - - - - -Capítulo II. Que trata de la primera salida que de su tierra hizo el -ingenioso don Quijote - -Hechas, pues, estas prevenciones, no quiso aguardar más tiempo a poner en -efeto su pensamiento, apretándole a ello la falta que él pensaba que hacía -en el mundo su tardanza, según eran los agravios que pensaba deshacer, -tuertos que enderezar, sinrazones que emendar, y abusos que mejorar y -deudas que satisfacer. Y así, sin dar parte a persona alguna de su -intención, y sin que nadie le viese, una mañana, antes del día, que era uno -de los calurosos del mes de julio, se armó de todas sus armas, subió sobre -Rocinante, puesta su mal compuesta celada, embrazó su adarga, tomó su -lanza, y, por la puerta falsa de un corral, salió al campo con grandísimo -contento y alborozo de ver con cuánta facilidad había dado principio a su -buen deseo. Mas, apenas se vio en el campo, cuando le asaltó un pensamiento -terrible, y tal, que por poco le hiciera dejar la comenzada empresa; y fue -que le vino a la memoria que no era armado caballero, y que, conforme a ley -de caballería, ni podía ni debía tomar armas con ningún caballero; y, -puesto que lo fuera, había de llevar armas blancas, como novel caballero, -sin empresa en el escudo, hasta que por su esfuerzo la ganase. Estos -pensamientos le hicieron titubear en su propósito; mas, pudiendo más su -locura que otra razón alguna, propuso de hacerse armar caballero del -primero que topase, a imitación de otros muchos que así lo hicieron, según -él había leído en los libros que tal le tenían. En lo de las armas blancas, -pensaba limpiarlas de manera, en teniendo lugar, que lo fuesen más que un -armiño; y con esto se quietó y prosiguió su camino, sin llevar otro que -aquel que su caballo quería, creyendo que en aquello consistía la fuerza de -las aventuras. - -Yendo, pues, caminando nuestro flamante aventurero, iba hablando consigo -mesmo y diciendo: - -— ¿Quién duda sino que en los venideros tiempos, cuando salga a luz la -verdadera historia de mis famosos hechos, que el sabio que los escribiere -no ponga, cuando llegue a contar esta mi primera salidad tan de mañana, -desta manera?: «Apenas había el rubicundo Apolo tendido por la faz de la -ancha y espaciosa tierra las doradas hebras de sus hermosos cabellos, y -apenas los pequeños y pintados pajarillos con sus arpadas lenguas habían -saludado con dulce y meliflua armonía la venida de la rosada aurora, que, -dejando la blanda cama del celoso marido, por las puertas y balcones del -manchego horizonte a los mortales se mostraba, cuando el famoso caballero -don Quijote de la Mancha, dejando las ociosas plumas, subió sobre su famoso -caballo Rocinante, y comenzó a caminar por el antiguo y conocido campo de -Montiel». - -Y era la verdad que por él caminaba. Y añadió diciendo: - -— Dichosa edad, y siglo dichoso aquel adonde saldrán a luz las famosas -hazañas mías, dignas de entallarse en bronces, esculpirse en mármoles y -pintarse en tablas para memoria en lo futuro. ¡Oh tú, sabio encantador, -quienquiera que seas, a quien ha de tocar el ser coronista desta peregrina -historia, ruégote que no te olvides de mi buen Rocinante, compañero eterno -mío en todos mis caminos y carreras! - -Luego volvía diciendo, como si verdaderamente fuera enamorado: - -— ¡Oh princesa Dulcinea, señora deste cautivo corazón!, mucho agravio me -habedes fecho en despedirme y reprocharme con el riguroso afincamiento de -mandarme no parecer ante la vuestra fermosura. Plégaos, señora, de -membraros deste vuestro sujeto corazón, que tantas cuitas por vuestro amor -padece. - -Con éstos iba ensartando otros disparates, todos al modo de los que sus -libros le habían enseñado, imitando en cuanto podía su lenguaje. Con esto, -caminaba tan despacio, y el sol entraba tan apriesa y con tanto ardor, que -fuera bastante a derretirle los sesos, si algunos tuviera. - -Casi todo aquel día caminó sin acontecerle cosa que de contar fuese, de lo -cual se desesperaba, porque quisiera topar luego luego con quien hacer -experiencia del valor de su fuerte brazo. Autores hay que dicen que la -primera aventura que le avino fue la del Puerto Lápice; otros dicen que la -de los molinos de viento; pero, lo que yo he podido averiguar en este caso, -y lo que he hallado escrito en los Anales de la Mancha, es que él anduvo -todo aquel día, y, al anochecer, su rocín y él se hallaron cansados y -muertos de hambre; y que, mirando a todas partes por ver si descubriría -algún castillo o alguna majada de pastores donde recogerse y adonde pudiese -remediar su mucha hambre y necesidad, vio, no lejos del camino por donde -iba, una venta, que fue como si viera una estrella que, no a los portales, -sino a los alcázares de su redención le encaminaba. Diose priesa a caminar, -y llegó a ella a tiempo que anochecía. - -Estaban acaso a la puerta dos mujeres mozas, destas que llaman del partido, -las cuales iban a Sevilla con unos arrieros que en la venta aquella noche -acertaron a hacer jornada; y, como a nuestro aventurero todo cuanto -pensaba, veía o imaginaba le parecía ser hecho y pasar al modo de lo que -había leído, luego que vio la venta, se le representó que era un castillo -con sus cuatro torres y chapiteles de luciente plata, sin faltarle su -puente levadiza y honda cava, con todos aquellos adherentes que semejantes -castillos se pintan. Fuese llegando a la venta, que a él le parecía -castillo, y a poco trecho della detuvo las riendas a Rocinante, esperando -que algún enano se pusiese entre las almenas a dar señal con alguna -trompeta de que llegaba caballero al castillo. Pero, como vio que se -tardaban y que Rocinante se daba priesa por llegar a la caballeriza, se -llegó a la puerta de la venta, y vio a las dos destraídas mozas que allí -estaban, que a él le parecieron dos hermosas doncellas o dos graciosas -damas que delante de la puerta del castillo se estaban solazando. En esto, -sucedió acaso que un porquero que andaba recogiendo de unos rastrojos una -manada de puercos —que, sin perdón, así se llaman— tocó un cuerno, a cuya -señal ellos se recogen, y al instante se le representó a don Quijote lo que -deseaba, que era que algún enano hacía señal de su venida; y así, con -estraño contento, llegó a la venta y a las damas, las cuales, como vieron -venir un hombre de aquella suerte, armado y con lanza y adarga, llenas de -miedo, se iban a entrar en la venta; pero don Quijote, coligiendo por su -huida su miedo, alzándose la visera de papelón y descubriendo su seco y -polvoroso rostro, con gentil talante y voz reposada, les dijo: - -— No fuyan las vuestras mercedes ni teman desaguisado alguno; ca a la orden -de caballería que profeso non toca ni atañe facerle a ninguno, cuanto más a -tan altas doncellas como vuestras presencias demuestran. - -Mirábanle las mozas, y andaban con los ojos buscándole el rostro, que la -mala visera le encubría; mas, como se oyeron llamar doncellas, cosa tan -fuera de su profesión, no pudieron tener la risa, y fue de manera que don -Quijote vino a correrse y a decirles: - -— Bien parece la mesura en las fermosas, y es mucha sandez además la risa -que de leve causa procede; pero no vos lo digo porque os acuitedes ni -mostredes mal talante; que el mío non es de ál que de serviros. - -El lenguaje, no entendido de las señoras, y el mal talle de nuestro -caballero acrecentaba en ellas la risa y en él el enojo; y pasara muy -adelante si a aquel punto no saliera el ventero, hombre que, por ser muy -gordo, era muy pacífico, el cual, viendo aquella figura contrahecha, armada -de armas tan desiguales como eran la brida, lanza, adarga y coselete, no -estuvo en nada en acompañar a las doncellas en las muestras de su contento. -Mas, en efeto, temiendo la máquina de tantos pertrechos, determinó de -hablarle comedidamente; y así, le dijo: - -— Si vuestra merced, señor caballero, busca posada, amén del lecho (porque -en esta venta no hay ninguno), todo lo demás se hallará en ella en mucha -abundancia. - -Viendo don Quijote la humildad del alcaide de la fortaleza, que tal le -pareció a él el ventero y la venta, respondió: - --Para mí, señor castellano, cualquiera cosa basta, porque -mis arreos son las armas, -mi descanso el pelear, etc. - -Pensó el huésped que el haberle llamado castellano había sido por haberle -parecido de los sanos de Castilla, aunque él era andaluz, y de los de la -playa de Sanlúcar, no menos ladrón que Caco, ni menos maleante que -estudiantado paje; y así, le respondió: - -— Según eso, las camas de vuestra merced serán duras peñas, y su dormir, -siempre velar; y siendo así, bien se puede apear, con seguridad de hallar -en esta choza ocasión y ocasiones para no dormir en todo un año, cuanto más -en una noche. - -Y, diciendo esto, fue a tener el estribo a don Quijote, el cual se apeó con -mucha dificultad y trabajo, como aquel que en todo aquel día no se había -desayunado. - -Dijo luego al huésped que le tuviese mucho cuidado de su caballo, porque -era la mejor pieza que comía pan en el mundo. Miróle el ventero, y no le -pareció tan bueno como don Quijote decía, ni aun la mitad; y, acomodándole -en la caballeriza, volvió a ver lo que su huésped mandaba, al cual estaban -desarmando las doncellas, que ya se habían reconciliado con él; las cuales, -aunque le habían quitado el peto y el espaldar, jamás supieron ni pudieron -desencajarle la gola, ni quitalle la contrahecha celada, que traía atada -con unas cintas verdes, y era menester cortarlas, por no poderse quitar los -ñudos; mas él no lo quiso consentir en ninguna manera, y así, se quedó toda -aquella noche con la celada puesta, que era la más graciosa y estraña -figura que se pudiera pensar; y, al desarmarle, como él se imaginaba que -aquellas traídas y llevadas que le desarmaban eran algunas principales -señoras y damas de aquel castillo, les dijo con mucho donaire: - --Nunca fuera caballero -de damas tan bien servido -como fuera don Quijote -cuando de su aldea vino: -doncellas curaban dél; -princesas, del su rocino, - -o Rocinante, que éste es el nombre, señoras mías, de mi caballo, y don -Quijote de la Mancha el mío; que, puesto que no quisiera descubrirme fasta -que las fazañas fechas en vuestro servicio y pro me descubrieran, la fuerza -de acomodar al propósito presente este romance viejo de Lanzarote ha sido -causa que sepáis mi nombre antes de toda sazón; pero, tiempo vendrá en que -las vuestras señorías me manden y yo obedezca, y el valor de mi brazo -descubra el deseo que tengo de serviros. - -Las mozas, que no estaban hechas a oír semejantes retóricas, no respondían -palabra; sólo le preguntaron si quería comer alguna cosa. - -— Cualquiera yantaría yo —respondió don Quijote—, porque, a lo que entiendo, -me haría mucho al caso. - -A dicha, acertó a ser viernes aquel día, y no había en toda la venta sino -unas raciones de un pescado que en Castilla llaman abadejo, y en Andalucía -bacallao, y en otras partes curadillo, y en otras truchuela. Preguntáronle -si por ventura comería su merced truchuela, que no había otro pescado que -dalle a comer. - -— Como haya muchas truchuelas —respondió don Quijote—, podrán servir de una -trucha, porque eso se me da que me den ocho reales en sencillos que en una -pieza de a ocho. Cuanto más, que podría ser que fuesen estas truchuelas -como la ternera, que es mejor que la vaca, y el cabrito que el cabrón. -Pero, sea lo que fuere, venga luego, que el trabajo y peso de las armas no -se puede llevar sin el gobierno de las tripas. - -Pusiéronle la mesa a la puerta de la venta, por el fresco, y trújole el -huésped una porción del mal remojado y peor cocido bacallao, y un pan tan -negro y mugriento como sus armas; pero era materia de grande risa verle -comer, porque, como tenía puesta la celada y alzada la visera, no podía -poner nada en la boca con sus manos si otro no se lo daba y ponía; y ansí, -una de aquellas señoras servía deste menester. Mas, al darle de beber, no -fue posible, ni lo fuera si el ventero no horadara una caña, y puesto el un -cabo en la boca, por el otro le iba echando el vino; y todo esto lo recebía -en paciencia, a trueco de no romper las cintas de la celada. - -Estando en esto, llegó acaso a la venta un castrador de puercos; y, así -como llegó, sonó su silbato de cañas cuatro o cinco veces, con lo cual -acabó de confirmar don Quijote que estaba en algún famoso castillo, y que -le servían con música, y que el abadejo eran truchas; el pan, candeal; y -las rameras, damas; y el ventero, castellano del castillo, y con esto daba -por bien empleada su determinación y salida. Mas lo que más le fatigaba era -el no verse armado caballero, por parecerle que no se podría poner -legítimamente en aventura alguna sin recebir la orden de caballería. - - - - -Capítulo III. Donde se cuenta la graciosa manera que tuvo don Quijote en -armarse caballero - -Y así, fatigado deste pensamiento, abrevió su venteril y limitada cena; la -cual acabada, llamó al ventero, y, encerrándose con él en la caballeriza, -se hincó de rodillas ante él, diciéndole: - -— No me levantaré jamás de donde estoy, valeroso caballero, fasta que la -vuestra cortesía me otorgue un don que pedirle quiero, el cual redundará en -alabanza vuestra y en pro del género humano. - -El ventero, que vio a su huésped a sus pies y oyó semejantes razones, -estaba confuso mirándole, sin saber qué hacerse ni decirle, y porfiaba con -él que se levantase, y jamás quiso, hasta que le hubo de decir que él le -otorgaba el don que le pedía. - -— No esperaba yo menos de la gran magnificencia vuestra, señor mío -— respondió don Quijote—; y así, os digo que el don que os he pedido, y de -vuestra liberalidad me ha sido otorgado, es que mañana en aquel día me -habéis de armar caballero, y esta noche en la capilla deste vuestro -castillo velaré las armas; y mañana, como tengo dicho, se cumplirá lo que -tanto deseo, para poder, como se debe, ir por todas las cuatro partes del -mundo buscando las aventuras, en pro de los menesterosos, como está a cargo -de la caballería y de los caballeros andantes, como yo soy, cuyo deseo a -semejantes fazañas es inclinado. - -El ventero, que, como está dicho, era un poco socarrón y ya tenía algunos -barruntos de la falta de juicio de su huésped, acabó de creerlo cuando -acabó de oírle semejantes razones, y, por tener qué reír aquella noche, -determinó de seguirle el humor; y así, le dijo que andaba muy acertado en -lo que deseaba y pedía, y que tal prosupuesto era propio y natural de los -caballeros tan principales como él parecía y como su gallarda presencia -mostraba; y que él, ansimesmo, en los años de su mocedad, se había dado a -aquel honroso ejercicio, andando por diversas partes del mundo buscando sus -aventuras, sin que hubiese dejado los Percheles de Málaga, Islas de Riarán, -Compás de Sevilla, Azoguejo de Segovia, la Olivera de Valencia, Rondilla de -Granada, Playa de Sanlúcar, Potro de Córdoba y las Ventillas de Toledo y -otras diversas partes, donde había ejercitado la ligereza de sus pies, -sutileza de sus manos, haciendo muchos tuertos, recuestando muchas viudas, -deshaciendo algunas doncellas y engañando a algunos pupilos, y, finalmente, -dándose a conocer por cuantas audiencias y tribunales hay casi en toda -España; y que, a lo último, se había venido a recoger a aquel su castillo, -donde vivía con su hacienda y con las ajenas, recogiendo en él a todos los -caballeros andantes, de cualquiera calidad y condición que fuesen, sólo por -la mucha afición que les tenía y porque partiesen con él de sus haberes, en -pago de su buen deseo. - -Díjole también que en aquel su castillo no había capilla alguna donde poder -velar las armas, porque estaba derribada para hacerla de nuevo; pero que, -en caso de necesidad, él sabía que se podían velar dondequiera, y que -aquella noche las podría velar en un patio del castillo; que a la mañana, -siendo Dios servido, se harían las debidas ceremonias, de manera que él -quedase armado caballero, y tan caballero que no pudiese ser más en el -mundo. - -Preguntóle si traía dineros; respondió don Quijote que no traía blanca, -porque él nunca había leído en las historias de los caballeros andantes que -ninguno los hubiese traído. A esto dijo el ventero que se engañaba; que, -puesto caso que en las historias no se escribía, por haberles parecido a -los autores dellas que no era menester escrebir una cosa tan clara y tan -necesaria de traerse como eran dineros y camisas limpias, no por eso se -había de creer que no los trujeron; y así, tuviese por cierto y averiguado -que todos los caballeros andantes, de que tantos libros están llenos y -atestados, llevaban bien herradas las bolsas, por lo que pudiese -sucederles; y que asimismo llevaban camisas y una arqueta pequeña llena de -ungüentos para curar las heridas que recebían, porque no todas veces en los -campos y desiertos donde se combatían y salían heridos había quien los -curase, si ya no era que tenían algún sabio encantador por amigo, que luego -los socorría, trayendo por el aire, en alguna nube, alguna doncella o enano -con alguna redoma de agua de tal virtud que, en gustando alguna gota della, -luego al punto quedaban sanos de sus llagas y heridas, como si mal alguno -hubiesen tenido. Mas que, en tanto que esto no hubiese, tuvieron los -pasados caballeros por cosa acertada que sus escuderos fuesen proveídos de -dineros y de otras cosas necesarias, como eran hilas y ungüentos para -curarse; y, cuando sucedía que los tales caballeros no tenían escuderos, -que eran pocas y raras veces, ellos mesmos lo llevaban todo en unas -alforjas muy sutiles, que casi no se parecían, a las ancas del caballo, -como que era otra cosa de más importancia; porque, no siendo por ocasión -semejante, esto de llevar alforjas no fue muy admitido entre los caballeros -andantes; y por esto le daba por consejo, pues aún se lo podía mandar como -a su ahijado, que tan presto lo había de ser, que no caminase de allí -adelante sin dineros y sin las prevenciones referidas, y que vería cuán -bien se hallaba con ellas cuando menos se pensase. - -Prometióle don Quijote de hacer lo que se le aconsejaba con toda -puntualidad; y así, se dio luego orden como velase las armas en un corral -grande que a un lado de la venta estaba; y, recogiéndolas don Quijote -todas, las puso sobre una pila que junto a un pozo estaba, y, embrazando su -adarga, asió de su lanza y con gentil continente se comenzó a pasear -delante de la pila; y cuando comenzó el paseo comenzaba a cerrar la noche. - -Contó el ventero a todos cuantos estaban en la venta la locura de su -huésped, la vela de las armas y la armazón de caballería que esperaba. -Admiráronse de tan estraño género de locura y fuéronselo a mirar desde -lejos, y vieron que, con sosegado ademán, unas veces se paseaba; otras, -arrimado a su lanza, ponía los ojos en las armas, sin quitarlos por un buen -espacio dellas. Acabó de cerrar la noche, pero con tanta claridad de la -luna, que podía competir con el que se la prestaba, de manera que cuanto el -novel caballero hacía era bien visto de todos. Antojósele en esto a uno de -los arrieros que estaban en la venta ir a dar agua a su recua, y fue -menester quitar las armas de don Quijote, que estaban sobre la pila; el -cual, viéndole llegar, en voz alta le dijo: - -— ¡Oh tú, quienquiera que seas, atrevido caballero, que llegas a tocar las -armas del más valeroso andante que jamás se ciñó espada!, mira lo que haces -y no las toques, si no quieres dejar la vida en pago de tu atrevimiento. - -No se curó el arriero destas razones (y fuera mejor que se curara, porque -fuera curarse en salud); antes, trabando de las correas, las arrojó gran -trecho de sí. Lo cual visto por don Quijote, alzó los ojos al cielo, y, -puesto el pensamiento —a lo que pareció— en su señora Dulcinea, dijo: - -— Acorredme, señora mía, en esta primera afrenta que a este vuestro -avasallado pecho se le ofrece; no me desfallezca en este primero trance -vuestro favor y amparo. - -Y, diciendo estas y otras semejantes razones, soltando la adarga, alzó la -lanza a dos manos y dio con ella tan gran golpe al arriero en la cabeza, -que le derribó en el suelo, tan maltrecho que, si segundara con otro, no -tuviera necesidad de maestro que le curara. Hecho esto, recogió sus armas y -tornó a pasearse con el mismo reposo que primero. Desde allí a poco, sin -saberse lo que había pasado (porque aún estaba aturdido el arriero), llegó -otro con la mesma intención de dar agua a sus mulos; y, llegando a quitar -las armas para desembarazar la pila, sin hablar don Quijote palabra y sin -pedir favor a nadie, soltó otra vez la adarga y alzó otra vez la lanza, y, -sin hacerla pedazos, hizo más de tres la cabeza del segundo arriero, porque -se la abrió por cuatro. Al ruido acudió toda la gente de la venta, y entre -ellos el ventero. Viendo esto don Quijote, embrazó su adarga, y, puesta -mano a su espada, dijo: - -— ¡Oh señora de la fermosura, esfuerzo y vigor del debilitado corazón mío! -Ahora es tiempo que vuelvas los ojos de tu grandeza a este tu cautivo -caballero, que tamaña aventura está atendiendo. - -Con esto cobró, a su parecer, tanto ánimo, que si le acometieran todos los -arrieros del mundo, no volviera el pie atrás. Los compañeros de los -heridos, que tales los vieron, comenzaron desde lejos a llover piedras -sobre don Quijote, el cual, lo mejor que podía, se reparaba con su adarga, -y no se osaba apartar de la pila por no desamparar las armas. El ventero -daba voces que le dejasen, porque ya les había dicho como era loco, y que -por loco se libraría, aunque los matase a todos. También don Quijote las -daba, mayores, llamándolos de alevosos y traidores, y que el señor del -castillo era un follón y mal nacido caballero, pues de tal manera consentía -que se tratasen los andantes caballeros; y que si él hubiera recebido la -orden de caballería, que él le diera a entender su alevosía: - -— Pero de vosotros, soez y baja canalla, no hago caso alguno: tirad, llegad, -venid y ofendedme en cuanto pudiéredes, que vosotros veréis el pago que -lleváis de vuestra sandez y demasía. - -Decía esto con tanto brío y denuedo, que infundió un terrible temor en los -que le acometían; y, así por esto como por las persuasiones del ventero, le -dejaron de tirar, y él dejó retirar a los heridos y tornó a la vela de sus -armas con la misma quietud y sosiego que primero. - -No le parecieron bien al ventero las burlas de su huésped, y determinó -abreviar y darle la negra orden de caballería luego, antes que otra -desgracia sucediese. Y así, llegándose a él, se desculpó de la insolencia -que aquella gente baja con él había usado, sin que él supiese cosa alguna; -pero que bien castigados quedaban de su atrevimiento. Díjole como ya le -había dicho que en aquel castillo no había capilla, y para lo que restaba -de hacer tampoco era necesaria; que todo el toque de quedar armado -caballero consistía en la pescozada y en el espaldarazo, según él tenía -noticia del ceremonial de la orden, y que aquello en mitad de un campo se -podía hacer, y que ya había cumplido con lo que tocaba al velar de las -armas, que con solas dos horas de vela se cumplía, cuanto más, que él había -estado más de cuatro. Todo se lo creyó don Quijote, y dijo que él estaba -allí pronto para obedecerle, y que concluyese con la mayor brevedad que -pudiese; porque si fuese otra vez acometido y se viese armado caballero, no -pensaba dejar persona viva en el castillo, eceto aquellas que él le -mandase, a quien por su respeto dejaría. - -Advertido y medroso desto el castellano, trujo luego un libro donde -asentaba la paja y cebada que daba a los arrieros, y con un cabo de vela -que le traía un muchacho, y con las dos ya dichas doncellas, se vino adonde -don Quijote estaba, al cual mandó hincar de rodillas; y, leyendo en su -manual, como que decía alguna devota oración, en mitad de la leyenda alzó -la mano y diole sobre el cuello un buen golpe, y tras él, con su mesma -espada, un gentil espaldazaro, siempre murmurando entre dientes, como que -rezaba. Hecho esto, mandó a una de aquellas damas que le ciñese la espada, -la cual lo hizo con mucha desenvoltura y discreción, porque no fue menester -poca para no reventar de risa a cada punto de las ceremonias; pero las -proezas que ya habían visto del novel caballero les tenía la risa a raya. -Al ceñirle la espada, dijo la buena señora: - -— Dios haga a vuestra merced muy venturoso caballero y le dé ventura en -lides. - -Don Quijote le preguntó cómo se llamaba, porque él supiese de allí adelante -a quién quedaba obligado por la merced recebida; porque pensaba darle -alguna parte de la honra que alcanzase por el valor de su brazo. Ella -respondió con mucha humildad que se llamaba la Tolosa, y que era hija de un -remendón natural de Toledo que vivía a las tendillas de Sancho Bienaya, y -que dondequiera que ella estuviese le serviría y le tendría por señor. Don -Quijote le replicó que, por su amor, le hiciese merced que de allí adelante -se pusiese don y se llamase doña Tolosa. Ella se lo prometió, y la otra le -calzó la espuela, con la cual le pasó casi el mismo coloquio que con la de -la espada: preguntóle su nombre, y dijo que se llamaba la Molinera, y que -era hija de un honrado molinero de Antequera; a la cual también rogó don -Quijote que se pusiese don y se llamase doña Molinera, ofreciéndole nuevos -servicios y mercedes. - -Hechas, pues, de galope y aprisa las hasta allí nunca vistas ceremonias, no -vio la hora don Quijote de verse a caballo y salir buscando las aventuras; -y, ensillando luego a Rocinante, subió en él, y, abrazando a su huésped, le -dijo cosas tan estrañas, agradeciéndole la merced de haberle armado -caballero, que no es posible acertar a referirlas. El ventero, por verle ya -fuera de la venta, con no menos retóricas, aunque con más breves palabras, -respondió a las suyas, y, sin pedirle la costa de la posada, le dejó ir a -la buen hora. - - - - -Capítulo IV. De lo que le sucedió a nuestro caballero cuando salió de la -venta - -La del alba sería cuando don Quijote salió de la venta, tan contento, tan -gallardo, tan alborozado por verse ya armado caballero, que el gozo le -reventaba por las cinchas del caballo. Mas, viniéndole a la memoria los -consejos de su huésped cerca de las prevenciones tan necesarias que había -de llevar consigo, especial la de los dineros y camisas, determinó volver a -su casa y acomodarse de todo, y de un escudero, haciendo cuenta de recebir -a un labrador vecino suyo, que era pobre y con hijos, pero muy a propósito -para el oficio escuderil de la caballería. Con este pensamiento guió a -Rocinante hacia su aldea, el cual, casi conociendo la querencia, con tanta -gana comenzó a caminar, que parecía que no ponía los pies en el suelo. - -No había andado mucho, cuando le pareció que a su diestra mano, de la -espesura de un bosque que allí estaba, salían unas voces delicadas, como de -persona que se quejaba; y apenas las hubo oído, cuando dijo: - -— Gracias doy al cielo por la merced que me hace, pues tan presto me pone -ocasiones delante donde yo pueda cumplir con lo que debo a mi profesión, y -donde pueda coger el fruto de mis buenos deseos. Estas voces, sin duda, son -de algún menesteroso o menesterosa, que ha menester mi favor y ayuda. - -Y, volviendo las riendas, encaminó a Rocinante hacia donde le pareció que -las voces salían. Y, a pocos pasos que entró por el bosque, vio atada una -yegua a una encina, y atado en otra a un muchacho, desnudo de medio cuerpo -arriba, hasta de edad de quince años, que era el que las voces daba; y no -sin causa, porque le estaba dando con una pretina muchos azotes un labrador -de buen talle, y cada azote le acompañaba con una reprehensión y consejo. -Porque decía: - -— La lengua queda y los ojos listos. - -Y el muchacho respondía: - -— No lo haré otra vez, señor mío; por la pasión de Dios, que no lo haré otra -vez; y yo prometo de tener de aquí adelante más cuidado con el hato. - -Y, viendo don Quijote lo que pasaba, con voz airada dijo: - -— Descortés caballero, mal parece tomaros con quien defender no se puede; -subid sobre vuestro caballo y tomad vuestra lanza —que también tenía una -lanza arrimada a la encima adonde estaba arrendada la yegua—, que yo os -haré conocer ser de cobardes lo que estáis haciendo. - -El labrador, que vio sobre sí aquella figura llena de armas blandiendo la -lanza sobre su rostro, túvose por muerto, y con buenas palabras respondió: - -— Señor caballero, este muchacho que estoy castigando es un mi criado, que -me sirve de guardar una manada de ovejas que tengo en estos contornos, el -cual es tan descuidado, que cada día me falta una; y, porque castigo su -descuido, o bellaquería, dice que lo hago de miserable, por no pagalle la -soldada que le debo, y en Dios y en mi ánima que miente. - -— ¿"Miente", delante de mí, ruin villano? —dijo don Quijote—. Por el sol que -nos alumbra, que estoy por pasaros de parte a parte con esta lanza. Pagadle -luego sin más réplica; si no, por el Dios que nos rige, que os concluya y -aniquile en este punto. Desatadlo luego. - -El labrador bajó la cabeza y, sin responder palabra, desató a su criado, al -cual preguntó don Quijote que cuánto le debía su amo. Él dijo que nueve -meses, a siete reales cada mes. Hizo la cuenta don Quijote y halló que -montaban setenta y tres reales, y díjole al labrador que al momento los -desembolsase, si no quería morir por ello. Respondió el medroso villano que -para el paso en que estaba y juramento que había hecho —y aún no había -jurado nada—, que no eran tantos, porque se le habían de descontar y -recebir en cuenta tres pares de zapatos que le había dado y un real de dos -sangrías que le habían hecho estando enfermo. - -— Bien está todo eso —replicó don Quijote—, pero quédense los zapatos y las -sangrías por los azotes que sin culpa le habéis dado; que si él rompió el -cuero de los zapatos que vos pagastes, vos le habéis rompido el de su -cuerpo; y si le sacó el barbero sangre estando enfermo, vos en sanidad se -la habéis sacado; ansí que, por esta parte, no os debe nada. - -— El daño está, señor caballero, en que no tengo aquí dineros: véngase -Andrés conmigo a mi casa, que yo se los pagaré un real sobre otro. - -— ¿Irme yo con él? —dijo el muchacho—. Mas, ¡mal año! No, señor, ni por -pienso; porque, en viéndose solo, me desuelle como a un San Bartolomé. - -— No hará tal —replicó don Quijote—: basta que yo se lo mande para que me -tenga respeto; y con que él me lo jure por la ley de caballería que ha -recebido, le dejaré ir libre y aseguraré la paga. - -— Mire vuestra merced, señor, lo que dice —dijo el muchacho—, que este mi -amo no es caballero ni ha recebido orden de caballería alguna; que es Juan -Haldudo el rico, el vecino del Quintanar. - -— Importa eso poco —respondió don Quijote—, que Haldudos puede haber -caballeros; cuanto más, que cada uno es hijo de sus obras. - -— Así es verdad —dijo Andrés—; pero este mi amo, ¿de qué obras es hijo, pues -me niega mi soldada y mi sudor y trabajo? - -— No niego, hermano Andrés —respondió el labrador—; y hacedme placer de -veniros conmigo, que yo juro por todas las órdenes que de caballerías hay -en el mundo de pagaros, como tengo dicho, un real sobre otro, y aun -sahumados. - -— Del sahumerio os hago gracia —dijo don Quijote—; dádselos en reales, que -con eso me contento; y mirad que lo cumpláis como lo habéis jurado; si no, -por el mismo juramento os juro de volver a buscaros y a castigaros, y que -os tengo de hallar, aunque os escondáis más que una lagartija. Y si queréis -saber quién os manda esto, para quedar con más veras obligado a cumplirlo, -sabed que yo soy el valeroso don Quijote de la Mancha, el desfacedor de -agravios y sinrazones; y a Dios quedad, y no se os parta de las mientes lo -prometido y jurado, so pena de la pena pronunciada. - -Y, en diciendo esto, picó a su Rocinante, y en breve espacio se apartó -dellos. Siguióle el labrador con los ojos, y, cuando vio que había -traspuesto del bosque y que ya no parecía, volvióse a su criado Andrés y -díjole: - -— Venid acá, hijo mío, que os quiero pagar lo que os debo, como aquel -deshacedor de agravios me dejó mandado. - -— Eso juro yo —dijo Andrés—; y ¡cómo que andará vuestra merced acertado en -cumplir el mandamiento de aquel buen caballero, que mil años viva; que, -según es de valeroso y de buen juez, vive Roque, que si no me paga, que -vuelva y ejecute lo que dijo! - -— También lo juro yo —dijo el labrador—; pero, por lo mucho que os quiero, -quiero acrecentar la deuda por acrecentar la paga. - -Y, asiéndole del brazo, le tornó a atar a la encina, donde le dio tantos -azotes, que le dejó por muerto. - -— Llamad, señor Andrés, ahora —decía el labrador— al desfacedor de agravios, -veréis cómo no desface aquéste; aunque creo que no está acabado de hacer, -porque me viene gana de desollaros vivo, como vos temíades. - -Pero, al fin, le desató y le dio licencia que fuese a buscar su juez, para -que ejecutase la pronunciada sentencia. Andrés se partió algo mohíno, -jurando de ir a buscar al valeroso don Quijote de la Mancha y contalle -punto por punto lo que había pasado, y que se lo había de pagar con las -setenas. Pero, con todo esto, él se partió llorando y su amo se quedó -riendo. - -Y desta manera deshizo el agravio el valeroso don Quijote; el cual, -contentísimo de lo sucedido, pareciéndole que había dado felicísimo y alto -principio a sus caballerías, con gran satisfación de sí mismo iba caminando -hacia su aldea, diciendo a media voz: - -— Bien te puedes llamar dichosa sobre cuantas hoy viven en la tierra, ¡oh -sobre las bellas bella Dulcinea del Toboso!, pues te cupo en suerte tener -sujeto y rendido a toda tu voluntad e talante a un tan valiente y tan -nombrado caballero como lo es y será don Quijote de la Mancha, el cual, -como todo el mundo sabe, ayer rescibió la orden de caballería, y hoy ha -desfecho el mayor tuerto y agravio que formó la sinrazón y cometió la -crueldad: hoy quitó el látigo de la mano a aquel despiadado enemigo que tan -sin ocasión vapulaba a aquel delicado infante. - -En esto, llegó a un camino que en cuatro se dividía, y luego se le vino a -la imaginación las encrucejadas donde los caballeros andantes se ponían a -pensar cuál camino de aquéllos tomarían, y, por imitarlos, estuvo un rato -quedo; y, al cabo de haberlo muy bien pensado, soltó la rienda a Rocinante, -dejando a la voluntad del rocín la suya, el cual siguió su primer intento, -que fue el irse camino de su caballeriza. - -Y, habiendo andado como dos millas, descubrió don Quijote un grande tropel -de gente, que, como después se supo, eran unos mercaderes toledanos que -iban a comprar seda a Murcia. Eran seis, y venían con sus quitasoles, con -otros cuatro criados a caballo y tres mozos de mulas a pie. Apenas los -divisó don Quijote, cuando se imaginó ser cosa de nueva aventura; y, por -imitar en todo cuanto a él le parecía posible los pasos que había leído en -sus libros, le pareció venir allí de molde uno que pensaba hacer. Y así, -con gentil continente y denuedo, se afirmó bien en los estribos, apretó la -lanza, llegó la adarga al pecho, y, puesto en la mitad del camino, estuvo -esperando que aquellos caballeros andantes llegasen, que ya él por tales -los tenía y juzgaba; y, cuando llegaron a trecho que se pudieron ver y oír, -levantó don Quijote la voz, y con ademán arrogante dijo: - -— Todo el mundo se tenga, si todo el mundo no confiesa que no hay en el -mundo todo doncella más hermosa que la emperatriz de la Mancha, la sin par -Dulcinea del Toboso. - -Paráronse los mercaderes al son destas razones, y a ver la estraña figura -del que las decía; y, por la figura y por las razones, luego echaron de ver -la locura de su dueño; mas quisieron ver despacio en qué paraba aquella -confesión que se les pedía, y uno dellos, que era un poco burlón y muy -mucho discreto, le dijo: - -— Señor caballero, nosotros no conocemos quién sea esa buena señora que -decís; mostrádnosla: que si ella fuere de tanta hermosura como significáis, -de buena gana y sin apremio alguno confesaremos la verdad que por parte -vuestra nos es pedida. - -— Si os la mostrara —replicó don Quijote—, ¿qué hiciérades vosotros en -confesar una verdad tan notoria? La importancia está en que sin verla lo -habéis de creer, confesar, afirmar, jurar y defender; donde no, conmigo -sois en batalla, gente descomunal y soberbia. Que, ahora vengáis uno a uno, -como pide la orden de caballería, ora todos juntos, como es costumbre y -mala usanza de los de vuestra ralea, aquí os aguardo y espero, confiado en -la razón que de mi parte tengo. - -— Señor caballero —replicó el mercader—, suplico a vuestra merced, en nombre -de todos estos príncipes que aquí estamos, que, porque no encarguemos -nuestras conciencias confesando una cosa por nosotros jamás vista ni oída, -y más siendo tan en perjuicio de las emperatrices y reinas del Alcarria y -Estremadura, que vuestra merced sea servido de mostrarnos algún retrato de -esa señora, aunque sea tamaño como un grano de trigo; que por el hilo se -sacará el ovillo, y quedaremos con esto satisfechos y seguros, y vuestra -merced quedará contento y pagado; y aun creo que estamos ya tan de su parte -que, aunque su retrato nos muestre que es tuerta de un ojo y que del otro -le mana bermellón y piedra azufre, con todo eso, por complacer a vuestra -merced, diremos en su favor todo lo que quisiere. - -— No le mana, canalla infame —respondió don Quijote, encendido en cólera—; -no le mana, digo, eso que decís, sino ámbar y algalia entre algodones; y no -es tuerta ni corcovada, sino más derecha que un huso de Guadarrama. Pero -vosotros pagaréis la grande blasfemia que habéis dicho contra tamaña beldad -como es la de mi señora. - -Y, en diciendo esto, arremetió con la lanza baja contra el que lo había -dicho, con tanta furia y enojo que, si la buena suerte no hiciera que en la -mitad del camino tropezara y cayera Rocinante, lo pasara mal el atrevido -mercader. Cayó Rocinante, y fue rodando su amo una buena pieza por el -campo; y, queriéndose levantar, jamás pudo: tal embarazo le causaban la -lanza, adarga, espuelas y celada, con el peso de las antiguas armas. Y, -entretanto que pugnaba por levantarse y no podía, estaba diciendo: - -— ¡Non fuyáis, gente cobarde; gente cautiva, atended!; que no por culpa mía, -sino de mi caballo, estoy aquí tendido. - -Un mozo de mulas de los que allí venían, que no debía de ser muy bien -intencionado, oyendo decir al pobre caído tantas arrogancias, no lo pudo -sufrir sin darle la respuesta en las costillas. Y, llegándose a él, tomó la -lanza, y, después de haberla hecho pedazos, con uno dellos comenzó a dar a -nuestro don Quijote tantos palos que, a despecho y pesar de sus armas, le -molió como cibera. Dábanle voces sus amos que no le diese tanto y que le -dejase, pero estaba ya el mozo picado y no quiso dejar el juego hasta -envidar todo el resto de su cólera; y, acudiendo por los demás trozos de la -lanza, los acabó de deshacer sobre el miserable caído, que, con toda -aquella tempestad de palos que sobre él vía, no cerraba la boca, amenazando -al cielo y a la tierra, y a los malandrines, que tal le parecían. - -Cansóse el mozo, y los mercaderes siguieron su camino, llevando qué contar -en todo él del pobre apaleado. El cual, después que se vio solo, tornó a -probar si podía levantarse; pero si no lo pudo hacer cuando sano y bueno, -¿cómo lo haría molido y casi deshecho? Y aún se tenía por dichoso, -pareciéndole que aquélla era propia desgracia de caballeros andantes, y -toda la atribuía a la falta de su caballo, y no era posible levantarse, -según tenía brumado todo el cuerpo. - - - - -Capítulo V. Donde se prosigue la narración de la desgracia de nuestro -caballero - -Viendo, pues, que, en efeto, no podía menearse, acordó de acogerse a su -ordinario remedio, que era pensar en algún paso de sus libros; y trújole su -locura a la memoria aquel de Valdovinos y del marqués de Mantua, cuando -Carloto le dejó herido en la montiña, historia sabida de los niños, no -ignorada de los mozos, celebrada y aun creída de los viejos; y, con todo -esto, no más verdadera que los milagros de Mahoma. Ésta, pues, le pareció a -él que le venía de molde para el paso en que se hallaba; y así, con -muestras de grande sentimiento, se comenzó a volcar por la tierra y a decir -con debilitado aliento lo mesmo que dicen decía el herido caballero del -bosque: - --¿Donde estás, señora mía, -que no te duele mi mal? -O no lo sabes, señora, -o eres falsa y desleal. - -Y, desta manera, fue prosiguiendo el romance hasta aquellos versos que -dicen: - --¡Oh noble marqués de Mantua, -mi tío y señor carnal! - -Y quiso la suerte que, cuando llegó a este verso, acertó a pasar por allí -un labrador de su mesmo lugar y vecino suyo, que venía de llevar una carga -de trigo al molino; el cual, viendo aquel hombre allí tendido, se llegó a -él y le preguntó que quién era y qué mal sentía que tan tristemente se -quejaba. Don Quijote creyó, sin duda, que aquél era el marqués de Mantua, -su tío; y así, no le respondió otra cosa si no fue proseguir en su romance, -donde le daba cuenta de su desgracia y de los amores del hijo del Emperante -con su esposa, todo de la mesma manera que el romance lo canta. - -El labrador estaba admirado oyendo aquellos disparates; y, quitándole la -visera, que ya estaba hecha pedazos de los palos, le limpió el rostro, que -le tenía cubierto de polvo; y apenas le hubo limpiado, cuando le conoció y -le dijo: - -— Señor Quijana —que así se debía de llamar cuando él tenía juicio y no -había pasado de hidalgo sosegado a caballero andante—, ¿quién ha puesto a -vuestra merced desta suerte? - -Pero él seguía con su romance a cuanto le preguntaba. Viendo esto el buen -hombre, lo mejor que pudo le quitó el peto y espaldar, para ver si tenía -alguna herida; pero no vio sangre ni señal alguna. Procuró levantarle del -suelo, y no con poco trabajo le subió sobre su jumento, por parecer -caballería más sosegada. Recogió las armas, hasta las astillas de la lanza, -y liólas sobre Rocinante, al cual tomó de la rienda, y del cabestro al -asno, y se encaminó hacia su pueblo, bien pensativo de oír los disparates -que don Quijote decía; y no menos iba don Quijote, que, de puro molido y -quebrantado, no se podía tener sobre el borrico, y de cuando en cuando daba -unos suspiros que los ponía en el cielo; de modo que de nuevo obligó a que -el labrador le preguntase le dijese qué mal sentía; y no parece sino que el -diablo le traía a la memoria los cuentos acomodados a sus sucesos, porque, -en aquel punto, olvidándose de Valdovinos, se acordó del moro Abindarráez, -cuando el alcaide de Antequera, Rodrigo de Narváez, le prendió y llevó -cautivo a su alcaidía. De suerte que, cuando el labrador le volvió a -preguntar que cómo estaba y qué sentía, le respondió las mesmas palabras y -razones que el cautivo Abencerraje respondía a Rodrigo de Narváez, del -mesmo modo que él había leído la historia en La Diana, de Jorge de -Montemayor, donde se escribe; aprovechándose della tan a propósito, que el -labrador se iba dando al diablo de oír tanta máquina de necedades; por -donde conoció que su vecino estaba loco, y dábale priesa a llegar al -pueblo, por escusar el enfado que don Quijote le causaba con su larga -arenga. Al cabo de lo cual, dijo: - -— Sepa vuestra merced, señor don Rodrigo de Narváez, que esta hermosa Jarifa -que he dicho es ahora la linda Dulcinea del Toboso, por quien yo he hecho, -hago y haré los más famosos hechos de caballerías que se han visto, vean ni -verán en el mundo. - -A esto respondió el labrador: - -— Mire vuestra merced, señor, pecador de mí, que yo no soy don Rodrigo de -Narváez, ni el marqués de Mantua, sino Pedro Alonso, su vecino; ni vuestra -merced es Valdovinos, ni Abindarráez, sino el honrado hidalgo del señor -Quijana. - -— Yo sé quién soy —respondió don Quijote—; y sé que puedo ser no sólo los -que he dicho, sino todos los Doce Pares de Francia, y aun todos los Nueve -de la Fama, pues a todas las hazañas que ellos todos juntos y cada uno por -sí hicieron, se aventajarán las mías. - -En estas pláticas y en otras semejantes, llegaron al lugar a la hora que -anochecía, pero el labrador aguardó a que fuese algo más noche, porque no -viesen al molido hidalgo tan mal caballero. Llegada, pues, la hora que le -pareció, entró en el pueblo, y en la casa de don Quijote, la cual halló -toda alborotada; y estaban en ella el cura y el barbero del lugar, que eran -grandes amigos de don Quijote, que estaba diciéndoles su ama a voces: - -— ¿Qué le parece a vuestra merced, señor licenciado Pero Pérez —que así se -llamaba el cura—, de la desgracia de mi señor? Tres días ha que no parecen -él, ni el rocín, ni la adarga, ni la lanza ni las armas. ¡Desventurada de -mí!, que me doy a entender, y así es ello la verdad como nací para morir, -que estos malditos libros de caballerías que él tiene y suele leer tan de -ordinario le han vuelto el juicio; que ahora me acuerdo haberle oído decir -muchas veces, hablando entre sí, que quería hacerse caballero andante e -irse a buscar las aventuras por esos mundos. Encomendados sean a Satanás y -a Barrabás tales libros, que así han echado a perder el más delicado -entendimiento que había en toda la Mancha. - -La sobrina decía lo mesmo, y aun decía más: - -— Sepa, señor maese Nicolás —que éste era el nombre del barbero—, que muchas -veces le aconteció a mi señor tío estarse leyendo en estos desalmados -libros de desventuras dos días con sus noches, al cabo de los cuales, -arrojaba el libro de las manos, y ponía mano a la espada y andaba a -cuchilladas con las paredes; y cuando estaba muy cansado, decía que había -muerto a cuatro gigantes como cuatro torres, y el sudor que sudaba del -cansancio decía que era sangre de las feridas que había recebido en la -batalla; y bebíase luego un gran jarro de agua fría, y quedaba sano y -sosegado, diciendo que aquella agua era una preciosísima bebida que le -había traído el sabio Esquife, un grande encantador y amigo suyo. Mas yo me -tengo la culpa de todo, que no avisé a vuestras mercedes de los disparates -de mi señor tío, para que lo remediaran antes de llegar a lo que ha -llegado, y quemaran todos estos descomulgados libros, que tiene muchos, que -bien merecen ser abrasados, como si fuesen de herejes. - -— Esto digo yo también —dijo el cura—, y a fee que no se pase el día de -mañana sin que dellos no se haga acto público y sean condenados al fuego, -porque no den ocasión a quien los leyere de hacer lo que mi buen amigo debe -de haber hecho. - -Todo esto estaban oyendo el labrador y don Quijote, con que acabó de -entender el labrador la enfermedad de su vecino; y así, comenzó a decir a -voces: - -— Abran vuestras mercedes al señor Valdovinos y al señor marqués de Mantua, -que viene malferido, y al señor moro Abindarráez, que trae cautivo el -valeroso Rodrigo de Narváez, alcaide de Antequera. - -A estas voces salieron todos, y, como conocieron los unos a su amigo, las -otras a su amo y tío, que aún no se había apeado del jumento, porque no -podía, corrieron a abrazarle. Él dijo: - -— Ténganse todos, que vengo malferido por la culpa de mi caballo. Llévenme a -mi lecho y llámese, si fuere posible, a la sabia Urganda, que cure y cate -de mis feridas. - -— ¡Mirá, en hora maza —dijo a este punto el ama—, si me decía a mí bien mi -corazón del pie que cojeaba mi señor! Suba vuestra merced en buen hora, -que, sin que venga esa Hurgada, le sabremos aquí curar. ¡Malditos, digo, -sean otra vez y otras ciento estos libros de caballerías, que tal han -parado a vuestra merced! - -Lleváronle luego a la cama, y, catándole las feridas, no le hallaron -ninguna; y él dijo que todo era molimiento, por haber dado una gran caída -con Rocinante, su caballo, combatiéndose con diez jayanes, los más -desaforados y atrevidos que se pudieran fallar en gran parte de la tierra. - -— ¡Ta, ta! —dijo el cura—. ¿Jayanes hay en la danza? Para mi santiguada, que -yo los queme mañana antes que llegue la noche. - -Hiciéronle a don Quijote mil preguntas, y a ninguna quiso responder otra -cosa sino que le diesen de comer y le dejasen dormir, que era lo que más le -importaba. Hízose así, y el cura se informó muy a la larga del labrador del -modo que había hallado a don Quijote. Él se lo contó todo, con los -disparates que al hallarle y al traerle había dicho; que fue poner más -deseo en el licenciado de hacer lo que otro día hizo, que fue llamar a su -amigo el barbero maese Nicolás, con el cual se vino a casa de don Quijote, - - - - -Capítulo VI. Del donoso y grande escrutinio que el cura y el barbero -hicieron en la librería de nuestro ingenioso hidalgo - -el cual aún todavía dormía. Pidió las llaves, a la sobrina, del aposento -donde estaban los libros, autores del daño, y ella se las dio de muy buena -gana. Entraron dentro todos, y la ama con ellos, y hallaron más de cien -cuerpos de libros grandes, muy bien encuadernados, y otros pequeños; y, así -como el ama los vio, volvióse a salir del aposento con gran priesa, y tornó -luego con una escudilla de agua bendita y un hisopo, y dijo: - -— Tome vuestra merced, señor licenciado: rocíe este aposento, no esté aquí -algún encantador de los muchos que tienen estos libros, y nos encanten, en -pena de las que les queremos dar echándolos del mundo. - -Causó risa al licenciado la simplicidad del ama, y mandó al barbero que le -fuese dando de aquellos libros uno a uno, para ver de qué trataban, pues -podía ser hallar algunos que no mereciesen castigo de fuego. - -— No —dijo la sobrina—, no hay para qué perdonar a ninguno, porque todos han -sido los dañadores; mejor será arrojarlos por las ventanas al patio, y -hacer un rimero dellos y pegarles fuego; y si no, llevarlos al corral, y -allí se hará la hoguera, y no ofenderá el humo. - -Lo mismo dijo el ama: tal era la gana que las dos tenían de la muerte de -aquellos inocentes; mas el cura no vino en ello sin primero leer siquiera -los títulos. Y el primero que maese Nicolás le dio en las manos fue Los -cuatro de Amadís de Gaula, y dijo el cura: - -— Parece cosa de misterio ésta; porque, según he oído decir, este libro fue -el primero de caballerías que se imprimió en España, y todos los demás han -tomado principio y origen déste; y así, me parece que, como a dogmatizador -de una secta tan mala, le debemos, sin escusa alguna, condenar al fuego. - -— No, señor —dijo el barbero—, que también he oído decir que es el mejor de -todos los libros que de este género se han compuesto; y así, como a único -en su arte, se debe perdonar. - -— Así es verdad —dijo el cura—, y por esa razón se le otorga la vida por -ahora. Veamos esotro que está junto a él. - -— Es —dijo el barbero— las Sergas de Esplandián, hijo legítimo de Amadís de -Gaula. - -— Pues, en verdad —dijo el cura— que no le ha de valer al hijo la bondad del -padre. Tomad, señora ama: abrid esa ventana y echadle al corral, y dé -principio al montón de la hoguera que se ha de hacer. - -Hízolo así el ama con mucho contento, y el bueno de Esplandián fue volando -al corral, esperando con toda paciencia el fuego que le amenazaba. - -— Adelante —dijo el cura. - -— Este que viene —dijo el barbero— es Amadís de Grecia; y aun todos los -deste lado, a lo que creo, son del mesmo linaje de Amadís. - -— Pues vayan todos al corral —dijo el cura—; que, a trueco de quemar a la -reina Pintiquiniestra, y al pastor Darinel, y a sus églogas, y a las -endiabladas y revueltas razones de su autor, quemaré con ellos al padre que -me engendró, si anduviera en figura de caballero andante. - -— De ese parecer soy yo —dijo el barbero. - -— Y aun yo —añadió la sobrina. - -— Pues así es —dijo el ama—, vengan, y al corral con ellos. - -Diéronselos, que eran muchos, y ella ahorró la escalera y dio con ellos por -la ventana abajo. - -— ¿Quién es ese tonel? —dijo el cura. - -— Éste es —respondió el barbero— Don Olivante de Laura. - -— El autor de ese libro —dijo el cura— fue el mesmo que compuso a Jardín de -flores; y en verdad que no sepa determinar cuál de los dos libros es más -verdadero, o, por decir mejor, menos mentiroso; sólo sé decir que éste irá -al corral por disparatado y arrogante. - -— Éste que se sigue es Florimorte de Hircania —dijo el barbero. - -— ¿Ahí está el señor Florimorte? —replicó el cura—. Pues a fe que ha de -parar presto en el corral, a pesar de su estraño nacimiento y sonadas -aventuras; que no da lugar a otra cosa la dureza y sequedad de su estilo. -Al corral con él y con esotro, señora ama. - -— Que me place, señor mío —respondía ella; y con mucha alegría ejecutaba lo -que le era mandado. - -— Éste es El Caballero Platir —dijo el barbero. - -— Antiguo libro es éste —dijo el cura—, y no hallo en él cosa que merezca -venia. Acompañe a los demás sin réplica. - -Y así fue hecho. Abrióse otro libro y vieron que tenía por título El -Caballero de la Cruz. - -— Por nombre tan santo como este libro tiene, se podía perdonar su -ignorancia; mas también se suele decir: "tras la cruz está el diablo"; vaya -al fuego. - -Tomando el barbero otro libro, dijo: - -— Éste es Espejo de caballerías. - -— Ya conozco a su merced —dijo el cura—. Ahí anda el señor Reinaldos de -Montalbán con sus amigos y compañeros, más ladrones que Caco, y los doce -Pares, con el verdadero historiador Turpín; y en verdad que estoy por -condenarlos no más que a destierro perpetuo, siquiera porque tienen parte -de la invención del famoso Mateo Boyardo, de donde también tejió su tela el -cristiano poeta Ludovico Ariosto; al cual, si aquí le hallo, y que habla en -otra lengua que la suya, no le guardaré respeto alguno; pero si habla en su -idioma, le pondré sobre mi cabeza. - -— Pues yo le tengo en italiano —dijo el barbero—, mas no le entiendo. - -— Ni aun fuera bien que vos le entendiérades —respondió el cura—, y aquí le -perdonáramos al señor capitán que no le hubiera traído a España y hecho -castellano; que le quitó mucho de su natural valor, y lo mesmo harán todos -aquellos que los libros de verso quisieren volver en otra lengua: que, por -mucho cuidado que pongan y habilidad que muestren, jamás llegarán al punto -que ellos tienen en su primer nacimiento. Digo, en efeto, que este libro, y -todos los que se hallaren que tratan destas cosas de Francia, se echen y -depositen en un pozo seco, hasta que con más acuerdo se vea lo que se ha de -hacer dellos, ecetuando a un Bernardo del Carpio que anda por ahí y a otro -llamado Roncesvalles; que éstos, en llegando a mis manos, han de estar en -las del ama, y dellas en las del fuego, sin remisión alguna. - -Todo lo confirmó el barbero, y lo tuvo por bien y por cosa muy acertada, -por entender que era el cura tan buen cristiano y tan amigo de la verdad, -que no diría otra cosa por todas las del mundo. Y, abriendo otro libro, vio -que era Palmerín de Oliva, y junto a él estaba otro que se llamaba Palmerín -de Ingalaterra; lo cual visto por el licenciado, dijo: - -— Esa oliva se haga luego rajas y se queme, que aun no queden della las -cenizas; y esa palma de Ingalaterra se guarde y se conserve como a cosa -única, y se haga para ello otra caja como la que halló Alejandro en los -despojos de Dario, que la diputó para guardar en ella las obras del poeta -Homero. Este libro, señor compadre, tiene autoridad por dos cosas: la una, -porque él por sí es muy bueno, y la otra, porque es fama que le compuso un -discreto rey de Portugal. Todas las aventuras del castillo de Miraguarda -son bonísimas y de grande artificio; las razones, cortesanas y claras, que -guardan y miran el decoro del que habla con mucha propriedad y -entendimiento. Digo, pues, salvo vuestro buen parecer, señor maese Nicolás, -que éste y Amadís de Gaula queden libres del fuego, y todos los demás, sin -hacer más cala y cata, perezcan. - -— No, señor compadre —replicó el barbero—; que éste que aquí tengo es el -afamado Don Belianís. - -— Pues ése —replicó el cura—, con la segunda, tercera y cuarta parte, tienen -necesidad de un poco de ruibarbo para purgar la demasiada cólera suya, y es -menester quitarles todo aquello del castillo de la Fama y otras -impertinencias de más importancia, para lo cual se les da término -ultramarino, y como se enmendaren, así se usará con ellos de misericordia o -de justicia; y en tanto, tenedlos vos, compadre, en vuestra casa, mas no -los dejéis leer a ninguno. - -— Que me place —respondió el barbero. - -Y, sin querer cansarse más en leer libros de caballerías, mandó al ama que -tomase todos los grandes y diese con ellos en el corral. No se dijo a tonta -ni a sorda, sino a quien tenía más gana de quemallos que de echar una tela, -por grande y delgada que fuera; y, asiendo casi ocho de una vez, los arrojó -por la ventana. Por tomar muchos juntos, se le cayó uno a los pies del -barbero, que le tomó gana de ver de quién era, y vio que decía: Historia -del famoso caballero Tirante el Blanco. - -— ¡Válame Dios! —dijo el cura, dando una gran voz—. ¡Que aquí esté Tirante -el Blanco! Dádmele acá, compadre; que hago cuenta que he hallado en él un -tesoro de contento y una mina de pasatiempos. Aquí está don Quirieleisón de -Montalbán, valeroso caballero, y su hermano Tomás de Montalbán, y el -caballero Fonseca, con la batalla que el valiente de Tirante hizo con el -alano, y las agudezas de la doncella Placerdemivida, con los amores y -embustes de la viuda Reposada, y la señora Emperatriz, enamorada de -Hipólito, su escudero. Dígoos verdad, señor compadre, que, por su estilo, -es éste el mejor libro del mundo: aquí comen los caballeros, y duermen, y -mueren en sus camas, y hacen testamento antes de su muerte, con estas cosas -de que todos los demás libros deste género carecen. Con todo eso, os digo -que merecía el que le compuso, pues no hizo tantas necedades de industria, -que le echaran a galeras por todos los días de su vida. Llevadle a casa y -leedle, y veréis que es verdad cuanto dél os he dicho. - -— Así será —respondió el barbero—; pero, ¿qué haremos destos pequeños libros -que quedan? - -— Éstos —dijo el cura— no deben de ser de caballerías, sino de poesía. - -Y abriendo uno, vio que era La Diana, de Jorge de Montemayor, y dijo, -creyendo que todos los demás eran del mesmo género: - -— Éstos no merecen ser quemados, como los demás, porque no hacen ni harán el -daño que los de caballerías han hecho; que son libros de entendimiento, sin -perjuicio de tercero. - -— ¡Ay señor! —dijo la sobrina—, bien los puede vuestra merced mandar quemar, -como a los demás, porque no sería mucho que, habiendo sanado mi señor tío -de la enfermedad caballeresca, leyendo éstos, se le antojase de hacerse -pastor y andarse por los bosques y prados cantando y tañendo; y, lo que -sería peor, hacerse poeta; que, según dicen, es enfermedad incurable y -pegadiza. - -— Verdad dice esta doncella —dijo el cura—, y será bien quitarle a nuestro -amigo este tropiezo y ocasión delante. Y, pues comenzamos por La Diana de -Montemayor, soy de parecer que no se queme, sino que se le quite todo -aquello que trata de la sabia Felicia y de la agua encantada, y casi todos -los versos mayores, y quédesele en hora buena la prosa, y la honra de ser -primero en semejantes libros. - -— Éste que se sigue —dijo el barbero— es La Diana llamada segunda del -Salmantino; y éste, otro que tiene el mesmo nombre, cuyo autor es Gil Polo. - -— Pues la del Salmantino —respondió el cura—, acompañe y acreciente el -número de los condenados al corral, y la de Gil Polo se guarde como si -fuera del mesmo Apolo; y pase adelante, señor compadre, y démonos prisa, -que se va haciendo tarde. - -— Este libro es —dijo el barbero, abriendo otro— Los diez libros de Fortuna -de Amor, compuestos por Antonio de Lofraso, poeta sardo. - -— Por las órdenes que recebí —dijo el cura—, que, desde que Apolo fue Apolo, -y las musas musas, y los poetas poetas, tan gracioso ni tan disparatado -libro como ése no se ha compuesto, y que, por su camino, es el mejor y el -más único de cuantos deste género han salido a la luz del mundo; y el que -no le ha leído puede hacer cuenta que no ha leído jamás cosa de gusto. -Dádmele acá, compadre, que precio más haberle hallado que si me dieran una -sotana de raja de Florencia. - -Púsole aparte con grandísimo gusto, y el barbero prosiguió diciendo: - -— Estos que se siguen son El Pastor de Iberia, Ninfas de Henares y -Desengaños de celos. - -— Pues no hay más que hacer —dijo el cura—, sino entregarlos al brazo seglar -del ama; y no se me pregunte el porqué, que sería nunca acabar. - -— Este que viene es El Pastor de Fílida. - -— No es ése pastor —dijo el cura—, sino muy discreto cortesano; guárdese -como joya preciosa. - -— Este grande que aquí viene se intitula —dijo el barbero— Tesoro de varias -poesías. - -— Como ellas no fueran tantas —dijo el cura—, fueran más estimadas; menester -es que este libro se escarde y limpie de algunas bajezas que entre sus -grandezas tiene. Guárdese, porque su autor es amigo mío, y por respeto de -otras más heroicas y levantadas obras que ha escrito. - -— Éste es —siguió el barbero— El Cancionero de López Maldonado. - -— También el autor de ese libro —replicó el cura— es grande amigo mío, y sus -versos en su boca admiran a quien los oye; y tal es la suavidad de la voz -con que los canta, que encanta. Algo largo es en las églogas, pero nunca lo -bueno fue mucho: guárdese con los escogidos. Pero, ¿qué libro es ese que -está junto a él? - -— La Galatea, de Miguel de Cervantes —dijo el barbero. - -— Muchos años ha que es grande amigo mío ese Cervantes, y sé que es más -versado en desdichas que en versos. Su libro tiene algo de buena invención; -propone algo, y no concluye nada: es menester esperar la segunda parte que -promete; quizá con la emienda alcanzará del todo la misericordia que ahora -se le niega; y, entre tanto que esto se ve, tenedle recluso en vuestra -posada, señor compadre. - -— Que me place —respondió el barbero—. Y aquí vienen tres, todos juntos: La -Araucana, de don Alonso de Ercilla; La Austríada, de Juan Rufo, jurado de -Córdoba, y El Monserrato, de Cristóbal de Virués, poeta valenciano. - -— Todos esos tres libros —dijo el cura— son los mejores que, en verso -heroico, en lengua castellana están escritos, y pueden competir con los más -famosos de Italia: guárdense como las más ricas prendas de poesía que tiene -España. - -Cansóse el cura de ver más libros; y así, a carga cerrada, quiso que todos -los demás se quemasen; pero ya tenía abierto uno el barbero, que se llamaba -Las lágrimas de Angélica. - -— Lloráralas yo —dijo el cura en oyendo el nombre— si tal libro hubiera -mandado quemar; porque su autor fue uno de los famosos poetas del mundo, no -sólo de España, y fue felicísimo en la tradución de algunas fábulas de -Ovidio. - - - - -Capítulo VII. De la segunda salida de nuestro buen caballero don Quijote de -la Mancha - -Estando en esto, comenzó a dar voces don Quijote, diciendo: - -— Aquí, aquí, valerosos caballeros; aquí es menester mostrar la fuerza de -vuestros valerosos brazos, que los cortesanos llevan lo mejor del torneo. - -Por acudir a este ruido y estruendo, no se pasó adelante con el escrutinio -de los demás libros que quedaban; y así, se cree que fueron al fuego, sin -ser vistos ni oídos, La Carolea y León de España, con Los Hechos del -Emperador, compuestos por don Luis de Ávila, que, sin duda, debían de estar -entre los que quedaban; y quizá, si el cura los viera, no pasaran por tan -rigurosa sentencia. - -Cuando llegaron a don Quijote, ya él estaba levantado de la cama, y -proseguía en sus voces y en sus desatinos, dando cuchilladas y reveses a -todas partes, estando tan despierto como si nunca hubiera dormido. -Abrazáronse con él, y por fuerza le volvieron al lecho; y, después que hubo -sosegado un poco, volviéndose a hablar con el cura, le dijo: - -— Por cierto, señor arzobispo Turpín, que es gran mengua de los que nos -llamamos doce Pares dejar, tan sin más ni más, llevar la vitoria deste -torneo a los caballeros cortesanos, habiendo nosotros los aventureros -ganado el prez en los tres días antecedentes. - -— Calle vuestra merced, señor compadre —dijo el cura—, que Dios será servido -que la suerte se mude, y que lo que hoy se pierde se gane mañana; y atienda -vuestra merced a su salud por agora, que me parece que debe de estar -demasiadamente cansado, si ya no es que está malferido. - -— Ferido no —dijo don Quijote—, pero molido y quebrantado, no hay duda en -ello; porque aquel bastardo de don Roldán me ha molido a palos con el -tronco de una encina, y todo de envidia, porque ve que yo solo soy el -opuesto de sus valentías. Mas no me llamaría yo Reinaldos de Montalbán si, -en levantándome deste lecho, no me lo pagare, a pesar de todos sus -encantamentos; y, por agora, tráiganme de yantar, que sé que es lo que más -me hará al caso, y quédese lo del vengarme a mi cargo. - -Hiciéronlo ansí: diéronle de comer, y quedóse otra vez dormido, y ellos, -admirados de su locura. - -Aquella noche quemó y abrasó el ama cuantos libros había en el corral y en -toda la casa, y tales debieron de arder que merecían guardarse en perpetuos -archivos; mas no lo permitió su suerte y la pereza del escrutiñador; y así, -se cumplió el refrán en ellos de que pagan a las veces justos por -pecadores. - -Uno de los remedios que el cura y el barbero dieron, por entonces, para el -mal de su amigo, fue que le murasen y tapiasen el aposento de los libros, -porque cuando se levantase no los hallase —quizá quitando la causa, cesaría -el efeto—, y que dijesen que un encantador se los había llevado, y el -aposento y todo; y así fue hecho con mucha presteza. De allí a dos días se -levantó don Quijote, y lo primero que hizo fue ir a - -ver sus libros; y, como no hallaba el aposento donde le había dejado, -andaba de una en otra parte buscándole. Llegaba adonde solía tener la -puerta, y tentábala con las manos, y volvía y revolvía los ojos por todo, -sin decir palabra; pero, al cabo de una buena pieza, preguntó a su ama que -hacia qué parte estaba el aposento de sus libros. El ama, que ya estaba -bien advertida de lo que había de responder, le dijo: - -— ¿Qué aposento, o qué nada, busca vuestra merced? Ya no hay aposento ni -libros en esta casa, porque todo se lo llevó el mesmo diablo. - -— No era diablo —replicó la sobrina—, sino un encantador que vino sobre una -nube una noche, después del día que vuestra merced de aquí se partió, y, -apeándose de una sierpe en que venía caballero, entró en el aposento, y no -sé lo que se hizo dentro, que a cabo de poca pieza salió volando por el -tejado, y dejó la casa llena de humo; y, cuando acordamos a mirar lo que -dejaba hecho, no vimos libro ni aposento alguno; sólo se nos acuerda muy -bien a mí y al ama que, al tiempo del partirse aquel mal viejo, dijo en -altas voces que, por enemistad secreta que tenía al dueño de aquellos -libros y aposento, dejaba hecho el daño en aquella casa que después se -vería. Dijo también que se llamaba el sabio Muñatón. - -— Frestón diría —dijo don Quijote. - -— No sé —respondió el ama— si se llamaba Frestón o Fritón; sólo sé que acabó -en tón su nombre. - -— Así es —dijo don Quijote—; que ése es un sabio encantador, grande enemigo -mío, que me tiene ojeriza, porque sabe por sus artes y letras que tengo de -venir, andando los tiempos, a pelear en singular batalla con un caballero a -quien él favorece, y le tengo de vencer, sin que él lo pueda estorbar, y -por esto procura hacerme todos los sinsabores que puede; y mándole yo que -mal podrá él contradecir ni evitar lo que por el cielo está ordenado. - -— ¿Quién duda de eso? —dijo la sobrina—. Pero, ¿quién le mete a vuestra -merced, señor tío, en esas pendencias? ¿No será mejor estarse pacífico en -su casa y no irse por el mundo a buscar pan de trastrigo, sin considerar -que muchos van por lana y vuelven tresquilados? - -— ¡Oh sobrina mía —respondió don Quijote—, y cuán mal que estás en la -cuenta! Primero que a mí me tresquilen, tendré peladas y quitadas las -barbas a cuantos imaginaren tocarme en la punta de un solo cabello. - -No quisieron las dos replicarle más, porque vieron que se le encendía la -cólera. - -Es, pues, el caso que él estuvo quince días en casa muy sosegado, sin dar -muestras de querer segundar sus primeros devaneos, en los cuales días pasó -graciosísimos cuentos con sus dos compadres el cura y el barbero, sobre que -él decía que la cosa de que más necesidad tenía el mundo era de caballeros -andantes y de que en él se resucitase la caballería andantesca. El cura -algunas veces le contradecía y otras concedía, porque si no guardaba este -artificio, no había poder averiguarse con él. - -En este tiempo, solicitó don Quijote a un labrador vecino suyo, hombre de -bien —si es que este título se puede dar al que es pobre—, pero de muy poca -sal en la mollera. En resolución, tanto le dijo, tanto le persuadió y -prometió, que el pobre villano se determinó de salirse con él y servirle de -escudero. Decíale, entre otras cosas, don Quijote que se dispusiese a ir -con él de buena gana, porque tal vez le podía suceder aventura que ganase, -en quítame allá esas pajas, alguna ínsula, y le dejase a él por gobernador -della. Con estas promesas y otras tales, Sancho Panza, que así se llamaba -el labrador, dejó su mujer y hijos y asentó por escudero de su vecino. - -Dio luego don Quijote orden en buscar dineros; y, vendiendo una cosa y -empeñando otra, y malbaratándolas todas, llegó una razonable cantidad. -Acomodóse asimesmo de una rodela, que pidió prestada a un su amigo, y, -pertrechando su rota celada lo mejor que pudo, avisó a su escudero Sancho -del día y la hora que pensaba ponerse en camino, para que él se acomodase -de lo que viese que más le era menester. Sobre todo le encargó que llevase -alforjas; e dijo que sí llevaría, y que ansimesmo pensaba llevar un asno -que tenía muy bueno, porque él no estaba duecho a andar mucho a pie. En lo -del asno reparó un poco don Quijote, imaginando si se le acordaba si algún -caballero andante había traído escudero caballero asnalmente, pero nunca le -vino alguno a la memoria; mas, con todo esto, determinó que le llevase, con -presupuesto de acomodarle de más honrada caballería en habiendo ocasión -para ello, quitándole el caballo al primer descortés caballero que topase. -Proveyóse de camisas y de las demás cosas que él pudo, conforme al consejo -que el ventero le había dado; todo lo cual hecho y cumplido, sin despedirse -Panza de sus hijos y mujer, ni don Quijote de su ama y sobrina, una noche -se salieron del lugar sin que persona los viese; en la cual caminaron -tanto, que al amanecer se tuvieron por seguros de que no los hallarían -aunque los buscasen. - -Iba Sancho Panza sobre su jumento como un patriarca, con sus alforjas y su -bota, y con mucho deseo de verse ya gobernador de la ínsula que su amo le -había prometido. Acertó don Quijote a tomar la misma derrota y camino que -el que él había tomado en su primer viaje, que fue por el campo de Montiel, -por el cual caminaba con menos pesadumbre que la vez pasada, porque, por -ser la hora de la mañana y herirles a soslayo los rayos del sol, no les -fatigaban. Dijo en esto Sancho Panza a su amo: - -— Mire vuestra merced, señor caballero andante, que no se le olvide lo que -de la ínsula me tiene prometido; que yo la sabré gobernar, por grande que -sea. - -A lo cual le respondió don Quijote: - -— Has de saber, amigo Sancho Panza, que fue costumbre muy usada de los -caballeros andantes antiguos hacer gobernadores a sus escuderos de las -ínsulas o reinos que ganaban, y yo tengo determinado de que por mí no falte -tan agradecida usanza; antes, pienso aventajarme en ella: porque ellos -algunas veces, y quizá las más, esperaban a que sus escuderos fuesen -viejos; y, ya después de hartos de servir y de llevar malos días y peores -noches, les daban algún título de conde, o, por lo mucho, de marqués, de -algún valle o provincia de poco más a menos; pero, si tú vives y yo vivo, -bien podría ser que antes de seis días ganase yo tal reino que tuviese -otros a él adherentes, que viniesen de molde para coronarte por rey de uno -dellos. Y no lo tengas a mucho, que cosas y casos acontecen a los tales -caballeros, por modos tan nunca vistos ni pensados, que con facilidad te -podría dar aún más de lo que te prometo. - -— De esa manera —respondió Sancho Panza—, si yo fuese rey por algún milagro -de los que vuestra merced dice, por lo menos, Juana Gutiérrez, mi oíslo, -vendría a ser reina, y mis hijos infantes. - -— Pues, ¿quién lo duda? —respondió don Quijote. - -— Yo lo dudo —replicó Sancho Panza—; porque tengo para mí que, aunque -lloviese Dios reinos sobre la tierra, ninguno asentaría bien sobre la -cabeza de Mari Gutiérrez. Sepa, señor, que no vale dos maravedís para -reina; condesa le caerá mejor, y aun Dios y ayuda. - -— Encomiéndalo tú a Dios, Sancho —respondió don Quijote—, que Él dará lo que -más le convenga, pero no apoques tu ánimo tanto, que te vengas a contentar -con menos que con ser adelantado. - -— No lo haré, señor mío —respondió Sancho—; y más teniendo tan principal amo -en vuestra merced, que me sabrá dar todo aquello que me esté bien y yo -pueda llevar. - - - - -Capítulo VIII. Del buen suceso que el valeroso don Quijote tuvo en la -espantable y jamás imaginada aventura de los molinos de viento, con otros -sucesos dignos de felice recordación - -En esto, descubrieron treinta o cuarenta molinos de viento que hay en aquel -campo; y, así como don Quijote los vio, dijo a su escudero: - -— La ventura va guiando nuestras cosas mejor de lo que acertáramos a desear, -porque ves allí, amigo Sancho Panza, donde se descubren treinta, o pocos -más, desaforados gigantes, con quien pienso hacer batalla y quitarles a -todos las vidas, con cuyos despojos comenzaremos a enriquecer; que ésta es -buena guerra, y es gran servicio de Dios quitar tan mala simiente de sobre -la faz de la tierra. - -— ¿Qué gigantes? —dijo Sancho Panza. - -— Aquellos que allí ves —respondió su amo— de los brazos largos, que los -suelen tener algunos de casi dos leguas. - -— Mire vuestra merced —respondió Sancho— que aquellos que allí se parecen no -son gigantes, sino molinos de viento, y lo que en ellos parecen brazos son -las aspas, que, volteadas del viento, hacen andar la piedra del molino. - -— Bien parece —respondió don Quijote— que no estás cursado en esto de las -aventuras: ellos son gigantes; y si tienes miedo, quítate de ahí, y ponte -en oración en el espacio que yo voy a entrar con ellos en fiera y desigual -batalla. - -Y, diciendo esto, dio de espuelas a su caballo Rocinante, sin atender a las -voces que su escudero Sancho le daba, advirtiéndole que, sin duda alguna, -eran molinos de viento, y no gigantes, aquellos que iba a acometer. Pero él -iba tan puesto en que eran gigantes, que ni oía las voces de su escudero -Sancho ni echaba de ver, aunque estaba ya bien cerca, lo que eran; antes, -iba diciendo en voces altas: - -— Non fuyades, cobardes y viles criaturas, que un solo caballero es el que -os acomete. - -Levantóse en esto un poco de viento y las grandes aspas comenzaron a -moverse, lo cual visto por don Quijote, dijo: - -— Pues, aunque mováis más brazos que los del gigante Briareo, me lo habéis -de pagar. - -Y, en diciendo esto, y encomendándose de todo corazón a su señora Dulcinea, -pidiéndole que en tal trance le socorriese, bien cubierto de su rodela, con -la lanza en el ristre, arremetió a todo el galope de Rocinante y embistió -con el primero molino que estaba delante; y, dándole una lanzada en el -aspa, la volvió el viento con tanta furia que hizo la lanza pedazos, -llevándose tras sí al caballo y al caballero, que fue rodando muy maltrecho -por el campo. Acudió Sancho Panza a socorrerle, a todo el correr de su -asno, y cuando llegó halló que no se podía menear: tal fue el golpe que dio -con él Rocinante. - -— ¡Válame Dios! —dijo Sancho—. ¿No le dije yo a vuestra merced que mirase -bien lo que hacía, que no eran sino molinos de viento, y no lo podía -ignorar sino quien llevase otros tales en la cabeza? - -— Calla, amigo Sancho —respondió don Quijote—, que las cosas de la guerra, -más que otras, están sujetas a continua mudanza; cuanto más, que yo pienso, -y es así verdad, que aquel sabio Frestón que me robó el aposento y los -libros ha vuelto estos gigantes en molinos por quitarme la gloria de su -vencimiento: tal es la enemistad que me tiene; mas, al cabo al cabo, han de -poder poco sus malas artes contra la bondad de mi espada. - -— Dios lo haga como puede —respondió Sancho Panza. - -Y, ayudándole a levantar, tornó a subir sobre Rocinante, que medio -despaldado estaba. Y, hablando en la pasada aventura, siguieron el camino -del Puerto Lápice, porque allí decía don Quijote que no era posible dejar -de hallarse muchas y diversas aventuras, por ser lugar muy pasajero; sino -que iba muy pesaroso por haberle faltado la lanza; y, diciéndoselo a su -escudero, le dijo: - -— Yo me acuerdo haber leído que un caballero español, llamado Diego Pérez de -Vargas, habiéndosele en una batalla roto la espada, desgajó de una encina -un pesado ramo o tronco, y con él hizo tales cosas aquel día, y machacó -tantos moros, que le quedó por sobrenombre Machuca, y así él como sus -decendientes se llamaron, desde aquel día en adelante, Vargas y Machuca. -Hete dicho esto, porque de la primera encina o roble que se me depare -pienso desgajar otro tronco tal y tan bueno como aquél, que me imagino y -pienso hacer con él tales hazañas, que tú te tengas por bien afortunado de -haber merecido venir a vellas y a ser testigo de cosas que apenas podrán -ser creídas. - -— A la mano de Dios —dijo Sancho—; yo lo creo todo así como vuestra merced -lo dice; pero enderécese un poco, que parece que va de medio lado, y debe -de ser del molimiento de la caída. - -— Así es la verdad —respondió don Quijote—; y si no me quejo del dolor, es -porque no es dado a los caballeros andantes quejarse de herida alguna, -aunque se le salgan las tripas por ella. - -— Si eso es así, no tengo yo qué replicar —respondió Sancho—, pero sabe Dios -si yo me holgara que vuestra merced se quejara cuando alguna cosa le -doliera. De mí sé decir que me he de quejar del más pequeño dolor que -tenga, si ya no se entiende también con los escuderos de los caballeros -andantes eso del no quejarse. - -No se dejó de reír don Quijote de la simplicidad de su escudero; y así, le -declaró que podía muy bien quejarse, como y cuando quisiese, sin gana o con -ella; que hasta entonces no había leído cosa en contrario en la orden de -caballería. Díjole Sancho que mirase que era hora de comer. Respondióle su -amo que por entonces no le hacía menester; que comiese él cuando se le -antojase. Con esta licencia, se acomodó Sancho lo mejor que pudo sobre su -jumento, y, sacando de las alforjas lo que en ellas había puesto, iba -caminando y comiendo detrás de su amo muy de su espacio, y de cuando en -cuando empinaba la bota, con tanto gusto, que le pudiera envidiar el más -regalado bodegonero de Málaga. Y, en tanto que él iba de aquella manera -menudeando tragos, no se le acordaba de ninguna promesa que su amo le -hubiese hecho, ni tenía por ningún trabajo, sino por mucho descanso, andar -buscando las aventuras, por peligrosas que fuesen. - -En resolución, aquella noche la pasaron entre unos árboles, y del uno -dellos desgajó don Quijote un ramo seco que casi le podía servir de lanza, -y puso en él el hierro que quitó de la que se le había quebrado. Toda -aquella noche no durmió don Quijote, pensando en su señora Dulcinea, por -acomodarse a lo que había leído en sus libros, cuando los caballeros -pasaban sin dormir muchas noches en las florestas y despoblados, -entretenidos con las memorias de sus señoras. No la pasó ansí Sancho Panza, -que, como tenía el estómago lleno, y no de agua de chicoria, de un sueño se -la llevó toda; y no fueran parte para despertarle, si su amo no lo llamara, -los rayos del sol, que le daban en el rostro, ni el canto de las aves, que, -muchas y muy regocijadamente, la venida del nuevo día saludaban. Al -levantarse dio un tiento a la bota, y hallóla algo más flaca que la noche -antes; y afligiósele el corazón, por parecerle que no llevaban camino de -remediar tan presto su falta. No quiso desayunarse don Quijote, porque, -como está dicho, dio en sustentarse de sabrosas memorias. Tornaron a su -comenzado camino del Puerto Lápice, y a obra de las tres del día le -descubrieron. - -— Aquí —dijo, en viéndole, don Quijote— podemos, hermano Sancho Panza, meter -las manos hasta los codos en esto que llaman aventuras. Mas advierte que, -aunque me veas en los mayores peligros del mundo, no has de poner mano a tu -espada para defenderme, si ya no vieres que los que me ofenden es canalla y -gente baja, que en tal caso bien puedes ayudarme; pero si fueren -caballeros, en ninguna manera te es lícito ni concedido por las leyes de -caballería que me ayudes, hasta que seas armado caballero. - -— Por cierto, señor —respondió Sancho—, que vuestra merced sea muy bien -obedicido en esto; y más, que yo de mío me soy pacífico y enemigo de -meterme en ruidos ni pendencias. Bien es verdad que, en lo que tocare a -defender mi persona, no tendré mucha cuenta con esas leyes, pues las -divinas y humanas permiten que cada uno se defienda de quien quisiere -agraviarle. - -— No digo yo menos —respondió don Quijote—; pero, en esto de ayudarme contra -caballeros, has de tener a raya tus naturales ímpetus. - -— Digo que así lo haré —respondió Sancho—, y que guardaré ese preceto tan -bien como el día del domingo. - -Estando en estas razones, asomaron por el camino dos frailes de la orden de -San Benito, caballeros sobre dos dromedarios: que no eran más pequeñas dos -mulas en que venían. Traían sus antojos de camino y sus quitasoles. Detrás -dellos venía un coche, con cuatro o cinco de a caballo que le acompañaban y -dos mozos de mulas a pie. Venía en el coche, como después se supo, una -señora vizcaína, que iba a Sevilla, donde estaba su marido, que pasaba a -las Indias con un muy honroso cargo. No venían los frailes con ella, aunque -iban el mesmo camino; mas, apenas los divisó don Quijote, cuando dijo a su -escudero: - -— O yo me engaño, o ésta ha de ser la más famosa aventura que se haya visto; -porque aquellos bultos negros que allí parecen deben de ser, y son sin -duda, algunos encantadores que llevan hurtada alguna princesa en aquel -coche, y es menester deshacer este tuerto a todo mi poderío. - -— Peor será esto que los molinos de viento —dijo Sancho—. Mire, señor, que -aquéllos son frailes de San Benito, y el coche debe de ser de alguna gente -pasajera. Mire que digo que mire bien lo que hace, no sea el diablo que le -engañe. - -— Ya te he dicho, Sancho —respondió don Quijote—, que sabes poco de achaque -de aventuras; lo que yo digo es verdad, y ahora lo verás. - -Y, diciendo esto, se adelantó y se puso en la mitad del camino por donde -los frailes venían, y, en llegando tan cerca que a él le pareció que le -podrían oír lo que dijese, en alta voz dijo: - -— Gente endiablada y descomunal, dejad luego al punto las altas princesas -que en ese coche lleváis forzadas; si no, aparejaos a recebir presta -muerte, por justo castigo de vuestras malas obras. - -Detuvieron los frailes las riendas, y quedaron admirados, así de la figura -de don Quijote como de sus razones, a las cuales respondieron: - -— Señor caballero, nosotros no somos endiablados ni descomunales, sino dos -religiosos de San Benito que vamos nuestro camino, y no sabemos si en este -coche vienen, o no, ningunas forzadas princesas. - -— Para conmigo no hay palabras blandas, que ya yo os conozco, fementida -canalla —dijo don Quijote. - -Y, sin esperar más respuesta, picó a Rocinante y, la lanza baja, arremetió -contra el primero fraile, con tanta furia y denuedo que, si el fraile no se -dejara caer de la mula, él le hiciera venir al suelo mal de su grado, y aun -malferido, si no cayera muerto. El segundo religioso, que vio del modo que -trataban a su compañero, puso piernas al castillo de su buena mula, y -comenzó a correr por aquella campaña, más ligero que el mesmo viento. - -Sancho Panza, que vio en el suelo al fraile, apeándose ligeramente de su -asno, arremetió a él y le comenzó a quitar los hábitos. Llegaron en esto -dos mozos de los frailes y preguntáronle que por qué le desnudaba. -Respondióles Sancho que aquello le tocaba a él ligítimamente, como despojos -de la batalla que su señor don Quijote había ganado. Los mozos, que no -sabían de burlas, ni entendían aquello de despojos ni batallas, viendo que -ya don Quijote estaba desviado de allí, hablando con las que en el coche -venían, arremetieron con Sancho y dieron con él en el suelo; y, sin dejarle -pelo en las barbas, le molieron a coces y le dejaron tendido en el suelo -sin aliento ni sentido. Y, sin detenerse un punto, tornó a subir el fraile, -todo temeroso y acobardado y sin color en el rostro; y, cuando se vio a -caballo, picó tras su compañero, que un buen espacio de allí le estaba -aguardando, y esperando en qué paraba aquel sobresalto; y, sin querer -aguardar el fin de todo aquel comenzado suceso, siguieron su camino, -haciéndose más cruces que si llevaran al diablo a las espaldas. - -Don Quijote estaba, como se ha dicho, hablando con la señora del coche, -diciéndole: - -— La vuestra fermosura, señora mía, puede facer de su persona lo que más le -viniere en talante, porque ya la soberbia de vuestros robadores yace por el -suelo, derribada por este mi fuerte brazo; y, porque no penéis por saber el -nombre de vuestro libertador, sabed que yo me llamo don Quijote de la -Mancha, caballero andante y aventurero, y cautivo de la sin par y hermosa -doña Dulcinea del Toboso; y, en pago del beneficio que de mí habéis -recebido, no quiero otra cosa sino que volváis al Toboso, y que de mi parte -os presentéis ante esta señora y le digáis lo que por vuestra libertad he -fecho. - -Todo esto que don Quijote decía escuchaba un escudero de los que el coche -acompañaban, que era vizcaíno; el cual, viendo que no quería dejar pasar el -coche adelante, sino que decía que luego había de dar la vuelta al Toboso, -se fue para don Quijote y, asiéndole de la lanza, le dijo, en mala lengua -castellana y peor vizcaína, desta manera: - -— Anda, caballero que mal andes; por el Dios que crióme, que, si no dejas -coche, así te matas como estás ahí vizcaíno. - -Entendióle muy bien don Quijote, y con mucho sosiego le respondió: - -— Si fueras caballero, como no lo eres, ya yo hubiera castigado tu sandez y -atrevimiento, cautiva criatura. - -A lo cual replicó el vizcaíno: - -— ¿Yo no caballero? Juro a Dios tan mientes como cristiano. Si lanza -arrojas y espada sacas, ¡el agua cuán presto verás que al gato llevas! -Vizcaíno por tierra, hidalgo por mar, hidalgo por el diablo; y mientes que -mira si otra dices cosa. - -— ¡Ahora lo veredes, dijo Agrajes! —respondió don Quijote. - -Y, arrojando la lanza en el suelo, sacó su espada y embrazó su rodela, y -arremetió al vizcaíno con determinación de quitarle la vida. El vizcaíno, -que así le vio venir, aunque quisiera apearse de la mula, que, por ser de -las malas de alquiler, no había que fiar en ella, no pudo hacer otra cosa -sino sacar su espada; pero avínole bien que se halló junto al coche, de -donde pudo tomar una almohada que le sirvió de escudo, y luego se fueron el -uno para el otro, como si fueran dos mortales enemigos. La demás gente -quisiera ponerlos en paz, mas no pudo, porque decía el vizcaíno en sus mal -trabadas razones que si no le dejaban acabar su batalla, que él mismo había -de matar a su ama y a toda la gente que se lo estorbase. La señora del -coche, admirada y temerosa de lo que veía, hizo al cochero que se desviase -de allí algún poco, y desde lejos se puso a mirar la rigurosa contienda, en -el discurso de la cual dio el vizcaíno una gran cuchillada a don Quijote -encima de un hombro, por encima de la rodela, que, a dársela sin defensa, -le abriera hasta la cintura. Don Quijote, que sintió la pesadumbre de aquel -desaforado golpe, dio una gran voz, diciendo: - -— ¡Oh señora de mi alma, Dulcinea, flor de la fermosura, socorred a este -vuestro caballero, que, por satisfacer a la vuestra mucha bondad, en este -riguroso trance se halla! - -El decir esto, y el apretar la espada, y el cubrirse bien de su rodela, y -el arremeter al vizcaíno, todo fue en un tiempo, llevando determinación de -aventurarlo todo a la de un golpe solo. - -El vizcaíno, que así le vio venir contra él, bien entendió por su denuedo -su coraje, y determinó de hacer lo mesmo que don Quijote; y así, le aguardó -bien cubierto de su almohada, sin poder rodear la mula a una ni a otra -parte; que ya, de puro cansada y no hecha a semejantes niñerías, no podía -dar un paso. - -Venía, pues, como se ha dicho, don Quijote contra el cauto vizcaíno, con la -espada en alto, con determinación de abrirle por medio, y el vizcaíno le -aguardaba ansimesmo levantada la espada y aforrado con su almohada, y todos -los circunstantes estaban temerosos y colgados de lo que había de suceder -de aquellos tamaños golpes con que se amenazaban; y la señora del coche y -las demás criadas suyas estaban haciendo mil votos y ofrecimientos a todas -las imágenes y casas de devoción de España, porque Dios librase a su -escudero y a ellas de aquel tan grande peligro en que se hallaban. - -Pero está el daño de todo esto que en este punto y término deja pendiente -el autor desta historia esta batalla, disculpándose que no halló más -escrito destas hazañas de don Quijote de las que deja referidas. Bien es -verdad que el segundo autor desta obra no quiso creer que tan curiosa -historia estuviese entregada a las leyes del olvido, ni que hubiesen sido -tan poco curiosos los ingenios de la Mancha que no tuviesen en sus archivos -o en sus escritorios algunos papeles que deste famoso caballero tratasen; y -así, con esta imaginación, no se desesperó de hallar el fin desta apacible -historia, el cual, siéndole el cielo favorable, le halló del modo que se -contará en la segunda parte. - -Segunda parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha - - - - -Capítulo IX. Donde se concluye y da fin a la estupenda batalla que el -gallardo vizcaíno y el valiente manchego tuvieron - -Dejamos en la primera parte desta historia al valeroso vizcaíno y al famoso -don Quijote con las espadas altas y desnudas, en guisa de descargar dos -furibundos fendientes, tales que, si en lleno se acertaban, por lo menos -se dividirían y fenderían de arriba abajo y abrirían como una granada; y -que en aquel punto tan dudoso paró y quedó destroncada tan sabrosa -historia, sin que nos diese noticia su autor dónde se podría hallar lo que -della faltaba. - -Causóme esto mucha pesadumbre, porque el gusto de haber leído tan poco se -volvía en disgusto, de pensar el mal camino que se ofrecía para hallar lo -mucho que, a mi parecer, faltaba de tan sabroso cuento. Parecióme cosa -imposible y fuera de toda buena costumbre que a tan buen caballero le -hubiese faltado algún sabio que tomara a cargo el escrebir sus nunca vistas -hazañas, cosa que no faltó a ninguno de los caballeros andantes, - -de los que dicen las gentes -que van a sus aventuras, - -porque cada uno dellos tenía uno o dos sabios, como de molde, que no -solamente escribían sus hechos, sino que pintaban sus más mínimos -pensamientos y niñerías, por más escondidas que fuesen; y no había de ser -tan desdichado tan buen caballero, que le faltase a él lo que sobró a -Platir y a otros semejantes. Y así, no podía inclinarme a creer que tan -gallarda historia hubiese quedado manca y estropeada; y echaba la culpa a -la malignidad del tiempo, devorador y consumidor de todas las cosas, el -cual, o la tenía oculta o consumida. - -Por otra parte, me parecía que, pues entre sus libros se habían hallado tan -modernos como Desengaño de celos y Ninfas y Pastores de Henares, que -también su historia debía de ser moderna; y que, ya que no estuviese -escrita, estaría en la memoria de la gente de su aldea y de las a ella -circunvecinas. Esta imaginación me traía confuso y deseoso de saber, real y -verdaderamente, toda la vida y milagros de nuestro famoso español don -Quijote de la Mancha, luz y espejo de la caballería manchega, y el primero -que en nuestra edad y en estos tan calamitosos tiempos se puso al trabajo y -ejercicio de las andantes armas, y al desfacer agravios, socorrer viudas, -amparar doncellas, de aquellas que andaban con sus azotes y palafrenes, y -con toda su virginidad a cuestas, de monte en monte y de valle en valle; -que, si no era que algún follón, o algún villano de hacha y capellina, o -algún descomunal gigante las forzaba, doncella hubo en los pasados tiempos -que, al cabo de ochenta años, que en todos ellos no durmió un día debajo de -tejado, y se fue tan entera a la sepultura como la madre que la había -parido. Digo, pues, que, por estos y otros muchos respetos, es digno -nuestro gallardo Quijote de continuas y memorables alabanzas; y aun a mí no -se me deben negar, por el trabajo y diligencia que puse en buscar el fin -desta agradable historia; aunque bien sé que si el cielo, el caso y la -fortuna no me ayudan, el mundo quedará falto y sin el pasatiempo y gusto -que bien casi dos horas podrá tener el que con atención la leyere. Pasó, -pues, el hallarla en esta manera: - -Estando yo un día en el Alcaná de Toledo, llegó un muchacho a vender unos -cartapacios y papeles viejos a un sedero; y, como yo soy aficionado a leer, -aunque sean los papeles rotos de las calles, llevado desta mi natural -inclinación, tomé un cartapacio de los que el muchacho vendía, y vile con -caracteres que conocí ser arábigos. Y, puesto que, aunque los conocía, no -los sabía leer, anduve mirando si parecía por allí algún morisco aljamiado -que los leyese; y no fue muy dificultoso hallar intérprete semejante, pues, -aunque le buscara de otra mejor y más antigua lengua, le hallara. En fin, -la suerte me deparó uno, que, diciéndole mi deseo y poniéndole el libro en -las manos, le abrió por medio, y, leyendo un poco en él, se comenzó a reír. - -Preguntéle yo que de qué se reía, y respondióme que de una cosa que tenía -aquel libro escrita en el margen por anotación. Díjele que me la dijese; y -él, sin dejar la risa, dijo: - -— Está, como he dicho, aquí en el margen escrito esto: "Esta Dulcinea del -Toboso, tantas veces en esta historia referida, dicen que tuvo la mejor -mano para salar puercos que otra mujer de toda la Mancha". - -Cuando yo oí decir "Dulcinea del Toboso", quedé atónito y suspenso, porque -luego se me representó que aquellos cartapacios contenían la historia de -don Quijote. Con esta imaginación, le di priesa que leyese el principio, y, -haciéndolo ansí, volviendo de improviso el arábigo en castellano, dijo que -decía: Historia de don Quijote de la Mancha, escrita por Cide Hamete -Benengeli, historiador arábigo. Mucha discreción fue menester para -disimular el contento que recebí cuando llegó a mis oídos el título del -libro; y, salteándosele al sedero, compré al muchacho todos los papeles y -cartapacios por medio real; que, si él tuviera discreción y supiera lo que -yo los deseaba, bien se pudiera prometer y llevar más de seis reales de la -compra. Apartéme luego con el morisco por el claustro de la iglesia mayor, -y roguéle me volviese aquellos cartapacios, todos los que trataban de don -Quijote, en lengua castellana, sin quitarles ni añadirles nada, -ofreciéndole la paga que él quisiese. Contentóse con dos arrobas de pasas y -dos fanegas de trigo, y prometió de traducirlos bien y fielmente y con -mucha brevedad. Pero yo, por facilitar más el negocio y por no dejar de la -mano tan buen hallazgo, le truje a mi casa, donde en poco más de mes y -medio la tradujo toda, del mesmo modo que aquí se refiere. - -Estaba en el primero cartapacio, pintada muy al natural, la batalla de don -Quijote con el vizcaíno, puestos en la mesma postura que la historia -cuenta, levantadas las espadas, el uno cubierto de su rodela, el otro de la -almohada, y la mula del vizcaíno tan al vivo, que estaba mostrando ser de -alquiler a tiro de ballesta. Tenía a los pies escrito el vizcaíno un título -que decía: Don Sancho de Azpetia, que, sin duda, debía de ser su nombre, y -a los pies de Rocinante estaba otro que decía: Don Quijote. Estaba -Rocinante maravillosamente pintado, tan largo y tendido, tan atenuado y -flaco, con tanto espinazo, tan hético confirmado, que mostraba bien al -descubierto con cuánta advertencia y propriedad se le había puesto el -nombre de Rocinante. Junto a él estaba Sancho Panza, que tenía del cabestro -a su asno, a los pies del cual estaba otro rétulo que decía: Sancho Zancas, -y debía de ser que tenía, a lo que mostraba la pintura, la barriga grande, -el talle corto y las zancas largas; y por esto se le debió de poner nombre -de Panza y de Zancas, que con estos dos sobrenombres le llama algunas veces -la historia. Otras algunas menudencias había que advertir, pero todas son -de poca importancia y que no hacen al caso a la verdadera relación de la -historia; que ninguna es mala como sea verdadera. - -Si a ésta se le puede poner alguna objeción cerca de su verdad, no podrá -ser otra sino haber sido su autor arábigo, siendo muy propio de los de -aquella nación ser mentirosos; aunque, por ser tan nuestros enemigos, antes -se puede entender haber quedado falto en ella que demasiado. Y ansí me -parece a mí, pues, cuando pudiera y debiera estender la pluma en las -alabanzas de tan buen caballero, parece que de industria las pasa en -silencio: cosa mal hecha y peor pensada, habiendo y debiendo ser los -historiadores puntuales, verdaderos y no nada apasionados, y que ni el -interés ni el miedo, el rancor ni la afición, no les hagan torcer del -camino de la verdad, cuya madre es la historia, émula del tiempo, depósito -de las acciones, testigo de lo pasado, ejemplo y aviso de lo presente, -advertencia de lo por venir. En ésta sé que se hallará todo lo que se -acertare a desear en la más apacible; y si algo bueno en ella faltare, para -mí tengo que fue por culpa del galgo de su autor, antes que por falta del -sujeto. En fin, su segunda parte, siguiendo la tradución, comenzaba desta -manera: - -Puestas y levantadas en alto las cortadoras espadas de los dos valerosos y -enojados combatientes, no parecía sino que estaban amenazando al cielo, a -la tierra y al abismo: tal era el denuedo y continente que tenían. Y el -primero que fue a descargar el golpe fue el colérico vizcaíno, el cual fue -dado con tanta fuerza y tanta furia que, a no volvérsele la espada en el -camino, aquel solo golpe fuera bastante para dar fin a su rigurosa -contienda y a todas las aventuras de nuestro caballero; mas la buena -suerte, que para mayores cosas le tenía guardado, torció la espada de su -contrario, de modo que, aunque le acertó en el hombro izquierdo, no le hizo -otro daño que desarmarle todo aquel lado, llevándole de camino gran parte -de la celada, con la mitad de la oreja; que todo ello con espantosa ruina -vino al suelo, dejándole muy maltrecho. - -¡Válame Dios, y quién será aquel que buenamente pueda contar ahora la rabia -que entró en el corazón de nuestro manchego, viéndose parar de aquella -manera! No se diga más, sino que fue de manera que se alzó de nuevo en los -estribos, y, apretando más la espada en las dos manos, con tal furia -descargó sobre el vizcaíno, acertándole de lleno sobre la almohada y sobre -la cabeza, que, sin ser parte tan buena defensa, como si cayera sobre él -una montaña, comenzó a echar sangre por las narices, y por la boca y por -los oídos, y a dar muestras de caer de la mula abajo, de donde cayera, sin -duda, si no se abrazara con el cuello; pero, con todo eso, sacó los pies de -los estribos y luego soltó los brazos; y la mula, espantada del terrible -golpe, dio a correr por el campo, y a pocos corcovos dio con su dueño en -tierra. - -Estábaselo con mucho sosiego mirando don Quijote, y, como lo vio caer, -saltó de su caballo y con mucha ligereza se llegó a él, y, poniéndole la -punta de la espada en los ojos, le dijo que se rindiese; si no, que le -cortaría la cabeza. Estaba el vizcaíno tan turbado que no podía responder -palabra, y él lo pasara mal, según estaba ciego don Quijote, si las señoras -del coche, que hasta entonces con gran desmayo habían mirado la pendencia, -no fueran adonde estaba y le pidieran con mucho encarecimiento les hiciese -tan gran merced y favor de perdonar la vida a aquel su escudero. A lo cual -don Quijote respondió, con mucho entono y gravedad: - -— Por cierto, fermosas señoras, yo soy muy contento de hacer lo que me -pedís; mas ha de ser con una condición y concierto, y es que este caballero -me ha de prometer de ir al lugar del Toboso y presentarse de mi parte ante -la sin par doña Dulcinea, para que ella haga dél lo que más fuere de su -voluntad. - -La temerosa y desconsolada señora, sin entrar en cuenta de lo que don -Quijote pedía, y sin preguntar quién Dulcinea fuese, le prometió que el -escudero haría todo aquello que de su parte le fuese mandado. - -— Pues en fe de esa palabra, yo no le haré más daño, puesto que me lo tenía -bien merecido. - - - - -Capítulo X. De lo que más le avino a don Quijote con el vizcaíno, y del -peligro en que se vio con una turba de yangüeses - -Ya en este tiempo se había levantado Sancho Panza, algo maltratado de los -mozos de los frailes, y había estado atento a la batalla de su señor don -Quijote, y rogaba a Dios en su corazón fuese servido de darle vitoria y que -en ella ganase alguna ínsula de donde le hiciese gobernador, como se lo -había prometido. Viendo, pues, ya acabada la pendencia, y que su amo volvía -a subir sobre Rocinante, llegó a tenerle el estribo; y antes que subiese se -hincó de rodillas delante dél, y, asiéndole de la mano, se la besó y le -dijo: - -— Sea vuestra merced servido, señor don Quijote mío, de darme el gobierno de -la ínsula que en esta rigurosa pendencia se ha ganado; que, por grande que -sea, yo me siento con fuerzas de saberla gobernar tal y tan bien como otro -que haya gobernado ínsulas en el mundo. - -A lo cual respondió don Quijote: - -— Advertid, hermano Sancho, que esta aventura y las a ésta semejantes no -son aventuras de ínsulas, sino de encrucijadas, en las cuales no se gana -otra cosa que sacar rota la cabeza o una oreja menos. Tened paciencia, que -aventuras se ofrecerán donde no solamente os pueda hacer gobernador, sino -más adelante. - -Agradecióselo mucho Sancho, y, besándole otra vez la mano y la falda de la -loriga, le ayudó a subir sobre Rocinante; y él subió sobre su asno y -comenzó a seguir a su señor, que, a paso tirado, sin despedirse ni hablar -más con las del coche, se entró por un bosque que allí junto estaba. -Seguíale Sancho a todo el trote de su jumento, pero caminaba tanto -Rocinante que, viéndose quedar atrás, le fue forzoso dar voces a su amo que -se aguardase. Hízolo así don Quijote, teniendo las riendas a Rocinante -hasta que llegase su cansado escudero, el cual, en llegando, le dijo: - -— Paréceme, señor, que sería acertado irnos a retraer a alguna iglesia; que, -según quedó maltrecho aquel con quien os combatistes, no será mucho que den -noticia del caso a la Santa Hermandad y nos prendan; y a fe que si lo -hacen, que primero que salgamos de la cárcel que nos ha de sudar el hopo. - -— Calla —dijo don Quijote—. Y ¿dónde has visto tú, o leído jamás, que -caballero andante haya sido puesto ante la justicia, por más homicidios que -hubiese cometido? - -— Yo no sé nada de omecillos —respondió Sancho—, ni en mi vida le caté a -ninguno; sólo sé que la Santa Hermandad tiene que ver con los que pelean en -el campo, y en esotro no me entremeto. - -— Pues no tengas pena, amigo —respondió don Quijote—, que yo te sacaré de -las manos de los caldeos, cuanto más de las de la Hermandad. Pero dime, por -tu vida: ¿has visto más valeroso caballero que yo en todo lo descubierto de -la tierra? ¿Has leído en historias otro que tenga ni haya tenido más brío -en acometer, más aliento en el perseverar, más destreza en el herir, ni más -maña en el derribar? - -— La verdad sea —respondió Sancho— que yo no he leído ninguna historia -jamás, porque ni sé leer ni escrebir; mas lo que osaré apostar es que más -atrevido amo que vuestra merced yo no le he servido en todos los días de mi -vida, y quiera Dios que estos atrevimientos no se paguen donde tengo -dicho. Lo que le ruego a vuestra merced es que se cure, que le va mucha -sangre de esa oreja; que aquí traigo hilas y un poco de ungüento blanco en -las alforjas. - -— Todo eso fuera bien escusado —respondió don Quijote— si a mí se me -acordara de hacer una redoma del bálsamo de Fierabrás, que con sola una -gota se ahorraran tiempo y medicinas. - -— ¿Qué redoma y qué bálsamo es ése? —dijo Sancho Panza. - -— Es un bálsamo —respondió don Quijote— de quien tengo la receta en la -memoria, con el cual no hay que tener temor a la muerte, ni hay pensar -morir de ferida alguna. Y ansí, cuando yo le haga y te le dé, no tienes más -que hacer sino que, cuando vieres que en alguna batalla me han partido por -medio del cuerpo (como muchas veces suele acontecer), bonitamente la parte -del cuerpo que hubiere caído en el suelo, y con mucha sotileza, antes que -la sangre se yele, la pondrás sobre la otra mitad que quedare en la silla, -advirtiendo de encajallo igualmente y al justo; luego me darás a beber -solos dos tragos del bálsamo que he dicho, y verásme quedar más sano que -una manzana. - -— Si eso hay —dijo Panza—, yo renuncio desde aquí el gobierno de la -prometida ínsula, y no quiero otra cosa, en pago de mis muchos y buenos -servicios, sino que vuestra merced me dé la receta de ese estremado licor; -que para mí tengo que valdrá la onza adondequiera más de a dos reales, y no -he menester yo más para pasar esta vida honrada y descansadamente. Pero es -de saber agora si tiene mucha costa el hacelle. - -— Con menos de tres reales se pueden hacer tres azumbres —respondió don -Quijote. - -— ¡Pecador de mí! —replicó Sancho—. ¿Pues a qué aguarda vuestra merced a -hacelle y a enseñármele? - -— Calla, amigo —respondió don Quijote—, que mayores secretos pienso -enseñarte y mayores mercedes hacerte; y, por agora, curémonos, que la oreja -me duele más de lo que yo quisiera. - -Sacó Sancho de las alforjas hilas y ungüento. Mas, cuando don Quijote llegó -a ver rota su celada, pensó perder el juicio, y, puesta la mano en la -espada y alzando los ojos al cielo, dijo: - -— Yo hago juramento al Criador de todas las cosas y a los santos cuatro -Evangelios, donde más largamente están escritos, de hacer la vida que hizo -el grande marqués de Mantua cuando juró de vengar la muerte de su sobrino -Valdovinos, que fue de no comer pan a manteles, ni con su mujer folgar, y -otras cosas que, aunque dellas no me acuerdo, las doy aquí por expresadas, -hasta tomar entera venganza del que tal desaguisado me fizo. - -Oyendo esto Sancho, le dijo: - -— Advierta vuestra merced, señor don Quijote, que si el caballero cumplió lo -que se le dejó ordenado de irse a presentar ante mi señora Dulcinea del -Toboso, ya habrá cumplido con lo que debía, y no merece otra pena si no -comete nuevo delito. - -— Has hablado y apuntado muy bien —respondió don Quijote—; y así, anulo el -juramento en cuanto lo que toca a tomar dél nueva venganza; pero hágole y -confírmole de nuevo de hacer la vida que he dicho, hasta tanto que quite -por fuerza otra celada tal y tan buena como ésta a algún caballero. Y no -pienses, Sancho, que así a humo de pajas hago esto, que bien tengo a quien -imitar en ello; que esto mesmo pasó, al pie de la letra, sobre el yelmo de -Mambrino, que tan caro le costó a Sacripante. - -— Que dé al diablo vuestra merced tales juramentos, señor mío —replicó -Sancho—; que son muy en daño de la salud y muy en perjuicio de la -conciencia. Si no, dígame ahora: si acaso en muchos días no topamos hombre -armado con celada, ¿qué hemos de hacer? ¿Hase de cumplir el juramento, a -despecho de tantos inconvenientes e incomodidades, como será el dormir -vestido, y el no dormir en poblado, y otras mil penitencias que contenía el -juramento de aquel loco viejo del marqués de Mantua, que vuestra merced -quiere revalidar ahora? Mire vuestra merced bien, que por todos estos -caminos no andan hombres armados, sino arrieros y carreteros, que no sólo -no traen celadas, pero quizá no las han oído nombrar en todos los días de -su vida. - -— Engáñaste en eso —dijo don Quijote—, porque no habremos estado dos horas -por estas encrucijadas, cuando veamos más armados que los que vinieron -sobre Albraca a la conquista de Angélica la Bella. - -— Alto, pues; sea ansí —dijo Sancho—, y a Dios prazga que nos suceda bien, y -que se llegue ya el tiempo de ganar esta ínsula que tan cara me cuesta, y -muérame yo luego. - -— Ya te he dicho, Sancho, que no te dé eso cuidado alguno; que, cuando -faltare ínsula, ahí está el reino de Dinamarca o el de Soliadisa, que te -vendrán como anillo al dedo; y más, que, por ser en tierra firme, te debes -más alegrar. Pero dejemos esto para su tiempo, y mira si traes algo en esas -alforjas que comamos, porque vamos luego en busca de algún castillo donde -alojemos esta noche y hagamos el bálsamo que te he dicho; porque yo te voto -a Dios que me va doliendo mucho la oreja. - -— Aquí trayo una cebolla, y un poco de queso y no sé cuántos mendrugos de -pan —dijo Sancho—, pero no son manjares que pertenecen a tan valiente -caballero como vuestra merced. - -— ¡Qué mal lo entiendes! —respondió don Quijote—. Hágote saber, Sancho, que -es honra de los caballeros andantes no comer en un mes; y, ya que coman, -sea de aquello que hallaren más a mano; y esto se te hiciera cierto si -hubieras leído tantas historias como yo; que, aunque han sido muchas, en -todas ellas no he hallado hecha relación de que los caballeros andantes -comiesen, si no era acaso y en algunos suntuosos banquetes que les hacían, -y los demás días se los pasaban en flores. Y, aunque se deja entender que -no podían pasar sin comer y sin hacer todos los otros menesteres naturales, -porque, en efeto, eran hombres como nosotros, hase de entender también que, -andando lo más del tiempo de su vida por las florestas y despoblados, y sin -cocinero, que su más ordinaria comida sería de viandas rústicas, tales como -las que tú ahora me ofreces. Así que, Sancho amigo, no te congoje lo que a -mí me da gusto. Ni querrás tú hacer mundo nuevo, ni sacar la caballería -andante de sus quicios. - -— Perdóneme vuestra merced —dijo Sancho—; que, como yo no sé leer ni -escrebir, como otra vez he dicho, no sé ni he caído en las reglas de la -profesión caballeresca; y, de aquí adelante, yo proveeré las alforjas de -todo género de fruta seca para vuestra merced, que es caballero, y para mí -las proveeré, pues no lo soy, de otras cosas volátiles y de más sustancia. - -— No digo yo, Sancho —replicó don Quijote—, que sea forzoso a los caballeros -andantes no comer otra cosa sino esas frutas que dices, sino que su más -ordinario sustento debía de ser dellas, y de algunas yerbas que hallaban -por los campos, que ellos conocían y yo también conozco. - -— Virtud es —respondió Sancho— conocer esas yerbas; que, según yo me voy -imaginando, algún día será menester usar de ese conocimiento. - -Y, sacando, en esto, lo que dijo que traía, comieron los dos en buena paz y -compaña. Pero, deseosos de buscar donde alojar aquella noche, acabaron con -mucha brevedad su pobre y seca comida. Subieron luego a caballo, y diéronse -priesa por llegar a poblado antes que anocheciese; pero faltóles el sol, y -la esperanza de alcanzar lo que deseaban, junto a unas chozas de unos -cabreros, y así, determinaron de pasarla allí; que cuanto fue de pesadumbre -para Sancho no llegar a poblado, fue de contento para su amo dormirla al -cielo descubierto, por parecerle que cada vez que esto le sucedía era hacer -un acto posesivo que facilitaba la prueba de su caballería. - - - - -Capítulo XI. De lo que le sucedió a don Quijote con unos cabreros - -Fue recogido de los cabreros con buen ánimo; y, habiendo Sancho, lo mejor -que pudo, acomodado a Rocinante y a su jumento, se fue tras el olor que -despedían de sí ciertos tasajos de cabra que hirviendo al fuego en un -caldero estaban; y, aunque él quisiera en aquel mesmo punto ver si estaban -en sazón de trasladarlos del caldero al estómago, lo dejó de hacer, porque -los cabreros los quitaron del fuego, y, tendiendo por el suelo unas pieles -de ovejas, aderezaron con mucha priesa su rústica mesa y convidaron a los -dos, con muestras de muy buena voluntad, con lo que tenían. Sentáronse a la -redonda de las pieles seis dellos, que eran los que en la majada había, -habiendo primero con groseras ceremonias rogado a don Quijote que se -sentase sobre un dornajo que vuelto del revés le pusieron. Sentóse don -Quijote, y quedábase Sancho en pie para servirle la copa, que era hecha de -cuerno. Viéndole en pie su amo, le dijo: - -— Porque veas, Sancho, el bien que en sí encierra la andante caballería, y -cuán a pique están los que en cualquiera ministerio della se ejercitan de -venir brevemente a ser honrados y estimados del mundo, quiero que aquí a mi -lado y en compañía desta buena gente te sientes, y que seas una mesma cosa -conmigo, que soy tu amo y natural señor; que comas en mi plato y bebas por -donde yo bebiere; porque de la caballería andante se puede decir lo mesmo -que del amor se dice: que todas las cosas iguala. - -— ¡Gran merced! —dijo Sancho—; pero sé decir a vuestra merced que, como yo -tuviese bien de comer, tan bien y mejor me lo comería en pie y a mis solas -como sentado a par de un emperador. Y aun, si va a decir verdad, mucho -mejor me sabe lo que como en mi rincón, sin melindres ni respetos, aunque -sea pan y cebolla, que los gallipavos de otras mesas donde me sea forzoso -mascar despacio, beber poco, limpiarme a menudo, no estornudar ni toser si -me viene gana, ni hacer otras cosas que la soledad y la libertad traen -consigo. Ansí que, señor mío, estas honras que vuestra merced quiere darme -por ser ministro y adherente de la caballería andante, como lo soy siendo -escudero de vuestra merced, conviértalas en otras cosas que me sean de más -cómodo y provecho; que éstas, aunque las doy por bien recebidas, las -renuncio para desde aquí al fin del mundo. - -— Con todo eso, te has de sentar; porque a quien se humilla, Dios le -ensalza. - -Y, asiéndole por el brazo, le forzó a que junto dél se sentase. - -No entendían los cabreros aquella jerigonza de escuderos y de caballeros -andantes, y no hacían otra cosa que comer y callar, y mirar a sus -huéspedes, que, con mucho donaire y gana, embaulaban tasajo como el puño. -Acabado el servicio de carne, tendieron sobre las zaleas gran cantidad de -bellotas avellanadas, y juntamente pusieron un medio queso, más duro que si -fuera hecho de argamasa. No estaba, en esto, ocioso el cuerno, porque -andaba a la redonda tan a menudo (ya lleno, ya vacío, como arcaduz de -noria) que con facilidad vació un zaque de dos que estaban de manifiesto. -Después que don Quijote hubo bien satisfecho su estómago, tomó un puño de -bellotas en la mano, y, mirándolas atentamente, soltó la voz a semejantes -razones: - -— Dichosa edad y siglos dichosos aquéllos a quien los antiguos pusieron -nombre de dorados, y no porque en ellos el oro, que en esta nuestra edad de -hierro tanto se estima, se alcanzase en aquella venturosa sin fatiga -alguna, sino porque entonces los que en ella vivían ignoraban estas dos -palabras de tuyo y mío. Eran en aquella santa edad todas las cosas comunes; -a nadie le era necesario, para alcanzar su ordinario sustento, tomar otro -trabajo que alzar la mano y alcanzarle de las robustas encinas, que -liberalmente les estaban convidando con su dulce y sazonado fruto. Las -claras fuentes y corrientes ríos, en magnífica abundancia, sabrosas y -transparentes aguas les ofrecían. En las quiebras de las peñas y en lo -hueco de los árboles formaban su república las solícitas y discretas -abejas, ofreciendo a cualquiera mano, sin interés alguno, la fértil cosecha -de su dulcísimo trabajo. Los valientes alcornoques despedían de sí, sin -otro artificio que el de su cortesía, sus anchas y livianas cortezas, con -que se comenzaron a cubrir las casas, sobre rústicas estacas sustentadas, -no más que para defensa de las inclemencias del cielo. Todo era paz -entonces, todo amistad, todo concordia; aún no se había atrevido la pesada -reja del corvo arado a abrir ni visitar las entrañas piadosas de nuestra -primera madre, que ella, sin ser forzada, ofrecía, por todas las partes de -su fértil y espacioso seno, lo que pudiese hartar, sustentar y deleitar a -los hijos que entonces la poseían. Entonces sí que andaban las simples y -hermosas zagalejas de valle en valle y de otero en otero, en trenza y en -cabello, sin más vestidos de aquellos que eran menester para cubrir -honestamente lo que la honestidad quiere y ha querido siempre que se cubra; -y no eran sus adornos de los que ahora se usan, a quien la púrpura de Tiro -y la por tantos modos martirizada seda encarecen, sino de algunas hojas -verdes de lampazos y yedra entretejidas, con lo que quizá iban tan pomposas -y compuestas como van agora nuestras cortesanas con las raras y peregrinas -invenciones que la curiosidad ociosa les ha mostrado. Entonces se decoraban -los concetos amorosos del alma simple y sencillamente, del mesmo modo y -manera que ella los concebía, sin buscar artificioso rodeo de palabras para -encarecerlos. No había la fraude, el engaño ni la malicia mezcládose con la -verdad y llaneza. La justicia se estaba en sus proprios términos, sin que -la osasen turbar ni ofender los del favor y los del interese, que tanto -ahora la menoscaban, turban y persiguen. La ley del encaje aún no se había -sentado en el entendimiento del juez, porque entonces no había qué juzgar, -ni quién fuese juzgado. Las doncellas y la honestidad andaban, como tengo -dicho, por dondequiera, sola y señora, sin temor que la ajena desenvoltura -y lascivo intento le menoscabasen, y su perdición nacía de su gusto y -propria voluntad. Y agora, en estos nuestros detestables siglos, no está -segura ninguna, aunque la oculte y cierre otro nuevo laberinto como el de -Creta; porque allí, por los resquicios o por el aire, con el celo de la -maldita solicitud, se les entra la amorosa pestilencia y les hace dar con -todo su recogimiento al traste. Para cuya seguridad, andando más los -tiempos y creciendo más la malicia, se instituyó la orden de los caballeros -andantes, para defender las doncellas, amparar las viudas y socorrer a los -huérfanos y a los menesterosos. Desta orden soy yo, hermanos cabreros, a -quien agradezco el gasaje y buen acogimiento que hacéis a mí y a mi -escudero; que, aunque por ley natural están todos los que viven obligados a -favorecer a los caballeros andantes, todavía, por saber que sin saber -vosotros esta obligación me acogistes y regalastes, es razón que, con la -voluntad a mí posible, os agradezca la vuestra. - -Toda esta larga arenga —que se pudiera muy bien escusar— dijo nuestro -caballero porque las bellotas que le dieron le trujeron a la memoria la -edad dorada y antojósele hacer aquel inútil razonamiento a los cabreros, -que, sin respondelle palabra, embobados y suspensos, le estuvieron -escuchando. Sancho, asimesmo, callaba y comía bellotas, y visitaba muy a -menudo el segundo zaque, que, porque se enfriase el vino, le tenían colgado -de un alcornoque. - -Más tardó en hablar don Quijote que en acabarse la cena; al fin de la cual, -uno de los cabreros dijo: - -— Para que con más veras pueda vuestra merced decir, señor caballero -andante, que le agasajamos con prompta y buena voluntad, queremos darle -solaz y contento con hacer que cante un compañero nuestro que no tardará -mucho en estar aquí; el cual es un zagal muy entendido y muy enamorado, y -que, sobre todo, sabe leer y escrebir y es músico de un rabel, que no hay -más que desear. - -Apenas había el cabrero acabado de decir esto, cuando llegó a sus oídos el -son del rabel, y de allí a poco llegó el que le tañía, que era un mozo de -hasta veinte y dos años, de muy buena gracia. Preguntáronle sus compañeros -si había cenado, y, respondiendo que sí, el que había hecho los -ofrecimientos le dijo: - -— De esa manera, Antonio, bien podrás hacernos placer de cantar un poco, -porque vea este señor huésped que tenemos quien; también por los montes y -selvas hay quien sepa de música. Hémosle dicho tus buenas habilidades, y -deseamos que las muestres y nos saques verdaderos; y así, te ruego por tu -vida que te sientes y cantes el romance de tus amores que te compuso el -beneficiado tu tío, que en el pueblo ha parecido muy bien. - -— Que me place —respondió el mozo. - -Y, sin hacerse más de rogar, se sentó en el tronco de una desmochada -encina, y, templando su rabel, de allí a poco, con muy buena gracia, -comenzó a cantar, diciendo desta manera: - -Antonio - --Yo sé, Olalla, que me adoras, -puesto que no me lo has dicho -ni aun con los ojos siquiera, -mudas lenguas de amoríos. -Porque sé que eres sabida, -en que me quieres me afirmo; -que nunca fue desdichado -amor que fue conocido. -Bien es verdad que tal vez, -Olalla, me has dado indicio -que tienes de bronce el alma -y el blanco pecho de risco. -Mas allá entre tus reproches -y honestísimos desvíos, -tal vez la esperanza muestra -la orilla de su vestido. -Abalánzase al señuelo -mi fe, que nunca ha podido, -ni menguar por no llamado, -ni crecer por escogido. -Si el amor es cortesía, -de la que tienes colijo -que el fin de mis esperanzas -ha de ser cual imagino. -Y si son servicios parte -de hacer un pecho benigno, -algunos de los que he hecho -fortalecen mi partido. -Porque si has mirado en ello, -más de una vez habrás visto -que me he vestido en los lunes -lo que me honraba el domingo. -Como el amor y la gala -andan un mesmo camino, -en todo tiempo a tus ojos -quise mostrarme polido. -Dejo el bailar por tu causa, -ni las músicas te pinto -que has escuchado a deshoras -y al canto del gallo primo. -No cuento las alabanzas -que de tu belleza he dicho; -que, aunque verdaderas, hacen -ser yo de algunas malquisto. -Teresa del Berrocal, -yo alabándote, me dijo: -''Tal piensa que adora a un ángel, -y viene a adorar a un jimio; -merced a los muchos dijes -y a los cabellos postizos, -y a hipócritas hermosuras, -que engañan al Amor mismo''. -Desmentíla y enojóse; -volvió por ella su primo: -desafióme, y ya sabes -lo que yo hice y él hizo. -No te quiero yo a montón, -ni te pretendo y te sirvo -por lo de barraganía; -que más bueno es mi designio. -Coyundas tiene la Iglesia -que son lazadas de sirgo; -pon tú el cuello en la gamella; -verás como pongo el mío. -Donde no, desde aquí juro, -por el santo más bendito, -de no salir destas sierras -sino para capuchino. - -Con esto dio el cabrero fin a su canto; y, aunque don Quijote le rogó que -algo más cantase, no lo consintió Sancho Panza, porque estaba más para -dormir que para oír canciones. Y ansí, dijo a su amo: - -— Bien puede vuestra merced acomodarse desde luego adonde ha de posar esta -noche, que el trabajo que estos buenos hombres tienen todo el día no -permite que pasen las noches cantando. - -— Ya te entiendo, Sancho —le respondió don Quijote—; que bien se me trasluce -que las visitas del zaque piden más recompensa de sueño que de música. - -— A todos nos sabe bien, bendito sea Dios —respondió Sancho. - -— No lo niego —replicó don Quijote—, pero acomódate tú donde quisieres, que -los de mi profesión mejor parecen velando que durmiendo. Pero, con todo -esto, sería bien, Sancho, que me vuelvas a curar esta oreja, que me va -doliendo más de lo que es menester. - -Hizo Sancho lo que se le mandaba; y, viendo uno de los cabreros la herida, -le dijo que no tuviese pena, que él pondría remedio con que fácilmente se -sanase. Y, tomando algunas hojas de romero, de mucho que por allí había, -las mascó y las mezcló con un poco de sal, y, aplicándoselas a la oreja, se -la vendó muy bien, asegurándole que no había menester otra medicina; y así -fue la verdad. - - - - -Capítulo XII. De lo que contó un cabrero a los que estaban con don Quijote - -Estando en esto, llegó otro mozo de los que les traían del aldea el -bastimento, y dijo: - -— ¿Sabéis lo que pasa en el lugar, compañeros? - -— ¿Cómo lo podemos saber? —respondió uno dellos. - -— Pues sabed —prosiguió el mozo— que murió esta mañana aquel famoso pastor -estudiante llamado Grisóstomo, y se murmura que ha muerto de amores de -aquella endiablada moza de Marcela, la hija de Guillermo el rico, aquélla -que se anda en hábito de pastora por esos andurriales. - -— Por Marcela dirás —dijo uno. - -— Por ésa digo —respondió el cabrero—. Y es lo bueno, que mandó en su -testamento que le enterrasen en el campo, como si fuera moro, y que sea al -pie de la peña donde está la fuente del alcornoque; porque, según es fama, -y él dicen que lo dijo, aquel lugar es adonde él la vio la vez primera. Y -también mandó otras cosas, tales, que los abades del pueblo dicen que no se -han de cumplir, ni es bien que se cumplan, porque parecen de gentiles. A -todo lo cual responde aquel gran su amigo Ambrosio, el estudiante, que -también se vistió de pastor con él, que se ha de cumplir todo, sin faltar -nada, como lo dejó mandado Grisóstomo, y sobre esto anda el pueblo -alborotado; mas, a lo que se dice, en fin se hará lo que Ambrosio y todos -los pastores sus amigos quieren; y mañana le vienen a enterrar con gran -pompa adonde tengo dicho. Y tengo para mí que ha de ser cosa muy de ver; a -lo menos, yo no dejaré de ir a verla, si supiese no volver mañana al lugar. - -— Todos haremos lo mesmo —respondieron los cabreros—; y echaremos suertes a -quién ha de quedar a guardar las cabras de todos. - -— Bien dices, Pedro —dijo uno—; aunque no será menester usar de esa -diligencia, que yo me quedaré por todos. Y no lo atribuyas a virtud y a -poca curiosidad mía, sino a que no me deja andar el garrancho que el otro -día me pasó este pie. - -— Con todo eso, te lo agradecemos —respondió Pedro. - -Y don Quijote rogó a Pedro le dijese qué muerto era aquél y qué pastora -aquélla; a lo cual Pedro respondió que lo que sabía era que el muerto era -un hijodalgo rico, vecino de un lugar que estaba en aquellas sierras, el -cual había sido estudiante muchos años en Salamanca, al cabo de los cuales -había vuelto a su lugar, con opinión de muy sabio y muy leído. - -— «Principalmente, decían que sabía la ciencia de las estrellas, y de lo que -pasan, allá en el cielo, el sol y la luna; porque puntualmente nos decía el -cris del sol y de la luna.» - -— Eclipse se llama, amigo, que no cris, el escurecerse esos dos luminares -mayores —dijo don Quijote. - -Mas Pedro, no reparando en niñerías, prosiguió su cuento diciendo: - -— «Asimesmo adevinaba cuándo había de ser el año abundante o estil.» - -— Estéril queréis decir, amigo —dijo don Quijote. - -— Estéril o estil —respondió Pedro—, todo se sale allá. «Y digo que con esto -que decía se hicieron su padre y sus amigos, que le daban crédito, muy -ricos, porque hacían lo que él les aconsejaba, diciéndoles: ''Sembrad este -año cebada, no trigo; en éste podéis sembrar garbanzos y no cebada; el que -viene será de guilla de aceite; los tres siguientes no se cogerá gota''.» - -— Esa ciencia se llama astrología —dijo don Quijote. - -— No sé yo cómo se llama —replicó Pedro—, mas sé que todo esto sabía, y aún -más. «Finalmente, no pasaron muchos meses, después que vino de Salamanca, -cuando un día remaneció vestido de pastor, con su cayado y pellico, -habiéndose quitado los hábitos largos que como escolar traía; y juntamente -se vistió con él de pastor otro su grande amigo, llamado Ambrosio, que -había sido su compañero en los estudios. Olvidábaseme de decir como -Grisóstomo, el difunto, fue grande hombre de componer coplas; tanto, que él -hacía los villancicos para la noche del Nacimiento del Señor, y los autos -para el día de Dios, que los representaban los mozos de nuestro pueblo, y -todos decían que eran por el cabo. Cuando los del lugar vieron tan de -improviso vestidos de pastores a los dos escolares, quedaron admirados, y -no podían adivinar la causa que les había movido a hacer aquella tan -estraña mudanza. Ya en este tiempo era muerto el padre de nuestro -Grisóstomo, y él quedó heredado en mucha cantidad de hacienda, ansí en -muebles como en raíces, y en no pequeña cantidad de ganado, mayor y menor, -y en gran cantidad de dineros; de todo lo cual quedó el mozo señor -desoluto, y en verdad que todo lo merecía, que era muy buen compañero y -caritativo y amigo de los buenos, y tenía una cara como una bendición. -Después se vino a entender que el haberse mudado de traje no había sido por -otra cosa que por andarse por estos despoblados en pos de aquella pastora -Marcela que nuestro zagal nombró denantes, de la cual se había enamorado el -pobre difunto de Grisóstomo.» Y quiéroos decir agora, porque es bien que lo -sepáis, quién es esta rapaza; quizá, y aun sin quizá, no habréis oído -semejante cosa en todos los días de vuestra vida, aunque viváis más años -que sarna. - -— Decid Sarra —replicó don Quijote, no pudiendo sufrir el trocar de los -vocablos del cabrero. - -— Harto vive la sarna —respondió Pedro—; y si es, señor, que me habéis de -andar zaheriendo a cada paso los vocablos, no acabaremos en un año. - -— Perdonad, amigo —dijo don Quijote—; que por haber tanta diferencia de -sarna a Sarra os lo dije; pero vos respondistes muy bien, porque vive más -sarna que Sarra; y proseguid vuestra historia, que no os replicaré más en -nada. - -— «Digo, pues, señor mío de mi alma —dijo el cabrero—, que en nuestra aldea -hubo un labrador aún más rico que el padre de Grisóstomo, el cual se -llamaba Guillermo, y al cual dio Dios, amén de las muchas y grandes -riquezas, una hija, de cuyo parto murió su madre, que fue la más honrada -mujer que hubo en todos estos contornos. No parece sino que ahora la veo, -con aquella cara que del un cabo tenía el sol y del otro la luna; y, sobre -todo, hacendosa y amiga de los pobres, por lo que creo que debe de estar su -ánima a la hora de ahora gozando de Dios en el otro mundo. De pesar de la -muerte de tan buena mujer murió su marido Guillermo, dejando a su hija -Marcela, muchacha y rica, en poder de un tío suyo sacerdote y beneficiado -en nuestro lugar. Creció la niña con tanta belleza, que nos hacía acordar -de la de su madre, que la tuvo muy grande; y, con todo esto, se juzgaba que -le había de pasar la de la hija. Y así fue, que, cuando llegó a edad de -catorce a quince años, nadie la miraba que no bendecía a Dios, que tan -hermosa la había criado, y los más quedaban enamorados y perdidos por ella. -Guardábala su tío con mucho recato y con mucho encerramiento; pero, con -todo esto, la fama de su mucha hermosura se estendió de manera que, así por -ella como por sus muchas riquezas, no solamente de los de nuestro pueblo, -sino de los de muchas leguas a la redonda, y de los mejores dellos, era -rogado, solicitado e importunado su tío se la diese por mujer. Mas él, que -a las derechas es buen cristiano, aunque quisiera casarla luego, así como -la vía de edad, no quiso hacerlo sin su consentimiento, sin tener ojo a la -ganancia y granjería que le ofrecía el tener la hacienda de la moza, -dilatando su casamiento. Y a fe que se dijo esto en más de un corrillo en -el pueblo, en alabanza del buen sacerdote.» Que quiero que sepa, señor -andante, que en estos lugares cortos de todo se trata y de todo se murmura; -y tened para vos, como yo tengo para mí, que debía de ser demasiadamente -bueno el clérigo que obliga a sus feligreses a que digan bien dél, -especialmente en las aldeas. - -— Así es la verdad —dijo don Quijote—, y proseguid adelante, que el cuento -es muy bueno, y vos, buen Pedro, le contáis con muy buena gracia. - -— La del Señor no me falte, que es la que hace al caso. «Y en lo demás -sabréis que, aunque el tío proponía a la sobrina y le decía las calidades -de cada uno en particular, de los muchos que por mujer la pedían, rogándole -que se casase y escogiese a su gusto, jamás ella respondió otra cosa sino -que por entonces no quería casarse, y que, por ser tan muchacha, no se -sentía hábil para poder llevar la carga del matrimonio. Con estas que daba, -al parecer justas escusas, dejaba el tío de importunarla, y esperaba a que -entrase algo más en edad y ella supiese escoger compañía a su gusto. Porque -decía él, y decía muy bien, que no habían de dar los padres a sus hijos -estado contra su voluntad. Pero hételo aquí, cuando no me cato, que -remanece un día la melindrosa Marcela hecha pastora; y, sin ser parte su -tío ni todos los del pueblo, que se lo desaconsejaban, dio en irse al campo -con las demás zagalas del lugar, y dio en guardar su mesmo ganado. Y, así -como ella salió en público y su hermosura se vio al descubierto, no os -sabré buenamente decir cuántos ricos mancebos, hidalgos y labradores han -tomado el traje de Grisóstomo y la andan requebrando por esos campos. Uno -de los cuales, como ya está dicho, fue nuestro difunto, del cual decían que -la dejaba de querer, y la adoraba. Y no se piense que porque Marcela se -puso en aquella libertad y vida tan suelta y de tan poco o de ningún -recogimiento, que por eso ha dado indicio, ni por semejas, que venga en -menoscabo de su honestidad y recato; antes es tanta y tal la vigilancia con -que mira por su honra, que de cuantos la sirven y solicitan ninguno se ha -alabado, ni con verdad se podrá alabar, que le haya dado alguna pequeña -esperanza de alcanzar su deseo. Que, puesto que no huye ni se esquiva de la -compañía y conversación de los pastores, y los trata cortés y -amigablemente, en llegando a descubrirle su intención cualquiera dellos, -aunque sea tan justa y santa como la del matrimonio, los arroja de sí como -con un trabuco. Y con esta manera de condición hace más daño en esta tierra -que si por ella entrara la pestilencia; porque su afabilidad y hermosura -atrae los corazones de los que la tratan a servirla y a amarla, pero su -desdén y desengaño los conduce a términos de desesperarse; y así, no saben -qué decirle, sino llamarla a voces cruel y desagradecida, con otros títulos -a éste semejantes, que bien la calidad de su condición manifiestan. Y si -aquí estuviésedes, señor, algún día, veríades resonar estas sierras y estos -valles con los lamentos de los desengañados que la siguen. No está muy -lejos de aquí un sitio donde hay casi dos docenas de altas hayas, y no hay -ninguna que en su lisa corteza no tenga grabado y escrito el nombre de -Marcela; y encima de alguna, una corona grabada en el mesmo árbol, como si -más claramente dijera su amante que Marcela la lleva y la merece de toda la -hermosura humana. Aquí sospira un pastor, allí se queja otro; acullá se -oyen amorosas canciones, acá desesperadas endechas. Cuál hay que pasa todas -las horas de la noche sentado al pie de alguna encina o peñasco, y allí, -sin plegar los llorosos ojos, embebecido y transportado en sus -pensamientos, le halló el sol a la mañana; y cuál hay que, sin dar vado ni -tregua a sus suspiros, en mitad del ardor de la más enfadosa siesta del -verano, tendido sobre la ardiente arena, envía sus quejas al piadoso cielo. -Y déste y de aquél, y de aquéllos y de éstos, libre y desenfadadamente -triunfa la hermosa Marcela; y todos los que la conocemos estamos esperando -en qué ha de parar su altivez y quién ha de ser el dichoso que ha de venir -a domeñar condición tan terrible y gozar de hermosura tan estremada.» Por -ser todo lo que he contado tan averiguada verdad, me doy a entender que -también lo es la que nuestro zagal dijo que se decía de la causa de la -muerte de Grisóstomo. Y así, os aconsejo, señor, que no dejéis de hallaros -mañana a su entierro, que será muy de ver, porque Grisóstomo tiene muchos -amigos, y no está de este lugar a aquél donde manda enterrarse media legua. - -— En cuidado me lo tengo —dijo don Quijote—, y agradézcoos el gusto que me -habéis dado con la narración de tan sabroso cuento. - -— ¡Oh! —replicó el cabrero—, aún no sé yo la mitad de los casos sucedidos a -los amantes de Marcela, mas podría ser que mañana topásemos en el camino -algún pastor que nos los dijese. Y, por ahora, bien será que os vais a -dormir debajo de techado, porque el sereno os podría dañar la herida, -puesto que es tal la medicina que se os ha puesto, que no hay que temer de -contrario acidente. - -Sancho Panza, que ya daba al diablo el tanto hablar del cabrero, solicitó, -por su parte, que su amo se entrase a dormir en la choza de Pedro. Hízolo -así, y todo lo más de la noche se le pasó en memorias de su señora -Dulcinea, a imitación de los amantes de Marcela. Sancho Panza se acomodó -entre Rocinante y su jumento, y durmió, no como enamorado desfavorecido, -sino como hombre molido a coces. - - - - -Capítulo XIII. Donde se da fin al cuento de la pastora Marcela, con otros -sucesos - -Mas, apenas comenzó a descubrirse el día por los balcones del oriente, -cuando los cinco de los seis cabreros se levantaron y fueron a despertar a -don Quijote, y a decille si estaba todavía con propósito de ir a ver el -famoso entierro de Grisóstomo, y que ellos le harían compañía. Don Quijote, -que otra cosa no deseaba, se levantó y mandó a Sancho que ensillase y -enalbardase al momento, lo cual él hizo con mucha diligencia, y con la -mesma se pusieron luego todos en camino. Y no hubieron andado un cuarto de -legua, cuando, al cruzar de una senda, vieron venir hacia ellos hasta seis -pastores, vestidos con pellicos negros y coronadas las cabezas con -guirnaldas de ciprés y de amarga adelfa. Traía cada uno un grueso bastón de -acebo en la mano. Venían con ellos, asimesmo, dos gentiles hombres de a -caballo, muy bien aderezados de camino, con otros tres mozos de a pie que -los acompañaban. En llegándose a juntar, se saludaron cortésmente, y, -preguntándose los unos a los otros dónde iban, supieron que todos se -encaminaban al lugar del entierro; y así, comenzaron a caminar todos -juntos. - -Uno de los de a caballo, hablando con su compañero, le dijo: - -— Paréceme, señor Vivaldo, que habemos de dar por bien empleada la tardanza -que hiciéremos en ver este famoso entierro, que no podrá dejar de ser -famoso, según estos pastores nos han contado estrañezas, ansí del muerto -pastor como de la pastora homicida. - -— Así me lo parece a mí —respondió Vivaldo—; y no digo yo hacer tardanza de -un día, pero de cuatro la hiciera a trueco de verle. - -Preguntóles don Quijote qué era lo que habían oído de Marcela y de -Grisóstomo. El caminante dijo que aquella madrugada habían encontrado con -aquellos pastores, y que, por haberles visto en aquel tan triste traje, les -habían preguntado la ocasión por que iban de aquella manera; que uno dellos -se lo contó, contando la estrañeza y hermosura de una pastora llamada -Marcela, y los amores de muchos que la recuestaban, con la muerte de aquel -Grisóstomo a cuyo entierro iban. Finalmente, él contó todo lo que Pedro a -don Quijote había contado. - -Cesó esta plática y comenzóse otra, preguntando el que se llamaba Vivaldo a -don Quijote qué era la ocasión que le movía a andar armado de aquella -manera por tierra tan pacífica. A lo cual respondió don Quijote: - -— La profesión de mi ejercicio no consiente ni permite que yo ande de otra -manera. El buen paso, el regalo y el reposo, allá se inventó para los -blandos cortesanos; mas el trabajo, la inquietud y las armas sólo se -inventaron e hicieron para aquellos que el mundo llama caballeros andantes, -de los cuales yo, aunque indigno, soy el menor de todos. - -Apenas le oyeron esto, cuando todos le tuvieron por loco; y, por -averiguarlo más y ver qué género de locura era el suyo, le tornó a -preguntar Vivaldo que qué quería decir "caballeros andantes". - -— ¿No han vuestras mercedes leído —respondió don Quijote— los anales e -historias de Ingalaterra, donde se tratan las famosas fazañas del rey -Arturo, que continuamente en nuestro romance castellano llamamos el rey -Artús, de quien es tradición antigua y común en todo aquel reino de la Gran -Bretaña que este rey no murió, sino que, por arte de encantamento, se -convirtió en cuervo, y que, andando los tiempos, ha de volver a reinar y a -cobrar su reino y cetro; a cuya causa no se probará que desde aquel tiempo -a éste haya ningún inglés muerto cuervo alguno? Pues en tiempo de este buen -rey fue instituida aquella famosa orden de caballería de los caballeros de -la Tabla Redonda, y pasaron, sin faltar un punto, los amores que allí se -cuentan de don Lanzarote del Lago con la reina Ginebra, siendo medianera -dellos y sabidora aquella tan honrada dueña Quintañona, de donde nació -aquel tan sabido romance, y tan decantado en nuestra España, de: - -Nunca fuera caballero -de damas tan bien servido -como fuera Lanzarote -cuando de Bretaña vino; - -con aquel progreso tan dulce y tan suave de sus amorosos y fuertes fechos. -Pues desde entonces, de mano en mano, fue aquella orden de caballería -estendiéndose y dilatándose por muchas y diversas partes del mundo; y en -ella fueron famosos y conocidos por sus fechos el valiente Amadís de Gaula, -con todos sus hijos y nietos, hasta la quinta generación, y el valeroso -Felixmarte de Hircania, y el nunca como se debe alabado Tirante el Blanco, -y casi que en nuestros días vimos y comunicamos y oímos al invencible y -valeroso caballero don Belianís de Grecia. Esto, pues, señores, es ser -caballero andante, y la que he dicho es la orden de su caballería; en la -cual, como otra vez he dicho, yo, aunque pecador, he hecho profesión, y lo -mesmo que profesaron los caballeros referidos profeso yo. Y así, me voy por -estas soledades y despoblados buscando las aventuras, con ánimo deliberado -de ofrecer mi brazo y mi persona a la más peligrosa que la suerte me -deparare, en ayuda de los flacos y menesterosos. - -Por estas razones que dijo, acabaron de enterarse los caminantes que era -don Quijote falto de juicio, y del género de locura que lo señoreaba, de lo -cual recibieron la mesma admiración que recibían todos aquellos que de -nuevo venían en conocimiento della. Y Vivaldo, que era persona muy discreta -y de alegre condición, por pasar sin pesadumbre el poco camino que decían -que les faltaba, al llegar a la sierra del entierro, quiso darle ocasión a -que pasase más adelante con sus disparates. Y así, le dijo: - -— Paréceme, señor caballero andante, que vuestra merced ha profesado una de -las más estrechas profesiones que hay en la tierra, y tengo para mí que aun -la de los frailes cartujos no es tan estrecha. - -— Tan estrecha bien podía ser —respondió nuestro don Quijote—, pero tan -necesaria en el mundo no estoy en dos dedos de ponello en duda. Porque, si -va a decir verdad, no hace menos el soldado que pone en ejecución lo que su -capitán le manda que el mesmo capitán que se lo ordena. Quiero decir que -los religiosos, con toda paz y sosiego, piden al cielo el bien de la -tierra; pero los soldados y caballeros ponemos en ejecución lo que ellos -piden, defendiéndola con el valor de nuestros brazos y filos de nuestras -espadas; no debajo de cubierta, sino al cielo abierto, puestos por blanco -de los insufribles rayos del sol en verano y de los erizados yelos del -invierno. Así que, somos ministros de Dios en la tierra, y brazos por quien -se ejecuta en ella su justicia. Y, como las cosas de la guerra y las a -ellas tocantes y concernientes no se pueden poner en ejecución sino -sudando, afanando y trabajando, síguese que aquellos que la profesan -tienen, sin duda, mayor trabajo que aquellos que en sosegada paz y reposo -están rogando a Dios favorezca a los que poco pueden. No quiero yo decir, -ni me pasa por pensamiento, que es tan buen estado el de caballero andante -como el del encerrado religioso; sólo quiero inferir, por lo que yo -padezco, que, sin duda, es más trabajoso y más aporreado, y más hambriento -y sediento, miserable, roto y piojoso; porque no hay duda sino que los -caballeros andantes pasados pasaron mucha malaventura en el discurso de su -vida. Y si algunos subieron a ser emperadores por el valor de su brazo, a -fe que les costó buen porqué de su sangre y de su sudor; y que si a los que -a tal grado subieron les faltaran encantadores y sabios que los ayudaran, -que ellos quedaran bien defraudados de sus deseos y bien engañados de sus -esperanzas. - -— De ese parecer estoy yo —replicó el caminante—; pero una cosa, entre otras -muchas, me parece muy mal de los caballeros andantes, y es que, cuando se -ven en ocasión de acometer una grande y peligrosa aventura, en que se vee -manifiesto peligro de perder la vida, nunca en aquel instante de acometella -se acuerdan de encomendarse a Dios, como cada cristiano está obligado a -hacer en peligros semejantes; antes, se encomiendan a sus damas, con tanta -gana y devoción como si ellas fueran su Dios: cosa que me parece que huele -algo a gentilidad. - -— Señor —respondió don Quijote—, eso no puede ser menos en ninguna manera, y -caería en mal caso el caballero andante que otra cosa hiciese; que ya está -en uso y costumbre en la caballería andantesca que el caballero andante -que, al acometer algún gran fecho de armas, tuviese su señora -delante,vuelva a ella los ojos blanda y amorosamente, como que le pide con -ellos le favorezca y ampare en el dudoso trance que acomete; y aun si nadie -le oye, está obligado a decir algunas palabras entre dientes, en que de -todo corazón se le encomiende; y desto tenemos innumerables ejemplos en las -historias. Y no se ha de entender por esto que han de dejar de encomendarse -a Dios; que tiempo y lugar les queda para hacerlo en el discurso de la -obra. - -— Con todo eso —replicó el caminante—, me queda un escrúpulo, y es que -muchas veces he leído que se traban palabras entre dos andantes caballeros, -y, de una en otra, se les viene a encender la cólera, y a volver los -caballos y tomar una buena pieza del campo, y luego, sin más ni más, a todo -el correr dellos, se vuelven a encontrar; y, en mitad de la corrida, se -encomiendan a sus damas; y lo que suele suceder del encuentro es que el uno -cae por las ancas del caballo, pasado con la lanza del contrario de parte a -parte, y al otro le viene también que, a no tenerse a las crines del suyo, -no pudiera dejar de venir al suelo. Y no sé yo cómo el muerto tuvo lugar -para encomendarse a Dios en el discurso de esta tan acelerada obra. Mejor -fuera que las palabras que en la carrera gastó encomendándose a su dama las -gastara en lo que debía y estaba obligado como cristiano. Cuanto más, que -yo tengo para mí que no todos los caballeros andantes tienen damas a quien -encomendarse, porque no todos son enamorados. - -— Eso no puede ser —respondió don Quijote—: digo que no puede ser que haya -caballero andante sin dama, porque tan proprio y tan natural les es a los -tales ser enamorados como al cielo tener estrellas, y a buen seguro que no -se haya visto historia donde se halle caballero andante sin amores; y por -el mesmo caso que estuviese sin ellos, no sería tenido por legítimo -caballero, sino por bastardo, y que entró en la fortaleza de la caballería -dicha, no por la puerta, sino por las bardas, como salteador y ladrón. - -— Con todo eso —dijo el caminante—, me parece, si mal no me acuerdo, haber -leído que don Galaor, hermano del valeroso Amadís de Gaula, nunca tuvo dama -señalada a quien pudiese encomendarse; y, con todo esto, no fue tenido en -menos, y fue un muy valiente y famoso caballero. - -A lo cual respondió nuestro don Quijote: - -— Señor, una golondrina sola no hace verano. Cuanto más, que yo sé que de -secreto estaba ese caballero muy bien enamorado; fuera que, aquello de -querer a todas bien cuantas bien le parecían era condición natural, a quien -no podía ir a la mano. Pero, en resolución, averiguado está muy bien que él -tenía una sola a quien él había hecho señora de su voluntad, a la cual se -encomendaba muy a menudo y muy secretamente, porque se preció de secreto -caballero. - -— Luego, si es de esencia que todo caballero andante haya de ser enamorado -— dijo el caminante—, bien se puede creer que vuestra merced lo es, pues es -de la profesión. Y si es que vuestra merced no se precia de ser tan secreto -como don Galaor, con las veras que puedo le suplico, en nombre de toda esta -compañía y en el mío, nos diga el nombre, patria, calidad y hermosura de su -dama; que ella se tendría por dichosa de que todo el mundo sepa que es -querida y servida de un tal caballero como vuestra merced parece. - -Aquí dio un gran suspiro don Quijote, y dijo: - -— Yo no podré afirmar si la dulce mi enemiga gusta, o no, de que el mundo -sepa que yo la sirvo; sólo sé decir, respondiendo a lo que con tanto -comedimiento se me pide, que su nombre es Dulcinea; su patria, el Toboso, -un lugar de la Mancha; su calidad, por lo menos, ha de ser de princesa, -pues es reina y señora mía; su hermosura, sobrehumana, pues en ella se -vienen a hacer verdaderos todos los imposibles y quiméricos atributos de -belleza que los poetas dan a sus damas: que sus cabellos son oro, su frente -campos elíseos, sus cejas arcos del cielo, sus ojos soles, sus mejillas -rosas, sus labios corales, perlas sus dientes, alabastro su cuello, mármol -su pecho, marfil sus manos, su blancura nieve, y las partes que a la vista -humana encubrió la honestidad son tales, según yo pienso y entiendo, que -sólo la discreta consideración puede encarecerlas, y no compararlas. - -— El linaje, prosapia y alcurnia querríamos saber —replicó Vivaldo. - -A lo cual respondió don Quijote: - -— No es de los antiguos Curcios, Gayos y Cipiones romanos, ni de los -modernos Colonas y Ursinos; ni de los Moncadas y Requesenes de Cataluña, ni -menos de los Rebellas y Villanovas de Valencia; Palafoxes, Nuzas, -Rocabertis, Corellas, Lunas, Alagones, Urreas, Foces y Gurreas de Aragón; -Cerdas, Manriques, Mendozas y Guzmanes de Castilla; Alencastros, Pallas y -Meneses de Portogal; pero es de los del Toboso de la Mancha, linaje, aunque -moderno, tal, que puede dar generoso principio a las más ilustres familias -de los venideros siglos. Y no se me replique en esto, si no fuere con las -condiciones que puso Cervino al pie del trofeo de las armas de Orlando, que -decía: - -nadie las mueva -que estar no pueda con Roldán a prueba. - -— Aunque el mío es de los Cachopines de Laredo —respondió el caminante—, no -le osaré yo poner con el del Toboso de la Mancha, puesto que, para decir -verdad, semejante apellido hasta ahora no ha llegado a mis oídos. - -— ¡Como eso no habrá llegado! —replicó don Quijote. - -Con gran atención iban escuchando todos los demás la plática de los dos, y -aun hasta los mesmos cabreros y pastores conocieron la demasiada falta de -juicio de nuestro don Quijote. Sólo Sancho Panza pensaba que cuanto su amo -decía era verdad, sabiendo él quién era y habiéndole conocido desde su -nacimiento; y en lo que dudaba algo era en creer aquello de la linda -Dulcinea del Toboso, porque nunca tal nombre ni tal princesa había llegado -jamás a su noticia, aunque vivía tan cerca del Toboso. - -En estas pláticas iban, cuando vieron que, por la quiebra que dos altas -montañas hacían, bajaban hasta veinte pastores, todos con pellicos de negra -lana vestidos y coronados con guirnaldas, que, a lo que después pareció, -eran cuál de tejo y cuál de ciprés. Entre seis dellos traían unas andas, -cubiertas de mucha diversidad de flores y de ramos. Lo cual visto por uno -de los cabreros, dijo: - -— Aquellos que allí vienen son los que traen el cuerpo de Grisóstomo, y el -pie de aquella montaña es el lugar donde él mandó que le enterrasen. -Por esto se dieron priesa a llegar, y fue a tiempo que ya los que venían -habían puesto las andas en el suelo; y cuatro dellos con agudos picos -estaban cavando la sepultura a un lado de una dura peña. - -Recibiéronse los unos y los otros cortésmente; y luego don Quijote y los -que con él venían se pusieron a mirar las andas, y en ellas vieron cubierto -de flores un cuerpo muerto, vestido como pastor, de edad, al parecer, de -treinta años; y, aunque muerto, mostraba que vivo había sido de rostro -hermoso y de disposición gallarda. Alrededor dél tenía en las mesmas -andas algunos libros y muchos papeles, abiertos y cerrados. Y así los que -esto miraban, como los que abrían la sepultura, y todos los demás que allí -había, guardaban un maravilloso silencio, hasta que uno de los que al -muerto trujeron dijo a otro: - -— Mirá bien, Ambrosio, si es éste el lugar que Grisóstomo dijo, ya que -queréis que tan puntualmente se cumpla lo que dejó mandado en su -testamento. - -— Éste es —respondió Ambrosio—; que muchas veces en él me contó mi -desdichado amigo la historia de su desventura. Allí me dijo él que vio la -vez primera a aquella enemiga mortal del linaje humano, y allí fue también -donde la primera vez le declaró su pensamiento, tan honesto como enamorado, -y allí fue la última vez donde Marcela le acabó de desengañar y desdeñar, -de suerte que puso fin a la tragedia de su miserable vida. Y aquí, en -memoria de tantas desdichas, quiso él que le depositasen en las entrañas -del eterno olvido. - -Y, volviéndose a don Quijote y a los caminantes, prosiguió diciendo: - -— Ese cuerpo, señores, que con piadosos ojos estáis mirando, fue depositario -de un alma en quien el cielo puso infinita parte de sus riquezas. Ése es el -cuerpo de Grisóstomo, que fue único en el ingenio, solo en la cortesía, -estremo en la gentileza, fénix en la amistad, magnífico sin tasa, grave sin -presunción, alegre sin bajeza, y, finalmente, primero en todo lo que es ser -bueno, y sin segundo en todo lo que fue ser desdichado. Quiso bien, fue -aborrecido; adoró, fue desdeñado; rogó a una fiera, importunó a un mármol, -corrió tras el viento, dio voces a la soledad, sirvió a la ingratitud, de -quien alcanzó por premio ser despojos de la muerte en la mitad de la -carrera de su vida, a la cual dio fin una pastora a quien él procuraba -eternizar para que viviera en la memoria de las gentes, cual lo pudieran -mostrar bien esos papeles que estáis mirando, si él no me hubiera mandado -que los entregara al fuego en habiendo entregado su cuerpo a la tierra. -— De mayor rigor y crueldad usaréis vos con ellos —dijo Vivaldo— que su -mesmo dueño, pues no es justo ni acertado que se cumpla la voluntad de -quien lo que ordena va fuera de todo razonable discurso. Y no le tuviera -bueno Augusto César si consintiera que se pusiera en ejecución lo que el -divino Mantuano dejó en su testamento mandado. Ansí que, señor Ambrosio, ya -que deis el cuerpo de vuestro amigo a la tierra, no queráis dar sus -escritos al olvido; que si él ordenó como agraviado, no es bien que vos -cumpláis como indiscreto. Antes haced, dando la vida a estos papeles, que -la tenga siempre la crueldad de Marcela, para que sirva de ejemplo, en los -tiempos que están por venir, a los vivientes, para que se aparten y huyan -de caer en semejantes despeñaderos; que ya sé yo, y los que aquí venimos, -la historia deste vuestro enamorado y desesperado amigo, y sabemos la -amistad vuestra, y la ocasión de su muerte, y lo que dejó mandado al acabar -de la vida; de la cual lamentable historia se puede sacar cuánto haya sido -la crueldad de Marcela, el amor de Grisóstomo, la fe de la amistad vuestra, -con el paradero que tienen los que a rienda suelta corren por la senda que -el desvariado amor delante de los ojos les pone. Anoche supimos la muerte -de Grisóstomo, y que en este lugar había de ser enterrado; y así, de -curiosidad y de lástima, dejamos nuestro derecho viaje, y acordamos de -venir a ver con los ojos lo que tanto nos había lastimado en oíllo. Y, en -pago desta lástima y del deseo que en nosotros nació de remedialla si -pudiéramos, te rogamos, ¡oh discreto Ambrosio! (a lo menos, yo te lo -suplico de mi parte), que, dejando de abrasar estos papeles, me dejes -llevar algunos dellos. - -Y, sin aguardar que el pastor respondiese, alargó la mano y tomó algunos de -los que más cerca estaban; viendo lo cual Ambrosio, dijo: - -— Por cortesía consentiré que os quedéis, señor, con los que ya habéis -tomado; pero pensar que dejaré de abrasar los que quedan es pensamiento -vano. - -Vivaldo, que deseaba ver lo que los papeles decían, abrió luego el uno -dellos y vio que tenía por título: Canción desesperada. Oyólo Ambrosio y -dijo: - -— Ése es el último papel que escribió el desdichado; y, porque veáis, señor, -en el término que le tenían sus desventuras, leelde de modo que seáis oído; -que bien os dará lugar a ello el que se tardare en abrir la sepultura. - -— Eso haré yo de muy buena gana —dijo Vivaldo. - -Y, como todos los circunstantes tenían el mesmo deseo, se le pusieron a la -redonda; y él, leyendo en voz clara, vio que así decía: - - - - -Capítulo XIV. Donde se ponen los versos desesperados del difunto pastor, -con otros no esperados sucesos - -Canción de Grisóstomo - -Ya que quieres, cruel, que se publique, -de lengua en lengua y de una en otra gente, -del áspero rigor tuyo la fuerza, -haré que el mesmo infierno comunique -al triste pecho mío un son doliente, -con que el uso común de mi voz tuerza. -Y al par de mi deseo, que se esfuerza -a decir mi dolor y tus hazañas, -de la espantable voz irá el acento, -y en él mezcladas, por mayor tormento, -pedazos de las míseras entrañas. -Escucha, pues, y presta atento oído, -no al concertado son, sino al rüido -que de lo hondo de mi amargo pecho, -llevado de un forzoso desvarío, -por gusto mío sale y tu despecho. - -El rugir del león, del lobo fiero -el temeroso aullido, el silbo horrendo -de escamosa serpiente, el espantable -baladro de algún monstruo, el agorero -graznar de la corneja, y el estruendo -del viento contrastado en mar instable; -del ya vencido toro el implacable -bramido, y de la viuda tortolilla -el sentible arrullar; el triste canto -del envidiado búho, con el llanto -de toda la infernal negra cuadrilla, -salgan con la doliente ánima fuera, -mezclados en un son, de tal manera -que se confundan los sentidos todos, -pues la pena cruel que en mí se halla -para contalla pide nuevos modos. - -De tanta confusión no las arenas -del padre Tajo oirán los tristes ecos, -ni del famoso Betis las olivas: -que allí se esparcirán mis duras penas -en altos riscos y en profundos huecos, -con muerta lengua y con palabras vivas; -o ya en escuros valles, o en esquivas -playas, desnudas de contrato humano, -o adonde el sol jamás mostró su lumbre, -o entre la venenosa muchedumbre -de fieras que alimenta el libio llano; -que, puesto que en los páramos desiertos -los ecos roncos de mi mal, inciertos, -suenen con tu rigor tan sin segundo, -por privilegio de mis cortos hados, -serán llevados por el ancho mundo. - -Mata un desdén, atierra la paciencia, -o verdadera o falsa, una sospecha; -matan los celos con rigor más fuerte; -desconcierta la vida larga ausencia; -contra un temor de olvido no aprovecha -firme esperanza de dichosa suerte. -En todo hay cierta, inevitable muerte; -mas yo, ¡milagro nunca visto!, vivo -celoso, ausente, desdeñado y cierto -de las sospechas que me tienen muerto; -y en el olvido en quien mi fuego avivo, -y, entre tantos tormentos, nunca alcanza -mi vista a ver en sombra a la esperanza, -ni yo, desesperado, la procuro; -antes, por estremarme en mi querella, -estar sin ella eternamente juro. - -¿Puédese, por ventura, en un instante -esperar y temer, o es bien hacello, -siendo las causas del temor más ciertas? -¿Tengo, si el duro celo está delante, -de cerrar estos ojos, si he de vello -por mil heridas en el alma abiertas? -¿Quién no abrirá de par en par las puertas -a la desconfianza, cuando mira -descubierto el desdén, y las sospechas, -¡oh amarga conversión!, verdades hechas, -y la limpia verdad vuelta en mentira? -¡Oh, en el reino de amor fieros tiranos -celos, ponedme un hierro en estas manos! -Dame, desdén, una torcida soga. -Mas, ¡ay de mí!, que, con cruel vitoria, -vuestra memoria el sufrimiento ahoga. - -Yo muero, en fin; y, porque nunca espere -buen suceso en la muerte ni en la vida, -pertinaz estaré en mi fantasía. -Diré que va acertado el que bien quiere, -y que es más libre el alma más rendida -a la de amor antigua tiranía. -Diré que la enemiga siempre mía -hermosa el alma como el cuerpo tiene, -y que su olvido de mi culpa nace, -y que, en fe de los males que nos hace, -amor su imperio en justa paz mantiene. -Y, con esta opinión y un duro lazo, -acelerando el miserable plazo -a que me han conducido sus desdenes, -ofreceré a los vientos cuerpo y alma, -sin lauro o palma de futuros bienes. - -Tú, que con tantas sinrazones muestras -la razón que me fuerza a que la haga -a la cansada vida que aborrezco, -pues ya ves que te da notorias muestras -esta del corazón profunda llaga, -de cómo, alegre, a tu rigor me ofrezco, -si, por dicha, conoces que merezco -que el cielo claro de tus bellos ojos -en mi muerte se turbe, no lo hagas; -que no quiero que en nada satisfagas, -al darte de mi alma los despojos. -Antes, con risa en la ocasión funesta, -descubre que el fin mío fue tu fiesta; -mas gran simpleza es avisarte desto, -pues sé que está tu gloria conocida -en que mi vida llegue al fin tan presto. - -Venga, que es tiempo ya, del hondo abismo -Tántalo con su sed; Sísifo venga -con el peso terrible de su canto; -Ticio traya su buitre, y ansimismo -con su rueda Egïón no se detenga, -ni las hermanas que trabajan tanto; -y todos juntos su mortal quebranto -trasladen en mi pecho, y en voz baja --si ya a un desesperado son debidas- -canten obsequias tristes, doloridas, -al cuerpo a quien se niegue aun la mortaja. -Y el portero infernal de los tres rostros, -con otras mil quimeras y mil monstros, -lleven el doloroso contrapunto; -que otra pompa mejor no me parece -que la merece un amador difunto. - -Canción desesperada, no te quejes -cuando mi triste compañía dejes; -antes, pues que la causa do naciste -con mi desdicha augmenta su ventura, -aun en la sepultura no estés triste. - -Bien les pareció, a los que escuchado habían, la canción de Grisóstomo, -puesto que el que la leyó dijo que no le parecía que conformaba con la -relación que él había oído del recato y bondad de Marcela, porque en ella -se quejaba Grisóstomo de celos, sospechas y de ausencia, todo en perjuicio -del buen crédito y buena fama de Marcela. A lo cual respondió Ambrosio, -como aquel que sabía bien los más escondidos pensamientos de su amigo: -— Para que, señor, os satisfagáis desa duda, es bien que sepáis que cuando -este desdichado escribió esta canción estaba ausente de Marcela, de quien -él se había ausentado por su voluntad, por ver si usaba con él la ausencia -de sus ordinarios fueros. Y, como al enamorado ausente no hay cosa que no -le fatigue ni temor que no le dé alcance, así le fatigaban a Grisóstomo los -celos imaginados y las sospechas temidas como si fueran verdaderas. Y con -esto queda en su punto la verdad que la fama pregona de la bondad de -Marcela; la cual, fuera de ser cruel, y un poco arrogante y un mucho -desdeñosa, la mesma envidia ni debe ni puede ponerle falta alguna. - -— Así es la verdad —respondió Vivaldo. - -Y, queriendo leer otro papel de los que había reservado del fuego, lo -estorbó una maravillosa visión —que tal parecía ella— que improvisamente se -les ofreció a los ojos; y fue que, por cima de la peña donde se cavaba la -sepultura, pareció la pastora Marcela, tan hermosa que pasaba a su fama su -hermosura. Los que hasta entonces no la habían visto la miraban con -admiración y silencio, y los que ya estaban acostumbrados a verla no -quedaron menos suspensos que los que nunca la habían visto. Mas, apenas la -hubo visto Ambrosio, cuando, con muestras de ánimo indignado, le dijo: - -— ¿Vienes a ver, por ventura, ¡oh fiero basilisco destas montañas!, si con -tu presencia vierten sangre las heridas deste miserable a quien tu crueldad -quitó la vida? ¿O vienes a ufanarte en las crueles hazañas de tu condición, -o a ver desde esa altura, como otro despiadado Nero, el incendio de su -abrasada Roma, o a pisar, arrogante, este desdichado cadáver, como la -ingrata hija al de su padre Tarquino? Dinos presto a lo que vienes, o qué -es aquello de que más gustas; que, por saber yo que los pensamientos de -Grisóstomo jamás dejaron de obedecerte en vida, haré que, aun él muerto, te -obedezcan los de todos aquellos que se llamaron sus amigos. - -— No vengo, ¡oh Ambrosio!, a ninguna cosa de las que has dicho —respondió -Marcela—, sino a volver por mí misma, y a dar a entender cuán fuera de -razón van todos aquellos que de sus penas y de la muerte de Grisóstomo me -culpan; y así, ruego a todos los que aquí estáis me estéis atentos, que no -será menester mucho tiempo ni gastar muchas palabras para persuadir una -verdad a los discretos. - -»Hízome el cielo, según vosotros decís, hermosa, y de tal manera que, sin -ser poderosos a otra cosa, a que me améis os mueve mi hermosura; y, por el -amor que me mostráis, decís, y aun queréis, que esté yo obligada a amaros. -Yo conozco, con el natural entendimiento que Dios me ha dado, que todo lo -hermoso es amable; mas no alcanzo que, por razón de ser amado, esté -obligado lo que es amado por hermoso a amar a quien le ama. Y más, que -podría acontecer que el amador de lo hermoso fuese feo, y, siendo lo feo -digno de ser aborrecido, cae muy mal el decir ''Quiérote por hermosa; hasme -de amar aunque sea feo''. Pero, puesto caso que corran igualmente las -hermosuras, no por eso han de correr iguales los deseos, que no todas -hermosuras enamoran; que algunas alegran la vista y no rinden la voluntad; -que si todas las bellezas enamorasen y rindiesen, sería un andar las -voluntades confusas y descaminadas, sin saber en cuál habían de parar; -porque, siendo infinitos los sujetos hermosos, infinitos habían de ser los -deseos. Y, según yo he oído decir, el verdadero amor no se divide, y ha de -ser voluntario, y no forzoso. Siendo esto así, como yo creo que lo es, ¿por -qué queréis que rinda mi voluntad por fuerza, obligada no más de que decís -que me queréis bien? Si no, decidme: si como el cielo me hizo hermosa me -hiciera fea, ¿fuera justo que me quejara de vosotros porque no me amábades? -Cuanto más, que habéis de considerar que yo no escogí la hermosura que -tengo; que, tal cual es, el cielo me la dio de gracia, sin yo pedilla ni -escogella. Y, así como la víbora no merece ser culpada por la ponzoña que -tiene, puesto que con ella mata, por habérsela dado naturaleza, tampoco yo -merezco ser reprehendida por ser hermosa; que la hermosura en la mujer -honesta es como el fuego apartado o como la espada aguda, que ni él quema -ni ella corta a quien a ellos no se acerca. La honra y las virtudes son -adornos del alma, sin las cuales el cuerpo, aunque lo sea, no debe de -parecer hermoso. Pues si la honestidad es una de las virtudes que al cuerpo -y al alma más adornan y hermosean, ¿por qué la ha de perder la que es amada -por hermosa, por corresponder a la intención de aquel que, por sólo su -gusto, con todas sus fuerzas e industrias procura que la pierda? - -»Yo nací libre, y para poder vivir libre escogí la soledad de los campos. -Los árboles destas montañas son mi compañía, las claras aguas destos -arroyos mis espejos; con los árboles y con las aguas comunico mis -pensamientos y hermosura. Fuego soy apartado y espada puesta lejos. A los -que he enamorado con la vista he desengañado con las palabras. Y si los -deseos se sustentan con esperanzas, no habiendo yo dado alguna a Grisóstomo -ni a otro alguno, el fin de ninguno dellos bien se puede decir que antes le -mató su porfía que mi crueldad. Y si se me hace cargo que eran honestos sus -pensamientos, y que por esto estaba obligada a corresponder a ellos, digo -que, cuando en ese mismo lugar donde ahora se cava su sepultura me -descubrió la bondad de su intención, le dije yo que la mía era vivir en -perpetua soledad, y de que sola la tierra gozase el fruto de mi -recogimiento y los despojos de mi hermosura; y si él, con todo este -desengaño, quiso porfiar contra la esperanza y navegar contra el viento, -¿qué mucho que se anegase en la mitad del golfo de su desatino? Si yo le -entretuviera, fuera falsa; si le contentara, hiciera contra mi mejor -intención y prosupuesto. Porfió desengañado, desesperó sin ser aborrecido: -¡mirad ahora si será razón que de su pena se me dé a mí la culpa! Quéjese -el engañado, desespérese aquel a quien le faltaron las prometidas -esperanzas, confíese el que yo llamare, ufánese el que yo admitiere; pero -no me llame cruel ni homicida aquel a quien yo no prometo, engaño, llamo ni -admito. - -»El cielo aún hasta ahora no ha querido que yo ame por destino, y el pensar -que tengo de amar por elección es escusado. Este general desengaño sirva a -cada uno de los que me solicitan de su particular provecho; y entiéndase, -de aquí adelante, que si alguno por mí muriere, no muere de celoso ni -desdichado, porque quien a nadie quiere, a ninguno debe dar celos; que los -desengaños no se han de tomar en cuenta de desdenes. El que me llama fiera -y basilisco, déjeme como cosa perjudicial y mala; el que me llama ingrata, -no me sirva; el que desconocida, no me conozca; quien cruel, no me siga; -que esta fiera, este basilisco, esta ingrata, esta cruel y esta -desconocida, ni los buscará, servirá, conocerá ni seguirá en ninguna -manera. Que si a Grisóstomo mató su impaciencia y arrojado deseo, ¿por qué -se ha de culpar mi honesto proceder y recato? Si yo conservo mi limpieza -con la compañía de los árboles, ¿por qué ha de querer que la pierda el que -quiere que la tenga con los hombres? Yo, como sabéis, tengo riquezas -propias y no codicio las ajenas; tengo libre condición y no gusto de -sujetarme: ni quiero ni aborrezco a nadie. No engaño a éste ni solicito -aquél, ni burlo con uno ni me entretengo con el otro. La conversación -honesta de las zagalas destas aldeas y el cuidado de mis cabras me -entretiene. Tienen mis deseos por término estas montañas, y si de aquí -salen, es a contemplar la hermosura del cielo, pasos con que camina el alma -a su morada primera. - -Y, en diciendo esto, sin querer oír respuesta alguna, volvió las espaldas y -se entró por lo más cerrado de un monte que allí cerca estaba, dejando -admirados, tanto de su discreción como de su hermosura, a todos los que -allí estaban. Y algunos dieron muestras —de aquellos que de la poderosa -flecha de los rayos de sus bellos ojos estaban heridos— de quererla seguir, -sin aprovecharse del manifiesto desengaño que habían oído. Lo cual visto -por don Quijote, pareciéndole que allí venía bien usar de su caballería, -socorriendo a las doncellas menesterosas, puesta la mano en el puño de su -espada, en altas e inteligibles voces, dijo: - -— Ninguna persona, de cualquier estado y condición que sea, se atreva a -seguir a la hermosa Marcela, so pena de caer en la furiosa indignación mía. -Ella ha mostrado con claras y suficientes razones la poca o ninguna culpa -que ha tenido en la muerte de Grisóstomo, y cuán ajena vive de condescender -con los deseos de ninguno de sus amantes, a cuya causa es justo que, en -lugar de ser seguida y perseguida, sea honrada y estimada de todos los -buenos del mundo, pues muestra que en él ella es sola la que con tan -honesta intención vive. - -O ya que fuese por las amenazas de don Quijote, o porque Ambrosio les dijo -que concluyesen con lo que a su buen amigo debían, ninguno de los pastores -se movió ni apartó de allí hasta que, acabada la sepultura y abrasados los -papeles de Grisóstomo, pusieron su cuerpo en ella, no sin muchas lágrimas -de los circunstantes. Cerraron la sepultura con una gruesa peña, en tanto -que se acababa una losa que, según Ambrosio dijo, pensaba mandar hacer, con -un epitafio que había de decir desta manera: - -Yace aquí de un amador -el mísero cuerpo helado, -que fue pastor de ganado, -perdido por desamor. -Murió a manos del rigor -de una esquiva hermosa ingrata, -con quien su imperio dilata -la tiranía de su amor. - -Luego esparcieron por cima de la sepultura muchas flores y ramos, y, dando -todos el pésame a su amigo Ambrosio, se despidieron dél. Lo mesmo hicieron -Vivaldo y su compañero, y don Quijote se despidió de sus huéspedes y de los -caminantes, los cuales le rogaron se viniese con ellos a Sevilla, por ser -lugar tan acomodado a hallar aventuras, que en cada calle y tras cada -esquina se ofrecen más que en otro alguno. Don Quijote les agradeció el -aviso y el ánimo que mostraban de hacerle merced, y dijo que por entonces -no quería ni debía ir a Sevilla, hasta que hubiese despojado todas aquellas -sierras de ladrones malandrines, de quien era fama que todas estaban -llenas. Viendo su buena determinación, no quisieron los caminantes -importunarle más, sino, tornándose a despedir de nuevo, le dejaron y -prosiguieron su camino, en el cual no les faltó de qué tratar, así de la -historia de Marcela y Grisóstomo como de las locuras de don Quijote. El -cual determinó de ir a buscar a la pastora Marcela y ofrecerle todo lo que -él podía en su servicio. Mas no le avino como él pensaba, según se cuenta -en el discurso desta verdadera historia, dando aquí fin la segunda parte. - -Tercera parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha - - - - -Capítulo XV. Donde se cuenta la desgraciada aventura que se topó don -Quijote en topar con unos desalmados yangüeses - -Cuenta el sabio Cide Hamete Benengeli que, así como don Quijote se despidió -de sus huéspedes y de todos los que se hallaron al entierro del pastor -Grisóstomo, él y su escudero se entraron por el mesmo bosque donde vieron -que se había entrado la pastora Marcela; y, habiendo andado más de dos -horas por él, buscándola por todas partes sin poder hallarla, vinieron a -parar a un prado lleno de fresca yerba, junto del cual corría un arroyo -apacible y fresco; tanto, que convidó y forzó a pasar allí las horas de la -siesta, que rigurosamente comenzaba ya a entrar. - -Apeáronse don Quijote y Sancho, y, dejando al jumento y a Rocinante a sus -anchuras pacer de la mucha yerba que allí había, dieron saco a las -alforjas, y, sin cerimonia alguna, en buena paz y compañía, amo y mozo -comieron lo que en ellas hallaron. - -No se había curado Sancho de echar sueltas a Rocinante, seguro de que le -conocía por tan manso y tan poco rijoso que todas las yeguas de la dehesa -de Córdoba no le hicieran tomar mal siniestro. Ordenó, pues, la suerte, y -el diablo, que no todas veces duerme, que andaban por aquel valle paciendo -una manada de hacas galicianas de unos arrieros gallegos, de los cuales es -costumbre sestear con su recua en lugares y sitios de yerba y agua; y aquel -donde acertó a hallarse don Quijote era muy a propósito de los gallegos. -Sucedió, pues, que a Rocinante le vino en deseo de refocilarse con las -señoras facas; y saliendo, así como las olió, de su natural paso y -costumbre, sin pedir licencia a su dueño, tomó un trotico algo picadillo -y se fue a comunicar su necesidad con ellas. Mas ellas, que, a lo que -pareció, debían de tener más gana de pacer que de ál, recibiéronle con las -herraduras y con los dientes, de tal manera que, a poco espacio, se le -rompieron las cinchas y quedó, sin silla, en pelota. Pero lo que él debió -más de sentir fue que, viendo los arrieros la fuerza que a sus yeguas se -les hacía, acudieron con estacas, y tantos palos le dieron que le -derribaron malparado en el suelo. - -Ya en esto don Quijote y Sancho, que la paliza de Rocinante habían visto, -llegaban ijadeando; y dijo don Quijote a Sancho: - -— A lo que yo veo, amigo Sancho, éstos no son caballeros, sino gente soez y -de baja ralea. Dígolo porque bien me puedes ayudar a tomar la debida -venganza del agravio que delante de nuestros ojos se le ha hecho a -Rocinante. - -— ¿Qué diablos de venganza hemos de tomar —respondió Sancho—, si éstos son -más de veinte y nosotros no más de dos, y aun, quizá, nosotros sino uno y -medio? - -— Yo valgo por ciento —replicó don Quijote. - -Y, sin hacer más discursos, echó mano a su espada y arremetió a los -gallegos, y lo mesmo hizo Sancho Panza, incitado y movido del ejemplo de su -amo. Y, a las primeras, dio don Quijote una cuchillada a uno, que le abrió -un sayo de cuero de que venía vestido, con gran parte de la espalda. -Los gallegos, que se vieron maltratar de aquellos dos hombres solos, siendo -ellos tantos, acudieron a sus estacas, y, cogiendo a los dos en medio, -comenzaron a menudear sobre ellos con grande ahínco y vehemencia. Verdad es -que al segundo toque dieron con Sancho en el suelo, y lo mesmo le avino a -don Quijote, sin que le valiese su destreza y buen ánimo; y quiso su -ventura que viniese a caer a los pies de Rocinante, que aún no se había -levantado; donde se echa de ver la furia con que machacan estacas puestas -en manos rústicas y enojadas. - -Viendo, pues, los gallegos el mal recado que habían hecho, con la mayor -presteza que pudieron, cargaron su recua y siguieron su camino, dejando a -los dos aventureros de mala traza y de peor talante. - -El primero que se resintió fue Sancho Panza; y, hallándose junto a su -señor, con voz enferma y lastimada, dijo: - -— ¡Señor don Quijote! ¡Ah, señor don Quijote! - -— ¿Qué quieres, Sancho hermano? —respondió don Quijote con el mesmo tono -afeminado y doliente que Sancho. - -— Querría, si fuese posible —respondió Sancho Panza—, que vuestra merced me -diese dos tragos de aquella bebida del feo Blas, si es que la tiene vuestra -merced ahí a mano. Quizá será de provecho para los quebrantamientos de -huesos como lo es para las feridas. - -— Pues, a tenerla yo aquí, desgraciado yo, ¿qué nos faltaba? —respondió don -Quijote—. Mas yo te juro, Sancho Panza, a fe de caballero andante, que -antes que pasen dos días, si la fortuna no ordena otra cosa, la tengo de -tener en mi poder, o mal me han de andar las manos. - -— Pues, ¿en cuántos le parece a vuestra merced que podremos mover los pies? -— replicó Sancho Panza. - -— De mí sé decir —dijo el molido caballero don Quijote— que no sabré poner -término a esos días. Mas yo me tengo la culpa de todo, que no había de -poner mano a la espada contra hombres que no fuesen armados caballeros como -yo; y así, creo que, en pena de haber pasado las leyes de la caballería, ha -permitido el dios de las batallas que se me diese este castigo. Por lo -cual, Sancho Panza, conviene que estés advertido en esto que ahora te diré, -porque importa mucho a la salud de entrambos; y es que, cuando veas que -semejante canalla nos hace algún agravio, no aguardes a que yo ponga mano -al espada para ellos, porque no lo haré en ninguna manera, sino pon tú mano -a tu espada y castígalos muy a tu sabor; que si en su ayuda y defensa -acudieren caballeros, yo te sabré defender y ofendellos con todo mi poder; -que ya habrás visto por mil señales y experiencias hasta adónde se estiende -el valor de este mi fuerte brazo. - -Tal quedó de arrogante el pobre señor con el vencimiento del valiente -vizcaíno. Mas no le pareció tan bien a Sancho Panza el aviso de su amo que -dejase de responder, diciendo: - -— Señor, yo soy hombre pacífico, manso, sosegado, y sé disimilar cualquiera -injuria, porque tengo mujer y hijos que sustentar y criar. Así que, séale a -vuestra merced también aviso, pues no puede ser mandato, que en ninguna -manera pondré mano a la espada, ni contra villano ni contra caballero; y -que, desde aquí para delante de Dios, perdono cuantos agravios me han hecho -y han de hacer: ora me los haya hecho, o haga o haya de hacer, persona alta -o baja, rico o pobre, hidalgo o pechero, sin eceptar estado ni condición -alguna. - -Lo cual oído por su amo, le respondió: - -— Quisiera tener aliento para poder hablar un poco descansado, y que el -dolor que tengo en esta costilla se aplacara tanto cuanto, para darte a -entender, Panza, en el error en que estás. Ven acá, pecador; si el viento -de la fortuna, hasta ahora tan contrario, en nuestro favor se vuelve, -llevándonos las velas del deseo para que seguramente y sin contraste alguno -tomemos puerto en alguna de las ínsulas que te tengo prometida, ¿qué sería -de ti si, ganándola yo, te hiciese señor della? Pues ¿lo vendrás a -imposibilitar por no ser caballero, ni quererlo ser, ni tener valor ni -intención de vengar tus injurias y defender tu señorío? Porque has de saber -que en los reinos y provincias nuevamente conquistados nunca están tan -quietos los ánimos de sus naturales, ni tan de parte del nuevo señor que no -se tengan temor de que han de hacer alguna novedad para alterar de nuevo -las cosas, y volver, como dicen, a probar ventura; y así, es menester que -el nuevo posesor tenga entendimiento para saberse gobernar, y valor para -ofender y defenderse en cualquiera acontecimiento. - -— En este que ahora nos ha acontecido —respondió Sancho—, quisiera yo tener -ese entendimiento y ese valor que vuestra merced dice; mas yo le juro, a fe -de pobre hombre, que más estoy para bizmas que para pláticas. Mire vuestra -merced si se puede levantar, y ayudaremos a Rocinante, aunque no lo merece, -porque él fue la causa principal de todo este molimiento. Jamás tal creí de -Rocinante, que le tenía por persona casta y tan pacífica como yo. En fin, -bien dicen que es menester mucho tiempo para venir a conocer las personas, -y que no hay cosa segura en esta vida. ¿Quién dijera que tras de aquellas -tan grandes cuchilladas como vuestra merced dio a aquel desdichado -caballero andante, había de venir, por la posta y en seguimiento suyo, esta -tan grande tempestad de palos que ha descargado sobre nuestras espaldas? -— Aun las tuyas, Sancho —replicó don Quijote—, deben de estar hechas a -semejantes nublados; pero las mías, criadas entre sinabafas y holandas, -claro está que sentirán más el dolor desta desgracia. Y si no fuese porque -imagino..., ¿qué digo imagino?, sé muy cierto, que todas estas -incomodidades son muy anejas al ejercicio de las armas, aquí me dejaría -morir de puro enojo. - -A esto replicó el escudero: - -— Señor, ya que estas desgracias son de la cosecha de la caballería, dígame -vuestra merced si suceden muy a menudo, o si tienen sus tiempos limitados -en que acaecen; porque me parece a mí que a dos cosechas quedaremos -inútiles para la tercera, si Dios, por su infinita misericordia, no nos -socorre. - -— Sábete, amigo Sancho —respondió don Quijote—, que la vida de los -caballeros andantes está sujeta a mil peligros y desventuras; y, ni más ni -menos, está en potencia propincua de ser los caballeros andantes reyes y -emperadores, como lo ha mostrado la experiencia en muchos y diversos -caballeros, de cuyas historias yo tengo entera noticia. Y pudiérate contar -agora, si el dolor me diera lugar, de algunos que, sólo por el valor de su -brazo, han subido a los altos grados que he contado; y estos mesmos se -vieron antes y después en diversas calamidades y miserias. Porque el -valeroso Amadís de Gaula se vio en poder de su mortal enemigo Arcaláus el -encantador, de quien se tiene por averiguado que le dio, teniéndole -preso, más de docientos azotes con las riendas de su caballo, atado a una -coluna de un patio. Y aun hay un autor secreto, y de no poco crédito, que -dice que, habiendo cogido al Caballero del Febo con una cierta trampa que -se le hundió debajo de los pies, en un cierto castillo, y al caer, se halló -en una honda sima debajo de tierra, atado de pies y manos, y allí le -echaron una destas que llaman melecinas, de agua de nieve y arena, de lo -que llegó muy al cabo; y si no fuera socorrido en aquella gran cuita de un -sabio grande amigo suyo, lo pasara muy mal el pobre caballero. Ansí que, -bien puedo yo pasar entre tanta buena gente; que mayores afrentas son las -que éstos pasaron, que no las que ahora nosotros pasamos. Porque quiero -hacerte sabidor, Sancho, que no afrentan las heridas que se dan con los -instrumentos que acaso se hallan en las manos; y esto está en la ley del -duelo, escrito por palabras expresas: que si el zapatero da a otro con la -horma que tiene en la mano, puesto que verdaderamente es de palo, no por -eso se dirá que queda apaleado aquel a quien dio con ella. Digo esto porque -no pienses que, puesto que quedamos desta pendencia molidos, quedamos -afrentados; porque las armas que aquellos hombres traían, con que nos -machacaron, no eran otras que sus estacas, y ninguno dellos, a lo que se me -acuerda, tenía estoque, espada ni puñal. - -— No me dieron a mí lugar —respondió Sancho— a que mirase en tanto; porque, -apenas puse mano a mi tizona, cuando me santiguaron los hombros con sus -pinos, de manera que me quitaron la vista de los ojos y la fuerza de los -pies, dando conmigo adonde ahora yago, y adonde no me da pena alguna el -pensar si fue afrenta o no lo de los estacazos, como me la da el dolor de -los golpes, que me han de quedar tan impresos en la memoria como en las -espaldas. - -— Con todo eso, te hago saber, hermano Panza —replicó don Quijote—, que no -hay memoria a quien el tiempo no acabe, ni dolor que muerte no le consuma. - -— Pues, ¿qué mayor desdicha puede ser —replicó Panza— de aquella que aguarda -al tiempo que la consuma y a la muerte que la acabe? Si esta nuestra -desgracia fuera de aquellas que con un par de bizmas se curan, aun no tan -malo; pero voy viendo que no han de bastar todos los emplastos de un -hospital para ponerlas en buen término siquiera. - -— Déjate deso y saca fuerzas de flaqueza, Sancho —respondió don Quijote—, -que así haré yo, y veamos cómo está Rocinante; que, a lo que me parece, no -le ha cabido al pobre la menor parte desta desgracia. - -— No hay de qué maravillarse deso —respondió Sancho—, siendo él tan buen -caballero andante; de lo que yo me maravillo es de que mi jumento haya -quedado libre y sin costas donde nosotros salimos sin costillas. - -— Siempre deja la ventura una puerta abierta en las desdichas, para dar -remedio a ellas —dijo don Quijote—. Dígolo porque esa bestezuela podrá -suplir ahora la falta de Rocinante, llevándome a mí desde aquí a algún -castillo donde sea curado de mis feridas. Y más, que no tendré a deshonra -la tal caballería, porque me acuerdo haber leído que aquel buen viejo -Sileno, ayo y pedagogo del alegre dios de la risa, cuando entró en la -ciudad de las cien puertas iba, muy a su placer, caballero sobre un muy -hermoso asno. - -— Verdad será que él debía de ir caballero, como vuestra merced dice -— respondió Sancho—, pero hay grande diferencia del ir caballero al ir -atravesado como costal de basura. - -A lo cual respondió don Quijote: - -— Las feridas que se reciben en las batallas, antes dan honra que la quitan. -Así que, Panza amigo, no me repliques más, sino, como ya te he dicho, -levántate lo mejor que pudieres y ponme de la manera que más te agradare -encima de tu jumento, y vamos de aquí antes que la noche venga y nos saltee -en este despoblado. - -— Pues yo he oído decir a vuestra merced —dijo Panza— que es muy de -caballeros andantes el dormir en los páramos y desiertos lo más del año, y -que lo tienen a mucha ventura. - -— Eso es —dijo don Quijote— cuando no pueden más, o cuando están enamorados; -y es tan verdad esto, que ha habido caballero que se ha estado sobre una -peña, al sol y a la sombra, y a las inclemencias del cielo, dos años, sin -que lo supiese su señora. Y uno déstos fue Amadís, cuando, llamándose -Beltenebros, se alojó en la Peña Pobre, ni sé si ocho años o ocho meses, -que no estoy muy bien en la cuenta: basta que él estuvo allí haciendo -penitencia, por no sé qué sinsabor que le hizo la señora Oriana. Pero -dejemos ya esto, Sancho, y acaba, antes que suceda otra desgracia al -jumento, como a Rocinante. - -— Aun ahí sería el diablo —dijo Sancho. - -Y, despidiendo treinta ayes, y sesenta sospiros, y ciento y veinte pésetes -y reniegos de quien allí le había traído, se levantó, quedándose agobiado -en la mitad del camino, como arco turquesco, sin poder acabar de -enderezarse; y con todo este trabajo aparejó su asno, que también había -andado algo destraído con la demasiada libertad de aquel día. Levantó luego -a Rocinante, el cual, si tuviera lengua con que quejarse, a buen seguro que -Sancho ni su amo no le fueran en zaga. - -En resolución, Sancho acomodó a don Quijote sobre el asno y puso de reata a -Rocinante; y, llevando al asno de cabestro, se encaminó, poco más a menos, -hacia donde le pareció que podía estar el camino real. Y la suerte, que sus -cosas de bien en mejor iba guiando, aún no hubo andado una pequeña legua, -cuando le deparó el camino, en el cual descubrió una venta que, a pesar -suyo y gusto de don Quijote, había de ser castillo. Porfiaba Sancho que era -venta, y su amo que no, sino castillo; y tanto duró la porfía, que tuvieron -lugar, sin acabarla, de llegar a ella, en la cual Sancho se entró, sin más -averiguación, con toda su recua. - - - - -Capítulo XVI. De lo que le sucedió al ingenioso hidalgo en la venta que él -imaginaba ser castillo - -El ventero, que vio a don Quijote atravesado en el asno, preguntó a Sancho -qué mal traía. Sancho le respondió que no era nada, sino que había dado una -caída de una peña abajo, y que venía algo brumadas las costillas. Tenía el -ventero por mujer a una, no de la condición que suelen tener las de -semejante trato, porque naturalmente era caritativa y se dolía de las -calamidades de sus prójimos; y así, acudió luego a curar a don Quijote y -hizo que una hija suya, doncella, muchacha y de muy buen parecer, la -ayudase a curar a su huésped. Servía en la venta, asimesmo, una moza -asturiana, ancha de cara, llana de cogote, de nariz roma, del un ojo tuerta -y del otro no muy sana. Verdad es que la gallardía del cuerpo suplía las -demás faltas: no tenía siete palmos de los pies a la cabeza, y las -espaldas, que algún tanto le cargaban, la hacían mirar al suelo más de lo -que ella quisiera. Esta gentil moza, pues, ayudó a la doncella, y las dos -hicieron una muy mala cama a don Quijote en un camaranchón que, en otros -tiempos, daba manifiestos indicios que había servido de pajar muchos años. -En la cual también alojaba un arriero, que tenía su cama hecha un poco más -allá de la de nuestro don Quijote. Y, aunque era de las enjalmas y mantas -de sus machos, hacía mucha ventaja a la de don Quijote, que sólo contenía -cuatro mal lisas tablas, sobre dos no muy iguales bancos, y un colchón que -en lo sutil parecía colcha, lleno de bodoques, que, a no mostrar que eran -de lana por algunas roturas, al tiento, en la dureza, semejaban de -guijarro, y dos sábanas hechas de cuero de adarga, y una frazada, cuyos -hilos, si se quisieran contar, no se perdiera uno solo de la cuenta. -En esta maldita cama se acostó don Quijote, y luego la ventera y su hija le -emplastaron de arriba abajo, alumbrándoles Maritornes, que así se llamaba -la asturiana; y, como al bizmalle viese la ventera tan acardenalado a -partes a don Quijote, dijo que aquello más parecían golpes que caída. - -— No fueron golpes —dijo Sancho—, sino que la peña tenía muchos picos y -tropezones. - -Y que cada uno había hecho su cardenal. Y también le dijo: - -— Haga vuestra merced, señora, de manera que queden algunas estopas, que no -faltará quien las haya menester; que también me duelen a mí un poco los -lomos. - -— Desa manera —respondió la ventera—, también debistes vos de caer. - -— No caí —dijo Sancho Panza—, sino que del sobresalto que tomé de ver caer a -mi amo, de tal manera me duele a mí el cuerpo que me parece que me han dado -mil palos. - -— Bien podrá ser eso —dijo la doncella—; que a mí me ha acontecido muchas -veces soñar que caía de una torre abajo y que nunca acababa de llegar al -suelo, y, cuando despertaba del sueño, hallarme tan molida y quebrantada -como si verdaderamente hubiera caído. - -— Ahí está el toque, señora —respondió Sancho Panza—: que yo, sin soñar -nada, sino estando más despierto que ahora estoy, me hallo con pocos menos -cardenales que mi señor don Quijote. - -— ¿Cómo se llama este caballero? —preguntó la asturiana Maritornes. - -— Don Quijote de la Mancha —respondió Sancho Panza—, y es caballero -aventurero, y de los mejores y más fuertes que de luengos tiempos acá se -han visto en el mundo. - -— ¿Qué es caballero aventurero? —replicó la moza. - -— ¿Tan nueva sois en el mundo que no lo sabéis vos? —respondió Sancho -Panza—. Pues sabed, hermana mía, que caballero aventurero es una cosa que -en dos palabras se ve apaleado y emperador. Hoy está la más desdichada -criatura del mundo y la más menesterosa, y mañana tendría dos o tres -coronas de reinos que dar a su escudero. - -— Pues, ¿cómo vos, siéndolo deste tan buen señor —dijo la ventera—, no -tenéis, a lo que parece, siquiera algún condado? - -— Aún es temprano —respondió Sancho—, porque no ha sino un mes que andamos -buscando las aventuras, y hasta ahora no hemos topado con ninguna que lo -sea. Y tal vez hay que se busca una cosa y se halla otra. Verdad es que, si -mi señor don Quijote sana desta herida o caída y yo no quedo contrecho -della, no trocaría mis esperanzas con el mejor título de España. - -Todas estas pláticas estaba escuchando, muy atento, don Quijote, y, -sentándose en el lecho como pudo, tomando de la mano a la ventera, le dijo: - -— Creedme, fermosa señora, que os podéis llamar venturosa por haber alojado -en este vuestro castillo a mi persona, que es tal, que si yo no la alabo, -es por lo que suele decirse que la alabanza propria envilece; pero mi -escudero os dirá quién soy. Sólo os digo que tendré eternamente escrito en -mi memoria el servicio que me habedes fecho, para agradecéroslo mientras la -vida me durare; y pluguiera a los altos cielos que el amor no me tuviera -tan rendido y tan sujeto a sus leyes, y los ojos de aquella hermosa ingrata -que digo entre mis dientes; que los desta fermosa doncella fueran señores -de mi libertad. - -Confusas estaban la ventera y su hija y la buena de Maritornes oyendo las -razones del andante caballero, que así las entendían como si hablara en -griego, aunque bien alcanzaron que todas se encaminaban a ofrecimiento y -requiebros; y, como no usadas a semejante lenguaje, mirábanle y -admirábanse, y parecíales otro hombre de los que se usaban; y, -agradeciéndole con venteriles razones sus ofrecimientos, le dejaron; y la -asturiana Maritornes curó a Sancho, que no menos lo había menester que su -amo. - -Había el arriero concertado con ella que aquella noche se refocilarían -juntos, y ella le había dado su palabra de que, en estando sosegados los -huéspedes y durmiendo sus amos, le iría a buscar y satisfacerle el gusto en -cuanto le mandase. Y cuéntase desta buena moza que jamás dio semejantes -palabras que no las cumpliese, aunque las diese en un monte y sin testigo -alguno; porque presumía muy de hidalga, y no tenía por afrenta estar en -aquel ejercicio de servir en la venta, porque decía ella que desgracias y -malos sucesos la habían traído a aquel estado. - -El duro, estrecho, apocado y fementido lecho de don Quijote estaba primero -en mitad de aquel estrellado establo, y luego, junto a él, hizo el suyo -Sancho, que sólo contenía una estera de enea y una manta, que antes -mostraba ser de anjeo tundido que de lana. Sucedía a estos dos lechos el -del arriero, fabricado, como se ha dicho, de las enjalmas y todo el adorno -de los dos mejores mulos que traía, aunque eran doce, lucios, gordos y -famosos, porque era uno de los ricos arrieros de Arévalo, según lo dice el -autor desta historia, que deste arriero hace particular mención, porque le -conocía muy bien, y aun quieren decir que era algo pariente suyo. Fuera de -que Cide Mahamate Benengeli fue historiador muy curioso y muy puntual en -todas las cosas; y échase bien de ver, pues las que quedan referidas, con -ser tan mínimas y tan rateras, no las quiso pasar en silencio; de donde -podrán tomar ejemplo los historiadores graves, que nos cuentan las acciones -tan corta y sucintamente que apenas nos llegan a los labios, dejándose en -el tintero, ya por descuido, por malicia o ignorancia, lo más sustancial de -la obra. ¡Bien haya mil veces el autor de Tablante de Ricamonte, y aquel -del otro libro donde se cuenta los hechos del conde Tomillas; y con qué -puntualidad lo describen todo! - -Digo, pues, que después de haber visitado el arriero a su recua y dádole el -segundo pienso, se tendió en sus enjalmas y se dio a esperar a su -puntualísima Maritornes. Ya estaba Sancho bizmado y acostado, y, aunque -procuraba dormir, no lo consentía el dolor de sus costillas; y don Quijote, -con el dolor de las suyas, tenía los ojos abiertos como liebre. Toda la -venta estaba en silencio, y en toda ella no había otra luz que la que daba -una lámpara que colgada en medio del portal ardía. - -Esta maravillosa quietud, y los pensamientos que siempre nuestro caballero -traía de los sucesos que a cada paso se cuentan en los libros autores de su -desgracia, le trujo a la imaginación una de las estrañas locuras que -buenamente imaginarse pueden. Y fue que él se imaginó haber llegado a un -famoso castillo —que, como se ha dicho, castillos eran a su parecer todas -las ventas donde alojaba—, y que la hija del ventero lo era del señor del -castillo, la cual, vencida de su gentileza, se había enamorado dél y -prometido que aquella noche, a furto de sus padres, vendría a yacer con él -una buena pieza; y, teniendo toda esta quimera, que él se había fabricado, -por firme y valedera, se comenzó a acuitar y a pensar en el peligroso -trance en que su honestidad se había de ver, y propuso en su corazón de no -cometer alevosía a su señora Dulcinea del Toboso, aunque la mesma reina -Ginebra con su dama Quintañona se le pusiesen delante. - -Pensando, pues, en estos disparates, se llegó el tiempo y la hora —que para -él fue menguada— de la venida de la asturiana, la cual, en camisa y -descalza, cogidos los cabellos en una albanega de fustán, con tácitos y -atentados pasos, entró en el aposento donde los tres alojaban en busca del -arriero. Pero, apenas llegó a la puerta, cuando don Quijote la sintió, y, -sentándose en la cama, a pesar de sus bizmas y con dolor de sus costillas, -tendió los brazos para recebir a su fermosa doncella. La asturiana, que, -toda recogida y callando, iba con las manos delante buscando a su querido, -topó con los brazos de don Quijote, el cual la asió fuertemente de una -muñeca y, tirándola hacía sí, sin que ella osase hablar palabra, la hizo -sentar sobre la cama. Tentóle luego la camisa, y, aunque ella era de -harpillera, a él le pareció ser de finísimo y delgado cendal. Traía en las -muñecas unas cuentas de vidro, pero a él le dieron vislumbres de preciosas -perlas orientales. Los cabellos, que en alguna manera tiraban a crines, él -los marcó por hebras de lucidísimo oro de Arabia, cuyo resplandor al del -mesmo sol escurecía. Y el aliento, que, sin duda alguna, olía a ensalada -fiambre y trasnochada, a él le pareció que arrojaba de su boca un olor -suave y aromático; y, finalmente, él la pintó en su imaginación de la misma -traza y modo que lo había leído en sus libros de la otra princesa que vino -a ver el mal ferido caballero, vencida de sus amores, con todos los adornos -que aquí van puestos. Y era tanta la ceguedad del pobre hidalgo, que el -tacto, ni el aliento, ni otras cosas que traía en sí la buena doncella, no -le desengañaban, las cuales pudieran hacer vomitar a otro que no fuera -arriero; antes, le parecía que tenía entre sus brazos a la diosa de la -hermosura. Y, teniéndola bien asida, con voz amorosa y baja le comenzó a -decir: - -— Quisiera hallarme en términos, fermosa y alta señora, de poder pagar -tamaña merced como la que con la vista de vuestra gran fermosura me habedes -fecho, pero ha querido la fortuna, que no se cansa de perseguir a los -buenos, ponerme en este lecho, donde yago tan molido y quebrantado que, -aunque de mi voluntad quisiera satisfacer a la vuestra, fuera imposible. Y -más, que se añade a esta imposibilidad otra mayor, que es la prometida fe -que tengo dada a la sin par Dulcinea del Toboso, única señora de mis más -escondidos pensamientos; que si esto no hubiera de por medio, no fuera yo -tan sandio caballero que dejara pasar en blanco la venturosa ocasión en que -vuestra gran bondad me ha puesto. - -Maritornes estaba congojadísima y trasudando, de verse tan asida de don -Quijote, y, sin entender ni estar atenta a las razones que le decía, -procuraba, sin hablar palabra, desasirse. El bueno del arriero, a quien -tenían despierto sus malos deseos, desde el punto que entró su coima por la -puerta, la sintió; estuvo atentamente escuchando todo lo que don Quijote -decía, y, celoso de que la asturiana le hubiese faltado la palabra por -otro, se fue llegando más al lecho de don Quijote, y estúvose quedo hasta -ver en qué paraban aquellas razones, que él no podía entender. Pero, como -vio que la moza forcejaba por desasirse y don Quijote trabajaba por -tenella, pareciéndole mal la burla, enarboló el brazo en alto y descargó -tan terrible puñada sobre las estrechas quijadas del enamorado caballero, -que le bañó toda la boca en sangre; y, no contento con esto, se le subió -encima de las costillas, y con los pies más que de trote, se las paseó -todas de cabo a cabo. - -El lecho, que era un poco endeble y de no firmes fundamentos, no pudiendo -sufrir la añadidura del arriero, dio consigo en el suelo, a cuyo gran ruido -despertó el ventero, y luego imaginó que debían de ser pendencias de -Maritornes, porque, habiéndola llamado a voces, no respondía. Con esta -sospecha se levantó, y, encendiendo un candil, se fue hacia donde había -sentido la pelaza. La moza, viendo que su amo venía, y que era de condición -terrible, toda medrosica y alborotada, se acogió a la cama de Sancho Panza, -que aún dormía, y allí se acorrucó y se hizo un ovillo. El ventero entró -diciendo: - -— ¿Adónde estás, puta? A buen seguro que son tus cosas éstas. - -En esto, despertó Sancho, y, sintiendo aquel bulto casi encima de sí, pensó -que tenía la pesadilla, y comenzó a dar puñadas a una y otra parte, y entre -otras alcanzó con no sé cuántas a Maritornes, la cual, sentida del dolor, -echando a rodar la honestidad, dio el retorno a Sancho con tantas que, a su -despecho, le quitó el sueño; el cual, viéndose tratar de aquella manera y -sin saber de quién, alzándose como pudo, se abrazó con Maritornes, y -comenzaron entre los dos la más reñida y graciosa escaramuza del mundo. -Viendo, pues, el arriero, a la lumbre del candil del ventero, cuál andaba -su dama, dejando a don Quijote, acudió a dalle el socorro necesario. Lo -mismo hizo el ventero, pero con intención diferente, porque fue a castigar -a la moza, creyendo sin duda que ella sola era la ocasión de toda aquella -armonía. Y así como suele decirse: el gato al rato, el rato a la cuerda, la -cuerda al palo, daba el arriero a Sancho, Sancho a la moza, la moza a él, -el ventero a la moza, y todos menudeaban con tanta priesa que no se daban -punto de reposo; y fue lo bueno que al ventero se le apagó el candil, y, -como quedaron ascuras, dábanse tan sin compasión todos a bulto que, a -doquiera que ponían la mano, no dejaban cosa sana. - -Alojaba acaso aquella noche en la venta un cuadrillero de los que llaman de -la Santa Hermandad Vieja de Toledo, el cual, oyendo ansimesmo el estraño -estruendo de la pelea, asió de su media vara y de la caja de lata de sus -títulos, y entró ascuras en el aposento, diciendo: - -— ¡Ténganse a la justicia! ¡Ténganse a la Santa Hermandad! - -Y el primero con quien topó fue con el apuñeado de don Quijote, que estaba -en su derribado lecho, tendido boca arriba, sin sentido alguno, y, -echándole a tiento mano a las barbas, no cesaba de decir: - -— ¡Favor a la justicia! - -Pero, viendo que el que tenía asido no se bullía ni meneaba, se dio a -entender que estaba muerto, y que los que allí dentro estaban eran sus -matadores; y con esta sospecha reforzó la voz, diciendo: - -— ¡Ciérrese la puerta de la venta! ¡Miren no se vaya nadie, que han muerto -aquí a un hombre! - -Esta voz sobresaltó a todos, y cada cual dejó la pendencia en el grado que -le tomó la voz. Retiróse el ventero a su aposento, el arriero a sus -enjalmas, la moza a su rancho; solos los desventurados don Quijote y Sancho -no se pudieron mover de donde estaban. Soltó en esto el cuadrillero la -barba de don Quijote, y salió a buscar luz para buscar y prender los -delincuentes; mas no la halló, porque el ventero, de industria, había -muerto la lámpara cuando se retiró a su estancia, y fuele forzoso acudir a -la chimenea, donde, con mucho trabajo y tiempo, encendió el cuadrillero -otro candil. - - - - -Capítulo XVII. Donde se prosiguen los innumerables trabajos que el bravo -don Quijote y su buen escudero Sancho Panza pasaron en la venta que, por su -mal, pensó que era castillo - -Había ya vuelto en este tiempo de su parasismo don Quijote, y, con el mesmo -tono de voz con que el día antes había llamado a su escudero, cuando estaba -tendido en el val de las estacas, le comenzó a llamar, diciendo: - -— Sancho amigo, ¿duermes? ¿Duermes, amigo Sancho? - -— ¿Qué tengo de dormir, pesia a mí —respondió Sancho, lleno de pesadumbre y -de despecho—; que no parece sino que todos los diablos han andado conmigo -esta noche? - -— Puédeslo creer ansí, sin duda —respondió don Quijote—, porque, o yo sé -poco, o este castillo es encantado. Porque has de saber... Mas, esto que -ahora quiero decirte hasme de jurar que lo tendrás secreto hasta después de -mi muerte. - -— Sí juro —respondió Sancho. - -— Dígolo —replicó don Quijote—, porque soy enemigo de que se quite la honra -a nadie. - -— Digo que sí juro —tornó a decir Sancho— que lo callaré hasta después de -los días de vuestra merced, y plega a Dios que lo pueda descubrir mañana. -— ¿Tan malas obras te hago, Sancho —respondió don Quijote—, que me querrías -ver muerto con tanta brevedad? - -— No es por eso —respondió Sancho—, sino porque soy enemigo de guardar mucho -las cosas, y no querría que se me pudriesen de guardadas. - -— Sea por lo que fuere —dijo don Quijote—; que más fío de tu amor y de tu -cortesía; y así, has de saber que esta noche me ha sucedido una de las más -estrañas aventuras que yo sabré encarecer; y, por contártela en breve, -sabrás que poco ha que a mí vino la hija del señor deste castillo, que es -la más apuesta y fermosa doncella que en gran parte de la tierra se puede -hallar. ¿Qué te podría decir del adorno de su persona? ¿Qué de su gallardo -entendimiento? ¿Qué de otras cosas ocultas, que, por guardar la fe que debo -a mi señora Dulcinea del Toboso, dejaré pasar intactas y en silencio? Sólo -te quiero decir que, envidioso el cielo de tanto bien como la ventura me -había puesto en las manos, o quizá, y esto es lo más cierto, que, como -tengo dicho, es encantado este castillo, al tiempo que yo estaba con ella -en dulcísimos y amorosísimos coloquios, sin que yo la viese ni supiese por -dónde venía, vino una mano pegada a algún brazo de algún descomunal gigante -y asentóme una puñada en las quijadas, tal, que las tengo todas bañadas en -sangre; y después me molió de tal suerte que estoy peor que ayer cuando los -gallegos, que, por demasías de Rocinante, nos hicieron el agravio que -sabes. Por donde conjeturo que el tesoro de la fermosura desta doncella le -debe de guardar algún encantado moro, y no debe de ser para mí. - -— Ni para mí tampoco —respondió Sancho—, porque más de cuatrocientos moros -me han aporreado a mí, de manera que el molimiento de las estacas fue -tortas y pan pintado. Pero dígame, señor, ¿cómo llama a ésta buena y rara -aventura, habiendo quedado della cual quedamos? Aun vuestra merced menos -mal, pues tuvo en sus manos aquella incomparable fermosura que ha dicho, -pero yo, ¿qué tuve sino los mayores porrazos que pienso recebir en toda mi -vida? ¡Desdichado de mí y de la madre que me parió, que ni soy caballero -andante, ni lo pienso ser jamás, y de todas las malandanzas me cabe la -mayor parte! - -— Luego, ¿también estás tú aporreado? —respondió don Quijote. - -— ¿No le he dicho que sí, pesia a mi linaje? —dijo Sancho. - -— No tengas pena, amigo —dijo don Quijote—, que yo haré agora el bálsamo -precioso con que sanaremos en un abrir y cerrar de ojos. - -Acabó en esto de encender el candil el cuadrillero, y entró a ver el que -pensaba que era muerto; y, así como le vio entrar Sancho, viéndole venir en -camisa y con su paño de cabeza y candil en la mano, y con una muy mala -cara, preguntó a su amo: - -— Señor, ¿si será éste, a dicha, el moro encantado, que nos vuelve a -castigar, si se dejó algo en el tintero? - -— No puede ser el moro —respondió don Quijote—, porque los encantados no se -dejan ver de nadie. - -— Si no se dejan ver, déjanse sentir —dijo Sancho—; si no, díganlo mis -espaldas. - -— También lo podrían decir las mías —respondió don Quijote—, pero no es -bastante indicio ése para creer que este que se vee sea el encantado moro. -Llegó el cuadrillero, y, como los halló hablando en tan sosegada -conversación, quedó suspenso. Bien es verdad que aún don Quijote se estaba -boca arriba, sin poderse menear, de puro molido y emplastado. Llegóse a él -el cuadrillero y díjole: - -— Pues, ¿cómo va, buen hombre? - -— Hablara yo más bien criado —respondió don Quijote—, si fuera que vos. -¿Úsase en esta tierra hablar desa suerte a los caballeros andantes, -majadero? - -El cuadrillero, que se vio tratar tan mal de un hombre de tan mal parecer, -no lo pudo sufrir, y, alzando el candil con todo su aceite, dio a don -Quijote con él en la cabeza, de suerte que le dejó muy bien descalabrado; -y, como todo quedó ascuras, salióse luego; y Sancho Panza dijo: - -— Sin duda, señor, que éste es el moro encantado, y debe de guardar el -tesoro para otros, y para nosotros sólo guarda las puñadas y los -candilazos. - -— Así es —respondió don Quijote—, y no hay que hacer caso destas cosas de -encantamentos, ni hay para qué tomar cólera ni enojo con ellas; que, como -son invisibles y fantásticas, no hallaremos de quién vengarnos, aunque más -lo procuremos. Levántate, Sancho, si puedes, y llama al alcaide desta -fortaleza, y procura que se me dé un poco de aceite, vino, sal y romero -para hacer el salutífero bálsamo; que en verdad que creo que lo he bien -menester ahora, porque se me va mucha sangre de la herida que esta fantasma -me ha dado. - -Levántose Sancho con harto dolor de sus huesos, y fue ascuras donde estaba -el ventero; y, encontrándose con el cuadrillero, que estaba escuchando en -qué paraba su enemigo, le dijo: - -— Señor, quien quiera que seáis, hacednos merced y beneficio de darnos un -poco de romero, aceite, sal y vino, que es menester para curar uno de los -mejores caballeros andantes que hay en la tierra, el cual yace en aquella -cama, malferido por las manos del encantado moro que está en esta venta. -Cuando el cuadrillero tal oyó, túvole por hombre falto de seso; y, porque -ya comenzaba a amanecer, abrió la puerta de la venta, y, llamando al -ventero, le dijo lo que aquel buen hombre quería. El ventero le proveyó de -cuanto quiso, y Sancho se lo llevó a don Quijote, que estaba con las manos -en la cabeza, quejándose del dolor del candilazo, que no le había hecho más -mal que levantarle dos chichones algo crecidos, y lo que él pensaba que era -sangre no era sino sudor que sudaba con la congoja de la pasada tormenta. -En resolución, él tomó sus simples, de los cuales hizo un compuesto, -mezclándolos todos y cociéndolos un buen espacio, hasta que le pareció que -estaban en su punto. Pidió luego alguna redoma para echallo, y, como no la -hubo en la venta, se resolvió de ponello en una alcuza o aceitera de hoja -de lata, de quien el ventero le hizo grata donación. Y luego dijo sobre la -alcuza más de ochenta paternostres y otras tantas avemarías, salves y -credos, y a cada palabra acompañaba una cruz, a modo de bendición; a todo -lo cual se hallaron presentes Sancho, el ventero y cuadrillero; que ya el -arriero sosegadamente andaba entendiendo en el beneficio de sus machos. -Hecho esto, quiso él mesmo hacer luego la esperiencia de la virtud de aquel -precioso bálsamo que él se imaginaba; y así, se bebió, de lo que no pudo -caber en la alcuza y quedaba en la olla donde se había cocido, casi media -azumbre; y apenas lo acabó de beber, cuando comenzó a vomitar de manera que -no le quedó cosa en el estómago; y con las ansias y agitación del vómito le -dio un sudor copiosísimo, por lo cual mandó que le arropasen y le dejasen -solo. Hiciéronlo ansí, y quedóse dormido más de tres horas, al cabo de las -cuales despertó y se sintió aliviadísimo del cuerpo, y en tal manera mejor -de su quebrantamiento que se tuvo por sano; y verdaderamente creyó que -había acertado con el bálsamo de Fierabrás, y que con aquel remedio podía -acometer desde allí adelante, sin temor alguno, cualesquiera ruinas, -batallas y pendencias, por peligrosas que fuesen. - -Sancho Panza, que también tuvo a milagro la mejoría de su amo, le rogó que -le diese a él lo que quedaba en la olla, que no era poca cantidad. -Concedióselo don Quijote, y él, tomándola a dos manos, con buena fe y mejor -talante, se la echó a pechos, y envasó bien poco menos que su amo. Es, -pues, el caso que el estómago del pobre Sancho no debía de ser tan delicado -como el de su amo, y así, primero que vomitase, le dieron tantas ansias y -bascas, con tantos trasudores y desmayos que él pensó bien y verdaderamente -que era llegada su última hora; y, viéndose tan afligido y congojado, -maldecía el bálsamo y al ladrón que se lo había dado. Viéndole así don -Quijote, le dijo: - -— Yo creo, Sancho, que todo este mal te viene de no ser armado caballero, -porque tengo para mí que este licor no debe de aprovechar a los que no lo -son. - -— Si eso sabía vuestra merced —replicó Sancho—, ¡mal haya yo y toda mi -parentela!, ¿para qué consintió que lo gustase? - -En esto, hizo su operación el brebaje, y comenzó el pobre escudero a -desaguarse por entrambas canales, con tanta priesa que la estera de enea, -sobre quien se había vuelto a echar, ni la manta de anjeo con que se -cubría, fueron más de provecho. Sudaba y trasudaba con tales parasismos y -accidentes, que no solamente él, sino todos pensaron que se le acababa la -vida. Duróle esta borrasca y mala andanza casi dos horas, al cabo de las -cuales no quedó como su amo, sino tan molido y quebrantado que no se podía -tener. - -Pero don Quijote, que, como se ha dicho, se sintió aliviado y sano, quiso -partirse luego a buscar aventuras, pareciéndole que todo el tiempo que allí -se tardaba era quitársele al mundo y a los en él menesterosos de su favor y -amparo; y más con la seguridad y confianza que llevaba en su bálsamo. Y -así, forzado deste deseo, él mismo ensilló a Rocinante y enalbardó al -jumento de su escudero, a quien también ayudó a vestir y a subir en el -asno. Púsose luego a caballo, y, llegándose a un rincón de la venta, asió -de un lanzón que allí estaba, para que le sirviese de lanza. - -Estábanle mirando todos cuantos había en la venta, que pasaban de más de -veinte personas; mirábale también la hija del ventero, y él también no -quitaba los ojos della, y de cuando en cuando arrojaba un sospiro que -parecía que le arrancaba de lo profundo de sus entrañas, y todos pensaban -que debía de ser del dolor que sentía en las costillas; a lo menos, -pensábanlo aquellos que la noche antes le habían visto bizmar. - -Ya que estuvieron los dos a caballo, puesto a la puerta de la venta, llamó -al ventero, y con voz muy reposada y grave le dijo: - -— Muchas y muy grandes son las mercedes, señor alcaide, que en este vuestro -castillo he recebido, y quedo obligadísimo a agradecéroslas todos los días -de mi vida. Si os las puedo pagar en haceros vengado de algún soberbio que -os haya fecho algún agravio, sabed que mi oficio no es otro sino valer a -los que poco pueden, y vengar a los que reciben tuertos, y castigar -alevosías. Recorred vuestra memoria, y si halláis alguna cosa deste jaez -que encomendarme, no hay sino decilla; que yo os prometo, por la orden de -caballero que recebí, de faceros satisfecho y pagado a toda vuestra -voluntad. - -El ventero le respondió con el mesmo sosiego: - -— Señor caballero, yo no tengo necesidad de que vuestra merced me vengue -ningún agravio, porque yo sé tomar la venganza que me parece, cuando se me -hacen. Sólo he menester que vuestra merced me pague el gasto que esta noche -ha hecho en la venta, así de la paja y cebada de sus dos bestias, como de -la cena y camas. - -— Luego, ¿venta es ésta? —replicó don Quijote. - -— Y muy honrada —respondió el ventero. - -— Engañado he vivido hasta aquí —respondió don Quijote—, que en verdad que -pensé que era castillo, y no malo; pero, pues es ansí que no es castillo -sino venta, lo que se podrá hacer por agora es que perdonéis por la paga, -que yo no puedo contravenir a la orden de los caballeros andantes, de los -cuales sé cierto, sin que hasta ahora haya leído cosa en contrario, que -jamás pagaron posada ni otra cosa en venta donde estuviesen, porque se les -debe de fuero y de derecho cualquier buen acogimiento que se les hiciere, -en pago del insufrible trabajo que padecen buscando las aventuras de noche -y de día, en invierno y en verano, a pie y a caballo, con sed y con hambre, -con calor y con frío, sujetos a todas las inclemencias del cielo y a todos -los incómodos de la tierra. - -— Poco tengo yo que ver en eso —respondió el ventero—; págueseme lo que se -me debe, y dejémonos de cuentos ni de caballerías, que yo no tengo cuenta -con otra cosa que con cobrar mi hacienda. - -— Vos sois un sandio y mal hostalero —respondió don Quijote. - -Y, poniendo piernas al Rocinante y terciando su lanzón, se salió de la -venta sin que nadie le detuviese, y él, sin mirar si le seguía su escudero, -se alongó un buen trecho. - -El ventero, que le vio ir y que no le pagaba, acudió a cobrar de Sancho -Panza, el cual dijo que, pues su señor no había querido pagar, que tampoco -él pagaría; porque, siendo él escudero de caballero andante, como era, la -mesma regla y razón corría por él como por su amo en no pagar cosa alguna -en los mesones y ventas. Amohinóse mucho desto el ventero, y amenazóle que -si no le pagaba, que lo cobraría de modo que le pesase. A lo cual Sancho -respondió que, por la ley de caballería que su amo había recebido, no -pagaría un solo cornado, aunque le costase la vida; porque no había de -perder por él la buena y antigua usanza de los caballeros andantes, ni se -habían de quejar dél los escuderos de los tales que estaban por venir al -mundo, reprochándole el quebrantamiento de tan justo fuero. - -Quiso la mala suerte del desdichado Sancho que, entre la gente que estaba -en la venta, se hallasen cuatro perailes de Segovia, tres agujeros del -Potro de Córdoba y dos vecinos de la Heria de Sevilla, gente alegre, bien -intencionada, maleante y juguetona, los cuales, casi como instigados y -movidos de un mesmo espíritu, se llegaron a Sancho, y, apeándole del asno, -uno dellos entró por la manta de la cama del huésped, y, echándole en ella, -alzaron los ojos y vieron que el techo era algo más bajo de lo que habían -menester para su obra, y determinaron salirse al corral, que tenía por -límite el cielo. Y allí, puesto Sancho en mitad de la manta, comenzaron a -levantarle en alto y a holgarse con él como con perro por carnestolendas. -Las voces que el mísero manteado daba fueron tantas, que llegaron a los -oídos de su amo; el cual, determinándose a escuchar atentamente, creyó que -alguna nueva aventura le venía, hasta que claramente conoció que el que -gritaba era su escudero; y, volviendo las riendas, con un penado galope -llegó a la venta, y, hallándola cerrada, la rodeó por ver si hallaba por -donde entrar; pero no hubo llegado a las paredes del corral, que no eran -muy altas, cuando vio el mal juego que se le hacía a su escudero. Viole -bajar y subir por el aire, con tanta gracia y presteza que, si la cólera le -dejara, tengo para mí que se riera. Probó a subir desde el caballo a las -bardas, pero estaba tan molido y quebrantado que aun apearse no pudo; y -así, desde encima del caballo, comenzó a decir tantos denuestos y baldones -a los que a Sancho manteaban, que no es posible acertar a escribillos; mas -no por esto cesaban ellos de su risa y de su obra, ni el volador Sancho -dejaba sus quejas, mezcladas ya con amenazas, ya con ruegos; mas todo -aprovechaba poco, ni aprovechó, hasta que de puro cansados le dejaron. -Trujéronle allí su asno, y, subiéndole encima, le arroparon con su gabán. Y -la compasiva de Maritornes, viéndole tan fatigado, le pareció ser bien -socorrelle con un jarro de agua, y así, se le trujo del pozo, por ser más -frío. Tomóle Sancho, y llevándole a la boca, se paró a las voces que su amo -le daba, diciendo: - -— ¡Hijo Sancho, no bebas agua! ¡Hijo, no la bebas, que te matará! ¿Ves? Aquí -tengo el santísimo bálsamo —y enseñábale la alcuza del brebaje—, que con -dos gotas que dél bebas sanarás sin duda. - -A estas voces volvió Sancho los ojos, como de través, y dijo con otras -mayores: - -— ¿Por dicha hásele olvidado a vuestra merced como yo no soy caballero, o -quiere que acabe de vomitar las entrañas que me quedaron de anoche? -Guárdese su licor con todos los diablos y déjeme a mí. - -Y el acabar de decir esto y el comenzar a beber todo fue uno; mas, como al -primer trago vio que era agua, no quiso pasar adelante, y rogó a Maritornes -que se le trujese de vino, y así lo hizo ella de muy buena voluntad, y lo -pagó de su mesmo dinero; porque, en efecto, se dice della que, aunque -estaba en aquel trato, tenía unas sombras y lejos de cristiana. - -Así como bebió Sancho, dio de los carcaños a su asno, y, abriéndole la -puerta de la venta de par en par, se salió della, muy contento de no haber -pagado nada y de haber salido con su intención, aunque había sido a costa -de sus acostumbrados fiadores, que eran sus espaldas. Verdad es que el -ventero se quedó con sus alforjas en pago de lo que se le debía; mas Sancho -no las echó menos, según salió turbado. Quiso el ventero atrancar bien la -puerta así como le vio fuera, mas no lo consintieron los manteadores, que -eran gente que, aunque don Quijote fuera verdaderamente de los caballeros -andantes de la Tabla Redonda, no le estimaran en dos ardites. - - - - -Capítulo XVIII. Donde se cuentan las razones que pasó Sancho Panza con su -señor Don Quijote, con otras aventuras dignas de ser contadas - -Llegó Sancho a su amo marchito y desmayado; tanto, que no podía arrear a su -jumento. Cuando así le vio don Quijote, le dijo: - -— Ahora acabo de creer, Sancho bueno, que aquel castillo o venta, de que es -encantado sin duda; porque aquellos que tan atrozmente tomaron pasatiempo -contigo, ¿qué podían ser sino fantasmas y gente del otro mundo? Y confirmo -esto por haber visto que, cuando estaba por las bardas del corral mirando -los actos de tu triste tragedia, no me fue posible subir por ellas, ni -menos pude apearme de Rocinante, porque me debían de tener encantado; que -te juro, por la fe de quien soy, que si pudiera subir o apearme, que yo te -hiciera vengado de manera que aquellos follones y malandrines se acordaran -de la burla para siempre, aunque en ello supiera contravenir a las leyes de -la caballería, que, como ya muchas veces te he dicho, no consienten que -caballero ponga mano contra quien no lo sea, si no fuere en defensa de su -propria vida y persona, en caso de urgente y gran necesidad. - -— También me vengara yo si pudiera, fuera o no fuera armado caballero, pero -no pude; aunque tengo para mí que aquellos que se holgaron conmigo no eran -fantasmas ni hombres encantados, como vuestra merced dice, sino hombres de -carne y hueso como nosotros; y todos, según los oí nombrar cuando me -volteaban, tenían sus nombres: que el uno se llamaba Pedro Martínez, y el -otro Tenorio Hernández, y el ventero oí que se llamaba Juan Palomeque el -Zurdo. Así que, señor, el no poder saltar las bardas del corral, ni apearse -del caballo, en ál estuvo que en encantamentos. Y lo que yo saco en limpio -de todo esto es que estas aventuras que andamos buscando, al cabo al cabo, -nos han de traer a tantas desventuras que no sepamos cuál es nuestro pie -derecho. Y lo que sería mejor y más acertado, según mi poco entendimiento, -fuera el volvernos a nuestro lugar, ahora que es tiempo de la siega y de -entender en la hacienda, dejándonos de andar de Ceca en Meca y de zoca en -colodra, como dicen. - -— ¡Qué poco sabes, Sancho —respondió don Quijote—, de achaque de caballería! -Calla y ten paciencia, que día vendrá donde veas por vista de ojos cuán -honrosa cosa es andar en este ejercicio. Si no, dime: ¿qué mayor contento -puede haber en el mundo, o qué gusto puede igualarse al de vencer una -batalla y al de triunfar de su enemigo? Ninguno, sin duda alguna. - -— Así debe de ser —respondió Sancho—, puesto que yo no lo sé; sólo sé que, -después que somos caballeros andantes, o vuestra merced lo es (que yo no -hay para qué me cuente en tan honroso número), jamás hemos vencido batalla -alguna, si no fue la del vizcaíno, y aun de aquélla salió vuestra merced -con media oreja y media celada menos; que, después acá, todo ha sido palos -y más palos, puñadas y más puñadas, llevando yo de ventaja el manteamiento -y haberme sucedido por personas encantadas, de quien no puedo vengarme, -para saber hasta dónde llega el gusto del vencimiento del enemigo, como -vuestra merced dice. - -— Ésa es la pena que yo tengo y la que tú debes tener, Sancho —respondió don -Quijote—; pero, de aquí adelante, yo procuraré haber a las manos alguna -espada hecha por tal maestría, que al que la trujere consigo no le puedan -hacer ningún género de encantamentos; y aun podría ser que me deparase la -ventura aquella de Amadís, cuando se llamaba el Caballero de la Ardiente -Espada, que fue una de las mejores espadas que tuvo caballero en el mundo, -porque, fuera que tenía la virtud dicha, cortaba como una navaja, y no -había armadura, por fuerte y encantada que fuese, que se le parase delante. -— Yo soy tan venturoso —dijo Sancho— que, cuando eso fuese y vuestra merced -viniese a hallar espada semejante, sólo vendría a servir y aprovechar a los -armados caballeros, como el bálsamo; y los escuderos, que se los papen -duelos. - -— No temas eso, Sancho —dijo don Quijote—, que mejor lo hará el cielo -contigo. - -Es estos coloquios iban don Quijote y su escudero, cuando vio don Quijote -que por el camino que iban venía hacia ellos una grande y espesa polvareda; -y, en viéndola, se volvió a Sancho y le dijo: - -— Éste es el día, ¡oh Sancho!, en el cual se ha de ver el bien que me tiene -guardado mi suerte; éste es el día, digo, en que se ha de mostrar, tanto -como en otro alguno, el valor de mi brazo, y en el que tengo de hacer obras -que queden escritas en el libro de la Fama por todos los venideros siglos. -¿Ves aquella polvareda que allí se levanta, Sancho? Pues toda es cuajada de -un copiosísimo ejército que de diversas e innumerables gentes por allí -viene marchando. - -— A esa cuenta, dos deben de ser —dijo Sancho—, porque desta parte contraria -se levanta asimesmo otra semejante polvareda. - -Volvió a mirarlo don Quijote, y vio que así era la verdad; y, alegrándose -sobremanera, pensó, sin duda alguna, que eran dos ejércitos que venían a -embestirse y a encontrarse en mitad de aquella espaciosa llanura; porque -tenía a todas horas y momentos llena la fantasía de aquellas batallas, -encantamentos, sucesos, desatinos, amores, desafíos, que en los libros de -caballerías se cuentan, y todo cuanto hablaba, pensaba o hacía era -encaminado a cosas semejantes. Y la polvareda que había visto la levantaban -dos grandes manadas de ovejas y carneros que, por aquel mesmo camino, de -dos diferentes partes venían, las cuales, con el polvo, no se echaron de -ver hasta que llegaron cerca. Y con tanto ahínco afirmaba don Quijote que -eran ejércitos, que Sancho lo vino a creer y a decirle: - -— Señor, ¿pues qué hemos de hacer nosotros? - -— ¿Qué? —dijo don Quijote—: favorecer y ayudar a los menesterosos y -desvalidos. Y has de saber, Sancho, que este que viene por nuestra frente -le conduce y guía el grande emperador Alifanfarón, señor de la grande isla -Trapobana; este otro que a mis espaldas marcha es el de su enemigo, el rey -de los garamantas, Pentapolén del Arremangado Brazo, porque siempre entra -en las batallas con el brazo derecho desnudo. - -— Pues, ¿por qué se quieren tan mal estos dos señores? —preguntó Sancho. -— Quierénse mal —respondió don Quijote— porque este Alefanfarón es un -foribundo pagano y está enamorado de la hija de Pentapolín, que es una muy -fermosa y además agraciada señora, y es cristiana, y su padre no se la -quiere entregar al rey pagano si no deja primero la ley de su falso profeta -Mahoma y se vuelve a la suya. - -— ¡Para mis barbas —dijo Sancho—, si no hace muy bien Pentapolín, y que le -tengo de ayudar en cuanto pudiere! - -— En eso harás lo que debes, Sancho —dijo don Quijote—, porque, para entrar -en batallas semejantes, no se requiere ser armado caballero. - -— Bien se me alcanza eso —respondió Sancho—, pero, ¿dónde pondremos a este -asno que estemos ciertos de hallarle después de pasada la refriega? Porque -el entrar en ella en semejante caballería no creo que está en uso hasta -agora. - -— Así es verdad —dijo don Quijote—. Lo que puedes hacer dél es dejarle a sus -aventuras, ora se pierda o no, porque serán tantos los caballos que -tendremos, después que salgamos vencedores, que aun corre peligro Rocinante -no le trueque por otro. Pero estáme atento y mira, que te quiero dar cuenta -de los caballeros más principales que en estos dos ejércitos vienen. Y, -para que mejor los veas y notes, retirémonos a aquel altillo que allí se -hace, de donde se deben de descubrir los dos ejércitos. - -Hiciéronlo ansí, y pusierónse sobre una loma, desde la cual se vieran bien -las dos manadas que a don Quijote se le hicieron ejército, si las nubes del -polvo que levantaban no les turbara y cegara la vista; pero, con todo esto, -viendo en su imaginación lo que no veía ni había, con voz levantada comenzó -a decir: - -— Aquel caballero que allí ves de las armas jaldes, que trae en el escudo un -león coronado, rendido a los pies de una doncella, es el valeroso -Laurcalco, señor de la Puente de Plata; el otro de las armas de las flores -de oro, que trae en el escudo tres coronas de plata en campo azul, es el -temido Micocolembo, gran duque de Quirocia; el otro de los miembros -giganteos, que está a su derecha mano, es el nunca medroso Brandabarbarán -de Boliche, señor de las tres Arabias, que viene armado de aquel cuero de -serpiente, y tiene por escudo una puerta que, según es fama, es una de las -del templo que derribó Sansón, cuando con su muerte se vengó de sus -enemigos. Pero vuelve los ojos a estotra parte y verás delante y en la -frente destotro ejército al siempre vencedor y jamás vencido Timonel de -Carcajona, príncipe de la Nueva Vizcaya, que viene armado con las armas -partidas a cuarteles, azules, verdes, blancas y amarillas, y trae en el -escudo un gato de oro en campo leonado, con una letra que dice: Miau, que -es el principio del nombre de su dama, que, según se dice, es la sin par -Miulina, hija del duque Alfeñiquén del Algarbe; el otro, que carga y oprime -los lomos de aquella poderosa alfana, que trae las armas como nieve blancas -y el escudo blanco y sin empresa alguna, es un caballero novel, de nación -francés, llamado Pierres Papín, señor de las baronías de Utrique; el otro, -que bate las ijadas con los herrados carcaños a aquella pintada y ligera -cebra, y trae las armas de los veros azules, es el poderoso duque de -Nerbia, Espartafilardo del Bosque, que trae por empresa en el escudo una -esparraguera, con una letra en castellano que dice así: Rastrea mi suerte. -Y desta manera fue nombrando muchos caballeros del uno y del otro -escuadrón, que él se imaginaba, y a todos les dio sus armas, colores, -empresas y motes de improviso, llevado de la imaginación de su nunca vista -locura; y, sin parar, prosiguió diciendo: - -— A este escuadrón frontero forman y hacen gentes de diversas naciones: aquí -están los que bebían las dulces aguas del famoso Janto; los montuosos que -pisan los masílicos campos; los que criban el finísimo y menudo oro en la -felice Arabia; los que gozan las famosas y frescas riberas del claro -Termodonte; los que sangran por muchas y diversas vías al dorado Pactolo; -los númidas, dudosos en sus promesas; los persas, arcos y flechas famosos; -los partos, los medos, que pelean huyendo; los árabes, de mudables casas; -los citas, tan crueles como blancos; los etiopes, de horadados labios, y -otras infinitas naciones, cuyos rostros conozco y veo, aunque de los -nombres no me acuerdo. En estotro escuadrón vienen los que beben las -corrientes cristalinas del olivífero Betis; los que tersan y pulen sus -rostros con el licor del siempre rico y dorado Tajo; los que gozan las -provechosas aguas del divino Genil; los que pisan los tartesios campos, de -pastos abundantes; los que se alegran en los elíseos jerezanos prados; los -manchegos, ricos y coronados de rubias espigas; los de hierro vestidos, -reliquias antiguas de la sangre goda; los que en Pisuerga se bañan, famoso -por la mansedumbre de su corriente; los que su ganado apacientan en las -estendidas dehesas del tortuoso Guadiana, celebrado por su escondido curso; -los que tiemblan con el frío del silvoso Pirineo y con los blancos copos -del levantado Apenino; finalmente, cuantos toda la Europa en sí contiene y -encierra. - -¡Válame Dios, y cuántas provincias dijo, cuántas naciones nombró, dándole a -cada una, con maravillosa presteza, los atributos que le pertenecían, todo -absorto y empapado en lo que había leído en sus libros mentirosos! -Estaba Sancho Panza colgado de sus palabras, sin hablar ninguna, y, de -cuando en cuando, volvía la cabeza a ver si veía los caballeros y gigantes -que su amo nombraba; y, como no descubría a ninguno, le dijo: - -— Señor, encomiendo al diablo hombre, ni gigante, ni caballero de cuantos -vuestra merced dice parece por todo esto; a lo menos, yo no los veo; quizá -todo debe ser encantamento, como las fantasmas de anoche. - -— ¿Cómo dices eso? —respondió don Quijote—. ¿No oyes el relinchar de los -caballos, el tocar de los clarines, el ruido de los atambores? - -— No oigo otra cosa —respondió Sancho— sino muchos balidos de ovejas y -carneros. - -Y así era la verdad, porque ya llegaban cerca los dos rebaños. - -— El miedo que tienes —dijo don Quijote— te hace, Sancho, que ni veas ni -oyas a derechas; porque uno de los efectos del miedo es turbar los sentidos -y hacer que las cosas no parezcan lo que son; y si es que tanto temes, -retírate a una parte y déjame solo, que solo basto a dar la victoria a la -parte a quien yo diere mi ayuda. - -Y, diciendo esto, puso las espuelas a Rocinante, y, puesta la lanza en el -ristre, bajó de la costezuela como un rayo. Diole voces Sancho, diciéndole: -— ¡Vuélvase vuestra merced, señor don Quijote, que voto a Dios que son -carneros y ovejas las que va a embestir! ¡Vuélvase, desdichado del padre -que me engendró! ¿Qué locura es ésta? Mire que no hay gigante ni caballero -alguno, ni gatos, ni armas, ni escudos partidos ni enteros, ni veros azules -ni endiablados. ¿Qué es lo que hace? ¡Pecador soy yo a Dios! - -Ni por ésas volvió don Quijote; antes, en altas voces, iba diciendo: -— ¡Ea, caballeros, los que seguís y militáis debajo de las banderas del -valeroso emperador Pentapolín del Arremangado Brazo, seguidme todos: veréis -cuán fácilmente le doy venganza de su enemigo Alefanfarón de la Trapobana! -Esto diciendo, se entró por medio del escuadrón de las ovejas, y comenzó de -alanceallas con tanto coraje y denuedo como si de veras alanceara a sus -mortales enemigos. Los pastores y ganaderos que con la manada venían -dábanle voces que no hiciese aquello; pero, viendo que no aprovechaban, -desciñéronse las hondas y comenzaron a saludalle los oídos con piedras como -el puño. Don Quijote no se curaba de las piedras; antes, discurriendo a -todas partes, decía: - -— ¿Adónde estás, soberbio Alifanfuón? Vente a mí; que un caballero solo soy, -que desea, de solo a solo, probar tus fuerzas y quitarte la vida, en pena -de la que das al valeroso Pentapolín Garamanta. - -Llegó en esto una peladilla de arroyo, y, dándole en un lado, le sepultó -dos costillas en el cuerpo. Viéndose tan maltrecho, creyó sin duda que -estaba muerto o malferido, y, acordándose de su licor, sacó su alcuza y -púsosela a la boca, y comenzó a echar licor en el estómago; mas, antes que -acabase de envasar lo que a él le parecía que era bastante, llegó otra -almendra y diole en la mano y en el alcuza tan de lleno que se la hizo -pedazos, llevándole de camino tres o cuatro dientes y muelas de la boca, y -machucándole malamente dos dedos de la mano. - -Tal fue el golpe primero, y tal el segundo, que le fue forzoso al pobre -caballero dar consigo del caballo abajo. Llegáronse a él los pastores y -creyeron que le habían muerto; y así, con mucha priesa, recogieron su -ganado, y cargaron de las reses muertas, que pasaban de siete, y, sin -averiguar otra cosa, se fueron. - -Estábase todo este tiempo Sancho sobre la cuesta, mirando las locuras que -su amo hacía, y arrancábase las barbas, maldiciendo la hora y el punto en -que la fortuna se le había dado a conocer. Viéndole, pues, caído en el -suelo, y que ya los pastores se habían ido, bajó de la cuesta y llegóse a -él, y hallóle de muy mal arte, aunque no había perdido el sentido, y -díjole: - -— ¿No le decía yo, señor don Quijote, que se volviese, que los que iba a -acometer no eran ejércitos, sino manadas de carneros? - -— Como eso puede desparecer y contrahacer aquel ladrón del sabio mi enemigo. -Sábete, Sancho, que es muy fácil cosa a los tales hacernos parecer lo que -quieren, y este maligno que me persigue, envidioso de la gloria que vio que -yo había de alcanzar desta batalla, ha vuelto los escuadrones de enemigos -en manadas de ovejas. Si no, haz una cosa, Sancho, por mi vida, porque te -desengañes y veas ser verdad lo que te digo: sube en tu asno y síguelos -bonitamente, y verás cómo, en alejándose de aquí algún poco, se vuelven en -su ser primero, y, dejando de ser carneros, son hombres hechos y derechos, -como yo te los pinté primero... Pero no vayas agora, que he menester tu -favor y ayuda; llégate a mí y mira cuántas muelas y dientes me faltan, que -me parece que no me ha quedado ninguno en la boca. - -Llegóse Sancho tan cerca que casi le metía los ojos en la boca, y fue a -tiempo que ya había obrado el bálsamo en el estómago de don Quijote; y, al -tiempo que Sancho llegó a mirarle la boca, arrojó de sí, más recio que una -escopeta, cuanto dentro tenía, y dio con todo ello en las barbas del -compasivo escudero. - -— ¡Santa María! —dijo Sancho—, ¿y qué es esto que me ha sucedido? Sin duda, -este pecador está herido de muerte, pues vomita sangre por la boca. -Pero, reparando un poco más en ello, echó de ver en la color, sabor y olor, -que no era sangre, sino el bálsamo de la alcuza que él le había visto -beber; y fue tanto el asco que tomó que, revolviéndosele el estómago, -vomitó las tripas sobre su mismo señor, y quedaron entrambos como de -perlas. Acudió Sancho a su asno para sacar de las alforjas con qué -limpiarse y con qué curar a su amo; y, como no las halló, estuvo a punto de -perder el juicio. Maldíjose de nuevo, y propuso en su corazón de dejar a su -amo y volverse a su tierra, aunque perdiese el salario de lo servido y las -esperanzas del gobierno de la prometida ínsula. - -Levantóse en esto don Quijote, y, puesta la mano izquierda en la boca, -porque no se le acabasen de salir los dientes, asió con la otra las riendas -de Rocinante, que nunca se había movido de junto a su amo —tal era de leal -y bien acondicionado—, y fuese adonde su escudero estaba, de pechos sobre -su asno, con la mano en la mejilla, en guisa de hombre pensativo además. Y, -viéndole don Quijote de aquella manera, con muestras de tanta tristeza, le -dijo: - -— Sábete, Sancho, que no es un hombre más que otro si no hace más que otro. -Todas estas borrascas que nos suceden son señales de que presto ha de -serenar el tiempo y han de sucedernos bien las cosas; porque no es posible -que el mal ni el bien sean durables, y de aquí se sigue que, habiendo -durado mucho el mal, el bien está ya cerca. Así que, no debes congojarte -por las desgracias que a mí me suceden, pues a ti no te cabe parte dellas. -— ¿Cómo no? —respondió Sancho—. Por ventura, el que ayer mantearon, ¿era -otro que el hijo de mi padre? Y las alforjas que hoy me faltan, con todas -mis alhajas, ¿son de otro que del mismo? - -— ¿Que te faltan las alforjas, Sancho? —dijo don Quijote. - -— Sí que me faltan —respondió Sancho. - -— Dese modo, no tenemos qué comer hoy —replicó don Quijote. - -— Eso fuera —respondió Sancho— cuando faltaran por estos prados las yerbas -que vuestra merced dice que conoce, con que suelen suplir semejantes faltas -los tan malaventurados andantes caballeros como vuestra merced es. -— Con todo eso —respondió don Quijote—, tomara yo ahora más aína un cuartal -de pan, o una hogaza y dos cabezas de sardinas arenques, que cuantas yerbas -describe Dioscórides, aunque fuera el ilustrado por el doctor Laguna. Mas, -con todo esto, sube en tu jumento, Sancho el bueno, y vente tras mí; que -Dios, que es proveedor de todas las cosas, no nos ha de faltar, y más -andando tan en su servicio como andamos, pues no falta a los mosquitos del -aire, ni a los gusanillos de la tierra, ni a los renacuajos del agua; y es -tan piadoso que hace salir su sol sobre los buenos y los malos, y llueve -sobre los injustos y justos. - -— Más bueno era vuestra merced —dijo Sancho— para predicador que para -caballero andante. - -— De todo sabían y han de saber los caballeros andantes, Sancho —dijo don -Quijote—, porque caballero andante hubo en los pasados siglos que así se -paraba a hacer un sermón o plática, en mitad de un campo real, como si -fuera graduado por la Universidad de París; de donde se infiere que nunca -la lanza embotó la pluma, ni la pluma la lanza. - -— Ahora bien, sea así como vuestra merced dice —respondió Sancho—, vamos -ahora de aquí, y procuremos donde alojar esta noche, y quiera Dios que sea -en parte donde no haya mantas, ni manteadores, ni fantasmas, ni moros -encantados; que si los hay, daré al diablo el hato y el garabato. -— Pídeselo tú a Dios, hijo —dijo don Quijote—, y guía tú por donde -quisieres, que esta vez quiero dejar a tu eleción el alojarnos. Pero dame -acá la mano y atiéntame con el dedo, y mira bien cuántos dientes y muelas -me faltan deste lado derecho de la quijada alta, que allí siento el dolor. -Metió Sancho los dedos, y, estándole tentando, le dijo: - -— ¿Cuántas muelas solía vuestra merced tener en esta parte? - -— Cuatro —respondió don Quijote—, fuera de la cordal, todas enteras y muy -sanas. - -— Mire vuestra merced bien lo que dice, señor —respondió Sancho. - -— Digo cuatro, si no eran cinco —respondió don Quijote—, porque en toda mi -vida me han sacado diente ni muela de la boca, ni se me ha caído ni comido -de neguijón ni de reuma alguna. - -— Pues en esta parte de abajo —dijo Sancho— no tiene vuestra merced más de -dos muelas y media, y en la de arriba, ni media ni ninguna, que toda está -rasa como la palma de la mano. - -— ¡Sin ventura yo! —dijo don Quijote, oyendo las tristes nuevas que su -escudero le daba—, que más quisiera que me hubieran derribado un brazo, -como no fuera el de la espada; porque te hago saber, Sancho, que la boca -sin muelas es como molino sin piedra, y en mucho más se ha de estimar un -diente que un diamante. Mas a todo esto estamos sujetos los que profesamos -la estrecha orden de la caballería. Sube, amigo, y guía, que yo te seguiré -al paso que quisieres. - -Hízolo así Sancho, y encaminóse hacia donde le pareció que podía hallar -acogimiento, sin salir del camino real, que por allí iba muy seguido. -Yéndose, pues, poco a poco, porque el dolor de las quijadas de don Quijote -no le dejaba sosegar ni atender a darse priesa, quiso Sancho entretenelle y -divertille diciéndole alguna cosa; y, entre otras que le dijo, fue lo que -se dirá en el siguiente capítulo. - - - - -Capítulo XIX. De las discretas razones que Sancho pasaba con su amo, y de -la aventura que le sucedió con un cuerpo muerto, con otros acontecimientos -famosos - -— Paréceme, señor mío, que todas estas desventuras que estos días nos han -sucedido, sin duda alguna han sido pena del pecado cometido por vuestra -merced contra la orden de su caballería, no habiendo cumplido el juramento -que hizo de no comer pan a manteles ni con la reina folgar, con todo -aquello que a esto se sigue y vuestra merced juró de cumplir, hasta quitar -aquel almete de Malandrino, o como se llama el moro, que no me acuerdo -bien. - -— Tienes mucha razón, Sancho —dijo don Quijote—; mas, para decirte verdad, -ello se me había pasado de la memoria; y también puedes tener por cierto -que por la culpa de no habérmelo tú acordado en tiempo te sucedió aquello -de la manta; pero yo haré la enmienda, que modos hay de composición en la -orden de la caballería para todo. - -— Pues, ¿juré yo algo, por dicha? —respondió Sancho. - -— No importa que no hayas jurado —dijo don Quijote—: basta que yo entiendo -que de participantes no estás muy seguro, y, por sí o por no, no será malo -proveernos de remedio. - -— Pues si ello es así —dijo Sancho—, mire vuestra merced no se le torne a -olvidar esto, como lo del juramento; quizá les volverá la gana a las -fantasmas de solazarse otra vez conmigo, y aun con vuestra merced si le ven -tan pertinaz. - -En estas y otras pláticas les tomó la noche en mitad del camino, sin tener -ni descubrir donde aquella noche se recogiesen; y lo que no había de bueno -en ello era que perecían de hambre; que, con la falta de las alforjas, les -faltó toda la despensa y matalotaje. Y, para acabar de confirmar esta -desgracia, les sucedió una aventura que, sin artificio alguno, -verdaderamente lo parecía. Y fue que la noche cerró con alguna escuridad; -pero, con todo esto, caminaban, creyendo Sancho que, pues aquel camino era -real, a una o dos leguas, de buena razón, hallaría en él alguna venta. -Yendo, pues, desta manera, la noche escura, el escudero hambriento y el amo -con gana de comer, vieron que por el mesmo camino que iban venían hacia -ellos gran multitud de lumbres, que no parecían sino estrellas que se -movían. Pasmóse Sancho en viéndolas, y don Quijote no las tuvo todas -consigo; tiró el uno del cabestro a su asno, y el otro de las riendas a su -rocino, y estuvieron quedos, mirando atentamente lo que podía ser aquello, -y vieron que las lumbres se iban acercando a ellos, y mientras más se -llegaban, mayores parecían; a cuya vista Sancho comenzó a temblar como un -azogado, y los cabellos de la cabeza se le erizaron a don Quijote; el cual, -animándose un poco, dijo: - -— Ésta, sin duda, Sancho, debe de ser grandísima y peligrosísima aventura, -donde será necesario que yo muestre todo mi valor y esfuerzo. -— ¡Desdichado de mí! —respondió Sancho—; si acaso esta aventura fuese de -fantasmas, como me lo va pareciendo, ¿adónde habrá costillas que la sufran? -— Por más fantasmas que sean —dijo don Quijote—, no consentiré yo que te -toque en el pelo de la ropa; que si la otra vez se burlaron contigo, fue -porque no pude yo saltar las paredes del corral, pero ahora estamos en -campo raso, donde podré yo como quisiere esgremir mi espada. - -— Y si le encantan y entomecen, como la otra vez lo hicieron —dijo Sancho—, -¿qué aprovechará estar en campo abierto o no? - -— Con todo eso —replicó don Quijote—, te ruego, Sancho, que tengas buen -ánimo, que la experiencia te dará a entender el que yo tengo. - -— Sí tendré, si a Dios place —respondió Sancho. - -Y, apartándose los dos a un lado del camino, tornaron a mirar atentamente -lo que aquello de aquellas lumbres que caminaban podía ser; y de allí a muy -poco descubrieron muchos encamisados, cuya temerosa visión de todo punto -remató el ánimo de Sancho Panza, el cual comenzó a dar diente con diente, -como quien tiene frío de cuartana; y creció más el batir y dentellear -cuando distintamente vieron lo que era, porque descubrieron hasta veinte -encamisados, todos a caballo, con sus hachas encendidas en las manos; -detrás de los cuales venía una litera cubierta de luto, a la cual seguían -otros seis de a caballo, enlutados hasta los pies de las mulas; que bien -vieron que no eran caballos en el sosiego con que caminaban. Iban los -encamisados murmurando entre sí, con una voz baja y compasiva. Esta estraña -visión, a tales horas y en tal despoblado, bien bastaba para poner miedo en -el corazón de Sancho, y aun en el de su amo; y así fuera en cuanto a don -Quijote, que ya Sancho había dado al través con todo su esfuerzo. Lo -contrario le avino a su amo, al cual en aquel punto se le representó en su -imaginación al vivo que aquélla era una de las aventuras de sus libros. -Figurósele que la litera eran andas donde debía de ir algún mal ferido o -muerto caballero, cuya venganza a él solo estaba reservada; y, sin hacer -otro discurso, enristró su lanzón, púsose bien en la silla, y con gentil -brío y continente se puso en la mitad del camino por donde los encamisados -forzosamente habían de pasar, y cuando los vio cerca alzó la voz y dijo: -— Deteneos, caballeros, o quienquiera que seáis, y dadme cuenta de quién -sois, de dónde venís, adónde vais, qué es lo que en aquellas andas lleváis; -que, según las muestras, o vosotros habéis fecho, o vos han fecho, algún -desaguisado, y conviene y es menester que yo lo sepa, o bien para -castigaros del mal que fecistes, o bien para vengaros del tuerto que vos -ficieron. - -— Vamos de priesa —respondió uno de los encamisados— y está la venta lejos, -y no nos podemos detener a dar tanta cuenta como pedís. - -Y, picando la mula, pasó adelante. Sintióse desta respuesta grandemente don -Quijote, y, trabando del freno, dijo: - -— Deteneos y sed más bien criado, y dadme cuenta de lo que os he preguntado; -si no, conmigo sois todos en batalla. - -Era la mula asombradiza, y al tomarla del freno se espantó de manera que, -alzándose en los pies, dio con su dueño por las ancas en el suelo. Un mozo -que iba a pie, viendo caer al encamisado, comenzó a denostar a don Quijote, -el cual, ya encolerizado, sin esperar más, enristrando su lanzón, arremetió -a uno de los enlutados, y, mal ferido, dio con él en tierra; y, -revolviéndose por los demás, era cosa de ver con la presteza que los -acometía y desbarataba; que no parecía sino que en aquel instante le habían -nacido alas a Rocinante, según andaba de ligero y orgulloso. - -Todos los encamisados era gente medrosa y sin armas, y así, con facilidad, -en un momento dejaron la refriega y comenzaron a correr por aquel campo con -las hachas encendidas, que no parecían sino a los de las máscaras que en -noche de regocijo y fiesta corren. Los enlutados, asimesmo, revueltos y -envueltos en sus faldamentos y lobas, no se podían mover; así que, muy a su -salvo, don Quijote los apaleó a todos y les hizo dejar el sitio mal de su -grado, porque todos pensaron que aquél no era hombre, sino diablo del -infierno que les salía a quitar el cuerpo muerto que en la litera llevaban. -Todo lo miraba Sancho, admirado del ardimiento de su señor, y decía entre -sí: - -— Sin duda este mi amo es tan valiente y esforzado como él dice. - -Estaba una hacha ardiendo en el suelo, junto al primero que derribó la -mula, a cuya luz le pudo ver don Quijote; y, llegándose a él, le puso la -punta del lanzón en el rostro, diciéndole que se rindiese; si no, que le -mataría. A lo cual respondió el caído: - -— Harto rendido estoy, pues no me puedo mover, que tengo una pierna -quebrada; suplico a vuestra merced, si es caballero cristiano, que no me -mate; que cometerá un gran sacrilegio, que soy licenciado y tengo las -primeras órdenes. - -— Pues, ¿quién diablos os ha traído aquí —dijo don Quijote—, siendo hombre -de Iglesia? - -— ¿Quién, señor? —replicó el caído—: mi desventura. - -— Pues otra mayor os amenaza —dijo don Quijote—, si no me satisfacéis a todo -cuanto primero os pregunté. - -— Con facilidad será vuestra merced satisfecho —respondió el licenciado—; y -así, sabrá vuestra merced que, aunque denantes dije que yo era licenciado, -no soy sino bachiller, y llámome Alonso López; soy natural de Alcobendas; -vengo de la ciudad de Baeza con otros once sacerdotes, que son los que -huyeron con las hachas; vamos a la ciudad de Segovia acompañando un cuerpo -muerto, que va en aquella litera, que es de un caballero que murió en -Baeza, donde fue depositado; y ahora, como digo, llevábamos sus huesos a su -sepultura, que está en Segovia, de donde es natural. - -— ¿Y quién le mató? —preguntó don Quijote. - -— Dios, por medio de unas calenturas pestilentes que le dieron —respondió el -bachiller. - -— Desa suerte —dijo don Quijote—, quitado me ha Nuestro Señor del trabajo -que había de tomar en vengar su muerte si otro alguno le hubiera muerto; -pero, habiéndole muerto quien le mató, no hay sino callar y encoger los -hombros, porque lo mesmo hiciera si a mí mismo me matara. Y quiero que sepa -vuestra reverencia que yo soy un caballero de la Mancha, llamado don -Quijote, y es mi oficio y ejercicio andar por el mundo enderezando tuertos -y desfaciendo agravios. - -— No sé cómo pueda ser eso de enderezar tuertos —dijo el bachiller—, pues a -mí de derecho me habéis vuelto tuerto, dejándome una pierna quebrada, la -cual no se verá derecha en todos los días de su vida; y el agravio que en -mí habéis deshecho ha sido dejarme agraviado de manera que me quedaré -agraviado para siempre; y harta desventura ha sido topar con vos, que vais -buscando aventuras. - -— No todas las cosas —respondió don Quijote— suceden de un mismo modo. El -daño estuvo, señor bachiller Alonso López, en venir, como veníades, de -noche, vestidos con aquellas sobrepellices, con las hachas encendidas, -rezando, cubiertos de luto, que propiamente semejábades cosa mala y del -otro mundo; y así, yo no pude dejar de cumplir con mi obligación -acometiéndoos, y os acometiera aunque verdaderamente supiera que érades los -memos satanases del infierno, que por tales os juzgué y tuve siempre. -— Ya que así lo ha querido mi suerte —dijo el bachiller—, suplico a vuestra -merced, señor caballero andante (que tan mala andanza me ha dado), me ayude -a salir de debajo desta mula, que me tiene tomada una pierna entre el -estribo y la silla. - -— ¡Hablara yo para mañana! —dijo don Quijote—. Y ¿hasta cuándo aguardábades -a decirme vuestro afán? - -Dio luego voces a Sancho Panza que viniese; pero él no se curó de venir, -porque andaba ocupado desvalijando una acémila de repuesto que traían -aquellos buenos señores, bien bastecida de cosas de comer. Hizo Sancho -costal de su gabán, y, recogiendo todo lo que pudo y cupo en el talego, -cargó su jumento, y luego acudió a las voces de su amo y ayudó a sacar al -señor bachiller de la opresión de la mula; y, poniéndole encima della, le -dio la hacha, y don Quijote le dijo que siguiese la derrota de sus -compañeros, a quien de su parte pidiese perdón del agravio, que no había -sido en su mano dejar de haberle hecho. Díjole también Sancho: - -— Si acaso quisieren saber esos señores quién ha sido el valeroso que tales -los puso, diráles vuestra merced que es el famoso don Quijote de la Mancha, -que por otro nombre se llama el Caballero de la Triste Figura. - -Con esto, se fue el bachiller; y don Quijote preguntó a Sancho que qué le -había movido a llamarle el Caballero de la Triste Figura, más entonces que -nunca. - -— Yo se lo diré —respondió Sancho—: porque le he estado mirando un rato a la -luz de aquella hacha que lleva aquel malandante, y verdaderamente tiene -vuestra merced la más mala figura, de poco acá, que jamás he visto; y -débelo de haber causado, o ya el cansancio deste combate, o ya la falta de -las muelas y dientes. - -— No es eso —respondió don Quijote—, sino que el sabio, a cuyo cargo debe de -estar el escribir la historia de mis hazañas, le habrá parecido que será -bien que yo tome algún nombre apelativo, como lo tomaban todos los -caballeros pasados: cuál se llamaba el de la Ardiente Espada; cuál, el del -Unicornio; aquel, de las Doncellas; aquéste, el del Ave Fénix; el otro, el -Caballero del Grifo; estotro, el de la Muerte; y por estos nombres e -insignias eran conocidos por toda la redondez de la tierra. Y así, digo que -el sabio ya dicho te habrá puesto en la lengua y en el pensamiento ahora -que me llamases el Caballero de la Triste Figura, como pienso llamarme -desde hoy en adelante; y, para que mejor me cuadre tal nombre, determino de -hacer pintar, cuando haya lugar, en mi escudo una muy triste figura. -— No hay para qué gastar tiempo y dineros en hacer esa figura —dijo Sancho—, -sino lo que se ha de hacer es que vuestra merced descubra la suya y dé -rostro a los que le miraren; que, sin más ni más, y sin otra imagen ni -escudo, le llamarán el de la Triste Figura; y créame que le digo verdad, -porque le prometo a vuestra merced, señor, y esto sea dicho en burlas, que -le hace tan mala cara la hambre y la falta de las muelas, que, como ya -tengo dicho, se podrá muy bien escusar la triste pintura. - -Rióse don Quijote del donaire de Sancho, pero, con todo, propuso de -llamarse de aquel nombre en pudiendo pintar su escudo, o rodela, como había -imaginado. - -En esto volvió el bachiller y le dijo a don Quijote: - -— Olvidábaseme de decir que advierta vuestra merced que queda descomulgado -por haber puesto las manos violentamente en cosa sagrada: juxta illud: Si -quis suadente diabolo, etc. - -— No entiendo ese latín —respondió don Quijote—, mas yo sé bien que no puse -las manos, sino este lanzón; cuanto más, que yo no pensé que ofendía a -sacerdotes ni a cosas de la Iglesia, a quien respeto y adoro como católico -y fiel cristiano que soy, sino a fantasmas y a vestiglos del otro mundo; y, -cuando eso así fuese, en la memoria tengo lo que le pasó al Cid Ruy Díaz, -cuando quebró la silla del embajador de aquel rey delante de Su Santidad -del Papa, por lo cual lo descomulgó, y anduvo aquel día el buen Rodrigo de -Vivar como muy honrado y valiente caballero. - -En oyendo esto el bachiller, se fue, como queda dicho, sin replicarle -palabra. Quisiera don Quijote mirar si el cuerpo que venía en la litera -eran huesos o no, pero no lo consintió Sancho, diciéndole: - -— Señor, vuestra merced ha acabado esta peligrosa aventura lo más a su salvo -de todas las que yo he visto; esta gente, aunque vencida y desbaratada, -podría ser que cayese en la cuenta de que los venció sola una persona, y, -corridos y avergonzados desto, volviesen a rehacerse y a buscarnos, y nos -diesen en qué entender. El jumento está como conviene, la montaña cerca, la -hambre carga, no hay que hacer sino retirarnos con gentil compás de pies, -y, como dicen, váyase el muerto a la sepultura y el vivo a la hogaza. -Y, antecogiendo su asno, rogó a su señor que le siguiese; el cual, -pareciéndole que Sancho tenía razón, sin volverle a replicar, le siguió. Y, -a poco trecho que caminaban por entre dos montañuelas, se hallaron en un -espacioso y escondido valle, donde se apearon; y Sancho alivió el jumento, -y, tendidos sobre la verde yerba, con la salsa de su hambre, almorzaron, -comieron, merendaron y cenaron a un mesmo punto, satisfaciendo sus -estómagos con más de una fiambrera que los señores clérigos del difunto -— que pocas veces se dejan mal pasar— en la acémila de su repuesto traían. -Mas sucedióles otra desgracia, que Sancho la tuvo por la peor de todas, y -fue que no tenían vino que beber, ni aun agua que llegar a la boca; y, -acosados de la sed, dijo Sancho, viendo que el prado donde estaban estaba -colmado de verde y menuda yerba, lo que se dirá en el siguiente capítulo. - - - - -Capítulo XX. De la jamás vista ni oída aventura que con más poco peligro -fue acabada de famoso caballero en el mundo, como la que acabó el valeroso -don Quijote de la Mancha - -— No es posible, señor mío, sino que estas yerbas dan testimonio de que por -aquí cerca debe de estar alguna fuente o arroyo que estas yerbas humedece; -y así, será bien que vamos un poco más adelante, que ya toparemos donde -podamos mitigar esta terrible sed que nos fatiga, que, sin duda, causa -mayor pena que la hambre. - -Parecióle bien el consejo a don Quijote, y, tomando de la rienda a -Rocinante, y Sancho del cabestro a su asno, después de haber puesto sobre -él los relieves que de la cena quedaron, comenzaron a caminar por el prado -arriba a tiento, porque la escuridad de la noche no les dejaba ver cosa -alguna; mas, no hubieron andado docientos pasos, cuando llegó a sus oídos -un grande ruido de agua, como que de algunos grandes y levantados riscos se -despeñaba. Alegróles el ruido en gran manera, y, parándose a escuchar hacia -qué parte sonaba, oyeron a deshora otro estruendo que les aguó el contento -del agua, especialmente a Sancho, que naturalmente era medroso y de poco -ánimo. Digo que oyeron que daban unos golpes a compás, con un cierto crujir -de hierros y cadenas, que, acompañados del furioso estruendo del agua, que -pusieran pavor a cualquier otro corazón que no fuera el de don Quijote. -Era la noche, como se ha dicho, escura, y ellos acertaron a entrar entre -unos árboles altos, cuyas hojas, movidas del blando viento, hacían un -temeroso y manso ruido; de manera que la soledad, el sitio, la escuridad, -el ruido del agua con el susurro de las hojas, todo causaba horror y -espanto, y más cuando vieron que ni los golpes cesaban, ni el viento -dormía, ni la mañana llegaba; añadiéndose a todo esto el ignorar el lugar -donde se hallaban. Pero don Quijote, acompañado de su intrépido corazón, -saltó sobre Rocinante, y, embrazando su rodela, terció su lanzón y dijo: -— Sancho amigo, has de saber que yo nací, por querer del cielo, en esta -nuestra edad de hierro, para resucitar en ella la de oro, o la dorada, como -suele llamarse. Yo soy aquél para quien están guardados los peligros, las -grandes hazañas, los valerosos hechos. Yo soy, digo otra vez, quien ha de -resucitar los de la Tabla Redonda, los Doce de Francia y los Nueve de la -Fama, y el que ha de poner en olvido los Platires, los Tablantes, Olivantes -y Tirantes, los Febos y Belianises, con toda la caterva de los famosos -caballeros andantes del pasado tiempo, haciendo en este en que me hallo -tales grandezas, estrañezas y fechos de armas, que escurezcan las más -claras que ellos ficieron. Bien notas, escudero fiel y legal, las tinieblas -desta noche, su estraño silencio, el sordo y confuso estruendo destos -árboles, el temeroso ruido de aquella agua en cuya busca venimos, que -parece que se despeña y derrumba desde los altos montes de la luna, y -aquel incesable golpear que nos hiere y lastima los oídos; las cuales -cosas, todas juntas y cada una por sí, son bastantes a infundir miedo, -temor y espanto en el pecho del mesmo Marte, cuanto más en aquel que no -está acostumbrado a semejantes acontecimientos y aventuras. Pues todo esto -que yo te pinto son incentivos y despertadores de mi ánimo, que ya hace que -el corazón me reviente en el pecho, con el deseo que tiene de acometer esta -aventura, por más dificultosa que se muestra. Así que, aprieta un poco las -cinchas a Rocinante y quédate a Dios, y espérame aquí hasta tres días no -más, en los cuales, si no volviere, puedes tú volverte a nuestra aldea, y -desde allí, por hacerme merced y buena obra, irás al Toboso, donde dirás a -la incomparable señora mía Dulcinea que su cautivo caballero murió por -acometer cosas que le hiciesen digno de poder llamarse suyo. - -Cuando Sancho oyó las palabras de su amo, comenzó a llorar con la mayor -ternura del mundo y a decille: - -— Señor, yo no sé por qué quiere vuestra merced acometer esta tan temerosa -aventura: ahora es de noche, aquí no nos vee nadie, bien podemos torcer el -camino y desviarnos del peligro, aunque no bebamos en tres días; y, pues no -hay quien nos vea, menos habrá quien nos note de cobardes; cuanto más, que -yo he oído predicar al cura de nuestro lugar, que vuestra merced bien -conoce, que quien busca el peligro perece en él; así que, no es bien tentar -a Dios acometiendo tan desaforado hecho, donde no se puede escapar sino por -milagro; y basta los que ha hecho el cielo con vuestra merced en librarle -de ser manteado, como yo lo fui, y en sacarle vencedor, libre y salvo de -entre tantos enemigos como acompañaban al difunto. Y, cuando todo esto no -mueva ni ablande ese duro corazón, muévale el pensar y creer que apenas se -habrá vuestra merced apartado de aquí, cuando yo, de miedo, dé mi ánima a -quien quisiere llevarla. Yo salí de mi tierra y dejé hijos y mujer por -venir a servir a vuestra merced, creyendo valer más y no menos; pero, como -la cudicia rompe el saco, a mí me ha rasgado mis esperanzas, pues cuando -más vivas las tenía de alcanzar aquella negra y malhadada ínsula que tantas -veces vuestra merced me ha prometido, veo que, en pago y trueco della, me -quiere ahora dejar en un lugar tan apartado del trato humano. Por un solo -Dios, señor mío, que non se me faga tal desaguisado; y ya que del todo no -quiera vuestra merced desistir de acometer este fecho, dilátelo, a lo -menos, hasta la mañana; que, a lo que a mí me muestra la ciencia que -aprendí cuando era pastor, no debe de haber desde aquí al alba tres horas, -porque la boca de la Bocina está encima de la cabeza, y hace la media noche -en la línea del brazo izquierdo. - -— ¿Cómo puedes tú, Sancho —dijo don Quijote—, ver dónde hace esa línea, ni -dónde está esa boca o ese colodrillo que dices, si hace la noche tan escura -que no parece en todo el cielo estrella alguna? - -— Así es —dijo Sancho—, pero tiene el miedo muchos ojos y vee las cosas -debajo de tierra, cuanto más encima en el cielo; puesto que, por buen -discurso, bien se puede entender que hay poco de aquí al día. - -— Falte lo que faltare —respondió don Quijote—; que no se ha de decir por -mí, ahora ni en ningún tiempo, que lágrimas y ruegos me apartaron de hacer -lo que debía a estilo de caballero; y así, te ruego, Sancho, que calles; -que Dios, que me ha puesto en corazón de acometer ahora esta tan no vista y -tan temerosa aventura, tendrá cuidado de mirar por mi salud y de consolar -tu tristeza. Lo que has de hacer es apretar bien las cinchas a Rocinante y -quedarte aquí, que yo daré la vuelta presto, o vivo o muerto. - -Viendo, pues, Sancho la última resolución de su amo y cuán poco valían con -él sus lágrimas, consejos y ruegos, determinó de aprovecharse de su -industria y hacerle esperar hasta el día, si pudiese; y así, cuando -apretaba las cinchas al caballo, bonitamente y sin ser sentido, ató con el -cabestro de su asno ambos pies a Rocinante, de manera que cuando don -Quijote se quiso partir, no pudo, porque el caballo no se podía mover sino -a saltos. Viendo Sancho Panza el buen suceso de su embuste, dijo: - -— Ea, señor, que el cielo, conmovido de mis lágrimas y plegarias, ha -ordenado que no se pueda mover Rocinante; y si vos queréis porfiar, y -espolear, y dalle, será enojar a la fortuna y dar coces, como dicen, contra -el aguijón. - -Desesperábase con esto don Quijote, y, por más que ponía las piernas al -caballo, menos le podía mover; y, sin caer en la cuenta de la ligadura, -tuvo por bien de sosegarse y esperar, o a que amaneciese, o a que Rocinante -se menease, creyendo, sin duda, que aquello venía de otra parte que de la -industria de Sancho; y así, le dijo: - -— Pues así es, Sancho, que Rocinante no puede moverse, yo soy contento de -esperar a que ría el alba, aunque yo llore lo que ella tardare en venir. -— No hay que llorar —respondió Sancho—, que yo entretendré a vuestra merced -contando cuentos desde aquí al día, si ya no es que se quiere apear y -echarse a dormir un poco sobre la verde yerba, a uso de caballeros -andantes, para hallarse más descansado cuando llegue el día y punto de -acometer esta tan desemejable aventura que le espera. - -— ¿A qué llamas apear o a qué dormir? —dijo don Quijote—. ¿Soy yo, por -ventura, de aquellos caballeros que toman reposo en los peligros? Duerme -tú, que naciste para dormir, o haz lo que quisieres, que yo haré lo que -viere que más viene con mi pretensión. - -No se enoje vuestra merced, señor mío —respondió Sancho—, que no lo dije -por tanto. - -Y, llegándose a él, puso la una mano en el arzón delantero y la otra en el -otro, de modo que quedó abrazado con el muslo izquierdo de su amo, sin -osarse apartar dél un dedo: tal era el miedo que tenía a los golpes, que -todavía alternativamente sonaban. Díjole don Quijote que contase algún -cuento para entretenerle, como se lo había prometido, a lo que Sancho dijo -que sí hiciera si le dejara el temor de lo que oía. - -— Pero, con todo eso, yo me esforzaré a decir una historia que, si la -acierto a contar y no me van a la mano, es la mejor de las historias; y -estéme vuestra merced atento, que ya comienzo. «Érase que se era, el bien -que viniere para todos sea, y el mal, para quien lo fuere a buscar...» Y -advierta vuestra merced, señor mío, que el principio que los antiguos -dieron a sus consejas no fue así comoquiera, que fue una sentencia de Catón -Zonzorino, romano, que dice: "Y el mal, para quien le fuere a buscar", que -viene aquí como anillo al dedo, para que vuestra merced se esté quedo y no -vaya a buscar el mal a ninguna parte, sino que nos volvamos por otro -camino, pues nadie nos fuerza a que sigamos éste, donde tantos miedos nos -sobresaltan. - -— Sigue tu cuento, Sancho —dijo don Quijote—, y del camino que hemos de -seguir déjame a mí el cuidado. - -— «Digo, pues —prosiguió Sancho—, que en un lugar de Estremadura había un -pastor cabrerizo (quiero decir que guardaba cabras), el cual pastor o -cabrerizo, como digo, de mi cuento, se llamaba Lope Ruiz; y este Lope Ruiz -andaba enamorado de una pastora que se llamaba Torralba, la cual pastora -llamada Torralba era hija de un ganadero rico, y este ganadero rico...» -— Si desa manera cuentas tu cuento, Sancho —dijo don Quijote—, repitiendo -dos veces lo que vas diciendo, no acabarás en dos días; dilo seguidamente y -cuéntalo como hombre de entendimiento, y si no, no digas nada. - -— De la misma manera que yo lo cuento —respondió Sancho—, se cuentan en mi -tierra todas las consejas, y yo no sé contarlo de otra, ni es bien que -vuestra merced me pida que haga usos nuevos. - -— Di como quisieres —respondió don Quijote—; que, pues la suerte quiere que -no pueda dejar de escucharte, prosigue. - -— «Así que, señor mío de mi ánima —prosiguió Sancho—, que, como ya tengo -dicho, este pastor andaba enamorado de Torralba, la pastora, que era una -moza rolliza, zahareña y tiraba algo a hombruna, porque tenía unos pocos de -bigotes, que parece que ahora la veo.» - -— Luego, ¿conocístela tú? —dijo don Quijote. - -— No la conocí yo —respondió Sancho—, pero quien me contó este cuento me -dijo que era tan cierto y verdadero que podía bien, cuando lo contase a -otro, afirmar y jurar que lo había visto todo. «Así que, yendo días y -viniendo días, el diablo, que no duerme y que todo lo añasca, hizo de -manera que el amor que el pastor tenía a la pastora se volviese en omecillo -y mala voluntad; y la causa fue, según malas lenguas, una cierta cantidad -de celillos que ella le dio, tales que pasaban de la raya y llegaban a lo -vedado; y fue tanto lo que el pastor la aborreció de allí adelante que, por -no verla, se quiso ausentar de aquella tierra e irse donde sus ojos no la -viesen jamás. La Torralba, que se vio desdeñada del Lope, luego le quiso -bien, mas que nunca le había querido.» - -— Ésa es natural condición de mujeres —dijo don Quijote—: desdeñar a quien -las quiere y amar a quien las aborrece. Pasa adelante, Sancho. -— «Sucedió —dijo Sancho— que el pastor puso por obra su determinación, y, -antecogiendo sus cabras, se encaminó por los campos de Estremadura, para -pasarse a los reinos de Portugal. La Torralba, que lo supo, se fue tras él, -y seguíale a pie y descalza desde lejos, con un bordón en la mano y con -unas alforjas al cuello, donde llevaba, según es fama, un pedazo de espejo -y otro de un peine, y no sé qué botecillo de mudas para la cara; mas, -llevase lo que llevase, que yo no me quiero meter ahora en averiguallo, -sólo diré que dicen que el pastor llegó con su ganado a pasar el río -Guadiana, y en aquella sazón iba crecido y casi fuera de madre, y por la -parte que llegó no había barca ni barco, ni quien le pasase a él ni a su -ganado de la otra parte, de lo que se congojó mucho, porque veía que la -Torralba venía ya muy cerca y le había de dar mucha pesadumbre con sus -ruegos y lágrimas; mas, tanto anduvo mirando, que vio un pescador que tenía -junto a sí un barco, tan pequeño que solamente podían caber en él una -persona y una cabra; y, con todo esto, le habló y concertó con él que le -pasase a él y a trecientas cabras que llevaba. Entró el pescador en el -barco, y pasó una cabra; volvió, y pasó otra; tornó a volver, y tornó a -pasar otra.» Tenga vuestra merced cuenta en las cabras que el pescador va -pasando, porque si se pierde una de la memoria, se acabará el cuento y no -será posible contar más palabra dél. «Sigo, pues, y digo que el -desembarcadero de la otra parte estaba lleno de cieno y resbaloso, y -tardaba el pescador mucho tiempo en ir y volver. Con todo esto, volvió por -otra cabra, y otra, y otra...» - -— Haz cuenta que las pasó todas —dijo don Quijote—: no andes yendo y -viniendo desa manera, que no acabarás de pasarlas en un año. - -— ¿Cuántas han pasado hasta agora? —dijo Sancho. - -— ¡Yo qué diablos sé! —respondió don Quijote—. - -— He ahí lo que yo dije: que tuviese buena cuenta. Pues, por Dios, que se ha -acabado el cuento, que no hay pasar adelante. - -— ¿Cómo puede ser eso? —respondió don Quijote—. ¿Tan de esencia de la -historia es saber las cabras que han pasado, por estenso, que si se yerra -una del número no puedes seguir adelante con la historia? - -— No señor, en ninguna manera —respondió Sancho—; porque, así como yo -pregunté a vuestra merced que me dijese cuántas cabras habían pasado y me -respondió que no sabía, en aquel mesmo instante se me fue a mí de la -memoria cuanto me quedaba por decir, y a fe que era de mucha virtud y -contento. - -— ¿De modo —dijo don Quijote— que ya la historia es acabada? - -— Tan acabada es como mi madre —dijo Sancho. - -— Dígote de verdad —respondió don Quijote— que tú has contado una de las más -nuevas consejas, cuento o historia, que nadie pudo pensar en el mundo; y -que tal modo de contarla ni dejarla, jamás se podrá ver ni habrá visto en -toda la vida, aunque no esperaba yo otra cosa de tu buen discurso; mas no -me maravillo, pues quizá estos golpes, que no cesan, te deben de tener -turbado el entendimiento. - -— Todo puede ser —respondió Sancho—, mas yo sé que en lo de mi cuento no hay -más que decir: que allí se acaba do comienza el yerro de la cuenta del -pasaje de las cabras. - -— Acabe norabuena donde quisiere —dijo don Quijote—, y veamos si se puede -mover Rocinante. - -Tornóle a poner las piernas, y él tornó a dar saltos y a estarse quedo: -tanto estaba de bien atado. - -En esto, parece ser, o que el frío de la mañana, que ya venía, o que Sancho -hubiese cenado algunas cosas lenitivas, o que fuese cosa natural —que es lo -que más se debe creer—, a él le vino en voluntad y deseo de hacer lo que -otro no pudiera hacer por él; mas era tanto el miedo que había entrado en -su corazón, que no osaba apartarse un negro de uña de su amo. Pues pensar -de no hacer lo que tenía gana, tampoco era posible; y así, lo que hizo, por -bien de paz, fue soltar la mano derecha, que tenía asida al arzón trasero, -con la cual, bonitamente y sin rumor alguno, se soltó la lazada corrediza -con que los calzones se sostenían, sin ayuda de otra alguna, y, en -quitándosela, dieron luego abajo y se le quedaron como grillos. Tras esto, -alzó la camisa lo mejor que pudo y echó al aire entrambas posaderas, que no -eran muy pequeñas. Hecho esto —que él pensó que era lo más que tenía que -hacer para salir de aquel terrible aprieto y angustia—, le sobrevino otra -mayor, que fue que le pareció que no podía mudarse sin hacer estrépito y -ruido, y comenzó a apretar los dientes y a encoger los hombros, recogiendo -en sí el aliento todo cuanto podía; pero, con todas estas diligencias, fue -tan desdichado que, al cabo al cabo, vino a hacer un poco de ruido, bien -diferente de aquel que a él le ponía tanto miedo. Oyólo don Quijote y dijo: -— ¿Qué rumor es ése, Sancho? - -— No sé, señor —respondió él—. Alguna cosa nueva debe de ser, que las -aventuras y desventuras nunca comienzan por poco. - -Tornó otra vez a probar ventura, y sucedióle tan bien que, sin más ruido ni -alboroto que el pasado, se halló libre de la carga que tanta pesadumbre le -había dado. Mas, como don Quijote tenía el sentido del olfato tan vivo como -el de los oídos, y Sancho estaba tan junto y cosido con él que casi por -línea recta subían los vapores hacia arriba, no se pudo escusar de que -algunos no llegasen a sus narices; y, apenas hubieron llegado, cuando él -fue al socorro, apretándolas entre los dos dedos; y, con tono algo gangoso, -dijo: - -— Paréceme, Sancho, que tienes mucho miedo. - -— Sí tengo —respondió Sancho—; mas, ¿en qué lo echa de ver vuestra merced -ahora más que nunca? - -— En que ahora más que nunca hueles, y no a ámbar —respondió don Quijote. -— Bien podrá ser —dijo Sancho—, mas yo no tengo la culpa, sino vuestra -merced, que me trae a deshoras y por estos no acostumbrados pasos. -— Retírate tres o cuatro allá, amigo —dijo don Quijote (todo esto sin -quitarse los dedos de las narices)—, y desde aquí adelante ten más cuenta -con tu persona y con lo que debes a la mía; que la mucha conversación que -tengo contigo ha engendrado este menosprecio. - -— Apostaré —replicó Sancho— que piensa vuestra merced que yo he hecho de mi -persona alguna cosa que no deba. - -— Peor es meneallo, amigo Sancho —respondió don Quijote. - -En estos coloquios y otros semejantes pasaron la noche amo y mozo. Mas, -viendo Sancho que a más andar se venía la mañana, con mucho tiento desligó -a Rocinante y se ató los calzones. Como Rocinante se vio libre, aunque él -de suyo no era nada brioso, parece que se resintió, y comenzó a dar -manotadas; porque corvetas —con perdón suyo— no las sabía hacer. Viendo, -pues, don Quijote que ya Rocinante se movía, lo tuvo a buena señal, y creyó -que lo era de que acometiese aquella temerosa aventura. - -Acabó en esto de descubrirse el alba y de parecer distintamente las cosas, -y vio don Quijote que estaba entre unos árboles altos, que ellos eran -castaños, que hacen la sombra muy escura. Sintió también que el golpear no -cesaba, pero no vio quién lo podía causar; y así, sin más detenerse, hizo -sentir las espuelas a Rocinante, y, tornando a despedirse de Sancho, le -mandó que allí le aguardase tres días, a lo más largo, como ya otra vez se -lo había dicho; y que, si al cabo dellos no hubiese vuelto, tuviese por -cierto que Dios había sido servido de que en aquella peligrosa aventura se -le acabasen sus días. Tornóle a referir el recado y embajada que había de -llevar de su parte a su señora Dulcinea, y que, en lo que tocaba a la paga -de sus servicios, no tuviese pena, porque él había dejado hecho su -testamento antes que saliera de su lugar, donde se hallaría gratificado de -todo lo tocante a su salario, rata por cantidad, del tiempo que hubiese -servido; pero que si Dios le sacaba de aquel peligro sano y salvo y sin -cautela, se podía tener por muy más que cierta la prometida ínsula. - -De nuevo tornó a llorar Sancho, oyendo de nuevo las lastimeras razones de -su buen señor, y determinó de no dejarle hasta el último tránsito y fin de -aquel negocio. - -Destas lágrimas y determinación tan honrada de Sancho Panza saca el autor -desta historia que debía de ser bien nacido, y, por lo menos, cristiano -viejo. Cuyo sentimiento enterneció algo a su amo, pero no tanto que -mostrase flaqueza alguna; antes, disimulando lo mejor que pudo, comenzó a -caminar hacia la parte por donde le pareció que el ruido del agua y del -golpear venía. - -Seguíale Sancho a pie, llevando, como tenía de costumbre, del cabestro a su -jumento, perpetuo compañero de sus prósperas y adversas fortunas; y, -habiendo andado una buena pieza por entre aquellos castaños y árboles -sombríos, dieron en un pradecillo que al pie de unas altas peñas se hacía, -de las cuales se precipitaba un grandísimo golpe de agua. Al pie de las -peñas, estaban unas casas mal hechas, que más parecían ruinas de edificios -que casas, de entre las cuales advirtieron que salía el ruido y estruendo -de aquel golpear, que aún no cesaba. - -Alborotóse Rocinante con el estruendo del agua y de los golpes, y, -sosegándole don Quijote, se fue llegando poco a poco a las casas, -encomendándose de todo corazón a su señora, suplicándole que en aquella -temerosa jornada y empresa le favoreciese, y de camino se encomendaba -también a Dios, que no le olvidase. No se le quitaba Sancho del lado, el -cual alargaba cuanto podía el cuello y la vista por entre las piernas de -Rocinante, por ver si vería ya lo que tan suspenso y medroso le tenía. -Otros cien pasos serían los que anduvieron, cuando, al doblar de una punta, -pareció descubierta y patente la misma causa, sin que pudiese ser otra, de -aquel horrísono y para ellos espantable ruido, que tan suspensos y medrosos -toda la noche los había tenido. Y eran —si no lo has, ¡oh lector!, por -pesadumbre y enojo— seis mazos de batán, que con sus alternativos golpes -aquel estruendo formaban. - -Cuando don Quijote vio lo que era, enmudeció y pasmóse de arriba abajo. -Miróle Sancho, y vio que tenía la cabeza inclinada sobre el pecho, con -muestras de estar corrido. Miró también don Quijote a Sancho, y viole que -tenía los carrillos hinchados y la boca llena de risa, con evidentes -señales de querer reventar con ella, y no pudo su melanconía tanto con él -que, a la vista de Sancho, pudiese dejar de reírse; y, como vio Sancho que -su amo había comenzado, soltó la presa de manera que tuvo necesidad de -apretarse las ijadas con los puños, por no reventar riendo. Cuatro veces -sosegó, y otras tantas volvió a su risa con el mismo ímpetu que primero; de -lo cual ya se daba al diablo don Quijote, y más cuando le oyó decir, como -por modo de fisga: - -— «Has de saber, ¡oh Sancho amigo!, que yo nací, por querer del cielo, en -esta nuestra edad de hierro, para resucitar en ella la dorada, o de oro. Yo -soy aquél para quien están guardados los peligros, las hazañas grandes, los -valerosos fechos...» - -Y por aquí fue repitiendo todas o las más razones que don Quijote dijo la -vez primera que oyeron los temerosos golpes. - -Viendo, pues, don Quijote que Sancho hacía burla dél, se corrió y enojó en -tanta manera, que alzó el lanzón y le asentó dos palos, tales que, si, como -los recibió en las espaldas, los recibiera en la cabeza, quedara libre de -pagarle el salario, si no fuera a sus herederos. Viendo Sancho que sacaba -tan malas veras de sus burlas, con temor de que su amo no pasase adelante -en ellas, con mucha humildad le dijo: - -— Sosiéguese vuestra merced; que, por Dios, que me burlo. - -— Pues, porque os burláis, no me burlo yo —respondió don Quijote—. Venid -acá, señor alegre: ¿paréceos a vos que, si como éstos fueron mazos de -batán, fueran otra peligrosa aventura, no había yo mostrado el ánimo que -convenía para emprendella y acaballa? ¿Estoy yo obligado, a dicha, siendo, -como soy, caballero, a conocer y destinguir los sones y saber cuáles son de -batán o no? Y más, que podría ser, como es verdad, que no los he visto en -mi vida, como vos los habréis visto, como villano ruin que sois, criado y -nacido entre ellos. Si no, haced vos que estos seis mazos se vuelvan en -seis jayanes, y echádmelos a las barbas uno a uno, o todos juntos, y, -cuando yo no diere con todos patas arriba, haced de mí la burla que -quisiéredes. - -— No haya más, señor mío —replicó Sancho—, que yo confieso que he andado -algo risueño en demasía. Pero dígame vuestra merced, ahora que estamos en -paz (así Dios le saque de todas las aventuras que le sucedieren tan sano y -salvo como le ha sacado désta), ¿no ha sido cosa de reír, y lo es de -contar, el gran miedo que hemos tenido? A lo menos, el que yo tuve; que de -vuestra merced ya yo sé que no le conoce, ni sabe qué es temor ni espanto. -— No niego yo —respondió don Quijote— que lo que nos ha sucedido no sea cosa -digna de risa, pero no es digna de contarse; que no son todas las personas -tan discretas que sepan poner en su punto las cosas. - -— A lo menos —respondió Sancho—, supo vuestra merced poner en su punto el -lanzón, apuntándome a la cabeza, y dándome en las espaldas, gracias a Dios -y a la diligencia que puse en ladearme. Pero vaya, que todo saldrá en la -colada; que yo he oído decir: "Ése te quiere bien, que te hace llorar"; y -más, que suelen los principales señores, tras una mala palabra que dicen a -un criado, darle luego unas calzas; aunque no sé lo que le suelen dar tras -haberle dado de palos, si ya no es que los caballeros andantes dan tras -palos ínsulas o reinos en tierra firme. - -— Tal podría correr el dado —dijo don Quijote— que todo lo que dices viniese -a ser verdad; y perdona lo pasado, pues eres discreto y sabes que los -primeros movimientos no son en mano del hombre, y está advertido de aquí -adelante en una cosa, para que te abstengas y reportes en el hablar -demasiado conmigo; que en cuantos libros de caballerías he leído, que son -infinitos, jamás he hallado que ningún escudero hablase tanto con su señor -como tú con el tuyo. Y en verdad que lo tengo a gran falta, tuya y mía: -tuya, en que me estimas en poco; mía, en que no me dejo estimar en más. Sí, -que Gandalín, escudero de Amadís de Gaula, conde fue de la ínsula Firme; y -se lee dél que siempre hablaba a su señor con la gorra en la mano, -inclinada la cabeza y doblado el cuerpo more turquesco. Pues, ¿qué diremos -de Gasabal, escudero de don Galaor, que fue tan callado que, para -declararnos la excelencia de su maravilloso silencio, sola una vez se -nombra su nombre en toda aquella tan grande como verdadera historia? De -todo lo que he dicho has de inferir, Sancho, que es menester hacer -diferencia de amo a mozo, de señor a criado y de caballero a escudero. Así -que, desde hoy en adelante, nos hemos de tratar con más respeto, sin darnos -cordelejo, porque, de cualquiera manera que yo me enoje con vos, ha de ser -mal para el cántaro. Las mercedes y beneficios que yo os he prometido -llegarán a su tiempo; y si no llegaren, el salario, a lo menos, no se ha de -perder, como ya os he dicho. - -— Está bien cuanto vuestra merced dice —dijo Sancho—, pero querría yo saber, -por si acaso no llegase el tiempo de las mercedes y fuese necesario acudir -al de los salarios, cuánto ganaba un escudero de un caballero andante en -aquellos tiempos, y si se concertaban por meses, o por días, como peones de -albañir. - -— No creo yo —respondió don Quijote— que jamás los tales escuderos -estuvieron a salario, sino a merced. Y si yo ahora te le he señalado a ti -en el testamento cerrado que dejé en mi casa, fue por lo que podía suceder; -que aún no sé cómo prueba en estos tan calamitosos tiempos nuestros la -caballería, y no querría que por pocas cosas penase mi ánima en el otro -mundo. Porque quiero que sepas, Sancho, que en él no hay estado más -peligroso que el de los aventureros. - -— Así es verdad —dijo Sancho—, pues sólo el ruido de los mazos de un batán -pudo alborotar y desasosegar el corazón de un tan valeroso andante -aventurero como es vuestra merced. Mas, bien puede estar seguro que, de -aquí adelante, no despliegue mis labios para hacer donaire de las cosas de -vuestra merced, si no fuere para honrarle, como a mi amo y señor natural. -— Desa manera —replicó don Quijote—, vivirás sobre la haz de la tierra; -porque, después de a los padres, a los amos se ha de respetar como si lo -fuesen. - - - - -Capítulo XXI. Que trata de la alta aventura y rica ganancia del yelmo de -Mambrino, con otras cosas sucedidas a nuestro invencible caballero - -En esto, comenzó a llover un poco, y quisiera Sancho que se entraran en el -molino de los batanes; mas habíales cobrado tal aborrecimiento don Quijote, -por la pesada burla, que en ninguna manera quiso entrar dentro; y así, -torciendo el camino a la derecha mano, dieron en otro como el que habían -llevado el día de antes. - -De allí a poco, descubrió don Quijote un hombre a caballo, que traía en la -cabeza una cosa que relumbraba como si fuera de oro, y aún él apenas le -hubo visto, cuando se volvió a Sancho y le dijo: - -— Paréceme, Sancho, que no hay refrán que no sea verdadero, porque todos son -sentencias sacadas de la mesma experiencia, madre de las ciencias todas, -especialmente aquel que dice: "Donde una puerta se cierra, otra se abre". -Dígolo porque si anoche nos cerró la ventura la puerta de la que -buscábamos, engañándonos con los batanes, ahora nos abre de par en par -otra, para otra mejor y más cierta aventura; que si yo no acertare a entrar -por ella, mía será la culpa, sin que la pueda dar a la poca noticia de -batanes ni a la escuridad de la noche. Digo esto porque, si no me engaño, -hacia nosotros viene uno que trae en su cabeza puesto el yelmo de Mambrino, -sobre que yo hice el juramento que sabes. - -— Mire vuestra merced bien lo que dice, y mejor lo que hace —dijo Sancho—, -que no querría que fuesen otros batanes que nos acabasen de abatanar y -aporrear el sentido. - -— ¡Válate el diablo por hombre! —replicó don Quijote—. ¿Qué va de yelmo a -batanes? - -— No sé nada —respondió Sancho—; mas, a fe que si yo pudiera hablar tanto -como solía, que quizá diera tales razones que vuestra merced viera que se -engañaba en lo que dice. - -— ¿Cómo me puedo engañar en lo que digo, traidor escrupuloso? —dijo don -Quijote—. Dime, ¿no ves aquel caballero que hacia nosotros viene, sobre un -caballo rucio rodado, que trae puesto en la cabeza un yelmo de oro? -— Lo que yo veo y columbro —respondió Sancho— no es sino un hombre sobre un -asno pardo, como el mío, que trae sobre la cabeza una cosa que relumbra. -— Pues ése es el yelmo de Mambrino —dijo don Quijote—. Apártate a una parte -y déjame con él a solas: verás cuán sin hablar palabra, por ahorrar del -tiempo, concluyo esta aventura y queda por mío el yelmo que tanto he -deseado. - -— Yo me tengo en cuidado el apartarme —replicó Sancho—, mas quiera Dios, -torno a decir, que orégano sea, y no batanes. - -— Ya os he dicho, hermano, que no me mentéis, ni por pienso, más eso de los -batanes —dijo don Quijote—; que voto..., y no digo más, que os batanee el -alma. - -Calló Sancho, con temor que su amo no cumpliese el voto que le había -echado, redondo como una bola. - -Es, pues, el caso que el yelmo, y el caballo y caballero que don Quijote -veía, era esto: que en aquel contorno había dos lugares, el uno tan pequeño -que ni tenía botica ni barbero, y el otro, que estaba junto, sí; y -así, el barbero del mayor servía al menor, en el cual tuvo necesidad un -enfermo de sangrarse y otro de hacerse la barba, para lo cual venía el -barbero, y traía una bacía de azófar; y quiso la suerte que, al tiempo que -venía, comenzó a llover, y, porque no se le manchase el sombrero, que debía -de ser nuevo, se puso la bacía sobre la cabeza; y, como estaba limpia, -desde media legua relumbraba. Venía sobre un asno pardo, como Sancho dijo, -y ésta fue la ocasión que a don Quijote le pareció caballo rucio rodado, y -caballero, y yelmo de oro; que todas las cosas que veía, con mucha -facilidad las acomodaba a sus desvariadas caballerías y malandantes -pensamientos. Y cuando él vio que el pobre caballero llegaba cerca, sin -ponerse con él en razones, a todo correr de Rocinante le enristró con el -lanzón bajo, llevando intención de pasarle de parte a parte; mas cuando a -él llegaba, sin detener la furia de su carrera, le dijo: - -— ¡Defiéndete, cautiva criatura, o entriégame de tu voluntad lo que con -tanta razón se me debe! - -El barbero, que, tan sin pensarlo ni temerlo, vio venir aquella fantasma -sobre sí, no tuvo otro remedio, para poder guardarse del golpe de la lanza, -si no fue el dejarse caer del asno abajo; y no hubo tocado al suelo, cuando -se levantó más ligero que un gamo y comenzó a correr por aquel llano, que -no le alcanzara el viento. Dejóse la bacía en el suelo, con la cual se -contentó don Quijote, y dijo que el pagano había andado discreto y que -había imitado al castor, el cual, viéndose acosado de los cazadores, se -taraza y arpa con los dientes aquéllo por lo que él, por distinto natural, -sabe que es perseguido. Mandó a Sancho que alzase el yelmo, el cual, -tomándola en las manos, dijo: - -— Por Dios, que la bacía es buena y que vale un real de a ocho como un -maravedí. - -Y, dándosela a su amo, se la puso luego en la cabeza, rodeándola a una -parte y a otra, buscándole el encaje; y, como no se le hallaba, dijo: -— Sin duda que el pagano, a cuya medida se forjó primero esta famosa celada, -debía de tener grandísima cabeza, y lo peor dello es que le falta la mitad. -Cuando Sancho oyó llamar a la bacía celada, no pudo tener la risa; mas -vínosele a las mientes la cólera de su amo, y calló en la mitad della. -— ¿De qué te ríes, Sancho? —dijo don Quijote. - -— Ríome —respondió él— de considerar la gran cabeza que tenía el pagano -dueño deste almete, que no semeja sino una bacía de barbero pintiparada. -— ¿Sabes qué imagino, Sancho? Que esta famosa pieza deste encantado yelmo, -por algún estraño acidente, debió de venir a manos de quien no supo conocer -ni estimar su valor, y, sin saber lo que hacía, viéndola de oro purísimo, -debió de fundir la otra mitad para aprovecharse del precio, y de la otra -mitad hizo ésta, que parece bacía de barbero, como tú dices. Pero, sea lo -que fuere; que para mí que la conozco no hace al caso su trasmutación; que -yo la aderezaré en el primer lugar donde haya herrero, y de suerte que no -le haga ventaja, ni aun le llegue, la que hizo y forjó el dios de las -herrerías para el dios de las batallas; y, en este entretanto, la traeré -como pudiere, que más vale algo que no nada; cuanto más, que bien será -bastante para defenderme de alguna pedrada. - -— Eso será —dijo Sancho— si no se tira con honda, como se tiraron en la -pelea de los dos ejércitos, cuando le santiguaron a vuestra merced las -muelas y le rompieron el alcuza donde venía aquel benditísimo brebaje que -me hizo vomitar las asaduras.along - -— No me da mucha pena el haberle perdido, que ya sabes tú, Sancho —dijo don -Quijote—, que yo tengo la receta en la memoria. - -— También la tengo yo —respondió Sancho—, pero si yo le hiciere ni le -probare más en mi vida, aquí sea mi hora. Cuanto más, que no pienso ponerme -en ocasión de haberle menester, porque pienso guardarme con todos mis cinco -sentidos de ser ferido ni de ferir a nadie. De lo del ser otra vez -manteado, no digo nada, que semejantes desgracias mal se pueden prevenir, y -si vienen, no hay que hacer otra cosa sino encoger los hombros, detener el -aliento, cerrar los ojos y dejarse ir por donde la suerte y la manta nos -llevare. - -— Mal cristiano eres, Sancho —dijo, oyendo esto, don Quijote—, porque nunca -olvidas la injuria que una vez te han hecho; pues sábete que es de pechos -nobles y generosos no hacer caso de niñerías. ¿Qué pie sacaste cojo, qué -costilla quebrada, qué cabeza rota, para que no se te olvide aquella burla? -Que, bien apurada la cosa, burla fue y pasatiempo; que, a no entenderlo yo -ansí, ya yo hubiera vuelto allá y hubiera hecho en tu venganza más daño que -el que hicieron los griegos por la robada Elena. La cual, si fuera en este -tiempo, o mi Dulcinea fuera en aquél, pudiera estar segura que no tuviera -tanta fama de hermosa como tiene. - -Y aquí dio un sospiro, y le puso en las nubes. Y dijo Sancho: - -— Pase por burlas, pues la venganza no puede pasar en veras; pero yo sé de -qué calidad fueron las veras y las burlas, y sé también que no se me caerán -de la memoria, como nunca se quitarán de las espaldas. Pero, dejando esto -aparte, dígame vuestra merced qué haremos deste caballo rucio rodado, que -parece asno pardo, que dejó aquí desamparado aquel Martino que vuestra -merced derribó; que, según él puso los pies en polvorosa y cogió las de -Villadiego, no lleva pergenio de volver por él jamás; y ¡para mis barbas, -si no es bueno el rucio! - -— Nunca yo acostumbro —dijo don Quijote— despojar a los que venzo, ni es uso -de caballería quitarles los caballos y dejarlos a pie, si ya no fuese que -el vencedor hubiese perdido en la pendencia el suyo; que, en tal caso, -lícito es tomar el del vencido, como ganado en guerra lícita. Así que, -Sancho, deja ese caballo, o asno, o lo que tú quisieres que sea, que, como -su dueño nos vea alongados de aquí, volverá por él. - -— Dios sabe si quisiera llevarle —replicó Sancho—, o, por lo menos, trocalle -con este mío, que no me parece tan bueno. Verdaderamente que son estrechas -las leyes de caballería, pues no se estienden a dejar trocar un asno por -otro; y querría saber si podría trocar los aparejos siquiera. - -— En eso no estoy muy cierto —respondió don Quijote—; y, en caso de duda, -hasta estar mejor informado, digo que los trueques, si es que tienes dellos -necesidad estrema. - -— Tan estrema es —respondió Sancho— que si fueran para mi misma persona, no -los hubiera menester más. - -Y luego, habilitado con aquella licencia, hizo mutatio caparum y puso su -jumento a las mil lindezas, dejándole mejorado en tercio y quinto. -Hecho esto, almorzaron de las sobras del real que del acémila despojaron, -bebieron del agua del arroyo de los batanes, sin volver la cara a mirallos: -tal era el aborrecimiento que les tenían por el miedo en que les habían -puesto. - -Cortada, pues, la cólera, y aun la malenconía, subieron a caballo, y, sin -tomar determinado camino, por ser muy de caballeros andantes el no tomar -ninguno cierto, se pusieron a caminar por donde la voluntad de Rocinante -quiso, que se llevaba tras sí la de su amo, y aun la del asno, que siempre -le seguía por dondequiera que guiaba, en buen amor y compañía. Con todo -esto, volvieron al camino real y siguieron por él a la ventura, sin otro -disignio alguno. - -Yendo, pues, así caminando, dijo Sancho a su amo: - -— Señor, ¿quiere vuestra merced darme licencia que departa un poco con él? -Que, después que me puso aquel áspero mandamiento del silencio, se me han -podrido más de cuatro cosas en el estómago, y una sola que ahora tengo en -el pico de la lengua no querría que se mal lograse. - -— Dila —dijo don Quijote—, y sé breve en tus razonamientos, que ninguno hay -gustoso si es largo. - -— Digo, pues, señor —respondió Sancho—, que, de algunos días a esta parte, -he considerado cuán poco se gana y granjea de andar buscando estas -aventuras que vuestra merced busca por estos desiertos y encrucijadas de -caminos, donde, ya que se venzan y acaben las más eligrosas, no hay quien -las vea ni sepa; y así, se han de quedar en perpetuo silencio, y en -perjuicio de la intención de vuestra merced y de lo que ellas merecen. Y -así, me parece que sería mejor, salvo el mejor parecer de vuestra merced, -que nos fuésemos a servir a algún emperador, o a otro príncipe grande que -tenga alguna guerra, en cuyo servicio vuestra merced muestre el valor de su -persona, sus grandes fuerzas y mayor entendimiento; que, visto esto del -señor a quien sirviéremos, por fuerza nos ha de remunerar, a cada cual -según sus méritos, y allí no faltará quien ponga en escrito las hazañas de -vuestra merced, para perpetua memoria. De las mías no digo nada, pues no -han de salir de los límites escuderiles; aunque sé decir que, si se usa en -la caballería escribir hazañas de escuderos, que no pienso que se han de -quedar las mías entre renglones. - -— No dices mal, Sancho —respondió don Quijote—; mas, antes que se llegue a -ese término, es menester andar por el mundo, como en aprobación, buscando -las aventuras, para que, acabando algunas, se cobre nombre y fama tal que, -cuando se fuere a la corte de algún gran monarca, ya sea el caballero -conocido por sus obras; y que, apenas le hayan visto entrar los muchachos -por la puerta de la ciudad, cuando todos le sigan y rodeen, dando voces, -diciendo: ''Éste es el Caballero del Sol'', o de la Sierpe, o de otra -insignia alguna, debajo de la cual hubiere acabado grandes hazañas. ''Éste -es —dirán— el que venció en singular batalla al gigantazo Brocabruno de la -Gran Fuerza; el que desencantó al Gran Mameluco de Persia del largo -encantamento en que había estado casi novecientos años''. Así que, de mano -en mano, irán pregonando tus hechos, y luego, al alboroto de los muchachos -y de la demás gente, se parará a las fenestras de su real palacio el rey de -aquel reino, y así como vea al caballero, conociéndole por las armas o por -la empresa del escudo, forzosamente ha de decir: ''¡Ea, sus! ¡Salgan mis -caballeros, cuantos en mi corte están, a recebir a la flor de la -caballería, que allí viene!'' A cuyo mandamiento saldrán todos, y él -llegará hasta la mitad de la escalera, y le abrazará estrechísimamente, y -le dará paz besándole en el rostro; y luego le llevará por la mano al -aposento de la señora reina, adonde el caballero la hallará con la infanta, -su hija, que ha de ser una de las más fermosas y acabadas doncellas que, en -gran parte de lo descubierto de la tierra, a duras penas se pueda hallar. -Sucederá tras esto, luego en continente, que ella ponga los ojos en el -caballero y él en los della, y cada uno parezca a otro cosa más divina que -humana; y, sin saber cómo ni cómo no, han de quedar presos y enlazados en -la intricable red amorosa, y con gran cuita en sus corazones por no saber -cómo se han de fablar para descubrir sus ansias y sentimientos. Desde allí -le llevarán, sin duda, a algún cuarto del palacio, ricamente aderezado, -donde, habiéndole quitado las armas, le traerán un rico manto de escarlata -con que se cubra; y si bien pareció armado, tan bien y mejor ha de parecer -en farseto. Venida la noche, cenará con el rey, reina e infanta, donde -nunca quitará los ojos della, mirándola a furto de los circustantes, y ella -hará lo mesmo con la mesma sagacidad, porque, como tengo dicho, es muy -discreta doncella. Levantarse han las tablas, y entrará a deshora por la -puerta de la sala un feo y pequeño enano con una fermosa dueña, que, entre -dos gigantes, detrás del enano viene, con cierta aventura, hecha por un -antiquísimo sabio, que el que la acabare será tenido por el mejor caballero -del mundo. Mandará luego el rey que todos los que están presentes la -prueben, y ninguno le dará fin y cima sino el caballero huésped, en mucho -pro de su fama, de lo cual quedará contentísima la infanta, y se tendrá por -contenta y pagada además, por haber puesto y colocado sus pensamientos en -tan alta parte. Y lo bueno es que este rey, o príncipe, o lo que es, tiene -una muy reñida guerra con otro tan poderoso como él, y el caballero huésped -le pide (al cabo de algunos días que ha estado en su corte) licencia para -ir a servirle en aquella guerra dicha. Darásela el rey de muy buen talante, -y el caballero le besará cortésmente las manos por la merced que le face. Y -aquella noche se despedirá de su señora la infanta por las rejas de un -jardín, que cae en el aposento donde ella duerme, por las cuales ya otras -muchas veces la había fablado, siendo medianera y sabidora de todo una -doncella de quien la infanta mucho se fiaba. Sospirará él, desmayaráse -ella, traerá agua la doncella, acuitaráse mucho porque viene la mañana, y -no querría que fuesen descubiertos, por la honra de su señora. Finalmente, -la infanta volverá en sí y dará sus blancas manos por la reja al caballero, -el cual se las besará mil y mil veces y se las bañará en lágrimas. Quedará -concertado entre los dos del modo que se han de hacer saber sus buenos o -malos sucesos, y rogarále la princesa que se detenga lo menos que pudiere; -prometérselo ha él con muchos juramentos; tórnale a besar las manos, y -despídese con tanto sentimiento que estará poco por acabar la vida. Vase -desde allí a su aposento, échase sobre su lecho, no puede dormir del dolor -de la partida, madruga muy de mañana, vase a despedir del rey y de la reina -y de la infanta; dícenle, habiéndose despedido de los dos, que la señora -infanta está mal dispuesta y que no puede recebir visita; piensa el -caballero que es de pena de su partida, traspásasele el corazón, y falta -poco de no dar indicio manifiesto de su pena. Está la doncella medianera -delante, halo de notar todo, váselo a decir a su señora, la cual la recibe -con lágrimas y le dice que una de las mayores penas que tiene es no saber -quién sea su caballero, y si es de linaje de reyes o no; asegúrala la -doncella que no puede caber tanta cortesía, gentileza y valentía como la de -su caballero sino en subjeto real y grave; consuélase con esto la cuitada; -procura consolarse, por no dar mal indicio de sí a sus padres, y, a cabo de -dos días, sale en público. Ya se es ido el caballero: pelea en la guerra, -vence al enemigo del rey, gana muchas ciudades, triunfa de muchas batallas, -vuelve a la corte, ve a su señora por donde suele, conciértase que la pida -a su padre por mujer en pago de sus servicios. No se la quiere dar el rey, -porque no sabe quién es; pero, con todo esto, o robada o de otra cualquier -suerte que sea, la infanta viene a ser su esposa y su padre lo viene a -tener a gran ventura, porque se vino a averiguar que el tal caballero es -hijo de un valeroso rey de no sé qué reino, porque creo que no debe de -estar en el mapa. Muérese el padre, hereda la infanta, queda rey el -caballero en dos palabras. Aquí entra luego el hacer mercedes a su escudero -y a todos aquellos que le ayudaron a subir a tan alto estado: casa a su -escudero con una doncella de la infanta, que será, sin duda, la que fue -tercera en sus amores, que es hija de un duque muy principal. - -— Eso pido, y barras derechas —dijo Sancho—; a eso me atengo, porque todo, -al pie de la letra, ha de suceder por vuestra merced, llamándose el -Caballero de la Triste Figura. - -— No lo dudes, Sancho —replicó don Quijote—, porque del mesmo y por los -mesmos pasos que esto he contado suben y han subido los caballeros andantes -a ser reyes y emperadores. Sólo falta agora mirar qué rey de los cristianos -o de los paganos tenga guerra y tenga hija hermosa; pero tiempo habrá para -pensar esto, pues, como te tengo dicho, primero se ha de cobrar fama por -otras partes que se acuda a la corte. También me falta otra cosa; que, -puesto caso que se halle rey con guerra y con hija hermosa, y que yo haya -cobrado fama increíble por todo el universo, no sé yo cómo se podía hallar -que yo sea de linaje de reyes, o, por lo menos, primo segundo de emperador; -porque no me querrá el rey dar a su hija por mujer si no está primero muy -enterado en esto, aunque más lo merezcan mis famosos hechos. Así que, por -esta falta, temo perder lo que mi brazo tiene bien merecido. Bien es verdad -que yo soy hijodalgo de solar conocido, de posesión y propriedad y de -devengar quinientos sueldos; y podría ser que el sabio que escribiese mi -historia deslindase de tal manera mi parentela y decendencia, que me -hallase quinto o sesto nieto de rey. Porque te hago saber, Sancho, que hay -dos maneras de linajes en el mundo: unos que traen y derriban su -decendencia de príncipes y monarcas, a quien poco a poco el tiempo ha -deshecho, y han acabado en punta, como pirámide puesta al revés; otros -tuvieron principio de gente baja, y van subiendo de grado en grado, hasta -llegar a ser grandes señores. De manera que está la diferencia en que unos -fueron, que ya no son, y otros son, que ya no fueron; y podría ser yo -déstos que, después de averiguado, hubiese sido mi principio grande y -famoso, con lo cual se debía de contentar el rey, mi suegro, que hubiere de -ser. Y cuando no, la infanta me ha de querer de manera que, a pesar de su -padre, aunque claramente sepa que soy hijo de un azacán, me ha de admitir -por señor y por esposo; y si no, aquí entra el roballa y llevalla donde más -gusto me diere; que el tiempo o la muerte ha de acabar el enojo de sus -padres. - -— Ahí entra bien también —dijo Sancho— lo que algunos desalmados dicen: "No -pidas de grado lo que puedes tomar por fuerza"; aunque mejor cuadra decir: -"Más vale salto de mata que ruego de hombres buenos". Dígolo porque si el -señor rey, suegro de vuestra merced, no se quisiere domeñar a entregalle a -mi señora la infanta, no hay sino, como vuestra merced dice, roballa y -trasponella. Pero está el daño que, en tanto que se hagan las paces y se -goce pacíficamente el reino, el pobre escudero se podrá estar a diente en -esto de las mercedes. Si ya no es que la doncella tercera, que ha de ser su -mujer, se sale con la infanta, y él pasa con ella su mala ventura, hasta -que el cielo ordene otra cosa; porque bien podrá, creo yo, desde luego -dársela su señor por ligítima esposa. - -— Eso no hay quien la quite —dijo don Quijote. - -— Pues, como eso sea —respondió Sancho—, no hay sino encomendarnos a Dios, y -dejar correr la suerte por donde mejor lo encaminare. - -— Hágalo Dios —respondió don Quijote— como yo deseo y tú, Sancho, has -menester; y ruin sea quien por ruin se tiene. - -— Sea par Dios —dijo Sancho—, que yo cristiano viejo soy, y para ser conde -esto me basta. - -— Y aun te sobra —dijo don Quijote—; y cuando no lo fueras, no hacía nada al -caso, porque, siendo yo el rey, bien te puedo dar nobleza, sin que la -compres ni me sirvas con nada. Porque, en haciéndote conde, cátate ahí -caballero, y digan lo que dijeren; que a buena fe que te han de llamar -señoría, mal que les pese. - -— Y ¡montas que no sabría yo autorizar el litado! —dijo Sancho. -— Dictado has de decir, que no litado —dijo su amo. - -— Sea ansí —respondió Sancho Panza—. Digo que le sabría bien acomodar, -porque, por vida mía, que un tiempo fui muñidor de una cofradía, y que me -asentaba tan bien la ropa de muñidor, que decían todos que tenía presencia -para poder ser prioste de la mesma cofradía. Pues, ¿qué será cuando me -ponga un ropón ducal a cuestas, o me vista de oro y de perlas, a uso de -conde estranjero? Para mí tengo que me han de venir a ver de cien leguas. -— Bien parecerás —dijo don Quijote—, pero será menester que te rapes las -barbas a menudo; que, según las tienes de espesas, aborrascadas y mal -puestas, si no te las rapas a navaja, cada dos días por lo menos, a tiro de -escopeta se echará de ver lo que eres. - -— ¿Qué hay más —dijo Sancho—, sino tomar un barbero y tenelle asalariado en -casa? Y aun, si fuere menester, le haré que ande tras mí, como caballerizo -de grande. - -— Pues, ¿cómo sabes tú —preguntó don Quijote— que los grandes llevan detrás -de sí a sus caballerizos? - -— Yo se lo diré —respondió Sancho—: los años pasados estuve un mes en la -corte, y allí vi que, paseándose un señor muy pequeño, que decían que era -muy grande, un hombre le seguía a caballo a todas las vueltas que daba, que -no parecía sino que era su rabo. Pregunté que cómo aquel hombre no se -juntaba con el otro, sino que siempre andaba tras dél. Respondiéronme que -era su caballerizo y que era uso de los grandes llevar tras sí a los tales. -Desde entonces lo sé tan bien que nunca se me ha olvidado. - -— Digo que tienes razón —dijo don Quijote—, y que así puedes tú llevar a tu -barbero; que los usos no vinieron todos juntos, ni se inventaron a una, y -puedes ser tú el primero conde que lleve tras sí su barbero; y aun es de -más confianza el hacer la barba que ensillar un caballo. - -— Quédese eso del barbero a mi cargo —dijo Sancho—, y al de vuestra merced -se quede el procurar venir a ser rey y el hacerme conde. - -— Así será —respondió don Quijote. - -Y, alzando los ojos, vio lo que se dirá en el siguiente capítulo. - - - - -Capítulo XXII. De la libertad que dio don Quijote a muchos desdichados que, -mal de su grado, los llevaban donde no quisieran ir - -Cuenta Cide Hamete Benengeli, autor arábigo y manchego, en esta gravísima, -altisonante, mínima, dulce e imaginada historia que, después que entre el -famoso don Quijote de la Mancha y Sancho Panza, su escudero, pasaron -aquellas razones que en el fin del capítulo veinte y uno quedan referidas, -que don Quijote alzó los ojos y vio que por el camino que llevaba venían -hasta doce hombres a pie, ensartados, como cuentas, en una gran cadena de -hierro por los cuellos, y todos con esposas a las manos. Venían ansimismo -con ellos dos hombres de a caballo y dos de a pie; los de a caballo, con -escopetas de rueda, y los de a pie, con dardos y espadas; y que así como -Sancho Panza los vido, dijo: - -— Ésta es cadena de galeotes, gente forzada del rey, que va a las galeras. -— ¿Cómo gente forzada? —preguntó don Quijote—. ¿Es posible que el rey haga -fuerza a ninguna gente? - -— No digo eso —respondió Sancho—, sino que es gente que, por sus delitos, va -condenada a servir al rey en las galeras de por fuerza. - -— En resolución —replicó don Quijote—, comoquiera que ello sea, esta gente, -aunque los llevan, van de por fuerza, y no de su voluntad. - -— Así es —dijo Sancho. - -— Pues desa manera —dijo su amo—, aquí encaja la ejecución de mi oficio: -desfacer fuerzas y socorrer y acudir a los miserables. - -— Advierta vuestra merced —dijo Sancho— que la justicia, que es el mesmo -rey, no hace fuerza ni agravio a semejante gente, sino que los castiga en -pena de sus delitos. - -Llegó, en esto, la cadena de los galeotes, y don Quijote, con muy corteses -razones, pidió a los que iban en su guarda fuesen servidos de informalle y -decille la causa, o causas, por que llevan aquella gente de aquella manera. -Una de las guardas de a caballo respondió que eran galeotes, gente de Su -Majestad que iba a galeras, y que no había más que decir, ni él tenía más -que saber. - -— Con todo eso —replicó don Quijote—, querría saber de cada uno dellos en -particular la causa de su desgracia. - -Añadió a éstas otras tales y tan comedidas razones, para moverlos a que -dijesen lo que deseaba, que la otra guarda de a caballo le dijo: -— Aunque llevamos aquí el registro y la fe de las sentencias de cada uno -destos malaventurados, no es tiempo éste de detenerles a sacarlas ni a -leellas; vuestra merced llegue y se lo pregunte a ellos mesmos, que ellos -lo dirán si quisieren, que sí querrán, porque es gente que recibe gusto de -hacer y decir bellaquerías. - -Con esta licencia, que don Quijote se tomara aunque no se la dieran, se -llegó a la cadena, y al primero le preguntó que por qué pecados iba de tan -mala guisa. Él le respondió que por enamorado iba de aquella manera. -— ¿Por eso no más? —replicó don Quijote—. Pues, si por enamorados echan a -galeras, días ha que pudiera yo estar bogando en ellas. - -— No son los amores como los que vuestra merced piensa —dijo el galeote—; -que los míos fueron que quise tanto a una canasta de colar, atestada de -ropa blanca, que la abracé conmigo tan fuertemente que, a no quitármela la -justicia por fuerza, aún hasta agora no la hubiera dejado de mi voluntad. -Fue en fragante, no hubo lugar de tormento; concluyóse la causa, -acomodáronme las espaldas con ciento, y por añadidura tres precisos de -gurapas, y acabóse la obra. - -— ¿Qué son gurapas? —preguntó don Quijote. - -— Gurapas son galeras —respondió el galeote. - -El cual era un mozo de hasta edad de veinte y cuatro años, y dijo que era -natural de Piedrahíta. Lo mesmo preguntó don Quijote al segundo, el cual no -respondió palabra, según iba de triste y malencónico; mas respondió por él -el primero, y dijo: - -— Éste, señor, va por canario; digo, por músico y cantor. - -— Pues, ¿cómo —repitió don Quijote—, por músicos y cantores van también a -galeras? - -— Sí, señor —respondió el galeote—, que no hay peor cosa que cantar en el -ansia. - -— Antes, he yo oído decir —dijo don Quijote— que quien canta sus males -espanta. - -— Acá es al revés —dijo el galeote—, que quien canta una vez llora toda la -vida. - -— No lo entiendo —dijo don Quijote. - -Mas una de las guardas le dijo: - -— Señor caballero, cantar en el ansia se dice, entre esta gente non santa, -confesar en el tormento. A este pecador le dieron tormento y confesó su -delito, que era ser cuatrero, que es ser ladrón de bestias, y, por haber -confesado, le condenaron por seis años a galeras, amén de docientos azotes -que ya lleva en las espaldas. Y va siempre pensativo y triste, porque los -demás ladrones que allá quedan y aquí van le maltratan y aniquilan, y -escarnecen y tienen en poco, porque confesó y no tuvo ánimo de decir nones. -Porque dicen ellos que tantas letras tiene un no como un sí, y que harta -ventura tiene un delincuente, que está en su lengua su vida o su muerte, y -no en la de los testigos y probanzas; y para mí tengo que no van muy fuera -de camino. - -— Y yo lo entiendo así —respondió don Quijote. - -El cual, pasando al tercero, preguntó lo que a los otros; el cual, de -presto y con mucho desenfado, respondió y dijo: - -— Yo voy por cinco años a las señoras gurapas por faltarme diez ducados. -— Yo daré veinte de muy buena gana —dijo don Quijote— por libraros desa -pesadumbre. - -— Eso me parece —respondió el galeote— como quien tiene dineros en mitad del -golfo y se está muriendo de hambre, sin tener adonde comprar lo que ha -menester. Dígolo porque si a su tiempo tuviera yo esos veinte ducados que -vuestra merced ahora me ofrece, hubiera untado con ellos la péndola del -escribano y avivado el ingenio del procurador, de manera que hoy me viera -en mitad de la plaza de Zocodover, de Toledo, y no en este camino, -atraillado como galgo; pero Dios es grande: paciencia y basta. - -Pasó don Quijote al cuarto, que era un hombre de venerable rostro con una -barba blanca que le pasaba del pecho; el cual, oyéndose preguntar la causa -por que allí venía, comenzó a llorar y no respondió palabra; mas el quinto -condenado le sirvió de lengua, y dijo: - -— Este hombre honrado va por cuatro años a galeras, habiendo paseado las -acostumbradas vestido en pompa y a caballo. - -— Eso es —dijo Sancho Panza—, a lo que a mí me parece, haber salido a la -vergüenza. - -— Así es —replicó el galeote—; y la culpa por que le dieron esta pena es por -haber sido corredor de oreja, y aun de todo el cuerpo. En efecto, quiero -decir que este caballero va por alcahuete, y por tener asimesmo sus puntas -y collar de hechicero. - -— A no haberle añadido esas puntas y collar —dijo don Quijote—, por -solamente el alcahuete limpio, no merecía él ir a bogar en las galeras, -sino a mandallas y a ser general dellas; porque no es así comoquiera el -oficio de alcahuete, que es oficio de discretos y necesarísimo en la -república bien ordenada, y que no le debía ejercer sino gente muy bien -nacida; y aun había de haber veedor y examinador de los tales, como le hay -de los demás oficios, con número deputado y conocido, como corredores de -lonja; y desta manera se escusarían muchos males que se causan por andar -este oficio y ejercicio entre gente idiota y de poco entendimiento, como -son mujercillas de poco más a menos, pajecillos y truhanes de pocos años y -de poca experiencia, que, a la más necesaria ocasión y cuando es menester -dar una traza que importe, se les yelan las migas entre la boca y la mano y -no saben cuál es su mano derecha. Quisiera pasar adelante y dar las razones -por que convenía hacer elección de los que en la república habían de tener -tan necesario oficio, pero no es el lugar acomodado para ello: algún día lo -diré a quien lo pueda proveer y remediar. Sólo digo ahora que la pena que -me ha causado ver estas blancas canas y este rostro venerable en tanta -fatiga, por alcahuete, me la ha quitado el adjunto de ser hechicero; aunque -bien sé que no hay hechizos en el mundo que puedan mover y forzar la -voluntad, como algunos simples piensan; que es libre nuestro albedrío, y no -hay yerba ni encanto que le fuerce. Lo que suelen hacer algunas mujercillas -simples y algunos embusteros bellacos es algunas misturas y venenos con que -vuelven locos a los hombres, dando a entender que tienen fuerza para hacer -querer bien, siendo, como digo, cosa imposible forzar la voluntad. -— Así es —dijo el buen viejo—, y, en verdad, señor, que en lo de hechicero -que no tuve culpa; en lo de alcahuete, no lo pude negar. Pero nunca pensé -que hacía mal en ello: que toda mi intención era que todo el mundo se -holgase y viviese en paz y quietud, sin pendencias ni penas; pero no me -aprovechó nada este buen deseo para dejar de ir adonde no espero volver, -según me cargan los años y un mal de orina que llevo, que no me deja -reposar un rato. - -Y aquí tornó a su llanto, como de primero; y túvole Sancho tanta compasión, -que sacó un real de a cuatro del seno y se le dio de limosna. - -Pasó adelante don Quijote, y preguntó a otro su delito, el cual respondió -con no menos, sino con mucha más gallardía que el pasado: - -— Yo voy aquí porque me burlé demasiadamente con dos primas hermanas mías, y -con otras dos hermanas que no lo eran mías; finalmente, tanto me burlé con -todas, que resultó de la burla crecer la parentela, tan intricadamente que -no hay diablo que la declare. Probóseme todo, faltó favor, no tuve dineros, -víame a pique de perder los tragaderos, sentenciáronme a galeras por seis -años, consentí: castigo es de mi culpa; mozo soy: dure la vida, que con -ella todo se alcanza. Si vuestra merced, señor caballero, lleva alguna cosa -con que socorrer a estos pobretes, Dios se lo pagará en el cielo, y -nosotros tendremos en la tierra cuidado de rogar a Dios en nuestras -oraciones por la vida y salud de vuestra merced, que sea tan larga y tan -buena como su buena presencia merece. - -Éste iba en hábito de estudiante, y dijo una de las guardas que era muy -grande hablador y muy gentil latino. - -Tras todos éstos, venía un hombre de muy buen parecer, de edad de treinta -años, sino que al mirar metía el un ojo en el otro un poco. Venía -diferentemente atado que los demás, porque traía una cadena al pie, tan -grande que se la liaba por todo el cuerpo, y dos argollas a la garganta, la -una en la cadena, y la otra de las que llaman guardaamigo o piedeamigo, de -la cual decendían dos hierros que llegaban a la cintura, en los cuales se -asían dos esposas, donde llevaba las manos, cerradas con un grueso candado, -de manera que ni con las manos podía llegar a la boca, ni podía bajar la -cabeza a llegar a las manos. Preguntó don Quijote que cómo iba aquel hombre -con tantas prisiones más que los otros. Respondióle la guarda porque tenía -aquel solo más delitos que todos los otros juntos, y que era tan atrevido y -tan grande bellaco que, aunque le llevaban de aquella manera, no iban -seguros dél, sino que temían que se les había de huir. - -— ¿Qué delitos puede tener —dijo don Quijote—, si no han merecido más pena -que echalle a las galeras? - -— Va por diez años —replicó la guarda—, que es como muerte cevil. No se -quiera saber más, sino que este buen hombre es el famoso Ginés de -Pasamonte, que por otro nombre llaman Ginesillo de Parapilla. - -— Señor comisario —dijo entonces el galeote—, váyase poco a poco, y no -andemos ahora a deslindar nombres y sobrenombres. Ginés me llamo y no -Ginesillo, y Pasamonte es mi alcurnia, y no Parapilla, como voacé dice; y -cada uno se dé una vuelta a la redonda, y no hará poco. - -— Hable con menos tono —replicó el comisario—, señor ladrón de más de la -marca, si no quiere que le haga callar, mal que le pese. - -— Bien parece —respondió el galeote— que va el hombre como Dios es servido, -pero algún día sabrá alguno si me llamo Ginesillo de Parapilla o no. -— Pues, ¿no te llaman ansí, embustero? —dijo la guarda. - -— Sí llaman —respondió Ginés—, mas yo haré que no me lo llamen, o me las -pelaría donde yo digo entre mis dientes. Señor caballero, si tiene algo que -darnos, dénoslo ya, y vaya con Dios, que ya enfada con tanto querer saber -vidas ajenas; y si la mía quiere saber, sepa que yo soy Ginés de Pasamonte, -cuya vida está escrita por estos pulgares. - -— Dice verdad —dijo el comisario—: que él mesmo ha escrito su historia, que -no hay más, y deja empeñado el libro en la cárcel en docientos reales. -— Y le pienso quitar —dijo Ginés—, si quedara en docientos ducados. -— ¿Tan bueno es? —dijo don Quijote. - -— Es tan bueno —respondió Ginés— que mal año para Lazarillo de Tormes y para -todos cuantos de aquel género se han escrito o escribieren. Lo que le sé -decir a voacé es que trata verdades, y que son verdades tan lindas y tan -donosas que no pueden haber mentiras que se le igualen. - -— ¿Y cómo se intitula el libro? —preguntó don Quijote. - -— La vida de Ginés de Pasamonte —respondió el mismo. - -— ¿Y está acabado? —preguntó don Quijote. - -— ¿Cómo puede estar acabado —respondió él—, si aún no está acabada mi vida? -Lo que está escrito es desde mi nacimiento hasta el punto que esta última -vez me han echado en galeras. - -— Luego, ¿otra vez habéis estado en ellas? —dijo don Quijote. - -— Para servir a Dios y al rey, otra vez he estado cuatro años, y ya sé a qué -sabe el bizcocho y el corbacho —respondió Ginés—; y no me pesa mucho de ir -a ellas, porque allí tendré lugar de acabar mi libro, que me quedan muchas -cosas que decir, y en las galeras de España hay mas sosiego de aquel que -sería menester, aunque no es menester mucho más para lo que yo tengo de -escribir, porque me lo sé de coro. - -— Hábil pareces —dijo don Quijote. - -— Y desdichado —respondió Ginés—; porque siempre las desdichas persiguen al -buen ingenio. - -— Persiguen a los bellacos —dijo el comisario. - -— Ya le he dicho, señor comisario —respondió Pasamonte—, que se vaya poco a -poco, que aquellos señores no le dieron esa vara para que maltratase a los -pobretes que aquí vamos, sino para que nos guiase y llevase adonde Su -Majestad manda. Si no, ¡por vida de...! ¡Basta!, que podría ser que -saliesen algún día en la colada las manchas que se hicieron en la venta; y -todo el mundo calle, y viva bien, y hable mejor y caminemos, que ya es -mucho regodeo éste. - -Alzó la vara en alto el comisario para dar a Pasamonte en respuesta de sus -amenazas, mas don Quijote se puso en medio y le rogó que no le maltratase, -pues no era mucho que quien llevaba tan atadas las manos tuviese algún -tanto suelta la lengua. Y, volviéndose a todos los de la cadena, dijo: -— De todo cuanto me habéis dicho, hermanos carísimos, he sacado en limpio -que, aunque os han castigado por vuestras culpas, las penas que vais a -padecer no os dan mucho gusto, y que vais a ellas muy de mala gana y muy -contra vuestra voluntad; y que podría ser que el poco ánimo que aquél tuvo -en el tormento, la falta de dineros déste, el poco favor del otro y, -finalmente, el torcido juicio del juez, hubiese sido causa de vuestra -perdición y de no haber salido con la justicia que de vuestra parte -teníades. Todo lo cual se me representa a mí ahora en la memoria de manera -que me está diciendo, persuadiendo y aun forzando que muestre con vosotros -el efeto para que el cielo me arrojó al mundo, y me hizo profesar en él la -orden de caballería que profeso, y el voto que en ella hice de favorecer a -los menesterosos y opresos de los mayores. Pero, porque sé que una de las -partes de la prudencia es que lo que se puede hacer por bien no se haga por -mal, quiero rogar a estos señores guardianes y comisario sean servidos de -desataros y dejaros ir en paz, que no faltarán otros que sirvan al rey en -mejores ocasiones; porque me parece duro caso hacer esclavos a los que Dios -y naturaleza hizo libres. Cuanto más, señores guardas —añadió don Quijote—, -que estos pobres no han cometido nada contra vosotros. Allá se lo haya cada -uno con su pecado; Dios hay en el cielo, que no se descuida de castigar al -malo ni de premiar al bueno, y no es bien que los hombres honrados sean -verdugos de los otros hombres, no yéndoles nada en ello. Pido esto con esta -mansedumbre y sosiego, porque tenga, si lo cumplís, algo que agradeceros; -y, cuando de grado no lo hagáis, esta lanza y esta espada, con el valor de -mi brazo, harán que lo hagáis por fuerza. - -— ¡Donosa majadería! —respondió el comisario— ¡Bueno está el donaire con que -ha salido a cabo de rato! ¡Los forzados del rey quiere que le dejemos, como -si tuviéramos autoridad para soltarlos o él la tuviera para mandárnoslo! -Váyase vuestra merced, señor, norabuena, su camino adelante, y enderécese -ese bacín que trae en la cabeza, y no ande buscando tres pies al gato. -— ¡Vos sois el gato, y el rato, y el bellaco! —respondió don Quijote. -Y, diciendo y haciendo, arremetió con él tan presto que, sin que tuviese -lugar de ponerse en defensa, dio con él en el suelo, malherido de una -lanzada; y avínole bien, que éste era el de la escopeta. Las demás guardas -quedaron atónitas y suspensas del no esperado acontecimiento; pero, -volviendo sobre sí, pusieron mano a sus espadas los de a caballo, y los de -a pie a sus dardos, y arremetieron a don Quijote, que con mucho sosiego los -aguardaba; y, sin duda, lo pasara mal si los galeotes, viendo la ocasión -que se les ofrecía de alcanzar libertad, no la procuraran, procurando -romper la cadena donde venían ensartados. Fue la revuelta de manera que las -guardas, ya por acudir a los galeotes, que se desataban, ya por acometer a -don Quijote, que los acometía, no hicieron cosa que fuese de provecho. -Ayudó Sancho, por su parte, a la soltura de Ginés de Pasamonte, que fue el -primero que saltó en la campaña libre y desembarazado, y, arremetiendo al -comisario caído, le quitó la espada y la escopeta, con la cual, apuntando -al uno y señalando al otro, sin disparalla jamás, no quedó guarda en todo -el campo, porque se fueron huyendo, así de la escopeta de Pasamonte como de -las muchas pedradas que los ya sueltos galeotes les tiraban. -Entristecióse mucho Sancho deste suceso, porque se le representó que los -que iban huyendo habían de dar noticia del caso a la Santa Hermandad, la -cual, a campana herida, saldría a buscar los delincuentes, y así se lo dijo -a su amo, y le rogó que luego de allí se partiesen y se emboscasen en la -sierra, que estaba cerca. - -— Bien está eso —dijo don Quijote—, pero yo sé lo que ahora conviene que se -haga. - -Y, llamando a todos los galeotes, que andaban alborotados y habían -despojado al comisario hasta dejarle en cueros, se le pusieron todos a la -redonda para ver lo que les mandaba, y así les dijo: - -— De gente bien nacida es agradecer los beneficios que reciben, y uno de los -pecados que más a Dios ofende es la ingratitud. Dígolo porque ya habéis -visto, señores, con manifiesta experiencia, el que de mí habéis recebido; -en pago del cual querría, y es mi voluntad, que, cargados de esa cadena que -quité de vuestros cuellos, luego os pongáis en camino y vais a la ciudad -del Toboso, y allí os presentéis ante la señora Dulcinea del Toboso y le -digáis que su caballero, el de la Triste Figura, se le envía a encomendar, -y le contéis, punto por punto, todos los que ha tenido esta famosa aventura -hasta poneros en la deseada libertad; y, hecho esto, os podréis ir donde -quisiéredes a la buena ventura. - -Respondió por todos Ginés de Pasamonte, y dijo: - -— Lo que vuestra merced nos manda, señor y libertador nuestro, es imposible -de toda imposibilidad cumplirlo, porque no podemos ir juntos por los -caminos, sino solos y divididos, y cada uno por su parte, procurando -meterse en las entrañas de la tierra, por no ser hallado de la Santa -Hermandad, que, sin duda alguna, ha de salir en nuestra busca. Lo que -vuestra merced puede hacer, y es justo que haga, es mudar ese servicio y -montazgo de la señora Dulcinea del Toboso en alguna cantidad de avemarías y -credos, que nosotros diremos por la intención de vuestra merced; y ésta es -cosa que se podrá cumplir de noche y de día, huyendo o reposando, en paz o -en guerra; pero pensar que hemos de volver ahora a las ollas de Egipto, -digo, a tomar nuestra cadena y a ponernos en camino del Toboso, es pensar -que es ahora de noche, que aún no son las diez del día, y es pedir a -nosotros eso como pedir peras al olmo. - -— Pues ¡voto a tal! —dijo don Quijote, ya puesto en cólera—, don hijo de la -puta, don Ginesillo de Paropillo, o como os llamáis, que habéis de ir vos -solo, rabo entre piernas, con toda la cadena a cuestas. - -Pasamonte, que no era nada bien sufrido, estando ya enterado que don -Quijote no era muy cuerdo, pues tal disparate había cometido como el de -querer darles libertad, viéndose tratar de aquella manera, hizo del ojo a -los compañeros, y, apartándose aparte, comenzaron a llover tantas piedras -sobre don Quijote, que no se daba manos a cubrirse con la rodela; y el -pobre de Rocinante no hacía más caso de la espuela que si fuera hecho de -bronce. Sancho se puso tras su asno, y con él se defendía de la nube y -pedrisco que sobre entrambos llovía. No se pudo escudar tan bien don -Quijote que no le acertasen no sé cuántos guijarros en el cuerpo, con tanta -fuerza que dieron con él en el suelo; y apenas hubo caído, cuando fue sobre -él el estudiante y le quitó la bacía de la cabeza, y diole con ella tres o -cuatro golpes en las espaldas y otros tantos en la tierra, con que la hizo -pedazos. Quitáronle una ropilla que traía sobre las armas, y las medias -calzas le querían quitar si las grebas no lo estorbaran. A Sancho le -quitaron el gabán, y, dejándole en pelota, repartiendo entre sí los demás -despojos de la batalla, se fueron cada uno por su parte, con más cuidado de -escaparse de la Hermandad, que temían, que de cargarse de la cadena e ir a -presentarse ante la señora Dulcinea del Toboso. - -Solos quedaron jumento y Rocinante, Sancho y Don Quijote; el jumento, -cabizbajo y pensativo, sacudiendo de cuando en cuando las orejas, pensando -que aún no había cesado la borrasca de las piedras, que le perseguían los -oídos; Rocinante, tendido junto a su amo, que también vino al suelo de otra -pedrada; Sancho, en pelota y temeroso de la Santa Hermandad; don Quijote, -mohinísimo de verse tan malparado por los mismos a quien tanto bien había -hecho. - - - - -Capítulo XXIII. De lo que le aconteció al famoso don Quijote en Sierra -Morena, que fue una de las más raras aventuras que en esta verdadera -historia se cuentan - -Viéndose tan malparado don Quijote, dijo a su escudero: - -— Siempre, Sancho, lo he oído decir, que el hacer bien a villanos es echar -agua en la mar. Si yo hubiera creído lo que me dijiste, yo hubiera escusado -esta pesadumbre; pero ya está hecho: paciencia, y escarmentar para desde -aquí adelante. - -— Así escarmentará vuestra merced —respondió Sancho— como yo soy turco; -pero, pues dice que si me hubiera creído se hubiera escusado este daño, -créame ahora y escusará otro mayor; porque le hago saber que con la Santa -Hermandad no hay usar de caballerías, que no se le da a ella por cuantos -caballeros andantes hay dos maravedís; y sepa que ya me parece que sus -saetas me zumban por los oídos. - -— Naturalmente eres cobarde, Sancho —dijo don Quijote—, pero, porque no -digas que soy contumaz y que jamás hago lo que me aconsejas, por esta vez -quiero tomar tu consejo y apartarme de la furia que tanto temes; mas ha de -ser con una condición: que jamás, en vida ni en muerte, has de decir a -nadie que yo me retiré y aparté deste peligro de miedo, sino por complacer -a tus ruegos; que si otra cosa dijeres, mentirás en ello, y desde ahora -para entonces, y desde entonces para ahora, te desmiento, y digo que -mientes y mentirás todas las veces que lo pensares o lo dijeres. Y no me -repliques más, que en sólo pensar que me aparto y retiro de algún peligro, -especialmente déste, que parece que lleva algún es no es de sombra de -miedo, estoy ya para quedarme, y para aguardar aquí solo, no solamente a la -Santa Hermandad que dices y temes, sino a los hermanos de los doce tribus -de Israel, y a los siete Macabeos, y a Cástor y a Pólux, y aun a todos los -hermanos y hermandades que hay en el mundo. - -— Señor —respondió Sancho—, que el retirar no es huir, ni el esperar es -cordura, cuando el peligro sobrepuja a la esperanza, y de sabios es -guardarse hoy para mañana y no aventurarse todo en un día. Y sepa que, -aunque zafio y villano, todavía se me alcanza algo desto que llaman buen -gobierno; así que, no se arrepienta de haber tomado mi consejo, sino suba -en Rocinante, si puede, o si no yo le ayudaré, y sígame, que el caletre me -dice que hemos menester ahora más los pies que las manos. - -Subió don Quijote, sin replicarle más palabra, y, guiando Sancho sobre su -asno, se entraron por una parte de Sierra Morena, que allí junto estaba, -llevando Sancho intención de atravesarla toda e ir a salir al Viso, o a -Almodóvar del Campo, y esconderse algunos días por aquellas asperezas, por -no ser hallados si la Hermandad los buscase. Animóle a esto haber visto que -de la refriega de los galeotes se había escapado libre la despensa que -sobre su asno venía, cosa que la juzgó a milagro, según fue lo que llevaron -y buscaron los galeotes. - -Así como don Quijote entró por aquellas montañas, se le alegró el corazón, -pareciéndole aquellos lugares acomodados para las aventuras que buscaba. -Reducíansele a la memoria los maravillosos acaecimientos que en semejantes -soledades y asperezas habían sucedido a caballeros andantes. Iba pensando -en estas cosas, tan embebecido y trasportado en ellas que de ninguna otra -se acordaba. Ni Sancho llevaba otro cuidado —después que le pareció que -caminaba por parte segura— sino de satisfacer su estómago con los relieves -que del despojo clerical habían quedado; y así, iba tras su amo sentado a -la mujeriega sobre su jumento, sacando de un costal y embaulando en su -panza; y no se le diera por hallar otra ventura, entretanto que iba de -aquella manera, un ardite. - -En esto, alzó los ojos y vio que su amo estaba parado, procurando con la -punta del lanzón alzar no sé qué bulto que estaba caído en el suelo, por lo -cual se dio priesa a llegar a ayudarle si fuese menester; y cuando llegó -fue a tiempo que alzaba con la punta del lanzón un cojín y una maleta asida -a él, medio podridos, o podridos del todo, y deshechos; mas, pesaba tanto, -que fue necesario que Sancho se apease a tomarlos, y mandóle su amo que -viese lo que en la maleta venía. - -Hízolo con mucha presteza Sancho, y, aunque la maleta venía cerrada con una -cadena y su candado, por lo roto y podrido della vio lo que en ella había, -que eran cuatro camisas de delgada holanda y otras cosas de lienzo, no -menos curiosas que limpias, y en un pañizuelo halló un buen montoncillo de -escudos de oro; y, así como los vio, dijo: - -— ¡Bendito sea todo el cielo, que nos ha deparado una aventura que sea de -provecho! - -Y buscando más, halló un librillo de memoria, ricamente guarnecido. Éste le -pidió don Quijote, y mandóle que guardase el dinero y lo tomase para él. -Besóle las manos Sancho por la merced, y, desvalijando a la valija de su -lencería, la puso en el costal de la despensa. Todo lo cual visto por don -Quijote, dijo: - -— Paréceme, Sancho, y no es posible que sea otra cosa, que algún caminante -descaminado debió de pasar por esta sierra, y, salteándole malandrines, le -debieron de matar, y le trujeron a enterrar en esta tan escondida parte. -— No puede ser eso —respondió Sancho—, porque si fueran ladrones, no se -dejaran aquí este dinero. - -— Verdad dices —dijo don Quijote—, y así, no adivino ni doy en lo que esto -pueda ser; mas, espérate: veremos si en este librillo de memoria hay alguna -cosa escrita por donde podamos rastrear y venir en conocimiento de lo que -deseamos. - -Abrióle, y lo primero que halló en él escrito, como en borrador, aunque de -muy buena letra, fue un soneto, que, leyéndole alto porque Sancho también -lo oyese, vio que decía desta manera: - -O le falta al Amor conocimiento, - -o le sobra crueldad, o no es mi pena - -igual a la ocasión que me condena - -al género más duro de tormento. - -Pero si Amor es dios, es argumento - -que nada ignora, y es razón muy buena - -que un dios no sea cruel. Pues, ¿quién ordena - -el terrible dolor que adoro y siento? - -Si digo que sois vos, Fili, no acierto; - -que tanto mal en tanto bien no cabe, - -ni me viene del cielo esta rüina. - -Presto habré de morir, que es lo más cierto; - -que al mal de quien la causa no se sabe - -milagro es acertar la medicina. - -— Por esa trova —dijo Sancho— no se puede saber nada, si ya no es que por -ese hilo que está ahí se saque el ovillo de todo. - -— ¿Qué hilo está aquí? —dijo don Quijote. - -— Paréceme —dijo Sancho— que vuestra merced nombró ahí hilo. - -— No dije sino Fili —respondió don Quijote—, y éste, sin duda, es el nombre -de la dama de quien se queja el autor deste soneto; y a fe que debe de ser -razonable poeta, o yo sé poco del arte. - -— Luego, ¿también —dijo Sancho— se le entiende a vuestra merced de trovas? -— Y más de lo que tú piensas —respondió don Quijote—, y veráslo cuando -lleves una carta, escrita en verso de arriba abajo, a mi señora Dulcinea -del Toboso. Porque quiero que sepas, Sancho, que todos o los más caballeros -andantes de la edad pasada eran grandes trovadores y grandes músicos; que -estas dos habilidades, o gracias, por mejor decir, son anexas a los -enamorados andantes. Verdad es que las coplas de los pasados caballeros -tienen más de espíritu que de primor. - -— Lea más vuestra merced —dijo Sancho—, que ya hallará algo que nos -satisfaga. - -Volvió la hoja don Quijote y dijo: - -— Esto es prosa, y parece carta. - -— ¿Carta misiva, señor? —preguntó Sancho. - -— En el principio no parece sino de amores —respondió don Quijote. -— Pues lea vuestra merced alto —dijo Sancho—, que gusto mucho destas cosas -de amores. - -— Que me place —dijo don Quijote. - -Y, leyéndola alto, como Sancho se lo había rogado, vio que decía desta -manera: - -Tu falsa promesa y mi cierta desventura me llevan a parte donde antes -volverán a tus oídos las nuevas de mi muerte que las razones de mis quejas. -Desechásteme, ¡oh ingrata!, por quien tiene más, no por quien vale más que -yo; mas si la virtud fuera riqueza que se estimara, no envidiara yo dichas -ajenas ni llorara desdichas propias. Lo que levantó tu hermosura han -derribado tus obras: por ella entendí que eras ángel, y por ellas conozco -que eres mujer. Quédate en paz, causadora de mi guerra, y haga el cielo que -los engaños de tu esposo estén siempre encubiertos, porque tú no quedes -arrepentida de lo que heciste y yo no tome venganza de lo que no deseo. -Acabando de leer la carta, dijo don Quijote: - -— Menos por ésta que por los versos se puede sacar más de que quien la -escribió es algún desdeñado amante. - -Y, hojeando casi todo el librillo, halló otros versos y cartas, que algunos -pudo leer y otros no; pero lo que todos contenían eran quejas, lamentos, -desconfianzas, sabores y sinsabores, favores y desdenes, solenizados los -unos y llorados los otros. - -En tanto que don Quijote pasaba el libro, pasaba Sancho la maleta, sin -dejar rincón en toda ella, ni en el cojín, que no buscase, escudriñase e -inquiriese, ni costura que no deshiciese, ni vedija de lana que no -escarmenase, porque no se quedase nada por diligencia ni mal recado: tal -golosina habían despertado en él los hallados escudos, que pasaban de -ciento. Y, aunque no halló mas de lo hallado, dio por bien empleados los -vuelos de la manta, el vomitar del brebaje, las bendiciones de las estacas, -las puñadas del arriero, la falta de las alforjas, el robo del gabán y toda -la hambre, sed y cansancio que había pasado en servicio de su buen señor, -pareciéndole que estaba más que rebién pagado con la merced recebida de la -entrega del hallazgo. - -Con gran deseo quedó el Caballero de la Triste Figura de saber quién fuese -el dueño de la maleta, conjeturando, por el soneto y carta, por el dinero -en oro y por las tan buenas camisas, que debía de ser de algún principal -enamorado, a quien desdenes y malos tratamientos de su dama debían de haber -conducido a algún desesperado término. Pero, como por aquel lugar -inhabitable y escabroso no parecía persona alguna de quien poder -informarse, no se curó de más que de pasar adelante, sin llevar otro camino -que aquel que Rocinante quería, que era por donde él podía caminar, siempre -con imaginación que no podía faltar por aquellas malezas alguna estraña -aventura. - -Yendo, pues, con este pensamiento, vio que, por cima de una montañuela que -delante de los ojos se le ofrecía, iba saltando un hombre, de risco en -risco y de mata en mata, con estraña ligereza. Figurósele que iba desnudo, -la barba negra y espesa, los cabellos muchos y rabultados, los pies -descalzos y las piernas sin cosa alguna; los muslos cubrían unos calzones, -al parecer de terciopelo leonado, mas tan hechos pedazos que por muchas -partes se le descubrían las carnes. Traía la cabeza descubierta, y, aunque -pasó con la ligereza que se ha dicho, todas estas menudencias miró y notó -el Caballero de la Triste Figura; y, aunque lo procuró, no pudo seguille, -porque no era dado a la debilidad de Rocinante andar por aquellas -asperezas, y más siendo él de suyo pisacorto y flemático. Luego imaginó don -Quijote que aquél era el dueño del cojín y de la maleta, y propuso en sí de -buscalle, aunque supiese andar un año por aquellas montañas hasta hallarle; -y así, mandó a Sancho que se apease del asno y atajase por la una parte de -la montaña, que él iría por la otra y podría ser que topasen, con esta -diligencia, con aquel hombre que con tanta priesa se les había quitado de -delante. - -— No podré hacer eso —respondió Sancho—, porque, en apartándome de vuestra -merced, luego es conmigo el miedo, que me asalta con mil géneros de -sobresaltos y visiones. Y sírvale esto que digo de aviso, para que de aquí -adelante no me aparte un dedo de su presencia. - -— Así será —dijo el de la Triste Figura—, y yo estoy muy contento de que te -quieras valer de mi ánimo, el cual no te ha de faltar, aunque te falte el -ánima del cuerpo. Y vente ahora tras mí poco a poco, o como pudieres, y haz -de los ojos lanternas; rodearemos esta serrezuela: quizá toparemos con -aquel hombre que vimos, el cual, sin duda alguna, no es otro que el dueño -de nuestro hallazgo. - -A lo que Sancho respondió: - -— Harto mejor sería no buscalle, porque si le hallamos y acaso fuese el -dueño del dinero, claro está que lo tengo de restituir; y así, fuera mejor, -sin hacer esta inútil diligencia, poseerlo yo con buena fe hasta que, por -otra vía menos curiosa y diligente, pareciera su verdadero señor; y quizá -fuera a tiempo que lo hubiera gastado, y entonces el rey me hacía franco. -— Engáñaste en eso, Sancho —respondió don Quijote—; que, ya que hemos caído -en sospecha de quién es el dueño, cuasi delante, estamos obligados a -buscarle y volvérselos; y, cuando no le buscásemos, la vehemente sospecha -que tenemos de que él lo sea nos pone ya en tanta culpa como si lo fuese. -Así que, Sancho amigo, no te dé pena el buscalle, por la que a mí se me -quitará si le hallo. - -Y así, picó a Rocinante, y siguióle Sancho con su acostumbrado jumento; y, -habiendo rodeado parte de la montaña, hallaron en un arroyo, caída, muerta -y medio comida de perros y picada de grajos, una mula ensillada y -enfrenada; todo lo cual confirmó en ellos más la sospecha de que aquel que -huía era el dueño de la mula y del cojín. - -Estándola mirando, oyeron un silbo como de pastor que guardaba ganado, y a -deshora, a su siniestra mano, parecieron una buena cantidad de cabras, y -tras ellas, por cima de la montaña, pareció el cabrero que las guardaba, -que era un hombre anciano. Diole voces don Quijote, y rogóle que bajase -donde estaban. Él respondió a gritos que quién les había traído por aquel -lugar, pocas o ningunas veces pisado sino de pies de cabras o de lobos y -otras fieras que por allí andaban. Respondióle Sancho que bajase, que de -todo le darían buena cuenta. Bajó el cabrero, y, en llegando adonde don -Quijote estaba, dijo: - -— Apostaré que está mirando la mula de alquiler que está muerta en esa -hondonada. Pues a buena fe que ha ya seis meses que está en ese lugar. -Díganme: ¿han topado por ahí a su dueño? - -— No hemos topado a nadie —respondió don Quijote—, sino a un cojín y a una -maletilla que no lejos deste lugar hallamos. - -— También la hallé yo —respondió el cabrero—, mas nunca la quise alzar ni -llegar a ella, temeroso de algún desmán y de que no me la pidiesen por de -hurto; que es el diablo sotil, y debajo de los pies se levanta allombre -cosa donde tropiece y caya, sin saber cómo ni cómo no. - -— Eso mesmo es lo que yo digo —respondió Sancho—: que también la hallé yo, y -no quise llegar a ella con un tiro de piedra; allí la dejé y allí se queda -como se estaba, que no quiero perro con cencerro. - -— Decidme, buen hombre —dijo don Quijote—, ¿sabéis vos quién sea el dueño -destas prendas? - -— Lo que sabré yo decir —dijo el cabrero— es que «habrá al pie de seis -meses, poco más a menos, que llegó a una majada de pastores, que estará -como tres leguas deste lugar, un mancebo de gentil talle y apostura, -caballero sobre esa mesma mula que ahí está muerta, y con el mesmo cojín y -maleta que decís que hallastes y no tocastes. Preguntónos que cuál parte -desta sierra era la más áspera y escondida; dijímosle que era esta donde -ahora estamos; y es ansí la verdad, porque si entráis media legua más -adentro, quizá no acertaréis a salir; y estoy maravillado de cómo habéis -podido llegar aquí, porque no hay camino ni senda que a este lugar -encamine. Digo, pues, que, en oyendo nuestra respuesta el mancebo, volvió -las riendas y encaminó hacia el lugar donde le señalamos, dejándonos a -todos contentos de su buen talle, y admirados de su demanda y de la priesa -con que le víamos caminar y volverse hacia la sierra; y desde entonces -nunca más le vimos, hasta que desde allí a algunos días salió al camino a -uno de nuestros pastores, y, sin decille nada, se llegó a él y le dio -muchas puñadas y coces, y luego se fue a la borrica del hato y le quitó -cuanto pan y queso en ella traía; y, con estraña ligereza, hecho esto, se -volvió a emboscar en la sierra. Como esto supimos algunos cabreros, le -anduvimos a buscar casi dos días por lo más cerrado desta sierra, al cabo -de los cuales le hallamos metido en el hueco de un grueso y valiente -alcornoque. Salió a nosotros con mucha mansedumbre, ya roto el vestido, y -el rostro disfigurado y tostado del sol, de tal suerte que apenas le -conocíamos, sino que los vestidos, aunque rotos, con la noticia que dellos -teníamos, nos dieron a entender que era el que buscábamos. Saludónos -cortésmente, y en pocas y muy buenas razones nos dijo que no nos -maravillásemos de verle andar de aquella suerte, porque así le convenía -para cumplir cierta penitencia que por sus muchos pecados le había sido -impuesta. Rogámosle que nos dijese quién era, mas nunca lo pudimos acabar -con él. Pedímosle también que, cuando hubiese menester el sustento, sin el -cual no podía pasar, nos dijese dónde le hallaríamos, porque con mucho amor -y cuidado se lo llevaríamos; y que si esto tampoco fuese de su gusto, que, -a lo menos, saliese a pedirlo, y no a quitarlo a los pastores. Agradeció -nuestro ofrecimiento, pidió perdón de los asaltos pasados, y ofreció de -pedillo de allí adelante por amor de Dios, sin dar molestia alguna a nadie. -En cuanto lo que tocaba a la estancia de su habitación, dijo que no tenía -otra que aquella que le ofrecía la ocasión donde le tomaba la noche; y -acabó su plática con un tan tierno llanto, que bien fuéramos de piedra los -que escuchado le habíamos, si en él no le acompañáramos, considerándole -cómo le habíamos visto la vez primera, y cuál le veíamos entonces. Porque, -como tengo dicho, era un muy gentil y agraciado mancebo, y en sus corteses -y concertadas razones mostraba ser bien nacido y muy cortesana persona; -que, puesto que éramos rústicos los que le escuchábamos, su gentileza era -tanta, que bastaba a darse a conocer a la mesma rusticidad. Y, estando en -lo mejor de su plática, paró y enmudecióse; clavó los ojos en el suelo por -un buen espacio, en el cual todos estuvimos quedos y suspensos, esperando -en qué había de parar aquel embelesamiento, con no poca lástima de verlo; -porque, por lo que hacía de abrir los ojos, estar fijo mirando al suelo sin -mover pestaña gran rato, y otras veces cerrarlos, apretando los labios y -enarcando las cejas, fácilmente conocimos que algún accidente de locura le -había sobrevenido. Mas él nos dio a entender presto ser verdad lo que -pensábamos, porque se levantó con gran furia del suelo, donde se había -echado, y arremetió con el primero que halló junto a sí, con tal denuedo y -rabia que, si no se le quitáramos, le matara a puñadas y a bocados; y todo -esto hacía, diciendo: ''¡Ah, fementido Fernando! ¡Aquí, aquí me pagarás la -sinrazón que me heciste: estas manos te sacarán el corazón, donde albergan -y tienen manida todas las maldades juntas, principalmente la fraude y el -engaño!'' Y a éstas añadía otras razones, que todas se encaminaban a decir -mal de aquel Fernando y a tacharle de traidor y fementido. Quitámossele, -pues, con no poca pesadumbre, y él, sin decir más palabra, se apartó de -nosotros y se emboscó corriendo por entre estos jarales y malezas, de modo -que nos imposibilitó el seguille. Por esto conjeturamos que la locura le -venía a tiempos, y que alguno que se llamaba Fernando le debía de haber -hecho alguna mala obra, tan pesada cuanto lo mostraba el término a que le -había conducido. Todo lo cual se ha confirmado después acá con las veces, -que han sido muchas, que él ha salido al camino, unas a pedir a los -pastores le den de lo que llevan para comer y otras a quitárselo por -fuerza; porque cuando está con el accidente de la locura, aunque los -pastores se lo ofrezcan de buen grado, no lo admite, sino que lo toma a -puñadas; y cuando está en su seso, lo pide por amor de Dios, cortés y -comedidamente, y rinde por ello muchas gracias, y no con falta de lágrimas. -Y en verdad os digo, señores —prosiguió el cabrero—, que ayer determinamos -yo y cuatro zagales, los dos criados y los dos amigos míos, de buscarle -hasta tanto que le hallemos, y, después de hallado, ya por fuerza ya por -grado, le hemos de llevar a la villa de Almodóvar, que está de aquí ocho -leguas, y allí le curaremos, si es que su mal tiene cura, o sabremos quién -es cuando esté en sus seso, y si tiene parientes a quien dar noticia de su -desgracia». Esto es, señores, lo que sabré deciros de lo que me habéis -preguntado; y entended que el dueño de las prendas que hallastes es el -mesmo que vistes pasar con tanta ligereza como desnudez —que ya le había -dicho don Quijote cómo había visto pasar aquel hombre saltando por la -sierra. - -El cual quedó admirado de lo que al cabrero había oído, y quedó con más -deseo de saber quién era el desdichado loco; y propuso en sí lo mesmo que -ya tenía pensado: de buscalle por toda la montaña, sin dejar rincón ni -cueva en ella que no mirase, hasta hallarle. Pero hízolo mejor la suerte de -lo que él pensaba ni esperaba, porque en aquel mesmo instante pareció, por -entre una quebrada de una sierra que salía donde ellos estaban, el mancebo -que buscaba, el cual venía hablando entre sí cosas que no podían ser -entendidas de cerca, cuanto más de lejos. Su traje era cual se ha pintado, -sólo que, llegando cerca, vio don Quijote que un coleto hecho pedazos que -sobre sí traía era de ámbar; por donde acabó de entender que persona que -tales hábitos traía no debía de ser de ínfima calidad. - -En llegando el mancebo a ellos, les saludó con una voz desentonada y -bronca, pero con mucha cortesía. Don Quijote le volvió las saludes con no -menos comedimiento, y, apeándose de Rocinante, con gentil continente y -donaire, le fue a abrazar y le tuvo un buen espacio estrechamente entre sus -brazos, como si de luengos tiempos le hubiera conocido. El otro, a quien -podemos llamar el Roto de la Mala Figura —como a don Quijote el de la -Triste—, después de haberse dejado abrazar, le apartó un poco de sí, y, -puestas sus manos en los hombros de don Quijote, le estuvo mirando, como -que quería ver si le conocía; no menos admirado quizá de ver la figura, -talle y armas de don Quijote, que don Quijote lo estaba de verle a él. En -resolución, el primero que habló después del abrazamiento fue el Roto, y -dijo lo que se dirá adelante. - - - - -Capítulo XXIV. Donde se prosigue la aventura de la Sierra Morena - -Dice la historia que era grandísima la atención con que don Quijote -escuchaba al astroso Caballero de la Sierra, el cual, prosiguiendo su -plática, dijo: - -— Por cierto, señor, quienquiera que seáis, que yo no os conozco, yo os -agradezco las muestras y la cortesía que conmigo habéis usado; y quisiera -yo hallarme en términos que con más que la voluntad pudiera servir la que -habéis mostrado tenerme en el buen acogimiento que me habéis hecho, mas no -quiere mi suerte darme otra cosa con que corresponda a las buenas obras que -me hacen, que buenos deseos de satisfacerlas. - -— Los que yo tengo —respondió don Quijote— son de serviros; tanto, que tenía -determinado de no salir destas sierras hasta hallaros y saber de vos si el -dolor que en la estrañeza de vuestra vida mostráis tener se podía hallar -algún género de remedio; y si fuera menester buscarle, buscarle con la -diligencia posible. Y, cuando vuestra desventura fuera de aquellas que -tienen cerradas las puertas a todo género de consuelo, pensaba ayudaros a -llorarla y plañirla como mejor pudiera, que todavía es consuelo en las -desgracias hallar quien se duela dellas. Y, si es que mi buen intento -merece ser agradecido con algún género de cortesía, yo os suplico, señor, -por la mucha que veo que en vos se encierra, y juntamente os conjuro por la -cosa que en esta vida más habéis amado o amáis, que me digáis quién sois y -la causa que os ha traído a vivir y a morir entre estas soledades como -bruto animal, pues moráis entre ellos tan ajeno de vos mismo cual lo -muestra vuestro traje y persona. Y juro —añadió don Quijote—, por la orden -de caballería que recebí, aunque indigno y pecador, y por la profesión de -caballero andante, que si en esto, señor, me complacéis, de serviros con -las veras a que me obliga el ser quien soy: ora remediando vuestra -desgracia, si tiene remedio, ora ayudándoos a llorarla, como os lo he -prometido. - -El Caballero del Bosque, que de tal manera oyó hablar al de la Triste -Figura, no hacía sino mirarle, y remirarle y tornarle a mirar de arriba -abajo; y, después que le hubo bien mirado, le dijo: - -— Si tienen algo que darme a comer, por amor de Dios que me lo den; que, -después de haber comido, yo haré todo lo que se me manda, en agradecimiento -de tan buenos deseos como aquí se me han mostrado. - -Luego sacaron, Sancho de su costal y el cabrero de su zurrón, con que -satisfizo el Roto su hambre, comiendo lo que le dieron como persona -atontada, tan apriesa que no daba espacio de un bocado al otro, pues antes -los engullía que tragaba; y, en tanto que comía, ni él ni los que le -miraban hablaban palabra. Como acabó de comer, les hizo de señas que le -siguiesen, como lo hicieron, y él los llevó a un verde pradecillo que a la -vuelta de una peña poco desviada de allí estaba. En llegando a él se tendió -en el suelo, encima de la yerba, y los demás hicieron lo mismo; y todo esto -sin que ninguno hablase, hasta que el Roto, después de haberse acomodado en -su asiento, dijo: - -— Si gustáis, señores, que os diga en breves razones la inmensidad de mis -desventuras, habéisme de prometer de que con ninguna pregunta, ni otra -cosa, no interromperéis el hilo de mi triste historia; porque en el punto -que lo hagáis, en ése se quedará lo que fuere contando. - -Estas razones del Roto trujeron a la memoria a don Quijote el cuento que le -había contado su escudero, cuando no acertó el número de las cabras que -habían pasado el río y se quedó la historia pendiente. Pero, volviendo al -Roto, prosiguió diciendo: - -— Esta prevención que hago es porque querría pasar brevemente por el cuento -de mis desgracias; que el traerlas a la memoria no me sirve de otra cosa -que añadir otras de nuevo, y, mientras menos me preguntáredes, más presto -acabaré yo de decillas, puesto que no dejaré por contar cosa alguna que sea -de importancia para no satisfacer del todo a vuestro deseo. - -Don Quijote se lo prometió, en nombre de los demás, y él, con este seguro, -comenzó desta manera: - -— «Mi nombre es Cardenio; mi patria, una ciudad de las mejores desta -Andalucía; mi linaje, noble; mis padres, ricos; mi desventura, tanta que la -deben de haber llorado mis padres y sentido mi linaje, sin poderla aliviar -con su riqueza; que para remediar desdichas del cielo poco suelen valer los -bienes de fortuna. Vivía en esta mesma tierra un cielo, donde puso el amor -toda la gloria que yo acertara a desearme: tal es la hermosura de Luscinda, -doncella tan noble y tan rica como yo, pero de más ventura y de menos -firmeza de la que a mis honrados pensamientos se debía. A esta Luscinda -amé, quise y adoré desde mis tiernos y primeros años, y ella me quiso a mí -con aquella sencillez y buen ánimo que su poca edad permitía. Sabían -nuestros padres nuestros intentos, y no les pesaba dello, porque bien veían -que, cuando pasaran adelante, no podían tener otro fin que el de casarnos, -cosa que casi la concertaba la igualdad de nuestro linaje y riquezas. -Creció la edad, y con ella el amor de entrambos, que al padre de Luscinda -le pareció que por buenos respetos estaba obligado a negarme la entrada de -su casa, casi imitando en esto a los padres de aquella Tisbe tan decantada -de los poetas. Y fue esta negación añadir llama a llama y deseo a deseo, -porque, aunque pusieron silencio a las lenguas, no le pudieron poner a las -plumas, las cuales, con más libertad que las lenguas, suelen dar a entender -a quien quieren lo que en el alma está encerrado; que muchas veces la -presencia de la cosa amada turba y enmudece la intención más determinada y -la lengua más atrevida. ¡Ay cielos, y cuántos billetes le escribí! ¡Cuán -regaladas y honestas respuestas tuve! ¡Cuántas canciones compuse y cuántos -enamorados versos, donde el alma declaraba y trasladaba sus sentimientos, -pintaba sus encendidos deseos, entretenía sus memorias y recreaba su -voluntad! - -»En efeto, viéndome apurado, y que mi alma se consumía con el deseo de -verla, determiné poner por obra y acabar en un punto lo que me pareció que -más convenía para salir con mi deseado y merecido premio; y fue el -pedírsela a su padre por legítima esposa, como lo hice; a lo que él me -respondió que me agradecía la voluntad que mostraba de honralle, y de -querer honrarme con prendas suyas, pero que, siendo mi padre vivo, a él -tocaba de justo derecho hacer aquella demanda; porque, si no fuese con -mucha voluntad y gusto suyo, no era Luscinda mujer para tomarse ni darse a -hurto. - -»Yo le agradecí su buen intento, pareciéndome que llevaba razón en lo que -decía, y que mi padre vendría en ello como yo se lo dijese; y con este -intento, luego en aquel mismo instante, fui a decirle a mi padre lo que -deseaba. Y, al tiempo que entré en un aposento donde estaba, le hallé con -una carta abierta en la mano, la cual, antes que yo le dijese palabra, me -la dio y me dijo: ''Por esa carta verás, Cardenio, la voluntad que el duque -Ricardo tiene de hacerte merced''.» Este duque Ricardo, como ya vosotros, -señores, debéis de saber, es un grande de España que tiene su estado en lo -mejor desta Andalucía. «Tomé y leí la carta, la cual venía tan encarecida -que a mí mesmo me pareció mal si mi padre dejaba de cumplir lo que en ella -se le pedía, que era que me enviase luego donde él estaba; que quería que -fuese compañero, no criado, de su hijo el mayor, y que él tomaba a cargo el -ponerme en estado que correspondiese a la estimación en que me tenía. Leí -la carta y enmudecí leyéndola, y más cuando oí que mi padre me decía: ''De -aquí a dos días te partirás, Cardenio, a hacer la voluntad del duque; y da -gracias a Dios que te va abriendo camino por donde alcances lo que yo sé -que mereces''. Añadió a éstas otras razones de padre consejero. -»Llegóse el término de mi partida, hablé una noche a Luscinda, díjele todo -lo que pasaba, y lo mesmo hice a su padre, suplicándole se entretuviese -algunos días y dilatase el darle estado hasta que yo viese lo que Ricardo -me quería. Él me lo prometió y ella me lo confirmó con mil juramentos y mil -desmayos. Vine, en fin, donde el duque Ricardo estaba. Fui dél tan bien -recebido y tratado, que desde luego comenzó la envidia a hacer su oficio, -teniéndomela los criados antiguos, pareciéndoles que las muestras que el -duque daba de hacerme merced habían de ser en perjuicio suyo. Pero el que -más se holgó con mi ida fue un hijo segundo del duque, llamado Fernando, -mozo gallardo, gentilhombre, liberal y enamorado, el cual, en poco tiempo, -quiso que fuese tan su amigo, que daba que decir a todos; y, aunque el -mayor me quería bien y me hacía merced, no llegó al estremo con que don -Fernando me quería y trataba. - -»Es, pues, el caso que, como entre los amigos no hay cosa secreta que no se -comunique, y la privanza que yo tenía con don Fernando dejada de serlo por -ser amistad, todos sus pensamientos me declaraba, especialmente uno -enamorado, que le traía con un poco de desasosiego. Quería bien a una -labradora, vasalla de su padre (y ella los tenía muy ricos), y era tan -hermosa, recatada, discreta y honesta que nadie que la conocía se -determinaba en cuál destas cosas tuviese más excelencia ni más se -aventajase. Estas tan buenas partes de la hermosa labradora redujeron a tal -término los deseos de don Fernando, que se determinó, para poder alcanzarlo -y conquistar la entereza de la labradora, darle palabra de ser su esposo, -porque de otra manera era procurar lo imposible. Yo, obligado de su -amistad, con las mejores razones que supe y con los más vivos ejemplos que -pude, procuré estorbarle y apartarle de tal propósito. Pero, viendo que no -aprovechaba, determiné de decirle el caso al duque Ricardo, su padre. Mas -don Fernando, como astuto y discreto, se receló y temió desto, por -parecerle que estaba yo obligado, en vez de buen criado, no tener -encubierta cosa que tan en perjuicio de la honra de mi señor el duque -venía; y así, por divertirme y engañarme, me dijo que no hallaba otro mejor -remedio para poder apartar de la memoria la hermosura que tan sujeto le -tenía, que el ausentarse por algunos meses; y que quería que el ausencia -fuese que los dos nos viniésemos en casa de mi padre, con ocasión que -darían al duque que venía a ver y a feriar unos muy buenos caballos que en -mi ciudad había, que es madre de los mejores del mundo. - -»Apenas le oí yo decir esto, cuando, movido de mi afición, aunque su -determinación no fuera tan buena, la aprobara yo por una de las más -acertadas que se podían imaginar, por ver cuán buena ocasión y coyuntura se -me ofrecía de volver a ver a mi Luscinda. Con este pensamiento y deseo, -aprobé su parecer y esforcé su propósito, diciéndole que lo pusiese por -obra con la brevedad posible, porque, en efeto, la ausencia hacía su -oficio, a pesar de los más firmes pensamientos. Ya cuando él me vino a -decir esto, según después se supo, había gozado a la labradora con título -de esposo, y esperaba ocasión de descubrirse a su salvo, temeroso de lo que -el duque su padre haría cuando supiese su disparate. - -»Sucedió, pues, que, como el amor en los mozos, por la mayor parte, no lo -es, sino apetito, el cual, como tiene por último fin el deleite, en -llegando a alcanzarle se acaba y ha de volver atrás aquello que parecía -amor, porque no puede pasar adelante del término que le puso naturaleza, el -cual término no le puso a lo que es verdadero amor...; quiero decir que, -así como don Fernando gozó a la labradora, se le aplacaron sus deseos y se -resfriaron sus ahíncos; y si primero fingía quererse ausentar, por -remediarlos, ahora de veras procuraba irse, por no ponerlos en ejecución. -Diole el duque licencia, y mandóme que le acompañase. Venimos a mi ciudad, -recibióle mi padre como quien era; vi yo luego a Luscinda, tornaron a -vivir, aunque no habían estado muertos ni amortiguados, mis deseos, de los -cuales di cuenta, por mi mal, a don Fernando, por parecerme que, en la ley -de la mucha amistad que mostraba, no le debía encubrir nada. Alabéle la -hermosura, donaire y discreción de Luscinda de tal manera, que mis -alabanzas movieron en él los deseos de querer ver doncella de tantas buenas -partes adornada. Cumplíselos yo, por mi corta suerte, enseñándosela una -noche, a la luz de una vela, por una ventana por donde los dos solíamos -hablarnos. Viola en sayo, tal, que todas las bellezas hasta entonces por él -vistas las puso en olvido. Enmudeció, perdió el sentido, quedó absorto y, -finalmente, tan enamorado cual lo veréis en el discurso del cuento de mi -desventura. Y, para encenderle más el deseo, que a mí me celaba y al cielo -a solas descubría, quiso la fortuna que hallase un día un billete suyo -pidiéndome que la pidiese a su padre por esposa, tan discreto, tan honesto -y tan enamorado que, en leyéndolo, me dijo que en sola Luscinda se -encerraban todas las gracias de hermosura y de entendimiento que en las -demás mujeres del mundo estaban repartidas. - -»Bien es verdad que quiero confesar ahora que, puesto que yo veía con cuán -justas causas don Fernando a Luscinda alababa, me pesaba de oír aquellas -alabanzas de su boca, y comencé a temer y a recelarme dél, porque no se -pasaba momento donde no quisiese que tratásemos de Luscinda, y él movía la -plática, aunque la trujese por los cabellos; cosa que despertaba en mí un -no sé qué de celos, no porque yo temiese revés alguno de la bondad y de la -fe de Luscinda, pero, con todo eso, me hacía temer mi suerte lo mesmo que -ella me aseguraba. Procuraba siempre don Fernando leer los papeles que yo a -Luscinda enviaba y los que ella me respondía, a título que de la discreción -de los dos gustaba mucho. Acaeció, pues, que, habiéndome pedido Luscinda un -libro de caballerías en que leer, de quien era ella muy aficionada, que era -el de Amadís de Gaula...» - -No hubo bien oído don Quijote nombrar libro de caballerías, cuando dijo: -— Con que me dijera vuestra merced, al principio de su historia, que su -merced de la señora Luscinda era aficionada a libros de caballerías, no -fuera menester otra exageración para darme a entender la alteza de su -entendimiento, porque no le tuviera tan bueno como vos, señor, le habéis -pintado, si careciera del gusto de tan sabrosa leyenda: así que, para -conmigo, no es menester gastar más palabras en declararme su hermosura, -valor y entendimiento; que, con sólo haber entendido su afición, la -confirmo por la más hermosa y más discreta mujer del mundo. Y quisiera yo, -señor, que vuestra merced le hubiera enviado junto con Amadís de Gaula al -bueno de Don Rugel de Grecia, que yo sé que gustara la señora Luscinda -mucho de Daraida y Geraya, y de las discreciones del pastor Darinel y de -aquellos admirables versos de sus bucólicas, cantadas y representadas por -él con todo donaire, discreción y desenvoltura. Pero tiempo podrá venir en -que se enmiende esa falta, y no dura más en hacerse la enmienda de cuanto -quiera vuestra merced ser servido de venirse conmigo a mi aldea, que allí -le podré dar más de trecientos libros, que son el regalo de mi alma y el -entretenimiento de mi vida; aunque tengo para mí que ya no tengo ninguno, -merced a la malicia de malos y envidiosos encantadores. Y perdóneme vuestra -merced el haber contravenido a lo que prometimos de no interromper su -plática, pues, en oyendo cosas de caballerías y de caballeros andantes, así -es en mi mano dejar de hablar en ellos, como lo es en la de los rayos del -sol dejar de calentar, ni humedecer en los de la luna. Así que, perdón y -proseguir, que es lo que ahora hace más al caso. - -En tanto que don Quijote estaba diciendo lo que queda dicho, se le había -caído a Cardenio la cabeza sobre el pecho, dando muestras de estar -profundamente pensativo. Y, puesto que dos veces le dijo don Quijote que -prosiguiese su historia, ni alzaba la cabeza ni respondía palabra; pero, al -cabo de un buen espacio, la levantó y dijo: - -— No se me puede quitar del pensamiento, ni habrá quien me lo quite en el -mundo, ni quien me dé a entender otra cosa (y sería un majadero el que lo -contrario entendiese o creyese), sino que aquel bellaconazo del maestro -Elisabat estaba amancebado con la reina Madésima. - -— Eso no, ¡voto a tal! —respondió con mucha cólera don Quijote (y arrojóle, -como tenía de costumbre)—; y ésa es una muy gran malicia, o bellaquería, -por mejor decir: la reina Madásima fue muy principal señora, y no se ha de -presumir que tan alta princesa se había de amancebar con un sacapotras; y -quien lo contrario entendiere, miente como muy gran bellaco. Y yo se lo -daré a entender, a pie o a caballo, armado o desarmado, de noche o de día, -o como más gusto le diere. - -Estábale mirando Cardenio muy atentamente, al cual ya había venido el -accidente de su locura y no estaba para proseguir su historia; ni tampoco -don Quijote se la oyera, según le había disgustado lo que de Madásima le -había oído. ¡Estraño caso; que así volvió por ella como si verdaderamente -fuera su verdadera y natural señora: tal le tenían sus descomulgados -libros! Digo, pues, que, como ya Cardenio estaba loco y se oyó tratar de -mentís y de bellaco, con otros denuestos semejantes, parecióle mal la -burla, y alzó un guijarro que halló junto a sí, y dio con él en los pechos -tal golpe a don Quijote que le hizo caer de espaldas. Sancho Panza, que de -tal modo vio parar a su señor, arremetió al loco con el puño cerrado; y el -Roto le recibió de tal suerte que con una puñada dio con él a sus pies, y -luego se subió sobre él y le brumó las costillas muy a su sabor. El -cabrero, que le quiso defender, corrió el mesmo peligro. Y, después que los -tuvo a todos rendidos y molidos, los dejó y se fue, con gentil sosiego, a -emboscarse en la montaña. - -Levantóse Sancho, y, con la rabia que tenía de verse aporreado tan sin -merecerlo, acudió a tomar la venganza del cabrero, diciéndole que él tenía -la culpa de no haberles avisado que a aquel hombre le tomaba a tiempos la -locura; que, si esto supieran, hubieran estado sobre aviso para poderse -guardar. Respondió el cabrero que ya lo había dicho, y que si él no lo -había oído, que no era suya la culpa. Replicó Sancho Panza, y tornó a -replicar el cabrero, y fue el fin de las réplicas asirse de las barbas y -darse tales puñadas que, si don Quijote no los pusiera en paz, se hicieran -pedazos. Decía Sancho, asido con el cabrero: - -— Déjeme vuestra merced, señor Caballero de la Triste Figura, que en éste, -que es villano como yo y no está armado caballero, bien puedo a mi salvo -satisfacerme del agravio que me ha hecho, peleando con él mano a mano, como -hombre honrado. - -— Así es —dijo don Quijote—, pero yo sé que él no tiene ninguna culpa de lo -sucedido. - -Con esto los apaciguó, y don Quijote volvió a preguntar al cabrero si sería -posible hallar a Cardenio, porque quedaba con grandísimo deseo de saber el -fin de su historia. Díjole el cabrero lo que primero le había dicho, que -era no saber de cierto su manida; pero que, si anduviese mucho por aquellos -contornos, no dejaría de hallarle, o cuerdo o loco. - - - - -Capítulo XXV. Que trata de las estrañas cosas que en Sierra Morena -sucedieron al valiente caballero de la Mancha, y de la imitación que hizo a -la penitencia de Beltenebros - -Despidióse del cabrero don Quijote, y, subiendo otra vez sobre Rocinante, -mandó a Sancho que le siguiese, el cual lo hizo, con su jumento, de muy -mala gana. Íbanse poco a poco entrando en lo más áspero de la montaña, y -Sancho iba muerto por razonar con su amo, y deseaba que él comenzase la -plática, por no contravenir a lo que le tenía mandado; mas, no pudiendo -sufrir tanto silencio, le dijo: - -— Señor don Quijote, vuestra merced me eche su bendición y me dé licencia; -que desde aquí me quiero volver a mi casa, y a mi mujer y a mis hijos, con -los cuales, por lo menos, hablaré y departiré todo lo que quisiere; porque -querer vuestra merced que vaya con él por estas soledades, de día y de -noche, y que no le hable cuando me diere gusto es enterrarme en vida. Si ya -quisiera la suerte que los animales hablaran, como hablaban en tiempos de -Guisopete, fuera menos mal, porque departiera yo con mi jumento lo que me -viniera en gana, y con esto pasara mi mala ventura; que es recia cosa, y -que no se puede llevar en paciencia, andar buscando aventuras toda la vida -y no hallar sino coces y manteamientos, ladrillazos y puñadas, y, con todo -esto, nos hemos de coser la boca, sin osar decir lo que el hombre tiene en -su corazón, como si fuera mudo. - -— Ya te entiendo, Sancho —respondió don Quijote—: tú mueres porque te alce -el entredicho que te tengo puesto en la lengua. Dale por alzado y di lo que -quisieres, con condición que no ha de durar este alzamiento más de en -cuanto anduviéremos por estas sierras. - -— Sea ansí —dijo Sancho—: hable yo ahora, que después Dios sabe lo que será; -y, comenzando a gozar de ese salvoconduto, digo que ¿qué le iba a vuestra -merced en volver tanto por aquella reina Magimasa, o como se llama? O, ¿qué -hacía al caso que aquel abad fuese su amigo o no? Que, si vuestra merced -pasara con ello, pues no era su juez, bien creo yo que el loco pasara -adelante con su historia, y se hubieran ahorrado el golpe del guijarro, y -las coces, y aun más de seis torniscones. - -— A fe, Sancho —respondió don Quijote—, que si tú supieras, como yo lo sé, -cuán honrada y cuán principal señora era la reina Madásima, yo sé que -dijeras que tuve mucha paciencia, pues no quebré la boca por donde tales -blasfemias salieron; porque es muy gran blasfemia decir ni pensar que una -reina esté amancebada con un cirujano. La verdad del cuento es que aquel -maestro Elisabat, que el loco dijo, fue un hombre muy prudente y de muy -sanos consejos, y sirvió de ayo y de médico a la reina; pero pensar que -ella era su amiga es disparate digno de muy gran castigo. Y, porque veas -que Cardenio no supo lo que dijo, has de advertir que cuando lo dijo ya -estaba sin juicio. - -— Eso digo yo —dijo Sancho—: que no había para qué hacer cuenta de las -palabras de un loco, porque si la buena suerte no ayudara a vuestra merced -y encaminara el guijarro a la cabeza, como le encaminó al pecho, buenos -quedáramos por haber vuelto por aquella mi señora, que Dios cohonda. Pues, -¡montas que no se librara Cardenio por loco! - -— Contra cuerdos y contra locos está obligado cualquier caballero andante a -volver por la honra de las mujeres, cualesquiera que sean, cuanto más por -las reinas de tan alta guisa y pro como fue la reina Madásima, a quien yo -tengo particular afición por sus buenas partes; porque, fuera de haber sido -fermosa, además fue muy prudente y muy sufrida en sus calamidades, que las -tuvo muchas; y los consejos y compañía del maestro Elisabat le fue y le -fueron de mucho provecho y alivio para poder llevar sus trabajos con -prudencia y paciencia. Y de aquí tomó ocasión el vulgo ignorante y mal -intencionado de decir y pensar que ella era su manceba; y mienten, digo -otra vez, y mentirán otras docientas, todos los que tal pensaren y dijeren. -— Ni yo lo digo ni lo pienso —respondió Sancho—: allá se lo hayan; con su -pan se lo coman. Si fueron amancebados, o no, a Dios habrán dado la cuenta. -De mis viñas vengo, no sé nada; no soy amigo de saber vidas ajenas; que el -que compra y miente, en su bolsa lo siente. Cuanto más, que desnudo nací, -desnudo me hallo: ni pierdo ni gano; mas que lo fuesen, ¿qué me va a mí? Y -muchos piensan que hay tocinos y no hay estacas. Mas, ¿quién puede poner -puertas al campo? Cuanto más, que de Dios dijeron. - -— ¡Válame Dios —dijo don Quijote—, y qué de necedades vas, Sancho, -ensartando! ¿Qué va de lo que tratamos a los refranes que enhilas? Por tu -vida, Sancho, que calles; y de aquí adelante, entremétete en espolear a tu -asno, y deja de hacello en lo que no te importa. Y entiende con todos tus -cinco sentidos que todo cuanto yo he hecho, hago e hiciere, va muy puesto -en razón y muy conforme a las reglas de caballería, que las sé mejor que -cuantos caballeros las profesaron en el mundo. - -— Señor —respondió Sancho—, y ¿es buena regla de caballería que andemos -perdidos por estas montañas, sin senda ni camino, buscando a un loco, el -cual, después de hallado, quizá le vendrá en voluntad de acabar lo que dejó -comenzado, no de su cuento, sino de la cabeza de vuestra merced y de mis -costillas, acabándonoslas de romper de todo punto? - -— Calla, te digo otra vez, Sancho —dijo don Quijote—; porque te hago saber -que no sólo me trae por estas partes el deseo de hallar al loco, cuanto el -que tengo de hacer en ellas una hazaña con que he de ganar perpetuo nombre -y fama en todo lo descubierto de la tierra; y será tal, que he de echar con -ella el sello a todo aquello que puede hacer perfecto y famoso a un andante -caballero. - -— Y ¿es de muy gran peligro esa hazaña? —preguntó Sancho Panza. - -— No —respondió el de la Triste Figura—, puesto que de tal manera podía -correr el dado, que echásemos azar en lugar de encuentro; pero todo ha de -estar en tu diligencia. - -— ¿En mi diligencia? —dijo Sancho. - -— Sí —dijo don Quijote—, porque si vuelves presto de adonde pienso enviarte, -presto se acabará mi pena y presto comenzará mi gloria. Y, porque no es -bien que te tenga más suspenso, esperando en lo que han de parar mis -razones, quiero, Sancho, que sepas que el famoso Amadís de Gaula fue uno de -los más perfectos caballeros andantes. No he dicho bien fue uno: fue el -solo, el primero, el único, el señor de todos cuantos hubo en su tiempo en -el mundo. Mal año y mal mes para don Belianís y para todos aquellos que -dijeren que se le igualó en algo, porque se engañan, juro cierto. Digo -asimismo que, cuando algún pintor quiere salir famoso en su arte, procura -imitar los originales de los más únicos pintores que sabe; y esta mesma -regla corre por todos los más oficios o ejercicios de cuenta que sirven -para adorno de las repúblicas. Y así lo ha de hacer y hace el que quiere -alcanzar nombre de prudente y sufrido, imitando a Ulises, en cuya persona y -trabajos nos pinta Homero un retrato vivo de prudencia y de sufrimiento; -como también nos mostró Virgilio, en persona de Eneas, el valor de un hijo -piadoso y la sagacidad de un valiente y entendido capitán, no pintándolo ni -descubriéndolo como ellos fueron, sino como habían de ser, para quedar -ejemplo a los venideros hombres de sus virtudes. Desta mesma suerte, Amadís -fue el norte, el lucero, el sol de los valientes y enamorados caballeros, a -quien debemos de imitar todos aquellos que debajo de la bandera de amor y -de la caballería militamos. Siendo, pues, esto ansí, como lo es, hallo yo, -Sancho amigo, que el caballero andante que más le imitare estará más cerca -de alcanzar la perfeción de la caballería. Y una de las cosas en que más -este caballero mostró su prudencia, valor, valentía, sufrimiento, firmeza y -amor, fue cuando se retiró, desdeñado de la señora Oriana, a hacer -penitencia en la Peña Pobre, mudado su nombre en el de Beltenebros, nombre, -por cierto, significativo y proprio para la vida que él de su voluntad -había escogido. Ansí que, me es a mí más fácil imitarle en esto que no en -hender gigantes, descabezar serpientes, matar endriagos, desbaratar -ejércitos, fracasar armadas y deshacer encantamentos. Y, pues estos lugares -son tan acomodados para semejantes efectos, no hay para qué se deje pasar -la ocasión, que ahora con tanta comodidad me ofrece sus guedejas. - -— En efecto —dijo Sancho—, ¿qué es lo que vuestra merced quiere hacer en -este tan remoto lugar? - -— ¿Ya no te he dicho —respondió don Quijote— que quiero imitar a Amadís, -haciendo aquí del desesperado, del sandio y del furioso, por imitar -juntamente al valiente don Roldán, cuando halló en una fuente las señales -de que Angélica la Bella había cometido vileza con Medoro, de cuya -pesadumbre se volvió loco y arrancó los árboles, enturbió las aguas de las -claras fuentes, mató pastores, destruyó ganados, abrasó chozas, derribó -casas, arrastró yeguas y hizo otras cien mil insolencias, dignas de eterno -nombre y escritura? Y, puesto que yo no pienso imitar a Roldán, o Orlando, -o Rotolando (que todos estos tres nombres tenía), parte por parte en todas -las locuras que hizo, dijo y pensó, haré el bosquejo, como mejor pudiere, -en las que me pareciere ser más esenciales. Y podrá ser que viniese a -contentarme con sola la imitación de Amadís, que sin hacer locuras de daño, -sino de lloros y sentimientos, alcanzó tanta fama como el que más. -— Paréceme a mí —dijo Sancho— que los caballeros que lo tal ficieron fueron -provocados y tuvieron causa para hacer esas necedades y penitencias, pero -vuestra merced, ¿qué causa tiene para volverse loco? ¿Qué dama le ha -desdeñado, o qué señales ha hallado que le den a entender que la señora -Dulcinea del Toboso ha hecho alguna niñería con moro o cristiano? - -— Ahí esta el punto —respondió don Quijote— y ésa es la fineza de mi -negocio; que volverse loco un caballero andante con causa, ni grado ni -gracias: el toque está desatinar sin ocasión y dar a entender a mi dama que -si en seco hago esto, ¿qué hiciera en mojado? Cuanto más, que harta ocasión -tengo en la larga ausencia que he hecho de la siempre señora mía Dulcinea -del Toboso; que, como ya oíste decir a aquel pastor de marras, Ambrosio: -quien está ausente todos los males tiene y teme. Así que, Sancho amigo, no -gastes tiempo en aconsejarme que deje tan rara, tan felice y tan no vista -imitación. Loco soy, loco he de ser hasta tanto que tú vuelvas con la -respuesta de una carta que contigo pienso enviar a mi señora Dulcinea; y si -fuere tal cual a mi fe se le debe, acabarse ha mi sandez y mi penitencia; y -si fuere al contrario, seré loco de veras, y, siéndolo, no sentiré nada. -Ansí que, de cualquiera manera que responda, saldré del conflito y trabajo -en que me dejares, gozando el bien que me trujeres, por cuerdo, o no -sintiendo el mal que me aportares, por loco. Pero dime, Sancho, ¿traes bien -guardado el yelmo de Mambrino?; que ya vi que le alzaste del suelo cuando -aquel desagradecido le quiso hacer pedazos. Pero no pudo, donde se puede -echar de ver la fineza de su temple. - -A lo cual respondió Sancho: - -— Vive Dios, señor Caballero de la Triste Figura, que no puedo sufrir ni -llevar en paciencia algunas cosas que vuestra merced dice, y que por ellas -vengo a imaginar que todo cuanto me dice de caballerías y de alcanzar -reinos e imperios, de dar ínsulas y de hacer otras mercedes y grandezas, -como es uso de caballeros andantes, que todo debe de ser cosa de viento y -mentira, y todo pastraña, o patraña, o como lo llamáremos. Porque quien -oyere decir a vuestra merced que una bacía de barbero es el yelmo de -Mambrino, y que no salga de este error en más de cuatro días, ¿qué ha de -pensar, sino que quien tal dice y afirma debe de tener güero el juicio? La -bacía yo la llevo en el costal, toda abollada, y llévola para aderezarla en -mi casa y hacerme la barba en ella, si Dios me diere tanta gracia que algún -día me vea con mi mujer y hijos. - -— Mira, Sancho, por el mismo que denantes juraste, te juro —dijo don -Quijote— que tienes el más corto entendimiento que tiene ni tuvo escudero -en el mundo. ¿Que es posible que en cuanto ha que andas conmigo no has -echado de ver que todas las cosas de los caballeros andantes parecen -quimeras, necedades y desatinos, y que son todas hechas al revés? Y no -porque sea ello ansí, sino porque andan entre nosotros siempre una caterva -de encantadores que todas nuestras cosas mudan y truecan y les vuelven -según su gusto, y según tienen la gana de favorecernos o destruirnos; y -así, eso que a ti te parece bacía de barbero, me parece a mí el yelmo de -Mambrino, y a otro le parecerá otra cosa. Y fue rara providencia del sabio -que es de mi parte hacer que parezca bacía a todos lo que real y -verdaderamente es yelmo de Mambrino, a causa que, siendo él de tanta -estima, todo el mundo me perseguirá por quitármele; pero, como ven que no -es más de un bacín de barbero, no se curan de procuralle, como se mostró -bien en el que quiso rompelle y le dejó en el suelo sin llevarle; que a fe -que si le conociera, que nunca él le dejara. Guárdale, amigo, que por ahora -no le he menester; que antes me tengo de quitar todas estas armas y quedar -desnudo como cuando nací, si es que me da en voluntad de seguir en mi -penitencia más a Roldán que a Amadís. - -Llegaron, en estas pláticas, al pie de una alta montaña que, casi como -peñón tajado, estaba sola entre otras muchas que la rodeaban. Corría por su -falda un manso arroyuelo, y hacíase por toda su redondez un prado tan verde -y vicioso, que daba contento a los ojos que le miraban. Había por allí -muchos árboles silvestres y algunas plantas y flores, que hacían el lugar -apacible. Este sitio escogió el Caballero de la Triste Figura para hacer su -penitencia; y así, en viéndole, comenzó a decir en voz alta, como si -estuviera sin juicio: - -— Éste es el lugar, ¡oh cielos!, que diputo y escojo para llorar la -desventura en que vosotros mesmos me habéis puesto. Éste es el sitio donde -el humor de mis ojos acrecentará las aguas deste pequeño arroyo, y mis -continos y profundos sospiros moverán a la contina las hojas destos -montaraces árboles, en testimonio y señal de la pena que mi asendereado -corazón padece. ¡Oh vosotros, quienquiera que seáis, rústicos dioses que en -este inhabitable lugar tenéis vuestra morada, oíd las quejas deste -desdichado amante, a quien una luenga ausencia y unos imaginados celos han -traído a lamentarse entre estas asperezas, y a quejarse de la dura -condición de aquella ingrata y bella, término y fin de toda humana -hermosura! ¡Oh vosotras, napeas y dríadas, que tenéis por costumbre de -habitar en las espesuras de los montes, así los ligeros y lascivos sátiros, -de quien sois, aunque en vano, amadas, no perturben jamás vuestro dulce -sosiego, que me ayudéis a lamentar mi desventura, o, a lo menos, no os -canséis de oílla! ¡Oh Dulcinea del Toboso, día de mi noche, gloria de mi -pena, norte de mis caminos, estrella de mi ventura, así el cielo te la dé -buena en cuanto acertares a pedirle, que consideres el lugar y el estado a -que tu ausencia me ha conducido, y que con buen término correspondas al que -a mi fe se le debe! ¡Oh solitarios árboles, que desde hoy en adelante -habéis de hacer compañía a mi soledad, dad indicio, con el blando -movimiento de vuestras ramas, que no os desagrade mi presencia! ¡Oh tú, -escudero mío, agradable compañero en más prósperos y adversos sucesos, toma -bien en la memoria lo que aquí me verás hacer, para que lo cuentes y -recetes a la causa total de todo ello! - -Y, diciendo esto, se apeó de Rocinante, y en un momento le quitó el freno y -la silla; y, dándole una palmada en las ancas, le dijo: - -— Libertad te da el que sin ella queda, ¡oh caballo tan estremado por tus -obras cuan desdichado por tu suerte! Vete por do quisieres, que en la -frente llevas escrito que no te igualó en ligereza el Hipogrifo de Astolfo, -ni el nombrado Frontino, que tan caro le costó a Bradamante. - -Viendo esto Sancho, dijo: - -— Bien haya quien nos quitó ahora del trabajo de desenalbardar al rucio; que -a fe que no faltaran palmadicas que dalle, ni cosas que decille en su -alabanza; pero si él aquí estuviera, no consintiera yo que nadie le -desalbardara, pues no había para qué, que a él no le tocaban las generales -de enamorado ni de desesperado, pues no lo estaba su amo, que era yo, -cuando Dios quería. Y en verdad, señor Caballero de la Triste Figura, que -si es que mi partida y su locura de vuestra merced va de veras, que será -bien tornar a ensillar a Rocinante, para que supla la falta del rucio, -porque será ahorrar tiempo a mi ida y vuelta; que si la hago a pie, no sé -cuándo llegaré ni cuándo volveré, porque, en resolución, soy mal caminante. -— Digo, Sancho —respondió don Quijote—, que sea como tú quisieres, que no me -parece mal tu designio; y digo que de aquí a tres días te partirás, porque -quiero que en este tiempo veas lo que por ella hago y digo, para que se lo -digas. - -— Pues, ¿qué más tengo de ver —dijo Sancho— que lo que he visto? - -— ¡Bien estás en el cuento! —respondió don Quijote—. Ahora me falta rasgar -las vestiduras, esparcir las armas y darme de calabazadas por estas peñas, -con otras cosas deste jaez que te han de admirar. - -— Por amor de Dios —dijo Sancho—, que mire vuestra merced cómo se da esas -calabazadas; que a tal peña podrá llegar, y en tal punto, que con la -primera se acabase la máquina desta penitencia; y sería yo de parecer que, -ya que vuestra merced le parece que son aquí necesarias calabazadas y que -no se puede hacer esta obra sin ellas, se contentase, pues todo esto es -fingido y cosa contrahecha y de burla, se contentase, digo, con dárselas en -el agua, o en alguna cosa blanda, como algodón; y déjeme a mí el cargo, que -yo diré a mi señora que vuestra merced se las daba en una punta de peña más -dura que la de un diamante. - -— Yo agradezco tu buena intención, amigo Sancho —respondió don Quijote—, mas -quiérote hacer sabidor de que todas estas cosas que hago no son de burlas, -sino muy de veras; porque de otra manera, sería contravenir a las órdenes -de caballería, que nos mandan que no digamos mentira alguna, pena de -relasos, y el hacer una cosa por otra lo mesmo es que mentir. Ansí que, mis -calabazadas han de ser verdaderas, firmes y valederas, sin que lleven nada -del sofístico ni del fantástico. Y será necesario que me dejes algunas -hilas para curarme, pues que la ventura quiso que nos faltase el bálsamo -que perdimos. - -— Más fue perder el asno —respondió Sancho—, pues se perdieron en él las -hilas y todo. Y ruégole a vuestra merced que no se acuerde más de aquel -maldito brebaje; que en sólo oírle mentar se me revuelve el alma, no que el -estómago. Y más le ruego: que haga cuenta que son ya pasados los tres días -que me ha dado de término para ver las locuras que hace, que ya las doy por -vistas y por pasadas en cosa juzgada, y diré maravillas a mi señora; y -escriba la carta y despácheme luego, porque tengo gran deseo de volver a -sacar a vuestra merced deste purgatorio donde le dejo. - -— ¿Purgatorio le llamas, Sancho? —dijo don Quijote—. Mejor hicieras de -llamarle infierno, y aun peor, si hay otra cosa que lo sea. - -— Quien ha infierno —respondió Sancho—, nula es retencio, según he oído -decir. - -— No entiendo qué quiere decir retencio —dijo don Quijote. - -— Retencio es —respondió Sancho— que quien está en el infierno nunca sale -dél, ni puede. Lo cual será al revés en vuestra merced, o a mí me andarán -mal los pies, si es que llevo espuelas para avivar a Rocinante; y póngame -yo una por una en el Toboso, y delante de mi señora Dulcinea, que yo le -diré tales cosas de las necedades y locuras, que todo es uno, que vuestra -merced ha hecho y queda haciendo, que la venga a poner más blanda que un -guante, aunque la halle más dura que un alcornoque; con cuya respuesta -dulce y melificada volveré por los aires, como brujo, y sacaré a vuestra -merced deste purgatorio, que parece infierno y no lo es, pues hay esperanza -de salir dél, la cual, como tengo dicho, no la tienen de salir los que -están en el infierno, ni creo que vuestra merced dirá otra cosa. - -— Así es la verdad —dijo el de la Triste Figura—; pero, ¿qué haremos para -escribir la carta? - -— Y la libranza pollinesca también —añadió Sancho. - -— Todo irá inserto —dijo don Quijote—; y sería bueno, ya que no hay papel, -que la escribiésemos, como hacían los antiguos, en hojas de árboles, o en -unas tablitas de cera; aunque tan dificultoso será hallarse eso ahora como -el papel. Mas ya me ha venido a la memoria dónde será bien, y aun más que -bien, escribilla: que es en el librillo de memoria que fue de Cardenio; y -tú tendrás cuidado de hacerla trasladar en papel, de buena letra, en el -primer lugar que hallares, donde haya maestro de escuela de muchachos, o si -no, cualquiera sacristán te la trasladará; y no se la des a trasladar a -ningún escribano, que hacen letra procesada, que no la entenderá Satanás. -— Pues, ¿qué se ha de hacer de la firma? —dijo Sancho. - -— Nunca las cartas de Amadís se firman —respondió don Quijote. - -— Está bien —respondió Sancho—, pero la libranza forzosamente se ha de -firmar, y ésa, si se traslada, dirán que la firma es falsa y quedaréme sin -pollinos. - -— La libranza irá en el mesmo librillo firmada; que, en viéndola, mi sobrina -no pondrá dificultad en cumplilla. Y, en lo que toca a la carta de amores, -pondrás por firma: "Vuestro hasta la muerte, el Caballero de la Triste -Figura". Y hará poco al caso que vaya de mano ajena, porque, a lo que yo me -sé acordar, Dulcinea no sabe escribir ni leer, y en toda su vida ha visto -letra mía ni carta mía, porque mis amores y los suyos han sido siempre -platónicos, sin estenderse a más que a un honesto mirar. Y aun esto tan de -cuando en cuando, que osaré jurar con verdad que en doce años que ha que la -quiero más que a la lumbre destos ojos que han de comer la tierra, no la he -visto cuatro veces; y aun podrá ser que destas cuatro veces no hubiese ella -echado de ver la una que la miraba: tal es el recato y encerramiento con -que sus padres, Lorenzo Corchuelo, y su madre, Aldonza Nogales, la han -criado. - -— ¡Ta, ta! —dijo Sancho—. ¿Que la hija de Lorenzo Corchuelo es la señora -Dulcinea del Toboso, llamada por otro nombre Aldonza Lorenzo? - -— Ésa es —dijo don Quijote—, y es la que merece ser señora de todo el -universo. - -— Bien la conozco —dijo Sancho—, y sé decir que tira tan bien una barra como -el más forzudo zagal de todo el pueblo. ¡Vive el Dador, que es moza de -chapa, hecha y derecha y de pelo en pecho, y que puede sacar la barba del -lodo a cualquier caballero andante, o por andar, que la tuviere por señora! -¡Oh hideputa, qué rejo que tiene, y qué voz! Sé decir que se puso un día -encima del campanario del aldea a llamar unos zagales suyos que andaban en -un barbecho de su padre, y, aunque estaban de allí más de media legua, así -la oyeron como si estuvieran al pie de la torre. Y lo mejor que tiene es -que no es nada melindrosa, porque tiene mucho de cortesana: con todos se -burla y de todo hace mueca y donaire. Ahora digo, señor Caballero de la -Triste Figura, que no solamente puede y debe vuestra merced hacer locuras -por ella, sino que, con justo título, puede desesperarse y ahorcarse; que -nadie habrá que lo sepa que no diga que hizo demasiado de bien, puesto que -le lleve el diablo. Y querría ya verme en camino, sólo por vella; que ha -muchos días que no la veo, y debe de estar ya trocada, porque gasta mucho -la faz de las mujeres andar siempre al campo, al sol y al aire. Y confieso -a vuestra merced una verdad, señor don Quijote: que hasta aquí he estado en -una grande ignorancia; que pensaba bien y fielmente que la señora Dulcinea -debía de ser alguna princesa de quien vuestra merced estaba enamorado, o -alguna persona tal, que mereciese los ricos presentes que vuestra merced le -ha enviado: así el del vizcaíno como el de los galeotes, y otros muchos que -deben ser, según deben de ser muchas las vitorias que vuestra merced ha -ganado y ganó en el tiempo que yo aún no era su escudero. Pero, bien -considerado, ¿qué se le ha de dar a la señora Aldonza Lorenzo, digo, a la -señora Dulcinea del Toboso, de que se le vayan a hincar de rodillas delante -della los vencidos que vuestra merced le envía y ha de enviar? Porque -podría ser que, al tiempo que ellos llegasen, estuviese ella rastrillando -lino, o trillando en las eras, y ellos se corriesen de verla, y ella se -riese y enfadase del presente. - -— Ya te tengo dicho antes de agora muchas veces, Sancho —dijo don Quijote—, -que eres muy grande hablador, y que, aunque de ingenio boto, muchas veces -despuntas de agudo. Mas, para que veas cuán necio eres tú y cuán discreto -soy yo, quiero que me oyas un breve cuento. «Has de saber que una viuda -hermosa, moza, libre y rica, y, sobre todo, desenfadada, se enamoró de un -mozo motilón, rollizo y de buen tomo. Alcanzólo a saber su mayor, y un día -dijo a la buena viuda, por vía de fraternal reprehensión: ''Maravillado -estoy, señora, y no sin mucha causa, de que una mujer tan principal, tan -hermosa y tan rica como vuestra merced, se haya enamorado de un hombre tan -soez, tan bajo y tan idiota como fulano, habiendo en esta casa tantos -maestros, tantos presentados y tantos teólogos, en quien vuestra merced -pudiera escoger como entre peras, y decir: "Éste quiero, aquéste no -quiero"''. Mas ella le respondió, con mucho donaire y desenvoltura: -''Vuestra merced, señor mío, está muy engañado, y piensa muy a lo antiguo -si piensa que yo he escogido mal en fulano, por idiota que le parece, pues, -para lo que yo le quiero, tanta filosofía sabe, y más, que Aristóteles''». -Así que, Sancho, por lo que yo quiero a Dulcinea del Toboso, tanto vale -como la más alta princesa de la tierra. Sí, que no todos los poetas que -alaban damas, debajo de un nombre que ellos a su albedrío les ponen, es -verdad que las tienen. ¿Piensas tú que las Amariles, las Filis, las -Silvias, las Dianas, las Galateas, las Alidas y otras tales de que los -libros, los romances, las tiendas de los barberos, los teatros de las -comedias, están llenos, fueron verdaderamente damas de carne y hueso, y de -aquéllos que las celebran y celebraron? No, por cierto, sino que las más se -las fingen, por dar subjeto a sus versos y porque los tengan por enamorados -y por hombres que tienen valor para serlo. Y así, bástame a mí pensar y -creer que la buena de Aldonza Lorenzo es hermosa y honesta; y en lo del -linaje importa poco, que no han de ir a hacer la información dél para darle -algún hábito, y yo me hago cuenta que es la más alta princesa del mundo. -Porque has de saber, Sancho, si no lo sabes, que dos cosas solas incitan a -amar más que otras, que son la mucha hermosura y la buena fama; y estas dos -cosas se hallan consumadamente en Dulcinea, porque en ser hermosa ninguna -le iguala, y en la buena fama, pocas le llegan. Y para concluir con todo, -yo imagino que todo lo que digo es así, sin que sobre ni falte nada; y -píntola en mi imaginación como la deseo, así en la belleza como en la -principalidad, y ni la llega Elena, ni la alcanza Lucrecia, ni otra alguna -de las famosas mujeres de las edades pretéritas, griega, bárbara o latina. -Y diga cada uno lo que quisiere; que si por esto fuere reprehendido de los -ignorantes, no seré castigado de los rigurosos. - -— Digo que en todo tiene vuestra merced razón —respondió Sancho—, y que yo -soy un asno. Mas no sé yo para qué nombro asno en mi boca, pues no se ha de -mentar la soga en casa del ahorcado. Pero venga la carta, y a Dios, que me -mudo. - -Sacó el libro de memoria don Quijote, y, apartándose a una parte, con mucho -sosiego comenzó a escribir la carta; y, en acabándola, llamó a Sancho y le -dijo que se la quería leer, porque la tomase de memoria, si acaso se le -perdiese por el camino, porque de su desdicha todo se podía temer. A lo -cual respondió Sancho: - -— Escríbala vuestra merced dos o tres veces ahí en el libro y démele, que yo -le llevaré bien guardado, porque pensar que yo la he de tomar en la memoria -es disparate: que la tengo tan mala que muchas veces se me olvida cómo me -llamo. Pero, con todo eso, dígamela vuestra merced, que me holgaré mucho de -oílla, que debe de ir como de molde. - -— Escucha, que así dice —dijo don Quijote: - -Carta de don Quijote a Dulcinea del Toboso - -Soberana y alta señora: - -El ferido de punta de ausencia y el llagado de las telas del corazón, -dulcísima Dulcinea del Toboso, te envía la salud que él no tiene. Si tu -fermosura me desprecia, si tu valor no es en mi pro, si tus desdenes son en -mi afincamiento, maguer que yo sea asaz de sufrido, mal podré sostenerme en -esta cuita, que, además de ser fuerte, es muy duradera. Mi buen escudero -Sancho te dará entera relación, ¡oh bella ingrata, amada enemiga mía!, del -modo que por tu causa quedo. Si gustares de acorrerme, tuyo soy; y si no, -haz lo que te viniere en gusto; que, con acabar mi vida, habré satisfecho a -tu crueldad y a mi deseo. - -Tuyo hasta la muerte, - -El Caballero de la Triste Figura. - -— Por vida de mi padre —dijo Sancho en oyendo la carta—, que es la más alta -cosa que jamás he oído. ¡Pesia a mí, y cómo que le dice vuestra merced ahí -todo cuanto quiere, y qué bien que encaja en la firma El Caballero de la -Triste Figura! Digo de verdad que es vuestra merced el mesmo diablo, y que -no haya cosa que no sepa. - -— Todo es menester —respondió don Quijote— para el oficio que trayo. -— Ea, pues —dijo Sancho—, ponga vuestra merced en esotra vuelta la cédula de -los tres pollinos y fírmela con mucha claridad, porque la conozcan en -viéndola. - -— Que me place —dijo don Quijote. - -Y, habiéndola escrito,se la leyó; que decía ansí: - -Mandará vuestra merced, por esta primera de pollinos, señora sobrina, dar a -Sancho Panza, mi escudero, tres de los cinco que dejé en casa y están a -cargo de vuestra merced. Los cuales tres pollinos se los mando librar y -pagar por otros tantos aquí recebidos de contado, que consta, y con su -carta de pago serán bien dados. Fecha en las entrañas de Sierra Morena, a -veinte y dos de agosto deste presente año. - -— Buena está —dijo Sancho—; fírmela vuestra merced. - -— No es menester firmarla —dijo don Quijote—, sino solamente poner mi -rúbrica, que es lo mesmo que firma, y para tres asnos, y aun para -trecientos, fuera bastante. - -— Yo me confío de vuestra merced —respondió Sancho—. Déjeme, iré a ensillar -a Rocinante, y aparéjese vuestra merced a echarme su bendición, que luego -pienso partirme, sin ver las sandeces que vuestra merced ha de hacer, que -yo diré que le vi hacer tantas que no quiera más. - -— Por lo menos quiero, Sancho, y porque es menester ansí, quiero, digo, que -me veas en cueros, y hacer una o dos docenas de locuras, que las haré en -menos de media hora, porque, habiéndolas tú visto por tus ojos, puedas -jurar a tu salvo en las demás que quisieres añadir; y asegúrote que no -dirás tú tantas cuantas yo pienso hacer. - -— Por amor de Dios, señor mío, que no vea yo en cueros a vuestra merced, que -me dará mucha lástima y no podré dejar de llorar; y tengo tal la cabeza, -del llanto que anoche hice por el rucio, que no estoy para meterme en -nuevos lloros; y si es que vuestra merced gusta de que yo vea algunas -locuras, hágalas vestido, breves y las que le vinieren más a cuento. Cuanto -más, que para mí no era menester nada deso, y, como ya tengo dicho, fuera -ahorrar el camino de mi vuelta, que ha de ser con las nuevas que vuestra -merced desea y merece. Y si no, aparéjese la señora Dulcinea; que si no -responde como es razón, voto hago solene a quien puedo que le tengo de -sacar la buena respuesta del estómago a coces y a bofetones. Porque, ¿dónde -se ha de sufrir que un caballero andante, tan famoso como vuestra merced, -se vuelva loco, sin qué ni para qué, por una...? No me lo haga decir la -señora, porque por Dios que despotrique y lo eche todo a doce, aunque nunca -se venda. ¡Bonico soy yo para eso! ¡Mal me conoce! ¡Pues, a fe que si me -conociese, que me ayunase! - -— A fe, Sancho —dijo don Quijote—, que, a lo que parece, que no estás tú más -cuerdo que yo. - -— No estoy tan loco —respondió Sancho—, mas estoy más colérico. Pero, -dejando esto aparte, ¿qué es lo que ha de comer vuestra merced en tanto que -yo vuelvo? ¿Ha de salir al camino, como Cardenio, a quitárselo a los -pastores? - -— No te dé pena ese cuidado —respondió don Quijote—, porque, aunque tuviera, -no comiera otra cosa que las yerbas y frutos que este prado y estos árboles -me dieren, que la fineza de mi negocio está en no comer y en hacer otras -asperezas equivalentes. - -— A Dios, pues. Pero, ¿sabe vuestra merced qué temo? Que no tengo de acertar -a volver a este lugar donde agora le dejo, según está de escondido. -— Toma bien las señas, que yo procuraré no apartarme destos contornos —dijo -don Quijote—, y aun tendré cuidado de subirme por estos más altos riscos, -por ver si te descubro cuando vuelvas. Cuanto más, que lo más acertado -será, para que no me yerres y te pierdas, que cortes algunas retamas de las -muchas que por aquí hay y las vayas poniendo de trecho a trecho, hasta -salir a lo raso, las cuales te servirán de mojones y señales para que me -halles cuando vuelvas, a imitación del hilo del laberinto de Teseo. -— Así lo haré —respondió Sancho Panza. - -Y, cortando algunos, pidió la bendición a su señor, y, no sin muchas -lágrimas de entrambos, se despidió dél. Y, subiendo sobre Rocinante, a -quien don Quijote encomendó mucho, y que mirase por él como por su propria -persona, se puso en camino del llano, esparciendo de trecho a trecho los -ramos de la retama, como su amo se lo había aconsejado. Y así, se fue, -aunque todavía le importunaba don Quijote que le viese siquiera hacer dos -locuras. Mas no hubo andado cien pasos, cuando volvió y dijo: - -— Digo, señor, que vuestra merced ha dicho muy bien: que, para que pueda -jurar sin cargo de conciencia que le he visto hacer locuras, será bien que -vea siquiera una, aunque bien grande la he visto en la quedada de vuestra -merced. - -— ¿No te lo decía yo? —dijo don Quijote—. Espérate, Sancho, que en un credo -las haré. - -Y, desnudándose con toda priesa las calzones, quedó en carnes y en pañales, -y luego, sin más ni más, dio dos zapatetas en el aire y dos tumbas, la -cabeza abajo y los pies en alto, descubriendo cosas que, por no verlas otra -vez, volvió Sancho la rienda a Rocinante y se dio por contento y satisfecho -de que podía jurar que su amo quedaba loco. Y así, le dejaremos ir su -camino, hasta la vuelta, que fue breve. - - - - -Capítulo XXVI. Donde se prosiguen las finezas que de enamorado hizo don -Quijote en Sierra Morena - -Y, volviendo a contar lo que hizo el de la Triste Figura después que se vio -solo, dice la historia que, así como don Quijote acabó de dar las tumbas o -vueltas, de medio abajo desnudo y de medio arriba vestido, y que vio que -Sancho se había ido sin querer aguardar a ver más sandeces, se subió sobre -una punta de una alta peña y allí tornó a pensar lo que otras muchas veces -había pensado, sin haberse jamás resuelto en ello. Y era que cuál sería -mejor y le estaría más a cuento: imitar a Roldán en las locuras desaforadas -que hizo, o Amadís en las malencónicas. Y, hablando entre sí mesmo, decía: -— Si Roldán fue tan buen caballero y tan valiente como todos dicen, ¿qué -maravilla?, pues, al fin, era encantado y no le podía matar nadie si no era -metiéndole un alfiler de a blanca por la planta del pie, y él traía siempre -los zapatos con siete suelas de hierro. Aunque no le valieron tretas contra -Bernardo del Carpio, que se las entendió y le ahogó entre los brazos, en -Roncesvalles. Pero, dejando en él lo de la valentía a una parte, vengamos a -lo de perder el juicio, que es cierto que le perdió, por las señales que -halló en la fontana y por las nuevas que le dio el pastor de que Angélica -había dormido más de dos siestas con Medoro, un morillo de cabellos -enrizados y paje de Agramante; y si él entendió que esto era verdad y que -su dama le había cometido desaguisado, no hizo mucho en volverse loco. Pero -yo, ¿cómo puedo imitalle en las locuras, si no le imito en la ocasión -dellas? Porque mi Dulcinea del Toboso osaré yo jurar que no ha visto en -todos los días de su vida moro alguno, ansí como él es, en su mismo traje, -y que se está hoy como la madre que la parió; y haríale agravio manifiesto -si, imaginando otra cosa della, me volviese loco de aquel género de locura -de Roldán el furioso. Por otra parte, veo que Amadís de Gaula, sin perder -el juicio y sin hacer locuras, alcanzó tanta fama de enamorado como el que -más; porque lo que hizo, según su historia, no fue más de que, por verse -desdeñado de su señora Oriana, que le había mandado que no pareciese ante -su presencia hasta que fuese su voluntad, de que se retiró a la Peña Pobre -en compañía de un ermitaño, y allí se hartó de llorar y de encomendarse a -Dios, hasta que el cielo le acorrió, en medio de su mayor cuita y -necesidad. Y si esto es verdad, como lo es, ¿para qué quiero yo tomar -trabajo agora de desnudarme del todo, ni dar pesadumbre a estos árboles, -que no me han hecho mal alguno? Ni tengo para qué enturbiar el agua clara -destos arroyos, los cuales me han de dar de beber cuando tenga gana. Viva -la memoria de Amadís, y sea imitado de don Quijote de la Mancha en todo lo -que pudiere; del cual se dirá lo que del otro se dijo: que si no acabó -grandes cosas, murió por acometellas; y si yo no soy desechado ni desdeñado -de Dulcinea del Toboso, bástame, como ya he dicho, estar ausente della. Ea, -pues, manos a la obra: venid a mi memoria, cosas de Amadís, y enseñadme por -dónde tengo de comenzar a imitaros. Mas ya sé que lo más que él hizo fue -rezar y encomendarse a Dios; pero, ¿qué haré de rosario, que no le tengo? -En esto le vino al pensamiento cómo le haría, y fue que rasgó una gran tira -de las faldas de la camisa, que andaban colgando, y diole once ñudos, el -uno más gordo que los demás, y esto le sirvió de rosario el tiempo que allí -estuvo, donde rezó un millón de avemarías. Y lo que le fatigaba mucho era -no hallar por allí otro ermitaño que le confesase y con quien consolarse. Y -así, se entretenía paseándose por el pradecillo, escribiendo y grabando por -las cortezas de los árboles y por la menuda arena muchos versos, todos -acomodados a su tristeza, y algunos en alabanza de Dulcinea. Mas los que se -pudieron hallar enteros y que se pudiesen leer, después que a él allí le -hallaron, no fueron más que estos que aquí se siguen: - -Árboles, yerbas y plantas -que en aqueste sitio estáis, -tan altos, verdes y tantas, -si de mi mal no os holgáis, -escuchad mis quejas santas. -Mi dolor no os alborote, -aunque más terrible sea, -pues, por pagaros escote, -aquí lloró don Quijote -ausencias de Dulcinea -del Toboso. - -Es aquí el lugar adonde -el amador más leal -de su señora se esconde, -y ha venido a tanto mal -sin saber cómo o por dónde. -Tráele amor al estricote, -que es de muy mala ralea; -y así, hasta henchir un pipote, -aquí lloró don Quijote -ausencias de Dulcinea -del Toboso. - -Buscando las aventuras -por entre las duras peñas, -maldiciendo entrañas duras, -que entre riscos y entre breñas -halla el triste desventuras, -hirióle amor con su azote, -no con su blanda correa; -y, en tocándole el cogote, -aquí lloró don Quijote -ausencias de Dulcinea -del Toboso. - -No causó poca risa en los que hallaron los versos referidos el añadidura -del Toboso al nombre de Dulcinea, porque imaginaron que debió de imaginar -don Quijote que si, en nombrando a Dulcinea, no decía también del Toboso, -no se podría entender la copla; y así fue la verdad, como él después -confesó. Otros muchos escribió, pero, como se ha dicho, no se pudieron -sacar en limpio, ni enteros, más destas tres coplas. En esto, y en suspirar -y en llamar a los faunos y silvanos de aquellos bosques, a las ninfas de -los ríos, a la dolorosa y húmida Eco, que le respondiese, consolasen y -escuchasen, se entretenía, y en buscar algunas yerbas con que sustentarse -en tanto que Sancho volvía; que, si como tardó tres días, tardara tres -semanas, el Caballero de la Triste Figura quedara tan desfigurado que no le -conociera la madre que lo parió. - -Y será bien dejalle, envuelto entre sus suspiros y versos, por contar lo -que le avino a Sancho Panza en su mandadería. Y fue que, en saliendo al -camino real, se puso en busca del Toboso, y otro día llegó a la venta donde -le había sucedido la desgracia de la manta; y no la hubo bien visto, cuando -le pareció que otra vez andaba en los aires, y no quiso entrar dentro, -aunque llegó a hora que lo pudiera y debiera hacer, por ser la del comer y -llevar en deseo de gustar algo caliente; que había grandes días que todo -era fiambre. - -Esta necesidad le forzó a que llegase junto a la venta, todavía dudoso si -entraría o no. Y, estando en esto, salieron de la venta dos personas que -luego le conocieron; y dijo el uno al otro: - -— Dígame, señor licenciado, aquel del caballo, ¿no es Sancho Panza, el que -dijo el ama de nuestro aventurero que había salido con su señor por -escudero? - -— Sí es —dijo el licenciado—; y aquél es el caballo de nuestro don Quijote. -Y conociéronle tan bien como aquellos que eran el cura y el barbero de su -mismo lugar, y los que hicieron el escrutinio y acto general de los libros. -Los cuales, así como acabaron de conocer a Sancho Panza y a Rocinante, -deseosos de saber de don Quijote, se fueron a él; y el cura le llamó por su -nombre, diciéndole: - -— Amigo Sancho Panza, ¿adónde queda vuestro amo? - -Conociólos luego Sancho Panza, y determinó de encubrir el lugar y la suerte -donde y como su amo quedaba; y así, les respondió que su amo quedaba -ocupado en cierta parte y en cierta cosa que le era de mucha importancia, -la cual él no podía descubrir, por los ojos que en la cara tenía. - -— No, no —dijo el barbero—, Sancho Panza; si vos no nos decís dónde queda, -imaginaremos, como ya imaginamos, que vos le habéis muerto y robado, pues -venís encima de su caballo. En verdad que nos habéis de dar el dueño del -rocín, o sobre eso, morena. - -— No hay para qué conmigo amenazas, que yo no soy hombre que robo ni mato a -nadie: a cada uno mate su ventura, o Dios, que le hizo. Mi amo queda -haciendo penitencia en la mitad desta montaña, muy a su sabor. - -Y luego, de corrida y sin parar, les contó de la suerte que quedaba, las -aventuras que le habían sucedido y cómo llevaba la carta a la señora -Dulcinea del Toboso, que era la hija de Lorenzo Corchuelo, de quien estaba -enamorado hasta los hígados. - -Quedaron admirados los dos de lo que Sancho Panza les contaba; y, aunque ya -sabían la locura de don Quijote y el género della, siempre que la oían se -admiraban de nuevo. Pidiéronle a Sancho Panza que les enseñase la carta que -llevaba a la señora Dulcinea del Toboso. Él dijo que iba escrita en un -libro de memoria y que era orden de su señor que la hiciese trasladar en -papel en el primer lugar que llegase; a lo cual dijo el cura que se la -mostrase, que él la trasladaría de muy buena letra. Metió la mano en el -seno Sancho Panza, buscando el librillo, pero no le halló, ni le podía -hallar si le buscara hasta agora, porque se había quedado don Quijote con -él y no se le había dado, ni a él se le acordó de pedírsele. - -Cuando Sancho vio que no hallaba el libro, fuésele parando mortal el -rostro; y, tornándose a tentar todo el cuerpo muy apriesa, tornó a echar de -ver que no le hallaba; y, sin más ni más, se echó entrambos puños a las -barbas y se arrancó la mitad de ellas, y luego, apriesa y sin cesar, se dio -media docena de puñadas en el rostro y en las narices, que se las bañó -todas en sangre. Visto lo cual por el cura y el barbero, le dijeron que qué -le había sucedido, que tan mal se paraba. - -— ¿Qué me ha de suceder —respondió Sancho—, sino el haber perdido de una -mano a otra, en un estante, tres pollinos, que cada uno era como un -castillo? - -— ¿Cómo es eso? —replicó el barbero. - -— He perdido el libro de memoria —respondió Sancho—, donde venía carta para -Dulcinea y una cédula firmada de su señor, por la cual mandaba que su -sobrina me diese tres pollinos, de cuatro o cinco que estaban en casa. -Y, con esto, les contó la pérdida del rucio. Consolóle el cura, y díjole -que, en hallando a su señor, él le haría revalidar la manda y que tornase a -hacer la libranza en papel, como era uso y costumbre, porque las que se -hacían en libros de memoria jamás se acetaban ni cumplían. - -Con esto se consoló Sancho, y dijo que, como aquello fuese ansí, que no le -daba mucha pena la pérdida de la carta de Dulcinea, porque él la sabía casi -de memoria, de la cual se podría trasladar donde y cuando quisiesen. -— Decildo, Sancho, pues —dijo el barbero—, que después la trasladaremos. -Paróse Sancho Panza a rascar la cabeza para traer a la memoria la carta, y -ya se ponía sobre un pie, y ya sobre otro; unas veces miraba al suelo, -otras al cielo; y, al cabo de haberse roído la mitad de la yema de un dedo, -teniendo suspensos a los que esperaban que ya la dijese, dijo al cabo de -grandísimo rato: - -— Por Dios, señor licenciado, que los diablos lleven la cosa que de la carta -se me acuerda; aunque en el principio decía: «Alta y sobajada señora». -— No diría —dijo el barbero— sobajada, sino sobrehumana o soberana señora. -— Así es —dijo Sancho—. Luego, si mal no me acuerdo, proseguía..., si mal no -me acuerdo: «el llego y falto de sueño, y el ferido besa a vuestra merced -las manos, ingrata y muy desconocida hermosa», y no sé qué decía de salud y -de enfermedad que le enviaba, y por aquí iba escurriendo, hasta que acababa -en «Vuestro hasta la muerte, el Caballero de la Triste Figura». - -No poco gustaron los dos de ver la buena memoria de Sancho Panza, y -alabáronsela mucho, y le pidieron que dijese la carta otras dos veces, para -que ellos, ansimesmo, la tomasen de memoria para trasladalla a su tiempo. -Tornóla a decir Sancho otras tres veces, y otras tantas volvió a decir -otros tres mil disparates. Tras esto, contó asimesmo las cosas de su amo, -pero no habló palabra acerca del manteamiento que le había sucedido en -aquella venta, en la cual rehusaba entrar. Dijo también como su señor, en -trayendo que le trujese buen despacho de la señora Dulcinea del Toboso, se -había de poner en camino a procurar cómo ser emperador, o, por lo menos, -monarca; que así lo tenían concertado entre los dos, y era cosa muy fácil -venir a serlo, según era el valor de su persona y la fuerza de su brazo; y -que, en siéndolo, le había de casar a él, porque ya sería viudo, que no -podía ser menos, y le había de dar por mujer a una doncella de la -emperatriz, heredera de un rico y grande estado de tierra firme, sin -ínsulos ni ínsulas, que ya no las quería. - -Decía esto Sancho con tanto reposo, limpiándose de cuando en cuando las -narices, y con tan poco juicio, que los dos se admiraron de nuevo, -considerando cuán vehemente había sido la locura de don Quijote, pues había -llevado tras sí el juicio de aquel pobre hombre. No quisieron cansarse en -sacarle del error en que estaba, pareciéndoles que, pues no le dañaba nada -la conciencia, mejor era dejarle en él, y a ellos les sería de más gusto -oír sus necedades. Y así, le dijeron que rogase a Dios por la salud de su -señor, que cosa contingente y muy agible era venir, con el discurso del -tiempo, a ser emperador, como él decía, o, por lo menos, arzobispo, o otra -dignidad equivalente. A lo cual respondió Sancho: - -— Señores, si la fortuna rodease las cosas de manera que a mi amo le viniese -en voluntad de no ser emperador, sino de ser arzobispo, querría yo saber -agora qué suelen dar los arzobispos andantes a sus escuderos. -— Suélenles dar —respondió el cura— algún beneficio, simple o curado, o -alguna sacristanía, que les vale mucho de renta rentada, amén del pie de -altar, que se suele estimar en otro tanto. - -— Para eso será menester —replicó Sancho— que el escudero no sea casado y -que sepa ayudar a misa, por lo menos; y si esto es así, ¡desdichado de yo, -que soy casado y no sé la primera letra del ABC! ¿Qué será de mí si a mi -amo le da antojo de ser arzobispo, y no emperador, como es uso y costumbre -de los caballeros andantes? - -— No tengáis pena, Sancho amigo —dijo el barbero—, que aquí rogaremos a -vuestro amo y se lo aconsejaremos, y aun se lo pondremos en caso de -conciencia, que sea emperador y no arzobispo, porque le será más fácil, a -causa de que él es más valiente que estudiante. - -— Así me ha parecido a mí —respondió Sancho—, aunque sé decir que para todo -tiene habilidad. Lo que yo pienso hacer de mi parte es rogarle a Nuestro -Señor que le eche a aquellas partes donde él más se sirva y adonde a mí más -mercedes me haga. - -— Vos lo decís como discreto —dijo el cura— y lo haréis como buen cristiano. -Mas lo que ahora se ha de hacer es dar orden como sacar a vuestro amo de -aquella inútil penitencia que decís que queda haciendo; y, para pensar el -modo que hemos de tener, y para comer, que ya es hora, será bien nos -entremos en esta venta. - -Sancho dijo que entrasen ellos, que él esperaría allí fuera y que después -les diría la causa por que no entraba ni le convenía entrar en ella; mas -que les rogaba que le sacasen allí algo de comer que fuese cosa caliente, -y, ansimismo, cebada para Rocinante. Ellos se entraron y le dejaron, y, de -allí a poco, el barbero le sacó de comer. Después, habiendo bien pensado -entre los dos el modo que tendrían para conseguir lo que deseaban, vino el -cura en un pensamiento muy acomodado al gusto de don Quijote y para lo que -ellos querían. Y fue que dijo al barbero que lo que había pensado era que -él se vestiría en hábito de doncella andante, y que él procurase ponerse lo -mejor que pudiese como escudero, y que así irían adonde don Quijote estaba, -fingiendo ser ella una doncella afligida y menesterosa, y le pediría un -don, el cual él no podría dejársele de otorgar, como valeroso caballero -andante. Y que el don que le pensaba pedir era que se viniese con ella -donde ella le llevase, a desfacelle un agravio que un mal caballero le -tenía fecho; y que le suplicaba, ansimesmo, que no la mandase quitar su -antifaz, ni la demandase cosa de su facienda, fasta que la hubiese fecho -derecho de aquel mal caballero; y que creyese, sin duda, que don Quijote -vendría en todo cuanto le pidiese por este término; y que desta manera le -sacarían de allí y le llevarían a su lugar, donde procurarían ver si tenía -algún remedio su estraña locura. - - - - -Capítulo XXVII. De cómo salieron con su intención el cura y el barbero, con -otras cosas dignas de que se cuenten en esta grande historia - -No le pareció mal al barbero la invención del cura, sino tan bien, que -luego la pusieron por obra. Pidiéronle a la ventera una saya y unas tocas, -dejándole en prendas una sotana nueva del cura. El barbero hizo una gran -barba de una cola rucia o roja de buey, donde el ventero tenía colgado el -peine. Preguntóles la ventera que para qué le pedían aquellas cosas. El -cura le contó en breves razones la locura de don Quijote, y cómo convenía -aquel disfraz para sacarle de la montaña, donde a la sazón estaba. Cayeron -luego el ventero y la ventera en que el loco era su huésped, el del -bálsamo, y el amo del manteado escudero, y contaron al cura todo lo que con -él les había pasado, sin callar lo que tanto callaba Sancho. En resolución, -la ventera vistió al cura de modo que no había más que ver: púsole una saya -de paño, llena de fajas de terciopelo negro de un palmo en ancho, todas -acuchilladas, y unos corpiños de terciopelo verde, guarnecidos con unos -ribetes de raso blanco, que se debieron de hacer, ellos y la saya, en -tiempo del rey Wamba. No consintió el cura que le tocasen, sino púsose en -la cabeza un birretillo de lienzo colchado que llevaba para dormir de -noche, y ciñóse por la frente una liga de tafetán negro, y con otra liga -hizo un antifaz, con que se cubrió muy bien las barbas y el rostro; -encasquetóse su sombrero, que era tan grande que le podía servir de -quitasol, y, cubriéndose su herreruelo, subió en su mula a mujeriegas, y el -barbero en la suya, con su barba que le llegaba a la cintura, entre roja y -blanca, como aquella que, como se ha dicho, era hecha de la cola de un buey -barroso. - -Despidiéronse de todos, y de la buena de Maritornes, que prometió de rezar -un rosario, aunque pecadora, porque Dios les diese buen suceso en tan arduo -y tan cristiano negocio como era el que habían emprendido. - -Mas, apenas hubo salido de la venta, cuando le vino al cura un pensamiento: -que hacía mal en haberse puesto de aquella manera, por ser cosa indecente -que un sacerdote se pusiese así, aunque le fuese mucho en ello; y, -diciéndoselo al barbero, le rogó que trocasen trajes, pues era más justo -que él fuese la doncella menesterosa, y que él haría el escudero, y que así -se profanaba menos su dignidad; y que si no lo quería hacer, determinaba de -no pasar adelante, aunque a don Quijote se le llevase el diablo. - -En esto, llegó Sancho, y de ver a los dos en aquel traje no pudo tener la -risa. En efeto, el barbero vino en todo aquello que el cura quiso, y, -trocando la invención, el cura le fue informando el modo que había de tener -y las palabras que había de decir a don Quijote para moverle y forzarle a -que con él se viniese, y dejase la querencia del lugar que había escogido -para su vana penitencia. El barbero respondió que, sin que se le diese -lición, él lo pondría bien en su punto. No quiso vestirse por entonces, -hasta que estuviesen junto de donde don Quijote estaba; y así, dobló sus -vestidos, y el cura acomodó su barba, y siguieron su camino, guiándolos -Sancho Panza; el cual les fue contando lo que les aconteció con el loco que -hallaron en la sierra, encubriendo, empero, el hallazgo de la maleta y de -cuanto en ella venía; que, maguer que tonto, era un poco codicioso el -mancebo. - -Otro día llegaron al lugar donde Sancho había dejado puestas las señales de -las ramas para acertar el lugar donde había dejado a su señor; y, en -reconociéndole, les dijo como aquélla era la entrada, y que bien se podían -vestir, si era que aquello hacía al caso para la libertad de su señor; -porque ellos le habían dicho antes que el ir de aquella suerte y vestirse -de aquel modo era toda la importancia para sacar a su amo de aquella mala -vida que había escogido, y que le encargaban mucho que no dijese a su amo -quien ellos eran, ni que los conocía; y que si le preguntase, como se lo -había de preguntar, si dio la carta a Dulcinea, dijese que sí, y que, por -no saber leer, le había respondido de palabra, diciéndole que le mandaba, -so pena de la su desgracia, que luego al momento se viniese a ver con ella, -que era cosa que le importaba mucho; porque con esto y con lo que ellos -pensaban decirle tenían por cosa cierta reducirle a mejor vida, y hacer con -él que luego se pusiese en camino para ir a ser emperador o monarca; que en -lo de ser arzobispo no había de qué temer. - -Todo lo escuchó Sancho, y lo tomó muy bien en la memoria, y les agradeció -mucho la intención que tenían de aconsejar a su señor fuese emperador y no -arzobispo, porque él tenía para sí que, para hacer mercedes a sus -escuderos, más podían los emperadores que los arzobispos andantes. También -les dijo que sería bien que él fuese delante a buscarle y darle la -respuesta de su señora, que ya sería ella bastante a sacarle de aquel -lugar, sin que ellos se pusiesen en tanto trabajo. Parecióles bien lo que -Sancho Panza decía, y así, determinaron de aguardarle hasta que volviese -con las nuevas del hallazgo de su amo. - -Entróse Sancho por aquellas quebradas de la sierra, dejando a los dos en -una por donde corría un pequeño y manso arroyo, a quien hacían sombra -agradable y fresca otras peñas y algunos árboles que por allí estaban. El -calor, y el día que allí llegaron, era de los del mes de agosto, que por -aquellas partes suele ser el ardor muy grande; la hora, las tres de la -tarde: todo lo cual hacía al sitio más agradable, y que convidase a que en -él esperasen la vuelta de Sancho, como lo hicieron. - -Estando, pues, los dos allí, sosegados y a la sombra, llegó a sus oídos una -voz que, sin acompañarla son de algún otro instrumento, dulce y -regaladamente sonaba, de que no poco se admiraron, por parecerles que aquél -no era lugar donde pudiese haber quien tan bien cantase. Porque, aunque -suele decirse que por las selvas y campos se hallan pastores de voces -estremadas, más son encarecimientos de poetas que verdades; y más, cuando -advirtieron que lo que oían cantar eran versos, no de rústicos ganaderos, -sino de discretos cortesanos. Y confirmó esta verdad haber sido los versos -que oyeron éstos: - -¿Quién menoscaba mis bienes? -Desdenes. -Y ¿quién aumenta mis duelos? -Los celos. -Y ¿quién prueba mi paciencia? -Ausencia. -De ese modo, en mi dolencia -ningún remedio se alcanza, -pues me matan la esperanza -desdenes, celos y ausencia. -¿Quién me causa este dolor? -Amor. -Y ¿quién mi gloria repugna? -Fortuna. -Y ¿quién consiente en mi duelo? -El cielo -De ese modo, yo recelo -morir deste mal estraño, -pues se aumentan en mi daño, -amor, fortuna y el cielo. -¿Quién mejorará mi suerte? -La muerte. -Y el bien de amor, ¿quién le alcanza? -Mudanza. -Y sus males, ¿quién los cura? -Locura. -De ese modo, no es cordura -querer curar la pasión -cuando los remedios son -muerte, mudanza y locura. - -La hora, el tiempo, la soledad, la voz y la destreza del que cantaba causó -admiración y contento en los dos oyentes, los cuales se estuvieron quedos, -esperando si otra alguna cosa oían; pero, viendo que duraba algún tanto el -silencio, determinaron de salir a buscar el músico que con tan buena voz -cantaba. Y, queriéndolo poner en efeto, hizo la mesma voz que no se -moviesen, la cual llegó de nuevo a sus oídos, cantando este soneto: - -Soneto - -Santa amistad, que con ligeras alas, -tu apariencia quedándose en el suelo, -entre benditas almas, en el cielo, -subiste alegre a las impíreas salas, -desde allá, cuando quieres, nos señalas -la justa paz cubierta con un velo, -por quien a veces se trasluce el celo -de buenas obras que, a la fin, son malas. -Deja el cielo, ¡oh amistad!, o no permitas -que el engaño se vista tu librea, -con que destruye a la intención sincera; -que si tus apariencias no le quitas, -presto ha de verse el mundo en la pelea -de la discorde confusión primera. - -El canto se acabó con un profundo suspiro, y los dos, con atención, -volvieron a esperar si más se cantaba; pero, viendo que la música se había -vuelto en sollozos y en lastimeros ayes, acordaron de saber quién era el -triste, tan estremado en la voz como doloroso en los gemidos; y no -anduvieron mucho, cuando, al volver de una punta de una peña, vieron a un -hombre del mismo talle y figura que Sancho Panza les había pintado cuando -les contó el cuento de Cardenio; el cual hombre, cuando los vio, sin -sobresaltarse, estuvo quedo, con la cabeza inclinada sobre el pecho a guisa -de hombre pensativo, sin alzar los ojos a mirarlos más de la vez primera, -cuando de improviso llegaron. - -El cura, que era hombre bien hablado (como el que ya tenía noticia de su -desgracia, pues por las señas le había conocido), se llegó a él, y con -breves aunque muy discretas razones le rogó y persuadió que aquella tan -miserable vida dejase, porque allí no la perdiese, que era la desdicha -mayor de las desdichas. Estaba Cardenio entonces en su entero juicio, libre -de aquel furioso accidente que tan a menudo le sacaba de sí mismo; y así, -viendo a los dos en traje tan no usado de los que por aquellas soledades -andaban, no dejó de admirarse algún tanto, y más cuando oyó que le habían -hablado en su negocio como en cosa sabida —porque las razones que el cura -le dijo así lo dieron a entender—; y así, respondió desta manera: -— Bien veo yo, señores, quienquiera que seáis, que el cielo, que tiene -cuidado de socorrer a los buenos, y aun a los malos muchas veces, sin yo -merecerlo, me envía, en estos tan remotos y apartados lugares del trato -común de las gentes, algunas personas que, poniéndome delante de los ojos -con vivas y varias razones cuán sin ella ando en hacer la vida que hago, -han procurado sacarme désta a mejor parte; pero, como no saben que sé yo -que en saliendo deste daño he de caer en otro mayor, quizá me deben de -tener por hombre de flacos discursos, y aun, lo que peor sería, por de -ningún juicio. Y no sería maravilla que así fuese, porque a mí se me -trasluce que la fuerza de la imaginación de mis desgracias es tan intensa y -puede tanto en mi perdición que, sin que yo pueda ser parte a estobarlo, -vengo a quedar como piedra, falto de todo buen sentido y conocimiento; y -vengo a caer en la cuenta desta verdad, cuando algunos me dicen y muestran -señales de las cosas que he hecho en tanto que aquel terrible accidente me -señorea, y no sé más que dolerme en vano y maldecir sin provecho mi -ventura, y dar por disculpa de mis locuras el decir la causa dellas a -cuantos oírla quieren; porque, viendo los cuerdos cuál es la causa, no se -maravillarán de los efetos, y si no me dieren remedio, a lo menos no me -darán culpa, convirtiéndoseles el enojo de mi desenvoltura en lástima de -mis desgracias. Y si es que vosotros, señores, venís con la mesma intención -que otros han venido, antes que paséis adelante en vuestras discretas -persuasiones, os ruego que escuchéis el cuento, que no le tiene, de mis -desventuras; porque quizá, después de entendido, ahorraréis del trabajo que -tomaréis en consolar un mal que de todo consuelo es incapaz. - -Los dos, que no deseaban otra cosa que saber de su mesma boca la causa de -su daño, le rogaron se la contase, ofreciéndole de no hacer otra cosa de la -que él quisiese, en su remedio o consuelo; y con esto, el triste caballero -comenzó su lastimera historia, casi por las mesmas palabras y pasos que la -había contado a don Quijote y al cabrero pocos días atrás, cuando, por -ocasión del maestro Elisabat y puntualidad de don Quijote en guardar el -decoro a la caballería, se quedó el cuento imperfeto, como la historia lo -deja contado. Pero ahora quiso la buena suerte que se detuvo el accidente -de la locura y le dio lugar de contarlo hasta el fin; y así, llegando al -paso del billete que había hallado don Fernando entre el libro de Amadís de -Gaula, dijo Cardenio que le tenía bien en la memoria, y que decía desta -manera: - -«Luscinda a Cardenio - -Cada día descubro en vos valores que me obligan y fuerzan a que en más os -estime; y así, si quisiéredes sacarme desta deuda sin ejecutarme en la -honra, lo podréis muy bien hacer. Padre tengo, que os conoce y que me -quiere bien, el cual, sin forzar mi voluntad, cumplirá la que será justo -que vos tengáis, si es que me estimáis como decís y como yo creo. -— »Por este billete me moví a pedir a Luscinda por esposa, como ya os he -contado, y éste fue por quien quedó Luscinda en la opinión de don Fernando -por una de las más discretas y avisadas mujeres de su tiempo; y este -billete fue el que le puso en deseo de destruirme, antes que el mío se -efetuase. Díjele yo a don Fernando en lo que reparaba el padre de Luscinda, -que era en que mi padre se la pidiese, lo cual yo no le osaba decir, -temeroso que no vendría en ello, no porque no tuviese bien conocida la -calidad, bondad, virtud y hermosura de Luscinda, y que tenía partes -bastantes para enoblecer cualquier otro linaje de España, sino porque yo -entendía dél que deseaba que no me casase tan presto, hasta ver lo que el -duque Ricardo hacía conmigo. En resolución, le dije que no me aventuraba a -decírselo a mi padre, así por aquel inconveniente como por otros muchos que -me acobardaban, sin saber cuáles eran, sino que me parecía que lo que yo -desease jamás había de tener efeto. - -»A todo esto me respondió don Fernando que él se encargaba de hablar a mi -padre y hacer con él que hablase al de Luscinda. ¡Oh Mario ambicioso, oh -Catilina cruel, oh Sila facinoroso, oh Galalón embustero, oh Vellido -traidor, oh Julián vengativo, oh Judas codicioso! Traidor, cruel, vengativo -y embustero, ¿qué deservicios te había hecho este triste, que con tanta -llaneza te descubrió los secretos y contentos de su corazón? ¿Qué ofensa te -hice? ¿Qué palabras te dije, o qué consejos te di, que no fuesen todos -encaminados a acrecentar tu honra y tu provecho? Mas, ¿de qué me quejo?, -¡desventurado de mí!, pues es cosa cierta que cuando traen las desgracias -la corriente de las estrellas, como vienen de alto a bajo, despeñándose con -furor y con violencia, no hay fuerza en la tierra que las detenga, ni -industria humana que prevenirlas pueda. ¿Quién pudiera imaginar que don -Fernando, caballero ilustre, discreto, obligado de mis servicios, poderoso -para alcanzar lo que el deseo amoroso le pidiese dondequiera que le -ocupase, se había de enconar, como suele decirse, en tomarme a mí una sola -oveja, que aún no poseía? Pero quédense estas consideraciones aparte, como -inútiles y sin provecho, y añudemos el roto hilo de mi desdichada historia. - -»Digo, pues, que, pareciéndole a don Fernando que mi presencia le era -inconveniente para poner en ejecución su falso y mal pensamiento, determinó -de enviarme a su hermano mayor, con ocasión de pedirle unos dineros para -pagar seis caballos, que de industria, y sólo para este efeto de que me -ausentase (para poder mejor salir con su dañado intento), el mesmo día que -se ofreció hablar a mi padre los compró, y quiso que yo viniese por el -dinero. ¿Pude yo prevenir esta traición? ¿Pude, por ventura, caer en -imaginarla? No, por cierto; antes, con grandísimo gusto, me ofrecí a partir -luego, contento de la buena compra hecha. Aquella noche hablé con Luscinda, -y le dije lo que con don Fernando quedaba concertado, y que tuviese firme -esperanza de que tendrían efeto nuestros buenos y justos deseos. Ella me -dijo, tan segura como yo de la traición de don Fernando, que procurase -volver presto, porque creía que no tardaría más la conclusión de nuestras -voluntades que tardase mi padre de hablar al suyo. No sé qué se fue, que, -en acabando de decirme esto, se le llenaron los ojos de lágrimas y un nudo -se le atravesó en la garganta, que no le dejaba hablar palabra de otras -muchas que me pareció que procuraba decirme. - -»Quedé admirado deste nuevo accidente, hasta allí jamás en ella visto, -porque siempre nos hablábamos, las veces que la buena fortuna y mi -diligencia lo concedía, con todo regocijo y contento, sin mezclar en -nuestras pláticas lágrimas, suspiros, celos, sospechas o temores. Todo era -engrandecer yo mi ventura, por habérmela dado el cielo por señora: -exageraba su belleza, admirábame de su valor y entendimiento. Volvíame ella -el recambio, alabando en mí lo que, como enamorada, le parecía digno de -alabanza. Con esto, nos contábamos cien mil niñerías y acaecimientos de -nuestros vecinos y conocidos, y a lo que más se entendía mi desenvoltura -era a tomarle, casi por fuerza, una de sus bellas y blancas manos, y -llegarla a mi boca, según daba lugar la estrecheza de una baja reja que nos -dividía. Pero la noche que precedió al triste día de mi partida, ella -lloró, gimió y suspiró, y se fue, y me dejó lleno de confusión y -sobresalto, espantado de haber visto tan nuevas y tan tristes muestras de -dolor y sentimiento en Luscinda. Pero, por no destruir mis esperanzas, todo -lo atribuí a la fuerza del amor que me tenía y al dolor que suele causar la -ausencia en los que bien se quieren. - -»En fin, yo me partí triste y pensativo, llena el alma de imaginaciones y -sospechas, sin saber lo que sospechaba ni imaginaba: claros indicios que me -mostraban el triste suceso y desventura que me estaba guardada. Llegué al -lugar donde era enviado. Di las cartas al hermano de don Fernando. Fui bien -recebido, pero no bien despachado, porque me mandó aguardar, bien a mi -disgusto, ocho días, y en parte donde el duque, su padre, no me viese, -porque su hermano le escribía que le enviase cierto dinero sin su -sabiduría. Y todo fue invención del falso don Fernando, pues no le faltaban -a su hermano dineros para despacharme luego. Orden y mandato fue éste que -me puso en condición de no obedecerle, por parecerme imposible sustentar -tantos días la vida en el ausencia de Luscinda, y más, habiéndola dejado -con la tristeza que os he contado; pero, con todo esto, obedecí, como buen -criado, aunque veía que había de ser a costa de mi salud. - -»Pero, a los cuatro días que allí llegué, llegó un hombre en mi busca con -una carta, que me dio, que en el sobrescrito conocí ser de Luscinda, porque -la letra dél era suya. Abríla, temeroso y con sobresalto, creyendo que cosa -grande debía de ser la que la había movido a escribirme estando ausente, -pues presente pocas veces lo hacía. Preguntéle al hombre, antes de leerla, -quién se la había dado y el tiempo que había tardado en el camino. Díjome -que acaso, pasando por una calle de la ciudad a la hora de medio día, una -señora muy hermosa le llamó desde una ventana, los ojos llenos de lágrimas, -y que con mucha priesa le dijo: ''Hermano: si sois cristiano, como -parecéis, por amor de Dios os ruego que encaminéis luego luego esta carta -al lugar y a la persona que dice el sobrescrito, que todo es bien conocido, -y en ello haréis un gran servicio a nuestro Señor; y, para que no os falte -comodidad de poderlo hacer, tomad lo que va en este pañuelo''. ''Y, -diciendo esto, me arrojó por la ventana un pañuelo, donde venían atados -cien reales y esta sortija de oro que aquí traigo, con esa carta que os he -dado. Y luego, sin aguardar respuesta mía, se quitó de la ventana; aunque -primero vio cómo yo tomé la carta y el pañuelo, y, por señas, le dije que -haría lo que me mandaba. Y así, viéndome tan bien pagado del trabajo que -podía tomar en traérosla y conociendo por el sobrescrito que érades vos a -quien se enviaba, porque yo, señor, os conozco muy bien, y obligado -asimesmo de las lágrimas de aquella hermosa señora, determiné de no fiarme -de otra persona, sino venir yo mesmo a dárosla; y en diez y seis horas que -ha que se me dio, he hecho el camino, que sabéis que es de diez y ocho -leguas''. - -»En tanto que el agradecido y nuevo correo esto me decía, estaba yo colgado -de sus palabras, temblándome las piernas de manera que apenas podía -sostenerme. En efeto, abrí la carta y vi que contenía estas razones: -La palabra que don Fernando os dio de hablar a vuestro padre para que -hablase al mío, la ha cumplido más en su gusto que en vuestro provecho. -Sabed, señor, que él me ha pedido por esposa, y mi padre, llevado de la -ventaja que él piensa que don Fernando os hace, ha venido en lo que quiere, -con tantas veras que de aquí a dos días se ha de hacer el desposorio, tan -secreto y tan a solas, que sólo han de ser testigos los cielos y alguna -gente de casa. Cual yo quedo, imaginaldo; si os cumple venir, veldo; y si -os quiero bien o no, el suceso deste negocio os lo dará a entender. A Dios -plega que ésta llegue a vuestras manos antes que la mía se vea en condición -de juntarse con la de quien tan mal sabe guardar la fe que promete. -»Éstas, en suma, fueron las razones que la carta contenía y las que me -hicieron poner luego en camino, sin esperar otra respuesta ni otros -dineros; que bien claro conocí entonces que no la compra de los caballos, -sino la de su gusto, había movido a don Fernando a enviarme a su hermano. -El enojo que contra don Fernando concebí, junto con el temor de perder la -prenda que con tantos años de servicios y deseos tenía granjeada, me -pusieron alas, pues, casi como en vuelo, otro día me puse en mi lugar, al -punto y hora que convenía para ir a hablar a Luscinda. Entré secreto, y -dejé una mula en que venía en casa del buen hombre que me había llevado la -carta; y quiso la suerte que entonces la tuviese tan buena que hallé a -Luscinda puesta a la reja, testigo de nuestros amores. Conocióme Luscinda -luego, y conocíla yo; mas no como debía ella conocerme y yo conocerla. -Pero, ¿quién hay en el mundo que se pueda alabar que ha penetrado y sabido -el confuso pensamiento y condición mudable de una mujer? Ninguno, por -cierto. - -»Digo, pues, que, así como Luscinda me vio, me dijo: ''Cardenio, de boda -estoy vestida; ya me están aguardando en la sala don Fernando el traidor y -mi padre el codicioso, con otros testigos, que antes lo serán de mi muerte -que de mi desposorio. No te turbes, amigo, sino procura hallarte presente a -este sacrificio, el cual si no pudiere ser estorbado de mis razones, una -daga llevo escondida que podrá estorbar más determinadas fuerzas, dando fin -a mi vida y principio a que conozcas la voluntad que te he tenido y -tengo''. Yo le respondí turbado y apriesa, temeroso no me faltase lugar -para responderla: ''Hagan, señora, tus obras verdaderas tus palabras; que -si tú llevas daga para acreditarte, aquí llevo yo espada para defenderte -con ella o para matarme si la suerte nos fuere contraria''. No creo que -pudo oír todas estas razones, porque sentí que la llamaban apriesa, porque -el desposado aguardaba. Cerróse con esto la noche de mi tristeza, púsoseme -el sol de mi alegría: quedé sin luz en los ojos y sin discurso en el -entendimiento. No acertaba a entrar en su casa, ni podía moverme a parte -alguna; pero, considerando cuánto importaba mi presencia para lo que -suceder pudiese en aquel caso, me animé lo más que pude y entré en su casa. -Y, como ya sabía muy bien todas sus entradas y salidas, y más con el -alboroto que de secreto en ella andaba, nadie me echó de ver. Así que, sin -ser visto, tuve lugar de ponerme en el hueco que hacía una ventana de la -mesma sala, que con las puntas y remates de dos tapices se cubría, por -entre las cuales podía yo ver, sin ser visto, todo cuanto en la sala se -hacía. - -»¿Quién pudiera decir ahora los sobresaltos que me dio el corazón mientras -allí estuve, los pensamientos que me ocurrieron, las consideraciones que -hice?, que fueron tantas y tales, que ni se pueden decir ni aun es bien que -se digan. Basta que sepáis que el desposado entró en la sala sin otro -adorno que los mesmos vestidos ordinarios que solía. Traía por padrino a un -primo hermano de Luscinda, y en toda la sala no había persona de fuera, -sino los criados de casa. De allí a un poco, salió de una recámara -Luscinda, acompañada de su madre y de dos doncellas suyas, tan bien -aderezada y compuesta como su calidad y hermosura merecían, y como quien -era la perfeción de la gala y bizarría cortesana. No me dio lugar mi -suspensión y arrobamiento para que mirase y notase en particular lo que -traía vestido; sólo pude advertir a las colores, que eran encarnado y -blanco, y en las vislumbres que las piedras y joyas del tocado y de todo el -vestido hacían, a todo lo cual se aventajaba la belleza singular de sus -hermosos y rubios cabellos; tales que, en competencia de las preciosas -piedras y de las luces de cuatro hachas que en la sala estaban, la suya con -más resplandor a los ojos ofrecían. ¡Oh memoria, enemiga mortal de mi -descanso! ¿De qué sirve representarme ahora la incomparable belleza de -aquella adorada enemiga mía? ¿No será mejor, cruel memoria, que me acuerdes -y representes lo que entonces hizo, para que, movido de tan manifiesto -agravio, procure, ya que no la venganza, a lo menos perder la vida?» No os -canséis, señores, de oír estas digresiones que hago; que no es mi pena de -aquellas que puedan ni deban contarse sucintamente y de paso, pues cada -circunstancia suya me parece a mí que es digna de un largo discurso. - -A esto le respondió el cura que no sólo no se cansaban en oírle, sino que -les daba mucho gusto las menudencias que contaba, por ser tales, que -merecían no pasarse en silencio, y la mesma atención que lo principal del -cuento. - -— «Digo, pues —prosiguió Cardenio—, que, estando todos en la sala, entró el -cura de la perroquia, y, tomando a los dos por la mano para hacer lo que en -tal acto se requiere, al decir: ''¿Queréis, señora Luscinda, al señor don -Fernando, que está presente, por vuestro legítimo esposo, como lo manda la -Santa Madre Iglesia?'', yo saqué toda la cabeza y cuello de entre los -tapices, y con atentísimos oídos y alma turbada me puse a escuchar lo que -Luscinda respondía, esperando de su respuesta la sentencia de mi muerte o -la confirmación de mi vida. ¡Oh, quién se atreviera a salir entonces, -diciendo a voces!: ''¡Ah Luscinda, Luscinda, mira lo que haces, considera -lo que me debes, mira que eres mía y que no puedes ser de otro! Advierte -que el decir tú sí y el acabárseme la vida ha de ser todo a un punto. ¡Ah -traidor don Fernando, robador de mi gloria, muerte de mi vida! ¿Qué -quieres? ¿Qué pretendes? Considera que no puedes cristianamente llegar al -fin de tus deseos, porque Luscinda es mi esposa y yo soy su marido''. ¡Ah, -loco de mí, ahora que estoy ausente y lejos del peligro, digo que había de -hacer lo que no hice! ¡Ahora que dejé robar mi cara prenda, maldigo al -robador, de quien pudiera vengarme si tuviera corazón para ello como le -tengo para quejarme! En fin, pues fui entonces cobarde y necio, no es mucho -que muera ahora corrido, arrepentido y loco. - -»Estaba esperando el cura la respuesta de Luscinda, que se detuvo un buen -espacio en darla, y, cuando yo pensé que sacaba la daga para acreditarse, o -desataba la lengua para decir alguna verdad o desengaño que en mi provecho -redundase, oigo que dijo con voz desmayada y flaca: ''Sí quiero''; y lo -mesmo dijo don Fernando; y, dándole el anillo, quedaron en disoluble nudo -ligados. Llegó el desposado a abrazar a su esposa, y ella, poniéndose la -mano sobre el corazón, cayó desmayada en los brazos de su madre. Resta -ahora decir cuál quedé yo viendo, en el sí que había oído, burladas mis -esperanzas, falsas las palabras y promesas de Luscinda: imposibilitado de -cobrar en algún tiempo el bien que en aquel instante había perdido. Quedé -falto de consejo, desamparado, a mi parecer, de todo el cielo, hecho -enemigo de la tierra que me sustentaba, negándome el aire aliento para mis -suspiros y el agua humor para mis ojos; sólo el fuego se acrecentó de -manera que todo ardía de rabia y de celos. - -»Alborotáronse todos con el desmayo de Luscinda, y, desabrochándole su -madre el pecho para que le diese el aire, se descubrió en él un papel -cerrado, que don Fernando tomó luego y se le puso a leer a la luz de una de -las hachas; y, en acabando de leerle, se sentó en una silla y se puso la -mano en la mejilla, con muestras de hombre muy pensativo, sin acudir a los -remedios que a su esposa se hacían para que del desmayo volviese. Yo, -viendo alborotada toda la gente de casa, me aventuré a salir, ora fuese -visto o no, con determinación que si me viesen, de hacer un desatino tal, -que todo el mundo viniera a entender la justa indignación de mi pecho en el -castigo del falso don Fernando, y aun en el mudable de la desmayada -traidora. Pero mi suerte, que para mayores males, si es posible que los -haya, me debe tener guardado, ordenó que en aquel punto me sobrase el -entendimiento que después acá me ha faltado; y así, sin querer tomar -venganza de mis mayores enemigos (que, por estar tan sin pensamiento mío, -fuera fácil tomarla), quise tomarla de mi mano y ejecutar en mí la pena que -ellos merecían; y aun quizá con más rigor del que con ellos se usara si -entonces les diera muerte, pues la que se recibe repentina presto acaba la -pena; mas la que se dilata con tormentos siempre mata, sin acabar la vida. -»En fin, yo salí de aquella casa y vine a la de aquél donde había dejado la -mula; hice que me la ensillase, sin despedirme dél subí en ella, y salí de -la ciudad, sin osar, como otro Lot, volver el rostro a miralla; y cuando me -vi en el campo solo, y que la escuridad de la noche me encubría y su -silencio convidaba a quejarme, sin respeto o miedo de ser escuchado ni -conocido, solté la voz y desaté la lengua en tantas maldiciones de Luscinda -y de don Fernando, como si con ellas satisficiera el agravio que me habían -hecho. Dile títulos de cruel, de ingrata, de falsa y desagradecida; pero, -sobre todos, de codiciosa, pues la riqueza de mi enemigo la había cerrado -los ojos de la voluntad, para quitármela a mí y entregarla a aquél con -quien más liberal y franca la fortuna se había mostrado; y, en mitad de la -fuga destas maldiciones y vituperios, la desculpaba, diciendo que no era -mucho que una doncella recogida en casa de sus padres, hecha y acostumbrada -siempre a obedecerlos, hubiese querido condecender con su gusto, pues le -daban por esposo a un caballero tan principal, tan rico y tan gentil hombre -que, a no querer recebirle, se podía pensar, o que no tenía juicio, o que -en otra parte tenía la voluntad: cosa que redundaba tan en perjuicio de su -buena opinión y fama. Luego volvía diciendo que, puesto que ella dijera que -yo era su esposo, vieran ellos que no había hecho en escogerme tan mala -elección, que no la disculparan, pues antes de ofrecérseles don Fernando no -pudieran ellos mesmos acertar a desear, si con razón midiesen su deseo, -otro mejor que yo para esposo de su hija; y que bien pudiera ella, antes de -ponerse en el trance forzoso y último de dar la mano, decir que ya yo le -había dado la mía; que yo viniera y concediera con todo cuanto ella -acertara a fingir en este caso. - -»En fin, me resolví en que poco amor, poco juicio, mucha ambición y deseos -de grandezas hicieron que se olvidase de las palabras con que me había -engañado, entretenido y sustentado en mis firmes esperanzas y honestos -deseos. Con estas voces y con esta inquietud caminé lo que quedaba de -aquella noche, y di al amanecer en una entrada destas sierras, por las -cuales caminé otros tres días, sin senda ni camino alguno, hasta que vine a -parar a unos prados, que no sé a qué mano destas montañas caen, y allí -pregunté a unos ganaderos que hacia dónde era lo más áspero destas sierras. -Dijéronme que hacia esta parte. Luego me encaminé a ella, con intención de -acabar aquí la vida, y, en entrando por estas asperezas, del cansancio y de -la hambre se cayó mi mula muerta, o, lo que yo más creo, por desechar de sí -tan inútil carga como en mí llevaba. Yo quedé a pie, rendido de la -naturaleza, traspasado de hambre, sin tener, ni pensar buscar, quien me -socorriese. - -»De aquella manera estuve no sé qué tiempo, tendido en el suelo, al cabo -del cual me levanté sin hambre, y hallé junto a mí a unos cabreros, que, -sin duda, debieron ser los que mi necesidad remediaron, porque ellos me -dijeron de la manera que me habían hallado, y cómo estaba diciendo tantos -disparates y desatinos, que daba indicios claros de haber perdido el -juicio; y yo he sentido en mí, después acá, que no todas veces le tengo -cabal, sino tan desmedrado y flaco que hago mil locuras, rasgándome los -vestidos, dando voces por estas soledades, maldiciendo mi ventura y -repitiendo en vano el nombre amado de mi enemiga, sin tener otro discurso -ni intento entonces que procurar acabar la vida voceando; y cuando en mí -vuelvo, me hallo tan cansado y molido, que apenas puedo moverme. Mi más -común habitación es en el hueco de un alcornoque, capaz de cubrir este -miserable cuerpo. Los vaqueros y cabreros que andan por estas montañas, -movidos de caridad, me sustentan, poniéndome el manjar por los caminos y -por las peñas por donde entienden que acaso podré pasar y hallarlo; y así, -aunque entonces me falte el juicio, la necesidad natural me da a conocer el -mantenimiento, y despierta en mí el deseo de apetecerlo y la voluntad de -tomarlo. Otras veces me dicen ellos, cuando me encuentran con juicio, que -yo salgo a los caminos y que se lo quito por fuerza, aunque me lo den de -grado, a los pastores que vienen con ello del lugar a las majadas. -»Desta manera paso mi miserable y estrema vida, hasta que el cielo sea -servido de conducirle a su último fin, o de ponerle en mi memoria, para que -no me acuerde de la hermosura y de la traición de Luscinda y del agravio de -don Fernando; que si esto él hace sin quitarme la vida, yo volveré a mejor -discurso mis pensamientos; donde no, no hay sino rogarle que absolutamente -tenga misericordia de mi alma, que yo no siento en mí valor ni fuerzas para -sacar el cuerpo desta estrecheza en que por mi gusto he querido ponerle». -Ésta es, ¡oh señores!, la amarga historia de mi desgracia: decidme si es -tal, que pueda celebrarse con menos sentimientos que los que en mí habéis -visto; y no os canséis en persuadirme ni aconsejarme lo que la razón os -dijere que puede ser bueno para mi remedio, porque ha de aprovechar conmigo -lo que aprovecha la medicina recetada de famoso médico al enfermo que -recebir no la quiere. Yo no quiero salud sin Luscinda; y, pues ella gustó -de ser ajena, siendo, o debiendo ser, mía, guste yo de ser de la -desventura, pudiendo haber sido de la buena dicha. Ella quiso, con su -mudanza, hacer estable mi perdición; yo querré, con procurar perderme, -hacer contenta su voluntad, y será ejemplo a los por venir de que a mí solo -faltó lo que a todos los desdichados sobra, a los cuales suele ser consuelo -la imposibilidad de tenerle, y en mí es causa de mayores sentimientos y -males, porque aun pienso que no se han de acabar con la muerte. - -Aquí dio fin Cardenio a su larga plática y tan desdichada como amorosa -historia. Y, al tiempo que el cura se prevenía para decirle algunas razones -de consuelo, le suspendió una voz que llegó a sus oídos, que en lastimados -acentos oyeron que decía lo que se dirá en la cuarta parte desta narración, -que en este punto dio fin a la tercera el sabio y atentado historiador Cide -Hamete Benengeli. - -Cuarta parte del ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha - - - - -Capítulo XXVIII. Que trata de la nueva y agradable aventura que al cura y -barbero sucedió en la mesma sierra - -Felicísimos y venturosos fueron los tiempos donde se echó al mundo el -audacísimo caballero don Quijote de la Mancha, pues por haber tenido tan -honrosa determinación como fue el querer resucitar y volver al mundo la ya -perdida y casi muerta orden de la andante caballería, gozamos ahora, en -esta nuestra edad, necesitada de alegres entretenimientos, no sólo de la -dulzura de su verdadera historia, sino de los cuentos y episodios della, -que, en parte, no son menos agradables y artificiosos y verdaderos que la -misma historia; la cual, prosiguiendo su rastrillado, torcido y aspado -hilo, cuenta que, así como el cura comenzó a prevenirse para consolar a -Cardenio, lo impidió una voz que llegó a sus oídos, que, con tristes -acentos, decía desta manera: - -— ¡Ay Dios! ¿Si será posible que he ya hallado lugar que pueda servir de -escondida sepultura a la carga pesada deste cuerpo, que tan contra mi -voluntad sostengo? Sí será, si la soledad que prometen estas sierras no me -miente. ¡Ay, desdichada, y cuán más agradable compañía harán estos riscos y -malezas a mi intención, pues me darán lugar para que con quejas comunique -mi desgracia al cielo, que no la de ningún hombre humano, pues no hay -ninguno en la tierra de quien se pueda esperar consejo en las dudas, alivio -en las quejas, ni remedio en los males! - -Todas estas razones oyeron y percibieron el cura y los que con él estaban, -y por parecerles, como ello era, que allí junto las decían, se levantaron a -buscar el dueño, y no hubieron andado veinte pasos, cuando detrás de un -peñasco vieron, sentado al pie de un fresno, a un mozo vestido como -labrador, al cual, por tener inclinado el rostro, a causa de que se lavaba -los pies en el arroyo que por allí corría, no se le pudieron ver por -entonces. Y ellos llegaron con tanto silencio que dél no fueron sentidos, -ni él estaba a otra cosa atento que a lavarse los pies, que eran tales, que -no parecían sino dos pedazos de blanco cristal que entre las otras piedras -del arroyo se habían nacido. Suspendióles la blancura y belleza de los -pies, pareciéndoles que no estaban hechos a pisar terrones, ni a andar tras -el arado y los bueyes, como mostraba el hábito de su dueño; y así, viendo -que no habían sido sentidos, el cura, que iba delante, hizo señas a los -otros dos que se agazapasen o escondiesen detrás de unos pedazos de peña -que allí había, y así lo hicieron todos, mirando con atención lo que el -mozo hacía; el cual traía puesto un capotillo pardo de dos haldas, muy -ceñido al cuerpo con una toalla blanca. Traía, ansimesmo, unos calzones y -polainas de paño pardo, y en la cabeza una montera parda. Tenía las -polainas levantadas hasta la mitad de la pierna, que, sin duda alguna, de -blanco alabastro parecía. Acabóse de lavar los hermosos pies, y luego, con -un paño de tocar, que sacó debajo de la montera, se los limpió; y, al -querer quitársele, alzó el rostro, y tuvieron lugar los que mirándole -estaban de ver una hermosura incomparable; tal, que Cardenio dijo al cura, -con voz baja: - -— Ésta, ya que no es Luscinda, no es persona humana, sino divina. - -El mozo se quitó la montera, y, sacudiendo la cabeza a una y a otra parte, -se comenzaron a descoger y desparcir unos cabellos, que pudieran los del -sol tenerles envidia. Con esto conocieron que el que parecía labrador era -mujer, y delicada, y aun la más hermosa que hasta entonces los ojos de los -dos habían visto, y aun los de Cardenio, si no hubieran mirado y conocido a -Luscinda; que después afirmó que sola la belleza de Luscinda podía -contender con aquélla. Los luengos y rubios cabellos no sólo le cubrieron -las espaldas, mas toda en torno la escondieron debajo de ellos; que si no -eran los pies, ninguna otra cosa de su cuerpo se parecía: tales y tantos -eran. En esto, les sirvió de peine unas manos, que si los pies en el agua -habían parecido pedazos de cristal, las manos en los cabellos semejaban -pedazos de apretada nieve; todo lo cual, en más admiración y en más deseo -de saber quién era ponía a los tres que la miraban. - -Por esto determinaron de mostrarse, y, al movimiento que hicieron de -ponerse en pie, la hermosa moza alzó la cabeza, y, apartándose los cabellos -de delante de los ojos con entrambas manos, miró los que el ruido hacían; y -apenas los hubo visto, cuando se levantó en pie, y, sin aguardar a calzarse -ni a recoger los cabellos, asió con mucha presteza un bulto, como de ropa, -que junto a sí tenía, y quiso ponerse en huida, llena de turbación y -sobresalto; mas no hubo dado seis pasos cuando, no pudiendo sufrir los -delicados pies la aspereza de las piedras, dio consigo en el suelo. Lo cual -visto por los tres, salieron a ella, y el cura fue el primero que le dijo: -— Deteneos, señora, quienquiera que seáis, que los que aquí veis sólo tienen -intención de serviros. No hay para qué os pongáis en tan impertinente -huida, porque ni vuestros pies lo podrán sufrir ni nosotros consentir. -A todo esto, ella no respondía palabra, atónita y confusa. Llegaron, pues, -a ella, y, asiéndola por la mano el cura, prosiguió diciendo: - -— Lo que vuestro traje, señora, nos niega, vuestros cabellos nos descubren: -señales claras que no deben de ser de poco momento las causas que han -disfrazado vuestra belleza en hábito tan indigno, y traídola a tanta -soledad como es ésta, en la cual ha sido ventura el hallaros, si no para -dar remedio a vuestros males, a lo menos para darles consejo, pues ningún -mal puede fatigar tanto, ni llegar tan al estremo de serlo, mientras no -acaba la vida, que rehúya de no escuchar siquiera el consejo que con buena -intención se le da al que lo padece. Así que, señora mía, o señor mío, o lo -que vos quisierdes ser, perded el sobresalto que nuestra vista os ha -causado y contadnos vuestra buena o mala suerte; que en nosotros juntos, o -en cada uno, hallaréis quien os ayude a sentir vuestras desgracias. - -En tanto que el cura decía estas razones, estaba la disfrazada moza como -embelesada, mirándolos a todos, sin mover labio ni decir palabra alguna: -bien así como rústico aldeano que de improviso se le muestran cosas raras y -dél jamás vistas. Mas, volviendo el cura a decirle otras razones al mesmo -efeto encaminadas, dando ella un profundo suspiro, rompió el silencio y -dijo: - -— Pues que la soledad destas sierras no ha sido parte para encubrirme, ni la -soltura de mis descompuestos cabellos no ha permitido que sea mentirosa mi -lengua, en balde sería fingir yo de nuevo ahora lo que, si se me creyese, -sería más por cortesía que por otra razón alguna. Presupuesto esto, digo, -señores, que os agradezco el ofrecimiento que me habéis hecho, el cual me -ha puesto en obligación de satisfaceros en todo lo que me habéis pedido, -puesto que temo que la relación que os hiciere de mis desdichas os ha de -causar, al par de la compasión, la pesadumbre, porque no habéis de hallar -remedio para remediarlas ni consuelo para entretenerlas. Pero, con todo -esto, porque no ande vacilando mi honra en vuestras intenciones, habiéndome -ya conocido por mujer y viéndome moza, sola y en este traje, cosas todas -juntas, y cada una por sí, que pueden echar por tierra cualquier honesto -crédito, os habré de decir lo que quisiera callar si pudiera. - -Todo esto dijo sin parar la que tan hermosa mujer parecía, con tan suelta -lengua, con voz tan suave, que no menos les admiró su discreción que su -hermosura. Y, tornándole a hacer nuevos ofrecimientos y nuevos ruegos para -que lo prometido cumpliese, ella, sin hacerse más de rogar, calzándose con -toda honestidad y recogiendo sus cabellos, se acomodó en el asiento de una -piedra, y, puestos los tres alrededor della, haciéndose fuerza por detener -algunas lágrimas que a los ojos se le venían, con voz reposada y clara, -comenzó la historia de su vida desta manera: - -— «En esta Andalucía hay un lugar de quien toma título un duque, que le hace -uno de los que llaman grandes en España. Éste tiene dos hijos: el mayor, -heredero de su estado, y, al parecer, de sus buenas costumbres; y el menor, -no sé yo de qué sea heredero, sino de las traiciones de Vellido y de los -embustes de Galalón. Deste señor son vasallos mis padres, humildes en -linaje, pero tan ricos que si los bienes de su naturaleza igualaran a los -de su fortuna, ni ellos tuvieran más que desear ni yo temiera verme en la -desdicha en que me veo; porque quizá nace mi poca ventura de la que no -tuvieron ellos en no haber nacido ilustres. Bien es verdad que no son tan -bajos que puedan afrentarse de su estado, ni tan altos que a mí me quiten -la imaginación que tengo de que de su humildad viene mi desgracia. Ellos, -en fin, son labradores, gente llana, sin mezcla de alguna raza mal sonante, -y, como suele decirse, cristianos viejos ranciosos; pero tan ricos que su -riqueza y magnífico trato les va poco a poco adquiriendo nombre de -hidalgos, y aun de caballeros. Puesto que de la mayor riqueza y nobleza que -ellos se preciaban era de tenerme a mí por hija; y, así por no tener otra -ni otro que los heredase como por ser padres, y aficionados, yo era una de -las más regaladas hijas que padres jamás regalaron. Era el espejo en que se -miraban, el báculo de su vejez, y el sujeto a quien encaminaban, -midiéndolos con el cielo, todos sus deseos; de los cuales, por ser ellos -tan buenos, los míos no salían un punto. Y del mismo modo que yo era señora -de sus ánimos, ansí lo era de su hacienda: por mí se recebían y despedían -los criados; la razón y cuenta de lo que se sembraba y cogía pasaba por mi -mano; los molinos de aceite, los lagares de vino, el número del ganado -mayor y menor, el de las colmenas. Finalmente, de todo aquello que un tan -rico labrador como mi padre puede tener y tiene, tenía yo la cuenta, y era -la mayordoma y señora, con tanta solicitud mía y con tanto gusto suyo, que -buenamente no acertaré a encarecerlo. Los ratos que del día me quedaban, -después de haber dado lo que convenía a los mayorales, a capataces y a -otros jornaleros, los entretenía en ejercicios que son a las doncellas tan -lícitos como necesarios, como son los que ofrece la aguja y la almohadilla, -y la rueca muchas veces; y si alguna, por recrear el ánimo, estos -ejercicios dejaba, me acogía al entretenimiento de leer algún libro devoto, -o a tocar una arpa, porque la experiencia me mostraba que la música compone -los ánimos descompuestos y alivia los trabajos que nacen del espíritu. -»Ésta, pues, era la vida que yo tenía en casa de mis padres, la cual, si -tan particularmente he contado, no ha sido por ostentación ni por dar a -entender que soy rica, sino porque se advierta cuán sin culpa me he venido -de aquel buen estado que he dicho al infelice en que ahora me hallo. Es, -pues, el caso que, pasando mi vida en tantas ocupaciones y en un -encerramiento tal que al de un monesterio pudiera compararse, sin ser -vista, a mi parecer, de otra persona alguna que de los criados de casa, -porque los días que iba a misa era tan de mañana, y tan acompañada de mi -madre y de otras criadas, y yo tan cubierta y recatada que apenas vían mis -ojos más tierra de aquella donde ponía los pies; y, con todo esto, los del -amor, o los de la ociosidad, por mejor decir, a quien los de lince no -pueden igualarse, me vieron, puestos en la solicitud de don Fernando, que -éste es el nombre del hijo menor del duque que os he contado». - -No hubo bien nombrado a don Fernando la que el cuento contaba, cuando a -Cardenio se le mudó la color del rostro, y comenzó a trasudar, con tan -grande alteración que el cura y el barbero, que miraron en ello, temieron -que le venía aquel accidente de locura que habían oído decir que de cuando -en cuando le venía. Mas Cardenio no hizo otra cosa que trasudar y estarse -quedo, mirando de hito en hito a la labradora, imaginando quién ella era; -la cual, sin advertir en los movimientos de Cardenio, prosiguió su -historia, diciendo: - -— «Y no me hubieron bien visto cuando, según él dijo después, quedó tan -preso de mis amores cuanto lo dieron bien a entender sus demostraciones. -Mas, por acabar presto con el cuento, que no le tiene, de mis desdichas, -quiero pasar en silencio las diligencias que don Fernando hizo para -declararme su voluntad. Sobornó toda la gente de mi casa, dio y ofreció -dádivas y mercedes a mis parientes. Los días eran todos de fiesta y de -regocijo en mi calle; las noches no dejaban dormir a nadie las músicas. Los -billetes que, sin saber cómo, a mis manos venían, eran infinitos, llenos de -enamoradas razones y ofrecimientos, con menos letras que promesas y -juramentos. Todo lo cual no sólo no me ablandaba, pero me endurecía de -manera como si fuera mi mortal enemigo, y que todas las obras que para -reducirme a su voluntad hacía, las hiciera para el efeto contrario; no -porque a mí me pareciese mal la gentileza de don Fernando, ni que tuviese a -demasía sus solicitudes; porque me daba un no sé qué de contento verme tan -querida y estimada de un tan principal caballero, y no me pesaba ver en sus -papeles mis alabanzas: que en esto, por feas que seamos las mujeres, me -parece a mí que siempre nos da gusto el oír que nos llaman hermosas. -»Pero a todo esto se opone mi honestidad y los consejos continuos que mis -padres me daban, que ya muy al descubierto sabían la voluntad de don -Fernando, porque ya a él no se le daba nada de que todo el mundo la -supiese. Decíanme mis padres que en sola mi virtud y bondad dejaban y -depositaban su honra y fama, y que considerase la desigualdad que había -entre mí y don Fernando, y que por aquí echaría de ver que sus -pensamientos, aunque él dijese otra cosa, mas se encaminaban a su gusto que -a mi provecho; y que si yo quisiese poner en alguna manera algún -inconveniente para que él se dejase de su injusta pretensión, que ellos me -casarían luego con quien yo más gustase: así de los más principales de -nuestro lugar como de todos los circunvecinos, pues todo se podía esperar -de su mucha hacienda y de mi buena fama. Con estos ciertos prometimientos, -y con la verdad que ellos me decían, fortificaba yo mi entereza, y jamás -quise responder a don Fernando palabra que le pudiese mostrar, aunque de -muy lejos, esperanza de alcanzar su deseo. - -»Todos estos recatos míos, que él debía de tener por desdenes, debieron de -ser causa de avivar más su lascivo apetito, que este nombre quiero dar a la -voluntad que me mostraba; la cual, si ella fuera como debía, no la -supiérades vosotros ahora, porque hubiera faltado la ocasión de decírosla. -Finalmente, don Fernando supo que mis padres andaban por darme estado, por -quitalle a él la esperanza de poseerme, o, a lo menos, porque yo tuviese -más guardas para guardarme; y esta nueva o sospecha fue causa para que -hiciese lo que ahora oiréis. Y fue que una noche, estando yo en mi aposento -con sola la compañía de una doncella que me servía, teniendo bien cerradas -las puertas, por temor que, por descuido, mi honestidad no se viese en -peligro, sin saber ni imaginar cómo, en medio destos recatos y -prevenciones, y en la soledad deste silencio y encierro, me le hallé -delante, cuya vista me turbó de manera que me quitó la de mis ojos y me -enmudeció la lengua; y así, no fui poderosa de dar voces, ni aun él creo -que me las dejara dar, porque luego se llegó a mí, y, tomándome entre sus -brazos (porque yo, como digo, no tuve fuerzas para defenderme, según estaba -turbada), comenzó a decirme tales razones, que no sé cómo es posible que -tenga tanta habilidad la mentira que las sepa componer de modo que parezcan -tan verdaderas. Hacía el traidor que sus lágrimas acreditasen sus palabras -y los suspiros su intención. Yo, pobrecilla, sola entre los míos, mal -ejercitada en casos semejantes, comencé, no sé en qué modo, a tener por -verdaderas tantas falsedades, pero no de suerte que me moviesen a compasión -menos que buena sus lágrimas y suspiros. - -»Y así, pasándoseme aquel sobresalto primero, torné algún tanto a cobrar -mis perdidos espíritus, y con más ánimo del que pensé que pudiera tener, le -dije: ''Si como estoy, señor, en tus brazos, estuviera entre los de un león -fiero y el librarme dellos se me asegurara con que hiciera, o dijera, cosa -que fuera en perjuicio de mi honestidad, así fuera posible hacella o -decilla como es posible dejar de haber sido lo que fue. Así que, si tú -tienes ceñido mi cuerpo con tus brazos, yo tengo atada mi alma con mis -buenos deseos, que son tan diferentes de los tuyos como lo verás si con -hacerme fuerza quisieres pasar adelante en ellos. Tu vasalla soy, pero no -tu esclava; ni tiene ni debe tener imperio la nobleza de tu sangre para -deshonrar y tener en poco la humildad de la mía; y en tanto me estimo yo, -villana y labradora, como tú, señor y caballero. Conmigo no han de ser de -ningún efecto tus fuerzas, ni han de tener valor tus riquezas, ni tus -palabras han de poder engañarme, ni tus suspiros y lágrimas enternecerme. -Si alguna de todas estas cosas que he dicho viera yo en el que mis padres -me dieran por esposo, a su voluntad se ajustara la mía, y mi voluntad de la -suya no saliera; de modo que, como quedara con honra, aunque quedara sin -gusto, de grado te entregara lo que tú, señor, ahora con tanta fuerza -procuras. Todo esto he dicho porque no es pensar que de mí alcance cosa -alguna el que no fuere mi ligítimo esposo''. ''Si no reparas más que en -eso, bellísima Dorotea —(que éste es el nombre desta desdichada), dijo el -desleal caballero—, ves: aquí te doy la mano de serlo tuyo, y sean testigos -desta verdad los cielos, a quien ninguna cosa se asconde, y esta imagen de -Nuestra Señora que aquí tienes''.» - -Cuando Cardenio le oyó decir que se llamaba Dorotea, tornó de nuevo a sus -sobresaltos y acabó de confirmar por verdadera su primera opinión; pero no -quiso interromper el cuento, por ver en qué venía a parar lo que él ya casi -sabía; sólo dijo: - -— ¿Que Dorotea es tu nombre, señora? Otra he oído yo decir del mesmo, que -quizá corre parejas con tus desdichas. Pasa adelante, que tiempo vendrá en -que te diga cosas que te espanten en el mesmo grado que te lastimen. -Reparó Dorotea en las razones de Cardenio y en su estraño y desastrado -traje, y rogóle que si alguna cosa de su hacienda sabía, se la dijese -luego; porque si algo le había dejado bueno la fortuna, era el ánimo que -tenía para sufrir cualquier desastre que le sobreviniese, segura de que, a -su parecer, ninguno podía llegar que el que tenía acrecentase un punto. -— No le perdiera yo, señora —respondió Cardenio—, en decirte lo que pienso, -si fuera verdad lo que imagino; y hasta ahora no se pierde coyuntura, ni a -ti te importa nada el saberlo. - -— Sea lo que fuere —respondió Dorotea—, «lo que en mi cuento pasa fue que, -tomando don Fernando una imagen que en aquel aposento estaba, la puso por -testigo de nuestro desposorio. Con palabras eficacísimas y juramentos -estraordinarios, me dio la palabra de ser mi marido, puesto que, antes que -acabase de decirlas, le dije que mirase bien lo que hacía y que considerase -el enojo que su padre había de recebir de verle casado con una villana -vasalla suya; que no le cegase mi hermosura, tal cual era, pues no era -bastante para hallar en ella disculpa de su yerro, y que si algún bien me -quería hacer, por el amor que me tenía, fuese dejar correr mi suerte a lo -igual de lo que mi calidad podía, porque nunca los tan desiguales -casamientos se gozan ni duran mucho en aquel gusto con que se comienzan. -»Todas estas razones que aquí he dicho le dije, y otras muchas de que no me -acuerdo, pero no fueron parte para que él dejase de seguir su intento, bien -ansí como el que no piensa pagar, que, al concertar de la barata, no repara -en inconvenientes. Yo, a esta sazón, hice un breve discurso conmigo, y me -dije a mí mesma: ''Sí, que no seré yo la primera que por vía de matrimonio -haya subido de humilde a grande estado, ni será don Fernando el primero a -quien hermosura, o ciega afición, que es lo más cierto, haya hecho tomar -compañía desigual a su grandeza. Pues si no hago ni mundo ni uso nuevo, -bien es acudir a esta honra que la suerte me ofrece, puesto que en éste no -dure más la voluntad que me muestra de cuanto dure el cumplimiento de su -deseo; que, en fin, para con Dios seré su esposa. Y si quiero con desdenes -despedille, en término le veo que, no usando el que debe, usará el de la -fuerza y vendré a quedar deshonrada y sin disculpa de la culpa que me podía -dar el que no supiere cuán sin ella he venido a este punto. Porque, ¿qué -razones serán bastantes para persuadir a mis padres, y a otros, que este -caballero entró en mi aposento sin consentimiento mío?'' - -»Todas estas demandas y respuestas revolví yo en un instante en la -imaginación; y, sobre todo, me comenzaron a hacer fuerza y a inclinarme a -lo que fue, sin yo pensarlo, mi perdición: los juramentos de don Fernando, -los testigos que ponía, las lágrimas que derramaba, y, finalmente, su -dispusición y gentileza, que, acompañada con tantas muestras de verdadero -amor, pudieran rendir a otro tan libre y recatado corazón como el mío. -Llamé a mi criada, para que en la tierra acompañase a los testigos del -cielo; tornó don Fernando a reiterar y confirmar sus juramentos; añadió a -los primeros nuevos santos por testigos; echóse mil futuras maldiciones, si -no cumpliese lo que me prometía; volvió a humedecer sus ojos y a acrecentar -sus suspiros; apretóme más entre sus brazos, de los cuales jamás me había -dejado; y con esto, y con volverse a salir del aposento mi doncella, yo -dejé de serlo y él acabó de ser traidor y fementido. - -»El día que sucedió a la noche de mi desgracia se venía aun no tan apriesa -como yo pienso que don Fernando deseaba, porque, después de cumplido -aquello que el apetito pide, el mayor gusto que puede venir es apartarse de -donde le alcanzaron. Digo esto porque don Fernando dio priesa por partirse -de mí, y, por industria de mi doncella, que era la misma que allí le había -traído, antes que amaneciese se vio en la calle. Y, al despedirse de mí, -aunque no con tanto ahínco y vehemencia como cuando vino, me dijo que -estuviese segura de su fe y de ser firmes y verdaderos sus juramentos; y, -para más confirmación de su palabra, sacó un rico anillo del dedo y lo puso -en el mío. En efecto, él se fue y yo quedé ni sé si triste o alegre; esto -sé bien decir: que quedé confusa y pensativa, y casi fuera de mí con el -nuevo acaecimiento, y no tuve ánimo, o no se me acordó, de reñir a mi -doncella por la traición cometida de encerrar a don Fernando en mi mismo -aposento, porque aún no me determinaba si era bien o mal el que me había -sucedido. Díjele, al partir, a don Fernando que por el mesmo camino de -aquélla podía verme otras noches, pues ya era suya, hasta que, cuando él -quisiese, aquel hecho se publicase. Pero no vino otra alguna, si no fue la -siguiente, ni yo pude verle en la calle ni en la iglesia en más de un mes; -que en vano me cansé en solicitallo, puesto que supe que estaba en la villa -y que los más días iba a caza, ejercicio de que él era muy aficionado. -»Estos días y estas horas bien sé yo que para mí fueron aciagos y -menguadas, y bien sé que comencé a dudar en ellos, y aun a descreer de la -fe de don Fernando; y sé también que mi doncella oyó entonces las palabras -que en reprehensión de su atrevimiento antes no había oído; y sé que me fue -forzoso tener cuenta con mis lágrimas y con la compostura de mi rostro, por -no dar ocasión a que mis padres me preguntasen que de qué andaba -descontenta y me obligasen a buscar mentiras que decilles. Pero todo esto -se acabó en un punto, llegándose uno donde se atropellaron respectos y se -acabaron los honrados discursos, y adonde se perdió la paciencia y salieron -a plaza mis secretos pensamientos. Y esto fue porque, de allí a pocos días, -se dijo en el lugar como en una ciudad allí cerca se había casado don -Fernando con una doncella hermosísima en todo estremo, y de muy principales -padres, aunque no tan rica que, por la dote, pudiera aspirar a tan noble -casamiento. Díjose que se llamaba Luscinda, con otras cosas que en sus -desposorios sucedieron dignas de admiración.» - -Oyó Cardenio el nombre de Luscinda, y no hizo otra cosa que encoger los -hombros, morderse los labios, enarcar las cejas y dejar de allí a poco caer -por sus ojos dos fuentes de lágrimas. Mas no por esto dejó Dorotea de -seguir su cuento, diciendo: - -— «Llegó esta triste nueva a mis oídos, y, en lugar de helárseme el corazón -en oílla, fue tanta la cólera y rabia que se encendió en él, que faltó poco -para no salirme por las calles dando voces, publicando la alevosía y -traición que se me había hecho. Mas templóse esta furia por entonces con -pensar de poner aquella mesma noche por obra lo que puse: que fue ponerme -en este hábito, que me dio uno de los que llaman zagales en casa de los -labradores, que era criado de mi padre, al cual descubrí toda mi -desventura, y le rogué me acompañase hasta la ciudad donde entendí que mi -enemigo estaba. Él, después que hubo reprehendido mi atrevimiento y afeado -mi determinación, viéndome resuelta en mi parecer, se ofreció a tenerme -compañía, como él dijo, hasta el cabo del mundo. Luego, al momento, encerré -en una almohada de lienzo un vestido de mujer, y algunas joyas y dineros, -por lo que podía suceder. Y en el silencio de aquella noche, sin dar cuenta -a mi traidora doncella, salí de mi casa, acompañada de mi criado y de -muchas imaginaciones, y me puse en camino de la ciudad a pie, llevada en -vuelo del deseo de llegar, ya que no a estorbar lo que tenía por hecho, a -lo menos a decir a don Fernando me dijese con qué alma lo había hecho. -»Llegué en dos días y medio donde quería, y, en entrando por la ciudad, -pregunté por la casa de los padres de Luscinda, y al primero a quien hice -la pregunta me respondió más de lo que yo quisiera oír. Díjome la casa y -todo lo que había sucedido en el desposorio de su hija, cosa tan pública en -la ciudad, que se hace en corrillos para contarla por toda ella. Díjome que -la noche que don Fernando se desposó con Luscinda, después de haber ella -dado el sí de ser su esposa, le había tomado un recio desmayo, y que, -llegando su esposo a desabrocharle el pecho para que le diese el aire, le -halló un papel escrito de la misma letra de Luscinda, en que decía y -declaraba que ella no podía ser esposa de don Fernando, porque lo era de -Cardenio, que, a lo que el hombre me dijo, era un caballero muy principal -de la mesma ciudad; y que si había dado el sí a don Fernando, fue por no -salir de la obediencia de sus padres. En resolución, tales razones dijo que -contenía el papel, que daba a entender que ella había tenido intención de -matarse en acabándose de desposar, y daba allí las razones por que se había -quitado la vida. Todo lo cual dicen que confirmó una daga que le hallaron -no sé en qué parte de sus vestidos. Todo lo cual visto por don Fernando, -pareciéndole que Luscinda le había burlado y escarnecido y tenido en poco, -arremetió a ella, antes que de su desmayo volviese, y con la misma daga que -le hallaron la quiso dar de puñaladas; y lo hiciera si sus padres y los que -se hallaron presentes no se lo estorbaran. Dijeron más: que luego se -ausentó don Fernando, y que Luscinda no había vuelto de su parasismo hasta -otro día, que contó a sus padres cómo ella era verdadera esposa de aquel -Cardenio que he dicho. Supe más: que el Cardenio, según decían, se halló -presente en los desposorios, y que, en viéndola desposada, lo cual él jamás -pensó, se salió de la ciudad desesperado, dejándole primero escrita una -carta, donde daba a entender el agravio que Luscinda le había hecho, y de -cómo él se iba adonde gentes no le viesen. - -»Esto todo era público y notorio en toda la ciudad, y todos hablaban dello; -y más hablaron cuando supieron que Luscinda había faltado de casa de sus -padres y de la ciudad, pues no la hallaron en toda ella, de que perdían el -juicio sus padres y no sabían qué medio se tomar para hallarla. Esto que -supe puso en bando mis esperanzas, y tuve por mejor no haber hallado a don -Fernando, que no hallarle casado, pareciéndome que aún no estaba del todo -cerrada la puerta a mi remedio, dándome yo a entender que podría ser que el -cielo hubiese puesto aquel impedimento en el segundo matrimonio, por -atraerle a conocer lo que al primero debía, y a caer en la cuenta de que -era cristiano y que estaba más obligado a su alma que a los respetos -humanos. Todas estas cosas revolvía en mi fantasía, y me consolaba sin -tener consuelo, fingiendo unas esperanzas largas y desmayadas, para -entretener la vida, que ya aborrezco. - -»Estando, pues, en la ciudad, sin saber qué hacerme, pues a don Fernando no -hallaba, llegó a mis oídos un público pregón, donde se prometía grande -hallazgo a quien me hallase, dando las señas de la edad y del mesmo traje -que traía; y oí decir que se decía que me había sacado de casa de mis -padres el mozo que conmigo vino, cosa que me llegó al alma, por ver cuán de -caída andaba mi crédito, pues no bastaba perderle con mi venida, sino -añadir el con quién, siendo subjeto tan bajo y tan indigno de mis buenos -pensamientos. Al punto que oí el pregón, me salí de la ciudad con mi -criado, que ya comenzaba a dar muestras de titubear en la fe que de -fidelidad me tenía prometida, y aquella noche nos entramos por lo espeso -desta montaña, con el miedo de no ser hallados. Pero, como suele decirse -que un mal llama a otro, y que el fin de una desgracia suele ser principio -de otra mayor, así me sucedió a mí, porque mi buen criado, hasta entonces -fiel y seguro, así como me vio en esta soledad, incitado de su mesma -bellaquería antes que de mi hermosura, quiso aprovecharse de la ocasión -que, a su parecer, estos yermos le ofrecían; y, con poca vergüenza y menos -temor de Dios ni respeto mío, me requirió de amores; y, viendo que yo con -feas y justas palabras respondía a las desvergüenzas de sus propósitos, -dejó aparte los ruegos, de quien primero pensó aprovecharse, y comenzó a -usar de la fuerza. Pero el justo cielo, que pocas o ningunas veces deja de -mirar y favorecer a las justas intenciones, favoreció las mías, de manera -que con mis pocas fuerzas, y con poco trabajo, di con él por un -derrumbadero, donde le dejé, ni sé si muerto o si vivo; y luego, con más -ligereza que mi sobresalto y cansancio pedían, me entré por estas montañas, -sin llevar otro pensamiento ni otro disignio que esconderme en ellas y huir -de mi padre y de aquellos que de su parte me andaban buscando. - -»Con este deseo, ha no sé cuántos meses que entré en ellas, donde hallé un -ganadero que me llevó por su criado a un lugar que está en las entrañas -desta sierra, al cual he servido de zagal todo este tiempo, procurando -estar siempre en el campo por encubrir estos cabellos que ahora, tan si -pensarlo, me han descubierto. Pero toda mi industria y toda mi solicitud -fue y ha sido de ningún provecho, pues mi amo vino en conocimiento de que -yo no era varón, y nació en él el mesmo mal pensamiento que en mi criado; -y, como no siempre la fortuna con los trabajos da los remedios, no hallé -derrumbadero ni barranco de donde despeñar y despenar al amo, como le hallé -para el criado; y así, tuve por menor inconveniente dejalle y asconderme de -nuevo entre estas asperezas que probar con él mis fuerzas o mis disculpas. -Digo, pues, que me torné a emboscar, y a buscar donde sin impedimento -alguno pudiese con suspiros y lágrimas rogar al cielo se duela de mi -desventura y me dé industria y favor para salir della, o para dejar la vida -entre estas soledades, sin que quede memoria desta triste, que tan sin -culpa suya habrá dado materia para que de ella se hable y murmure en la -suya y en las ajenas tierras.» - - - - -Capítulo XXIX. Que trata de la discreción de la hermosa Dorotea, con otras -cosas de mucho gusto y pasatiempo - -— Esta es, señores, la verdadera historia de mi tragedia: mirad y juzgad -ahora si los suspiros que escuchastes, las palabras que oístes y las -lágrimas que de mis ojos salían, tenían ocasión bastante para mostrarse en -mayor abundancia; y, considerada la calidad de mi desgracia, veréis que -será en vano el consuelo, pues es imposible el remedio della. Sólo os ruego -(lo que con facilidad podréis y debéis hacer) que me aconsejéis dónde podré -pasar la vida sin que me acabe el temor y sobresalto que tengo de ser -hallada de los que me buscan; que, aunque sé que el mucho amor que mis -padres me tienen me asegura que seré dellos bien recebida, es tanta la -vergüenza que me ocupa sólo el pensar que, no como ellos pensaban, tengo de -parecer a su presencia, que tengo por mejor desterrarme para siempre de ser -vista que no verles el rostro, con pensamiento que ellos miran el mío ajeno -de la honestidad que de mí se debían de tener prometida. - -Calló en diciendo esto, y el rostro se le cubrió de un color que mostró -bien claro el sentimiento y vergüenza del alma. En las suyas sintieron los -que escuchado la habían tanta lástima como admiración de su desgracia; y, -aunque luego quisiera el cura consolarla y aconsejarla, tomó primero la -mano Cardenio, diciendo: - -— En fin, señora, que tú eres la hermosa Dorotea, la hija única del rico -Clenardo. - -Admirada quedó Dorotea cuando oyó el nombre de su padre, y de ver cuán de -poco era el que le nombraba, porque ya se ha dicho de la mala manera que -Cardenio estaba vestido; y así, le dijo: - -— Y ¿quién sois vos, hermano, que así sabéis el nombre de mi padre? Porque -yo, hasta ahora, si mal no me acuerdo, en todo el discurso del cuento de mi -desdicha no le he nombrado. - -— Soy —respondió Cardenio— aquel sin ventura que, según vos, señora, habéis -dicho, Luscinda dijo que era su esposa. Soy el desdichado Cardenio, a quien -el mal término de aquel que a vos os ha puesto en el que estáis me ha -traído a que me veáis cual me veis: roto, desnudo, falto de todo humano -consuelo y, lo que es peor de todo, falto de juicio, pues no le tengo sino -cuando al cielo se le antoja dármele por algún breve espacio. Yo, Teodora, -soy el que me hallé presente a las sinrazones de don Fernando, y el que -aguardó oír el sí que de ser su esposa pronunció Luscinda. Yo soy el que no -tuvo ánimo para ver en qué paraba su desmayo, ni lo que resultaba del papel -que le fue hallado en el pecho, porque no tuvo el alma sufrimiento para ver -tantas desventuras juntas; y así, dejé la casa y la paciencia, y una carta -que dejé a un huésped mío, a quien rogué que en manos de Luscinda la -pusiese, y víneme a estas soledades, con intención de acabar en ellas la -vida, que desde aquel punto aborrecí como mortal enemiga mía. Mas no ha -querido la suerte quitármela, contentándose con quitarme el juicio, quizá -por guardarme para la buena ventura que he tenido en hallaros; pues, siendo -verdad, como creo que lo es, lo que aquí habéis contado, aún podría ser que -a entrambos nos tuviese el cielo guardado mejor suceso en nuestros -desastres que nosotros pensamos. Porque, presupuesto que Luscinda no puede -casarse con don Fernando, por ser mía, ni don Fernando con ella, por ser -vuestro, y haberlo ella tan manifiestamente declarado, bien podemos esperar -que el cielo nos restituya lo que es nuestro, pues está todavía en ser, y -no se ha enajenado ni deshecho. Y, pues este consuelo tenemos, nacido no de -muy remota esperanza, ni fundado en desvariadas imaginaciones, suplícoos, -señora, que toméis otra resolución en vuestros honrados pensamientos, pues -yo la pienso tomar en los míos, acomodándoos a esperar mejor fortuna; que -yo os juro, por la fe de caballero y de cristiano, de no desampararos hasta -veros en poder de don Fernando, y que, cuando con razones no le pudiere -atraer a que conozca lo que os debe, de usar entonces la libertad que me -concede el ser caballero, y poder con justo título desafialle, en razón de -la sinrazón que os hace, sin acordarme de mis agravios, cuya venganza -dejaré al cielo por acudir en la tierra a los vuestros. - -Con lo que Cardenio dijo se acabó de admirar Dorotea, y, por no saber qué -gracias volver a tan grandes ofrecimientos, quiso tomarle los pies para -besárselos; mas no lo consintió Cardenio, y el licenciado respondió por -entrambos, y aprobó el buen discurso de Cardenio, y, sobre todo, les rogó, -aconsejó y persuadió que se fuesen con él a su aldea, donde se podrían -reparar de las cosas que les faltaban, y que allí se daría orden cómo -buscar a don Fernando, o cómo llevar a Dorotea a sus padres, o hacer lo que -más les pareciese conveniente. Cardenio y Dorotea se lo agradecieron, y -acetaron la merced que se les ofrecía. El barbero, que a todo había estado -suspenso y callado, hizo también su buena plática y se ofreció con no menos -voluntad que el cura a todo aquello que fuese bueno para servirles. -Contó asimesmo con brevedad la causa que allí los había traído, con la -estrañeza de la locura de don Quijote, y cómo aguardaban a su escudero, que -había ido a buscalle. Vínosele a la memoria a Cardenio, como por sueños, la -pendencia que con don Quijote había tenido y contóla a los demás, mas no -supo decir por qué causa fue su quistión. - -En esto, oyeron voces, y conocieron que el que las daba era Sancho Panza, -que, por no haberlos hallado en el lugar donde los dejó, los llamaba a -voces. Saliéronle al encuentro, y, preguntándole por don Quijote, les dijo -cómo le había hallado desnudo en camisa, flaco, amarillo y muerto de -hambre, y suspirando por su señora Dulcinea; y que, puesto que le había -dicho que ella le mandaba que saliese de aquel lugar y se fuese al del -Toboso, donde le quedaba esperando, había respondido que estaba determinado -de no parecer ante su fermosura fasta que hobiese fecho fazañas que le -ficiesen digno de su gracia. Y que si aquello pasaba adelante, corría -peligro de no venir a ser emperador, como estaba obligado, ni aun -arzobispo, que era lo menos que podía ser. Por eso, que mirasen lo que se -había de hacer para sacarle de allí. - -El licenciado le respondió que no tuviese pena, que ellos le sacarían de -allí, mal que le pesase. Contó luego a Cardenio y a Dorotea lo que tenían -pensado para remedio de don Quijote, a lo menos para llevarle a su casa. A -lo cual dijo Dorotea que ella haría la doncella menesterosa mejor que el -barbero, y más, que tenía allí vestidos con que hacerlo al natural, y que -la dejasen el cargo de saber representar todo aquello que fuese menester -para llevar adelante su intento, porque ella había leído muchos libros de -caballerías y sabía bien el estilo que tenían las doncellas cuitadas cuando -pedían sus dones a los andantes caballeros. - -— Pues no es menester más —dijo el cura— sino que luego se ponga por obra; -que, sin duda, la buena suerte se muestra en favor nuestro, pues, tan sin -pensarlo, a vosotros, señores, se os ha comenzado a abrir puerta para -vuestro remedio y a nosotros se nos ha facilitado la que habíamos menester. -Sacó luego Dorotea de su almohada una saya entera de cierta telilla rica y -una mantellina de otra vistosa tela verde, y de una cajita un collar y -otras joyas, con que en un instante se adornó de manera que una rica y gran -señora parecía. Todo aquello, y más, dijo que había sacado de su casa para -lo que se ofreciese, y que hasta entonces no se le había ofrecido ocasión -de habello menester. A todos contentó en estremo su mucha gracia, donaire y -hermosura, y confirmaron a don Fernando por de poco conocimiento, pues -tanta belleza desechaba. - -Pero el que más se admiró fue Sancho Panza, por parecerle —como era así -verdad— que en todos los días de su vida había visto tan hermosa criatura; -y así, preguntó al cura con grande ahínco le dijese quién era aquella tan -fermosa señora, y qué era lo que buscaba por aquellos andurriales. -— Esta hermosa señora —respondió el cura—, Sancho hermano, es, como quien no -dice nada, es la heredera por línea recta de varón del gran reino de -Micomicón, la cual viene en busca de vuestro amo a pedirle un don, el cual -es que le desfaga un tuerto o agravio que un mal gigante le tiene fecho; y, -a la fama que de buen caballero vuestro amo tiene por todo lo descubierto, -de Guinea ha venido a buscarle esta princesa. - -— Dichosa buscada y dichoso hallazgo —dijo a esta sazón Sancho Panza—, y más -si mi amo es tan venturoso que desfaga ese agravio y enderece ese tuerto, -matando a ese hideputa dese gigante que vuestra merced dice; que sí matará -si él le encuentra, si ya no fuese fantasma, que contra las fantasmas no -tiene mi señor poder alguno. Pero una cosa quiero suplicar a vuestra -merced, entre otras, señor licenciado, y es que, porque a mi amo no le tome -gana de ser arzobispo, que es lo que yo temo, que vuestra merced le -aconseje que se case luego con esta princesa, y así quedará imposibilitado -de recebir órdenes arzobispales y vendrá con facilidad a su imperio y yo al -fin de mis deseos; que yo he mirado bien en ello y hallo por mi cuenta que -no me está bien que mi amo sea arzobispo, porque yo soy inútil para la -Iglesia, pues soy casado, y andarme ahora a traer dispensaciones para poder -tener renta por la Iglesia, teniendo, como tengo, mujer y hijos, sería -nunca acabar. Así que, señor, todo el toque está en que mi amo se case -luego con esta señora, que hasta ahora no sé su gracia, y así, no la llamo -por su nombre. - -— Llámase —respondió el cura— la princesa Micomicona, porque, llamándose su -reino Micomicón, claro está que ella se ha de llamar así. - -— No hay duda en eso —respondió Sancho—, que yo he visto a muchos tomar el -apellido y alcurnia del lugar donde nacieron, llamándose Pedro de Alcalá, -Juan de Úbeda y Diego de Valladolid; y esto mesmo se debe de usar allá en -Guinea: tomar las reinas los nombres de sus reinos. - -— Así debe de ser —dijo el cura—; y en lo del casarse vuestro amo, yo haré -en ello todos mis poderíos. - -Con lo que quedó tan contento Sancho cuanto el cura admirado de su -simplicidad, y de ver cuán encajados tenía en la fantasía los mesmos -disparates que su amo, pues sin alguna duda se daba a entender que había de -venir a ser emperador. - -Ya, en esto, se había puesto Dorotea sobre la mula del cura y el barbero se -había acomodado al rostro la barba de la cola de buey, y dijeron a Sancho -que los guiase adonde don Quijote estaba; al cual advirtieron que no dijese -que conocía al licenciado ni al barbero, porque en no conocerlos consistía -todo el toque de venir a ser emperador su amo; puesto que ni el cura ni -Cardenio quisieron ir con ellos, porque no se le acordase a don Quijote la -pendencia que con Cardenio había tenido, y el cura porque no era menester -por entonces su presencia. Y así, los dejaron ir delante, y ellos los -fueron siguiendo a pie, poco a poco. No dejó de avisar el cura lo que había -de hacer Dorotea; a lo que ella dijo que descuidasen, que todo se haría, -sin faltar punto, como lo pedían y pintaban los libros de caballerías. -Tres cuartos de legua habrían andado, cuando descubrieron a don Quijote -entre unas intricadas peñas, ya vestido, aunque no armado; y, así como -Dorotea le vio y fue informada de Sancho que aquél era don Quijote, dio del -azote a su palafrén, siguiéndole el bien barbado barbero. Y, en llegando -junto a él, el escudero se arrojó de la mula y fue a tomar en los brazos a -Dorotea, la cual, apeándose con grande desenvoltura, se fue a hincar de -rodillas ante las de don Quijote; y, aunque él pugnaba por levantarla, -ella, sin levantarse, le fabló en esta guisa: - -— De aquí no me levantaré, ¡oh valeroso y esforzado caballero!, fasta que la -vuestra bondad y cortesía me otorgue un don, el cual redundará en honra y -prez de vuestra persona, y en pro de la más desconsolada y agraviada -doncella que el sol ha visto. Y si es que el valor de vuestro fuerte brazo -corresponde a la voz de vuestra inmortal fama, obligado estáis a favorecer -a la sin ventura que de tan lueñes tierras viene, al olor de vuestro famoso -nombre, buscándoos para remedio de sus desdichas. - -— No os responderé palabra, fermosa señora —respondió don Quijote—, ni oiré -más cosa de vuestra facienda, fasta que os levantéis de tierra. - -— No me levantaré, señor —respondió la afligida doncella—, si primero, por -la vuestra cortesía, no me es otorgado el don que pido. - -— Yo vos le otorgo y concedo —respondió don Quijote—, como no se haya de -cumplir en daño o mengua de mi rey, de mi patria y de aquella que de mi -corazón y libertad tiene la llave. - -— No será en daño ni en mengua de los que decís, mi buen señor —replicó la -dolorosa doncella. - -Y, estando en esto, se llegó Sancho Panza al oído de su señor y muy pasito -le dijo: - -— Bien puede vuestra merced, señor, concederle el don que pide, que no es -cosa de nada: sólo es matar a un gigantazo, y esta que lo pide es la alta -princesa Micomicona, reina del gran reino Micomicón de Etiopía. - -— Sea quien fuere —respondió don Quijote—, que yo haré lo que soy obligado y -lo que me dicta mi conciencia, conforme a lo que profesado tengo. - -Y, volviéndose a la doncella, dijo: - -— La vuestra gran fermosura se levante, que yo le otorgo el don que pedirme -quisiere. - -— Pues el que pido es —dijo la doncella— que la vuestra magnánima persona se -venga luego conmigo donde yo le llevare, y me prometa que no se ha de -entremeter en otra aventura ni demanda alguna hasta darme venganza de un -traidor que, contra todo derecho divino y humano, me tiene usurpado mi -reino. - -— Digo que así lo otorgo —respondió don Quijote—, y así podéis, señora, -desde hoy más, desechar la malenconía que os fatiga y hacer que cobre -nuevos bríos y fuerzas vuestra desmayada esperanza; que, con el ayuda de -Dios y la de mi brazo, vos os veréis presto restituida en vuestro reino y -sentada en la silla de vuestro antiguo y grande estado, a pesar y a -despecho de los follones que contradecirlo quisieren. Y manos a labor, que -en la tardanza dicen que suele estar el peligro. - -La menesterosa doncella pugnó, con mucha porfía, por besarle las manos, mas -don Quijote, que en todo era comedido y cortés caballero, jamás lo -consintió; antes, la hizo levantar y la abrazó con mucha cortesía y -comedimiento, y mandó a Sancho que requiriese las cinchas a Rocinante y le -armase luego al punto. Sancho descolgó las armas, que, como trofeo, de un -árbol estaban pendientes, y, requiriendo las cinchas, en un punto armó a su -señor; el cual, viéndose armado, dijo: - -— Vamos de aquí, en el nombre de Dios, a favorecer esta gran señora. -Estábase el barbero aún de rodillas, teniendo gran cuenta de disimular la -risa y de que no se le cayese la barba, con cuya caída quizá quedaran todos -sin conseguir su buena intención; y, viendo que ya el don estaba concedido -y con la diligencia que don Quijote se alistaba para ir a cumplirle, se -levantó y tomó de la otra mano a su señora, y entre los dos la subieron en -la mula. Luego subió don Quijote sobre Rocinante, y el barbero se acomodó -en su cabalgadura, quedándose Sancho a pie, donde de nuevo se le renovó la -pérdida del rucio, con la falta que entonces le hacía; mas todo lo llevaba -con gusto, por parecerle que ya su señor estaba puesto en camino, y muy a -pique, de ser emperador; porque sin duda alguna pensaba que se había de -casar con aquella princesa, y ser, por lo menos, rey de Micomicón. Sólo le -daba pesadumbre el pensar que aquel reino era en tierra de negros, y que la -gente que por sus vasallos le diesen habían de ser todos negros; a lo cual -hizo luego en su imaginación un buen remedio, y díjose a sí mismo: -— ¿Qué se me da a mí que mis vasallos sean negros? ¿Habrá más que cargar con -ellos y traerlos a España, donde los podré vender, y adonde me los pagarán -de contado, de cuyo dinero podré comprar algún título o algún oficio con -que vivir descansado todos los días de mi vida? ¡No, sino dormíos, y no -tengáis ingenio ni habilidad para disponer de las cosas y para vender -treinta o diez mil vasallos en dácame esas pajas! Par Dios que los he de -volar, chico con grande, o como pudiere, y que, por negros que sean, los he -de volver blancos o amarillos. ¡Llegaos, que me mamo el dedo! - -Con esto, andaba tan solícito y tan contento que se le olvidaba la -pesadumbre de caminar a pie. - -Todo esto miraban de entre unas breñas Cardenio y el cura, y no sabían qué -hacerse para juntarse con ellos; pero el cura, que era gran tracista, -imaginó luego lo que harían para conseguir lo que deseaban; y fue que con -unas tijeras que traía en un estuche quitó con mucha presteza la barba a -Cardenio, y vistióle un capotillo pardo que él traía y diole un herreruelo -negro, y él se quedó en calzas y en jubón; y quedó tan otro de lo que antes -parecía Cardenio, que él mesmo no se conociera, aunque a un espejo se -mirara. Hecho esto, puesto ya que los otros habían pasado adelante en tanto -que ellos se disfrazaron, con facilidad salieron al camino real antes que -ellos, porque las malezas y malos pasos de aquellos lugares no concedían -que anduviesen tanto los de a caballo como los de a pie. En efeto, ellos se -pusieron en el llano, a la salida de la sierra, y, así como salió della don -Quijote y sus camaradas, el cura se le puso a mirar muy de espacio, dando -señales de que le iba reconociendo; y, al cabo de haberle una buena pieza -estado mirando, se fue a él abiertos los brazos y diciendo a voces: -— Para bien sea hallado el espejo de la caballería, el mi buen compatriote -don Quijote de la Mancha, la flor y la nata de la gentileza, el amparo y -remedio de los menesterosos, la quintaesencia de los caballeros andantes. -Y, diciendo esto, tenía abrazado por la rodilla de la pierna izquierda a -don Quijote; el cual, espantado de lo que veía y oía decir y hacer aquel -hombre, se le puso a mirar con atención, y, al fin, le conoció y quedó como -espantado de verle, y hizo grande fuerza por apearse; mas el cura no lo -consintió, por lo cual don Quijote decía: - -— Déjeme vuestra merced, señor licenciado, que no es razón que yo esté a -caballo, y una tan reverenda persona como vuestra merced esté a pie. -— Eso no consentiré yo en ningún modo —dijo el cura—: estése la vuestra -grandeza a caballo, pues estando a caballo acaba las mayores fazañas y -aventuras que en nuestra edad se han visto; que a mí, aunque indigno -sacerdote, bastaráme subir en las ancas de una destas mulas destos señores -que con vuestra merced caminan, si no lo han por enojo. Y aun haré cuenta -que voy caballero sobre el caballo Pegaso, o sobre la cebra o alfana en que -cabalgaba aquel famoso moro Muzaraque, que aún hasta ahora yace encantado -en la gran cuesta Zulema, que dista poco de la gran Compluto. - -— Aún no caía yo en tanto, mi señor licenciado —respondió don Quijote—; y yo -sé que mi señora la princesa será servida, por mi amor, de mandar a su -escudero dé a vuestra merced la silla de su mula, que él podrá acomodarse -en las ancas, si es que ella las sufre. - -— Sí sufre, a lo que yo creo —respondió la princesa—; y también sé que no -será menester mandárselo al señor mi escudero, que él es tan cortés y tan -cortesano que no consentirá que una persona eclesiástica vaya a pie, -pudiendo ir a caballo. - -— Así es —respondió el barbero. - -Y, apeándose en un punto, convidó al cura con la silla, y él la tomó sin -hacerse mucho de rogar. Y fue el mal que al subir a las ancas el barbero, -la mula, que, en efeto, era de alquiler, que para decir que era mala esto -basta, alzó un poco los cuartos traseros y dio dos coces en el aire, que, a -darlas en el pecho de maese Nicolás, o en la cabeza, él diera al diablo la -venida por don Quijote. Con todo eso, le sobresaltaron de manera que cayó -en el suelo, con tan poco cuidado de las barbas, que se le cayeron en el -suelo; y, como se vio sin ellas, no tuvo otro remedio sino acudir a -cubrirse el rostro con ambas manos y a quejarse que le habían derribado las -muelas. Don Quijote, como vio todo aquel mazo de barbas, sin quijadas y sin -sangre, lejos del rostro del escudero caído, dijo: - -— ¡Vive Dios, que es gran milagro éste! ¡Las barbas le ha derribado y -arrancado del rostro, como si las quitaran aposta! - -El cura, que vio el peligro que corría su invención de ser descubierta, -acudió luego a las barbas y fuese con ellas adonde yacía maese Nicolás, -dando aún voces todavía, y de un golpe, llegándole la cabeza a su pecho, se -las puso, murmurando sobre él unas palabras, que dijo que era cierto -ensalmo apropiado para pegar barbas, como lo verían; y, cuando se las tuvo -puestas, se apartó, y quedó el escudero tan bien barbado y tan sano como de -antes, de que se admiró don Quijote sobremanera, y rogó al cura que cuando -tuviese lugar le enseñase aquel ensalmo; que él entendía que su virtud a -más que pegar barbas se debía de estender, pues estaba claro que de donde -las barbas se quitasen había de quedar la carne llagada y maltrecha, y que, -pues todo lo sanaba, a más que barbas aprovechaba. - -— Así es —dijo el cura, y prometió de enseñársele en la primera ocasión. -Concertáronse que por entonces subiese el cura, y a trechos se fuesen los -tres mudando, hasta que llegasen a la venta, que estaría hasta dos leguas -de allí. Puestos los tres a caballo, es a saber, don Quijote, la princesa y -el cura, y los tres a pie, Cardenio, el barbero y Sancho Panza, don Quijote -dijo a la doncella: - -— Vuestra grandeza, señora mía, guíe por donde más gusto le diere. - -Y, antes que ella respondiese, dijo el licenciado: - -— ¿Hacia qué reino quiere guiar la vuestra señoría? ¿Es, por ventura, hacia -el de Micomicón?; que sí debe de ser, o yo sé poco de reinos. - -Ella, que estaba bien en todo, entendió que había de responder que sí; y -así, dijo: - -— Sí, señor, hacia ese reino es mi camino. - -— Si así es —dijo el cura—, por la mitad de mi pueblo hemos de pasar, y de -allí tomará vuestra merced la derrota de Cartagena, donde se podrá embarcar -con la buena ventura; y si hay viento próspero, mar tranquilo y sin -borrasca, en poco menos de nueve años se podrá estar a vista de la gran -laguna Meona, digo, Meótides, que está poco más de cien jornadas más acá -del reino de vuestra grandeza. - -— Vuestra merced está engañado, señor mío —dijo ella—, porque no ha dos años -que yo partí dél, y en verdad que nunca tuve buen tiempo, y, con todo eso, -he llegado a ver lo que tanto deseaba, que es al señor don Quijote de la -Mancha, cuyas nuevas llegaron a mis oídos así como puse los pies en España, -y ellas me movieron a buscarle, para encomendarme en su cortesía y fiar mi -justicia del valor de su invencible brazo. - -— No más: cesen mis alabanzas —dijo a esta sazón don Quijote—, porque soy -enemigo de todo género de adulación; y, aunque ésta no lo sea, todavía -ofenden mis castas orejas semejantes pláticas. Lo que yo sé decir, señora -mía, que ora tenga valor o no, el que tuviere o no tuviere se ha de emplear -en vuestro servicio hasta perder la vida; y así, dejando esto para su -tiempo, ruego al señor licenciado me diga qué es la causa que le ha traído -por estas partes, tan solo, y tan sin criados, y tan a la ligera, que me -pone espanto. - -— A eso yo responderé con brevedad —respondió el cura—, porque sabrá vuestra -merced, señor don Quijote, que yo y maese Nicolás, nuestro amigo y nuestro -barbero, íbamos a Sevilla a cobrar cierto dinero que un pariente mío que ha -muchos años que pasó a Indias me había enviado, y no tan pocos que no pasan -de sesenta mil pesos ensayados, que es otro que tal; y, pasando ayer por -estos lugares, nos salieron al encuentro cuatro salteadores y nos quitaron -hasta las barbas; y de modo nos las quitaron, que le convino al barbero -ponérselas postizas; y aun a este mancebo que aquí va —señalando a -Cardenio— le pusieron como de nuevo. Y es lo bueno que es pública fama por -todos estos contornos que los que nos saltearon son de unos galeotes que -dicen que libertó, casi en este mesmo sitio, un hombre tan valiente que, a -pesar del comisario y de las guardas, los soltó a todos; y, sin duda -alguna, él debía de estar fuera de juicio, o debe de ser tan grande bellaco -como ellos, o algún hombre sin alma y sin conciencia, pues quiso soltar al -lobo entre las ovejas, a la raposa entre las gallinas, a la mosca entre la -miel; quiso defraudar la justicia, ir contra su rey y señor natural, pues -fue contra sus justos mandamientos. Quiso, digo, quitar a las galeras sus -pies, poner en alboroto a la Santa Hermandad, que había muchos años que -reposaba; quiso, finalmente, hacer un hecho por donde se pierda su alma y -no se gane su cuerpo. - -Habíales contado Sancho al cura y al barbero la aventura de los galeotes, -que acabó su amo con tanta gloria suya, y por esto cargaba la mano el cura -refiriéndola, por ver lo que hacía o decía don Quijote; al cual se le -mudaba la color a cada palabra, y no osaba decir que él había sido el -libertador de aquella buena gente. - -— Éstos, pues —dijo el cura—, fueron los que nos robaron; que Dios, por su -misericordia, se lo perdone al que no los dejó llevar al debido suplicio. - - - - -Capítulo XXX. Que trata del gracioso artificio y orden que se tuvo en sacar -a nuestro enamorado caballero de la asperísima penitencia en que se había -puesto - -No hubo bien acabado el cura, cuando Sancho dijo: - -— Pues mía fe, señor licenciado, el que hizo esa fazaña fue mi amo, y no -porque yo no le dije antes y le avisé que mirase lo que hacía, y que era -pecado darles libertad, porque todos iban allí por grandísimos bellacos. -— ¡Majadero! —dijo a esta sazón don Quijote—, a los caballeros andantes no -les toca ni atañe averiguar si los afligidos, encadenados y opresos que -encuentran por los caminos van de aquella manera, o están en aquella -angustia, por sus culpas o por sus gracias; sólo le toca ayudarles como a -menesterosos, poniendo los ojos en sus penas y no en sus bellaquerías. Yo -topé un rosario y sarta de gente mohína y desdichada, y hice con ellos lo -que mi religión me pide, y lo demás allá se avenga; y a quien mal le ha -parecido, salvo la santa dignidad del señor licenciado y su honrada -persona, digo que sabe poco de achaque de caballería, y que miente como un -hideputa y mal nacido; y esto le haré conocer con mi espada, donde más -largamente se contiene. - -Y esto dijo afirmándose en los estribos y calándose el morrión; porque la -bacía de barbero, que a su cuenta era el yelmo de Mambrino, llevaba colgado -del arzón delantero, hasta adobarla del mal tratamiento que la hicieron los -galeotes. - -Dorotea, que era discreta y de gran donaire, como quien ya sabía el -menguado humor de don Quijote y que todos hacían burla dél, sino Sancho -Panza, no quiso ser para menos, y, viéndole tan enojado, le dijo: -— Señor caballero, miémbresele a la vuestra merced el don que me tiene -prometido, y que, conforme a él, no puede entremeterse en otra aventura, -por urgente que sea; sosiegue vuestra merced el pecho, que si el señor -licenciado supiera que por ese invicto brazo habían sido librados los -galeotes, él se diera tres puntos en la boca, y aun se mordiera tres veces -la lengua, antes que haber dicho palabra que en despecho de vuestra merced -redundara. - -— Eso juro yo bien —dijo el cura—, y aun me hubiera quitado un bigote. -— Yo callaré, señora mía —dijo don Quijote—, y reprimiré la justa cólera que -ya en mi pecho se había levantado, y iré quieto y pacífico hasta tanto que -os cumpla el don prometido; pero, en pago deste buen deseo, os suplico me -digáis, si no se os hace de mal, cuál es la vuestra cuita y cuántas, -quiénes y cuáles son las personas de quien os tengo de dar debida, -satisfecha y entera venganza. - -— Eso haré yo de gana —respondió Dorotea—, si es que no os enfadan oír -lástimas y desgracias. - -— No enfadará, señora mía —respondió don Quijote. - -A lo que respondió Dorotea: - -— Pues así es, esténme vuestras mercedes atentos. - -No hubo ella dicho esto, cuando Cardenio y el barbero se le pusieron al -lado, deseosos de ver cómo fingía su historia la discreta Dorotea; y lo -mismo hizo Sancho, que tan engañado iba con ella como su amo. Y ella, -después de haberse puesto bien en la silla y prevenídose con toser y hacer -otros ademanes, con mucho donaire, comenzó a decir desta manera: -— «Primeramente, quiero que vuestras mercedes sepan, señores míos, que a mí -me llaman...» - -Y detúvose aquí un poco, porque se le olvidó el nombre que el cura le había -puesto; pero él acudió al remedio, porque entendió en lo que reparaba, y -dijo: - -— No es maravilla, señora mía, que la vuestra grandeza se turbe y empache -contando sus desventuras, que ellas suelen ser tales, que muchas veces -quitan la memoria a los que maltratan, de tal manera que aun de sus mesmos -nombres no se les acuerda, como han hecho con vuestra gran señoría, que se -ha olvidado que se llama la princesa Micomicona, legítima heredera del gran -reino Micomicón; y con este apuntamiento puede la vuestra grandeza reducir -ahora fácilmente a su lastimada memoria todo aquello que contar quisiere. -— Así es la verdad —respondió la doncella—, y desde aquí adelante creo que -no será menester apuntarme nada, que yo saldré a buen puerto con mi -verdadera historia. «La cual es que el rey mi padre, que se llama Tinacrio -el Sabidor, fue muy docto en esto que llaman el arte mágica, y alcanzó por -su ciencia que mi madre, que se llamaba la reina Jaramilla, había de morir -primero que él, y que de allí a poco tiempo él también había de pasar desta -vida y yo había de quedar huérfana de padre y madre. Pero decía él que no -le fatigaba tanto esto cuanto le ponía en confusión saber, por cosa muy -cierta, que un descomunal gigante, señor de una grande ínsula, que casi -alinda con nuestro reino, llamado Pandafilando de la Fosca Vista (porque es -cosa averiguada que, aunque tiene los ojos en su lugar y derechos, siempre -mira al revés, como si fuese bizco, y esto lo hace él de maligno y por -poner miedo y espanto a los que mira); digo que supo que este gigante, en -sabiendo mi orfandad, había de pasar con gran poderío sobre mi reino y me -lo había de quitar todo, sin dejarme una pequeña aldea donde me recogiese; -pero que podía escusar toda esta ruina y desgracia si yo me quisiese casar -con él; mas, a lo que él entendía, jamás pensaba que me vendría a mí en -voluntad de hacer tan desigual casamiento; y dijo en esto la pura verdad, -porque jamás me ha pasado por el pensamiento casarme con aquel gigante, -pero ni con otro alguno, por grande y desaforado que fuese. Dijo también mi -padre que, después que él fuese muerto y viese yo que Pandafilando -comenzaba a pasar sobre mi reino, que no aguardase a ponerme en defensa, -porque sería destruirme, sino que libremente le dejase desembarazado el -reino, si quería escusar la muerte y total destruición de mis buenos y -leales vasallos, porque no había de ser posible defenderme de la endiablada -fuerza del gigante; sino que luego, con algunos de los míos, me pusiese en -camino de las Españas, donde hallaría el remedio de mis males hallando a un -caballero andante, cuya fama en este tiempo se estendería por todo este -reino, el cual se había de llamar, si mal no me acuerdo, don Azote o don -Gigote.» - -— Don Quijote diría, señora —dijo a esta sazón Sancho Panza—, o, por otro -nombre, el Caballero de la Triste Figura. - -— Así es la verdad —dijo Dorotea—. «Dijo más: que había de ser alto de -cuerpo, seco de rostro, y que en el lado derecho, debajo del hombro -izquierdo, o por allí junto, había de tener un lunar pardo con ciertos -cabellos a manera de cerdas.» - -En oyendo esto don Quijote, dijo a su escudero: - -— Ten aquí, Sancho, hijo, ayúdame a desnudar, que quiero ver si soy el -caballero que aquel sabio rey dejó profetizado. - -— Pues, ¿para qué quiere vuestra merced desnudarse? —dijo Dorotea. -— Para ver si tengo ese lunar que vuestro padre dijo —respondió don Quijote. -— No hay para qué desnudarse —dijo Sancho—, que yo sé que tiene vuestra -merced un lunar desas señas en la mitad del espinazo, que es señal de ser -hombre fuerte. - -— Eso basta —dijo Dorotea—, porque con los amigos no se ha de mirar en pocas -cosas, y que esté en el hombro o que esté en el espinazo, importa poco; -basta que haya lunar, y esté donde estuviere, pues todo es una mesma carne; -y, sin duda, acertó mi buen padre en todo, y yo he acertado en encomendarme -al señor don Quijote, que él es por quien mi padre dijo, pues las señales -del rostro vienen con las de la buena fama que este caballero tiene no sólo -en España, pero en toda la Mancha, pues apenas me hube desembarcado en -Osuna, cuando oí decir tantas hazañas suyas, que luego me dio el alma que -era el mesmo que venía a buscar. - -— Pues, ¿cómo se desembarcó vuestra merced en Osuna, señora mía —preguntó -don Quijote—, si no es puerto de mar? - -Mas, antes que Dorotea respondiese, tomó el cura la mano y dijo: - -— Debe de querer decir la señora princesa que, después que desembarcó en -Málaga, la primera parte donde oyó nuevas de vuestra merced fue en Osuna. -— Eso quise decir —dijo Dorotea. - -— Y esto lleva camino —dijo el cura—, y prosiga vuestra majestad adelante. -— No hay que proseguir —respondió Dorotea—, sino que, finalmente, mi suerte -ha sido tan buena en hallar al señor don Quijote, que ya me cuento y tengo -por reina y señora de todo mi reino, pues él, por su cortesía y -magnificencia, me ha prometido el don de irse conmigo dondequiera que yo le -llevare, que no será a otra parte que a ponerle delante de Pandafilando de -la Fosca Vista, para que le mate y me restituya lo que tan contra razón me -tiene usurpado: que todo esto ha de suceder a pedir de boca, pues así lo -dejó profetizado Tinacrio el Sabidor, mi buen padre; el cual también dejó -dicho y escrito en letras caldeas, o griegas, que yo no las sé leer, que si -este caballero de la profecía, después de haber degollado al gigante, -quisiese casarse conmigo, que yo me otorgase luego sin réplica alguna por -su legítima esposa, y le diese la posesión de mi reino, junto con la de mi -persona. - -— ¿Qué te parece, Sancho amigo? —dijo a este punto don Quijote—. ¿No oyes lo -que pasa? ¿No te lo dije yo? Mira si tenemos ya reino que mandar y reina -con quien casar. - -— ¡Eso juro yo —dijo Sancho— para el puto que no se casare en abriendo el -gaznatico al señor Pandahilado! Pues, ¡monta que es mala la reina! ¡Así se -me vuelvan las pulgas de la cama! - -Y, diciendo esto, dio dos zapatetas en el aire, con muestras de grandísimo -contento, y luego fue a tomar las riendas de la mula de Dorotea, y, -haciéndola detener, se hincó de rodillas ante ella, suplicándole le diese -las manos para besárselas, en señal que la recibía por su reina y señora. -¿Quién no había de reír de los circustantes, viendo la locura del amo y la -simplicidad del criado? En efecto, Dorotea se las dio, y le prometió de -hacerle gran señor en su reino, cuando el cielo le hiciese tanto bien que -se lo dejase cobrar y gozar. Agradecióselo Sancho con tales palabras que -renovó la risa en todos. - -— Ésta, señores —prosiguió Dorotea—, es mi historia: sólo resta por deciros -que de cuanta gente de acompañamiento saqué de mi reino no me ha quedado -sino sólo este buen barbado escudero, porque todos se anegaron en una gran -borrasca que tuvimos a vista del puerto, y él y yo salimos en dos tablas a -tierra, como por milagro; y así, es todo milagro y misterio el discurso de -mi vida, como lo habréis notado. Y si en alguna cosa he andado demasiada, o -no tan acertada como debiera, echad la culpa a lo que el señor licenciado -dijo al principio de mi cuento: que los trabajos continuos y -extraordinarios quitan la memoria al que los padece. - -— Ésa no me quitarán a mí, ¡oh alta y valerosa señora! —dijo don Quijote—, -cuantos yo pasare en serviros, por grandes y no vistos que sean; y así, de -nuevo confirmo el don que os he prometido, y juro de ir con vos al cabo del -mundo, hasta verme con el fiero enemigo vuestro, a quien pienso, con el -ayuda de Dios y de mi brazo, tajar la cabeza soberbia con los filos -desta... no quiero decir buena espada, merced a Ginés de Pasamonte, que me -llevó la mía. - -Esto dijo entre dientes, y prosiguió diciendo: - -— Y después de habérsela tajado y puéstoos en pacífica posesión de vuestro -estado, quedará a vuestra voluntad hacer de vuestra persona lo que más en -talante os viniere; porque, mientras que yo tuviere ocupada la memoria y -cautiva la voluntad, perdido el entendimiento, a aquella..., y no digo más, -no es posible que yo arrostre, ni por pienso, el casarme, aunque fuese con -el ave fénix. - -Parecióle tan mal a Sancho lo que últimamente su amo dijo acerca de no -querer casarse, que, con grande enojo, alzando la voz, dijo: - -— Voto a mí, y juro a mí, que no tiene vuestra merced, señor don Quijote, -cabal juicio. Pues, ¿cómo es posible que pone vuestra merced en duda el -casarse con tan alta princesa como aquésta? ¿Piensa que le ha de ofrecer la -fortuna, tras cada cantillo, semejante ventura como la que ahora se le -ofrece? ¿Es, por dicha, más hermosa mi señora Dulcinea? No, por cierto, ni -aun con la mitad, y aun estoy por decir que no llega a su zapato de la que -está delante. Así, noramala alcanzaré yo el condado que espero, si vuestra -merced se anda a pedir cotufas en el golfo. Cásese, cásese luego, -encomiéndole yo a Satanás, y tome ese reino que se le viene a las manos de -vobis, vobis, y, en siendo rey, hágame marqués o adelantado, y luego, -siquiera se lo lleve el diablo todo. - -Don Quijote, que tales blasfemias oyó decir contra su señora Dulcinea, no -lo pudo sufrir, y, alzando el lanzón, sin hablalle palabra a Sancho y sin -decirle esta boca es mía, le dio tales dos palos que dio con él en tierra; -y si no fuera porque Dorotea le dio voces que no le diera más, sin duda le -quitara allí la vida. - -— ¿Pensáis —le dijo a cabo de rato—, villano ruin, que ha de haber lugar -siempre para ponerme la mano en la horcajadura, y que todo ha de ser errar -vos y perdonaros yo? Pues no lo penséis, bellaco descomulgado, que sin duda -lo estás, pues has puesto lengua en la sin par Dulcinea. ¿Y no sabéis vos, -gañán, faquín, belitre, que si no fuese por el valor que ella infunde en mi -brazo, que no le tendría yo para matar una pulga? Decid, socarrón de lengua -viperina, ¿y quién pensáis que ha ganado este reino y cortado la cabeza a -este gigante, y héchoos a vos marqués, que todo esto doy ya por hecho y por -cosa pasada en cosa juzgada, si no es el valor de Dulcinea, tomando a mi -brazo por instrumento de sus hazañas? Ella pelea en mí, y vence en mí, y yo -vivo y respiro en ella, y tengo vida y ser. ¡Oh hideputa bellaco, y cómo -sois desagradecido: que os veis levantado del polvo de la tierra a ser -señor de título, y correspondéis a tan buena obra con decir mal de quien os -la hizo! - -No estaba tan maltrecho Sancho que no oyese todo cuanto su amo le decía, y, -levantándose con un poco de presteza, se fue a poner detrás del palafrén de -Dorotea, y desde allí dijo a su amo: - -— Dígame, señor: si vuestra merced tiene determinado de no casarse con esta -gran princesa, claro está que no será el reino suyo; y, no siéndolo, ¿qué -mercedes me puede hacer? Esto es de lo que yo me quejo; cásese vuestra -merced una por una con esta reina, ahora que la tenemos aquí como llovida -del cielo, y después puede volverse con mi señora Dulcinea; que reyes debe -de haber habido en el mundo que hayan sido amancebados. En lo de la -hermosura no me entremeto; que, en verdad, si va a decirla, que entrambas -me parecen bien, puesto que yo nunca he visto a la señora Dulcinea. -— ¿Cómo que no la has visto, traidor blasfemo? —dijo don Quijote—. Pues, ¿no -acabas de traerme ahora un recado de su parte? - -— Digo que no la he visto tan despacio —dijo Sancho— que pueda haber notado -particularmente su hermosura y sus buenas partes punto por punto; pero así, -a bulto, me parece bien. - -— Ahora te disculpo —dijo don Quijote—, y perdóname el enojo que te he dado, -que los primeros movimientos no son en manos de los hombres. - -— Ya yo lo veo —respondió Sancho—; y así, en mí la gana de hablar siempre es -primero movimiento, y no puedo dejar de decir, por una vez siquiera, lo que -me viene a la lengua. - -— Con todo eso —dijo don Quijote—, mira, Sancho, lo que hablas, porque -tantas veces va el cantarillo a la fuente..., y no te digo más. - -— Ahora bien —respondió Sancho—, Dios está en el cielo, que ve las trampas, -y será juez de quién hace más mal: yo en no hablar bien, o vuestra merced -en obrallo. - -— No haya más —dijo Dorotea—: corred, Sancho, y besad la mano a vuestro -señor, y pedilde perdón, y de aquí adelante andad más atentado en vuestras -alabanzas y vituperios, y no digáis mal de aquesa señora Tobosa, a quien yo -no conozco si no es para servilla, y tened confianza en Dios, que no os ha -de faltar un estado donde viváis como un príncipe. - -Fue Sancho cabizbajo y pidió la mano a su señor, y él se la dio con -reposado continente; y, después que se la hubo besado, le echó la -bendición, y dijo a Sancho que se adelantasen un poco, que tenía que -preguntalle y que departir con él cosas de mucha importancia. Hízolo así -Sancho y apartáronse los dos algo adelante, y díjole don Quijote: -— Después que veniste, no he tenido lugar ni espacio para preguntarte muchas -cosas de particularidad acerca de la embajada que llevaste y de la -respuesta que trujiste; y ahora, pues la fortuna nos ha concedido tiempo y -lugar, no me niegues tú la ventura que puedes darme con tan buenas nuevas. -— Pregunte vuestra merced lo que quisiere —respondió Sancho—, que a todo -daré tan buena salida como tuve la entrada. Pero suplico a vuestra merced, -señor mío, que no sea de aquí adelante tan vengativo. - -— ¿Por qué lo dices, Sancho? —dijo don Quijote. - -— Dígolo —respondió— porque estos palos de agora más fueron por la pendencia -que entre los dos trabó el diablo la otra noche, que por lo que dije contra -mi señora Dulcinea, a quien amo y reverencio como a una reliquia, aunque en -ella no lo haya, sólo por ser cosa de vuestra merced. - -— No tornes a esas pláticas, Sancho, por tu vida —dijo don Quijote—, que me -dan pesadumbre; ya te perdoné entonces, y bien sabes tú que suele decirse: -a pecado nuevo, penitencia nueva. - -En tanto que los dos iban en estas pláticas, dijo el cura a Dorotea que -había andado muy discreta, así en el cuento como en la brevedad dél, y en -la similitud que tuvo con los de los libros de caballerías. Ella dijo que -muchos ratos se había entretenido en leellos, pero que no sabía ella dónde -eran las provincias ni puertos de mar, y que así había dicho a tiento que -se había desembarcado en Osuna. - -— Yo lo entendí así —dijo el cura—, y por eso acudí luego a decir lo que -dije, con que se acomodó todo. Pero, ¿no es cosa estraña ver con cuánta -facilidad cree este desventurado hidalgo todas estas invenciones y -mentiras, sólo porque llevan el estilo y modo de las necedades de sus -libros? - -— Sí es —dijo Cardenio—, y tan rara y nunca vista, que yo no sé si queriendo -inventarla y fabricarla mentirosamente, hubiera tan agudo ingenio que -pudiera dar en ella. - -— Pues otra cosa hay en ello —dijo el cura—: que fuera de las simplicidades -que este buen hidalgo dice tocantes a su locura, si le tratan de otras -cosas, discurre con bonísimas razones y muestra tener un entendimiento -claro y apacible en todo. De manera que, como no le toquen en sus -caballerías, no habrá nadie que le juzgue sino por de muy buen -entendimiento. - -En tanto que ellos iban en esta conversación, prosiguió don Quijote con la -suya y dijo a Sancho: - -— Echemos, Panza amigo, pelillos a la mar en esto de nuestras pendencias, y -dime ahora, sin tener cuenta con enojo ni rencor alguno: ¿Dónde, cómo y -cuándo hallaste a Dulcinea? ¿Qué hacía? ¿Qué le dijiste? ¿Qué te respondió? -¿Qué rostro hizo cuando leía mi carta? ¿Quién te la trasladó? Y todo -aquello que vieres que en este caso es digno de saberse, de preguntarse y -satisfacerse, sin que añadas o mientas por darme gusto, ni menos te acortes -por no quitármele. - -— Señor —respondió Sancho—, si va a decir la verdad, la carta no me la -trasladó nadie, porque yo no llevé carta alguna. - -— Así es como tú dices —dijo don Quijote—, porque el librillo de memoria -donde yo la escribí le hallé en mi poder a cabo de dos días de tu partida, -lo cual me causó grandísima pena, por no saber lo que habías tú de hacer -cuando te vieses sin carta, y creí siempre que te volvieras desde el lugar -donde la echaras menos. - -— Así fuera —respondió Sancho—, si no la hubiera yo tomado en la memoria -cuando vuestra merced me la leyó, de manera que se la dije a un sacristán, -que me la trasladó del entendimiento, tan punto por punto, que dijo que en -todos los días de su vida, aunque había leído muchas cartas de descomunión, -no había visto ni leído tan linda carta como aquélla. - -— Y ¿tiénesla todavía en la memoria, Sancho? —dijo don Quijote. - -— No, señor —respondió Sancho—, porque después que la di, como vi que no -había de ser de más provecho, di en olvidalla. Y si algo se me acuerda, es -aquello del sobajada, digo, del soberana señora, y lo último: Vuestro hasta -la muerte, el Caballero de la Triste Figura. Y, en medio destas dos cosas, -le puse más de trecientas almas, y vidas, y ojos míos. - - - - -Capítulo XXXI. De los sabrosos razonamientos que pasaron entre don Quijote -y Sancho Panza, su escudero, con otros sucesos - -— Todo eso no me descontenta; prosigue adelante —dijo don Quijote—. -Llegaste, ¿y qué hacía aquella reina de la hermosura? A buen seguro que la -hallaste ensartando perlas, o bordando alguna empresa con oro de cañutillo -para este su cautivo caballero. - -— No la hallé —respondió Sancho— sino ahechando dos hanegas de trigo en un -corral de su casa. - -— Pues haz cuenta —dijo don Quijote— que los granos de aquel trigo eran -granos de perlas, tocados de sus manos. Y si miraste, amigo, el trigo ¿era -candeal, o trechel? - -— No era sino rubión —respondió Sancho. - -— Pues yo te aseguro —dijo don Quijote— que, ahechado por sus manos, hizo -pan candeal, sin duda alguna. Pero pasa adelante: cuando le diste mi carta, -¿besóla? ¿Púsosela sobre la cabeza? ¿Hizo alguna ceremonia digna de tal -carta, o qué hizo? - -— Cuando yo se la iba a dar —respondió Sancho—, ella estaba en la fuga del -meneo de una buena parte de trigo que tenía en la criba, y díjome: ''Poned, -amigo, esa carta sobre aquel costal, que no la puedo leer hasta que acabe -de acribar todo lo que aquí está''. - -— ¡Discreta señora! —dijo don Quijote—. Eso debió de ser por leerla despacio -y recrearse con ella. Adelante, Sancho: y, en tanto que estaba en su -menester, ¿qué coloquios pasó contigo? ¿Qué te preguntó de mí? Y tú, ¿qué -le respondiste? Acaba, cuéntamelo todo; no se te quede en el tintero una -mínima. - -— Ella no me preguntó nada —dijo Sancho—, mas yo le dije de la manera que -vuestra merced, por su servicio, quedaba haciendo penitencia, desnudo de la -cintura arriba, metido entre estas sierras como si fuera salvaje, durmiendo -en el suelo, sin comer pan a manteles ni sin peinarse la barba, llorando y -maldiciendo su fortuna. - -— En decir que maldecía mi fortuna dijiste mal —dijo don Quijote—, porque -antes la bendigo y bendeciré todos los días de mi vida, por haberme hecho -digno de merecer amar tan alta señora como Dulcinea del Toboso. - -— Tan alta es —respondió Sancho—, que a buena fe que me lleva a mí más de un -coto. - -— Pues, ¿cómo, Sancho? —dijo don Quijote—. ¿Haste medido tú con ella? -— Medíme en esta manera —respondió Sancho—: que, llegándole a ayudar a poner -un costal de trigo sobre un jumento, llegamos tan juntos que eché de ver -que me llevaba más de un gran palmo. - -— Pues ¡es verdad —replicó don Quijote— que no acompaña esa grandeza y la -adorna con mil millones y gracias del alma! Pero no me negarás, Sancho, una -cosa: cuando llegaste junto a ella, ¿no sentiste un olor sabeo, una -fragancia aromática, y un no sé qué de bueno, que yo no acierto a dalle -nombre? Digo, ¿un tuho o tufo como si estuvieras en la tienda de algún -curioso guantero? - -— Lo que sé decir —dijo Sancho— es que sentí un olorcillo algo hombruno; y -debía de ser que ella, con el mucho ejercicio, estaba sudada y algo -correosa. - -— No sería eso —respondió don Quijote—, sino que tú debías de estar -romadizado, o te debiste de oler a ti mismo; porque yo sé bien a lo que -huele aquella rosa entre espinas, aquel lirio del campo, aquel ámbar -desleído. - -— Todo puede ser —respondió Sancho—, que muchas veces sale de mí aquel olor -que entonces me pareció que salía de su merced de la señora Dulcinea; pero -no hay de qué maravillarse, que un diablo parece a otro. - -— Y bien —prosiguió don Quijote—, he aquí que acabó de limpiar su trigo y de -enviallo al molino. ¿Qué hizo cuando leyó la carta? - -— La carta —dijo Sancho— no la leyó, porque dijo que no sabía leer ni -escribir; antes, la rasgó y la hizo menudas piezas, diciendo que no la -quería dar a leer a nadie, porque no se supiesen en el lugar sus secretos, -y que bastaba lo que yo le había dicho de palabra acerca del amor que -vuestra merced le tenía y de la penitencia extraordinaria que por su causa -quedaba haciendo. Y, finalmente, me dijo que dijese a vuestra merced que le -besaba las manos, y que allí quedaba con más deseo de verle que de -escribirle; y que, así, le suplicaba y mandaba que, vista la presente, -saliese de aquellos matorrales y se dejase de hacer disparates, y se -pusiese luego luego en camino del Toboso, si otra cosa de más importancia -no le sucediese, porque tenía gran deseo de ver a vuestra merced. Rióse -mucho cuando le dije como se llamaba vuestra merced el Caballero de la -Triste Figura. Preguntéle si había ido allá el vizcaíno de marras; díjome -que sí, y que era un hombre muy de bien. También le pregunté por los -galeotes, mas díjome que no había visto hasta entonces alguno. - -— Todo va bien hasta agora —dijo don Quijote—. Pero dime: ¿qué joya fue la -que te dio, al despedirte, por las nuevas que de mí le llevaste? Porque es -usada y antigua costumbre entre los caballeros y damas andantes dar a los -escuderos, doncellas o enanos que les llevan nuevas, de sus damas a ellos, -a ellas de sus andantes, alguna rica joya en albricias, en agradecimiento -de su recado. - -— Bien puede eso ser así, y yo la tengo por buena usanza; pero eso debió de -ser en los tiempos pasados, que ahora sólo se debe de acostumbrar a dar un -pedazo de pan y queso, que esto fue lo que me dio mi señora Dulcinea, por -las bardas de un corral, cuando della me despedí; y aun, por más señas, era -el queso ovejuno. - -— Es liberal en estremo —dijo don Quijote—, y si no te dio joya de oro, sin -duda debió de ser porque no la tendría allí a la mano para dártela; pero -buenas son mangas después de Pascua: yo la veré, y se satisfará todo. -¿Sabes de qué estoy maravillado, Sancho? De que me parece que fuiste y -veniste por los aires, pues poco más de tres días has tardado en ir y venir -desde aquí al Toboso, habiendo de aquí allá más de treinta leguas; por lo -cual me doy a entender que aquel sabio nigromante que tiene cuenta con mis -cosas y es mi amigo (porque por fuerza le hay, y le ha de haber, so pena -que yo no sería buen caballero andante); digo que este tal te debió de -ayudar a caminar, sin que tú lo sintieses; que hay sabio déstos que coge a -un caballero andante durmiendo en su cama, y, sin saber cómo o en qué -manera, amanece otro día más de mil leguas de donde anocheció. Y si no -fuese por esto, no se podrían socorrer en sus peligros los caballeros -andantes unos a otros, como se socorren a cada paso. Que acaece estar uno -peleando en las sierras de Armenia con algún endriago, o con algún fiero -vestiglo, o con otro caballero, donde lleva lo peor de la batalla y está ya -a punto de muerte, y cuando no os me cato, asoma por acullá, encima de una -nube, o sobre un carro de fuego, otro caballero amigo suyo, que poco antes -se hallaba en Ingalaterra, que le favorece y libra de la muerte, y a la -noche se halla en su posada, cenando muy a su sabor; y suele haber de la -una a la otra parte dos o tres mil leguas. Y todo esto se hace por -industria y sabiduría destos sabios encantadores que tienen cuidado destos -valerosos caballeros. Así que, amigo Sancho, no se me hace dificultoso -creer que en tan breve tiempo hayas ido y venido desde este lugar al del -Toboso, pues, como tengo dicho, algún sabio amigo te debió de llevar en -volandillas, sin que tú lo sintieses. - -— Así sería —dijo Sancho—; porque a buena fe que andaba Rocinante como si -fuera asno de gitano con azogue en los oídos. - -— Y ¡cómo si llevaba azogue! —dijo don Quijote—, y aun una legión de -demonios, que es gente que camina y hace caminar, sin cansarse, todo -aquello que se les antoja. Pero, dejando esto aparte, ¿qué te parece a ti -que debo yo de hacer ahora cerca de lo que mi señora me manda que la vaya a -ver?; que, aunque yo veo que estoy obligado a cumplir su mandamiento, véome -también imposibilitado del don que he prometido a la princesa que con -nosotros viene, y fuérzame la ley de caballería a cumplir mi palabra antes -que mi gusto. Por una parte, me acosa y fatiga el deseo de ver a mi señora; -por otra, me incita y llama la prometida fe y la gloria que he de alcanzar -en esta empresa. Pero lo que pienso hacer será caminar apriesa y llegar -presto donde está este gigante, y, en llegando, le cortaré la cabeza, y -pondré a la princesa pacíficamente en su estado, y al punto daré la vuelta -a ver a la luz que mis sentidos alumbra, a la cual daré tales disculpas que -ella venga a tener por buena mi tardanza, pues verá que todo redunda en -aumento de su gloria y fama, pues cuanta yo he alcanzado, alcanzo y -alcanzare por las armas en esta vida, toda me viene del favor que ella me -da y de ser yo suyo. - -— ¡Ay —dijo Sancho—, y cómo está vuestra merced lastimado de esos cascos! -Pues dígame, señor: ¿piensa vuestra merced caminar este camino en balde, y -dejar pasar y perder un tan rico y tan principal casamiento como éste, -donde le dan en dote un reino, que a buena verdad que he oído decir que -tiene más de veinte mil leguas de contorno, y que es abundantísimo de todas -las cosas que son necesarias para el sustento de la vida humana, y que es -mayor que Portugal y que Castilla juntos? Calle, por amor de Dios, y tenga -vergüenza de lo que ha dicho, y tome mi consejo, y perdóneme, y cásese -luego en el primer lugar que haya cura; y si no, ahí está nuestro -licenciado, que lo hará de perlas. Y advierta que ya tengo edad para dar -consejos, y que este que le doy le viene de molde, y que más vale pájaro en -mano que buitre volando, porque quien bien tiene y mal escoge, por bien que -se enoja no se venga. - -— Mira, Sancho —respondió don Quijote—: si el consejo que me das de que me -case es porque sea luego rey, en matando al gigante, y tenga cómodo para -hacerte mercedes y darte lo prometido, hágote saber que sin casarme podré -cumplir tu deseo muy fácilmente, porque yo sacaré de adahala, antes de -entrar en la batalla, que, saliendo vencedor della, ya que no me case, me -han de dar una parte del reino, para que la pueda dar a quien yo quisiere; -y, en dándomela, ¿a quién quieres tú que la dé sino a ti? - -— Eso está claro —respondió Sancho—, pero mire vuestra merced que la escoja -hacia la marina, porque, si no me contentare la vivienda, pueda embarcar -mis negros vasallos y hacer dellos lo que ya he dicho. Y vuestra merced no -se cure de ir por agora a ver a mi señora Dulcinea, sino váyase a matar al -gigante, y concluyamos este negocio; que por Dios que se me asienta que ha -de ser de mucha honra y de mucho provecho. - -— Dígote, Sancho —dijo don Quijote—, que estás en lo cierto, y que habré de -tomar tu consejo en cuanto el ir antes con la princesa que a ver a -Dulcinea. Y avísote que no digas nada a nadie, ni a los que con nosotros -vienen, de lo que aquí hemos departido y tratado; que, pues Dulcinea es tan -recatada que no quiere que se sepan sus pensamientos, no será bien que yo, -ni otro por mí, los descubra. - -— Pues si eso es así —dijo Sancho—, ¿cómo hace vuestra merced que todos los -que vence por su brazo se vayan a presentar ante mi señora Dulcinea, siendo -esto firma de su nombre que la quiere bien y que es su enamorado? Y, siendo -forzoso que los que fueren se han de ir a hincar de finojos ante su -presencia, y decir que van de parte de vuestra merced a dalle la -obediencia, ¿cómo se pueden encubrir los pensamientos de entrambos? -— ¡Oh, qué necio y qué simple que eres! —dijo don Quijote—. ¿Tú no ves, -Sancho, que eso todo redunda en su mayor ensalzamiento? Porque has de saber -que en este nuestro estilo de caballería es gran honra tener una dama -muchos caballeros andantes que la sirvan, sin que se estiendan más sus -pensamientos que a servilla, por sólo ser ella quien es, sin esperar otro -premio de sus muchos y buenos deseos, sino que ella se contente de -acetarlos por sus caballeros. - -— Con esa manera de amor —dijo Sancho— he oído yo predicar que se ha de amar -a Nuestro Señor, por sí solo, sin que nos mueva esperanza de gloria o temor -de pena. Aunque yo le querría amar y servir por lo que pudiese. -— ¡Válate el diablo por villano —dijo don Quijote—, y qué de discreciones -dices a las veces! No parece sino que has estudiado. - -— Pues a fe mía que no sé leer —respondió Sancho. - -En esto, les dio voces maese Nicolás que esperasen un poco, que querían -detenerse a beber en una fontecilla que allí estaba. Detúvose don Quijote, -con no poco gusto de Sancho, que ya estaba cansado de mentir tanto y temía -no le cogiese su amo a palabras; porque, puesto que él sabía que Dulcinea -era una labradora del Toboso, no la había visto en toda su vida. -Habíase en este tiempo vestido Cardenio los vestidos que Dorotea traía -cuando la hallaron, que, aunque no eran muy buenos, hacían mucha ventaja a -los que dejaba. Apeáronse junto a la fuente, y con lo que el cura se -acomodó en la venta satisficieron, aunque poco, la mucha hambre que todos -traían. - -Estando en esto, acertó a pasar por allí un muchacho que iba de camino, el -cual, poniéndose a mirar con mucha atención a los que en la fuente estaban, -de allí a poco arremetió a don Quijote, y, abrazándole por las piernas, -comenzó a llorar muy de propósito, diciendo: - -— ¡Ay, señor mío! ¿No me conoce vuestra merced? Pues míreme bien, que yo soy -aquel mozo Andrés que quitó vuestra merced de la encina donde estaba atado. -Reconocióle don Quijote, y, asiéndole por la mano, se volvió a los que allí -estaban y dijo: - -— Porque vean vuestras mercedes cuán de importancia es haber caballeros -andantes en el mundo, que desfagan los tuertos y agravios que en él se -hacen por los insolentes y malos hombres que en él viven, sepan vuestras -mercedes que los días pasados, pasando yo por un bosque, oí unos gritos y -unas voces muy lastimosas, como de persona afligida y menesterosa; acudí -luego, llevado de mi obligación, hacia la parte donde me pareció que las -lamentables voces sonaban, y hallé atado a una encina a este muchacho que -ahora está delante (de lo que me huelgo en el alma, porque será testigo que -no me dejará mentir en nada); digo que estaba atado a la encina, desnudo -del medio cuerpo arriba, y estábale abriendo a azotes con las riendas de -una yegua un villano, que después supe que era amo suyo; y, así como yo le -vi, le pregunté la causa de tan atroz vapulamiento; respondió el zafio que -le azotaba porque era su criado, y que ciertos descuidos que tenía nacían -más de ladrón que de simple; a lo cual este niño dijo: ''Señor, no me azota -sino porque le pido mi salario''. El amo replicó no sé qué arengas y -disculpas, las cuales, aunque de mí fueron oídas, no fueron admitidas. En -resolución, yo le hice desatar, y tomé juramento al villano de que le -llevaría consigo y le pagaría un real sobre otro, y aun sahumados. ¿No es -verdad todo esto, hijo Andrés? ¿No notaste con cuánto imperio se lo mandé, -y con cuánta humildad prometió de hacer todo cuanto yo le impuse, y -notifiqué y quise? Responde; no te turbes ni dudes en nada: di lo que pasó -a estos señores, porque se vea y considere ser del provecho que digo haber -caballeros andantes por los caminos. - -— Todo lo que vuestra merced ha dicho es mucha verdad —respondió el -muchacho—, pero el fin del negocio sucedió muy al revés de lo que vuestra -merced se imagina. - -— ¿Cómo al revés? —replicó don Quijote—; luego, ¿no te pagó el villano? -— No sólo no me pagó —respondió el muchacho—, pero, así como vuestra merced -traspuso del bosque y quedamos solos, me volvió a atar a la mesma encina, y -me dio de nuevo tantos azotes que quedé hecho un San Bartolomé desollado; -y, a cada azote que me daba, me decía un donaire y chufeta acerca de hacer -burla de vuestra merced, que, a no sentir yo tanto dolor, me riera de lo -que decía. En efeto: él me paró tal, que hasta ahora he estado curándome en -un hospital del mal que el mal villano entonces me hizo. De todo lo cual -tiene vuestra merced la culpa, porque si se fuera su camino adelante y no -viniera donde no le llamaban, ni se entremetiera en negocios ajenos, mi amo -se contentara con darme una o dos docenas de azotes, y luego me soltara y -pagara cuanto me debía. Mas, como vuestra merced le deshonró tan sin -propósito y le dijo tantas villanías, encendiósele la cólera, y, como no la -pudo vengar en vuestra merced, cuando se vio solo descargó sobre mí el -nublado, de modo que me parece que no seré más hombre en toda mi vida. -— El daño estuvo —dijo don Quijote— en irme yo de allí; que no me había de -ir hasta dejarte pagado, porque bien debía yo de saber, por luengas -experiencias, que no hay villano que guarde palabra que tiene, si él vee -que no le está bien guardalla. Pero ya te acuerdas, Andrés, que yo juré que -si no te pagaba, que había de ir a buscarle, y que le había de hallar, -aunque se escondiese en el vientre de la ballena. - -— Así es la verdad —dijo Andrés—, pero no aprovechó nada. - -— Ahora verás si aprovecha —dijo don Quijote. - -Y, diciendo esto, se levantó muy apriesa y mandó a Sancho que enfrenase a -Rocinante, que estaba paciendo en tanto que ellos comían. - -Preguntóle Dorotea qué era lo que hacer quería. Él le respondió que quería -ir a buscar al villano y castigalle de tan mal término, y hacer pagado a -Andrés hasta el último maravedí, a despecho y pesar de cuantos villanos -hubiese en el mundo. A lo que ella respondió que advirtiese que no podía, -conforme al don prometido, entremeterse en ninguna empresa hasta acabar la -suya; y que, pues esto sabía él mejor que otro alguno, que sosegase el -pecho hasta la vuelta de su reino. - -— Así es verdad —respondió don Quijote—, y es forzoso que Andrés tenga -paciencia hasta la vuelta, como vos, señora, decís; que yo le torno a jurar -y a prometer de nuevo de no parar hasta hacerle vengado y pagado. - -— No me creo desos juramentos —dijo Andrés—; más quisiera tener agora con -qué llegar a Sevilla que todas las venganzas del mundo: déme, si tiene ahí, -algo que coma y lleve, y quédese con Dios su merced y todos los caballeros -andantes; que tan bien andantes sean ellos para consigo como lo han sido -para conmigo. - -Sacó de su repuesto Sancho un pedazo de pan y otro de queso, y, dándoselo -al mozo, le dijo: - -— Tomá, hermano Andrés, que a todos nos alcanza parte de vuestra desgracia. -— Pues, ¿qué parte os alcanza a vos? —preguntó Andrés. - -— Esta parte de queso y pan que os doy —respondió Sancho—, que Dios sabe si -me ha de hacer falta o no; porque os hago saber, amigo, que los escuderos -de los caballeros andantes estamos sujetos a mucha hambre y a mala ventura, -y aun a otras cosas que se sienten mejor que se dicen. - -Andrés asió de su pan y queso, y, viendo que nadie le daba otra cosa, abajó -su cabeza y tomó el camino en las manos, como suele decirse. Bien es verdad -que, al partirse, dijo a don Quijote: - -— Por amor de Dios, señor caballero andante, que si otra vez me encontrare, -aunque vea que me hacen pedazos, no me socorra ni ayude, sino déjeme con mi -desgracia; que no será tanta, que no sea mayor la que me vendrá de su ayuda -de vuestra merced, a quien Dios maldiga, y a todos cuantos caballeros -andantes han nacido en el mundo. - -Íbase a levantar don Quijote para castigalle, mas él se puso a correr de -modo que ninguno se atrevió a seguille. Quedó corridísimo don Quijote del -cuento de Andrés, y fue menester que los demás tuviesen mucha cuenta con no -reírse, por no acaballe de correr del todo. - - - - -Capítulo XXXII. Que trata de lo que sucedió en la venta a toda la cuadrilla -de don Quijote - -Acabóse la buena comida, ensillaron luego, y, sin que les sucediese cosa -digna de contar, llegaron otro día a la venta, espanto y asombro de Sancho -Panza; y, aunque él quisiera no entrar en ella, no lo pudo huir. La -ventera, ventero, su hija y Maritornes, que vieron venir a don Quijote y a -Sancho, les salieron a recebir con muestras de mucha alegría, y él las -recibió con grave continente y aplauso, y díjoles que le aderezasen otro -mejor lecho que la vez pasada; a lo cual le respondió la huéspeda que como -la pagase mejor que la otra vez, que ella se la daría de príncipes. Don -Quijote dijo que sí haría, y así, le aderezaron uno razonable en el mismo -caramanchón de marras, y él se acostó luego, porque venía muy quebrantado y -falto de juicio. - -No se hubo bien encerrado, cuando la huéspeda arremetió al barbero, y, -asiéndole de la barba, dijo: - -— Para mi santiguada, que no se ha aún de aprovechar más de mi rabo para su -barba, y que me ha de volver mi cola; que anda lo de mi marido por esos -suelos, que es vergüenza; digo, el peine, que solía yo colgar de mi buena -cola. - -No se la quería dar el barbero, aunque ella más tiraba, hasta que el -licenciado le dijo que se la diese, que ya no era menester más usar de -aquella industria, sino que se descubriese y mostrase en su misma forma, y -dijese a don Quijote que cuando le despojaron los ladrones galeotes se -habían venido a aquella venta huyendo; y que si preguntase por el escudero -de la princesa, le dirían que ella le había enviado adelante a dar aviso a -los de su reino como ella iba y llevaba consigo el libertador de todos. Con -esto, dio de buena gana la cola a la ventera el barbero, y asimismo le -volvieron todos los adherentes que había prestado para la libertad de don -Quijote. Espantáronse todos los de la venta de la hermosura de Dorotea, y -aun del buen talle del zagal Cardenio. Hizo el cura que les aderezasen de -comer de lo que en la venta hubiese, y el huésped, con esperanza de mejor -paga, con diligencia les aderezó una razonable comida; y a todo esto dormía -don Quijote, y fueron de parecer de no despertalle, porque más provecho le -haría por entonces el dormir que el comer. - -Trataron sobre comida, estando delante el ventero, su mujer, su hija, -Maritornes, todos los pasajeros, de la estraña locura de don Quijote y del -modo que le habían hallado. La huéspeda les contó lo que con él y con el -arriero les había acontecido, y, mirando si acaso estaba allí Sancho, como -no le viese, contó todo lo de su manteamiento, de que no poco gusto -recibieron. Y, como el cura dijese que los libros de caballerías que don -Quijote había leído le habían vuelto el juicio, dijo el ventero: - -— No sé yo cómo puede ser eso; que en verdad que, a lo que yo entiendo, no -hay mejor letrado en el mundo, y que tengo ahí dos o tres dellos, con otros -papeles, que verdaderamente me han dado la vida, no sólo a mí, sino a otros -muchos. Porque, cuando es tiempo de la siega, se recogen aquí, las fiestas, -muchos segadores, y siempre hay algunos que saben leer, el cual coge uno -destos libros en las manos, y rodeámonos dél más de treinta, y estámosle -escuchando con tanto gusto que nos quita mil canas; a lo menos, de mí sé -decir que cuando oyo decir aquellos furibundos y terribles golpes que los -caballeros pegan, que me toma gana de hacer otro tanto, y que querría estar -oyéndolos noches y días. - -— Y yo ni más ni menos —dijo la ventera—, porque nunca tengo buen rato en mi -casa sino aquel que vos estáis escuchando leer: que estáis tan embobado, -que no os acordáis de reñir por entonces. - -— Así es la verdad —dijo Maritornes—, y a buena fe que yo también gusto -mucho de oír aquellas cosas, que son muy lindas; y más, cuando cuentan que -se está la otra señora debajo de unos naranjos abrazada con su caballero, y -que les está una dueña haciéndoles la guarda, muerta de envidia y con mucho -sobresalto. Digo que todo esto es cosa de mieles. - -— Y a vos ¿qué os parece, señora doncella? —dijo el cura, hablando con la -hija del ventero. - -— No sé, señor, en mi ánima —respondió ella—; también yo lo escucho, y en -verdad que, aunque no lo entiendo, que recibo gusto en oíllo; pero no gusto -yo de los golpes de que mi padre gusta, sino de las lamentaciones que los -caballeros hacen cuando están ausentes de sus señoras: que en verdad que -algunas veces me hacen llorar de compasión que les tengo. - -— Luego, ¿bien las remediárades vos, señora doncella —dijo Dorotea—, si por -vos lloraran? - -— No sé lo que me hiciera —respondió la moza—; sólo sé que hay algunas -señoras de aquéllas tan crueles, que las llaman sus caballeros tigres y -leones y otras mil inmundicias. Y, ¡Jesús!, yo no sé qué gente es aquélla -tan desalmada y tan sin conciencia, que por no mirar a un hombre honrado, -le dejan que se muera, o que se vuelva loco. Yo no sé para qué es tanto -melindre: si lo hacen de honradas, cásense con ellos, que ellos no desean -otra cosa. - -— Calla, niña —dijo la ventera—, que parece que sabes mucho destas cosas, y -no está bien a las doncellas saber ni hablar tanto. - -— Como me lo pregunta este señor —respondió ella—, no pude dejar de -respondelle. - -— Ahora bien —dijo el cura—, traedme, señor huésped, aquesos libros, que los -quiero ver. - -— Que me place —respondió él. - -Y, entrando en su aposento, sacó dél una maletilla vieja, cerrada con una -cadenilla, y, abriéndola, halló en ella tres libros grandes y unos papeles -de muy buena letra, escritos de mano. El primer libro que abrió vio que era -Don Cirongilio de Tracia; y el otro, de Felixmarte de Hircania; y el otro, -la Historia del Gran Capitán Gonzalo Hernández de Córdoba, con la vida de -Diego García de Paredes. Así como el cura leyó los dos títulos primeros, -volvió el rostro al barbero y dijo: - -— Falta nos hacen aquí ahora el ama de mi amigo y su sobrina. - -— No hacen —respondió el barbero—, que también sé yo llevallos al corral o a -la chimenea; que en verdad que hay muy buen fuego en ella. - -— Luego, ¿quiere vuestra merced quemar más libros? —dijo el ventero. -— No más —dijo el cura— que estos dos: el de Don Cirongilio y el de -Felixmarte. - -— Pues, ¿por ventura —dijo el ventero— mis libros son herejes o flemáticos, -que los quiere quemar? - -— Cismáticos queréis decir, amigo —dijo el barbero—, que no flemáticos. - -— Así es —replicó el ventero—; mas si alguno quiere quemar, sea ese del Gran -Capitán y dese Diego García, que antes dejaré quemar un hijo que dejar -quemar ninguno desotros. - -— Hermano mío —dijo el cura—, estos dos libros son mentirosos y están llenos -de disparates y devaneos; y este del Gran Capitán es historia verdadera, y -tiene los hechos de Gonzalo Hernández de Córdoba, el cual, por sus muchas y -grandes hazañas, mereció ser llamado de todo el mundo Gran Capitán, -renombre famoso y claro, y dél sólo merecido. Y este Diego García de -Paredes fue un principal caballero, natural de la ciudad de Trujillo, en -Estremadura, valentísimo soldado, y de tantas fuerzas naturales que detenía -con un dedo una rueda de molino en la mitad de su furia; y, puesto con un -montante en la entrada de una puente, detuvo a todo un innumerable -ejército, que no pasase por ella; y hizo otras tales cosas que, como si él -las cuenta y las escribe él asimismo, con la modestia de caballero y de -coronista propio, las escribiera otro, libre y desapasionado, pusieran en -su olvido las de los Hétores, Aquiles y Roldanes. - -— ¡Tomaos con mi padre! —dijo el dicho ventero—. ¡Mirad de qué se espanta: -de detener una rueda de molino! Por Dios, ahora había vuestra merced de -leer lo que hizo Felixmarte de Hircania, que de un revés solo partió cinco -gigantes por la cintura, como si fueran hechos de habas, como los -frailecicos que hacen los niños. Y otra vez arremetió con un grandísimo y -poderosísimo ejército, donde llevó más de un millón y seiscientos mil -soldados, todos armados desde el pie hasta la cabeza, y los desbarató a -todos, como si fueran manadas de ovejas. Pues, ¿qué me dirán del bueno de -don Cirongilio de Tracia, que fue tan valiente y animoso como se verá en el -libro, donde cuenta que, navegando por un río, le salió de la mitad del -agua una serpiente de fuego, y él, así como la vio, se arrojó sobre ella, y -se puso a horcajadas encima de sus escamosas espaldas, y le apretó con -ambas manos la garganta, con tanta fuerza que, viendo la serpiente que la -iba ahogando, no tuvo otro remedio sino dejarse ir a lo hondo del río, -llevándose tras sí al caballero, que nunca la quiso soltar? Y, cuando -llegaron allá bajo, se halló en unos palacios y en unos jardines tan lindos -que era maravilla; y luego la sierpe se volvió en un viejo anciano, que le -dijo tantas de cosas que no hay más que oír. Calle, señor, que si oyese -esto, se volvería loco de placer. ¡Dos higas para el Gran Capitán y para -ese Diego García que dice! - -Oyendo esto Dorotea, dijo callando a Cardenio: - -— Poco le falta a nuestro huésped para hacer la segunda parte de don -Quijote. - -— Así me parece a mí —respondió Cardenio—, porque, según da indicio, él -tiene por cierto que todo lo que estos libros cuentan pasó ni más ni menos -que lo escriben, y no le harán creer otra cosa frailes descalzos. -— Mirad, hermano —tornó a decir el cura—, que no hubo en el mundo Felixmarte -de Hircania, ni don Cirongilio de Tracia, ni otros caballeros semejantes -que los libros de caballerías cuentan, porque todo es compostura y ficción -de ingenios ociosos, que los compusieron para el efeto que vos decís de -entretener el tiempo, como lo entretienen leyéndolos vuestros segadores; -porque realmente os juro que nunca tales caballeros fueron en el mundo, ni -tales hazañas ni disparates acontecieron en él. - -— ¡A otro perro con ese hueso! —respondió el ventero—. ¡Como si yo no -supiese cuántas son cinco y adónde me aprieta el zapato! No piense vuestra -merced darme papilla, porque por Dios que no soy nada blanco. ¡Bueno es que -quiera darme vuestra merced a entender que todo aquello que estos buenos -libros dicen sea disparates y mentiras, estando impreso con licencia de los -señores del Consejo Real, como si ellos fueran gente que habían de dejar -imprimir tanta mentira junta, y tantas batallas y tantos encantamentos que -quitan el juicio! - -— Ya os he dicho, amigo —replicó el cura—, que esto se hace para entretener -nuestros ociosos pensamientos; y, así como se consiente en las repúblicas -bien concertadas que haya juegos de ajedrez, de pelota y de trucos, para -entretener a algunos que ni tienen, ni deben, ni pueden trabajar, así se -consiente imprimir y que haya tales libros, creyendo, como es verdad, que -no ha de haber alguno tan ignorante que tenga por historia verdadera -ninguna destos libros. Y si me fuera lícito agora, y el auditorio lo -requiriera, yo dijera cosas acerca de lo que han de tener los libros de -caballerías para ser buenos, que quizá fueran de provecho y aun de gusto -para algunos; pero yo espero que vendrá tiempo en que lo pueda comunicar -con quien pueda remediallo, y en este entretanto creed, señor ventero, lo -que os he dicho, y tomad vuestros libros, y allá os avenid con sus verdades -o mentiras, y buen provecho os hagan, y quiera Dios que no cojeéis del pie -que cojea vuestro huésped don Quijote. - -— Eso no —respondió el ventero—, que no seré yo tan loco que me haga -caballero andante: que bien veo que ahora no se usa lo que se usaba en -aquel tiempo, cuando se dice que andaban por el mundo estos famosos -caballeros. - -A la mitad desta plática se halló Sancho presente, y quedó muy confuso y -pensativo de lo que había oído decir que ahora no se usaban caballeros -andantes, y que todos los libros de caballerías eran necedades y mentiras, -y propuso en su corazón de esperar en lo que paraba aquel viaje de su amo, -y que si no salía con la felicidad que él pensaba, determinaba de dejalle y -volverse con su mujer y sus hijos a su acostumbrado trabajo. - -Llevábase la maleta y los libros el ventero, mas el cura le dijo: -— Esperad, que quiero ver qué papeles son esos que de tan buena letra están -escritos. - -Sacólos el huésped, y, dándoselos a leer, vio hasta obra de ocho pliegos -escritos de mano, y al principio tenían un título grande que decía: Novela -del curioso impertinente. Leyó el cura para sí tres o cuatro renglones y -dijo: - -— Cierto que no me parece mal el título desta novela, y que me viene -voluntad de leella toda. - -A lo que respondió el ventero: - -— Pues bien puede leella su reverencia, porque le hago saber que algunos -huéspedes que aquí la han leído les ha contentado mucho, y me la han pedido -con muchas veras; mas yo no se la he querido dar, pensando volvérsela a -quien aquí dejó esta maleta olvidada con estos libros y esos papeles; que -bien puede ser que vuelva su dueño por aquí algún tiempo, y, aunque sé que -me han de hacer falta los libros, a fe que se los he de volver: que, aunque -ventero, todavía soy cristiano. - -— Vos tenéis mucha razón, amigo —dijo el cura—, mas, con todo eso, si la -novela me contenta, me la habéis de dejar trasladar. - -— De muy buena gana —respondió el ventero. - -Mientras los dos esto decían, había tomado Cardenio la novela y comenzado a -leer en ella; y, pareciéndole lo mismo que al cura, le rogó que la leyese -de modo que todos la oyesen. - -— Sí leyera —dijo el cura—, si no fuera mejor gastar este tiempo en dormir -que en leer. - -— Harto reposo será para mí —dijo Dorotea— entretener el tiempo oyendo algún -cuento, pues aún no tengo el espíritu tan sosegado que me conceda dormir -cuando fuera razón. - -— Pues desa manera —dijo el cura—, quiero leerla, por curiosidad siquiera; -quizá tendrá alguna de gusto. - -Acudió maese Nicolás a rogarle lo mesmo, y Sancho también; lo cual visto -del cura, y entendiendo que a todos daría gusto y él le recibiría, dijo: -— Pues así es, esténme todos atentos, que la novela comienza desta manera: - - - - -Capítulo XXXIII. Donde se cuenta la novela del Curioso impertinente - -«En Florencia, ciudad rica y famosa de Italia, en la provincia que llaman -Toscana, vivían Anselmo y Lotario, dos caballeros ricos y principales, y -tan amigos que, por excelencia y antonomasia, de todos los que los conocían -los dos amigos eran llamados. Eran solteros, mozos de una misma edad y de -unas mismas costumbres; todo lo cual era bastante causa a que los dos con -recíproca amistad se correspondiesen. Bien es verdad que el Anselmo era -algo más inclinado a los pasatiempos amorosos que el Lotario, al cual -llevaban tras sí los de la caza; pero, cuando se ofrecía, dejaba Anselmo de -acudir a sus gustos por seguir los de Lotario, y Lotario dejaba los suyos -por acudir a los de Anselmo; y, desta manera, andaban tan a una sus -voluntades, que no había concertado reloj que así lo anduviese. -»Andaba Anselmo perdido de amores de una doncella principal y hermosa de la -misma ciudad, hija de tan buenos padres y tan buena ella por sí, que se -determinó, con el parecer de su amigo Lotario, sin el cual ninguna cosa -hacía, de pedilla por esposa a sus padres, y así lo puso en ejecución; y el -que llevó la embajada fue Lotario, y el que concluyó el negocio tan a gusto -de su amigo, que en breve tiempo se vio puesto en la posesión que deseaba, -y Camila tan contenta de haber alcanzado a Anselmo por esposo, que no -cesaba de dar gracias al cielo, y a Lotario, por cuyo medio tanto bien le -había venido. - -»Los primeros días, como todos los de boda suelen ser alegres, continuó -Lotario, como solía, la casa de su amigo Anselmo, procurando honralle, -festejalle y regocijalle con todo aquello que a él le fue posible; pero, -acabadas las bodas y sosegada ya la frecuencia de las visitas y parabienes, -comenzó Lotario a descuidarse con cuidado de las idas en casa de Anselmo, -por parecerle a él —como es razón que parezca a todos los que fueren -discretos— que no se han de visitar ni continuar las casas de los amigos -casados de la misma manera que cuando eran solteros; porque, aunque la -buena y verdadera amistad no puede ni debe de ser sospechosa en nada, con -todo esto, es tan delicada la honra del casado, que parece que se puede -ofender aun de los mesmos hermanos, cuanto más de los amigos. - -»Notó Anselmo la remisión de Lotario, y formó dél quejas grandes, -diciéndole que si él supiera que el casarse había de ser parte para no -comunicalle como solía, que jamás lo hubiera hecho, y que si, por la buena -correspondencia que los dos tenían mientras él fue soltero, habían -alcanzado tan dulce nombre como el de ser llamados los dos amigos, que no -permitiese, por querer hacer del circunspecto, sin otra ocasión alguna, -que tan famoso y tan agradable nombre se perdiese; y que así, le suplicaba, -si era lícito que tal término de hablar se usase entre ellos, que volviese -a ser señor de su casa, y a entrar y salir en ella como de antes, -asegurándole que su esposa Camila no tenía otro gusto ni otra voluntad que -la que él quería que tuviese, y que, por haber sabido ella con cuántas -veras los dos se amaban, estaba confusa de ver en él tanta esquiveza. -»A todas estas y otras muchas razones que Anselmo dijo a Lotario para -persuadille volviese como solía a su casa, respondió Lotario con tanta -prudencia, discreción y aviso, que Anselmo quedó satisfecho de la buena -intención de su amigo, y quedaron de concierto que dos días en la semana y -las fiestas fuese Lotario a comer con él; y, aunque esto quedó así -concertado entre los dos, propuso Lotario de no hacer más de aquello que -viese que más convenía a la honra de su amigo, cuyo crédito estimaba en -más que el suyo proprio. Decía él, y decía bien, que el casado a quien el -cielo había concedido mujer hermosa, tanto cuidado había de tener qué -amigos llevaba a su casa como en mirar con qué amigas su mujer conversaba, -porque lo que no se hace ni concierta en las plazas, ni en los templos, ni -en las fiestas públicas, ni estaciones —cosas que no todas veces las han de -negar los maridos a sus mujeres—, se concierta y facilita en casa de la -amiga o la parienta de quien más satisfación se tiene. - -»También decía Lotario que tenían necesidad los casados de tener cada uno -algún amigo que le advirtiese de los descuidos que en su proceder hiciese, -porque suele acontecer que con el mucho amor que el marido a la mujer -tiene, o no le advierte o no le dice, por no enojalla, que haga o deje de -hacer algunas cosas, que el hacellas o no, le sería de honra o de -vituperio; de lo cual, siendo del amigo advertido, fácilmente pondría -remedio en todo. Pero, ¿dónde se hallará amigo tan discreto y tan leal y -verdadero como aquí Lotario le pide? No lo sé yo, por cierto; sólo Lotario -era éste, que con toda solicitud y advertimiento miraba por la honra de su -amigo y procuraba dezmar, frisar y acortar los días del concierto del ir a -su casa, porque no pareciese mal al vulgo ocioso y a los ojos vagabundos y -maliciosos la entrada de un mozo rico, gentilhombre y bien nacido, y de las -buenas partes que él pensaba que tenía, en la casa de una mujer tan hermosa -como Camila; que, puesto que su bondad y valor podía poner freno a toda -maldiciente lengua, todavía no quería poner en duda su crédito ni el de su -amigo, y por esto los más de los días del concierto los ocupaba y -entretenía en otras cosas, que él daba a entender ser inexcusables. Así -que, en quejas del uno y disculpas del otro se pasaban muchos ratos y -partes del día. - -»Sucedió, pues, que uno que los dos se andaban paseando por un prado fuera -de la ciudad, Anselmo dijo a Lotario las semejantes razones: -»—Pensabas, amigo Lotario, que a las mercedes que Dios me ha hecho en -hacerme hijo de tales padres como fueron los míos y al darme, no con mano -escasa, los bienes, así los que llaman de naturaleza como los de fortuna, -no puedo yo corresponder con agradecimiento que llegue al bien recebido, y -sobre al que me hizo en darme a ti por amigo y a Camila por mujer propria: -dos prendas que las estimo, si no en el grado que debo, en el que puedo. -Pues con todas estas partes, que suelen ser el todo con que los hombres -suelen y pueden vivir contentos, vivo yo el más despechado y el más -desabrido hombre de todo el universo mundo; porque no sé qué días a esta -parte me fatiga y aprieta un deseo tan estraño, y tan fuera del uso común -de otros, que yo me maravillo de mí mismo, y me culpo y me riño a solas, y -procuro callarlo y encubrirlo de mis proprios pensamientos; y así me ha -sido posible salir con este secreto como si de industria procurara decillo -a todo el mundo. Y, pues que, en efeto, él ha de salir a plaza,quiero que -sea en la del archivo de tu secreto, confiado que, con él y con la -diligencia que pondrás, como mi amigo verdadero, en remediarme, yo me veré -presto libre de la angustia que me causa, y llegará mi alegría por tu -solicitud al grado que ha llegado mi descontento por mi locura. -»Suspenso tenían a Lotario las razones de Anselmo, y no sabía en qué había -de parar tan larga prevención o preámbulo; y, aunque iba revolviendo en su -imaginación qué deseo podría ser aquel que a su amigo tanto fatigaba, dio -siempre muy lejos del blanco de la verdad; y, por salir presto de la agonía -que le causaba aquella suspensión, le dijo que hacía notorio agravio a su -mucha amistad en andar buscando rodeos para decirle sus más encubiertos -pensamientos, pues tenía cierto que se podía prometer dél, o ya consejos -para entretenellos, o ya remedio para cumplillos. - -»—Así es la verdad —respondió Anselmo—, y con esa confianza te hago saber, -amigo Lotario, que el deseo que me fatiga es pensar si Camila, mi esposa, -es tan buena y tan perfeta como yo pienso; y no puedo enterarme en esta -verdad, si no es probándola de manera que la prueba manifieste los quilates -de su bondad, como el fuego muestra los del oro. Porque yo tengo para mí, -¡oh amigo!, que no es una mujer más buena de cuanto es o no es solicitada, -y que aquella sola es fuerte que no se dobla a las promesas, a las dádivas, -a las lágrimas y a las continuas importunidades de los solícitos amantes. -Porque, ¿qué hay que agradecer —decía él— que una mujer sea buena, si nadie -le dice que sea mala? ¿Qué mucho que esté recogida y temerosa la que no le -dan ocasión para que se suelte, y la que sabe que tiene marido que, en -cogiéndola en la primera desenvoltura, la ha de quitar la vida? Ansí que, -la que es buena por temor, o por falta de lugar, yo no la quiero tener en -aquella estima en que tendré a la solicitada y perseguida que salió con la -corona del vencimiento. De modo que, por estas razones y por otras muchas -que te pudiera decir para acreditar y fortalecer la opinión que tengo, -deseo que Camila, mi esposa, pase por estas dificultades y se acrisole y -quilate en el fuego de verse requerida y solicitada, y de quien tenga valor -para poner en ella sus deseos; y si ella sale, como creo que saldrá, con la -palma desta batalla, tendré yo por sin igual mi ventura; podré yo decir que -está colmo el vacío de mis deseos; diré que me cupo en suerte la mujer -fuerte, de quien el Sabio dice que ¿quién la hallará? Y, cuando esto suceda -al revés de lo que pienso, con el gusto de ver que acerté en mi opinión, -llevaré sin pena la que de razón podrá causarme mi tan costosa experiencia. -Y, prosupuesto que ninguna cosa de cuantas me dijeres en contra de mi deseo -ha de ser de algún provecho para dejar de ponerle por la obra, quiero, ¡oh -amigo Lotario!, que te dispongas a ser el instrumento que labre aquesta -obra de mi gusto; que yo te daré lugar para que lo hagas, sin faltarte todo -aquello que yo viere ser necesario para solicitar a una mujer honesta, -honrada, recogida y desinteresada. Y muéveme, entre otras cosas, a fiar de -ti esta tan ardua empresa, el ver que si de ti es vencida Camila, no ha de -llegar el vencimiento a todo trance y rigor, sino a sólo a tener por hecho -lo que se ha de hacer, por buen respeto; y así, no quedaré yo ofendido más -de con el deseo, y mi injuria quedará escondida en la virtud de tu -silencio, que bien sé que en lo que me tocare ha de ser eterno como el de -la muerte. Así que, si quieres que yo tenga vida que pueda decir que lo es, -desde luego has de entrar en esta amorosa batalla, no tibia ni -perezosamente, sino con el ahínco y diligencia que mi deseo pide, y con la -confianza que nuestra amistad me asegura. - -»Éstas fueron las razones que Anselmo dijo a Lotario, a todas las cuales -estuvo tan atento, que si no fueron las que quedan escritas que le dijo, no -desplegó sus labios hasta que hubo acabado; y, viendo que no decía más, -después que le estuvo mirando un buen espacio, como si mirara otra cosa que -jamás hubiera visto, que le causara admiración y espanto, le dijo: -»—No me puedo persuadir, ¡oh amigo Anselmo!, a que no sean burlas las cosas -que me has dicho; que, a pensar que de veras las decías, no consintiera que -tan adelante pasaras, porque con no escucharte previniera tu larga arenga. -Sin duda imagino, o que no me conoces, o que yo no te conozco. Pero no; que -bien sé que eres Anselmo, y tú sabes que yo soy Lotario; el daño está en -que yo pienso que no eres el Anselmo que solías, y tú debes de haber -pensado que tampoco yo soy el Lotario que debía ser, porque las cosas que -me has dicho, ni son de aquel Anselmo mi amigo, ni las que me pides se han -de pedir a aquel Lotario que tú conoces; porque los buenos amigos han de -probar a sus amigos y valerse dellos, como dijo un poeta, usque ad aras; -que quiso decir que no se habían de valer de su amistad en cosas que fuesen -contra Dios. Pues, si esto sintió un gentil de la amistad, ¿cuánto mejor es -que lo sienta el cristiano, que sabe que por ninguna humana ha de perder la -amistad divina? Y cuando el amigo tirase tanto la barra que pusiese aparte -los respetos del cielo por acudir a los de su amigo, no ha de ser por cosas -ligeras y de poco momento, sino por aquellas en que vaya la honra y la vida -de su amigo. Pues dime tú ahora, Anselmo: ¿cuál destas dos cosas tienes en -peligro para que yo me aventure a complacerte y a hacer una cosa tan -detestable como me pides? Ninguna, por cierto; antes, me pides, según yo -entiendo, que procure y solicite quitarte la honra y la vida, y quitármela -a mí juntamente. Porque si yo he de procurar quitarte la honra, claro está -que te quito la vida, pues el hombre sin honra peor es que un muerto; y, -siendo yo el instrumento, como tú quieres que lo sea, de tanto mal tuyo, -¿no vengo a quedar deshonrado, y, por el mesmo consiguiente, sin vida? -Escucha, amigo Anselmo, y ten paciencia de no responderme hasta que acabe -de decirte lo que se me ofreciere acerca de lo que te ha pedido tu deseo; -que tiempo quedará para que tú me repliques y yo te escuche. - -»—Que me place —dijo Anselmo—: di lo que quisieres. - -»Y Lotario prosiguió diciendo: - -»—Paréceme, ¡oh Anselmo!, que tienes tú ahora el ingenio como el que -siempre tienen los moros, a los cuales no se les puede dar a entender el -error de su secta con las acotaciones de la Santa Escritura, ni con razones -que consistan en especulación del entendimiento, ni que vayan fundadas en -artículos de fe, sino que les han de traer ejemplos palpables, fáciles, -intelegibles, demonstrativos, indubitables, con demostraciones matemáticas -que no se pueden negar, como cuando dicen: "Si de dos partes iguales -quitamos partes iguales, las que quedan también son iguales"; y, cuando -esto no entiendan de palabra, como, en efeto, no lo entienden, háseles de -mostrar con las manos y ponérselo delante de los ojos, y, aun con todo -esto, no basta nadie con ellos a persuadirles las verdades de mi sacra -religión. Y este mesmo término y modo me convendrá usar contigo, porque el -deseo que en ti ha nacido va tan descaminado y tan fuera de todo aquello -que tenga sombra de razonable, que me parece que ha de ser tiempo gastado -el que ocupare en darte a entender tu simplicidad, que por ahora no le -quiero dar otro nombre, y aun estoy por dejarte en tu desatino, en pena de -tu mal deseo; mas no me deja usar deste rigor la amistad que te tengo, la -cual no consiente que te deje puesto en tan manifiesto peligro de perderte. -Y, porque claro lo veas, dime, Anselmo: ¿tú no me has dicho que tengo de -solicitar a una retirada, persuadir a una honesta, ofrecer a una -desinteresada, servir a una prudente? Sí que me lo has dicho. Pues si tú -sabes que tienes mujer retirada, honesta, desinteresada y prudente, ¿qué -buscas? Y si piensas que de todos mis asaltos ha de salir vencedora, como -saldrá sin duda, ¿qué mejores títulos piensas darle después que los que -ahora tiene, o qué será más después de lo que es ahora? O es que tú no la -tienes por la que dices, o tú no sabes lo que pides. Si no la tienes por lo -que dices, ¿para qué quieres probarla, sino, como a mala, hacer della lo -que más te viniere en gusto? Mas si es tan buena como crees, impertinente -cosa será hacer experiencia de la mesma verdad, pues, después de hecha, se -ha de quedar con la estimación que primero tenía. Así que, es razón -concluyente que el intentar las cosas de las cuales antes nos puede suceder -daño que provecho es de juicios sin discurso y temerarios, y más cuando -quieren intentar aquellas a que no son forzados ni compelidos, y que de muy -lejos traen descubierto que el intentarlas es manifiesta locura. Las cosas -dificultosas se intentan por Dios, o por el mundo, o por entrambos a dos: -las que se acometen por Dios son las que acometieron los santos, -acometiendo a vivir vida de ángeles en cuerpos humanos; las que se acometen -por respeto del mundo son las de aquellos que pasan tanta infinidad de -agua, tanta diversidad de climas, tanta estrañeza de gentes, por adquirir -estos que llaman bienes de fortuna. Y las que se intentan por Dios y por el -mundo juntamente son aquellas de los valerosos soldados, que apenas veen en -el contrario muro abierto tanto espacio cuanto es el que pudo hacer una -redonda bala de artillería, cuando, puesto aparte todo temor, sin hacer -discurso ni advertir al manifiesto peligro que les amenaza, llevados en -vuelo de las alas del deseo de volver por su fe, por su nación y por su -rey, se arrojan intrépidamente por la mitad de mil contrapuestas muertes -que los esperan. Estas cosas son las que suelen intentarse, y es honra, -gloria y provecho intentarlas, aunque tan llenas de inconvenientes y -peligros. Pero la que tú dices que quieres intentar y poner por obra, ni te -ha de alcanzar gloria de Dios, bienes de la fortuna, ni fama con los -hombres; porque, puesto que salgas con ella como deseas, no has de quedar -ni más ufano, ni más rico, ni más honrado que estás ahora; y si no sales, -te has de ver en la mayor miseria que imaginarse pueda, porque no te ha de -aprovechar pensar entonces que no sabe nadie la desgracia que te ha -sucedido, porque bastará para afligirte y deshacerte que la sepas tú mesmo. -Y, para confirmación desta verdad, te quiero decir una estancia que hizo el -famoso poeta Luis Tansilo, en el fin de su primera parte de Las lágrimas de -San Pedro, que dice así: - -Crece el dolor y crece la vergüenza -en Pedro, cuando el día se ha mostrado; -y, aunque allí no ve a nadie, se avergüenza -de sí mesmo, por ver que había pecado: -que a un magnánimo pecho a haber vergüenza -no sólo ha de moverle el ser mirado; -que de sí se avergüenza cuando yerra, -si bien otro no vee que cielo y tierra. - -Así que, no escusarás con el secreto tu dolor; antes, tendrás que llorar -contino, si no lágrimas de los ojos, lágrimas de sangre del corazón, como -las lloraba aquel simple doctor que nuestro poeta nos cuenta que hizo la -prueba del vaso, que, con mejor discurso, se escusó de hacerla el prudente -Reinaldos; que, puesto que aquello sea ficción poética, tiene en sí -encerrados secretos morales dignos de ser advertidos y entendidos e -imitados. Cuanto más que, con lo que ahora pienso decirte, acabarás de -venir en conocimiento del grande error que quieres cometer. Dime, Anselmo, -si el cielo, o la suerte buena, te hubiera hecho señor y legítimo posesor -de un finísimo diamante, de cuya bondad y quilates estuviesen satisfechos -cuantos lapidarios le viesen, y que todos a una voz y de común parecer -dijesen que llegaba en quilates, bondad y fineza a cuanto se podía estender -la naturaleza de tal piedra, y tú mesmo lo creyeses así, sin saber otra -cosa en contrario, ¿sería justo que te viniese en deseo de tomar aquel -diamante, y ponerle entre un ayunque y un martillo, y allí, a pura fuerza -de golpes y brazos, probar si es tan duro y tan fino como dicen? Y más, si -lo pusieses por obra; que, puesto caso que la piedra hiciese resistencia a -tan necia prueba, no por eso se le añadiría más valor ni más fama; y si se -rompiese, cosa que podría ser, ¿no se perdería todo? Sí, por cierto, -dejando a su dueño en estimación de que todos le tengan por simple. Pues -haz cuenta, Anselmo amigo, que Camila es fínisimo diamante, así en tu -estimación como en la ajena, y que no es razón ponerla en contingencia de -que se quiebre, pues, aunque se quede con su entereza, no puede subir a más -valor del que ahora tiene; y si faltase y no resistiese, considera desde -ahora cuál quedarías sin ella, y con cuánta razón te podrías quejar de ti -mesmo, por haber sido causa de su perdición y la tuya. Mira que no hay joya -en el mundo que tanto valga como la mujer casta y honrada, y que todo el -honor de las mujeres consiste en la opinión buena que dellas se tiene; y, -pues la de tu esposa es tal que llega al estremo de bondad que sabes, ¿para -qué quieres poner esta verdad en duda? Mira, amigo, que la mujer es animal -imperfecto, y que no se le han de poner embarazos donde tropiece y caiga, -sino quitárselos y despejalle el camino de cualquier inconveniente, para -que sin pesadumbre corra ligera a alcanzar la perfeción que le falta, que -consiste en el ser virtuosa. Cuentan los naturales que el arminio es un -animalejo que tiene una piel blanquísima, y que cuando quieren cazarle, los -cazadores usan deste artificio: que, sabiendo las partes por donde suele -pasar y acudir, las atajan con lodo, y después, ojeándole, le encaminan -hacia aquel lugar, y así como el arminio llega al lodo, se está quedo y se -deja prender y cautivar, a trueco de no pasar por el cieno y perder y -ensuciar su blancura, que la estima en más que la libertad y la vida. La -honesta y casta mujer es arminio, y es más que nieve blanca y limpia la -virtud de la honestidad; y el que quisiere que no la pierda, antes la -guarde y conserve, ha de usar de otro estilo diferente que con el arminio -se tiene, porque no le han de poner delante el cieno de los regalos y -servicios de los importunos amantes, porque quizá, y aun sin quizá, no -tiene tanta virtud y fuerza natural que pueda por sí mesma atropellar y -pasar por aquellos embarazos, y es necesario quitárselos y ponerle delante -la limpieza de la virtud y la belleza que encierra en sí la buena fama. Es -asimesmo la buena mujer como espejo de cristal luciente y claro; pero está -sujeto a empañarse y escurecerse con cualquiera aliento que le toque. Hase -de usar con la honesta mujer el estilo que con las reliquias: adorarlas y -no tocarlas. Hase de guardar y estimar la mujer buena como se guarda y -estima un hermoso jardín que está lleno de flores y rosas, cuyo dueño no -consiente que nadie le pasee ni manosee; basta que desde lejos, y por entre -las verjas de hierro, gocen de su fragrancia y hermosura. Finalmente, -quiero decirte unos versos que se me han venido a la memoria, que los oí en -una comedia moderna, que me parece que hacen al propósito de lo que vamos -tratando. Aconsejaba un prudente viejo a otro, padre de una doncella, que -la recogiese, guardase y encerrase, y entre otras razones, le dijo éstas: - -Es de vidrio la mujer; -pero no se ha de probar -si se puede o no quebrar, -porque todo podría ser. -Y es más fácil el quebrarse, -y no es cordura ponerse -a peligro de romperse -lo que no puede soldarse. -Y en esta opinión estén -todos, y en razón la fundo: -que si hay Dánaes en el mundo, -hay pluvias de oro también. - -Cuanto hasta aquí te he dicho, ¡oh Anselmo!, ha sido por lo que a ti te -toca; y ahora es bien que se oiga algo de lo que a mí me conviene; y si -fuere largo, perdóname, que todo lo requiere el laberinto donde te has -entrado y de donde quieres que yo te saque. Tú me tienes por amigo y -quieres quitarme la honra, cosa que es contra toda amistad; y aun no sólo -pretendes esto, sino que procuras que yo te la quite a ti. Que me la -quieres quitar a mí está claro, pues, cuando Camila vea que yo la solicito, -como me pides, cierto está que me ha de tener por hombre sin honra y mal -mirado, pues intento y hago una cosa tan fuera de aquello que el ser quien -soy y tu amistad me obliga. De que quieres que te la quite a ti no hay -duda, porque, viendo Camila que yo la solicito, ha de pensar que yo he -visto en ella alguna liviandad que me dio atrevimiento a descubrirle mi mal -deseo; y, teniéndose por deshonrada, te toca a ti, como a cosa suya, su -mesma deshonra. Y de aquí nace lo que comúnmente se platica: que el marido -de la mujer adúltera, puesto que él no lo sepa ni haya dado ocasión para -que su mujer no sea la que debe, ni haya sido en su mano, ni en su descuido -y poco recato estorbar su desgracia, con todo, le llaman y le nombran con -nombre de vituperio y bajo; y en cierta manera le miran, los que la maldad -de su mujer saben, con ojos de menosprecio, en cambio de mirarle con los de -lástima, viendo que no por su culpa, sino por el gusto de su mala -compañera, está en aquella desventura. Pero quiérote decir la causa por que -con justa razón es deshonrado el marido de la mujer mala, aunque él no sepa -que lo es, ni tenga culpa, ni haya sido parte, ni dado ocasión, para que -ella lo sea. Y no te canses de oírme, que todo ha de redundar en tu -provecho. Cuando Dios crió a nuestro primero padre en el Paraíso terrenal, -dice la Divina Escritura que infundió Dios sueño en Adán, y que, estando -durmiendo, le sacó una costilla del lado siniestro, de la cual formó a -nuestra madre Eva; y, así como Adán despertó y la miró, dijo: ''Ésta es -carne de mi carne y hueso de mis huesos''. Y Dios dijo: ''Por ésta dejará -el hombre a su padre y madre, y serán dos en una carne misma''. Y entonces -fue instituido el divino sacramento del matrimonio, con tales lazos que -sola la muerte puede desatarlos. Y tiene tanta fuerza y virtud este -milagroso sacramento, que hace que dos diferentes personas sean una mesma -carne; y aún hace más en los buenos casados, que, aunque tienen dos almas, -no tienen más de una voluntad. Y de aquí viene que, como la carne de la -esposa sea una mesma con la del esposo, las manchas que en ella caen, o los -defectos que se procura, redundan en la carne del marido, aunque él no haya -dado, como queda dicho, ocasión para aquel daño. Porque, así como el dolor -del pie o de cualquier miembro del cuerpo humano le siente todo el cuerpo, -por ser todo de una carne mesma, y la cabeza siente el daño del tobillo, -sin que ella se le haya causado, así el marido es participante de la -deshonra de la mujer, por ser una mesma cosa con ella. Y como las honras y -deshonras del mundo sean todas y nazcan de carne y sangre, y las de la -mujer mala sean deste género, es forzoso que al marido le quepa parte -dellas, y sea tenido por deshonrado sin que él lo sepa. Mira, pues, ¡oh -Anselmo!, al peligro que te pones en querer turbar el sosiego en que tu -buena esposa vive. Mira por cuán vana e impertinente curiosidad quieres -revolver los humores que ahora están sosegados en el pecho de tu casta -esposa. Advierte que lo que aventuras a ganar es poco, y que lo que -perderás será tanto que lo dejaré en su punto, porque me faltan palabras -para encarecerlo. Pero si todo cuanto he dicho no basta a moverte de tu mal -propósito, bien puedes buscar otro instrumento de tu deshonra y desventura, -que yo no pienso serlo, aunque por ello pierda tu amistad, que es la mayor -pérdida que imaginar puedo. - -»Calló, en diciendo esto, el virtuoso y prudente Lotario, y Anselmo quedó -tan confuso y pensativo que por un buen espacio no le pudo responder -palabra; pero, en fin, le dijo: - -»—Con la atención que has visto he escuchado, Lotario amigo, cuanto has -querido decirme, y en tus razones, ejemplos y comparaciones he visto la -mucha discreción que tienes y el estremo de la verdadera amistad que -alcanzas; y ansimesmo veo y confieso que si no sigo tu parecer y me voy -tras el mío, voy huyendo del bien y corriendo tras el mal. Prosupuesto -esto, has de considerar que yo padezco ahora la enfermedad que suelen tener -algunas mujeres, que se les antoja comer tierra, yeso, carbón y otras cosas -peores, aun asquerosas para mirarse, cuanto más para comerse; así que, es -menester usar de algún artificio para que yo sane, y esto se podía hacer -con facilidad, sólo con que comiences, aunque tibia y fingidamente, a -solicitar a Camila, la cual no ha de ser tan tierna que a los primeros -encuentros dé con su honestidad por tierra; y con solo este principio -quedaré contento y tú habrás cumplido con lo que debes a nuestra amistad, -no solamente dándome la vida, sino persuadiéndome de no verme sin honra. Y -estás obligado a hacer esto por una razón sola; y es que, estando yo, como -estoy, determinado de poner en plática esta prueba, no has tú de consentir -que yo dé cuenta de mi desatino a otra persona, con que pondría en aventura -el honor que tú procuras que no pierda; y, cuando el tuyo no esté en el -punto que debe en la intención de Camila en tanto que la solicitares, -importa poco o nada, pues con brevedad, viendo en ella la entereza que -esperamos, le podrás decir la pura verdad de nuestro artificio, con que -volverá tu crédito al ser primero. Y, pues tan poco aventuras y tanto -contento me puedes dar aventurándote, no lo dejes de hacer, aunque más -inconvenientes se te pongan delante, pues, como ya he dicho, con sólo que -comiences daré por concluida la causa. - -»Viendo Lotario la resoluta voluntad de Anselmo, y no sabiendo qué más -ejemplos traerle ni qué más razones mostrarle para que no la siguiese, y -viendo que le amenazaba que daría a otro cuenta de su mal deseo, por evitar -mayor mal, determinó de contentarle y hacer lo que le pedía, con propósito -e intención de guiar aquel negocio de modo que, sin alterar los -pensamientos de Camila, quedase Anselmo satisfecho; y así, le respondió que -no comunicase su pensamiento con otro alguno, que él tomaba a su cargo -aquella empresa, la cual comenzaría cuando a él le diese más gusto. -Abrazóle Anselmo tierna y amorosamente, y agradecióle su ofrecimiento, como -si alguna grande merced le hubiera hecho; y quedaron de acuerdo entre los -dos que desde otro día siguiente se comenzase la obra; que él le daría -lugar y tiempo como a sus solas pudiese hablar a Camila, y asimesmo le -daría dineros y joyas que darla y que ofrecerla. Aconsejóle que le diese -músicas, que escribiese versos en su alabanza, y que, cuando él no quisiese -tomar trabajo de hacerlos, él mesmo los haría. A todo se ofreció Lotario, -bien con diferente intención que Anselmo pensaba. - -»Y con este acuerdo se volvieron a casa de Anselmo, donde hallaron a Camila -con ansia y cuidado, esperando a su esposo, porque aquel día tardaba en -venir más de lo acostumbrado. - -»Fuese Lotario a su casa, y Anselmo quedó en la suya, tan contento como -Lotario fue pensativo, no sabiendo qué traza dar para salir bien de aquel -impertinente negocio. Pero aquella noche pensó el modo que tendría para -engañar a Anselmo, sin ofender a Camila; y otro día vino a comer con su -amigo, y fue bien recebido de Camila, la cual le recebía y regalaba con -mucha voluntad, por entender la buena que su esposo le tenía. -»Acabaron de comer, levantaron los manteles y Anselmo dijo a Lotario que se -quedase allí con Camila, en tanto que él iba a un negocio forzoso, que -dentro de hora y media volvería. Rogóle Camila que no se fuese y Lotario se -ofreció a hacerle compañía, más nada aprovechó con Anselmo; antes, -importunó a Lotario que se quedase y le aguardase, porque tenía que tratar -con él una cosa de mucha importancia. Dijo también a Camila que no dejase -solo a Lotario en tanto que él volviese. En efeto, él supo tan bien fingir -la necesidad, o necedad, de su ausencia, que nadie pudiera entender que era -fingida. Fuese Anselmo, y quedaron solos a la mesa Camila y Lotario, porque -la demás gente de casa toda se había ido a comer. Viose Lotario puesto en -la estacada que su amigo deseaba y con el enemigo delante, que pudiera -vencer con sola su hermosura a un escuadrón de caballeros armados: mirad si -era razón que le temiera Lotario. - -»Pero lo que hizo fue poner el codo sobre el brazo de la silla y la mano -abierta en la mejilla, y, pidiendo perdón a Camila del mal comedimiento, -dijo que quería reposar un poco en tanto que Anselmo volvía. Camila le -respondió que mejor reposaría en el estrado que en la silla, y así, le rogó -se entrase a dormir en él. No quiso Lotario, y allí se quedó dormido hasta -que volvió Anselmo, el cual, como halló a Camila en su aposento y a Lotario -durmiendo, creyó que, como se había tardado tanto, ya habrían tenido los -dos lugar para hablar, y aun para dormir, y no vio la hora en que Lotario -despertase, para volverse con él fuera y preguntarle de su ventura. -»Todo le sucedió como él quiso: Lotario despertó, y luego salieron los dos -de casa, y así, le preguntó lo que deseaba, y le respondió Lotario que no -le había parecido ser bien que la primera vez se descubriese del todo; y -así, no había hecho otra cosa que alabar a Camila de hermosa, diciéndole -que en toda la ciudad no se trataba de otra cosa que de su hermosura y -discreción, y que éste le había parecido buen principio para entrar ganando -la voluntad, y disponiéndola a que otra vez le escuchase con gusto, usando -en esto del artificio que el demonio usa cuando quiere engañar a alguno que -está puesto en atalaya de mirar por sí: que se transforma en ángel de luz, -siéndolo él de tinieblas, y, poniéndole delante apariencias buenas, al cabo -descubre quién es y sale con su intención, si a los principios no es -descubierto su engaño. Todo esto le contentó mucho a Anselmo, y dijo que -cada día daría el mesmo lugar, aunque no saliese de casa, porque en ella se -ocuparía en cosas que Camila no pudiese venir en conocimiento de su -artificio. - -»Sucedió, pues, que se pasaron muchos días que, sin decir Lotario palabra a -Camila, respondía a Anselmo que la hablaba y jamás podía sacar della una -pequeña muestra de venir en ninguna cosa que mala fuese, ni aun dar una -señal de sombra de esperanza; antes, decía que le amenazaba que si de aquel -mal pensamiento no se quitaba, que lo había de decir a su esposo. -»—Bien está —dijo Anselmo—. Hasta aquí ha resistido Camila a las palabras; -es menester ver cómo resiste a las obras: yo os daré mañana dos mil escudos -de oro para que se los ofrezcáis, y aun se los deis, y otros tantos para -que compréis joyas con que cebarla; que las mujeres suelen ser aficionadas, -y más si son hermosas, por más castas que sean, a esto de traerse bien y -andar galanas; y si ella resiste a esta tentación, yo quedaré satisfecho y -no os daré más pesadumbre. - -»Lotario respondió que ya que había comenzado, que él llevaría hasta el fin -aquella empresa, puesto que entendía salir della cansado y vencido. Otro -día recibió los cuatro mil escudos, y con ellos cuatro mil confusiones, -porque no sabía qué decirse para mentir de nuevo; pero, en efeto, determinó -de decirle que Camila estaba tan entera a las dádivas y promesas como a las -palabras, y que no había para qué cansarse más, porque todo el tiempo se -gastaba en balde. - -»Pero la suerte, que las cosas guiaba de otra manera, ordenó que, habiendo -dejado Anselmo solos a Lotario y a Camila, como otras veces solía, él se -encerró en un aposento y por los agujeros de la cerradura estuvo mirando y -escuchando lo que los dos trataban, y vio que en más de media hora Lotario -no habló palabra a Camila, ni se la hablara si allí estuviera un siglo, y -cayó en la cuenta de que cuanto su amigo le había dicho de las respuestas -de Camila todo era ficción y mentira. Y, para ver si esto era ansí, salió -del aposento, y, llamando a Lotario aparte, le preguntó qué nuevas había y -de qué temple estaba Camila. Lotario le respondió que no pensaba más darle -puntada en aquel negocio, porque respondía tan áspera y desabridamente, que -no tendría ánimo para volver a decirle cosa alguna. - -»—¡Ah! —dijo Anselmo—, Lotario, Lotario, y cuán mal correspondes a lo que -me debes y a lo mucho que de ti confío! Ahora te he estado mirando por el -lugar que concede la entrada desta llave, y he visto que no has dicho -palabra a Camila, por donde me doy a entender que aun las primeras le -tienes por decir; y si esto es así, como sin duda lo es, ¿para qué me -engañas, o por qué quieres quitarme con tu industria los medios que yo -podría hallar para conseguir mi deseo? - -»No dijo más Anselmo, pero bastó lo que había dicho para dejar corrido y -confuso a Lotario; el cual, casi como tomando por punto de honra el haber -sido hallado en mentira, juró a Anselmo que desde aquel momento tomaba tan -a su cargo el contentalle y no mentille, cual lo vería si con curiosidad lo -espiaba; cuanto más, que no sería menester usar de ninguna diligencia, -porque la que él pensaba poner en satisfacelle le quitaría de toda -sospecha. Creyóle Anselmo, y para dalle comodidad más segura y menos -sobresaltada, determinó de hacer ausencia de su casa por ocho días, yéndose -a la de un amigo suyo, que estaba en una aldea, no lejos de la ciudad, con -el cual amigo concertó que le enviase a llamar con muchas veras, para tener -ocasión con Camila de su partida. - -»¡Desdichado y mal advertido de ti, Anselmo! ¿Qué es lo que haces? ¿Qué es -lo que trazas? ¿Qué es lo que ordenas? Mira que haces contra ti mismo, -trazando tu deshonra y ordenando tu perdición. Buena es tu esposa Camila, -quieta y sosegadamente la posees, nadie sobresalta tu gusto, sus -pensamientos no salen de las paredes de su casa, tú eres su cielo en la -tierra, el blanco de sus deseos, el cumplimiento de sus gustos y la medida -por donde mide su voluntad, ajustándola en todo con la tuya y con la del -cielo. Pues si la mina de su honor, hermosura, honestidad y recogimiento te -da sin ningún trabajo toda la riqueza que tiene y tú puedes desear, ¿para -qué quieres ahondar la tierra y buscar nuevas vetas de nuevo y nunca visto -tesoro, poniéndote a peligro que toda venga abajo, pues, en fin, se -sustenta sobre los débiles arrimos de su flaca naturaleza? Mira que el que -busca lo imposible es justo que lo posible se le niegue, como lo dijo mejor -un poeta, diciendo: - -Busco en la muerte la vida, -salud en la enfermedad, -en la prisión libertad, -en lo cerrado salida -y en el traidor lealtad. -Pero mi suerte, de quien -jamás espero algún bien, -con el cielo ha estatuido -que, pues lo imposible pido, -lo posible aun no me den. - -»Fuese otro día Anselmo a la aldea, dejando dicho a Camila que el tiempo -que él estuviese ausente vendría Lotario a mirar por su casa y a comer con -ella; que tuviese cuidado de tratalle como a su mesma persona. Afligióse -Camila, como mujer discreta y honrada, de la orden que su marido le dejaba, -y díjole que advirtiese que no estaba bien que nadie, él ausente, ocupase -la silla de su mesa, y que si lo hacía por no tener confianza que ella -sabría gobernar su casa, que probase por aquella vez, y vería por -experiencia como para mayores cuidados era bastante. Anselmo le replicó que -aquél era su gusto, y que no tenía más que hacer que bajar la cabeza y -obedecelle. Camila dijo que ansí lo haría, aunque contra su voluntad. -»Partióse Anselmo, y otro día vino a su casa Lotario, donde fue rescebido -de Camila con amoroso y honesto acogimiento; la cual jamás se puso en parte -donde Lotario la viese a solas, porque siempre andaba rodeada de sus -criados y criadas, especialmente de una doncella suya, llamada Leonela, a -quien ella mucho quería, por haberse criado desde niñas las dos juntas en -casa de los padres de Camila, y cuando se casó con Anselmo la trujo -consigo. - -»En los tres días primeros nunca Lotario le dijo nada, aunque pudiera, -cuando se levantaban los manteles y la gente se iba a comer con mucha -priesa, porque así se lo tenía mandado Camila. Y aun tenía orden Leonela -que comiese primero que Camila, y que de su lado jamás se quitase; mas -ella, que en otras cosas de su gusto tenía puesto el pensamiento y había -menester aquellas horas y aquel lugar para ocuparle en sus contentos, no -cumplía todas veces el mandamiento de su señora; antes, los dejaba solos, -como si aquello le hubieran mandado. Mas la honesta presencia de Camila, la -gravedad de su rostro, la compostura de su persona era tanta, que ponía -freno a la lengua de Lotario. - -»Pero el provecho que las muchas virtudes de Camila hicieron, poniendo -silencio en la lengua de Lotario, redundó más en daño de los dos, porque si -la lengua callaba, el pensamiento discurría y tenía lugar de contemplar, -parte por parte, todos los estremos de bondad y de hermosura que Camila -tenía, bastantes a enamorar una estatua de mármol, no que un corazón de -carne. - -»Mirábala Lotario en el lugar y espacio que había de hablarla, y -consideraba cuán digna era de ser amada; y esta consideración comenzó poco -a poco a dar asaltos a los respectos que a Anselmo tenía, y mil veces quiso -ausentarse de la ciudad y irse donde jamás Anselmo le viese a él, ni él -viese a Camila; mas ya le hacía impedimento y detenía el gusto que hallaba -en mirarla. Hacíase fuerza y peleaba consigo mismo por desechar y no sentir -el contento que le llevaba a mirar a Camila. Culpábase a solas de su -desatino, llamábase mal amigo y aun mal cristiano; hacía discursos y -comparaciones entre él y Anselmo, y todos paraban en decir que más había -sido la locura y confianza de Anselmo que su poca fidelidad, y que si así -tuviera disculpa para con Dios como para con los hombres de lo que pensaba -hacer, que no temiera pena por su culpa. - -»En efecto, la hermosura y la bondad de Camila, juntamente con la ocasión -que el ignorante marido le había puesto en las manos, dieron con la lealtad -de Lotario en tierra. Y, sin mirar a otra cosa que aquella a que su gusto -le inclinaba, al cabo de tres días de la ausencia de Anselmo, en los cuales -estuvo en continua batalla por resistir a sus deseos, comenzó a requebrar a -Camila, con tanta turbación y con tan amorosas razones que Camila quedó -suspensa, y no hizo otra cosa que levantarse de donde estaba y entrarse a -su aposento, sin respondelle palabra alguna. Mas no por esta sequedad se -desmayó en Lotario la esperanza, que siempre nace juntamente con el amor; -antes, tuvo en más a Camila. La cual, habiendo visto en Lotario lo que -jamás pensara, no sabía qué hacerse. Y, pareciéndole no ser cosa segura ni -bien hecha darle ocasión ni lugar a que otra vez la hablase, determinó de -enviar aquella mesma noche, como lo hizo, a un criado suyo con un billete a -Anselmo, donde le escribió estas razones: - - - - -Capítulo XXXIV. Donde se prosigue la novela del Curioso impertinente - -»Así como suele decirse que parece mal el ejército sin su general y el -castillo sin su castellano, digo yo que parece muy peor la mujer casada y -moza sin su marido, cuando justísimas ocasiones no lo impiden. Yo me hallo -tan mal sin vos, y tan imposibilitada de no poder sufrir esta ausencia, que -si presto no venís, me habré de ir a entretener en casa de mis padres, -aunque deje sin guarda la vuestra; porque la que me dejastes, si es que -quedó con tal título, creo que mira más por su gusto que por lo que a vos -os toca; y, pues sois discreto, no tengo más que deciros, ni aun es bien -que más os diga. - -»Esta carta recibió Anselmo, y entendió por ella que Lotario había ya -comenzado la empresa, y que Camila debía de haber respondido como él -deseaba; y, alegre sobremanera de tales nuevas, respondió a Camila, de -palabra, que no hiciese mudamiento de su casa en modo ninguno, porque él -volvería con mucha brevedad. Admirada quedó Camila de la respuesta de -Anselmo, que la puso en más confusión que primero, porque ni se atrevía a -estar en su casa, ni menos irse a la de sus padres; porque en la quedada -corría peligro su honestidad, y en la ida iba contra el mandamiento de su -esposo. - -»En fin, se resolvió en lo que le estuvo peor, que fue en el quedarse, con -determinación de no huir la presencia de Lotario, por no dar que decir a -sus criados; y ya le pesaba de haber escrito lo que escribió a su esposo, -temerosa de que no pensase que Lotario había visto en ella alguna -desenvoltura que le hubiese movido a no guardalle el decoro que debía. -Pero, fiada en su bondad, se fió en Dios y en su buen pensamiento, con que -pensaba resistir callando a todo aquello que Lotario decirle quisiese, sin -dar más cuenta a su marido, por no ponerle en alguna pendencia y trabajo. Y -aun andaba buscando manera como disculpar a Lotario con Anselmo, cuando le -preguntase la ocasión que le había movido a escribirle aquel papel. Con -estos pensamientos, más honrados que acertados ni provechosos, estuvo otro -día escuchando a Lotario, el cual cargó la mano de manera que comenzó a -titubear la firmeza de Camila, y su honestidad tuvo harto que hacer en -acudir a los ojos, para que no diesen muestra de alguna amorosa compasión -que las lágrimas y las razones de Lotario en su pecho habían despertado. -Todo esto notaba Lotario, y todo le encendía. - -»Finalmente, a él le pareció que era menester, en el espacio y lugar que -daba la ausencia de Anselmo, apretar el cerco a aquella fortaleza. Y así, -acometió a su presunción con las alabanzas de su hermosura, porque no hay -cosa que más presto rinda y allane las encastilladas torres de la vanidad -de las hermosas que la mesma vanidad, puesta en las lenguas de la -adulación. En efecto, él, con toda diligencia, minó la roca de su entereza, -con tales pertrechos que, aunque Camila fuera toda de bronce, viniera al -suelo. Lloró, rogó, ofreció, aduló, porfió, y fingió Lotario con tantos -sentimientos, con muestras de tantas veras, que dio al través con el recato -de Camila y vino a triunfar de lo que menos se pensaba y más deseaba. -»Rindióse Camila, Camila se rindió; pero, ¿qué mucho, si la amistad de -Lotario no quedó en pie? Ejemplo claro que nos muestra que sólo se vence la -pasión amorosa con huilla, y que nadie se ha de poner a brazos con tan -poderoso enemigo, porque es menester fuerzas divinas para vencer las suyas -humanas. Sólo supo Leonela la flaqueza de su señora, porque no se la -pudieron encubrir los dos malos amigos y nuevos amantes. No quiso Lotario -decir a Camila la pretensión de Anselmo, ni que él le había dado lugar para -llegar a aquel punto, porque no tuviese en menos su amor y pensase que así, -acaso y sin pensar, y no de propósito, la había solicitado. - -»Volvió de allí a pocos días Anselmo a su casa, y no echó de ver lo que -faltaba en ella, que era lo que en menos tenía y más estimaba. Fuese luego -a ver a Lotario, y hallóle en su casa; abrazáronse los dos, y el uno -preguntó por las nuevas de su vida o de su muerte. - -»—Las nuevas que te podré dar, ¡oh amigo Anselmo! —dijo Lotario—, son de -que tienes una mujer que dignamente puede ser ejemplo y corona de todas las -mujeres buenas. Las palabras que le he dicho se las ha llevado el aire, los -ofrecimientos se han tenido en poco, las dádivas no se han admitido, de -algunas lágrimas fingidas mías se ha hecho burla notable. En resolución, -así como Camila es cifra de toda belleza, es archivo donde asiste la -honestidad y vive el comedimiento y el recato, y todas las virtudes que -pueden hacer loable y bien afortunada a una honrada mujer. Vuelve a tomar -tus dineros, amigo, que aquí los tengo, sin haber tenido necesidad de tocar -a ellos; que la entereza de Camila no se rinde a cosas tan bajas como son -dádivas ni promesas. Conténtate, Anselmo, y no quieras hacer más pruebas de -las hechas; y, pues a pie enjuto has pasado el mar de las dificultades y -sospechas que de las mujeres suelen y pueden tenerse, no quieras entrar de -nuevo en el profundo piélago de nuevos inconvenientes, ni quieras hacer -experiencia con otro piloto de la bondad y fortaleza del navío que el cielo -te dio en suerte para que en él pasases la mar deste mundo, sino haz cuenta -que estás ya en seguro puerto, y aférrate con las áncoras de la buena -consideración, y déjate estar hasta que te vengan a pedir la deuda que no -hay hidalguía humana que de pagarla se escuse. - -»Contentísimo quedó Anselmo de las razones de Lotario, y así se las creyó -como si fueran dichas por algún oráculo. Pero, con todo eso, le rogó que no -dejase la empresa, aunque no fuese más de por curiosidad y entretenimiento, -aunque no se aprovechase de allí adelante de tan ahincadas diligencias como -hasta entonces; y que sólo quería que le escribiese algunos versos en su -alabanza, debajo del nombre de Clori, porque él le daría a entender a -Camila que andaba enamorado de una dama, a quien le había puesto aquel -nombre por poder celebrarla con el decoro que a su honestidad se le debía; -y que, cuando Lotario no quisiera tomar trabajo de escribir los versos, que -él los haría. - -»—No será menester eso —dijo Lotario—, pues no me son tan enemigas las -musas que algunos ratos del año no me visiten. Dile tú a Camila lo que has -dicho del fingimiento de mis amores, que los versos yo los haré; si no tan -buenos como el subjeto merece, serán, por lo menos, los mejores que yo -pudiere. - -»Quedaron deste acuerdo el impertinente y el traidor amigo; y, vuelto -Anselmo a su casa, preguntó a Camila lo que ella ya se maravillaba que no -se lo hubiese preguntado: que fue que le dijese la ocasión por que le había -escrito el papel que le envió. Camila le respondió que le había parecido -que Lotario la miraba un poco más desenvueltamente que cuando él estaba en -casa; pero que ya estaba desengañada y creía que había sido imaginación -suya, porque ya Lotario huía de vella y de estar con ella a solas. Díjole -Anselmo que bien podía estar segura de aquella sospecha, porque él sabía -que Lotario andaba enamorado de una doncella principal de la ciudad, a -quien él celebraba debajo del nombre de Clori, y que, aunque no lo -estuviera, no había que temer de la verdad de Lotario y de la mucha amistad -de entrambos. Y, a no estar avisada Camila de Lotario de que eran fingidos -aquellos amores de Clori, y que él se lo había dicho a Anselmo por poder -ocuparse algunos ratos en las mismas alabanzas de Camila, ella, sin duda, -cayera en la desesperada red de los celos; mas, por estar ya advertida, -pasó aquel sobresalto sin pesadumbre. - -»Otro día, estando los tres sobre mesa, rogó Anselmo a Lotario dijese -alguna cosa de las que había compuesto a su amada Clori; que, pues Camila -no la conocía, seguramente podía decir lo que quisiese. - -»—Aunque la conociera —respondió Lotario—, no encubriera yo nada, porque -cuando algún amante loa a su dama de hermosa y la nota de cruel, ningún -oprobrio hace a su buen crédito. Pero, sea lo que fuere, lo que sé decir, -que ayer hice un soneto a la ingratitud desta Clori, que dice ansí: -Soneto - -En el silencio de la noche, cuando -ocupa el dulce sueño a los mortales, -la pobre cuenta de mis ricos males -estoy al cielo y a mi Clori dando. -Y, al tiempo cuando el sol se va mostrando -por las rosadas puertas orientales, -con suspiros y acentos desiguales, -voy la antigua querella renovando. -Y cuando el sol, de su estrellado asiento, -derechos rayos a la tierra envía, -el llanto crece y doblo los gemidos. -Vuelve la noche, y vuelvo al triste cuento, -y siempre hallo, en mi mortal porfía, -al cielo, sordo; a Clori, sin oídos. - -»Bien le pareció el soneto a Camila, pero mejor a Anselmo, pues le alabó, y -dijo que era demasiadamente cruel la dama que a tan claras verdades no -correspondía. A lo que dijo Camila: - -»—Luego, ¿todo aquello que los poetas enamorados dicen es verdad? - -»—En cuanto poetas, no la dicen —respondió Lotario—; mas, en cuanto -enamorados, siempre quedan tan cortos como verdaderos. - -»—No hay duda deso —replicó Anselmo, todo por apoyar y acreditar los -pensamientos de Lotario con Camila, tan descuidada del artificio de Anselmo -como ya enamorada de Lotario. - -»Y así, con el gusto que de sus cosas tenía, y más, teniendo por entendido -que sus deseos y escritos a ella se encaminaban, y que ella era la -verdadera Clori, le rogó que si otro soneto o otros versos sabía, los -dijese: - -»—Sí sé —respondió Lotario—, pero no creo que es tan bueno como el primero, -o, por mejor decir, menos malo. Y podréislo bien juzgar, pues es éste: - -Soneto - -Yo sé que muero; y si no soy creído, -es más cierto el morir, como es más cierto -verme a tus pies, ¡oh bella ingrata!, muerto, -antes que de adorarte arrepentido. -Podré yo verme en la región de olvido, -de vida y gloria y de favor desierto, -y allí verse podrá en mi pecho abierto -cómo tu hermoso rostro está esculpido. -Que esta reliquia guardo para el duro -trance que me amenaza mi porfía, -que en tu mismo rigor se fortalece. -¡Ay de aquel que navega, el cielo escuro, -por mar no usado y peligrosa vía, -adonde norte o puerto no se ofrece! - -»También alabó este segundo soneto Anselmo, como había hecho el primero, y -desta manera iba añadiendo eslabón a eslabón a la cadena con que se -enlazaba y trababa su deshonra, pues cuando más Lotario le deshonraba, -entonces le decía que estaba más honrado; y, con esto, todos los escalones -que Camila bajaba hacia el centro de su menosprecio, los subía, en la -opinión de su marido, hacia la cumbre de la virtud y de su buena fama. -»Sucedió en esto que, hallándose una vez, entre otras, sola Camila con su -doncella, le dijo: - -»—Corrida estoy, amiga Leonela, de ver en cuán poco he sabido estimarme, -pues siquiera no hice que con el tiempo comprara Lotario la entera posesión -que le di tan presto de mi voluntad. Temo que ha de estimar mi presteza o -ligereza, sin que eche de ver la fuerza que él me hizo para no poder -resistirle. - -»—No te dé pena eso, señora mía —respondió Leonela—, que no está la monta, -ni es causa para menguar la estimación, darse lo que se da presto, si, en -efecto, lo que se da es bueno, y ello por sí digno de estimarse. Y aun -suele decirse que el que luego da, da dos veces. - -»—También se suele decir —dijo Camila— que lo que cuesta poco se estima en -menos. - -»—No corre por ti esa razón —respondió Leonela—, porque el amor, según he -oído decir, unas veces vuela y otras anda, con éste corre y con aquél va -despacio, a unos entibia y a otros abrasa, a unos hiere y a otros mata, en -un mesmo punto comienza la carrera de sus deseos y en aquel mesmo punto la -acaba y concluye, por la mañana suele poner el cerco a una fortaleza y a la -noche la tiene rendida, porque no hay fuerza que le resista. Y, siendo así, -¿de qué te espantas, o de qué temes, si lo mismo debe de haber acontecido a -Lotario, habiendo tomado el amor por instrumento de rendirnos la ausencia -de mi señor? Y era forzoso que en ella se concluyese lo que el amor tenía -determinado, sin dar tiempo al tiempo para que Anselmo le tuviese de -volver, y con su presencia quedase imperfecta la obra. Porque el amor no -tiene otro mejor ministro para ejecutar lo que desea que es la ocasión: de -la ocasión se sirve en todos sus hechos, principalmente en los principios. -Todo esto sé yo muy bien, más de experiencia que de oídas, y algún día te -lo diré, señora, que yo también soy de carne y de sangre moza. Cuanto más, -señora Camila, que no te entregaste ni diste tan luego, que primero no -hubieses visto en los ojos, en los suspiros, en las razones y en las -promesas y dádivas de Lotario toda su alma, viendo en ella y en sus -virtudes cuán digno era Lotario de ser amado. Pues si esto es ansí, no te -asalten la imaginación esos escrupulosos y melindrosos pensamientos, sino -asegúrate que Lotario te estima como tú le estimas a él, y vive con -contento y satisfación de que, ya que caíste en el lazo amoroso, es el que -te aprieta de valor y de estima. Y que no sólo tiene las cuatro eses que -dicen que han de tener los buenos enamorados, sino todo un ABC entero: si -no, escúchame y verás como te le digo de coro. Él es, según yo veo y a mí -me parece, agradecido, bueno, caballero, dadivoso, enamorado, firme, -gallardo, honrado, ilustre, leal, mozo, noble, onesto, principal, -quantioso, rico, y las eses que dicen; y luego, tácito, verdadero. La X no -le cuadra, porque es letra áspera; la Y ya está dicha; la Z, zelador de tu -honra. - -»Rióse Camila del ABC de su doncella, y túvola por más plática en las cosas -de amor que ella decía; y así lo confesó ella, descubriendo a Camila como -trataba amores con un mancebo bien nacido, de la mesma ciudad; de lo cual -se turbó Camila, temiendo que era aquél camino por donde su honra podía -correr riesgo. Apuróla si pasaban sus pláticas a más que serlo. Ella, con -poca vergüenza y mucha desenvoltura, le respondió que sí pasaban; porque es -cosa ya cierta que los descuidos de las señoras quitan la vergüenza a las -criadas, las cuales, cuando ven a las amas echar traspiés, no se les da -nada a ellas de cojear, ni de que lo sepan. - -»No pudo hacer otra cosa Camila sino rogar a Leonela no dijese nada de su -hecho al que decía ser su amante, y que tratase sus cosas con secreto, -porque no viniesen a noticia de Anselmo ni de Lotario. Leonela respondió -que así lo haría, mas cumpliólo de manera que hizo cierto el temor de -Camila de que por ella había de perder su crédito. Porque la deshonesta y -atrevida Leonela, después que vio que el proceder de su ama no era el que -solía, atrevióse a entrar y poner dentro de casa a su amante, confiada que, -aunque su señora le viese, no había de osar descubrille; que este daño -acarrean, entre otros, los pecados de las señoras: que se hacen esclavas de -sus mesmas criadas y se obligan a encubrirles sus deshonestidades y -vilezas, como aconteció con Camila; que, aunque vio una y muchas veces que -su Leonela estaba con su galán en un aposento de su casa, no sólo no la -osaba reñir, mas dábale lugar a que lo encerrase, y quitábale todos los -estorbos, para que no fuese visto de su marido. - -»Pero no los pudo quitar que Lotario no le viese una vez salir, al romper -del alba; el cual, sin conocer quién era, pensó primero que debía de ser -alguna fantasma; mas, cuando le vio caminar, embozarse y encubrirse con -cuidado y recato, cayó de su simple pensamiento y dio en otro, que fuera la -perdición de todos si Camila no lo remediara. Pensó Lotario que aquel -hombre que había visto salir tan a deshora de casa de Anselmo no había -entrado en ella por Leonela, ni aun se acordó si Leonela era en el mundo; -sólo creyó que Camila, de la misma manera que había sido fácil y ligera con -él, lo era para otro; que estas añadiduras trae consigo la maldad de la -mujer mala: que pierde el crédito de su honra con el mesmo a quien se -entregó rogada y persuadida, y cree que con mayor facilidad se entrega a -otros, y da infalible crédito a cualquiera sospecha que desto le venga. Y -no parece sino que le faltó a Lotario en este punto todo su buen -entendimiento, y se le fueron de la memoria todos sus advertidos discursos, -pues, sin hacer alguno que bueno fuese, ni aun razonable, sin más ni más, -antes que Anselmo se levantase, impaciente y ciego de la celosa rabia que -las entrañas le roía, muriendo por vengarse de Camila, que en ninguna cosa -le había ofendido, se fue a Anselmo y le dijo: - -»—Sábete, Anselmo, que ha muchos días que he andado peleando conmigo mesmo, -haciéndome fuerza a no decirte lo que ya no es posible ni justo que más te -encubra. Sábete que la fortaleza de Camila está ya rendida y sujeta a todo -aquello que yo quisiere hacer della; y si he tardado en descubrirte esta -verdad, ha sido por ver si era algún liviano antojo suyo, o si lo hacía por -probarme y ver si eran con propósito firme tratados los amores que, con tu -licencia, con ella he comenzado. Creí, ansimismo, que ella, si fuera la que -debía y la que entrambos pensábamos, ya te hubiera dado cuenta de mi -solicitud, pero, habiendo visto que se tarda, conozco que son verdaderas -las promesas que me ha dado de que, cuando otra vez hagas ausencia de tu -casa, me hablará en la recámara, donde está el repuesto de tus alhajas —y -era la verdad, que allí le solía hablar Camila—; y no quiero que -precipitosamente corras a hacer alguna venganza, pues no está aún cometido -el pecado sino con pensamiento, y podría ser que, desde éste hasta el -tiempo de ponerle por obra, se mudase el de Camila y naciese en su lugar el -arrepentimiento. Y así, ya que, en todo o en parte, has seguido siempre mis -consejos, sigue y guarda uno que ahora te diré, para que sin engaño y con -medroso advertimento te satisfagas de aquello que más vieres que te -convenga. Finge que te ausentas por dos o tres días, como otras veces -sueles, y haz de manera que te quedes escondido en tu recámara, pues los -tapices que allí hay y otras cosas con que te puedas encubrir te ofrecen -mucha comodidad, y entonces verás por tus mismos ojos, y yo por los míos, -lo que Camila quiere; y si fuere la maldad que se puede temer antes que -esperar, con silencio, sagacidad y discreción podrás ser el verdugo de tu -agravio. - -»Absorto, suspenso y admirado quedó Anselmo con las razones de Lotario, -porque le cogieron en tiempo donde menos las esperaba oír, porque ya tenía -a Camila por vencedora de los fingidos asaltos de Lotario y comenzaba a -gozar la gloria del vencimiento. Callando estuvo por un buen espacio, -mirando al suelo sin mover pestaña, y al cabo dijo: - -»—Tú lo has hecho, Lotario, como yo esperaba de tu amistad; en todo he de -seguir tu consejo: haz lo que quisieres y guarda aquel secreto que ves que -conviene en caso tan no pensado. - -»Prometióselo Lotario, y, en apartándose dél, se arrepintió totalmente de -cuanto le había dicho, viendo cuán neciamente había andado, pues pudiera él -vengarse de Camila, y no por camino tan cruel y tan deshonrado. Maldecía su -entendimiento, afeaba su ligera determinación, y no sabía qué medio tomarse -para deshacer lo hecho, o para dalle alguna razonable salida. Al fin, -acordó de dar cuenta de todo a Camila; y, como no faltaba lugar para -poderlo hacer, aquel mismo día la halló sola, y ella, así como vio que le -podía hablar, le dijo. - -»—Sabed, amigo Lotario, que tengo una pena en el corazón que me le aprieta -de suerte que parece que quiere reventar en el pecho, y ha de ser maravilla -si no lo hace, pues ha llegado la desvergüenza de Leonela a tanto, que cada -noche encierra a un galán suyo en esta casa y se está con él hasta el día, -tan a costa de mi crédito cuanto le quedará campo abierto de juzgarlo al -que le viere salir a horas tan inusitadas de mi casa. Y lo que me fatiga es -que no la puedo castigar ni reñir: que el ser ella secretario de nuestros -tratos me ha puesto un freno en la boca para callar los suyos, y temo que -de aquí ha de nacer algún mal suceso. - -»Al principio que Camila esto decía creyó Lotario que era artificio para -desmentille que el hombre que había visto salir era de Leonela, y no suyo; -pero, viéndola llorar y afligirse, y pedirle remedio, vino a creer la -verdad, y, en creyéndola, acabó de estar confuso y arrepentido del todo. -Pero, con todo esto, respondió a Camila que no tuviese pena, que él -ordenaría remedio para atajar la insolencia de Leonela. Díjole asimismo lo -que, instigado de la furiosa rabia de los celos, había dicho a Anselmo, y -cómo estaba concertado de esconderse en la recámara, para ver desde allí a -la clara la poca lealtad que ella le guardaba. Pidióle perdón desta locura, -y consejo para poder remedialla y salir bien de tan revuelto laberinto como -su mal discurso le había puesto. - -»Espantada quedó Camila de oír lo que Lotario le decía, y con mucho enojo y -muchas y discretas razones le riñó y afeó su mal pensamiento y la simple y -mala determinación que había tenido. Pero, como naturalmente tiene la mujer -ingenio presto para el bien y para el mal más que el varón, puesto que le -va faltando cuando de propósito se pone a hacer discursos, luego al -instante halló Camila el modo de remediar tan al parecer inremediable -negocio, y dijo a Lotario que procurase que otro día se escondiese Anselmo -donde decía, porque ella pensaba sacar de su escondimiento comodidad para -que desde allí en adelante los dos se gozasen sin sobresalto alguno; y, sin -declararle del todo su pensamiento, le advirtió que tuviese cuidado que, en -estando Anselmo escondido, él viniese cuando Leonela le llamase, y que a -cuanto ella le dijese le respondiese como respondiera aunque no supiera que -Anselmo le escuchaba. Porfió Lotario que le acabase de declarar su -intención, porque con más seguridad y aviso guardase todo lo que viese ser -necesario. - -»—Digo —dijo Camila— que no hay más que guardar, si no fuere responderme -como yo os preguntare (no queriendo Camila darle antes cuenta de lo que -pensaba hacer, temerosa que no quisiese seguir el parecer que a ella tan -bueno le parecía, y siguiese o buscase otros que no podrían ser tan -buenos). - -»Con esto, se fue Lotario; y Anselmo, otro día, con la escusa de ir aquella -aldea de su amigo, se partió y volvió a esconderse: que lo pudo hacer con -comodidad, porque de industria se la dieron Camila y Leonela. -»Escondido, pues, Anselmo, con aquel sobresalto que se puede imaginar que -tendría el que esperaba ver por sus ojos hacer notomía de las entrañas de -su honra, íbase a pique de perder el sumo bien que él pensaba que tenía en -su querida Camila. Seguras ya y ciertas Camila y Leonela que Anselmo estaba -escondido, entraron en la recámara; y apenas hubo puesto los pies en ella -Camilia, cuando, dando un grande suspiro, dijo: - -»—¡Ay, Leonela amiga! ¿No sería mejor que, antes que llegase a poner en -ejecución lo que no quiero que sepas, porque no procures estorbarlo, que -tomases la daga de Anselmo, que te he pedido, y pasases con ella este -infame pecho mío? Pero no hagas tal, que no será razón que yo lleve la pena -de la ajena culpa. Primero quiero saber qué es lo que vieron en mí los -atrevidos y deshonestos ojos de Lotario que fuese causa de darle -atrevimiento a descubrirme un tan mal deseo como es el que me ha -descubierto, en desprecio de su amigo y en deshonra mía. Ponte, Leonela, a -esa ventana y llámale, que, sin duda alguna, él debe de estar en la calle, -esperando poner en efeto su mala intención. Pero primero se pondrá la cruel -cuanto honrada mía. - -»—¡Ay, señora mía! —respondió la sagaz y advertida Leonela—, y ¿qué es lo -que quieres hacer con esta daga? ¿Quieres por ventura quitarte la vida o -quitársela a Lotario? Que cualquiera destas cosas que quieras ha de -redundar en pérdida de tu crédito y fama. Mejor es que disimules tu -agravio, y no des lugar a que este mal hombre entre ahora en esta casa y -nos halle solas. Mira, señora, que somos flacas mujeres, y él es hombre y -determinado; y, como viene con aquel mal propósito, ciego y apasionado, -quizá antes que tú pongas en ejecución el tuyo, hará él lo que te estaría -más mal que quitarte la vida. ¡Mal haya mi señor Anselmo, que tanto mal ha -querido dar a este desuellacaras en su casa! Y ya, señora, que le mates, -como yo pienso que quieres hacer, ¿qué hemos de hacer dél después de -muerto? - -»—¿Qué, amiga? —respondió Camila—: dejarémosle para que Anselmo le -entierre, pues será justo que tenga por descanso el trabajo que tomare en -poner debajo de la tierra su misma infamia. Llámale, acaba, que todo el -tiempo que tardo en tomar la debida venganza de mi agravio parece que -ofendo a la lealtad que a mi esposo debo. - -»Todo esto escuchaba Anselmo, y, a cada palabra que Camila decía, se le -mudaban los pensamientos; mas, cuando entendió que estaba resuelta en matar -a Lotario, quiso salir y descubrirse, porque tal cosa no se hiciese; pero -detúvole el deseo de ver en qué paraba tanta gallardía y honesta -resolución, con propósito de salir a tiempo que la estorbase. - -»Tomóle en esto a Camila un fuerte desmayo, y, arrojándose encima de una -cama que allí estaba, comenzó Leonela a llorar muy amargamente y a decir: -»—¡Ay, desdichada de mí si fuese tan sin ventura que se me muriese aquí -entre mis brazos la flor de la honestidad del mundo, la corona de las -buenas mujeres, el ejemplo de la castidad...! - -»Con otras cosas a éstas semejantes, que ninguno la escuchara que no la -tuviera por la más lastimada y leal doncella del mundo, y a su señora por -otra nueva y perseguida Penélope. Poco tardó en volver de su desmayo -Camila; y, al volver en sí, dijo: - -»—¿Por qué no vas, Leonela, a llamar al más leal amigo de amigo que vio el -sol o cubrió la noche? Acaba, corre, aguija, camina, no se esfogue con la -tardanza el fuego de la cólera que tengo, y se pase en amenazas y -maldiciones la justa venganza que espero. - -»—Ya voy a llamarle, señora mía —dijo Leonela—, mas hasme de dar primero -esa daga, porque no hagas cosa, en tanto que falto, que dejes con ella que -llorar toda la vida a todos los que bien te quieren. - -»—Ve segura, Leonela amiga, que no haré —respondió Camila—; porque, ya que -sea atrevida y simple a tu parecer en volver por mi honra, no lo he de ser -tanto como aquella Lucrecia de quien dicen que se mató sin haber cometido -error alguno, y sin haber muerto primero a quien tuvo la causa de su -desgracia. Yo moriré, si muero, pero ha de ser vengada y satisfecha del que -me ha dado ocasión de venir a este lugar a llorar sus atrevimientos, -nacidos tan sin culpa mía. - -»Mucho se hizo de rogar Leonela antes que saliese a llamar a Lotario, pero, -en fin, salió; y, entre tanto que volvía, quedó Camilia diciendo, como que -hablaba consigo misma: - -»—¡Válame Dios! ¿No fuera más acertado haber despedido a Lotario, como -otras muchas veces lo he hecho, que no ponerle en condición, como ya le he -puesto, que me tenga por deshonesta y mala, siquiera este tiempo que he de -tardar en desengañarle? Mejor fuera, sin duda; pero no quedara yo vengada, -ni la honra de mi marido satisfecha, si tan a manos lavadas y tan a paso -llano se volviera a salir de donde sus malos pensamientos le entraron. -Pague el traidor con la vida lo que intentó con tan lascivo deseo: sepa el -mundo, si acaso llegare a saberlo, de que Camila no sólo guardó la lealtad -a su esposo, sino que le dio venganza del que se atrevió a ofendelle. Mas, -con todo, creo que fuera mejor dar cuenta desto a Anselmo, pero ya se la -apunté a dar en la carta que le escribí al aldea, y creo que el no acudir -él al remedio del daño que allí le señalé, debió de ser que, de puro bueno -y confiado, no quiso ni pudo creer que en el pecho de su tan firme amigo -pudiese caber género de pensamiento que contra su honra fuese; ni aun yo lo -creí después, por muchos días, ni lo creyera jamás, si su insolencia no -llegara a tanto, que las manifiestas dádivas y las largas promesas y las -continuas lágrimas no me lo manifestaran. Mas, ¿para qué hago yo ahora -estos discursos? ¿Tiene, por ventura, una resulución gallarda necesidad de -consejo alguno? No, por cierto. ¡Afuera, pues, traidores; aquí, venganzas! -¡Entre el falso, venga, llegue, muera y acabe, y suceda lo que sucediere! -Limpia entré en poder del que el cielo me dio por mío, limpia he de salir -dél; y, cuando mucho, saldré bañada en mi casta sangre, y en la impura del -más falso amigo que vio la amistad en el mundo. - -»Y, diciendo esto, se paseaba por la sala con la daga desenvainada, dando -tan desconcertados y desaforados pasos, y haciendo tales ademanes, que no -parecía sino que le faltaba el juicio, y que no era mujer delicada, sino un -rufián desesperado. - -»Todo lo miraba Anselmo, cubierto detrás de unos tapices donde se había -escondido, y de todo se admiraba, y ya le parecía que lo que había visto y -oído era bastante satisfación para mayores sospechas; y ya quisiera que la -prueba de venir Lotario faltara, temeroso de algún mal repentino suceso. Y, -estando ya para manifestarse y salir, para abrazar y desengañar a su -esposa, se detuvo porque vio que Leonela volvía con Lotario de la mano; y, -así como Camila le vio, haciendo con la daga en el suelo una gran raya -delante della, le dijo: - -»—Lotario, advierte lo que te digo: si a dicha te atrevieres a pasar desta -raya que ves, ni aun llegar a ella, en el punto que viere que lo intentas, -en ese mismo me pasaré el pecho con esta daga que en las manos tengo. Y, -antes que a esto me respondas palabra, quiero que otras algunas me -escuches; que después responderás lo que más te agradare. Lo primero, -quiero, Lotario, que me digas si conoces a Anselmo, mi marido, y en qué -opinión le tienes; y lo segundo, quiero saber también si me conoces a mí. -Respóndeme a esto, y no te turbes, ni pienses mucho lo que has de -responder, pues no son dificultades las que te pregunto. - -»No era tan ignorante Lotario que, desde el primer punto que Camila le dijo -que hiciese esconder a Anselmo, no hubiese dado en la cuenta de lo que ella -pensaba hacer; y así, correspondió con su intención tan discretamente, y -tan a tiempo, que hicieran los dos pasar aquella mentira por más que cierta -verdad; y así, respondió a Camila desta manera: - -»—No pensé yo, hermosa Camila, que me llamabas para preguntarme cosas tan -fuera de la intención con que yo aquí vengo. Si lo haces por dilatarme la -prometida merced, desde más lejos pudieras entretenerla, porque tanto más -fatiga el bien deseado cuanto la esperanza está más cerca de poseello; -pero, porque no digas que no respondo a tus preguntas, digo que conozco a -tu esposo Anselmo, y nos conocemos los dos desde nuestros más tiernos años; -y no quiero decir lo que tú tan bien sabes de nuestra amistad, por no me -hacer testigo del agravio que el amor hace que le haga, poderosa disculpa -de mayores yerros. A ti te conozco y tengo en la misma posesión que él te -tiene; que, a no ser así, por menos prendas que las tuyas no había yo de ir -contra lo que debo a ser quien soy y contra las santas leyes de la -verdadera amistad, ahora por tan poderoso enemigo como el amor por mí -rompidas y violadas. - -»—Si eso confiesas —respondió Camila—, enemigo mortal de todo aquello que -justamente merece ser amado, ¿con qué rostro osas parecer ante quien sabes -que es el espejo donde se mira aquel en quien tú te debieras mirar, para -que vieras con cuán poca ocasión le agravias? Pero ya cayo, ¡ay, desdichada -de mí!, en la cuenta de quién te ha hecho tener tan poca con lo que a ti -mismo debes, que debe de haber sido alguna desenvoltura mía, que no quiero -llamarla deshonestidad, pues no habrá procedido de deliberada -determinación, sino de algún descuido de los que las mujeres que piensan -que no tienen de quién recatarse suelen hacer inadvertidamente. Si no, -dime: ¿cuándo, ¡oh traidor!, respondí a tus ruegos con alguna palabra o -señal que pudiese despertar en ti alguna sombra de esperanza de cumplir tus -infames deseos? ¿Cuándo tus amorosas palabras no fueron deshechas y -reprehendidas de las mías con rigor y con aspereza? ¿Cuándo tus muchas -promesas y mayores dádivas fueron de mí creídas, ni admitidas? Pero, por -parecerme que alguno no puede perseverar en el intento amoroso luengo -tiempo, si no es sustentado de alguna esperanza, quiero atribuirme a mí la -culpa de tu impertinencia, pues, sin duda, algún descuido mío ha sustentado -tanto tiempo tu cuidado; y así, quiero castigarme y darme la pena que tu -culpa merece. Y, porque vieses que, siendo conmigo tan inhumana, no era -posible dejar de serlo contigo, quise traerte a ser testigo del sacrificio -que pienso hacer a la ofendida honra de mi tan honrado marido, agraviado de -ti con el mayor cuidado que te ha sido posible, y de mí también con el poco -recato que he tenido del huir la ocasión, si alguna te di, para favorecer y -canonizar tus malas intenciones. Torno a decir que la sospecha que tengo -que algún descuido mío engendró en ti tan desvariados pensamientos es la -que más me fatiga, y la que yo más deseo castigar con mis propias manos, -porque, castigándome otro verdugo, quizá sería más pública mi culpa; pero, -antes que esto haga, quiero matar muriendo, y llevar conmigo quien me acabe -de satisfacer el deseo de la venganza que espero y tengo, viendo allá, -dondequiera que fuere, la pena que da la justicia desinteresada y que no se -dobla al que en términos tan desesperados me ha puesto. - -»Y, diciendo estas razones, con una increíble fuerza y ligereza arremetió a -Lotario con la daga desenvainada, con tales muestras de querer enclavársela -en el pecho, que casi él estuvo en duda si aquellas demostraciones eran -falsas o verdaderas, porque le fue forzoso valerse de su industria y de su -fuerza para estorbar que Camila no le diese. La cual tan vivamente fingía -aquel estraño embuste y fealdad que, por dalle color de verdad, la quiso -matizar con su misma sangre; porque, viendo que no podía haber a Lotario, o -fingiendo que no podía, dijo: - -»—Pues la suerte no quiere satisfacer del todo mi tan justo deseo, a lo -menos, no será tan poderosa que, en parte, me quite que no le satisfaga. -Y, haciendo fuerza para soltar la mano de la daga, que Lotario la tenía -asida, la sacó, y, guiando su punta por parte que pudiese herir no -profundamente, se la entró y escondió por más arriba de la islilla del lado -izquierdo, junto al hombro, y luego se dejó caer en el suelo, como -desmayada. - -»Estaban Leonela y Lotario suspensos y atónitos de tal suceso, y todavía -dudaban de la verdad de aquel hecho, viendo a Camila tendida en tierra y -bañada en su sangre. Acudió Lotario con mucha presteza, despavorido y sin -aliento, a sacar la daga, y, en ver la pequeña herida, salió del temor que -hasta entonces tenía, y de nuevo se admiró de la sagacidad, prudencia y -mucha discreción de la hermosa Camila; y, por acudir con lo que a él le -tocaba, comenzó a hacer una larga y triste lamentación sobre el cuerpo de -Camila, como si estuviera difunta, echándose muchas maldiciones, no sólo a -él, sino al que había sido causa de habelle puesto en aquel término. Y, -como sabía que le escuchaba su amigo Anselmo, decía cosas que el que le -oyera le tuviera mucha más lástima que a Camila, aunque por muerta la -juzgara. - -»Leonela la tomó en brazos y la puso en el lecho, suplicando a Lotario -fuese a buscar quien secretamente a Camila curase; pedíale asimismo consejo -y parecer de lo que dirían a Anselmo de aquella herida de su señora, si -acaso viniese antes que estuviese sana. Él respondió que dijesen lo que -quisiesen, que él no estaba para dar consejo que de provecho fuese; sólo le -dijo que procurase tomarle la sangre, porque él se iba adonde gentes no le -viesen. Y, con muestras de mucho dolor y sentimiento, se salió de casa; y, -cuando se vio solo y en parte donde nadie le veía, no cesaba de hacerse -cruces, maravillándose de la industria de Camila y de los ademanes tan -proprios de Leonela. Consideraba cuán enterado había de quedar Anselmo de -que tenía por mujer a una segunda Porcia, y deseaba verse con él para -celebrar los dos la mentira y la verdad más disimulada que jamás pudiera -imaginarse. - -»Leonela tomó, como se ha dicho, la sangre a su señora, que no era más de -aquello que bastó para acreditar su embuste; y, lavando con un poco de vino -la herida, se la ató lo mejor que supo, diciendo tales razones, en tanto -que la curaba, que, aunque no hubieran precedido otras, bastaran a hacer -creer a Anselmo que tenía en Camila un simulacro de la honestidad. -»Juntáronse a las palabras de Leonela otras de Camila, llamándose cobarde y -de poco ánimo, pues le había faltado al tiempo que fuera más necesario -tenerle, para quitarse la vida, que tan aborrecida tenía. Pedía consejo a -su doncella si daría, o no, todo aquel suceso a su querido esposo; la cual -le dijo que no se lo dijese, porque le pondría en obligación de vengarse de -Lotario, lo cual no podría ser sin mucho riesgo suyo, y que la buena mujer -estaba obligada a no dar ocasión a su marido a que riñese, sino a quitalle -todas aquellas que le fuese posible. - -»Respondió Camila que le parecía muy bien su parecer y que ella le -seguiría; pero que en todo caso convenía buscar qué decir a Anselmo de la -causa de aquella herida, que él no podría dejar de ver; a lo que Leonela -respondía que ella, ni aun burlando, no sabía mentir. - -»—Pues yo, hermana —replicó Camila—, ¿qué tengo de saber, que no me -atreveré a forjar ni sustentar una mentira, si me fuese en ello la vida? Y -si es que no hemos de saber dar salida a esto, mejor será decirle la verdad -desnuda, que no que nos alcance en mentirosa cuenta. - -»—No tengas pena, señora: de aquí a mañana —respondió Leonela— yo pensaré -qué le digamos, y quizá que, por ser la herida donde es, la podrás -encubrir sin que él la vea, y el cielo será servido de favorecer a nuestros -tan justos y tan honrados pensamientos. Sosiégate, señora mía, y procura -sosegar tu alteración, porque mi señor no te halle sobresaltada, y lo demás -déjalo a mi cargo, y al de Dios, que siempre acude a los buenos deseos. -»Atentísimo había estado Anselmo a escuchar y a ver representar la tragedia -de la muerte de su honra; la cual con tan estraños y eficaces afectos la -representaron los personajes della, que pareció que se habían transformado -en la misma verdad de lo que fingían. Deseaba mucho la noche, y el tener -lugar para salir de su casa, y ir a verse con su buen amigo Lotario, -congratulándose con él de la margarita preciosa que había hallado en el -desengaño de la bondad de su esposa. Tuvieron cuidado las dos de darle -lugar y comodidad a que saliese, y él, sin perdella, salió y luego fue a -buscar a Lotario, el cual hallado, no se puede buenamente contar los -abrazos que le dio, las cosas que de su contento le dijo, las alabanzas que -dio a Camila. Todo lo cual escuchó Lotario sin poder dar muestras de alguna -alegría, porque se le representaba a la memoria cuán engañado estaba su -amigo y cuán injustamente él le agraviaba. Y, aunque Anselmo veía que -Lotario no se alegraba, creía ser la causa por haber dejado a Camila herida -y haber él sido la causa; y así, entre otras razones, le dijo que no -tuviese pena del suceso de Camila, porque, sin duda, la herida era ligera, -pues quedaban de concierto de encubrírsela a él; y que, según esto, no -había de qué temer, sino que de allí adelante se gozase y alegrase con él, -pues por su industria y medio él se veía levantado a la más alta felicidad -que acertara desearse, y quería que no fuesen otros sus entretenimientos -que en hacer versos en alabanza de Camila, que la hiciesen eterna en la -memoria de los siglos venideros. Lotario alabó su buena determinación y -dijo que él, por su parte, ayudaría a levantar tan ilustre edificio. -»Con esto quedó Anselmo el hombre más sabrosamente engañado que pudo haber -en el mundo: él mismo llevó por la mano a su casa, creyendo que llevaba el -instrumento de su gloria, toda la perdición de su fama. Recebíale Camila -con rostro, al parecer, torcido, aunque con alma risueña. Duró este engaño -algunos días, hasta que, al cabo de pocos meses, volvió Fortuna su rueda y -salió a plaza la maldad con tanto artificio hasta allí cubierta, y a -Anselmo le costó la vida su impertinente curiosidad.» - - - - -Capítulo XXXV. Donde se da fin a la novela del Curioso impertinente - -Poco más quedaba por leer de la novela, cuando del caramanchón donde -reposaba don Quijote salió Sancho Panza todo alborotado, diciendo a voces: - -— Acudid, señores, presto y socorred a mi señor, que anda envuelto en la más -reñida y trabada batalla que mis ojos han visto. ¡Vive Dios, que ha dado -una cuchillada al gigante enemigo de la señora princesa Micomicona, que le -ha tajado la cabeza, cercen a cercen, como si fuera un nabo! - -— ¿Qué dices, hermano? —dijo el cura, dejando de leer lo que de la novela -quedaba—. ¿Estáis en vos, Sancho? ¿Cómo diablos puede ser eso que decís, -estando el gigante dos mil leguas de aquí? - -En esto, oyeron un gran ruido en el aposento, y que don Quijote decía a -voces: - -— ¡Tente, ladrón, malandrín, follón, que aquí te tengo, y no te ha de valer -tu cimitarra! - -Y parecía que daba grandes cuchilladas por las paredes. Y dijo Sancho: - -— No tienen que pararse a escuchar, sino entren a despartir la pelea, o a -ayudar a mi amo; aunque ya no será menester, porque, sin duda alguna, el -gigante está ya muerto, y dando cuenta a Dios de su pasada y mala vida, que -yo vi correr la sangre por el suelo, y la cabeza cortada y caída a un lado, -que es tamaña como un gran cuero de vino. - -— Que me maten —dijo a esta sazón el ventero— si don Quijote, o don diablo, -no ha dado alguna cuchillada en alguno de los cueros de vino tinto que a su -cabecera estaban llenos, y el vino derramado debe de ser lo que le parece -sangre a este buen hombre. - -Y, con esto, entró en el aposento, y todos tras él, y hallaron a don -Quijote en el más estraño traje del mundo: estaba en camisa, la cual no era -tan cumplida que por delante le acabase de cubrir los muslos, y por detrás -tenía seis dedos menos; las piernas eran muy largas y flacas, llenas de -vello y no nada limpias; tenía en la cabeza un bonetillo colorado, -grasiento, que era del ventero; en el brazo izquierdo tenía revuelta la -manta de la cama, con quien tenía ojeriza Sancho, y él se sabía bien el -porqué; y en la derecha, desenvainada la espada, con la cual daba -cuchilladas a todas partes, diciendo palabras como si verdaderamente -estuviera peleando con algún gigante. Y es lo bueno que no tenía los ojos -abiertos, porque estaba durmiendo y soñando que estaba en batalla con el -gigante; que fue tan intensa la imaginación de la aventura que iba a -fenecer, que le hizo soñar que ya había llegado al reino de Micomicón, y -que ya estaba en la pelea con su enemigo. Y había dado tantas cuchilladas -en los cueros, creyendo que las daba en el gigante, que todo el aposento -estaba lleno de vino; lo cual visto por el ventero, tomó tanto enojo que -arremetió con don Quijote, y a puño cerrado le comenzó a dar tantos golpes -que si Cardenio y el cura no se le quitaran, él acabara la guerra del -gigante; y, con todo aquello, no despertaba el pobre caballero, hasta que -el barbero trujo un gran caldero de agua fría del pozo y se le echó por -todo el cuerpo de golpe, con lo cual despertó don Quijote; mas no con tanto -acuerdo que echase de ver de la manera que estaba. - -Dorotea, que vio cuán corta y sotilmente estaba vestido, no quiso entrar a -ver la batalla de su ayudador y de su contrario. - -Andaba Sancho buscando la cabeza del gigante por todo el suelo, y, como no -la hallaba, dijo: - -— Ya yo sé que todo lo desta casa es encantamento; que la otra vez, en este -mesmo lugar donde ahora me hallo, me dieron muchos mojicones y porrazos, -sin saber quién me los daba, y nunca pude ver a nadie; y ahora no parece -por aquí esta cabeza que vi cortar por mis mismísimos ojos, y la sangre -corría del cuerpo como de una fuente. - -— ¿Qué sangre ni qué fuente dices, enemigo de Dios y de sus santos? —dijo el -ventero—. ¿No vees, ladrón, que la sangre y la fuente no es otra cosa que -estos cueros que aquí están horadados y el vino tinto que nada en este -aposento, que nadando vea yo el alma en los infiernos de quien los horadó? -— No sé nada —respondió Sancho—; sólo sé que vendré a ser tan desdichado -que, por no hallar esta cabeza, se me ha de deshacer mi condado como la sal -en el agua. - -Y estaba peor Sancho despierto que su amo durmiendo: tal le tenían las -promesas que su amo le había hecho. El ventero se desesperaba de ver la -flema del escudero y el maleficio del señor, y juraba que no había de ser -como la vez pasada, que se le fueron sin pagar; y que ahora no le habían de -valer los previlegios de su caballería para dejar de pagar lo uno y lo -otro, aun hasta lo que pudiesen costar las botanas que se habían de echar a -los rotos cueros. - -Tenía el cura de las manos a don Quijote, el cual, creyendo que ya había -acabado la aventura, y que se hallaba delante de la princesa Micomicona, se -hincó de rodillas delante del cura, diciendo: - -— Bien puede la vuestra grandeza, alta y famosa señora, vivir, de hoy más, -segura que le pueda hacer mal esta mal nacida criatura; y yo también, de -hoy más, soy quito de la palabra que os di, pues, con el ayuda del alto -Dios y con el favor de aquella por quien yo vivo y respiro, tan bien la he -cumplido. - -— ¿No lo dije yo? —dijo oyendo esto Sancho—. Sí que no estaba yo borracho: -¡mirad si tiene puesto ya en sal mi amo al gigante! ¡Ciertos son los toros: -mi condado está de molde! - -¿Quién no había de reír con los disparates de los dos, amo y mozo? Todos -reían sino el ventero, que se daba a Satanás. Pero, en fin, tanto hicieron -el barbero, Cardenio y el cura que, con no poco trabajo, dieron con don -Quijote en la cama, el cual se quedó dormido, con muestras de grandísimo -cansancio. Dejáronle dormir, y saliéronse al portal de la venta a consolar -a Sancho Panza de no haber hallado la cabeza del gigante; aunque más -tuvieron que hacer en aplacar al ventero, que estaba desesperado por la -repentina muerte de sus cueros. Y la ventera decía en voz y en grito: -— En mal punto y en hora menguada entró en mi casa este caballero andante, -que nunca mis ojos le hubieran visto, que tan caro me cuesta. La vez pasada -se fue con el costo de una noche, de cena, cama, paja y cebada, para él y -para su escudero, y un rocín y un jumento, diciendo que era caballero -aventurero (que mala ventura le dé Dios a él y a cuantos aventureros hay en -el mundo) y que por esto no estaba obligado a pagar nada, que así estaba -escrito en los aranceles de la caballería andantesca. Y ahora, por su -respeto, vino estotro señor y me llevó mi cola, y hámela vuelto con más de -dos cuartillos de daño, toda pelada, que no puede servir para lo que la -quiere mi marido. Y, por fin y remate de todo, romperme mis cueros y -derramarme mi vino; que derramada le vea yo su sangre. ¡Pues no se piense; -que, por los huesos de mi padre y por el siglo de mi madre, si no me lo han -de pagar un cuarto sobre otro, o no me llamaría yo como me llamo ni sería -hija de quien soy! - -Estas y otras razones tales decía la ventera con grande enojo, y ayudábala -su buena criada Maritornes. La hija callaba, y de cuando en cuando se -sonreía. El cura lo sosegó todo, prometiendo de satisfacerles su pérdida lo -mejor que pudiese, así de los cueros como del vino, y principalmente del -menoscabo de la cola, de quien tanta cuenta hacían. Dorotea consoló a -Sancho Panza diciéndole que cada y cuando que pareciese haber sido verdad -que su amo hubiese descabezado al gigante, le prometía, en viéndose -pacífica en su reino, de darle el mejor condado que en él hubiese. -Consolóse con esto Sancho, y aseguró a la princesa que tuviese por cierto -que él había visto la cabeza del gigante, y que, por más señas, tenía una -barba que le llegaba a la cintura; y que si no parecía, era porque todo -cuanto en aquella casa pasaba era por vía de encantamento, como él lo había -probado otra vez que había posado en ella. Dorotea dijo que así lo creía, y -que no tuviese pena, que todo se haría bien y sucedería a pedir de boca. -Sosegados todos, el cura quiso acabar de leer la novela, porque vio que -faltaba poco. Cardenio, Dorotea y todos los demás le rogaron la acabase. -Él, que a todos quiso dar gusto, y por el que él tenía de leerla, prosiguió -el cuento, que así decía: - -«Sucedió, pues, que, por la satisfación que Anselmo tenía de la bondad de -Camila, vivía una vida contenta y descuidada, y Camila, de industria, hacía -mal rostro a Lotario, porque Anselmo entendiese al revés de la voluntad que -le tenía; y, para más confirmación de su hecho, pidió licencia Lotario para -no venir a su casa, pues claramente se mostraba la pesadumbre que con su -vista Camila recebía; mas el engañado Anselmo le dijo que en ninguna manera -tal hiciese. Y, desta manera, por mil maneras era Anselmo el fabricador de -su deshonra, creyendo que lo era de su gusto. - -»En esto, el que tenía Leonela de verse cualificada, no de con sus amores, -llegó a tanto que, sin mirar a otra cosa, se iba tras él a suelta rienda, -fiada en que su señora la encubría, y aun la advertía del modo que con poco -recelo pudiese ponerle en ejecución. En fin, una noche sintió Anselmo pasos -en el aposento de Leonela, y, queriendo entrar a ver quién los daba, sintió -que le detenían la puerta, cosa que le puso más voluntad de abrirla; y -tanta fuerza hizo, que la abrió, y entró dentro a tiempo que vio que un -hombre saltaba por la ventana a la calle; y, acudiendo con presteza a -alcanzarle o conocerle, no pudo conseguir lo uno ni lo otro, porque Leonela -se abrazó con él, diciéndole: - -»—Sosiégate, señor mío, y no te alborotes, ni sigas al que de aquí saltó; -es cosa mía, y tanto, que es mi esposo. - -»No lo quiso creer Anselmo; antes, ciego de enojo, sacó la daga y quiso -herir a Leonela, diciéndole que le dijese la verdad, si no, que la mataría. -Ella, con el miedo, sin saber lo que se decía, le dijo: - -»—No me mates, señor, que yo te diré cosas de más importancia de las que -puedes imaginar. - -»—Dilas luego —dijo Anselmo—; si no, muerta eres. - -»—Por ahora será imposible —dijo Leonela—, según estoy de turbada; déjame -hasta mañana, que entonces sabrás de mí lo que te ha de admirar; y está -seguro que el que saltó por esta ventana es un mancebo desta ciudad, que me -ha dado la mano de ser mi esposo. - -»Sosegóse con esto Anselmo y quiso aguardar el término que se le pedía, -porque no pensaba oír cosa que contra Camila fuese, por estar de su bondad -tan satisfecho y seguro; y así, se salió del aposento y dejó encerrada en -él a Leonela, diciéndole que de allí no saldría hasta que le dijese lo que -tenía que decirle. - -»Fue luego a ver a Camila y a decirle, como le dijo, todo aquello que con -su doncella le había pasado, y la palabra que le había dado de decirle -grandes cosas y de importancia. Si se turbó Camila o no, no hay para qué -decirlo, porque fue tanto el temor que cobró, creyendo verdaderamente —y -era de creer— que Leonela había de decir a Anselmo todo lo que sabía de su -poca fe, que no tuvo ánimo para esperar si su sospecha salía falsa o no. Y -aquella mesma noche, cuando le pareció que Anselmo dormía, juntó las -mejores joyas que tenía y algunos dineros, y, sin ser de nadie sentida, -salió de casa y se fue a la de Lotario, a quien contó lo que pasaba, y le -pidió que la pusiese en cobro, o que se ausentasen los dos donde de Anselmo -pudiesen estar seguros. La confusión en que Camila puso a Lotario fue tal, -que no le sabía responder palabra, ni menos sabía resolverse en lo que -haría. - -»En fin, acordó de llevar a Camila a un monesterio, en quien era priora una -su hermana. Consintió Camila en ello, y, con la presteza que el caso pedía, -la llevó Lotario y la dejó en el monesterio, y él, ansimesmo, se ausentó -luego de la ciudad, sin dar parte a nadie de su ausencia. - -»Cuando amaneció, sin echar de ver Anselmo que Camila faltaba de su lado, -con el deseo que tenía de saber lo que Leonela quería decirle, se levantó y -fue adonde la había dejado encerrada. Abrió y entró en el aposento, pero no -halló en él a Leonela: sólo halló puestas unas sábanas añudadas a la -ventana, indicio y señal que por allí se había descolgado e ido. Volvió -luego muy triste a decírselo a Camila, y, no hallándola en la cama ni en -toda la casa, quedó asombrado.Preguntó a los criados de casa por ella, pero -nadie le supo dar razón de lo que pedía. - -»Acertó acaso, andando a buscar a Camila, que vio sus cofres abiertos y que -dellos faltaban las más de sus joyas, y con esto acabó de caer en la cuenta -de su desgracia, y en que no era Leonela la causa de su desventura. Y, ansí -como estaba, sin acabarse de vestir, triste y pensativo, fue a dar cuenta -de su desdicha a su amigo Lotario. Mas, cuando no le halló, y sus criados -le dijeron que aquella noche había faltado de casa y había llevado consigo -todos los dineros que tenía, pensó perder el juicio. Y, para acabar de -concluir con todo, volviéndose a su casa, no halló en ella ninguno de -cuantos criados ni criadas tenía, sino la casa desierta y sola. - -»No sabía qué pensar, qué decir, ni qué hacer, y poco a poco se le iba -volviendo el juicio. Contemplábase y mirábase en un instante sin mujer, sin -amigo y sin criados; desamparado, a su parecer, del cielo que le cubría, y -sobre todo sin honra, porque en la falta de Camila vio su perdición. - -»Resolvióse, en fin, a cabo de una gran pieza, de irse a la aldea de su -amigo, donde había estado cuando dio lugar a que se maquinase toda aquella -desventura. Cerró las puertas de su casa, subió a caballo, y con desmayado -aliento se puso en camino; y, apenas hubo andado la mitad, cuando, acosado -de sus pensamientos, le fue forzoso apearse y arrendar su caballo a un -árbol, a cuyo tronco se dejó caer, dando tiernos y dolorosos suspiros, y -allí se estuvo hasta casi que anochecía; y aquella hora vio que venía un -hombre a caballo de la ciudad, y, después de haberle saludado, le preguntó -qué nuevas había en Florencia. El ciudadano respondió: - -»—Las más estrañas que muchos días ha se han oído en ella; porque se dice -públicamente que Lotario, aquel grande amigo de Anselmo el rico, que vivía -a San Juan, se llevó esta noche a Camila, mujer de Anselmo, el cual tampoco -parece. Todo esto ha dicho una criada de Camila, que anoche la halló el -gobernador descolgándose con una sábana por las ventanas de la casa de -Anselmo. En efeto, no sé puntualmente cómo pasó el negocio; sólo sé que -toda la ciudad está admirada deste suceso, porque no se podía esperar tal -hecho de la mucha y familiar amistad de los dos, que dicen que era tanta, -que los llamaban los dos amigos. - -»—¿Sábese, por ventura —dijo Anselmo—, el camino que llevan Lotario y -Camila? - -»—Ni por pienso —dijo el ciudadano—, puesto que el gobernador ha usado de -mucha diligencia en buscarlos - -»—A Dios vais, señor —dijo Anselmo. - -»—Con Él quedéis —respondió el ciudadano, y fuese. - -»Con tan desdichadas nuevas, casi casi llegó a términos Anselmo, no sólo de -perder el juicio, sino de acabar la vida. Levantóse como pudo y llegó a -casa de su amigo, que aún no sabía su desgracia; mas, como le vio llegar -amarillo, consumido y seco, entendió que de algún grave mal venía fatigado. -Pidió luego Anselmo que le acostasen, y que le diesen aderezo de escribir. -Hízose así, y dejáronle acostado y solo, porque él así lo quiso, y aun que -le cerrasen la puerta. Viéndose, pues, solo, comenzó a cargar tanto la -imaginación de su desventura, que claramente conoció que se le iba acabando -la vida; y así, ordenó de dejar noticia de la causa de su estraña muerte; -y, comenzando a escribir, antes que acabase de poner todo lo que quería, le -faltó el aliento y dejó la vida en las manos del dolor que le causó su -curiosidad impertinente. - -»Viendo el señor de casa que era ya tarde y que Anselmo no llamaba, acordó -de entrar a saber si pasaba adelante su indisposición, y hallóle tendido -boca abajo, la mitad del cuerpo en la cama y la otra mitad sobre el bufete, -sobre el cual estaba con el papel escrito y abierto, y él tenía aún la -pluma en la mano. Llegóse el huésped a él, habiéndole llamado primero; y, -trabándole por la mano, viendo que no le respondía y hallándole frío, vio -que estaba muerto. Admiróse y congojóse en gran manera, y llamó a la gente -de casa para que viesen la desgracia a Anselmo sucedida; y, finalmente, -leyó el papel, que conoció que de su mesma mano estaba escrito, el cual -contenía estas razones: - -Un necio e impertinente deseo me quitó la vida. Si las nuevas de mi muerte -llegaren a los oídos de Camila, sepa que yo la perdono, porque no estaba -ella obligada a hacer milagros, ni yo tenía necesidad de querer que ella -los hiciese; y, pues yo fui el fabricador de mi deshonra, no hay para -qué... - -»Hasta aquí escribió Anselmo, por donde se echó de ver que en aquel punto, -sin poder acabar la razón, se le acabó la vida. Otro día dio aviso su amigo -a los parientes de Anselmo de su muerte, los cuales ya sabían su desgracia, -y el monesterio donde Camila estaba, casi en el término de acompañar a su -esposo en aquel forzoso viaje, no por las nuevas del muerto esposo, mas por -las que supo del ausente amigo. Dícese que, aunque se vio viuda, no quiso -salir del monesterio, ni, menos, hacer profesión de monja, hasta que, no de -allí a muchos días, le vinieron nuevas que Lotario había muerto en una -batalla que en aquel tiempo dio monsiur de Lautrec al Gran Capitán Gonzalo -Fernández de Córdoba en el reino de Nápoles, donde había ido a parar el -tarde arrepentido amigo; lo cual sabido por Camila, hizo profesión, y acabó -en breves días la vida a las rigurosas manos de tristezas y melancolías. -Éste fue el fin que tuvieron todos, nacido de un tan desatinado principio.» - -— Bien —dijo el cura— me parece esta novela, pero no me puedo persuadir que -esto sea verdad; y si es fingido, fingió mal el autor, porque no se puede -imaginar que haya marido tan necio que quiera hacer tan costosa experiencia -como Anselmo. Si este caso se pusiera entre un galán y una dama, pudiérase -llevar, pero entre marido y mujer, algo tiene del imposible; y, en lo que -toca al modo de contarle, no me descontenta. - - - - -Capítulo XXXVI. Que trata de la brava y descomunal batalla que don Quijote -tuvo con unos cueros de vino tinto, con otros raros sucesos que en la venta -le sucedieron - -Estando en esto, el ventero, que estaba a la puerta de la venta, dijo: - -— Esta que viene es una hermosa tropa de huéspedes: si ellos paran aquí, -gaudeamus tenemos. - -— ¿Qué gente es? —dijo Cardenio. - -— Cuatro hombres —respondió el ventero— vienen a caballo, a la jineta, con -lanzas y adargas, y todos con antifaces negros; y junto con ellos viene una -mujer vestida de blanco, en un sillón, ansimesmo cubierto el rostro, y -otros dos mozos de a pie. - -— ¿Vienen muy cerca? —preguntó el cura. - -— Tan cerca —respondió el ventero—, que ya llegan. - -Oyendo esto Dorotea, se cubrió el rostro, y Cardenio se entró en el -aposento de don Quijote; y casi no habían tenido lugar para esto, cuando -entraron en la venta todos los que el ventero había dicho; y, apeándose los -cuatro de a caballo, que de muy gentil talle y disposición eran, fueron a -apear a la mujer que en el sillón venía; y, tomándola uno dellos en sus -brazos, la sentó en una silla que estaba a la entrada del aposento donde -Cardenio se había escondido. En todo este tiempo, ni ella ni ellos se -habían quitado los antifaces, ni hablado palabra alguna; sólo que, al -sentarse la mujer en la silla, dio un profundo suspiro y dejó caer los -brazos, como persona enferma y desmayada. Los mozos de a pie llevaron los -caballos a la caballeriza. - -Viendo esto el cura, deseoso de saber qué gente era aquella que con tal -traje y tal silencio estaba, se fue donde estaban los mozos, y a uno dellos -le preguntó lo que ya deseaba; el cual le respondió: - -— Pardiez, señor, yo no sabré deciros qué gente sea ésta; sólo sé que -muestra ser muy principal, especialmente aquel que llegó a tomar en sus -brazos a aquella señora que habéis visto; y esto dígolo porque todos los -demás le tienen respeto, y no se hace otra cosa más de la que él ordena y -manda. - -— Y la señora, ¿quién es? —preguntó el cura. - -— Tampoco sabré decir eso —respondió el mozo—, porque en todo el camino no -la he visto el rostro; suspirar sí la he oído muchas veces, y dar unos -gemidos que parece que con cada uno dellos quiere dar el alma. Y no es de -maravillar que no sepamos más de lo que habemos dicho, porque mi compañero -y yo no ha más de dos días que los acompañamos; porque, habiéndolos -encontrado en el camino, nos rogaron y persuadieron que viniésemos con -ellos hasta el Andalucía, ofreciéndose a pagárnoslo muy bien. - -— ¿Y habéis oído nombrar a alguno dellos? —preguntó el cura. - -— No, por cierto —respondió el mozo—, porque todos caminan con tanto -silencio que es maravilla, porque no se oye entre ellos otra cosa que los -suspiros y sollozos de la pobre señora, que nos mueven a lástima; y sin -duda tenemos creído que ella va forzada dondequiera que va, y, según se -puede colegir por su hábito, ella es monja, o va a serlo, que es lo más -cierto, y quizá porque no le debe de nacer de voluntad el monjío, va -triste, como parece. - -— Todo podría ser —dijo el cura. - -Y, dejándolos, se volvió adonde estaba Dorotea, la cual, como había oído -suspirar a la embozada, movida de natural compasión, se llegó a ella y le -dijo: - -— ¿Qué mal sentís, señora mía? Mirad si es alguno de quien las mujeres -suelen tener uso y experiencia de curarle, que de mi parte os ofrezco una -buena voluntad de serviros. - -A todo esto callaba la lastimada señora; y, aunque Dorotea tornó con -mayores ofrecimientos, todavía se estaba en su silencio, hasta que llegó el -caballero embozado que dijo el mozo que los demás obedecían, y dijo a -Dorotea: - -— No os canséis, señora, en ofrecer nada a esa mujer, porque tiene por -costumbre de no agradecer cosa que por ella se hace, ni procuréis que os -responda, si no queréis oír alguna mentira de su boca. - -— Jamás la dije —dijo a esta sazón la que hasta allí había estado callando—; -antes, por ser tan verdadera y tan sin trazas mentirosas, me veo ahora en -tanta desventura; y desto vos mesmo quiero que seáis el testigo, pues mi -pura verdad os hace a vos ser falso y mentiroso. - -Oyó estas razones Cardenio bien clara y distintamente, como quien estaba -tan junto de quien las decía que sola la puerta del aposento de don Quijote -estaba en medio; y, así como las oyó, dando una gran voz dijo: - -— ¡Válgame Dios! ¿Qué es esto que oigo? ¿Qué voz es esta que ha llegado a -mis oídos? - -Volvió la cabeza a estos gritos aquella señora, toda sobresaltada, y, no -viendo quién las daba, se levantó en pie y fuese a entrar en el aposento; -lo cual visto por el caballero, la detuvo, sin dejarla mover un paso. A -ella, con la turbación y desasosiego, se le cayó el tafetán con que traía -cubierto el rostro, y descubrió una hermosura incomparable y un rostro -milagroso, aunque descolorido y asombrado, porque con los ojos andaba -rodeando todos los lugares donde alcanzaba con la vista, con tanto ahínco, -que parecía persona fuera de juicio; cuyas señales, sin saber por qué las -hacía, pusieron gran lástima en Dorotea y en cuantos la miraban. Teníala el -caballero fuertemente asida por las espaldas, y, por estar tan ocupado en -tenerla, no pudo acudir a alzarse el embozo, que se le caía, como, en -efeto, se le cayó del todo; y, alzando los ojos Dorotea, que abrazada con -la señora estaba, vio que el que abrazada ansimesmo la tenía era su esposo -don Fernando; y, apenas le hubo conocido, cuando, arrojando de lo íntimo de -sus entrañas un luengo y tristísimo ''¡ay!'', se dejó caer de espaldas -desmayada; y, a no hallarse allí junto el barbero, que la recogió en los -brazos, ella diera consigo en el suelo. - -Acudió luego el cura a quitarle el embozo, para echarle agua en el rostro, -y así como la descubrió la conoció don Fernando, que era el que estaba -abrazado con la otra, y quedó como muerto en verla; pero no porque dejase, -con todo esto, de tener a Luscinda, que era la que procuraba soltarse de -sus brazos; la cual había conocido en el suspiro a Cardenio, y él la había -conocido a ella. Oyó asimesmo Cardenio el ¡ay! que dio Dorotea cuando se -cayó desmayada, y, creyendo que era su Luscinda, salió del aposento -despavorido, y lo primero que vio fue a don Fernando, que tenía abrazada a -Luscinda. También don Fernando conoció luego a Cardenio; y todos tres, -Luscinda, Cardenio y Dorotea, quedaron mudos y suspensos, casi sin saber lo -que les había acontecido. - -Callaban todos y mirábanse todos: Dorotea a don Fernando, don Fernando a -Cardenio, Cardenio a Luscinda y Luscinda a Cardenio. Mas quien primero -rompió el silencio fue Luscinda, hablando a don Fernando desta manera: - -— Dejadme, señor don Fernando, por lo que debéis a ser quien sois, ya que -por otro respeto no lo hagáis; dejadme llegar al muro de quien yo soy -yedra, al arrimo de quien no me han podido apartar vuestras -importunaciones, vuestras amenazas, vuestras promesas ni vuestras dádivas. -Notad cómo el cielo, por desusados y a nosotros encubiertos caminos, me ha -puesto a mi verdadero esposo delante. Y bien sabéis por mil costosas -experiencias que sola la muerte fuera bastante para borrarle de mi memoria. -Sean, pues, parte tan claros desengaños para que volváis, ya que no podáis -hacer otra cosa, el amor en rabia, la voluntad en despecho, y acabadme con -él la vida; que, como yo la rinda delante de mi buen esposo, la daré por -bien empleada: quizá con mi muerte quedará satisfecho de la fe que le -mantuve hasta el último trance de la vida. - -Había en este entretanto vuelto Dorotea en sí, y había estado escuchando -todas las razones que Luscinda dijo, por las cuales vino en conocimiento de -quién ella era; que, viendo que don Fernando aún no la dejaba de los -brazos, ni respondía a sus razones, esforzándose lo más que pudo, se -levantó y se fue a hincar de rodillas a sus pies; y, derramando mucha -cantidad de hermosas y lastimeras lágrimas, así le comenzó a decir: - -— Si ya no es, señor mío, que los rayos deste sol que en tus brazos -eclipsado tienes te quitan y ofuscan los de tus ojos, ya habrás echado de -ver que la que a tus pies está arrodillada es la sin ventura, hasta que tú -quieras, y la desdichada Dorotea. Yo soy aquella labradora humilde a quien -tú, por tu bondad o por tu gusto, quisiste levantar a la alteza de poder -llamarse tuya. Soy la que, encerrada en los límites de la honestidad, vivió -vida contenta hasta que, a las voces de tus importunidades, y, al parecer, -justos y amorosos sentimientos, abrió las puertas de su recato y te entregó -las llaves de su libertad: dádiva de ti tan mal agradecida, cual lo muestra -bien claro haber sido forzoso hallarme en el lugar donde me hallas, y verte -yo a ti de la manera que te veo. Pero, con todo esto, no querría que cayese -en tu imaginación pensar que he venido aquí con pasos de mi deshonra, -habiéndome traído sólo los del dolor y sentimiento de verme de ti olvidada. -Tú quisiste que yo fuese tuya, y quisístelo de manera que, aunque ahora -quieras que no lo sea, no será posible que tú dejes de ser mío. Mira, señor -mío, que puede ser recompensa a la hermosura y nobleza por quien me dejas -la incomparable voluntad que te tengo. Tú no puedes ser de la hermosa -Luscinda, porque eres mío, ni ella puede ser tuya, porque es de Cardenio; y -más fácil te será, si en ello miras, reducir tu voluntad a querer a quien -te adora, que no encaminar la que te aborrece a que bien te quiera. Tú -solicitaste mi descuido, tú rogaste a mi entereza, tú no ignoraste mi -calidad, tú sabes bien de la manera que me entregué a toda tu voluntad: no -te queda lugar ni acogida de llamarte a engaño. Y si esto es así, como lo -es, y tú eres tan cristiano como caballero, ¿por qué por tantos rodeos -dilatas de hacerme venturosa en los fines, como me heciste en los -principios? Y si no me quieres por la que soy, que soy tu verdadera y -legítima esposa, quiéreme, a lo menos, y admíteme por tu esclava; que, como -yo esté en tu poder, me tendré por dichosa y bien afortunada. No permitas, -con dejarme y desampararme, que se hagan y junten corrillos en mi deshonra; -no des tan mala vejez a mis padres, pues no lo merecen los leales servicios -que, como buenos vasallos, a los tuyos siempre han hecho. Y si te parece -que has de aniquilar tu sangre por mezclarla con la mía, considera que -pocas o ninguna nobleza hay en el mundo que no haya corrido por este -camino, y que la que se toma de las mujeres no es la que hace al caso en -las ilustres decendencias; cuanto más, que la verdadera nobleza consiste en -la virtud, y si ésta a ti te falta, negándome lo que tan justamente me -debes, yo quedaré con más ventajas de noble que las que tú tienes. En fin, -señor, lo que últimamente te digo es que, quieras o no quieras, yo soy tu -esposa: testigos son tus palabras, que no han ni deben ser mentirosas, si -ya es que te precias de aquello por que me desprecias; testigo será la -firma que hiciste, y testigo el cielo, a quien tú llamaste por testigo de -lo que me prometías. Y, cuando todo esto falte, tu misma conciencia no ha -de faltar de dar voces callando en mitad de tus alegrías, volviendo por -esta verdad que te he dicho y turbando tus mejores gustos y contentos. - -Estas y otras razones dijo la lastimada Dorotea, con tanto sentimiento y -lágrimas, que los mismos que acompañaban a don Fernando, y cuantos -presentes estaban, la acompañaron en ellas. Escuchóla don Fernando sin -replicalle palabra, hasta que ella dio fin a las suyas y principio a tantos -sollozos y suspiros, que bien había de ser corazón de bronce el que con -muestras de tanto dolor no se enterneciera. Mirándola estaba Luscinda, no -menos lastimada de su sentimiento que admirada de su mucha discreción y -hermosura; y, aunque quisiera llegarse a ella y decirle algunas palabras de -consuelo, no la dejaban los brazos de don Fernando, que apretada la tenían. -El cual, lleno de confusión y espanto, al cabo de un buen espacio que -atentamente estuvo mirando a Dorotea, abrió los brazos y, dejando libre a -Luscinda, dijo: - -— Venciste, hermosa Dorotea, venciste; porque no es posible tener ánimo para -negar tantas verdades juntas. - -Con el desmayo que Luscinda había tenido, así como la dejó don Fernando, -iba a caer en el suelo; mas, hallándose Cardenio allí junto, que a las -espaldas de don Fernando se había puesto porque no le conociese, -prosupuesto todo temor y aventurando a todo riesgo, acudió a sostener a -Luscinda, y, cogiéndola entre sus brazos, le dijo: - -— Si el piadoso cielo gusta y quiere que ya tengas algún descanso, leal, -firme y hermosa señora mía, en ninguna parte creo yo que le tendrás más -seguro que en estos brazos que ahora te reciben, y otro tiempo te -recibieron, cuando la fortuna quiso que pudiese llamarte mía. - -A estas razones, puso Luscinda en Cardenio los ojos, y, habiendo comenzado -a conocerle, primero por la voz, y asegurándose que él era con la vista, -casi fuera de sentido y sin tener cuenta a ningún honesto respeto, le echó -los brazos al cuello, y, juntando su rostro con el de Cardenio, le dijo: - -— Vos sí, señor mío, sois el verdadero dueño desta vuestra captiva, aunque -más lo impida la contraria suerte, y, aunque más amenazas le hagan a esta -vida que en la vuestra se sustenta. - -Estraño espectáculo fue éste para don Fernando y para todos los -circunstantes, admirándose de tan no visto suceso. Parecióle a Dorotea que -don Fernando había perdido la color del rostro y que hacía ademán de querer -vengarse de Cardenio, porque le vio encaminar la mano a ponella en la -espada; y, así como lo pensó, con no vista presteza se abrazó con él por -las rodillas, besándoselas y teniéndole apretado, que no le dejaba mover, -y, sin cesar un punto de sus lágrimas, le decía: - -— ¿Qué es lo que piensas hacer, único refugio mío, en este tan impensado -trance? Tú tienes a tus pies a tu esposa, y la que quieres que lo sea está -en los brazos de su marido. Mira si te estará bien o te será posible -deshacer lo que el cielo ha hecho, o si te convendrá querer levantar a -igualar a ti mismo a la que, pospuesto todo inconveniente, confirmada en su -verdad y firmeza, delante de tus ojos tiene los suyos, bañados de licor -amoroso el rostro y pecho de su verdadero esposo. Por quien Dios es te -ruego, y por quien tú eres te suplico, que este tan notorio desengaño no -sólo no acreciente tu ira, sino que la mengüe en tal manera, que con -quietud y sosiego permitas que estos dos amantes le tengan, sin -impedimiento tuyo, todo el tiempo que el cielo quisiere concedérsele; y en -esto mostrarás la generosidad de tu ilustre y noble pecho, y verá el mundo -que tiene contigo más fuerza la razón que el apetito. - -En tanto que esto decía Dorotea, aunque Cardenio tenía abrazada a Luscinda, -no quitaba los ojos de don Fernando, con determinación de que, si le viese -hacer algún movimiento en su perjuicio, procurar defenderse y ofender como -mejor pudiese a todos aquellos que en su daño se mostrasen, aunque le -costase la vida. Pero a esta sazón acudieron los amigos de don Fernando, y -el cura y el barbero, que a todo habían estado presentes, sin que faltase -el bueno de Sancho Panza, y todos rodeaban a don Fernando, suplicándole -tuviese por bien de mirar las lágrimas de Dorotea; y que, siendo verdad, -como sin duda ellos creían que lo era, lo que en sus razones había dicho, -que no permitiese quedase defraudada de sus tan justas esperanzas. Que -considerase que, no acaso, como parecía, sino con particular providencia -del cielo, se habían todos juntado en lugar donde menos ninguno pensaba; y -que advirtiese —dijo el cura— que sola la muerte podía apartar a Luscinda -de Cardenio; y, aunque los dividiesen filos de alguna espada, ellos -tendrían por felicísima su muerte; y que en los lazos inremediables era -suma cordura, forzándose y venciéndose a sí mismo, mostrar un generoso -pecho, permitiendo que por sola su voluntad los dos gozasen el bien que el -cielo ya les había concedido; que pusiese los ojos ansimesmo en la beldad -de Dorotea, y vería que pocas o ninguna se le podían igualar, cuanto más -hacerle ventaja, y que juntase a su hermosura su humildad y el estremo del -amor que le tenía; y, sobre todo, advirtiese que si se preciaba de -caballero y de cristiano, que no podía hacer otra cosa que cumplille la -palabra dada, y que, cumpliéndosela, cumpliría con Dios y satisfaría a las -gentes discretas, las cuales saben y conocen que es prerrogativa de la -hermosura, aunque esté en sujeto humilde, como se acompañe con la -honestidad, poder levantarse e igualarse a cualquiera alteza, sin nota de -menoscabo del que la levanta e iguala a sí mismo; y, cuando se cumplen las -fuertes leyes del gusto, como en ello no intervenga pecado, no debe de ser -culpado el que las sigue. - -En efeto, a estas razones añadieron todos otras, tales y tantas, que el -valeroso pecho de don Fernando (en fin, como alimentado con ilustre sangre) -se ablandó y se dejó vencer de la verdad, que él no pudiera negar aunque -quisiera; y la señal que dio de haberse rendido y entregado al buen parecer -que se le había propuesto fue abajarse y abrazar a Dorotea, diciéndole: - -— Levantaos, señora mía, que no es justo que esté arrodillada a mis pies la -que yo tengo en mi alma; y si hasta aquí no he dado muestras de lo que -digo, quizá ha sido por orden del cielo, para que, viendo yo en vos la fe -con que me amáis, os sepa estimar en lo que merecéis. Lo que os ruego es -que no me reprehendáis mi mal término y mi mucho descuido, pues la misma -ocasión y fuerza que me movió para acetaros por mía, esa misma me impelió -para procurar no ser vuestro. Y que esto sea verdad, volved y mirad los -ojos de la ya contenta Luscinda, y en ellos hallaréis disculpa de todos mis -yerros; y, pues ella halló y alcanzó lo que deseaba, y yo he hallado en vos -lo que me cumple, viva ella segura y contenta luengos y felices años con su -Cardenio, que yo rogaré al cielo que me los deje vivir con mi Dorotea. - -Y, diciendo esto, la tornó a abrazar y a juntar su rostro con el suyo, con -tan tierno sentimiento, que le fue necesario tener gran cuenta con que las -lágrimas no acabasen de dar indubitables señas de su amor y -arrepentimiento. No lo hicieron así las de Luscinda y Cardenio, y aun las -de casi todos los que allí presentes estaban, porque comenzaron a derramar -tantas, los unos de contento proprio y los otros del ajeno, que no parecía -sino que algún grave y mal caso a todos había sucedido. Hasta Sancho Panza -lloraba, aunque después dijo que no lloraba él sino por ver que Dorotea no -era, como él pensaba, la reina Micomicona, de quien él tantas mercedes -esperaba. Duró algún espacio, junto con el llanto, la admiración en todos, -y luego Cardenio y Luscinda se fueron a poner de rodillas ante don -Fernando, dándole gracias de la merced que les había hecho con tan corteses -razones, que don Fernando no sabía qué responderles; y así, los levantó y -abrazó con muestras de mucho amor y de mucha cortesía. - -Preguntó luego a Dorotea le dijese cómo había venido a aquel lugar tan -lejos del suyo. Ella, con breves y discretas razones, contó todo lo que -antes había contado a Cardenio, de lo cual gustó tanto don Fernando y los -que con él venían, que quisieran que durara el cuento más tiempo: tanta era -la gracia con que Dorotea contaba sus desventuras. Y, así como hubo -acabado, dijo don Fernando lo que en la ciudad le había acontecido después -que halló el papel en el seno de Luscinda, donde declaraba ser esposa de -Cardenio y no poderlo ser suya. Dijo que la quiso matar, y lo hiciera si de -sus padres no fuera impedido; y que así, se salió de su casa, despechado y -corrido, con determinación de vengarse con más comodidad; y que otro día -supo como Luscinda había faltado de casa de sus padres, sin que nadie -supiese decir dónde se había ido, y que, en resolución, al cabo de algunos -meses vino a saber como estaba en un monesterio, con voluntad de quedarse -en él toda la vida, si no la pudiese pasar con Cardenio; y que, así como lo -supo, escogiendo para su compañía aquellos tres caballeros, vino al lugar -donde estaba, a la cual no había querido hablar, temeroso que, en sabiendo -que él estaba allí, había de haber más guarda en el monesterio; y así, -aguardando un día a que la portería estuviese abierta, dejó a los dos a la -guarda de la puerta, y él, con otro, habían entrado en el monesterio -buscando a Luscinda, la cual hallaron en el claustro hablando con una -monja; y, arrebatándola, sin darle lugar a otra cosa, se habían venido con -ella a un lugar donde se acomodaron de aquello que hubieron menester para -traella. Todo lo cual habían podido hacer bien a su salvo, por estar el -monesterio en el campo, buen trecho fuera del pueblo. Dijo que, así como -Luscinda se vio en su poder, perdió todos los sentidos; y que, después de -vuelta en sí, no había hecho otra cosa sino llorar y suspirar, sin hablar -palabra alguna; y que así, acompañados de silencio y de lágrimas, habían -llegado a aquella venta, que para él era haber llegado al cielo, donde se -rematan y tienen fin todas las desventuras de la tierra. - - - - -Capítulo XXXVII. Que prosigue la historia de la famosa infanta Micomicona, -con otras graciosas aventuras - -Todo esto escuchaba Sancho, no con poco dolor de su ánima, viendo que se -le desparecían e iban en humo las esperanzas de su ditado, y que la linda -princesa Micomicona se le había vuelto en Dorotea, y el gigante en don -Fernando, y su amo se estaba durmiendo a sueño suelto, bien descuidado de -todo lo sucedido. No se podía asegurar Dorotea si era soñado el bien que -poseía. Cardenio estaba en el mismo pensamiento, y el de Luscinda corría -por la misma cuenta. Don Fernando daba gracias al cielo por la merced -recebida y haberle sacado de aquel intricado laberinto, donde se hallaba -tan a pique de perder el crédito y el alma; y, finalmente, cuantos en la -venta estaban, estaban contentos y gozosos del buen suceso que habían -tenido tan trabados y desesperados negocios. - -Todo lo ponía en su punto el cura, como discreto, y a cada uno daba el -parabién del bien alcanzado; pero quien más jubilaba y se contentaba era la -ventera, por la promesa que Cardenio y el cura le habían hecho de pagalle -todos los daños e intereses que por cuenta de don Quijote le hubiesen -venido. Sólo Sancho, como ya se ha dicho, era el afligido, el desventurado -y el triste; y así, con malencónico semblante, entró a su amo, el cual -acababa de despertar, a quien dijo: - -— Bien puede vuestra merced, señor Triste Figura, dormir todo lo que -quisiere, sin cuidado de matar a ningún gigante, ni de volver a la princesa -su reino: que ya todo está hecho y concluido. - -— Eso creo yo bien —respondió don Quijote—, porque he tenido con el gigante -la más descomunal y desaforada batalla que pienso tener en todos los días -de mi vida; y de un revés, ¡zas!, le derribé la cabeza en el suelo, y fue -tanta la sangre que le salió, que los arroyos corrían por la tierra como si -fueran de agua. - -— Como si fueran de vino tinto, pudiera vuestra merced decir mejor -— respondió Sancho—, porque quiero que sepa vuestra merced, si es que no lo -sabe, que el gigante muerto es un cuero horadado, y la sangre, seis arrobas -de vino tinto que encerraba en su vientre; y la cabeza cortada es la puta -que me parió, y llévelo todo Satanás. - -— Y ¿qué es lo que dices, loco? —replicó don Quijote—. ¿Estás en tu seso? - -— Levántese vuestra merced —dijo Sancho—, y verá el buen recado que ha -hecho, y lo que tenemos que pagar; y verá a la reina convertida en una dama -particular, llamada Dorotea, con otros sucesos que, si cae en ellos, le han -de admirar. - -— No me maravillaría de nada deso —replicó don Quijote—, porque, si bien te -acuerdas, la otra vez que aquí estuvimos te dije yo que todo cuanto aquí -sucedía eran cosas de encantamento, y no sería mucho que ahora fuese lo -mesmo. - -— Todo lo creyera yo —respondió Sancho—, si también mi manteamiento fuera -cosa dese jaez, mas no lo fue, sino real y verdaderamente; y vi yo que el -ventero que aquí está hoy día tenía del un cabo de la manta, y me empujaba -hacia el cielo con mucho donaire y brío, y con tanta risa como fuerza; y -donde interviene conocerse las personas, tengo para mí, aunque simple y -pecador, que no hay encantamento alguno, sino mucho molimiento y mucha mala -ventura. - -— Ahora bien, Dios lo remediará —dijo don Quijote—. Dame de vestir y déjame -salir allá fuera, que quiero ver los sucesos y transformaciones que dices. - -Diole de vestir Sancho, y, en el entretanto que se vestía, contó el cura a -don Fernando y a los demás las locuras de don Quijote, y del artificio que -habían usado para sacarle de la Peña Pobre, donde él se imaginaba estar por -desdenes de su señora. Contóles asimismo casi todas las aventuras que -Sancho había contado, de que no poco se admiraron y rieron, por parecerles -lo que a todos parecía: ser el más estraño género de locura que podía caber -en pensamiento desparatado. Dijo más el cura: que, pues ya el buen suceso -de la señora Dorotea impidía pasar con su disignio adelante, que era -menester inventar y hallar otro para poderle llevar a su tierra. Ofrecióse -Cardenio de proseguir lo comenzado, y que Luscinda haría y representaría la -persona de Dorotea. - -— No —dijo don Fernando—, no ha de ser así: que yo quiero que Dorotea -prosiga su invención; que, como no sea muy lejos de aquí el lugar deste -buen caballero, yo holgaré de que se procure su remedio. - -— No está más de dos jornadas de aquí. - -— Pues, aunque estuviera más, gustara yo de caminallas, a trueco de hacer -tan buena obra. - -Salió, en esto, don Quijote, armado de todos sus pertrechos, con el yelmo, -aunque abollado, de Mambrino en la cabeza, embrazado de su rodela y -arrimado a su tronco o lanzón. Suspendió a don Fernando y a los demás la -estraña presencia de don Quijote, viendo su rostro de media legua de -andadura, seco y amarillo, la desigualdad de sus armas y su mesurado -continente, y estuvieron callando hasta ver lo que él decía, el cual, con -mucha gravedad y reposo, puestos los ojos en la hermosa Dorotea, dijo: - -— Estoy informado, hermosa señora, deste mi escudero que la vuestra grandeza -se ha aniquilado, y vuestro ser se ha deshecho, porque de reina y gran -señora que solíades ser os habéis vuelto en una particular doncella. Si -esto ha sido por orden del rey nigromante de vuestro padre, temeroso que yo -no os diese la necesaria y debida ayuda, digo que no supo ni sabe de la -misa la media, y que fue poco versado en las historias caballerescas, -porque si él las hubiera leído y pasado tan atentamente y con tanto espacio -como yo las pasé y leí, hallara a cada paso cómo otros caballeros de menor -fama que la mía habían acabado cosas más dificultosas, no siéndolo mucho -matar a un gigantillo, por arrogante que sea; porque no ha muchas horas que -yo me vi con él, y... quiero callar, porque no me digan que miento; pero el -tiempo, descubridor de todas las cosas, lo dirá cuando menos lo pensemos. - -— Vístesos vos con dos cueros, que no con un gigante —dijo a esta sazón el -ventero. - -Al cual mandó don Fernando que callase y no interrumpiese la plática de don -Quijote en ninguna manera; y don Quijote prosiguió diciendo: - -— Digo, en fin, alta y desheredada señora, que si por la causa que he dicho -vuestro padre ha hecho este metamorfóseos en vuestra persona, que no le -deis crédito alguno, porque no hay ningún peligro en la tierra por quien no -se abra camino mi espada, con la cual, poniendo la cabeza de vuestro -enemigo en tierra, os pondré a vos la corona de la vuestra en la cabeza en -breves días. - -No dijo más don Quijote, y esperó a que la princesa le respondiese, la -cual, como ya sabía la determinación de don Fernando de que se prosiguiese -adelante en el engaño hasta llevar a su tierra a don Quijote, con mucho -donaire y gravedad, le respondió: - -— Quienquiera que os dijo, valeroso caballero de la Triste Figura, que yo me -había mudado y trocado de mi ser, no os dijo lo cierto, porque la misma que -ayer fui me soy hoy. Verdad es que alguna mudanza han hecho en mí ciertos -acaecimientos de buena ventura, que me la han dado la mejor que yo pudiera -desearme, pero no por eso he dejado de ser la que antes y de tener los -mesmos pensamientos de valerme del valor de vuestro valeroso e invenerable -brazo que siempre he tenido. Así que, señor mío, vuestra bondad vuelva la -honra al padre que me engendró, y téngale por hombre advertido y prudente, -pues con su ciencia halló camino tan fácil y tan verdadero para remediar mi -desgracia; que yo creo que si por vos, señor, no fuera, jamás acertara a -tener la ventura que tengo; y en esto digo tanta verdad como son buenos -testigos della los más destos señores que están presentes. Lo que resta es -que mañana nos pongamos en camino, porque ya hoy se podrá hacer poca -jornada, y en lo demás del buen suceso que espero, lo dejaré a Dios y al -valor de vuestro pecho. - -Esto dijo la discreta Dorotea, y, en oyéndolo don Quijote, se volvió a -Sancho, y, con muestras de mucho enojo, le dijo: - -— Ahora te digo, Sanchuelo, que eres el mayor bellacuelo que hay en España. -Dime, ladrón vagamundo, ¿no me acabaste de decir ahora que esta princesa se -había vuelto en una doncella que se llamaba Dorotea, y que la cabeza que -entiendo que corté a un gigante era la puta que te parió, con otros -disparates que me pusieron en la mayor confusión que jamás he estado en -todos los días de mi vida? ¡Voto... —y miró al cielo y apretó los dientes— -que estoy por hacer un estrago en ti, que ponga sal en la mollera a todos -cuantos mentirosos escuderos hubiere de caballeros andantes, de aquí -adelante, en el mundo! - -— Vuestra merced se sosiegue, señor mío —respondió Sancho—, que bien podría -ser que yo me hubiese engañado en lo que toca a la mutación de la señora -princesa Micomicona; pero, en lo que toca a la cabeza del gigante, o, a lo -menos, a la horadación de los cueros y a lo de ser vino tinto la sangre, no -me engaño, ¡vive Dios!, porque los cueros allí están heridos, a la cabecera -del lecho de vuestra merced, y el vino tinto tiene hecho un lago el -aposento; y si no, al freír de los huevos lo verá; quiero decir que lo verá -cuando aquí su merced del señor ventero le pida el menoscabo de todo. De lo -demás, de que la señora reina se esté como se estaba, me regocijo en el -alma, porque me va mi parte, como a cada hijo de vecino. - -— Ahora yo te digo, Sancho —dijo don Quijote—, que eres un mentecato; y -perdóname, y basta. - -— Basta —dijo don Fernando—, y no se hable más en esto; y, pues la señora -princesa dice que se camine mañana, porque ya hoy es tarde, hágase así, y -esta noche la podremos pasar en buena conversación hasta el venidero día, -donde todos acompañaremos al señor don Quijote, porque queremos ser -testigos de las valerosas e inauditas hazañas que ha de hacer en el -discurso desta grande empresa que a su cargo lleva. - -— Yo soy el que tengo de serviros y acompañaros —respondió don Quijote—, y -agradezco mucho la merced que se me hace y la buena opinión que de mí se -tiene, la cual procuraré que salga verdadera, o me costará la vida, y aun -más, si más costarme puede. - -Muchas palabras de comedimiento y muchos ofrecimientos pasaron entre don -Quijote y don Fernando; pero a todo puso silencio un pasajero que en -aquella sazón entró en la venta, el cual en su traje mostraba ser cristiano -recién venido de tierra de moros, porque venía vestido con una casaca de -paño azul, corta de faldas, con medias mangas y sin cuello; los calzones -eran asimismo de lienzo azul, con bonete de la misma color; traía unos -borceguíes datilados y un alfanje morisco, puesto en un tahelí que le -atravesaba el pecho. Entró luego tras él, encima de un jumento, una mujer a -la morisca vestida, cubierto el rostro con una toca en la cabeza; traía un -bonetillo de brocado, y vestida una almalafa, que desde los hombros a los -pies la cubría. Era el hombre de robusto y agraciado talle, de edad de poco -más de cuarenta años, algo moreno de rostro, largo de bigotes y la barba -muy bien puesta. En resolución, él mostraba en su apostura que si estuviera -bien vestido, le juzgaran por persona de calidad y bien nacida. - -Pidió, en entrando, un aposento, y, como le dijeron que en la venta no le -había, mostró recebir pesadumbre; y, llegándose a la que en el traje -parecía mora, la apeó en sus brazos. Luscinda, Dorotea, la ventera, su hija -y Maritornes, llevadas del nuevo y para ellas nunca visto traje, rodearon a -la mora, y Dorotea, que siempre fue agraciada, comedida y discreta, -pareciéndole que así ella como el que la traía se congojaban por la falta -del aposento, le dijo: - -— No os dé mucha pena, señora mía, la incomodidad de regalo que aquí falta, -pues es proprio de ventas no hallarse en ellas; pero, con todo esto, si -gustáredes de pasar con nosotras —señalando a Luscinda—, quizá en el -discurso de este camino habréis hallado otros no tan buenos acogimientos. - -No respondió nada a esto la embozada, ni hizo otra cosa que levantarse de -donde sentado se había, y, puestas entrambas manos cruzadas sobre el pecho, -inclinada la cabeza, dobló el cuerpo en señal de que lo agradecía. Por su -silencio imaginaron que, sin duda alguna, debía de ser mora, y que no sabía -hablar cristiano. Llegó, en esto, el cautivo, que entendiendo en otra cosa -hasta entonces había estado, y, viendo que todas tenían cercada a la que -con él venía, y que ella a cuanto le decían callaba, dijo: - -— Señoras mías, esta doncella apenas entiende mi lengua, ni sabe hablar otra -ninguna sino conforme a su tierra, y por esto no debe de haber respondido, -ni responde, a lo que se le ha preguntado. - -— No se le pregunta otra cosa ninguna —respondió Luscinda— sino ofrecelle -por esta noche nuestra compañía y parte del lugar donde nos acomodáremos, -donde se le hará el regalo que la comodidad ofreciere, con la voluntad que -obliga a servir a todos los estranjeros que dello tuvieren necesidad, -especialmente siendo mujer a quien se sirve. - -— Por ella y por mí —respondió el captivo— os beso, señora mía, las manos, y -estimo mucho y en lo que es razón la merced ofrecida; que en tal ocasión, y -de tales personas como vuestro parecer muestra, bien se echa de ver que ha -de ser muy grande. - -— Decidme, señor —dijo Dorotea—: ¿esta señora es cristiana o mora? Porque el -traje y el silencio nos hace pensar que es lo que no querríamos que fuese. - -— Mora es en el traje y en el cuerpo, pero en el alma es muy grande -cristiana, porque tiene grandísimos deseos de serlo. - -— Luego, ¿no es baptizada? —replicó Luscinda. - -— No ha habido lugar para ello —respondió el captivo— después que salió de -Argel, su patria y tierra, y hasta agora no se ha visto en peligro de -muerte tan cercana que obligase a baptizalla sin que supiese primero todas -las ceremonias que nuestra Madre la Santa Iglesia manda; pero Dios será -servido que presto se bautice con la decencia que la calidad de su persona -merece, que es más de lo que muestra su hábito y el mío. - -Con estas razones puso gana en todos los que escuchándole estaban de -saber quién fuese la mora y el captivo, pero nadie se lo quiso preguntar -por entonces, por ver que aquella sazón era más para procurarles descanso -que para preguntarles sus vidas. Dorotea la tomó por la mano y la llevó a -sentar junto a sí, y le rogó que se quitase el embozo. Ella miró al -cautivo, como si le preguntara le dijese lo que decían y lo que ella haría. -Él, en lengua arábiga, le dijo que le pedían se quitase el embozo, y que lo -hiciese; y así, se lo quitó, y descubrió un rostro tan hermoso que Dorotea -la tuvo por más hermosa que a Luscinda, y Luscinda por más hermosa que a -Dorotea, y todos los circustantes conocieron que si alguno se podría -igualar al de las dos, era el de la mora, y aun hubo algunos que le -aventajaron en alguna cosa. Y, como la hermosura tenga prerrogativa y -gracia de reconciliar los ánimos y atraer las voluntades, luego se -rindieron todos al deseo de servir y acariciar a la hermosa mora. - -Preguntó don Fernando al captivo cómo se llamaba la mora, el cual respondió -que lela Zoraida; y, así como esto oyó, ella entendió lo que le habían -preguntado al cristiano, y dijo con mucha priesa, llena de congoja y -donaire: - -— ¡No, no Zoraida: María, María! —dando a entender que se llamaba María y no -Zoraida. - -Estas palabras, el grande afecto con que la mora las dijo, hicieron -derramar más de una lágrima a algunos de los que la escucharon, -especialmente a las mujeres, que de su naturaleza son tiernas y compasivas. -Abrazóla Luscinda con mucho amor, diciéndole: - -— Sí, sí: María, María. - -A lo cual respondió la mora: - -— ¡Sí, sí: María; Zoraida macange! —que quiere decir no. - -Ya en esto llegaba la noche, y, por orden de los que venían con don -Fernando, había el ventero puesto diligencia y cuidado en aderezarles de -cenar lo mejor que a él le fue posible. Llegada, pues, la hora, sentáronse -todos a una larga mesa, como de tinelo, porque no la había redonda ni -cuadrada en la venta, y dieron la cabecera y principal asiento, puesto que -él lo rehusaba, a don Quijote, el cual quiso que estuviese a su lado la -señora Micomicona, pues él era su aguardador. Luego se sentaron Luscinda y -Zoraida, y frontero dellas don Fernando y Cardenio, y luego el cautivo y -los demás caballeros, y, al lado de las señoras, el cura y el barbero. Y -así, cenaron con mucho contento, y acrecentóseles más viendo que, dejando -de comer don Quijote, movido de otro semejante espíritu que el que le movió -a hablar tanto como habló cuando cenó con los cabreros, comenzó a decir: - -— Verdaderamente, si bien se considera, señores míos, grandes e inauditas -cosas ven los que profesan la orden de la andante caballería. Si no, ¿cuál -de los vivientes habrá en el mundo que ahora por la puerta deste castillo -entrara, y de la suerte que estamos nos viere, que juzgue y crea que -nosotros somos quien somos? ¿Quién podrá decir que esta señora que está a -mi lado es la gran reina que todos sabemos, y que yo soy aquel Caballero de -la Triste Figura que anda por ahí en boca de la fama? Ahora no hay que -dudar, sino que esta arte y ejercicio excede a todas aquellas y aquellos -que los hombres inventaron, y tanto más se ha de tener en estima cuanto a -más peligros está sujeto. Quítenseme delante los que dijeren que las letras -hacen ventaja a las armas, que les diré, y sean quien se fueren, que no -saben lo que dicen. Porque la razón que los tales suelen decir, y a lo que -ellos más se atienen, es que los trabajos del espíritu exceden a los del -cuerpo, y que las armas sólo con el cuerpo se ejercitan, como si fuese su -ejercicio oficio de ganapanes, para el cual no es menester más de buenas -fuerzas; o como si en esto que llamamos armas los que las profesamos no se -encerrasen los actos de la fortaleza, los cuales piden para ejecutallos -mucho entendimiento; o como si no trabajase el ánimo del guerrero que tiene -a su cargo un ejército, o la defensa de una ciudad sitiada, así con el -espíritu como con el cuerpo. Si no, véase si se alcanza con las fuerzas -corporales a saber y conjeturar el intento del enemigo, los disignios, las -estratagemas, las dificultades, el prevenir los daños que se temen; que -todas estas cosas son acciones del entendimiento, en quien no tiene parte -alguna el cuerpo. Siendo pues ansí, que las armas requieren espíritu, como -las letras, veamos ahora cuál de los dos espíritus, el del letrado o el del -guerrero, trabaja más. Y esto se vendrá a conocer por el fin y paradero a -que cada uno se encamina, porque aquella intención se ha de estimar en más -que tiene por objeto más noble fin. Es el fin y paradero de las letras..., -y no hablo ahora de las divinas, que tienen por blanco llevar y encaminar -las almas al cielo, que a un fin tan sin fin como éste ninguno otro se le -puede igualar; hablo de las letras humanas, que es su fin poner en su punto -la justicia distributiva y dar a cada uno lo que es suyo, entender y hacer -que las buenas leyes se guarden. Fin, por cierto, generoso y alto y digno -de grande alabanza, pero no de tanta como merece aquel a que las armas -atienden, las cuales tienen por objeto y fin la paz, que es el mayor bien -que los hombres pueden desear en esta vida. Y así, las primeras buenas -nuevas que tuvo el mundo y tuvieron los hombres fueron las que dieron los -ángeles la noche que fue nuestro día, cuando cantaron en los aires: -''Gloria sea en las alturas, y paz en la tierra, a los hombres de buena -voluntad''; y a la salutación que el mejor maestro de la tierra y del cielo -enseñó a sus allegados y favoridos, fue decirles que cuando entrasen en -alguna casa, dijesen: ''Paz sea en esta casa''; y otras muchas veces les -dijo: ''Mi paz os doy, mi paz os dejo: paz sea con vosotros'', bien como -joya y prenda dada y dejada de tal mano; joya que sin ella, en la tierra ni -en el cielo puede haber bien alguno. Esta paz es el verdadero fin de la -guerra, que lo mesmo es decir armas que guerra. Prosupuesta, pues, esta -verdad, que el fin de la guerra es la paz, y que en esto hace ventaja al -fin de las letras, vengamos ahora a los trabajos del cuerpo del letrado y a -los del profesor de las armas, y véase cuáles son mayores. - -De tal manera, y por tan buenos términos, iba prosiguiendo en su plática -don Quijote que obligó a que, por entonces, ninguno de los que escuchándole -estaban le tuviese por loco; antes, como todos los más eran caballeros, a -quien son anejas las armas, le escuchaban de muy buena gana; y él prosiguió -diciendo: - -— Digo, pues, que los trabajos del estudiante son éstos: principalmente -pobreza (no porque todos sean pobres, sino por poner este caso en todo el -estremo que pueda ser); y, en haber dicho que padece pobreza, me parece que -no había que decir más de su mala ventura, porque quien es pobre no tiene -cosa buena. Esta pobreza la padece por sus partes, ya en hambre, ya en -frío, ya en desnudez, ya en todo junto; pero, con todo eso, no es tanta que -no coma, aunque sea un poco más tarde de lo que se usa, aunque sea de las -sobras de los ricos; que es la mayor miseria del estudiante éste que entre -ellos llaman andar a la sopa; y no les falta algún ajeno brasero o -chimenea, que, si no callenta, a lo menos entibie su frío, y, en fin, la -noche duermen debajo de cubierta. No quiero llegar a otras menudencias, -conviene a saber, de la falta de camisas y no sobra de zapatos, la raridad -y poco pelo del vestido, ni aquel ahitarse con tanto gusto, cuando la buena -suerte les depara algún banquete. Por este camino que he pintado, áspero y -dificultoso, tropezando aquí, cayendo allí, levantándose acullá, tornando a -caer acá, llegan al grado que desean; el cual alcanzado, a muchos hemos -visto que, habiendo pasado por estas Sirtes y por estas Scilas y Caribdis, -como llevados en vuelo de la favorable fortuna, digo que los hemos visto -mandar y gobernar el mundo desde una silla, trocada su hambre en hartura, -su frío en refrigerio, su desnudez en galas, y su dormir en una estera en -reposar en holandas y damascos: premio justamente merecido de su virtud. -Pero, contrapuestos y comparados sus trabajos con los del mílite guerrero, -se quedan muy atrás en todo, como ahora diré. - - - - -Capítulo XXXVIII. Que trata del curioso discurso que hizo don Quijote de -las armas y las letras - -Prosiguiendo don Quijote, dijo: - -— Pues comenzamos en el estudiante por la pobreza y sus partes, veamos si es -más rico el soldado. Y veremos que no hay ninguno más pobre en la misma -pobreza, porque está atenido a la miseria de su paga, que viene o tarde o -nunca, o a lo que garbeare por sus manos, con notable peligro de su vida y -de su conciencia. Y a veces suele ser su desnudez tanta, que un coleto -acuchillado le sirve de gala y de camisa, y en la mitad del invierno se -suele reparar de las inclemencias del cielo, estando en la campaña rasa, -con sólo el aliento de su boca, que, como sale de lugar vacío, tengo por -averiguado que debe de salir frío, contra toda naturaleza. Pues esperad que -espere que llegue la noche, para restaurarse de todas estas incomodidades, -en la cama que le aguarda, la cual, si no es por su culpa, jamás pecará de -estrecha; que bien puede medir en la tierra los pies que quisiere, y -revolverse en ella a su sabor, sin temor que se le encojan las sábanas. -Lléguese, pues, a todo esto, el día y la hora de recebir el grado de su -ejercicio; lléguese un día de batalla, que allí le pondrán la borla en la -cabeza, hecha de hilas, para curarle algún balazo, que quizá le habrá -pasado las sienes, o le dejará estropeado de brazo o pierna. Y, cuando esto -no suceda, sino que el cielo piadoso le guarde y conserve sano y vivo, -podrá ser que se quede en la mesma pobreza que antes estaba, y que sea -menester que suceda uno y otro rencuentro, una y otra batalla, y que de -todas salga vencedor, para medrar en algo; pero estos milagros vense raras -veces. Pero, decidme, señores, si habéis mirado en ello: ¿cuán menos son -los premiados por la guerra que los que han perecido en ella? Sin duda, -habéis de responder que no tienen comparación, ni se pueden reducir a -cuenta los muertos, y que se podrán contar los premiados vivos con tres -letras de guarismo. Todo esto es al revés en los letrados; porque, de -faldas, que no quiero decir de mangas, todos tienen en qué entretenerse. -Así que, aunque es mayor el trabajo del soldado, es mucho menor el premio. -Pero a esto se puede responder que es más fácil premiar a dos mil letrados -que a treinta mil soldados, porque a aquéllos se premian con darles -oficios, que por fuerza se han de dar a los de su profesión, y a éstos no -se pueden premiar sino con la mesma hacienda del señor a quien sirven; y -esta imposibilidad fortifica más la razón que tengo. Pero dejemos esto -aparte, que es laberinto de muy dificultosa salida, sino volvamos a la -preeminencia de las armas contra las letras, materia que hasta ahora está -por averiguar, según son las razones que cada una de su parte alega. Y, -entre las que he dicho, dicen las letras que sin ellas no se podrían -sustentar las armas, porque la guerra también tiene sus leyes y está sujeta -a ellas, y que las leyes caen debajo de lo que son letras y letrados. A -esto responden las armas que las leyes no se podrán sustentar sin ellas, -porque con las armas se defienden las repúblicas, se conservan los reinos, -se guardan las ciudades, se aseguran los caminos, se despejan los mares de -cosarios; y, finalmente, si por ellas no fuese, las repúblicas, los reinos, -las monarquías, las ciudades, los caminos de mar y tierra estarían sujetos -al rigor y a la confusión que trae consigo la guerra el tiempo que dura y -tiene licencia de usar de sus previlegios y de sus fuerzas. Y es razón -averiguada que aquello que más cuesta se estima y debe de estimar en más. -Alcanzar alguno a ser eminente en letras le cuesta tiempo, vigilias, -hambre, desnudez, váguidos de cabeza, indigestiones de estómago, y otras -cosas a éstas adherentes, que, en parte, ya las tengo referidas; mas llegar -uno por sus términos a ser buen soldado le cuesta todo lo que a el -estudiante, en tanto mayor grado que no tiene comparación, porque a cada -paso está a pique de perder la vida. Y ¿qué temor de necesidad y pobreza -puede llegar ni fatigar al estudiante, que llegue al que tiene un soldado, -que, hallándose cercado en alguna fuerza, y estando de posta, o guarda, en -algún revellín o caballero, siente que los enemigos están minando hacia la -parte donde él está, y no puede apartarse de allí por ningún caso, ni huir -el peligro que de tan cerca le amenaza? Sólo lo que puede hacer es dar -noticia a su capitán de lo que pasa, para que lo remedie con alguna -contramina, y él estarse quedo, temiendo y esperando cuándo improvisamente -ha de subir a las nubes sin alas y bajar al profundo sin su voluntad. Y si -éste parece pequeño peligro, veamos si le iguala o hace ventajas el de -embestirse dos galeras por las proas en mitad del mar espacioso, las cuales -enclavijadas y trabadas, no le queda al soldado más espacio del que concede -dos pies de tabla del espolón; y, con todo esto, viendo que tiene delante -de sí tantos ministros de la muerte que le amenazan cuantos cañones de -artillería se asestan de la parte contraria, que no distan de su cuerpo una -lanza, y viendo que al primer descuido de los pies iría a visitar los -profundos senos de Neptuno; y, con todo esto, con intrépido corazón, -llevado de la honra que le incita, se pone a ser blanco de tanta -arcabucería, y procura pasar por tan estrecho paso al bajel contrario. Y lo -que más es de admirar: que apenas uno ha caído donde no se podrá levantar -hasta la fin del mundo, cuando otro ocupa su mesmo lugar; y si éste también -cae en el mar, que como a enemigo le aguarda, otro y otro le sucede, sin -dar tiempo al tiempo de sus muertes: valentía y atrevimiento el mayor que -se puede hallar en todos los trances de la guerra. Bien hayan aquellos -benditos siglos que carecieron de la espantable furia de aquestos -endemoniados instrumentos de la artillería, a cuyo inventor tengo para mí -que en el infierno se le está dando el premio de su diabólica invención, -con la cual dio causa que un infame y cobarde brazo quite la vida a un -valeroso caballero, y que, sin saber cómo o por dónde, en la mitad del -coraje y brío que enciende y anima a los valientes pechos, llega una -desmandada bala, disparada de quien quizá huyó y se espantó del resplandor -que hizo el fuego al disparar de la maldita máquina, y corta y acaba en un -instante los pensamientos y vida de quien la merecía gozar luengos siglos. -Y así, considerando esto, estoy por decir que en el alma me pesa de haber -tomado este ejercicio de caballero andante en edad tan detestable como es -esta en que ahora vivimos; porque, aunque a mí ningún peligro me pone -miedo, todavía me pone recelo pensar si la pólvora y el estaño me han de -quitar la ocasión de hacerme famoso y conocido por el valor de mi brazo y -filos de mi espada, por todo lo descubierto de la tierra. Pero haga el -cielo lo que fuere servido, que tanto seré más estimado, si salgo con lo -que pretendo, cuanto a mayores peligros me he puesto que se pusieron los -caballeros andantes de los pasados siglos. - -Todo este largo preámbulo dijo don Quijote, en tanto que los demás cenaban, -olvidándose de llevar bocado a la boca, puesto que algunas veces le había -dicho Sancho Panza que cenase, que después habría lugar para decir todo lo -que quisiese. En los que escuchado le habían sobrevino nueva lástima de ver -que hombre que, al parecer, tenía buen entendimiento y buen discurso en -todas las cosas que trataba, le hubiese perdido tan rematadamente, en -tratándole de su negra y pizmienta caballería. El cura le dijo que tenía -mucha razón en todo cuanto había dicho en favor de las armas, y que él, -aunque letrado y graduado, estaba de su mesmo parecer. - -Acabaron de cenar, levantaron los manteles, y, en tanto que la ventera, su -hija y Maritornes aderezaban el camaranchón de don Quijote de la Mancha, -donde habían determinado que aquella noche las mujeres solas en él se -recogiesen, don Fernando rogó al cautivo les contase el discurso de su -vida, porque no podría ser sino que fuese peregrino y gustoso, según las -muestras que había comenzado a dar, viniendo en compañía de Zoraida. A lo -cual respondió el cautivo que de muy buena gana haría lo que se le mandaba, -y que sólo temía que el cuento no había de ser tal, que les diese el gusto -que él deseaba; pero que, con todo eso, por no faltar en obedecelle, le -contaría. El cura y todos los demás se lo agradecieron, y de nuevo se lo -rogaron; y él, viéndose rogar de tantos, dijo que no eran menester ruegos -adonde el mandar tenía tanta fuerza. - -— Y así, estén vuestras mercedes atentos, y oirán un discurso verdadero, a -quien podría ser que no llegasen los mentirosos que con curioso y pensado -artificio suelen componerse. - -Con esto que dijo, hizo que todos se acomodasen y le prestasen un grande -silencio; y él, viendo que ya callaban y esperaban lo que decir quisiese, -con voz agradable y reposada, comenzó a decir desta manera: - - - - -Capítulo XXXIX. Donde el cautivo cuenta su vida y sucesos - -— «En un lugar de las Montañas de León tuvo principio mi linaje, con quien -fue más agradecida y liberal la naturaleza que la fortuna, aunque, en la -estrecheza de aquellos pueblos, todavía alcanzaba mi padre fama de rico, y -verdaderamente lo fuera si así se diera maña a conservar su hacienda como -se la daba en gastalla. Y la condición que tenía de ser liberal y gastador -le procedió de haber sido soldado los años de su joventud, que es escuela -la soldadesca donde el mezquino se hace franco, y el franco, pródigo; y si -algunos soldados se hallan miserables, son como monstruos, que se ven raras -veces. Pasaba mi padre los términos de la liberalidad, y rayaba en los de -ser pródigo: cosa que no le es de ningún provecho al hombre casado, y que -tiene hijos que le han de suceder en el nombre y en el ser. Los que mi -padre tenía eran tres, todos varones y todos de edad de poder elegir -estado. Viendo, pues, mi padre que, según él decía, no podía irse a la mano -contra su condición, quiso privarse del instrumento y causa que le hacía -gastador y dadivoso, que fue privarse de la hacienda, sin la cual el mismo -Alejandro pareciera estrecho. - -»Y así, llamándonos un día a todos tres a solas en un aposento, nos dijo -unas razones semejantes a las que ahora diré: ''Hijos, para deciros que os -quiero bien, basta saber y decir que sois mis hijos; y, para entender que -os quiero mal, basta saber que no me voy a la mano en lo que toca a -conservar vuestra hacienda. Pues, para que entendáis desde aquí adelante -que os quiero como padre, y que no os quiero destruir como padrastro, -quiero hacer una cosa con vosotros que ha muchos días que la tengo pensada -y con madura consideración dispuesta. Vosotros estáis ya en edad de tomar -estado, o, a lo menos, de elegir ejercicio, tal que, cuando mayores, os -honre y aproveche. Y lo que he pensado es hacer de mi hacienda cuatro -partes: las tres os daré a vosotros, a cada uno lo que le tocare, sin -exceder en cosa alguna, y con la otra me quedaré yo para vivir y -sustentarme los días que el cielo fuere servido de darme de vida. Pero -querría que, después que cada uno tuviese en su poder la parte que le toca -de su hacienda, siguiese uno de los caminos que le diré. Hay un refrán en -nuestra España, a mi parecer muy verdadero, como todos lo son, por ser -sentencias breves sacadas de la luenga y discreta experiencia; y el que yo -digo dice: "Iglesia, o mar, o casa real", como si más claramente dijera: -"Quien quisiere valer y ser rico, siga o la Iglesia, o navegue, ejercitando -el arte de la mercancía, o entre a servir a los reyes en sus casas"; porque -dicen: "Más vale migaja de rey que merced de señor". Digo esto porque -querría, y es mi voluntad, que uno de vosotros siguiese las letras, el otro -la mercancía, y el otro sirviese al rey en la guerra, pues es dificultoso -entrar a servirle en su casa; que, ya que la guerra no dé muchas riquezas, -suele dar mucho valor y mucha fama. Dentro de ocho días, os daré toda -vuestra parte en dineros, sin defraudaros en un ardite, como lo veréis por -la obra. Decidme ahora si queréis seguir mi parecer y consejo en lo que os -he propuesto''. Y, mandándome a mí, por ser el mayor, que respondiese, -después de haberle dicho que no se deshiciese de la hacienda, sino que -gastase todo lo que fuese su voluntad, que nosotros éramos mozos para saber -ganarla, vine a concluir en que cumpliría su gusto, y que el mío era seguir -el ejercicio de las armas, sirviendo en él a Dios y a mi rey. El segundo -hermano hizo los mesmos ofrecimientos, y escogió el irse a las Indias, -llevando empleada la hacienda que le cupiese. El menor, y, a lo que yo -creo, el más discreto, dijo que quería seguir la Iglesia, o irse a acabar -sus comenzados estudios a Salamanca. Así como acabamos de concordarnos y -escoger nuestros ejercicios, mi padre nos abrazó a todos, y, con la -brevedad que dijo, puso por obra cuanto nos había prometido; y, dando a -cada uno su parte, que, a lo que se me acuerda, fueron cada tres mil -ducados, en dineros (porque un nuestro tío compró toda la hacienda y la -pagó de contado, porque no saliese del tronco de la casa), en un mesmo día -nos despedimos todos tres de nuestro buen padre; y, en aquel mesmo, -pareciéndome a mí ser inhumanidad que mi padre quedase viejo y con tan poca -hacienda, hice con él que de mis tres mil tomase los dos mil ducados, -porque a mí me bastaba el resto para acomodarme de lo que había menester un -soldado. Mis dos hermanos, movidos de mi ejemplo, cada uno le dio mil -ducados: de modo que a mi padre le quedaron cuatro mil en dineros, y más -tres mil, que, a lo que parece, valía la hacienda que le cupo, que no quiso -vender, sino quedarse con ella en raíces. Digo, en fin, que nos despedimos -dél y de aquel nuestro tío que he dicho, no sin mucho sentimiento y -lágrimas de todos, encargándonos que les hiciésemos saber, todas las veces -que hubiese comodidad para ello, de nuestros sucesos, prósperos o adversos. -Prometímosselo, y, abrazándonos y echándonos su bendición, el uno tomó el -viaje de Salamanca, el otro de Sevilla y yo el de Alicante, adonde tuve -nuevas que había una nave ginovesa que cargaba allí lana para Génova. - -»Éste hará veinte y dos años que salí de casa de mi padre, y en todos -ellos, puesto que he escrito algunas cartas, no he sabido dél ni de mis -hermanos nueva alguna. Y lo que en este discurso de tiempo he pasado lo -diré brevemente. Embarquéme en Alicante, llegué con próspero viaje a -Génova, fui desde allí a Milán, donde me acomodé de armas y de algunas -galas de soldado, de donde quise ir a asentar mi plaza al Piamonte; y, -estando ya de camino para Alejandría de la Palla, tuve nuevas que el gran -duque de Alba pasaba a Flandes. Mudé propósito, fuime con él, servíle en -las jornadas que hizo, halléme en la muerte de los condes de Eguemón y de -Hornos, alcancé a ser alférez de un famoso capitán de Guadalajara, llamado -Diego de Urbina; y, a cabo de algún tiempo que llegué a Flandes, se tuvo -nuevas de la liga que la Santidad del Papa Pío Quinto, de felice -recordación, había hecho con Venecia y con España, contra el enemigo común, -que es el Turco; el cual, en aquel mesmo tiempo, había ganado con su armada -la famosa isla de Chipre, que estaba debajo del dominio del veneciano: y -pérdida lamentable y desdichada. Súpose cierto que venía por general desta -liga el serenísimo don Juan de Austria, hermano natural de nuestro buen rey -don Felipe. Divulgóse el grandísimo aparato de guerra que se hacía. Todo lo -cual me incitó y conmovió el ánimo y el deseo de verme en la jornada que se -esperaba; y, aunque tenía barruntos, y casi promesas ciertas, de que en la -primera ocasión que se ofreciese sería promovido a capitán, lo quise dejar -todo y venirme, como me vine, a Italia. Y quiso mi buena suerte que el -señor don Juan de Austria acababa de llegar a Génova, que pasaba a Nápoles -a juntarse con la armada de Venecia, como después lo hizo en Mecina. - -»Digo, en fin, que yo me hallé en aquella felicísima jornada, ya hecho -capitán de infantería, a cuyo honroso cargo me subió mi buena suerte, más -que mis merecimientos. Y aquel día, que fue para la cristiandad tan -dichoso, porque en él se desengañó el mundo y todas las naciones del error -en que estaban, creyendo que los turcos eran invencibles por la mar: en -aquel día, digo, donde quedó el orgullo y soberbia otomana quebrantada, -entre tantos venturosos como allí hubo (porque más ventura tuvieron los -cristianos que allí murieron que los que vivos y vencedores quedaron), yo -solo fui el desdichado, pues, en cambio de que pudiera esperar, si fuera en -los romanos siglos, alguna naval corona, me vi aquella noche que siguió a -tan famoso día con cadenas a los pies y esposas a las manos. - -»Y fue desta suerte: que, habiendo el Uchalí, rey de Argel, atrevido y -venturoso cosario, embestido y rendido la capitana de Malta, que solos tres -caballeros quedaron vivos en ella, y éstos malheridos, acudió la capitana -de Juan Andrea a socorrella, en la cual yo iba con mi compañía; y, haciendo -lo que debía en ocasión semejante, salté en la galera contraria, la cual, -desviándose de la que la había embestido, estorbó que mis soldados me -siguiesen, y así, me hallé solo entre mis enemigos, a quien no pude -resistir, por ser tantos; en fin, me rindieron lleno de heridas. Y, como ya -habréis, señores, oído decir que el Uchalí se salvó con toda su escuadra, -vine yo a quedar cautivo en su poder, y solo fui el triste entre tantos -alegres y el cautivo entre tantos libres; porque fueron quince mil -cristianos los que aquel día alcanzaron la deseada libertad, que todos -venían al remo en la turquesca armada. - -»Lleváronme a Costantinopla, donde el Gran Turco Selim hizo general de la -mar a mi amo, porque había hecho su deber en la batalla, habiendo llevado -por muestra de su valor el estandarte de la religión de Malta. Halléme el -segundo año, que fue el de setenta y dos, en Navarino, bogando en la -capitana de los tres fanales. Vi y noté la ocasión que allí se perdió de no -coger en el puerto toda el armada turquesca, porque todos los leventes y -jenízaros que en ella venían tuvieron por cierto que les habían de embestir -dentro del mesmo puerto, y tenían a punto su ropa y pasamaques, que son sus -zapatos, para huirse luego por tierra, sin esperar ser combatidos: tanto -era el miedo que habían cobrado a nuestra armada. Pero el cielo lo ordenó -de otra manera, no por culpa ni descuido del general que a los nuestros -regía, sino por los pecados de la cristiandad, y porque quiere y permite -Dios que tengamos siempre verdugos que nos castiguen. - -»En efeto, el Uchalí se recogió a Modón, que es una isla que está junto a -Navarino, y, echando la gente en tierra, fortificó la boca del puerto, y -estúvose quedo hasta que el señor don Juan se volvió. En este viaje se tomó -la galera que se llamaba La Presa, de quien era capitán un hijo de aquel -famoso cosario Barbarroja. Tomóla la capitana de Nápoles, llamada La Loba, -regida por aquel rayo de la guerra, por el padre de los soldados, por aquel -venturoso y jamás vencido capitán don Álvaro de Bazán, marqués de Santa -Cruz. Y no quiero dejar de decir lo que sucedió en la presa de La Presa. -Era tan cruel el hijo de Barbarroja, y trataba tan mal a sus cautivos, que, -así como los que venían al remo vieron que la galera Loba les iba entrando -y que los alcanzaba, soltaron todos a un tiempo los remos, y asieron de su -capitán, que estaba sobre el estanterol gritando que bogasen apriesa, y -pasándole de banco en banco, de popa a proa, le dieron bocados, que a poco -más que pasó del árbol ya había pasado su ánima al infierno: tal era, como -he dicho, la crueldad con que los trataba y el odio que ellos le tenían. - -»Volvimos a Constantinopla, y el año siguiente, que fue el de setenta y -tres, se supo en ella cómo el señor don Juan había ganado a Túnez, y -quitado aquel reino a los turcos y puesto en posesión dél a Muley Hamet, -cortando las esperanzas que de volver a reinar en él tenía Muley Hamida, el -moro más cruel y más valiente que tuvo el mundo. Sintió mucho esta pérdida -el Gran Turco, y, usando de la sagacidad que todos los de su casa tienen, -hizo paz con venecianos, que mucho más que él la deseaban; y el año -siguiente de setenta y cuatro acometió a la Goleta y al fuerte que junto a -Túnez había dejado medio levantado el señor don Juan. En todos estos -trances andaba yo al remo, sin esperanza de libertad alguna; a lo menos, no -esperaba tenerla por rescate, porque tenía determinado de no escribir las -nuevas de mi desgracia a mi padre. - -»Perdióse, en fin, la Goleta; perdióse el fuerte, sobre las cuales plazas -hubo de soldados turcos, pagados, setenta y cinco mil, y de moros, y -alárabes de toda la Africa, más de cuatrocientos mil, acompañado este tan -gran número de gente con tantas municiones y pertrechos de guerra, y con -tantos gastadores, que con las manos y a puñados de tierra pudieran cubrir -la Goleta y el fuerte. Perdióse primero la Goleta, tenida hasta entonces -por inexpugnable; y no se perdió por culpa de sus defensores, los cuales -hicieron en su defensa todo aquello que debían y podían, sino porque la -experiencia mostró la facilidad con que se podían levantar trincheas en -aquella desierta arena, porque a dos palmos se hallaba agua, y los turcos -no la hallaron a dos varas; y así, con muchos sacos de arena levantaron las -trincheas tan altas que sobrepujaban las murallas de la fuerza; y, -tirándoles a caballero, ninguno podía parar, ni asistir a la defensa. Fue -común opinión que no se habían de encerrar los nuestros en la Goleta, sino -esperar en campaña al desembarcadero; y los que esto dicen hablan de lejos -y con poca experiencia de casos semejantes, porque si en la Goleta y en el -fuerte apenas había siete mil soldados, ¿cómo podía tan poco número, aunque -más esforzados fuesen, salir a la campaña y quedar en las fuerzas, contra -tanto como era el de los enemigos?; y ¿cómo es posible dejar de perderse -fuerza que no es socorrida, y más cuando la cercan enemigos muchos y -porfiados, y en su mesma tierra? Pero a muchos les pareció, y así me -pareció a mí, que fue particular gracia y merced que el cielo hizo a España -en permitir que se asolase aquella oficina y capa de maldades, y aquella -gomia o esponja y polilla de la infinidad de dineros que allí sin provecho -se gastaban, sin servir de otra cosa que de conservar la memoria de haberla -ganado la felicísima del invictísimo Carlos Quinto; como si fuera menester -para hacerla eterna, como lo es y será, que aquellas piedras la -sustentaran. - -»Perdióse también el fuerte; pero fuéronle ganando los turcos palmo a -palmo, porque los soldados que lo defendían pelearon tan valerosa y -fuertemente, que pasaron de veinte y cinco mil enemigos los que mataron en -veinte y dos asaltos generales que les dieron. Ninguno cautivaron sano de -trecientos que quedaron vivos, señal cierta y clara de su esfuerzo y valor, -y de lo bien que se habían defendido y guardado sus plazas. Rindióse a -partido un pequeño fuerte o torre que estaba en mitad del estaño, a cargo -de don Juan Zanoguera, caballero valenciano y famoso soldado. Cautivaron a -don Pedro Puertocarrero, general de la Goleta, el cual hizo cuanto fue -posible por defender su fuerza; y sintió tanto el haberla perdido que de -pesar murió en el camino de Constantinopla, donde le llevaban cautivo. -Cautivaron ansimesmo al general del fuerte, que se llamaba Gabrio -Cervellón, caballero milanés, grande ingeniero y valentísimo soldado. -Murieron en estas dos fuerzas muchas personas de cuenta, de las cuales fue -una Pagán de Oria, caballero del hábito de San Juan, de condición generoso, -como lo mostró la summa liberalidad que usó con su hermano, el famoso Juan -de Andrea de Oria; y lo que más hizo lastimosa su muerte fue haber muerto a -manos de unos alárabes de quien se fió, viendo ya perdido el fuerte, que se -ofrecieron de llevarle en hábito de moro a Tabarca, que es un portezuelo o -casa que en aquellas riberas tienen los ginoveses que se ejercitan en la -pesquería del coral; los cuales alárabes le cortaron la cabeza y se la -trujeron al general de la armada turquesca, el cual cumplió con ellos -nuestro refrán castellano: "Que aunque la traición aplace, el traidor se -aborrece"; y así, se dice que mandó el general ahorcar a los que le -trujeron el presente, porque no se le habían traído vivo. - -»Entre los cristianos que en el fuerte se perdieron, fue uno llamado don -Pedro de Aguilar, natural no sé de qué lugar del Andalucía, el cual había -sido alférez en el fuerte, soldado de mucha cuenta y de raro entendimiento: -especialmente tenía particular gracia en lo que llaman poesía. Dígolo -porque su suerte le trujo a mi galera y a mi banco, y a ser esclavo de mi -mesmo patrón; y, antes que nos partiésemos de aquel puerto, hizo este -caballero dos sonetos, a manera de epitafios, el uno a la Goleta y el otro -al fuerte. Y en verdad que los tengo de decir, porque los sé de memoria y -creo que antes causarán gusto que pesadumbre.» - -En el punto que el cautivo nombró a don Pedro de Aguilar, don Fernando miró -a sus camaradas, y todos tres se sonrieron; y, cuando llegó a decir de los -sonetos, dijo el uno: - -— Antes que vuestra merced pase adelante, le suplico me diga qué se hizo ese -don Pedro de Aguilar que ha dicho. - -— Lo que sé es —respondió el cautivo— que, al cabo de dos años que estuvo en -Constantinopla, se huyó en traje de arnaúte con un griego espía, y no sé si -vino en libertad, puesto que creo que sí, porque de allí a un año vi yo al -griego en Constantinopla, y no le pude preguntar el suceso de aquel viaje. - -— Pues lo fue —respondió el caballero—, porque ese don Pedro es mi hermano, -y está ahora en nuestro lugar, bueno y rico, casado y con tres hijos. - -— Gracias sean dadas a Dios —dijo el cautivo— por tantas mercedes como le -hizo; porque no hay en la tierra, conforme mi parecer, contento que se -iguale a alcanzar la libertad perdida. - -— Y más —replicó el caballero—, que yo sé los sonetos que mi hermano hizo. - -— Dígalos, pues, vuestra merced —dijo el cautivo—, que los sabrá decir mejor -que yo. - -— Que me place —respondió el caballero—; y el de la Goleta decía así: - - - - -Capítulo XL. Donde se prosigue la historia del cautivo - -Soneto - -Almas dichosas que del mortal velo -libres y esentas, por el bien que obrastes, -desde la baja tierra os levantastes -a lo más alto y lo mejor del cielo, -y, ardiendo en ira y en honroso celo, -de los cuerpos la fuerza ejercitastes, -que en propia y sangre ajena colorastes -el mar vecino y arenoso suelo; -primero que el valor faltó la vida -en los cansados brazos, que, muriendo, -con ser vencidos, llevan la vitoria. -Y esta vuestra mortal, triste caída -entre el muro y el hierro, os va adquiriendo -fama que el mundo os da, y el cielo gloria. - -— Desa mesma manera le sé yo —dijo el cautivo. - -— Pues el del fuerte, si mal no me acuerdo —dijo el caballero—, dice así: - -Soneto - -De entre esta tierra estéril, derribada, -destos terrones por el suelo echados, -las almas santas de tres mil soldados -subieron vivas a mejor morada, -siendo primero, en vano, ejercitada -la fuerza de sus brazos esforzados, -hasta que, al fin, de pocos y cansados, -dieron la vida al filo de la espada. -Y éste es el suelo que continuo ha sido -de mil memorias lamentables lleno -en los pasados siglos y presentes. -Mas no más justas de su duro seno -habrán al claro cielo almas subido, -ni aun él sostuvo cuerpos tan valientes. - -No parecieron mal los sonetos, y el cautivo se alegró con las nuevas que de -su camarada le dieron; y, prosiguiendo su cuento, dijo: - -— «Rendidos, pues, la Goleta y el fuerte, los turcos dieron orden en -desmantelar la Goleta, porque el fuerte quedó tal, que no hubo qué poner -por tierra, y para hacerlo con más brevedad y menos trabajo, la minaron por -tres partes; pero con ninguna se pudo volar lo que parecía menos fuerte, -que eran las murallas viejas; y todo aquello que había quedado en pie de la -fortificación nueva que había hecho el Fratín, con mucha facilidad vino a -tierra. En resolución, la armada volvió a Constantinopla, triunfante y -vencedora: y de allí a pocos meses murió mi amo el Uchalí, al cual llamaban -Uchalí Fartax, que quiere decir, en lengua turquesca, el renegado tiñoso, -porque lo era; y es costumbre entre los turcos ponerse nombres de alguna -falta que tengan, o de alguna virtud que en ellos haya. Y esto es porque no -hay entre ellos sino cuatro apellidos de linajes, que decienden de la casa -Otomana, y los demás, como tengo dicho, toman nombre y apellido ya de las -tachas del cuerpo y ya de las virtudes del ánimo. Y este Tiñoso bogó el -remo, siendo esclavo del Gran Señor, catorce años, y a más de los treinta y -cuatro de sus edad renegó, de despecho de que un turco, estando al remo, -le dio un bofetón, y por poderse vengar dejó su fe; y fue tanto su valor -que, sin subir por los torpes medios y caminos que los más privados del -Gran Turco suben, vino a ser rey de Argel, y después, a ser general de la -mar, que es el tercero cargo que hay en aquel señorío. Era calabrés de -nación, y moralmente fue un hombre de bien, y trataba con mucha humanidad a -sus cautivos, que llegó a tener tres mil, los cuales, después de su muerte, -se repartieron, como él lo dejó en su testamento, entre el Gran Señor (que -también es hijo heredero de cuantos mueren, y entra a la parte con los más -hijos que deja el difunto) y entre sus renegados; y yo cupe a un renegado -veneciano que, siendo grumete de una nave, le cautivó el Uchalí, y le quiso -tanto, que fue uno de los más regalados garzones suyos, y él vino a ser el -más cruel renegado que jamás se ha visto. Llamábase Azán Agá, y llegó a ser -muy rico, y a ser rey de Argel; con el cual yo vine de Constantinopla, algo -contento, por estar tan cerca de España, no porque pensase escribir a nadie -el desdichado suceso mío, sino por ver si me era más favorable la suerte en -Argel que en Constantinopla, donde ya había probado mil maneras de huirme, -y ninguna tuvo sazón ni ventura; y pensaba en Argel buscar otros medios de -alcanzar lo que tanto deseaba, porque jamás me desamparó la esperanza de -tener libertad; y cuando en lo que fabricaba, pensaba y ponía por obra no -correspondía el suceso a la intención, luego, sin abandonarme, fingía y -buscaba otra esperanza que me sustentase, aunque fuese débil y flaca. - -»Con esto entretenía la vida, encerrado en una prisión o casa que los -turcos llaman baño, donde encierran los cautivos cristianos, así los que -son del rey como de algunos particulares; y los que llaman del almacén, que -es como decir cautivos del concejo, que sirven a la ciudad en las obras -públicas que hace y en otros oficios, y estos tales cautivos tienen muy -dificultosa su libertad, que, como son del común y no tienen amo -particular, no hay con quien tratar su rescate, aunque le tengan. En estos -baños, como tengo dicho, suelen llevar a sus cautivos algunos particulares -del pueblo, principalmente cuando son de rescate, porque allí los tienen -holgados y seguros hasta que venga su rescate. También los cautivos del rey -que son de rescate no salen al trabajo con la demás chusma, si no es cuando -se tarda su rescate; que entonces, por hacerles que escriban por él con más -ahínco, les hacen trabajar y ir por leña con los demás, que es un no -pequeño trabajo. - -»Yo, pues, era uno de los de rescate; que, como se supo que era capitán, -puesto que dije mi poca posibilidad y falta de hacienda, no aprovechó nada -para que no me pusiesen en el número de los caballeros y gente de rescate. -Pusiéronme una cadena, más por señal de rescate que por guardarme con ella; -y así, pasaba la vida en aquel baño, con otros muchos caballeros y gente -principal, señalados y tenidos por de rescate. Y, aunque la hambre y -desnudez pudiera fatigarnos a veces, y aun casi siempre, ninguna cosa nos -fatigaba tanto como oír y ver, a cada paso, las jamás vistas ni oídas -crueldades que mi amo usaba con los cristianos. Cada día ahorcaba el suyo, -empalaba a éste, desorejaba aquél; y esto, por tan poca ocasión, y tan sin -ella, que los turcos conocían que lo hacía no más de por hacerlo, y por ser -natural condición suya ser homicida de todo el género humano. Sólo libró -bien con él un soldado español, llamado tal de Saavedra, el cual, con haber -hecho cosas que quedarán en la memoria de aquellas gentes por muchos años, -y todas por alcanzar libertad, jamás le dio palo, ni se lo mandó dar, ni le -dijo mala palabra; y, por la menor cosa de muchas que hizo, temíamos todos -que había de ser empalado, y así lo temió él más de una vez; y si no fuera -porque el tiempo no da lugar, yo dijera ahora algo de lo que este soldado -hizo, que fuera parte para entreteneros y admiraros harto mejor que con el -cuento de mi historia. - -»Digo, pues, que encima del patio de nuestra prisión caían las ventanas de -la casa de un moro rico y principal, las cuales, como de ordinario son las -de los moros, más eran agujeros que ventanas, y aun éstas se cubrían con -celosías muy espesas y apretadas. Acaeció, pues, que un día, estando en un -terrado de nuestra prisión con otros tres compañeros, haciendo pruebas de -saltar con las cadenas, por entretener el tiempo, estando solos, porque -todos los demás cristianos habían salido a trabajar, alcé acaso los ojos y -vi que por aquellas cerradas ventanillas que he dicho parecía una caña, y -al remate della puesto un lienzo atado, y la caña se estaba blandeando y -moviéndose, casi como si hiciera señas que llegásemos a tomarla. Miramos en -ello, y uno de los que conmigo estaban fue a ponerse debajo de la caña, por -ver si la soltaban, o lo que hacían; pero, así como llegó, alzaron la caña -y la movieron a los dos lados, como si dijeran no con la cabeza. Volvióse -el cristiano, y tornáronla a bajar y hacer los mesmos movimientos que -primero. Fue otro de mis compañeros, y sucedióle lo mesmo que al primero. -Finalmente, fue el tercero y avínole lo que al primero y al segundo. Viendo -yo esto, no quise dejar de probar la suerte, y, así como llegué a ponerme -debajo de la caña, la dejaron caer, y dio a mis pies dentro del baño. Acudí -luego a desatar el lienzo, en el cual vi un nudo, y dentro dél venían diez -cianíis, que son unas monedas de oro bajo que usan los moros, que cada una -vale diez reales de los nuestros. Si me holgué con el hallazgo, no hay para -qué decirlo, pues fue tanto el contento como la admiración de pensar de -donde podía venirnos aquel bien, especialmente a mí, pues las muestras de -no haber querido soltar la caña sino a mí claro decían que a mí se hacía la -merced. Tomé mi buen dinero, quebré la caña, volvíme al terradillo, miré la -ventana, y vi que por ella salía una muy blanca mano, que la abrían y -cerraban muy apriesa. Con esto entendimos, o imaginamos, que alguna mujer -que en aquella casa vivía nos debía de haber hecho aquel beneficio; y, en -señal de que lo agradecíamos, hecimos zalemas a uso de moros, inclinando la -cabeza, doblando el cuerpo y poniendo los brazos sobre el pecho. De allí a -poco sacaron por la mesma ventana una pequeña cruz hecha de cañas, y luego -la volvieron a entrar. Esta señal nos confirmó en que alguna cristiana -debía de estar cautiva en aquella casa, y era la que el bien nos hacía; -pero la blancura de la mano, y las ajorcas que en ella vimos, nos deshizo -este pensamiento, puesto que imaginamos que debía de ser cristiana -renegada, a quien de ordinario suelen tomar por legítimas mujeres sus -mesmos amos, y aun lo tienen a ventura, porque las estiman en más que las -de su nación. - -»En todos nuestros discursos dimos muy lejos de la verdad del caso; y así, -todo nuestro entretenimiento desde allí adelante era mirar y tener por -norte a la ventana donde nos había aparecido la estrella de la caña; pero -bien se pasaron quince días en que no la vimos, ni la mano tampoco, ni otra -señal alguna. Y, aunque en este tiempo procuramos con toda solicitud saber -quién en aquella casa vivía, y si había en ella alguna cristiana renegada, -jamás hubo quien nos dijese otra cosa, sino que allí vivía un moro -principal y rico, llamado Agi Morato, alcaide que había sido de La Pata, -que es oficio entre ellos de mucha calidad. Mas, cuando más descuidados -estábamos de que por allí habían de llover más cianíis, vimos a deshora -parecer la caña, y otro lienzo en ella, con otro nudo más crecido; y esto -fue a tiempo que estaba el baño, como la vez pasada, solo y sin gente. -Hecimos la acostumbrada prueba, yendo cada uno primero que yo, de los -mismos tres que estábamos, pero a ninguno se rindió la caña sino a mí, -porque, en llegando yo, la dejaron caer. Desaté el nudo, y hallé cuarenta -escudos de oro españoles y un papel escrito en arábigo, y al cabo de lo -escrito hecha una grande cruz. Besé la cruz, tomé los escudos, volvíme al -terrado, hecimos todos nuestras zalemas, tornó a parecer la mano, hice -señas que leería el papel, cerraron la ventana. Quedamos todos confusos y -alegres con lo sucedido; y, como ninguno de nosotros no entendía el -arábigo, era grande el deseo que teníamos de entender lo que el papel -contenía, y mayor la dificultad de buscar quien lo leyese. - -»En fin, yo me determiné de fiarme de un renegado, natural de Murcia, que -se había dado por grande amigo mío, y puesto prendas entre los dos, que le -obligaban a guardar el secreto que le encargase; porque suelen algunos -renegados, cuando tienen intención de volverse a tierra de cristianos, -traer consigo algunas firmas de cautivos principales, en que dan fe, en la -forma que pueden, como el tal renegado es hombre de bien, y que siempre ha -hecho bien a cristianos, y que lleva deseo de huirse en la primera ocasión -que se le ofrezca. Algunos hay que procuran estas fees con buena intención, -otros se sirven dellas acaso y de industria: que, viniendo a robar a tierra -de cristianos, si a dicha se pierden o los cautivan, sacan sus firmas y -dicen que por aquellos papeles se verá el propósito con que venían, el cual -era de quedarse en tierra de cristianos, y que por eso venían en corso con -los demás turcos. Con esto se escapan de aquel primer ímpetu, y se -reconcilian con la Iglesia, sin que se les haga daño; y, cuando veen la -suya, se vuelven a Berbería a ser lo que antes eran. Otros hay que usan -destos papeles, y los procuran, con buen intento, y se quedan en tierra de -cristianos. - -»Pues uno de los renegados que he dicho era este mi amigo, el cual tenía -firmas de todas nuestras camaradas, donde le acreditábamos cuanto era -posible; y si los moros le hallaran estos papeles, le quemaran vivo. Supe -que sabía muy bien arábigo, y no solamente hablarlo, sino escribirlo; pero, -antes que del todo me declarase con él, le dije que me leyese aquel papel, -que acaso me había hallado en un agujero de mi rancho. Abrióle, y estuvo un -buen espacio mirándole y construyéndole, murmurando entre los dientes. -Preguntéle si lo entendía; díjome que muy bien, y, que si quería que me lo -declarase palabra por palabra, que le diese tinta y pluma, porque mejor lo -hiciese. Dímosle luego lo que pedía, y él poco a poco lo fue traduciendo; -y, en acabando, dijo: ''Todo lo que va aquí en romance, sin faltar letra, -es lo que contiene este papel morisco; y hase de advertir que adonde dice -Lela Marién quiere decir Nuestra Señora la Virgen María''. - -»Leímos el papel, y decía así: - -Cuando yo era niña, tenía mi padre una esclava, la cual en mi lengua me -mostró la zalá cristianesca, y me dijo muchas cosas de Lela Marién. La -cristiana murió, y yo sé que no fue al fuego, sino con Alá, porque después -la vi dos veces, y me dijo que me fuese a tierra de cristianos a ver a Lela -Marién, que me quería mucho. No sé yo cómo vaya: muchos cristianos he visto -por esta ventana, y ninguno me ha parecido caballero sino tú. Yo soy muy -hermosa y muchacha, y tengo muchos dineros que llevar conmigo: mira tú si -puedes hacer cómo nos vamos, y serás allá mi marido, si quisieres, y si no -quisieres, no se me dará nada, que Lela Marién me dará con quien me case. -Yo escribí esto; mira a quién lo das a leer: no te fíes de ningún moro, -porque son todos marfuces. Desto tengo mucha pena: que quisiera que no te -descubrieras a nadie, porque si mi padre lo sabe, me echará luego en un -pozo, y me cubrirá de piedras. En la caña pondré un hilo: ata allí la -respuesta; y si no tienes quien te escriba arábigo, dímelo por señas, que -Lela Marién hará que te entienda. Ella y Alá te guarden, y esa cruz que yo -beso muchas veces; que así me lo mandó la cautiva. - -»Mirad, señores, si era razón que las razones deste papel nos admirasen y -alegrasen. Y así, lo uno y lo otro fue de manera que el renegado entendió -que no acaso se había hallado aquel papel, sino que realmente a alguno de -nosotros se había escrito; y así, nos rogó que si era verdad lo que -sospechaba, que nos fiásemos dél y se lo dijésemos, que él aventuraría su -vida por nuestra libertad. Y, diciendo esto, sacó del pecho un crucifijo de -metal, y con muchas lágrimas juró por el Dios que aquella imagen -representaba, en quien él, aunque pecador y malo, bien y fielmente creía, -de guardarnos lealtad y secreto en todo cuanto quisiésemos descubrirle, -porque le parecía, y casi adevinaba que, por medio de aquella que aquel -papel había escrito, había él y todos nosotros de tener libertad, y verse -él en lo que tanto deseaba, que era reducirse al gremio de la Santa -Iglesia, su madre, de quien como miembro podrido estaba dividido y apartado -por su ignorancia y pecado. - -»Con tantas lágrimas y con muestras de tanto arrepentimiento dijo esto el -renegado, que todos de un mesmo parecer consentimos, y venimos en -declararle la verdad del caso; y así, le dimos cuenta de todo, sin -encubrirle nada. Mostrámosle la ventanilla por donde parecía la caña, y él -marcó desde allí la casa, y quedó de tener especial y gran cuidado de -informarse quién en ella vivía. Acordamos, ansimesmo, que sería bien -responder al billete de la mora; y, como teníamos quien lo supiese hacer, -luego al momento el renegado escribió las razones que yo le fui notando, -que puntualmente fueron las que diré, porque de todos los puntos -sustanciales que en este suceso me acontecieron, ninguno se me ha ido de la -memoria, ni aun se me irá en tanto que tuviere vida. - -»En efeto, lo que a la mora se le respondió fue esto: - -El verdadero Alá te guarde, señora mía, y aquella bendita Marién, que es la -verdadera madre de Dios y es la que te ha puesto en corazón que te vayas a -tierra de cristianos, porque te quiere bien. Ruégale tú que se sirva de -darte a entender cómo podrás poner por obra lo que te manda, que ella es -tan buena que sí hará. De mi parte y de la de todos estos cristianos que -están conmigo, te ofrezco de hacer por ti todo lo que pudiéremos, hasta -morir. No dejes de escribirme y avisarme lo que pensares hacer, que yo te -responderé siempre; que el grande Alá nos ha dado un cristiano cautivo que -sabe hablar y escribir tu lengua tan bien como lo verás por este papel. Así -que, sin tener miedo, nos puedes avisar de todo lo que quisieres. A lo que -dices que si fueres a tierra de cristianos, que has de ser mi mujer, yo te -lo prometo como buen cristiano; y sabe que los cristianos cumplen lo que -prometen mejor que los moros. Alá y Marién, su madre, sean en tu guarda, -señora mía. - -»Escrito y cerrado este papel, aguardé dos días a que estuviese el baño -solo, como solía, y luego salí al paso acostumbrado del terradillo, por ver -si la caña parecía, que no tardó mucho en asomar. Así como la vi, aunque no -podía ver quién la ponía, mostré el papel, como dando a entender que -pusiesen el hilo, pero ya venía puesto en la caña, al cual até el papel, y -de allí a poco tornó a parecer nuestra estrella, con la blanca bandera de -paz del atadillo. Dejáronla caer, y alcé yo, y hallé en el paño, en toda -suerte de moneda de plata y de oro, más de cincuenta escudos, los cuales -cincuenta veces más doblaron nuestro contento y confirmaron la esperanza de -tener libertad. - -»Aquella misma noche volvió nuestro renegado, y nos dijo que había sabido -que en aquella casa vivía el mesmo moro que a nosotros nos habían dicho que -se llamaba Agi Morato, riquísimo por todo estremo, el cual tenía una sola -hija, heredera de toda su hacienda, y que era común opinión en toda la -ciudad ser la más hermosa mujer de la Berbería; y que muchos de los -virreyes que allí venían la habían pedido por mujer, y que ella nunca se -había querido casar; y que también supo que tuvo una cristiana cautiva, que -ya se había muerto; todo lo cual concertaba con lo que venía en el papel. -Entramos luego en consejo con el renegado, en qué orden se tendría para -sacar a la mora y venirnos todos a tierra de cristianos, y, en fin, se -acordó por entonces que esperásemos el aviso segundo de Zoraida, que así se -llamaba la que ahora quiere llamarse María; porque bien vimos que ella, y -no otra alguna era la que había de dar medio a todas aquellas dificultades. -Después que quedamos en esto, dijo el renegado que no tuviésemos pena, que -él perdería la vida o nos pondría en libertad. - -»Cuatro días estuvo el baño con gente, que fue ocasión que cuatro días -tardase en parecer la caña; al cabo de los cuales, en la acostumbrada -soledad del baño, pareció con el lienzo tan preñado, que un felicísimo -parto prometía. Inclinóse a mí la caña y el lienzo, hallé en él otro papel -y cien escudos de oro, sin otra moneda alguna. Estaba allí el renegado, -dímosle a leer el papel dentro de nuestro rancho, el cual dijo que así -decía: - -Yo no sé, mi señor, cómo dar orden que nos vamos a España, ni Lela Marién -me lo ha dicho, aunque yo se lo he preguntado. Lo que se podrá hacer es que -yo os daré por esta ventana muchísimos dineros de oro: rescataos vos con -ellos y vuestros amigos, y vaya uno en tierra de cristianos, y compre allá -una barca y vuelva por los demás; y a mí me hallarán en el jardín de mi -padre, que está a la puerta de Babazón, junto a la marina, donde tengo de -estar todo este verano con mi padre y con mis criados. De allí, de noche, -me podréis sacar sin miedo y llevarme a la barca; y mira que has de ser mi -marido, porque si no, yo pediré a Marién que te castigue. Si no te fías de -nadie que vaya por la barca, rescátate tú y ve, que yo sé que volverás -mejor que otro, pues eres caballero y cristiano. Procura saber el jardín, y -cuando te pasees por ahí sabré que está solo el baño, y te daré mucho -dinero. Alá te guarde, señor mío. - -»Esto decía y contenía el segundo papel. Lo cual visto por todos, cada uno -se ofreció a querer ser el rescatado, y prometió de ir y volver con toda -puntualidad, y también yo me ofrecí a lo mismo; a todo lo cual se opuso el -renegado, diciendo que en ninguna manera consentiría que ninguno saliese de -libertad hasta que fuesen todos juntos, porque la experiencia le había -mostrado cuán mal cumplían los libres las palabras que daban en el -cautiverio; porque muchas veces habían usado de aquel remedio algunos -principales cautivos, rescatando a uno que fuese a Valencia, o Mallorca, -con dineros para poder armar una barca y volver por los que le habían -rescatado, y nunca habían vuelto; porque la libertad alcanzada y el temor -de no volver a perderla les borraba de la memoria todas las obligaciones -del mundo. Y, en confirmación de la verdad que nos decía, nos contó -brevemente un caso que casi en aquella mesma sazón había acaecido a unos -caballeros cristianos, el más estraño que jamás sucedió en aquellas partes, -donde a cada paso suceden cosas de grande espanto y de admiración. - -»En efecto, él vino a decir que lo que se podía y debía hacer era que el -dinero que se había de dar para rescatar al cristiano, que se le diese a él -para comprar allí en Argel una barca, con achaque de hacerse mercader y -tratante en Tetuán y en aquella costa; y que, siendo él señor de la barca, -fácilmente se daría traza para sacarlos del baño y embarcarlos a todos. -Cuanto más, que si la mora, como ella decía, daba dineros para rescatarlos -a todos, que, estando libres, era facilísima cosa aun embarcarse en la -mitad del día; y que la dificultad que se ofrecía mayor era que los moros -no consienten que renegado alguno compre ni tenga barca, si no es bajel -grande para ir en corso, porque se temen que el que compra barca, -principalmente si es español, no la quiere sino para irse a tierra de -cristianos; pero que él facilitaría este inconveniente con hacer que un -moro tagarino fuese a la parte con él en la compañía de la barca y en la -ganancia de las mercancías, y con esta sombra él vendría a ser señor de la -barca, con que daba por acabado todo lo demás. - -»Y, puesto que a mí y a mis camaradas nos había parecido mejor lo de enviar -por la barca a Mallorca, como la mora decía, no osamos contradecirle, -temerosos que, si no hacíamos lo que él decía, nos había de descubrir y -poner a peligro de perder las vidas, si descubriese el trato de Zoraida, -por cuya vida diéramos todos las nuestras. Y así, determinamos de ponernos -en las manos de Dios y en las del renegado, y en aquel mismo punto se le -respondió a Zoraida, diciéndole que haríamos todo cuanto nos aconsejaba, -porque lo había advertido tan bien como si Lela Marién se lo hubiera dicho, -y que en ella sola estaba dilatar aquel negocio, o ponello luego por obra. -Ofrecímele de nuevo de ser su esposo, y, con esto, otro día que acaeció a -estar solo el baño, en diversas veces, con la caña y el paño, nos dio dos -mil escudos de oro, y un papel donde decía que el primer jumá, que es el -viernes, se iba al jardín de su padre, y que antes que se fuese nos daría -más dinero, y que si aquello no bastase, que se lo avisásemos, que nos -daría cuanto le pidiésemos: que su padre tenía tantos, que no lo echaría -menos, cuanto más, que ella tenía la llaves de todo. - -»Dimos luego quinientos escudos al renegado para comprar la barca; con -ochocientos me rescaté yo, dando el dinero a un mercader valenciano que a -la sazón se hallaba en Argel, el cual me rescató del rey, tomándome sobre -su palabra, dándola de que con el primer bajel que viniese de Valencia -pagaría mi rescate; porque si luego diera el dinero, fuera dar sospechas al -rey que había muchos días que mi rescate estaba en Argel, y que el -mercader, por sus granjerías, lo había callado. Finalmente, mi amo era tan -caviloso que en ninguna manera me atreví a que luego se desembolsase el -dinero. El jueves antes del viernes que la hermosa Zoraida se había de ir -al jardín, nos dio otros mil escudos y nos avisó de su partida, rogándome -que, si me rescatase, supiese luego el jardín de su padre, y que en todo -caso buscase ocasión de ir allá y verla. Respondíle en breves palabras que -así lo haría, y que tuviese cuidado de encomendarnos a Lela Marién, con -todas aquellas oraciones que la cautiva le había enseñado. - -»Hecho esto, dieron orden en que los tres compañeros nuestros se -rescatasen, por facilitar la salida del baño, y porque, viéndome a mí -rescatado, y a ellos no, pues había dinero, no se alborotasen y les -persuadiese el diablo que hiciesen alguna cosa en perjuicio de Zoraida; -que, puesto que el ser ellos quien eran me podía asegurar deste temor, con -todo eso, no quise poner el negocio en aventura, y así, los hice rescatar -por la misma orden que yo me rescaté, entregando todo el dinero al -mercader, para que, con certeza y seguridad, pudiese hacer la fianza; al -cual nunca descubrimos nuestro trato y secreto, por el peligro que había. - - - - -Capítulo XLI. Donde todavía prosigue el cautivo su suceso - -»No se pasaron quince días, cuando ya nuestro renegado tenía comprada una -muy buena barca, capaz de más de treinta personas: y, para asegurar su -hecho y dalle color, quiso hacer, como hizo, un viaje a un lugar que se -llamaba Sargel, que está treinta leguas de Argel hacia la parte de Orán, en -el cual hay mucha contratación de higos pasos. Dos o tres veces hizo este -viaje, en compañía del tagarino que había dicho. Tagarinos llaman en -Berbería a los moros de Aragón, y a los de Granada, mudéjares; y en el -reino de Fez llaman a los mudéjares elches, los cuales son la gente de -quien aquel rey más se sirve en la guerra. - -»Digo, pues, que cada vez que pasaba con su barca daba fondo en una caleta -que estaba no dos tiros de ballesta del jardín donde Zoraida esperaba; y -allí, muy de propósito, se ponía el renegado con los morillos que bogaban -el remo, o ya a hacer la zalá, o a como por ensayarse de burlas a lo que -pensaba hacer de veras; y así, se iba al jardín de Zoraida y le pedía -fruta, y su padre se la daba sin conocelle; y, aunque él quisiera hablar a -Zoraida, como él después me dijo, y decille que él era el que por orden mía -le había de llevar a tierra de cristianos, que estuviese contenta y segura, -nunca le fue posible, porque las moras no se dejan ver de ningún moro ni -turco, si no es que su marido o su padre se lo manden. De cristianos -cautivos se dejan tratar y comunicar, aun más de aquello que sería -razonable; y a mí me hubiera pesado que él la hubiera hablado, que quizá la -alborotara, viendo que su negocio andaba en boca de renegados. Pero Dios, -que lo ordenaba de otra manera, no dio lugar al buen deseo que nuestro -renegado tenía; el cual, viendo cuán seguramente iba y venía a Sargel, y -que daba fondo cuando y como y adonde quería, y que el tagarino, su -compañero, no tenía más voluntad de lo que la suya ordenaba, y que yo -estaba ya rescatado, y que sólo faltaba buscar algunos cristianos que -bogasen el remo, me dijo que mirase yo cuáles quería traer conmigo, fuera -de los rescatados, y que los tuviese hablados para el primer viernes, donde -tenía determinado que fuese nuestra partida. Viendo esto, hablé a doce -españoles, todos valientes hombres del remo, y de aquellos que más -libremente podían salir de la ciudad; y no fue poco hallar tantos en -aquella coyuntura, porque estaban veinte bajeles en corso, y se habían -llevado toda la gente de remo, y éstos no se hallaran, si no fuera que su -amo se quedó aquel verano sin ir en corso, a acabar una galeota que tenía -en astillero. A los cuales no les dije otra cosa, sino que el primer -viernes en la tarde se saliesen uno a uno, disimuladamente, y se fuesen la -vuelta del jardín de Agi Morato, y que allí me aguardasen hasta que yo -fuese. A cada uno di este aviso de por sí, con orden que, aunque allí -viesen a otros cristianos, no les dijesen sino que yo les había mandado -esperar en aquel lugar. - -»Hecha esta diligencia, me faltaba hacer otra, que era la que más me -convenía: y era la de avisar a Zoraida en el punto que estaban los -negocios, para que estuviese apercebida y sobre aviso, que no se -sobresaltase si de improviso la asaltásemos antes del tiempo que ella podía -imaginar que la barca de cristianos podía volver. Y así, determiné de ir al -jardín y ver si podría hablarla; y, con ocasión de coger algunas yerbas, un -día, antes de mi partida, fui allá, y la primera persona con quién encontré -fue con su padre, el cual me dijo, en lengua que en toda la Berbería, y aun -en Costantinopla, se halla entre cautivos y moros, que ni es morisca, ni -castellana, ni de otra nación alguna, sino una mezcla de todas las lenguas -con la cual todos nos entendemos; digo, pues, que en esta manera de -lenguaje me preguntó que qué buscaba en aquel su jardín, y de quién era. -Respondíle que era esclavo de Arnaúte Mamí (y esto, porque sabía yo por muy -cierto que era un grandísimo amigo suyo), y que buscaba de todas yerbas, -para hacer ensalada. Preguntóme, por el consiguiente, si era hombre de -rescate o no, y que cuánto pedía mi amo por mí. Estando en todas estas -preguntas y respuestas, salió de la casa del jardín la bella Zoraida, la -cual ya había mucho que me había visto; y, como las moras en ninguna manera -hacen melindre de mostrarse a los cristianos, ni tampoco se esquivan, como -ya he dicho, no se le dio nada de venir adonde su padre conmigo estaba; -antes, luego cuando su padre vio que venía, y de espacio, la llamó y mandó -que llegase. - -»Demasiada cosa sería decir yo agora la mucha hermosura, la gentileza, el -gallardo y rico adorno con que mi querida Zoraida se mostró a mis ojos: -sólo diré que más perlas pendían de su hermosísimo cuello, orejas y -cabellos, que cabellos tenía en la cabeza. En las gargantas de los sus -pies, que descubiertas, a su usanza, traía, traía dos carcajes (que así se -llamaban las manillas o ajorcas de los pies en morisco) de purísimo oro, -con tantos diamantes engastados, que ella me dijo después que su padre los -estimaba en diez mil doblas, y las que traía en las muñecas de las manos -valían otro tanto. Las perlas eran en gran cantidad y muy buenas, porque la -mayor gala y bizarría de las moras es adornarse de ricas perlas y aljófar, -y así, hay más perlas y aljófar entre moros que entre todas las demás -naciones; y el padre de Zoraida tenía fama de tener muchas y de las mejores -que en Argel había, y de tener asimismo más de docientos mil escudos -españoles, de todo lo cual era señora esta que ahora lo es mía. Si con todo -este adorno podía venir entonces hermosa, o no, por las reliquias que le -han quedado en tantos trabajos se podrá conjeturar cuál debía de ser en las -prosperidades. Porque ya se sabe que la hermosura de algunas mujeres tiene -días y sazones, y requiere accidentes para diminuirse o acrecentarse; y es -natural cosa que las pasiones del ánimo la levanten o abajen, puesto que -las más veces la destruyen. - -»Digo, en fin, que entonces llegó en todo estremo aderezada y en todo -estremo hermosa, o, a lo menos, a mí me pareció serlo la más que hasta -entonces había visto; y con esto, viendo las obligaciones en que me había -puesto, me parecía que tenía delante de mí una deidad del cielo, venida a -la tierra para mi gusto y para mi remedio. Así como ella llegó, le dijo su -padre en su lengua como yo era cautivo de su amigo Arnaúte Mamí, y que -venía a buscar ensalada. Ella tomó la mano, y en aquella mezcla de lenguas -que tengo dicho me preguntó si era caballero y qué era la causa que no me -rescataba. Yo le respondí que ya estaba rescatado, y que en el precio podía -echar de ver en lo que mi amo me estimaba, pues había dado por mí mil y -quinientos zoltanís. A lo cual ella respondió: ''En verdad que si tú fueras -de mi padre, que yo hiciera que no te diera él por otros dos tantos, porque -vosotros, cristianos, siempre mentís en cuanto decís, y os hacéis pobres -por engañar a los moros''. ''Bien podría ser eso, señora —le respondí—, mas -en verdad que yo la he tratado con mi amo, y la trato y la trataré con -cuantas personas hay en el mundo''. ''Y ¿cuándo te vas?'', dijo Zoraida. -''Mañana, creo yo —dije—, porque está aquí un bajel de Francia que se hace -mañana a la vela, y pienso irme en él''. ''¿No es mejor —replicó Zoraida—, -esperar a que vengan bajeles de España, y irte con ellos, que no con los de -Francia, que no son vuestros amigos?'' ''No —respondí yo—, aunque si como -hay nuevas que viene ya un bajel de España, es verdad, todavía yo le -aguardaré, puesto que es más cierto el partirme mañana; porque el deseo que -tengo de verme en mi tierra, y con las personas que bien quiero, es tanto -que no me dejará esperar otra comodidad, si se tarda, por mejor que sea''. -''Debes de ser, sin duda, casado en tu tierra —dijo Zoraida—, y por eso -deseas ir a verte con tu mujer''. ''No soy —respondí yo— casado, mas tengo -dada la palabra de casarme en llegando allá''. ''Y ¿es hermosa la dama a -quien se la diste?'', dijo Zoraida. ''Tan hermosa es —respondí yo— que para -encarecella y decirte la verdad, te parece a ti mucho''. Desto se riyó muy -de veras su padre, y dijo: ''Gualá, cristiano, que debe de ser muy hermosa -si se parece a mi hija, que es la más hermosa de todo este reino. Si no, -mírala bien, y verás cómo te digo verdad''. Servíanos de intérprete a las -más de estas palabras y razones el padre de Zoraida, como más ladino; que, -aunque ella hablaba la bastarda lengua que, como he dicho, allí se usa, más -declaraba su intención por señas que por palabras. - -»Estando en estas y otras muchas razones, llegó un moro corriendo, y dijo, -a grandes voces, que por las bardas o paredes del jardín habían saltado -cuatro turcos, y andaban cogiendo la fruta, aunque no estaba madura. -Sobresaltóse el viejo, y lo mesmo hizo Zoraida, porque es común y casi -natural el miedo que los moros a los turcos tienen, especialmente a los -soldados, los cuales son tan insolentes y tienen tanto imperio sobre los -moros que a ellos están sujetos, que los tratan peor que si fuesen esclavos -suyos. Digo, pues, que dijo su padre a Zoraida: ''Hija, retírate a la casa -y enciérrate, en tanto que yo voy a hablar a estos canes; y tú, cristiano, -busca tus yerbas, y vete en buen hora, y llévete Alá con bien a tu -tierra''. Yo me incliné, y él se fue a buscar los turcos, dejándome solo -con Zoraida, que comenzó a dar muestras de irse donde su padre la había -mandado. Pero, apenas él se encubrió con los árboles del jardín, cuando -ella, volviéndose a mí, llenos los ojos de lágrimas, me dijo: ''Ámexi, -cristiano, ámexi''; que quiere decir: "¿Vaste, cristiano, vaste?" Yo la -respondí: ''Señora, sí, pero no en ninguna manera sin ti: el primero jumá -me aguarda, y no te sobresaltes cuando nos veas; que sin duda alguna iremos -a tierra de cristianos''. - -»Yo le dije esto de manera que ella me entendió muy bien a todas las -razones que entrambos pasamos; y, echándome un brazo al cuello, con -desmayados pasos comenzó a caminar hacia la casa; y quiso la suerte, que -pudiera ser muy mala si el cielo no lo ordenara de otra manera, que, yendo -los dos de la manera y postura que os he contado, con un brazo al cuello, -su padre, que ya volvía de hacer ir a los turcos, nos vio de la suerte y -manera que íbamos, y nosotros vimos que él nos había visto; pero Zoraida, -advertida y discreta, no quiso quitar el brazo de mi cuello, antes se llegó -más a mí y puso su cabeza sobre mi pecho, doblando un poco las rodillas, -dando claras señales y muestras que se desmayaba, y yo, ansimismo, di a -entender que la sostenía contra mi voluntad. Su padre llegó corriendo -adonde estábamos, y, viendo a su hija de aquella manera, le preguntó que -qué tenía; pero, como ella no le respondiese, dijo su padre: ''Sin duda -alguna que con el sobresalto de la entrada de estos canes se ha -desmayado''. Y, quitándola del mío, la arrimó a su pecho; y ella, dando un -suspiro y aún no enjutos los ojos de lágrimas, volvió a decir: ''Ámexi, -cristiano, ámexi'': "Vete, cristiano, vete". A lo que su padre respondió: -''No importa, hija, que el cristiano se vaya, que ningún mal te ha hecho, y -los turcos ya son idos. No te sobresalte cosa alguna, pues ninguna hay que -pueda darte pesadumbre, pues, como ya te he dicho, los turcos, a mi ruego, -se volvieron por donde entraron''. ''Ellos, señor, la sobresaltaron, como -has dicho —dije yo a su padre—; mas, pues ella dice que yo me vaya, no la -quiero dar pesadumbre: quédate en paz, y, con tu licencia, volveré, si -fuere menester, por yerbas a este jardín; que, según dice mi amo, en -ninguno las hay mejores para ensalada que en él''. ''Todas las que -quisieres podrás volver —respondió Agi Morato—, que mi hija no dice esto -porque tú ni ninguno de los cristianos la enojaban, sino que, por decir que -los turcos se fuesen, dijo que tú te fueses, o porque ya era hora que -buscases tus yerbas''. - -»Con esto, me despedí al punto de entrambos; y ella, arrancándosele el -alma, al parecer, se fue con su padre; y yo, con achaque de buscar las -yerbas, rodeé muy bien y a mi placer todo el jardín: miré bien las entradas -y salidas, y la fortaleza de la casa, y la comodidad que se podía ofrecer -para facilitar todo nuestro negocio. Hecho esto, me vine y di cuenta de -cuanto había pasado al renegado y a mis compañeros; y ya no veía la hora de -verme gozar sin sobresalto del bien que en la hermosa y bella Zoraida la -suerte me ofrecía. - -»En fin, el tiempo se pasó, y se llegó el día y plazo de nosotros tan -deseado; y, siguiendo todos el orden y parecer que, con discreta -consideración y largo discurso, muchas veces habíamos dado, tuvimos el buen -suceso que deseábamos; porque el viernes que se siguió al día que yo con -Zoraida hablé en el jardín, nuestro renegado, al anochecer, dio fondo con -la barca casi frontero de donde la hermosísima Zoraida estaba. Ya los -cristianos que habían de bogar el remo estaban prevenidos y escondidos por -diversas partes de todos aquellos alrededores. Todos estaban suspensos y -alborozados, aguardándome, deseosos ya de embestir con el bajel que a los -ojos tenían; porque ellos no sabían el concierto del renegado, sino que -pensaban que a fuerza de brazos habían de haber y ganar la libertad, -quitando la vida a los moros que dentro de la barca estaban. - -»Sucedió, pues, que, así como yo me mostré y mis compañeros, todos los -demás escondidos que nos vieron se vinieron llegando a nosotros. Esto era -ya a tiempo que la ciudad estaba ya cerrada, y por toda aquella campaña -ninguna persona parecía. Como estuvimos juntos, dudamos si sería mejor ir -primero por Zoraida, o rendir primero a los moros bagarinos que bogaban el -remo en la barca. Y, estando en esta duda, llegó a nosotros nuestro -renegado diciéndonos que en qué nos deteníamos, que ya era hora, y que -todos sus moros estaban descuidados, y los más dellos durmiendo. Dijímosle -en lo que reparábamos, y él dijo que lo que más importaba era rendir -primero el bajel, que se podía hacer con grandísima facilidad y sin peligro -alguno, y que luego podíamos ir por Zoraida. Pareciónos bien a todos lo que -decía, y así, sin detenernos más, haciendo él la guía, llegamos al bajel, -y, saltando él dentro primero, metió mano a un alfanje, y dijo en morisco: -''Ninguno de vosotros se mueva de aquí, si no quiere que le cueste la -vida''. Ya, a este tiempo, habían entrado dentro casi todos los cristianos. -Los moros, que eran de poco ánimo, viendo hablar de aquella manera a su -arráez, quedáronse espantados, y sin ninguno de todos ellos echar mano a -las armas, que pocas o casi ningunas tenían, se dejaron, sin hablar alguna -palabra, maniatar de los cristianos, los cuales con mucha presteza lo -hicieron, amenazando a los moros que si alzaban por alguna vía o manera la -voz, que luego al punto los pasarían todos a cuchillo. - -»Hecho ya esto, quedándose en guardia dellos la mitad de los nuestros, los -que quedábamos, haciéndonos asimismo el renegado la guía, fuimos al jardín -de Agi Morato, y quiso la buena suerte que, llegando a abrir la puerta, se -abrió con tanta facilidad como si cerrada no estuviera; y así, con gran -quietud y silencio, llegamos a la casa sin ser sentidos de nadie. Estaba la -bellísima Zoraida aguardándonos a una ventana, y, así como sintió gente, -preguntó con voz baja si éramos nizarani, como si dijera o preguntara si -éramos cristianos. Yo le respondí que sí, y que bajase. Cuando ella me -conoció, no se detuvo un punto, porque, sin responderme palabra, bajó en un -instante, abrió la puerta y mostróse a todos tan hermosa y ricamente -vestida que no lo acierto a encarecer. Luego que yo la vi, le tomé una -mano y la comencé a besar, y el renegado hizo lo mismo, y mis dos -camaradas; y los demás, que el caso no sabían, hicieron lo que vieron que -nosotros hacíamos, que no parecía sino que le dábamos las gracias y la -reconocíamos por señora de nuestra libertad. El renegado le dijo en lengua -morisca si estaba su padre en el jardín. Ella respondió que sí y que -dormía. ''Pues será menester despertalle —replicó el renegado—, y -llevárnosle con nosotros, y todo aquello que tiene de valor este hermoso -jardín.'' ''No —dijo ella—, a mi padre no se ha de tocar en ningún modo, y -en esta casa no hay otra cosa que lo que yo llevo, que es tanto, que bien -habrá para que todos quedéis ricos y contentos; y esperaros un poco y lo -veréis''. Y, diciendo esto, se volvió a entrar, diciendo que muy presto -volvería; que nos estuviésemos quedos, sin hacer ningún ruido. Preguntéle -al renegado lo que con ella había pasado, el cual me lo contó, a quien yo -dije que en ninguna cosa se había de hacer más de lo que Zoraida quisiese; -la cual ya que volvía cargada con un cofrecillo lleno de escudos de oro, -tantos, que apenas lo podía sustentar, quiso la mala suerte que su padre -despertase en el ínterin y sintiese el ruido que andaba en el jardín; y, -asomándose a la ventana, luego conoció que todos los que en él estaban eran -cristianos; y, dando muchas, grandes y desaforadas voces, comenzó a decir -en arábigo: ''¡Cristianos, cristianos! ¡Ladrones, ladrones!''; por los -cuales gritos nos vimos todos puestos en grandísima y temerosa confusión. -Pero el renegado, viendo el peligro en que estábamos, y lo mucho que le -importaba salir con aquella empresa antes de ser sentido, con grandísima -presteza, subió donde Agi Morato estaba, y juntamente con él fueron algunos -de nosotros; que yo no osé desamparar a la Zoraida, que como desmayada se -había dejado caer en mis brazos. En resolución, los que subieron se dieron -tan buena maña que en un momento bajaron con Agi Morato, trayéndole atadas -las manos y puesto un pañizuelo en la boca, que no le dejaba hablar -palabra, amenazándole que el hablarla le había de costar la vida. Cuando su -hija le vio, se cubrió los ojos por no verle, y su padre quedó espantado, -ignorando cuán de su voluntad se había puesto en nuestras manos. Mas, -entonces siendo más necesarios los pies, con diligencia y presteza nos -pusimos en la barca; que ya los que en ella habían quedado nos esperaban, -temerosos de algún mal suceso nuestro. - -»Apenas serían dos horas pasadas de la noche, cuando ya estábamos todos en -la barca, en la cual se le quitó al padre de Zoraida la atadura de las -manos y el paño de la boca; pero tornóle a decir el renegado que no hablase -palabra, que le quitarían la vida. Él, como vio allí a su hija, comenzó a -suspirar ternísimamente, y más cuando vio que yo estrechamente la tenía -abrazada, y que ella sin defender, quejarse ni esquivarse, se estaba queda; -pero, con todo esto, callaba, porque no pusiesen en efeto las muchas -amenazas que el renegado le hacía. Viéndose, pues, Zoraida ya en la barca, -y que queríamos dar los remos al agua, y viendo allí a su padre y a los -demás moros que atados estaban, le dijo al renegado que me dijese le -hiciese merced de soltar a aquellos moros y de dar libertad a su padre, -porque antes se arrojaría en la mar que ver delante de sus ojos y por causa -suya llevar cautivo a un padre que tanto la había querido. El renegado me -lo dijo; y yo respondí que era muy contento; pero él respondió que no -convenía, a causa que, si allí los dejaban apellidarían luego la tierra y -alborotarían la ciudad, y serían causa que saliesen a buscallos con algunas -fragatas ligeras, y les tomasen la tierra y la mar, de manera que no -pudiésemos escaparnos; que lo que se podría hacer era darles libertad en -llegando a la primera tierra de cristianos. En este parecer venimos todos, -y Zoraida, a quien se le dio cuenta, con las causas que nos movían a no -hacer luego lo que quería, también se satisfizo; y luego, con regocijado -silencio y alegre diligencia, cada uno de nuestros valientes remeros tomó -su remo, y comenzamos, encomendándonos a Dios de todo corazón, a navegar la -vuelta de las islas de Mallorca, que es la tierra de cristianos más cerca. - -»Pero, a causa de soplar un poco el viento tramontana y estar la mar algo -picada, no fue posible seguir la derrota de Mallorca, y fuenos forzoso -dejarnos ir tierra a tierra la vuelta de Orán, no sin mucha pesadumbre -nuestra, por no ser descubiertos del lugar de Sargel, que en aquella costa -cae sesenta millas de Argel. Y, asimismo, temíamos encontrar por aquel -paraje alguna galeota de las que de ordinario vienen con mercancía de -Tetuán, aunque cada uno por sí, y todos juntos, presumíamos de que, si se -encontraba galeota de mercancía, como no fuese de las que andan en corso, -que no sólo no nos perderíamos, mas que tomaríamos bajel donde con más -seguridad pudiésemos acabar nuestro viaje. Iba Zoraida, en tanto que se -navegaba, puesta la cabeza entre mis manos, por no ver a su padre, y sentía -yo que iba llamando a Lela Marién que nos ayudase. - -»Bien habríamos navegado treinta millas, cuando nos amaneció, como tres -tiros de arcabuz desviados de tierra, toda la cual vimos desierta y sin -nadie que nos descubriese; pero, con todo eso, nos fuimos a fuerza de -brazos entrando un poco en la mar, que ya estaba algo más sosegada; y, -habiendo entrado casi dos leguas, diose orden que se bogase a cuarteles en -tanto que comíamos algo, que iba bien proveída la barca, puesto que los que -bogaban dijeron que no era aquél tiempo de tomar reposo alguno, que les -diesen de comer los que no bogaban, que ellos no querían soltar los remos -de las manos en manera alguna. Hízose ansí, y en esto comenzó a soplar un -viento largo, que nos obligó a hacer luego vela y a dejar el remo, y -enderezar a Orán, por no ser posible poder hacer otro viaje. Todo se hizo -con muchísima presteza; y así, a la vela, navegamos por más de ocho millas -por hora, sin llevar otro temor alguno sino el de encontrar con bajel que -de corso fuese. - -»Dimos de comer a los moros bagarinos, y el renegado les consoló -diciéndoles como no iban cautivos, que en la primera ocasión les darían -libertad. Lo mismo se le dijo al padre de Zoraida, el cual respondió: -''Cualquiera otra cosa pudiera yo esperar y creer de vuestra liberalidad y -buen término, ¡oh cristianos!, mas el darme libertad, no me tengáis por tan -simple que lo imagine; que nunca os pusistes vosotros al peligro de -quitármela para volverla tan liberalmente, especialmente sabiendo quién soy -yo, y el interese que se os puede seguir de dármela; el cual interese, si -le queréis poner nombre, desde aquí os ofrezco todo aquello que quisiéredes -por mí y por esa desdichada hija mía, o si no, por ella sola, que es la -mayor y la mejor parte de mi alma''. En diciendo esto, comenzó a llorar tan -amargamente que a todos nos movió a compasión, y forzó a Zoraida que le -mirase; la cual, viéndole llorar, así se enterneció que se levantó de mis -pies y fue a abrazar a su padre, y, juntando su rostro con el suyo, -comenzaron los dos tan tierno llanto que muchos de los que allí íbamos le -acompañamos en él. Pero, cuando su padre la vio adornada de fiesta y con -tantas joyas sobre sí, le dijo en su lengua: ''¿Qué es esto, hija, que ayer -al anochecer, antes que nos sucediese esta terrible desgracia en que nos -vemos, te vi con tus ordinarios y caseros vestidos, y agora, sin que hayas -tenido tiempo de vestirte y sin haberte dado alguna nueva alegre de -solenizalle con adornarte y pulirte, te veo compuesta con los mejores -vestidos que yo supe y pude darte cuando nos fue la ventura más favorable? -Respóndeme a esto, que me tiene más suspenso y admirado que la misma -desgracia en que me hallo''. - -»Todo lo que el moro decía a su hija nos lo declaraba el renegado, y ella -no le respondía palabra. Pero, cuando él vio a un lado de la barca el -cofrecillo donde ella solía tener sus joyas, el cual sabía él bien que le -había dejado en Argel, y no traídole al jardín, quedó más confuso, y -preguntóle que cómo aquel cofre había venido a nuestras manos, y qué era lo -que venía dentro. A lo cual el renegado, sin aguardar que Zoraida le -respondiese, le respondió: ''No te canses, señor, en preguntar a Zoraida, -tu hija, tantas cosas, porque con una que yo te responda te satisfaré a -todas; y así, quiero que sepas que ella es cristiana, y es la que ha sido -la lima de nuestras cadenas y la libertad de nuestro cautiverio; ella va -aquí de su voluntad, tan contenta, a lo que yo imagino, de verse en este -estado, como el que sale de las tinieblas a la luz, de la muerte a la vida -y de la pena a la gloria''. ''¿Es verdad lo que éste dice, hija?'', dijo el -moro. ''Así es'', respondió Zoraida. ''¿Que, en efeto —replicó el viejo—, -tú eres cristiana, y la que ha puesto a su padre en poder de sus -enemigos?'' A lo cual respondió Zoraida: ''La que es cristiana yo soy, pero -no la que te ha puesto en este punto, porque nunca mi deseo se estendió a -dejarte ni a hacerte mal, sino a hacerme a mí bien''. ''Y ¿qué bien es el -que te has hecho, hija?'' ''Eso —respondió ella— pregúntaselo tú a Lela -Marién, que ella te lo sabrá decir mejor que no yo''. - -»Apenas hubo oído esto el moro, cuando, con una increíble presteza, se -arrojó de cabeza en la mar, donde sin ninguna duda se ahogara, si el -vestido largo y embarazoso que traía no le entretuviera un poco sobre el -agua. Dio voces Zoraida que le sacasen, y así, acudimos luego todos, y, -asiéndole de la almalafa, le sacamos medio ahogado y sin sentido, de que -recibió tanta pena Zoraida que, como si fuera ya muerto, hacía sobre él un -tierno y doloroso llanto. Volvímosle boca abajo, volvió mucha agua, tornó -en sí al cabo de dos horas, en las cuales, habiéndose trocado el viento, -nos convino volver hacia tierra, y hacer fuerza de remos, por no embestir -en ella; mas quiso nuestra buena suerte que llegamos a una cala que se hace -al lado de un pequeño promontorio o cabo que de los moros es llamado el de -La Cava Rumía, que en nuestra lengua quiere decir La mala mujer cristiana; -y es tradición entre los moros que en aquel lugar está enterrada la Cava, -por quien se perdió España, porque cava en su lengua quiere decir mujer -mala, y rumía, cristiana; y aun tienen por mal agüero llegar allí a dar -fondo cuando la necesidad les fuerza a ello, porque nunca le dan sin ella; -puesto que para nosotros no fue abrigo de mala mujer, sino puerto seguro de -nuestro remedio, según andaba alterada la mar. - -»Pusimos nuestras centinelas en tierra, y no dejamos jamás los remos de la -mano; comimos de lo que el renegado había proveído, y rogamos a Dios y a -Nuestra Señora, de todo nuestro corazón, que nos ayudase y favoreciese para -que felicemente diésemos fin a tan dichoso principio. Diose orden, a -suplicación de Zoraida, como echásemos en tierra a su padre y a todos los -demás moros que allí atados venían, porque no le bastaba el ánimo, ni lo -podían sufrir sus blandas entrañas, ver delante de sus ojos atado a su -padre y aquellos de su tierra presos. Prometímosle de hacerlo así al tiempo -de la partida, pues no corría peligro el dejallos en aquel lugar, que era -despoblado. No fueron tan vanas nuestras oraciones que no fuesen oídas del -cielo; que, en nuestro favor, luego volvió el viento, tranquilo el mar, -convidándonos a que tornásemos alegres a proseguir nuestro comenzado viaje. - -»Viendo esto, desatamos a los moros, y uno a uno los pusimos en tierra, de -lo que ellos se quedaron admirados; pero, llegando a desembarcar al padre -de Zoraida, que ya estaba en todo su acuerdo, dijo: ''¿Por qué pensáis, -cristianos, que esta mala hembra huelga de que me deis libertad? ¿Pensáis -que es por piedad que de mí tiene? No, por cierto, sino que lo hace por el -estorbo que le dará mi presencia cuando quiera poner en ejecución sus malos -deseos; ni penséis que la ha movido a mudar religión entender ella que la -vuestra a la nuestra se aventaja, sino el saber que en vuestra tierra se -usa la deshonestidad más libremente que en la nuestra''. Y, volviéndose a -Zoraida, teniéndole yo y otro cristiano de entrambos brazos asido, porque -algún desatino no hiciese, le dijo: ''¡Oh infame moza y mal aconsejada -muchacha! ¿Adónde vas, ciega y desatinada, en poder destos perros, -naturales enemigos nuestros? ¡Maldita sea la hora en que yo te engendré, y -malditos sean los regalos y deleites en que te he criado!'' Pero, viendo yo -que llevaba término de no acabar tan presto, di priesa a ponelle en tierra, -y desde allí, a voces, prosiguió en sus maldiciones y lamentos, rogando a -Mahoma rogase a Alá que nos destruyese, confundiese y acabase; y cuando, -por habernos hecho a la vela, no podimos oír sus palabras, vimos sus obras, -que eran arrancarse las barbas, mesarse los cabellos y arrastrarse por el -suelo; mas una vez esforzó la voz de tal manera que podimos entender que -decía: ''¡Vuelve, amada hija, vuelve a tierra, que todo te lo perdono; -entrega a esos hombres ese dinero, que ya es suyo, y vuelve a consolar a -este triste padre tuyo, que en esta desierta arena dejará la vida, si tú le -dejas!'' Todo lo cual escuchaba Zoraida, y todo lo sentía y lloraba, y no -supo decirle ni respondelle palabra, sino: ''Plega a Alá, padre mío, que -Lela Marién, que ha sido la causa de que yo sea cristiana, ella te consuele -en tu tristeza. Alá sabe bien que no pude hacer otra cosa de la que he -hecho, y que estos cristianos no deben nada a mi voluntad, pues, aunque -quisiera no venir con ellos y quedarme en mi casa, me fuera imposible, -según la priesa que me daba mi alma a poner por obra ésta que a mí me -parece tan buena como tú, padre amado, la juzgas por mala''. Esto dijo, a -tiempo que ni su padre la oía, ni nosotros ya le veíamos; y así, consolando -yo a Zoraida, atendimos todos a nuestro viaje, el cual nos le facilitaba el -proprio viento, de tal manera que bien tuvimos por cierto de vernos otro -día al amanecer en las riberas de España. - -»Mas, como pocas veces, o nunca, viene el bien puro y sencillo, sin ser -acompañado o seguido de algún mal que le turbe o sobresalte, quiso nuestra -ventura, o quizá las maldiciones que el moro a su hija había echado, que -siempre se han de temer de cualquier padre que sean; quiso, digo, que -estando ya engolfados y siendo ya casi pasadas tres horas de la noche, -yendo con la vela tendida de alto baja, frenillados los remos, porque el -próspero viento nos quitaba del trabajo de haberlos menester, con la luz de -la luna, que claramente resplandecía, vimos cerca de nosotros un bajel -redondo, que, con todas las velas tendidas, llevando un poco a orza el -timón, delante de nosotros atravesaba; y esto tan cerca, que nos fue -forzoso amainar por no embestirle, y ellos, asimesmo, hicieron fuerza de -timón para darnos lugar que pasásemos. - -»Habíanse puesto a bordo del bajel a preguntarnos quién éramos, y adónde -navegábamos, y de dónde veníamos; pero, por preguntarnos esto en lengua -francesa, dijo nuestro renegado: ''Ninguno responda; porque éstos, sin -duda, son cosarios franceses, que hacen a toda ropa''. Por este -advertimiento, ninguno respondió palabra; y, habiendo pasado un poco -delante, que ya el bajel quedaba sotavento, de improviso soltaron dos -piezas de artillería, y, a lo que parecía, ambas venían con cadenas, porque -con una cortaron nuestro árbol por medio, y dieron con él y con la vela en -la mar; y al momento, disparando otra pieza, vino a dar la bala en mitad de -nuestra barca, de modo que la abrió toda, sin hacer otro mal alguno; pero, -como nosotros nos vimos ir a fondo, comenzamos todos a grandes voces a -pedir socorro y a rogar a los del bajel que nos acogiesen, porque nos -anegábamos. Amainaron entonces, y, echando el esquife o barca a la mar, -entraron en él hasta doce franceses bien armados, con sus arcabuces y -cuerdas encendidas, y así llegaron junto al nuestro; y, viendo cuán pocos -éramos y cómo el bajel se hundía, nos recogieron, diciendo que, por haber -usado de la descortesía de no respondelles, nos había sucedido aquello. -Nuestro renegado tomó el cofre de las riquezas de Zoraida, y dio con él en -la mar, sin que ninguno echase de ver en lo que hacía. En resolución, todos -pasamos con los franceses, los cuales, después de haberse informado de todo -aquello que de nosotros saber quisieron, como si fueran nuestros capitales -enemigos, nos despojaron de todo cuanto teníamos, y a Zoraida le quitaron -hasta los carcajes que traía en los pies. Pero no me daba a mí tanta -pesadumbre la que a Zoraida daban, como me la daba el temor que tenía de -que habían de pasar del quitar de las riquísimas y preciosísimas joyas al -quitar de la joya que más valía y ella más estimaba. Pero los deseos de -aquella gente no se estienden a más que al dinero, y desto jamás se vee -harta su codicia; lo cual entonces llegó a tanto, que aun hasta los -vestidos de cautivos nos quitaran si de algún provecho les fueran. Y hubo -parecer entre ellos de que a todos nos arrojasen a la mar envueltos en una -vela, porque tenían intención de tratar en algunos puertos de España con -nombre de que eran bretones, y si nos llevaban vivos, serían castigados, -siendo descubierto su hurto. Mas el capitán, que era el que había despojado -a mi querida Zoraida, dijo que él se contentaba con la presa que tenía, y -que no quería tocar en ningún puerto de España, sino pasar el estrecho de -Gibraltar de noche, o como pudiese, y irse a la Rochela, de donde había -salido; y así, tomaron por acuerdo de darnos el esquife de su navío, y todo -lo necesario para la corta navegación que nos quedaba, como lo hicieron -otra día, ya a vista de tierra de España, con la cual vista, todas nuestras -pesadumbres y pobrezas se nos olvidaron de todo punto, como si no hubieran -pasado por nosotros: tanto es el gusto de alcanzar la libertad perdida. - -»Cerca de mediodía podría ser cuando nos echaron en la barca, dándonos dos -barriles de agua y algún bizcocho; y el capitán, movido no sé de qué -misericordia, al embarcarse la hermosísima Zoraida, le dio hasta cuarenta -escudos de oro, y no consintió que le quitasen sus soldados estos mesmos -vestidos que ahora tiene puestos. Entramos en el bajel; dímosles las -gracias por el bien que nos hacían, mostrándonos más agradecidos que -quejosos; ellos se hicieron a lo largo, siguiendo la derrota del estrecho; -nosotros, sin mirar a otro norte que a la tierra que se nos mostraba -delante, nos dimos tanta priesa a bogar que al poner del sol estábamos tan -cerca que bien pudiéramos, a nuestro parecer, llegar antes que fuera muy -noche; pero, por no parecer en aquella noche la luna y el cielo mostrarse -escuro, y por ignorar el paraje en que estábamos, no nos pareció cosa -segura embestir en tierra, como a muchos de nosotros les parecía, diciendo -que diésemos en ella, aunque fuese en unas peñas y lejos de poblado, porque -así aseguraríamos el temor que de razón se debía tener que por allí -anduviesen bajeles de cosarios de Tetuán, los cuales anochecen en Berbería -y amanecen en las costas de España, y hacen de ordinario presa, y se -vuelven a dormir a sus casas. Pero, de los contrarios pareceres, el que se -tomó fue que nos llegásemos poco a poco, y que si el sosiego del mar lo -concediese, desembarcásemos donde pudiésemos. - -»Hízose así, y poco antes de la media noche sería cuando llegamos al pie de -una disformísima y alta montaña, no tan junto al mar que no concediese un -poco de espacio para poder desembarcar cómodamente. Embestimos en la arena, -salimos a tierra, besamos el suelo, y, con lágrimas de muy alegrísimo -contento, dimos todos gracias a Dios, Señor Nuestro, por el bien tan -incomparable que nos había hecho. Sacamos de la barca los bastimentos que -tenía, tirámosla en tierra, y subímonos un grandísimo trecho en la montaña, -porque aún allí estábamos, y aún no podíamos asegurar el pecho, ni -acabábamos de creer que era tierra de cristianos la que ya nos sostenía. -Amaneció más tarde, a mi parecer, de lo que quisiéramos. Acabamos de -subir toda la montaña, por ver si desde allí algún poblado se descubría, o -algunas cabañas de pastores; pero, aunque más tendimos la vista, ni -poblado, ni persona, ni senda, ni camino descubrimos. Con todo esto, -determinamos de entrarnos la tierra adentro, pues no podría ser menos sino -que presto descubriésemos quien nos diese noticia della. Pero lo que a mí -más me fatigaba era el ver ir a pie a Zoraida por aquellas asperezas, que, -puesto que alguna vez la puse sobre mis hombros, más le cansaba a ella mi -cansancio que la reposaba su reposo; y así, nunca más quiso que yo aquel -trabajo tomase; y, con mucha paciencia y muestras de alegría, llevándola yo -siempre de la mano, poco menos de un cuarto de legua debíamos de haber -andado, cuando llegó a nuestros oídos el son de una pequeña esquila, señal -clara que por allí cerca había ganado; y, mirando todos con atención si -alguno se parecía, vimos al pie de un alcornoque un pastor mozo, que con -grande reposo y descuido estaba labrando un palo con un cuchillo. Dimos -voces, y él, alzando la cabeza, se puso ligeramente en pie, y, a lo que -después supimos, los primeros que a la vista se le ofrecieron fueron el -renegado y Zoraida, y, como él los vio en hábito de moros, pensó que todos -los de la Berbería estaban sobre él; y, metiéndose con estraña ligereza por -el bosque adelante, comenzó a dar los mayores gritos del mundo diciendo: -''¡Moros, moros hay en la tierra! ¡Moros, moros! ¡Arma, arma!'' - -»Con estas voces quedamos todos confusos, y no sabíamos qué hacernos; pero, -considerando que las voces del pastor habían de alborotar la tierra, y que -la caballería de la costa había de venir luego a ver lo que era, acordamos -que el renegado se desnudase las ropas del turco y se vistiese un -gilecuelco o casaca de cautivo que uno de nosotros le dio luego, aunque se -quedó en camisa; y así, encomendándonos a Dios, fuimos por el mismo camino -que vimos que el pastor llevaba, esperando siempre cuándo había de dar -sobre nosotros la caballería de la costa. Y no nos engañó nuestro -pensamiento, porque, aún no habrían pasado dos horas cuando, habiendo ya -salido de aquellas malezas a un llano, descubrimos hasta cincuenta -caballeros, que con gran ligereza, corriendo a media rienda, a nosotros se -venían, y así como los vimos, nos estuvimos quedos aguardándolos; pero, -como ellos llegaron y vieron, en lugar de los moros que buscaban, tanto -pobre cristiano, quedaron confusos, y uno dellos nos preguntó si éramos -nosotros acaso la ocasión por que un pastor había apellidado al arma. -''Sí'', dije yo; y, queriendo comenzar a decirle mi suceso, y de dónde -veníamos y quién éramos, uno de los cristianos que con nosotros venían -conoció al jinete que nos había hecho la pregunta, y dijo, sin dejarme a mí -decir más palabra: ''¡Gracias sean dadas a Dios, señores, que a tan buena -parte nos ha conducido!, porque, si yo no me engaño, la tierra que pisamos -es la de Vélez Málaga, si ya los años de mi cautiverio no me han quitado de -la memoria el acordarme que vos, señor, que nos preguntáis quién somos, -sois Pedro de Bustamante, tío mío''. Apenas hubo dicho esto el cristiano -cautivo, cuando el jinete se arrojó del caballo y vino a abrazar al mozo, -diciéndole: ''Sobrino de mi alma y de mi vida, ya te conozco, y ya te he -llorado por muerto yo, y mi hermana, tu madre, y todos los tuyos, que aún -viven; y Dios ha sido servido de darles vida para que gocen el placer de -verte: ya sabíamos que estabas en Argel, y por las señales y muestras de -tus vestidos, y la de todos los desta compañía, comprehendo que habéis -tenido milagrosa libertad''. ''Así es —respondió el mozo—, y tiempo nos -quedará para contároslo todo''. - -»Luego que los jinetes entendieron que éramos cristianos cautivos, se -apearon de sus caballos, y cada uno nos convidaba con el suyo para -llevarnos a la ciudad de Vélez Málaga, que legua y media de allí estaba. -Algunos dellos volvieron a llevar la barca a la ciudad, diciéndoles dónde -la habíamos dejado; otros nos subieron a las ancas, y Zoraida fue en las -del caballo del tío del cristiano. Saliónos a recebir todo el pueblo, que -ya de alguno que se había adelantado sabían la nueva de nuestra venida. No -se admiraban de ver cautivos libres, ni moros cautivos, porque toda la -gente de aquella costa está hecha a ver a los unos y a los otros; pero -admirábanse de la hermosura de Zoraida, la cual en aquel instante y sazón -estaba en su punto, ansí con el cansancio del camino como con la alegría de -verse ya en tierra de cristianos, sin sobresalto de perderse; y esto le -había sacado al rostro tales colores que, si no es que la afición entonces -me engañaba, osaré decir que más hermosa criatura no había en el mundo; a -lo menos, que yo la hubiese visto. - -»Fuimos derechos a la iglesia, a dar gracias a Dios por la merced recebida; -y, así como en ella entró Zoraida, dijo que allí había rostros que se -parecían a los de Lela Marién. Dijímosle que eran imágines suyas, y como -mejor se pudo le dio el renegado a entender lo que significaban, para que -ella las adorase como si verdaderamente fueran cada una dellas la misma -Lela Marién que la había hablado. Ella, que tiene buen entendimiento y un -natural fácil y claro, entendió luego cuanto acerca de las imágenes se le -dijo. Desde allí nos llevaron y repartieron a todos en diferentes casas del -pueblo; pero al renegado, Zoraida y a mí nos llevó el cristiano que vino -con nosotros, y en casa de sus padres, que medianamente eran acomodados de -los bienes de fortuna, y nos regalaron con tanto amor como a su mismo hijo. - -»Seis días estuvimos en Vélez, al cabo de los cuales el renegado, hecha su -información de cuanto le convenía, se fue a la ciudad de Granada, a -reducirse por medio de la Santa Inquisición al gremio santísimo de la -Iglesia; los demás cristianos libertados se fueron cada uno donde mejor le -pareció; solos quedamos Zoraida y yo, con solos los escudos que la cortesía -del francés le dio a Zoraida, de los cuales compré este animal en que ella -viene; y, sirviéndola yo hasta agora de padre y escudero, y no de esposo, -vamos con intención de ver si mi padre es vivo, o si alguno de mis hermanos -ha tenido más próspera ventura que la mía, puesto que, por haberme hecho el -cielo compañero de Zoraida, me parece que ninguna otra suerte me pudiera -venir, por buena que fuera, que más la estimara. La paciencia con que -Zoraida lleva las incomodidades que la pobreza trae consigo, y el deseo que -muestra tener de verse ya cristiana es tanto y tal, que me admira y me -mueve a servirla todo el tiempo de mi vida, puesto que el gusto que tengo -de verme suyo y de que ella sea mía me lo turba y deshace no saber si -hallaré en mi tierra algún rincón donde recogella, y si habrán hecho el -tiempo y la muerte tal mudanza en la hacienda y vida de mi padre y hermanos -que apenas halle quien me conozca, si ellos faltan.» No tengo más, señores, -que deciros de mi historia; la cual, si es agradable y peregrina, júzguenlo -vuestros buenos entendimientos; que de mí sé decir que quisiera habérosla -contado más brevemente, puesto que el temor de enfadaros más de cuatro -circustancias me ha quitado de la lengua. - - - - -Capítulo XLII. Que trata de lo que más sucedió en la venta y de otras -muchas cosas dignas de saberse - -Calló, en diciendo esto, el cautivo, a quien don Fernando dijo: - -— Por cierto, señor capitán, el modo con que habéis contado este estraño -suceso ha sido tal, que iguala a la novedad y estrañeza del mesmo caso. -Todo es peregrino y raro, y lleno de accidentes que maravillan y suspenden -a quien los oye; y es de tal manera el gusto que hemos recebido en -escuchalle, que, aunque nos hallara el día de mañana entretenidos en el -mesmo cuento, holgáramos que de nuevo se comenzara. - -Y, en diciendo esto, don Fernando y todos los demás se le ofrecieron, con -todo lo a ellos posible para servirle, con palabras y razones tan amorosas -y tan verdaderas que el capitán se tuvo por bien satisfecho de sus -voluntades. Especialmente, le ofreció don Fernando que si quería volverse -con él, que él haría que el marqués, su hermano, fuese padrino del bautismo -de Zoraida, y que él, por su parte, le acomodaría de manera que pudiese -entrar en su tierra con el autoridad y cómodo que a su persona se debía. -Todo lo agradeció cortesísimamente el cautivo, pero no quiso acetar ninguno -de sus liberales ofrecimientos. - -En esto, llegaba ya la noche, y, al cerrar della, llegó a la venta un -coche, con algunos hombres de a caballo. Pidieron posada; a quien la -ventera respondió que no había en toda la venta un palmo desocupado. - -— Pues, aunque eso sea —dijo uno de los de a caballo que habían entrado—, no -ha de faltar para el señor oidor que aquí viene. - -A este nombre se turbó la güéspeda, y dijo: - -— Señor, lo que en ello hay es que no tengo camas: si es que su merced del -señor oidor la trae, que sí debe de traer, entre en buen hora, que yo y mi -marido nos saldremos de nuestro aposento por acomodar a su merced. - -— Sea en buen hora —dijo el escudero. - -Pero, a este tiempo, ya había salido del coche un hombre, que en el traje -mostró luego el oficio y cargo que tenía, porque la ropa luenga, con las -mangas arrocadas, que vestía, mostraron ser oidor, como su criado había -dicho. Traía de la mano a una doncella, al parecer de hasta diez y seis -años, vestida de camino, tan bizarra, tan hermosa y tan gallarda que a -todos puso en admiración su vista; de suerte que, a no haber visto a -Dorotea y a Luscinda y Zoraida, que en la venta estaban, creyeran que otra -tal hermosura como la desta doncella difícilmente pudiera hallarse. Hallóse -don Quijote al entrar del oidor y de la doncella, y, así como le vio, dijo: - -— Seguramente puede vuestra merced entrar y espaciarse en este castillo, -que, aunque es estrecho y mal acomodado, no hay estrecheza ni incomodidad -en el mundo que no dé lugar a las armas y a las letras, y más si las armas -y letras traen por guía y adalid a la fermosura, como la traen las letras -de vuestra merced en esta fermosa doncella, a quien deben no sólo abrirse y -manifestarse los castillos, sino apartarse los riscos, y devidirse y -abajarse las montañas, para dalle acogida. Entre vuestra merced, digo, en -este paraíso, que aquí hallará estrellas y soles que acompañen el cielo que -vuestra merced trae consigo; aquí hallará las armas en su punto y la -hermosura en su estremo. - -Admirado quedó el oidor del razonamiento de don Quijote, a quien se puso a -mirar muy de propósito, y no menos le admiraba su talle que sus palabras; -y, sin hallar ningunas con que respondelle, se tornó a admirar de nuevo -cuando vio delante de sí a Luscinda, Dorotea y a Zoraida, que, a las nuevas -de los nuevos güéspedes y a las que la ventera les había dado de la -hermosura de la doncella, habían venido a verla y a recebirla. Pero don -Fernando, Cardenio y el cura le hicieron más llanos y más cortesanos -ofrecimientos. En efecto, el señor oidor entró confuso, así de lo que veía -como de lo que escuchaba, y las hermosas de la venta dieron la bienllegada -a la hermosa doncella. - -En resolución, bien echó de ver el oidor que era gente principal toda la -que allí estaba; pero el talle, visaje y la apostura de don Quijote le -desatinaba; y, habiendo pasado entre todos corteses ofrecimientos y -tanteado la comodidad de la venta, se ordenó lo que antes estaba ordenado: -que todas las mujeres se entrasen en el camaranchón ya referido, y que los -hombres se quedasen fuera, como en su guarda. Y así, fue contento el oidor -que su hija, que era la doncella, se fuese con aquellas señoras, lo que -ella hizo de muy buena gana. Y con parte de la estrecha cama del ventero, y -con la mitad de la que el oidor traía, se acomodaron aquella noche mejor de -lo que pensaban. - -El cautivo, que, desde el punto que vio al oidor, le dio saltos el corazón -y barruntos de que aquél era su hermano, preguntó a uno de los criados que -con él venían que cómo se llamaba y si sabía de qué tierra era. El criado -le respondió que se llamaba el licenciado Juan Pérez de Viedma, y que había -oído decir que era de un lugar de las montañas de León. Con esta relación y -con lo que él había visto se acabó de confirmar de que aquél era su -hermano, que había seguido las letras por consejo de su padre; y, -alborotado y contento, llamando aparte a don Fernando, a Cardenio y al -cura, les contó lo que pasaba, certificándoles que aquel oidor era su -hermano. Habíale dicho también el criado como iba proveído por oidor a las -Indias, en la Audiencia de Méjico. Supo también como aquella doncella era -su hija, de cuyo parto había muerto su madre, y que él había quedado muy -rico con el dote que con la hija se le quedó en casa. Pidióles consejo qué -modo tendría para descubrirse, o para conocer primero si, después de -descubierto, su hermano, por verle pobre, se afrentaba o le recebía con -buenas entrañas. - -— Déjeseme a mí el hacer esa experiencia —dijo el cura—; cuanto más, que no -hay pensar sino que vos, señor capitán, seréis muy bien recebido; porque el -valor y prudencia que en su buen parecer descubre vuestro hermano no da -indicios de ser arrogante ni desconocido, ni que no ha de saber poner los -casos de la fortuna en su punto. - -— Con todo eso —dijo el capitán— yo querría, no de improviso, sino por -rodeos, dármele a conocer. - -— Ya os digo —respondió el cura— que yo lo trazaré de modo que todos -quedemos satisfechos. - -Ya, en esto, estaba aderezada la cena, y todos se sentaron a la mesa, eceto -el cautivo y las señoras, que cenaron de por sí en su aposento. En la mitad -de la cena dijo el cura: - -— Del mesmo nombre de vuestra merced, señor oidor, tuve yo una camarada en -Costantinopla, donde estuve cautivo algunos años; la cual camarada era uno -de los valientes soldados y capitanes que había en toda la infantería -española, pero tanto cuanto tenía de esforzado y valeroso lo tenía de -desdichado. - -— Y ¿cómo se llamaba ese capitán, señor mío? —preguntó el oidor. - -— Llamábase —respondió el cura— Ruy Pérez de Viedma, y era natural de un -lugar de las montañas de León, el cual me contó un caso que a su padre -con sus hermanos le había sucedido, que, a no contármelo un hombre tan -verdadero como él, lo tuviera por conseja de aquellas que las viejas -cuentan el invierno al fuego. Porque me dijo que su padre había dividido su -hacienda entre tres hijos que tenía, y les había dado ciertos consejos, -mejores que los de Catón. Y sé yo decir que el que él escogió de venir a la -guerra le había sucedido tan bien que en pocos años, por su valor y -esfuerzo, sin otro brazo que el de su mucha virtud, subió a ser capitán de -infantería, y a verse en camino y predicamento de ser presto maestre de -campo. Pero fuele la fortuna contraria, pues donde la pudiera esperar y -tener buena, allí la perdió, con perder la libertad en la felicísima -jornada donde tantos la cobraron, que fue en la batalla de Lepanto. Yo la -perdí en la Goleta, y después, por diferentes sucesos, nos hallamos -camaradas en Costantinopla. Desde allí vino a Argel, donde sé que le -sucedió uno de los más estraños casos que en el mundo han sucedido. - -De aquí fue prosiguiendo el cura, y, con brevedad sucinta, contó lo que con -Zoraida a su hermano había sucedido; a todo lo cual estaba tan atento el -oidor, que ninguna vez había sido tan oidor como entonces. Sólo llegó el -cura al punto de cuando los franceses despojaron a los cristianos que en la -barca venían, y la pobreza y necesidad en que su camarada y la hermosa mora -habían quedado; de los cuales no había sabido en qué habían parado, ni si -habían llegado a España, o llevádolos los franceses a Francia. - -Todo lo que el cura decía estaba escuchando, algo de allí desviado, el -capitán, y notaba todos los movimientos que su hermano hacía; el cual, -viendo que ya el cura había llegado al fin de su cuento, dando un grande -suspiro y llenándosele los ojos de agua, dijo: - -— ¡Oh, señor, si supiésedes las nuevas que me habéis contado, y cómo me -tocan tan en parte que me es forzoso dar muestras dello con estas lágrimas -que, contra toda mi discreción y recato, me salen por los ojos! Ese capitán -tan valeroso que decís es mi mayor hermano, el cual, como más fuerte y de -más altos pensamientos que yo ni otro hermano menor mío, escogió el honroso -y digno ejercicio de la guerra, que fue uno de los tres caminos que nuestro -padre nos propuso, según os dijo vuestra camarada en la conseja que, a -vuestro parecer, le oístes. Yo seguí el de las letras, en las cuales Dios y -mi diligencia me han puesto en el grado que me veis. Mi menor hermano está -en el Pirú, tan rico que con lo que ha enviado a mi padre y a mí ha -satisfecho bien la parte que él se llevó, y aun dado a las manos de mi -padre con que poder hartar su liberalidad natural; y yo, ansimesmo, he -podido con más decencia y autoridad tratarme en mis estudios y llegar al -puesto en que me veo. Vive aún mi padre, muriendo con el deseo de saber de -su hijo mayor, y pide a Dios con continuas oraciones no cierre la muerte -sus ojos hasta que él vea con vida a los de su hijo; del cual me maravillo, -siendo tan discreto, cómo en tantos trabajos y afliciones, o prósperos -sucesos, se haya descuidado de dar noticia de sí a su padre; que si él lo -supiera, o alguno de nosotros, no tuviera necesidad de aguardar al milagro -de la caña para alcanzar su rescate. Pero de lo que yo agora me temo es de -pensar si aquellos franceses le habrán dado libertad, o le habrán muerto -por encubrir su hurto. Esto todo será que yo prosiga mi viaje, no con aquel -contento con que le comencé, sino con toda melancolía y tristeza. ¡Oh buen -hermano mío, y quién supiera agora dónde estabas; que yo te fuera a buscar -y a librar de tus trabajos, aunque fuera a costa de los míos! ¡Oh, quién -llevara nuevas a nuestro viejo padre de que tenías vida, aunque estuvieras -en las mazmorras más escondidas de Berbería; que de allí te sacaran sus -riquezas, las de mi hermano y las mías! ¡Oh Zoraida hermosa y liberal, -quién pudiera pagar el bien que a un hermano hiciste!; ¡quién pudiera -hallarse al renacer de tu alma, y a las bodas, que tanto gusto a todos nos -dieran! - -Estas y otras semejantes palabras decía el oidor, lleno de tanta compasión -con las nuevas que de su hermano le habían dado, que todos los que le oían -le acompañaban en dar muestras del sentimiento que tenían de su lástima. - -Viendo, pues, el cura que tan bien había salido con su intención y con lo -que deseaba el capitán, no quiso tenerlos a todos más tiempo tristes, y -así, se levantó de la mesa, y, entrando donde estaba Zoraida, la tomó por -la mano, y tras ella se vinieron Luscinda, Dorotea y la hija del oidor. -Estaba esperando el capitán a ver lo que el cura quería hacer, que fue que, -tomándole a él asimesmo de la otra mano, con entrambos a dos se fue donde -el oidor y los demás caballeros estaban, y dijo: - -— Cesen, señor oidor, vuestras lágrimas, y cólmese vuestro deseo de todo el -bien que acertare a desearse, pues tenéis delante a vuestro buen hermano y -a vuestra buena cuñada. Éste que aquí veis es el capitán Viedma, y ésta, la -hermosa mora que tanto bien le hizo. Los franceses que os dije los pusieron -en la estrecheza que veis, para que vos mostréis la liberalidad de vuestro -buen pecho. - -Acudió el capitán a abrazar a su hermano, y él le puso ambas manos en los -pechos por mirarle algo más apartado; mas, cuando le acabó de conocer, le -abrazó tan estrechamente, derramando tan tiernas lágrimas de contento,que -los más de los que presentes estaban le hubieron de acompañar en ellas. Las -palabras que entrambos hermanos se dijeron, los sentimientos que mostraron, -apenas creo que pueden pensarse, cuanto más escribirse. Allí, en breves -razones, se dieron cuenta de sus sucesos; allí mostraron puesta en su punto -la buena amistad de dos hermanos; allí abrazó el oidor a Zoraida; allí la -ofreció su hacienda; allí hizo que la abrazase su hija; allí la cristiana -hermosa y la mora hermosísima renovaron las lágrimas de todos. - -Allí don Quijote estaba atento, sin hablar palabra, considerando estos tan -estraños sucesos, atribuyéndolos todos a quimeras de la andante caballería. -Allí concertaron que el capitán y Zoraida se volviesen con su hermano a -Sevilla y avisasen a su padre de su hallazgo y libertad, para que, como -pudiese, viniese a hallarse en las bodas y bautismo de Zoraida, por no le -ser al oidor posible dejar el camino que llevaba, a causa de tener nuevas -que de allí a un mes partía la flota de Sevilla a la Nueva España, y -fuérale de grande incomodidad perder el viaje. - -En resolución, todos quedaron contentos y alegres del buen suceso del -cautivo; y, como ya la noche iba casi en las dos partes de su jornada, -acordaron de recogerse y reposar lo que de ella les quedaba. Don Quijote se -ofreció a hacer la guardia del castillo, porque de algún gigante o otro mal -andante follón no fuesen acometidos, codiciosos del gran tesoro de -hermosura que en aquel castillo se encerraba. Agradeciéronselo los que le -conocían, y dieron al oidor cuenta del humor estraño de don Quijote, de que -no poco gusto recibió. - -Sólo Sancho Panza se desesperaba con la tardanza del recogimiento, y sólo -él se acomodó mejor que todos, echándose sobre los aparejos de su jumento, -que le costaron tan caros como adelante se dirá. - -Recogidas, pues, las damas en su estancia, y los demás acomodádose como -menos mal pudieron, don Quijote se salió fuera de la venta a hacer la -centinela del castillo, como lo había prometido. - -Sucedió, pues, que faltando poco por venir el alba, llegó a los oídos de -las damas una voz tan entonada y tan buena, que les obligó a que todas le -prestasen atento oído, especialmente Dorotea, que despierta estaba, a cuyo -lado dormía doña Clara de Viedma, que ansí se llamaba la hija del oidor. -Nadie podía imaginar quién era la persona que tan bien cantaba, y era una -voz sola, sin que la acompañase instrumento alguno. Unas veces les parecía -que cantaban en el patio; otras, que en la caballeriza; y, estando en esta -confusión muy atentas, llegó a la puerta del aposento Cardenio y dijo: - -— Quien no duerme, escuche; que oirán una voz de un mozo de mulas, que de -tal manera canta que encanta. - -— Ya lo oímos, señor —respondió Dorotea. - -Y, con esto, se fue Cardenio; y Dorotea, poniendo toda la atención posible, -entendió que lo que se cantaba era esto: - - - - -Capítulo XLIII. Donde se cuenta la agradable historia del mozo de mulas, -con otros estraños acaecimientos en la venta sucedidos] - --Marinero soy de amor, -y en su piélago profundo -navego sin esperanza -de llegar a puerto alguno. -Siguiendo voy a una estrella -que desde lejos descubro, -más bella y resplandeciente -que cuantas vio Palinuro. -Yo no sé adónde me guía, -y así, navego confuso, -el alma a mirarla atenta, -cuidadosa y con descuido. -Recatos impertinentes, -honestidad contra el uso, -son nubes que me la encubren -cuando más verla procuro. -¡Oh clara y luciente estrella, -en cuya lumbre me apuro!; -al punto que te me encubras, -será de mi muerte el punto. - -Llegando el que cantaba a este punto, le pareció a Dorotea que no sería -bien que dejase Clara de oír una tan buena voz; y así, moviéndola a una y a -otra parte, la despertó diciéndole: - -— Perdóname, niña, que te despierto, pues lo hago porque gustes de oír la -mejor voz que quizá habrás oído en toda tu vida. - -Clara despertó toda soñolienta, y de la primera vez no entendió lo que -Dorotea le decía; y, volviéndoselo a preguntar, ella se lo volvió a decir, -por lo cual estuvo atenta Clara. Pero, apenas hubo oído dos versos que el -que cantaba iba prosiguiendo, cuando le tomó un temblor tan estraño como si -de algún grave accidente de cuartana estuviera enferma, y, abrazándose -estrechamente con Teodora, le dijo: - -— ¡Ay señora de mi alma y de mi vida!, ¿para qué me despertastes?; que el -mayor bien que la fortuna me podía hacer por ahora era tenerme cerrados los -ojos y los oídos, para no ver ni oír a ese desdichado músico. - -— ¿Qué es lo que dices, niña?; mira que dicen que el que canta es un mozo de -mulas. - -— No es sino señor de lugares —respondió Clara—, y el que le tiene en mi -alma con tanta seguridad que si él no quiere dejalle, no le será quitado -eternamente. - -Admirada quedó Dorotea de las sentidas razones de la muchacha, pareciéndole -que se aventajaban en mucho a la discreción que sus pocos años prometían; y -así, le dijo: - -— Habláis de modo, señora Clara, que no puedo entenderos: declaraos más y -decidme qué es lo que decís de alma y de lugares, y deste músico, cuya voz -tan inquieta os tiene. Pero no me digáis nada por ahora, que no quiero -perder, por acudir a vuestro sobresalto, el gusto que recibo de oír al que -canta; que me parece que con nuevos versos y nuevo tono torna a su canto. - -— Sea en buen hora —respondió Clara. - -Y, por no oílle, se tapó con las manos entrambos oídos, de lo que también -se admiró Dorotea; la cual, estando atenta a lo que se cantaba, vio que -proseguían en esta manera: - --Dulce esperanza mía, -que, rompiendo imposibles y malezas, -sigues firme la vía -que tú mesma te finges y aderezas: -no te desmaye el verte -a cada paso junto al de tu muerte. -No alcanzan perezosos -honrados triunfos ni vitoria alguna, -ni pueden ser dichosos -los que, no contrastando a la fortuna, -entregan, desvalidos, -al ocio blando todos los sentidos. -Que amor sus glorias venda -caras, es gran razón, y es trato justo, -pues no hay más rica prenda -que la que se quilata por su gusto; -y es cosa manifiesta -que no es de estima lo que poco cuesta. -Amorosas porfías -tal vez alcanzan imposibles cosas; -y ansí, aunque con las mías -sigo de amor las más dificultosas, -no por eso recelo -de no alcanzar desde la tierra el cielo. - -Aquí dio fin la voz, y principio a nuevos sollozos Clara. Todo lo cual -encendía el deseo de Dorotea, que deseaba saber la causa de tan suave canto -y de tan triste lloro. Y así, le volvió a preguntar qué era lo que le -quería decir denantes. Entonces Clara, temerosa de que Luscinda no la -oyese, abrazando estrechamente a Dorotea, puso su boca tan junto del oído -de Dorotea, que seguramente podía hablar sin ser de otro sentida, y así le -dijo: - -— Este que canta, señora mía, es un hijo de un caballero natural del reino -de Aragón, señor de dos lugares, el cual vivía frontero de la casa de mi -padre en la Corte; y, aunque mi padre tenía las ventanas de su casa con -lienzos en el invierno y celosías en el verano, yo no sé lo que fue, ni lo -que no, que este caballero, que andaba al estudio, me vio, ni sé si en la -iglesia o en otra parte. Finalmente, él se enamoró de mí, y me lo dio a -entender desde las ventanas de su casa con tantas señas y con tantas -lágrimas, que yo le hube de creer, y aun querer, sin saber lo que me -quería. Entre las señas que me hacía, era una de juntarse la una mano con -la otra, dándome a entender que se casaría conmigo; y, aunque yo me -holgaría mucho de que ansí fuera, como sola y sin madre, no sabía con quién -comunicallo, y así, lo dejé estar sin dalle otro favor si no era, cuando -estaba mi padre fuera de casa y el suyo también, alzar un poco el lienzo o -la celosía y dejarme ver toda, de lo que él hacía tanta fiesta, que daba -señales de volverse loco. Llegóse en esto el tiempo de la partida de mi -padre, la cual él supo, y no de mí, pues nunca pude decírselo. Cayó malo, a -lo que yo entiendo, de pesadumbre; y así, el día que nos partimos nunca -pude verle para despedirme dél, siquiera con los ojos. Pero, a cabo de dos -días que caminábamos, al entrar de una posada, en un lugar una jornada de -aquí, le vi a la puerta del mesón, puesto en hábito de mozo de mulas, tan -al natural que si yo no le trujera tan retratado en mi alma fuera imposible -conocelle. Conocíle, admiréme y alegréme; él me miró a hurto de mi padre, -de quien él siempre se esconde cuando atraviesa por delante de mí en los -caminos y en las posadas do llegamos; y, como yo sé quién es, y considero -que por amor de mí viene a pie y con tanto trabajo, muérome de pesadumbre, -y adonde él pone los pies pongo yo los ojos. No sé con qué intención viene, -ni cómo ha podido escaparse de su padre, que le quiere estraordinariamente, -porque no tiene otro heredero, y porque él lo merece, como lo verá vuestra -merced cuando le vea. Y más le sé decir: que todo aquello que canta lo saca -de su cabeza; que he oído decir que es muy gran estudiante y poeta. Y hay -más: que cada vez que le veo o le oigo cantar, tiemblo toda y me -sobresalto, temerosa de que mi padre le conozca y venga en conocimiento de -nuestros deseos. En mi vida le he hablado palabra, y, con todo eso, le -quiero de manera que no he de poder vivir sin él. Esto es, señora mía, todo -lo que os puedo decir deste músico, cuya voz tanto os ha contentado; que en -sola ella echaréis bien de ver que no es mozo de mulas, como decís, sino -señor de almas y lugares, como yo os he dicho. - -— No digáis más, señora doña Clara —dijo a esta sazón Dorotea, y esto, -besándola mil veces—; no digáis más, digo, y esperad que venga el nuevo -día, que yo espero en Dios de encaminar de manera vuestros negocios, que -tengan el felice fin que tan honestos principios merecen. - -— ¡Ay señora! —dijo doña Clara—, ¿qué fin se puede esperar, si su padre es -tan principal y tan rico que le parecerá que aun yo no puedo ser criada de -su hijo, cuanto más esposa? Pues casarme yo a hurto de mi padre, no lo haré -por cuanto hay en el mundo. No querría sino que este mozo se volviese y me -dejase; quizá con no velle y con la gran distancia del camino que llevamos -se me aliviaría la pena que ahora llevo, aunque sé decir que este remedio -que me imagino me ha de aprovechar bien poco. No sé qué diablos ha sido -esto, ni por dónde se ha entrado este amor que le tengo, siendo yo tan -muchacha y él tan muchacho, que en verdad que creo que somos de una edad -mesma, y que yo no tengo cumplidos diez y seis años; que para el día de San -Miguel que vendrá dice mi padre que los cumplo. - -No pudo dejar de reírse Dorotea, oyendo cuán como niña hablaba doña Clara, -a quien dijo: - -— Reposemos, señora, lo poco que creo queda de la noche, y amanecerá Dios y -medraremos, o mal me andarán las manos. - -Sosegáronse con esto, y en toda la venta se guardaba un grande silencio; -solamente no dormían la hija de la ventera y Maritornes, su criada, las -cuales, como ya sabían el humor de que pecaba don Quijote, y que estaba -fuera de la venta armado y a caballo haciendo la guarda, determinaron las -dos de hacelle alguna burla, o, a lo menos, de pasar un poco el tiempo -oyéndole sus disparates. - -Es, pues, el caso que en toda la venta no había ventana que saliese al -campo, sino un agujero de un pajar, por donde echaban la paja por defuera. -A este agujero se pusieron las dos semidoncellas, y vieron que don Quijote -estaba a caballo, recostado sobre su lanzón, dando de cuando en cuando tan -dolientes y profundos suspiros que parecía, que con cada uno se le -arrancaba el alma. Y asimesmo oyeron que decía con voz blanda, regalada y -amorosa: - -— ¡Oh mi señora Dulcinea del Toboso, estremo de toda hermosura, fin y remate -de la discreción, archivo del mejor donaire, depósito de la honestidad, y, -ultimadamente, idea de todo lo provechoso, honesto y deleitable que hay en -el mundo! Y ¿qué fará agora la tu merced? ¿Si tendrás por ventura las -mientes en tu cautivo caballero, que a tantos peligros, por sólo servirte, -de su voluntad ha querido ponerse? Dame tú nuevas della, ¡oh luminaria de -las tres caras! Quizá con envidia de la suya la estás ahora mirando; que, o -paseándose por alguna galería de sus suntuosos palacios, o ya puesta de -pechos sobre algún balcón, está considerando cómo, salva su honestidad y -grandeza, ha de amansar la tormenta que por ella este mi cuitado corazón -padece, qué gloria ha de dar a mis penas, qué sosiego a mi cuidado y, -finalmente, qué vida a mi muerte y qué premio a mis servicios. Y tú, sol, -que ya debes de estar apriesa ensillando tus caballos, por madrugar y salir -a ver a mi señora, así como la veas, suplícote que de mi parte la saludes; -pero guárdate que al verla y saludarla no le des paz en el rostro, que -tendré más celos de ti que tú los tuviste de aquella ligera ingrata que -tanto te hizo sudar y correr por los llanos de Tesalia, o por las riberas -de Peneo, que no me acuerdo bien por dónde corriste entonces celoso y -enamorado. - -A este punto llegaba entonces don Quijote en su tan lastimero -razonamiento, cuando la hija de la ventera le comenzó a cecear y a -decirle: - -— Señor mío, lléguese acá la vuestra merced si es servido. - -A cuyas señas y voz volvió don Quijote la cabeza, y vio, a la luz de la -luna, que entonces estaba en toda su claridad, cómo le llamaban del agujero -que a él le pareció ventana, y aun con rejas doradas, como conviene que las -tengan tan ricos castillos como él se imaginaba que era aquella venta; y -luego en el instante se le representó en su loca imaginación que otra vez, -como la pasada, la doncella fermosa, hija de la señora de aquel castillo, -vencida de su amor, tornaba a solicitarle; y con este pensamiento, por no -mostrarse descortés y desagradecido, volvió las riendas a Rocinante y se -llegó al agujero, y, así como vio a las dos mozas, dijo: - -— Lástima os tengo, fermosa señora, de que hayades puesto vuestras amorosas -mientes en parte donde no es posible corresponderos conforme merece vuestro -gran valor y gentileza; de lo que no debéis dar culpa a este miserable -andante caballero, a quien tiene amor imposibilitado de poder entregar su -voluntad a otra que aquella que, en el punto que sus ojos la vieron, la -hizo señora absoluta de su alma. Perdonadme, buena señora, y recogeos en -vuestro aposento, y no queráis, con significarme más vuestros deseos, que -yo me muestre más desagradecido; y si del amor que me tenéis halláis en mí -otra cosa con que satisfaceros, que el mismo amor no sea, pedídmela; que yo -os juro, por aquella ausente enemiga dulce mía, de dárosla en continente, -si bien me pidiésedes una guedeja de los cabellos de Medusa, que eran todos -culebras, o ya los mesmos rayos del sol encerrados en una redoma. - -— No ha menester nada deso mi señora, señor caballero —dijo a este punto -Maritornes. - -— Pues, ¿qué ha menester, discreta dueña, vuestra señora? —respondió don -Quijote. - -— Sola una de vuestras hermosas manos —dijo Maritornes—, por poder deshogar -con ella el gran deseo que a este agujero la ha traído, tan a peligro de su -honor que si su señor padre la hubiera sentido, la menor tajada della fuera -la oreja. - -— ¡Ya quisiera yo ver eso! —respondió don Quijote—; pero él se guardará bien -deso, si ya no quiere hacer el más desastrado fin que padre hizo en el -mundo, por haber puesto las manos en los delicados miembros de su enamorada -hija. - -Parecióle a Maritornes que sin duda don Quijote daría la mano que le habían -pedido, y, proponiendo en su pensamiento lo que había de hacer, se bajó del -agujero y se fue a la caballeriza, donde tomó el cabestro del jumento de -Sancho Panza, y con mucha presteza se volvió a su agujero, a tiempo que don -Quijote se había puesto de pies sobre la silla de Rocinante, por alcanzar a -la ventana enrejada, donde se imaginaba estar la ferida doncella; y, al -darle la mano, dijo: - -— Tomad, señora, esa mano, o, por mejor decir, ese verdugo de los -malhechores del mundo; tomad esa mano, digo, a quien no ha tocado otra de -mujer alguna, ni aun la de aquella que tiene entera posesión de todo mi -cuerpo. No os la doy para que la beséis, sino para que miréis la contestura -de sus nervios, la trabazón de sus músculos, la anchura y espaciosidad de -sus venas; de donde sacaréis qué tal debe de ser la fuerza del brazo que -tal mano tiene. - -— Ahora lo veremos —dijo Maritornes. - -Y, haciendo una lazada corrediza al cabestro, se la echó a la muñeca, y, -bajándose del agujero, ató lo que quedaba al cerrojo de la puerta del pajar -muy fuertemente. Don Quijote, que sintió la aspereza del cordel en su -muñeca, dijo: - -— Más parece que vuestra merced me ralla que no que me regala la mano; no la -tratéis tan mal, pues ella no tiene la culpa del mal que mi voluntad os -hace, ni es bien que en tan poca parte venguéis el todo de vuestro enojo. -Mirad que quien quiere bien no se venga tan mal. - -Pero todas estas razones de don Quijote ya no las escuchaba nadie, porque, -así como Maritornes le ató, ella y la otra se fueron, muertas de risa, y le -dejaron asido de manera que fue imposible soltarse. - -Estaba, pues, como se ha dicho, de pies sobre Rocinante, metido todo el -brazo por el agujero y atado de la muñeca, y al cerrojo de la puerta, con -grandísimo temor y cuidado, que si Rocinante se desviaba a un cabo o a -otro, había de quedar colgado del brazo; y así, no osaba hacer movimiento -alguno, puesto que de la paciencia y quietud de Rocinante bien se podía -esperar que estaría sin moverse un siglo entero. - -En resolución, viéndose don Quijote atado, y que ya las damas se habían -ido, se dio a imaginar que todo aquello se hacía por vía de encantamento, -como la vez pasada, cuando en aquel mesmo castillo le molió aquel moro -encantado del arriero; y maldecía entre sí su poca discreción y discurso, -pues, habiendo salido tan mal la vez primera de aquel castillo, se había -aventurado a entrar en él la segunda, siendo advertimiento de caballeros -andantes que, cuando han probado una aventura y no salido bien con ella, es -señal que no está para ellos guardada, sino para otros; y así, no tienen -necesidad de probarla segunda vez. Con todo esto, tiraba de su brazo, por -ver si podía soltarse; mas él estaba tan bien asido, que todas sus pruebas -fueron en vano. Bien es verdad que tiraba con tiento, porque Rocinante no -se moviese; y, aunque él quisiera sentarse y ponerse en la silla, no podía -sino estar en pie, o arrancarse la mano. - -Allí fue el desear de la espada de Amadís, contra quien no tenía fuerza de -encantamento alguno; allí fue el maldecir de su fortuna; allí fue el -exagerar la falta que haría en el mundo su presencia el tiempo que allí -estuviese encantado, que sin duda alguna se había creído que lo estaba; -allí el acordarse de nuevo de su querida Dulcinea del Toboso; allí fue el -llamar a su buen escudero Sancho Panza, que, sepultado en sueño y tendido -sobre el albarda de su jumento, no se acordaba en aquel instante de la -madre que lo había parido; allí llamó a los sabios Lirgandeo y Alquife, que -le ayudasen; allí invocó a su buena amiga Urganda, que le socorriese, y, -finalmente, allí le tomó la mañana, tan desesperado y confuso que bramaba -como un toro; porque no esperaba él que con el día se remediara su cuita, -porque la tenía por eterna, teniéndose por encantado. Y hacíale creer esto -ver que Rocinante poco ni mucho se movía, y creía que de aquella suerte, -sin comer ni beber ni dormir, habían de estar él y su caballo, hasta que -aquel mal influjo de las estrellas se pasase, o hasta que otro más sabio -encantador le desencantase. - -Pero engañóse mucho en su creencia, porque, apenas comenzó a amanecer, -cuando llegaron a la venta cuatro hombres de a caballo, muy bien puestos y -aderezados, con sus escopetas sobre los arzones. Llamaron a la puerta de la -venta, que aún estaba cerrada, con grandes golpes; lo cual, visto por don -Quijote desde donde aún no dejaba de hacer la centinela, con voz arrogante -y alta dijo: - -— Caballeros, o escuderos, o quienquiera que seáis: no tenéis para qué -llamar a las puertas deste castillo; que asaz de claro está que a tales -horas, o los que están dentro duermen, o no tienen por costumbre de abrirse -las fortalezas hasta que el sol esté tendido por todo el suelo. Desviaos -afuera, y esperad que aclare el día, y entonces veremos si será justo o no -que os abran. - -— ¿Qué diablos de fortaleza o castillo es éste —dijo uno—, para obligarnos a -guardar esas ceremonias? Si sois el ventero, mandad que nos abran, que -somos caminantes que no queremos más de dar cebada a nuestras cabalgaduras -y pasar adelante, porque vamos de priesa. - -— ¿Paréceos, caballeros, que tengo yo talle de ventero? —respondió don -Quijote. - -— No sé de qué tenéis talle —respondió el otro—, pero sé que decís -disparates en llamar castillo a esta venta. - -— Castillo es —replicó don Quijote—, y aun de los mejores de toda esta -provincia; y gente tiene dentro que ha tenido cetro en la mano y corona en -la cabeza. - -— Mejor fuera al revés —dijo el caminante—: el cetro en la cabeza y la -corona en la mano. Y será, si a mano viene, que debe de estar dentro alguna -compañía de representantes, de los cuales es tener a menudo esas coronas y -cetros que decís, porque en una venta tan pequeña, y adonde se guarda tanto -silencio como ésta, no creo yo que se alojan personas dignas de corona y -cetro. - -— Sabéis poco del mundo —replicó don Quijote—, pues ignoráis los casos que -suelen acontecer en la caballería andante. - -Cansábanse los compañeros que con el preguntante venían del coloquio que -con don Quijote pasaba, y así, tornaron a llamar con grande furia; y fue de -modo que el ventero despertó, y aun todos cuantos en la venta estaban; y -así, se levantó a preguntar quién llamaba. Sucedió en este tiempo que una -de las cabalgaduras en que venían los cuatro que llamaban se llegó a oler a -Rocinante, que, melancólico y triste, con las orejas caídas, sostenía sin -moverse a su estirado señor; y como, en fin, era de carne, aunque parecía -de leño, no pudo dejar de resentirse y tornar a oler a quien le llegaba a -hacer caricias; y así, no se hubo movido tanto cuanto, cuando se desviaron -los juntos pies de don Quijote, y, resbalando de la silla, dieran con él en -el suelo, a no quedar colgado del brazo: cosa que le causó tanto dolor que -creyó o que la muñeca le cortaban, o que el brazo se le arrancaba; porque -él quedó tan cerca del suelo que con los estremos de las puntas de los pies -besaba la tierra, que era en su perjuicio, porque, como sentía lo poco que -le faltaba para poner las plantas en la tierra, fatigábase y estirábase -cuanto podía por alcanzar al suelo: bien así como los que están en el -tormento de la garrucha, puestos a toca, no toca, que ellos mesmos son -causa de acrecentar su dolor, con el ahínco que ponen en estirarse, -engañados de la esperanza que se les representa, que con poco más que se -estiren llegarán al suelo. - - - - -Capítulo XLIV. Donde se prosiguen los inauditos sucesos de la venta - -En efeto, fueron tantas las voces que don Quijote dio, que, abriendo de -presto las puertas de la venta, salió el ventero, despavorido, a ver quién -tales gritos daba, y los que estaban fuera hicieron lo mesmo. Maritornes, -que ya había despertado a las mismas voces, imaginando lo que podía ser, se -fue al pajar y desató, sin que nadie lo viese, el cabestro que a don -Quijote sostenía, y él dio luego en el suelo, a vista del ventero y de los -caminantes, que, llegándose a él, le preguntaron qué tenía, que tales voces -daba. Él, sin responder palabra, se quitó el cordel de la muñeca, y, -levantándose en pie, subió sobre Rocinante, embrazó su adarga, enristró su -lanzón, y, tomando buena parte del campo, volvió a medio galope, diciendo: - -— Cualquiera que dijere que yo he sido con justo título encantado, como mi -señora la princesa Micomicona me dé licencia para ello, yo le desmiento, le -rieto y desafío a singular batalla. - -Admirados se quedaron los nuevos caminantes de las palabras de don Quijote, -pero el ventero les quitó de aquella admiración, diciéndoles que era don -Quijote, y que no había que hacer caso dél, porque estaba fuera de juicio. - -Preguntáronle al ventero si acaso había llegado a aquella venta un muchacho -de hasta edad de quince años, que venía vestido como mozo de mulas, de -tales y tales señas, dando las mesmas que traía el amante de doña Clara. El -ventero respondió que había tanta gente en la venta, que no había echado de -ver en el que preguntaban. Pero, habiendo visto uno dellos el coche donde -había venido el oidor, dijo: - -— Aquí debe de estar sin duda, porque éste es el coche que él dicen que -sigue; quédese uno de nosotros a la puerta y entren los demás a buscarle; y -aun sería bien que uno de nosotros rodease toda la venta, porque no se -fuese por las bardas de los corrales. - -— Así se hará —respondió uno dellos. - -Y, entrándose los dos dentro, uno se quedó a la puerta y el otro se fue a -rodear la venta; todo lo cual veía el ventero, y no sabía atinar para qué -se hacían aquellas diligencias, puesto que bien creyó que buscaban aquel -mozo cuyas señas le habían dado. - -Ya a esta sazón aclaraba el día; y, así por esto como por el ruido que don -Quijote había hecho, estaban todos despiertos y se levantaban, -especialmente doña Clara y Dorotea, que la una con sobresalto de tener tan -cerca a su amante, y la otra con el deseo de verle, habían podido dormir -bien mal aquella noche. Don Quijote, que vio que ninguno de los cuatro -caminantes hacía caso dél, ni le respondían a su demanda, moría y rabiaba -de despecho y saña; y si él hallara en las ordenanzas de su caballería que -lícitamente podía el caballero andante tomar y emprender otra empresa, -habiendo dado su palabra y fe de no ponerse en ninguna hasta acabar la que -había prometido, él embistiera con todos, y les hiciera responder mal de su -grado. Pero, por parecerle no convenirle ni estarle bien comenzar nueva -empresa hasta poner a Micomicona en su reino, hubo de callar y estarse -quedo, esperando a ver en qué paraban las diligencias de aquellos -caminantes; uno de los cuales halló al mancebo que buscaba, durmiendo al -lado de un mozo de mulas, bien descuidado de que nadie ni le buscase, ni -menos de que le hallase. El hombre le trabó del brazo y le dijo: - -— Por cierto, señor don Luis, que responde bien a quien vos sois el hábito -que tenéis, y que dice bien la cama en que os hallo al regalo con que -vuestra madre os crió. - -Limpióse el mozo los soñolientos ojos y miró de espacio al que le tenía -asido, y luego conoció que era criado de su padre, de que recibió tal -sobresalto, que no acertó o no pudo hablarle palabra por un buen espacio. Y -el criado prosiguió diciendo: - -— Aquí no hay que hacer otra cosa, señor don Luis, sino prestar paciencia y -dar la vuelta a casa, si ya vuestra merced no gusta que su padre y mi señor -la dé al otro mundo, porque no se puede esperar otra cosa de la pena con -que queda por vuestra ausencia. - -— Pues, ¿cómo supo mi padre —dijo don Luis— que yo venía este camino y en -este traje? - -— Un estudiante —respondió el criado— a quien distes cuenta de vuestros -pensamientos fue el que lo descubrió, movido a lástima de las que vio que -hacía vuestro padre al punto que os echó de menos; y así, despachó a cuatro -de sus criados en vuestra busca, y todos estamos aquí a vuestro servicio, -más contentos de lo que imaginar se puede, por el buen despacho con que -tornaremos, llevándoos a los ojos que tanto os quieren. - -— Eso será como yo quisiere, o como el cielo lo ordenare —respondió don -Luis. - -— ¿Qué habéis de querer, o qué ha de ordenar el cielo, fuera de consentir en -volveros?; porque no ha de ser posible otra cosa. - -Todas estas razones que entre los dos pasaban oyó el mozo de mulas junto a -quien don Luis estaba; y, levantándose de allí, fue a decir lo que pasaba a -don Fernando y a Cardenio, y a los demás, que ya vestido se habían; a los -cuales dijo cómo aquel hombre llamaba de don a aquel muchacho, y las -razones que pasaban, y cómo le quería volver a casa de su padre, y el mozo -no quería. Y con esto, y con lo que dél sabían de la buena voz que el cielo -le había dado, vinieron todos en gran deseo de saber más particularmente -quién era, y aun de ayudarle si alguna fuerza le quisiesen hacer; y así, se -fueron hacia la parte donde aún estaba hablando y porfiando con su criado. - -Salía en esto Dorotea de su aposento, y tras ella doña Clara, toda turbada; -y, llamando Dorotea a Cardenio aparte, le contó en breves razones la -historia del músico y de doña Clara, a quien él también dijo lo que pasaba -de la venida a buscarle los criados de su padre, y no se lo dijo tan -callando que lo dejase de oír Clara; de lo que quedó tan fuera de sí que, -si Dorotea no llegara a tenerla, diera consigo en el suelo. Cardenio dijo a -Dorotea que se volviesen al aposento, que él procuraría poner remedio en -todo, y ellas lo hicieron. - -Ya estaban todos los cuatro que venían a buscar a don Luis dentro de la -venta y rodeados dél, persuadiéndole que luego, sin detenerse un punto, -volviese a consolar a su padre. Él respondió que en ninguna manera lo podía -hacer hasta dar fin a un negocio en que le iba la vida, la honra y el alma. -Apretáronle entonces los criados, diciéndole que en ningún modo volverían -sin él, y que le llevarían, quisiese o no quisiese. - -— Eso no haréis vosotros —replicó don Luis—, si no es llevándome muerto; -aunque, de cualquiera manera que me llevéis, será llevarme sin vida. - -Ya a esta sazón habían acudido a la porfía todos los más que en la venta -estaban, especialmente Cardenio, don Fernando, sus camaradas, el oidor, el -cura, el barbero y don Quijote, que ya le pareció que no había necesidad de -guardar más el castillo. Cardenio, como ya sabía la historia del mozo, -preguntó a los que llevarle querían que qué les movía a querer llevar -contra su voluntad aquel muchacho. - -— Muévenos —respondió uno de los cuatro— dar la vida a su padre, que por la -ausencia deste caballero queda a peligro de perderla. - -A esto dijo don Luis: - -— No hay para qué se dé cuenta aquí de mis cosas: yo soy libre, y volveré si -me diere gusto, y si no, ninguno de vosotros me ha de hacer fuerza. - -— Harásela a vuestra merced la razón —respondió el hombre—; y, cuando ella - -no bastare con vuestra merced, bastará con nosotros para hacer a lo que -venimos y lo que somos obligados. - -— Sepamos qué es esto de raíz —dijo a este tiempo el oidor. - -Pero el hombre, que lo conoció, como vecino de su casa, respondió: - -— ¿No conoce vuestra merced, señor oidor, a este caballero, que es el hijo -de su vecino, el cual se ha ausentado de casa de su padre en el hábito tan -indecente a su calidad como vuestra merced puede ver? - -Miróle entonces el oidor más atentamente y conocióle; y, abrazándole, dijo: - -— ¿Qué niñerías son éstas, señor don Luis, o qué causas tan poderosas, que -os hayan movido a venir desta manera, y en este traje, que dice tan mal con -la calidad vuestra? - -Al mozo se le vinieron las lágrimas a los ojos, y no pudo responder -palabra. El oidor dijo a los cuatro que se sosegasen, que todo se haría -bien; y, tomando por la mano a don Luis, le apartó a una parte y le -preguntó qué venida había sido aquélla. - -Y, en tanto que le hacía esta y otras preguntas, oyeron grandes voces a la -puerta de la venta, y era la causa dellas que dos huéspedes que aquella -noche habían alojado en ella, viendo a toda la gente ocupada en saber lo -que los cuatro buscaban, habían intentado a irse sin pagar lo que debían; -mas el ventero, que atendía más a su negocio que a los ajenos, les asió al -salir de la puerta y pidió su paga, y les afeó su mala intención con tales -palabras, que les movió a que le respondiesen con los puños; y así, le -comenzaron a dar tal mano, que el pobre ventero tuvo necesidad de dar voces -y pedir socorro. La ventera y su hija no vieron a otro más desocupado para -poder socorrerle que a don Quijote, a quien la hija de la ventera dijo: - -— Socorra vuestra merced, señor caballero, por la virtud que Dios le dio, a -mi pobre padre, que dos malos hombres le están moliendo como a cibera. - -A lo cual respondió don Quijote, muy de espacio y con mucha flema: - -— Fermosa doncella, no ha lugar por ahora vuestra petición, porque estoy -impedido de entremeterme en otra aventura en tanto que no diere cima a una -en que mi palabra me ha puesto. Mas lo que yo podré hacer por serviros es -lo que ahora diré: corred y decid a vuestro padre que se entretenga en esa -batalla lo mejor que pudiere, y que no se deje vencer en ningún modo, en -tanto que yo pido licencia a la princesa Micomicona para poder socorrerle -en su cuita; que si ella me la da, tened por cierto que yo le sacaré della. - -— ¡Pecadora de mí! —dijo a esto Maritornes, que estaba delante—: primero que -vuestra merced alcance esa licencia que dice, estará ya mi señor en el otro -mundo. - -— Dadme vos, señora, que yo alcance la licencia que digo —respondió don -Quijote—; que, como yo la tenga, poco hará al caso que él esté en el otro -mundo; que de allí le sacaré a pesar del mismo mundo que lo contradiga; o, -por lo menos, os daré tal venganza de los que allá le hubieren enviado, que -quedéis más que medianamente satisfechas. - -Y sin decir más se fue a poner de hinojos ante Dorotea, pidiéndole con -palabras caballerescas y andantescas que la su grandeza fuese servida de -darle licencia de acorrer y socorrer al castellano de aquel castillo, que -estaba puesto en una grave mengua. La princesa se la dio de buen talante, y -él luego, embrazando su adarga y poniendo mano a su espada, acudió a la -puerta de la venta, adonde aún todavía traían los dos huéspedes a mal traer -al ventero; pero, así como llegó, embazó y se estuvo quedo, aunque -Maritornes y la ventera le decían que en qué se detenía, que socorriese a -su señor y marido. - -— Deténgome —dijo don Quijote— porque no me es lícito poner mano a la espada -contra gente escuderil; pero llamadme aquí a mi escudero Sancho, que a él -toca y atañe esta defensa y venganza. - -Esto pasaba en la puerta de la venta, y en ella andaban las puñadas y -mojicones muy en su punto, todo en daño del ventero y en rabia de -Maritornes, la ventera y su hija, que se desesperaban de ver la cobardía de -don Quijote, y de lo mal que lo pasaba su marido, señor y padre. - -Pero dejémosle aquí, que no faltará quien le socorra, o si no, sufra y -calle el que se atreve a más de a lo que sus fuerzas le prometen, y -volvámonos atrás cincuenta pasos, a ver qué fue lo que don Luis respondió -al oidor, que le dejamos aparte, preguntándole la causa de su venida a pie -y de tan vil traje vestido. A lo cual el mozo, asiéndole fuertemente de las -manos, como en señal de que algún gran dolor le apretaba el corazón, y -derramando lágrimas en grande abundancia, le dijo: - -— Señor mío, yo no sé deciros otra cosa sino que desde el punto que quiso el -cielo y facilitó nuestra vecindad que yo viese a mi señora doña Clara, hija -vuestra y señora mía, desde aquel instante la hice dueño de mi voluntad; y -si la vuestra, verdadero señor y padre mío, no lo impide, en este mesmo día -ha de ser mi esposa. Por ella dejé la casa de mi padre, y por ella me puse -en este traje, para seguirla dondequiera que fuese, como la saeta al -blanco, o como el marinero al norte. Ella no sabe de mis deseos más de lo -que ha podido entender de algunas veces que desde lejos ha visto llorar mis -ojos. Ya, señor, sabéis la riqueza y la nobleza de mis padres, y como yo -soy su único heredero: si os parece que éstas son partes para que os -aventuréis a hacerme en todo venturoso, recebidme luego por vuestro hijo; -que si mi padre, llevado de otros disignios suyos, no gustare deste bien -que yo supe buscarme, más fuerza tiene el tiempo para deshacer y mudar las -cosas que las humanas voluntades. - -Calló, en diciendo esto, el enamorado mancebo, y el oidor quedó en oírle -suspenso, confuso y admirado, así de haber oído el modo y la discreción con -que don Luis le había descubierto su pensamiento, como de verse en punto -que no sabía el que poder tomar en tan repentino y no esperado negocio; y -así, no respondió otra cosa sino que se sosegase por entonces, y -entretuviese a sus criados, que por aquel día no le volviesen, porque se -tuviese tiempo para considerar lo que mejor a todos estuviese. Besóle las -manos por fuerza don Luis, y aun se las bañó con lágrimas, cosa que pudiera -enternecer un corazón de mármol, no sólo el del oidor, que, como discreto, -ya había conocido cuán bien le estaba a su hija aquel matrimonio; puesto -que, si fuera posible, lo quisiera efetuar con voluntad del padre de don -Luis, del cual sabía que pretendía hacer de título a su hijo. - -Ya a esta sazón estaban en paz los huéspedes con el ventero, pues, por -persuasión y buenas razones de don Quijote, más que por amenazas, le habían -pagado todo lo que él quiso, y los criados de don Luis aguardaban el fin de -la plática del oidor y la resolución de su amo, cuando el demonio, que no -duerme, ordenó que en aquel mesmo punto entró en la venta el barbero a -quien don Quijote quitó el yelmo de Mambrino y Sancho Panza los aparejos -del asno, que trocó con los del suyo; el cual barbero, llevando su jumento -a la caballeriza, vio a Sancho Panza que estaba aderezando no sé qué de la -albarda, y así como la vio la conoció, y se atrevió a arremeter a Sancho, -diciendo: - -— ¡Ah don ladrón, que aquí os tengo! ¡Venga mi bacía y mi albarda, con todos -mis aparejos que me robastes! - -Sancho, que se vio acometer tan de improviso y oyó los vituperios que le -decían, con la una mano asió de la albarda, y con la otra dio un mojicón al -barbero que le bañó los dientes en sangre; pero no por esto dejó el barbero -la presa que tenía hecha en el albarda; antes, alzó la voz de tal manera -que todos los de la venta acudieron al ruido y pendencia, y decía: - -— ¡Aquí del rey y de la justicia, que, sobre cobrar mi hacienda, me quiere -matar este ladrón salteador de caminos! - -— Mentís —respondió Sancho—, que yo no soy salteador de caminos; que en -buena guerra ganó mi señor don Quijote estos despojos. - -Ya estaba don Quijote delante, con mucho contento de ver cuán bien se -defendía y ofendía su escudero, y túvole desde allí adelante por hombre de -pro, y propuso en su corazón de armalle caballero en la primera ocasión que -se le ofreciese, por parecerle que sería en él bien empleada la orden de la -caballería. Entre otras cosas que el barbero decía en el discurso de la -pendencia, vino a decir: - -— Señores, así esta albarda es mía como la muerte que debo a Dios, y así la -conozco como si la hubiera parido; y ahí está mi asno en el establo, que no -me dejará mentir; si no, pruébensela, y si no le viniere pintiparada, yo -quedaré por infame. Y hay más: que el mismo día que ella se me quitó, me -quitaron también una bacía de azófar nueva, que no se había estrenado, que -era señora de un escudo. - -Aquí no se pudo contener don Quijote sin responder: y, poniéndose entre los -dos y apartándoles, depositando la albarda en el suelo, que la tuviese de -manifiesto hasta que la verdad se aclarase, dijo: - -— ¡Porque vean vuestras mercedes clara y manifiestamente el error en que -está este buen escudero, pues llama bacía a lo que fue, es y será yelmo de -Mambrino, el cual se lo quité yo en buena guerra, y me hice señor dél con -ligítima y lícita posesión! En lo del albarda no me entremeto, que lo que -en ello sabré decir es que mi escudero Sancho me pidió licencia para quitar -los jaeces del caballo deste vencido cobarde, y con ellos adornar el suyo; -yo se la di, y él los tomó, y, de haberse convertido de jaez en albarda, no -sabré dar otra razón si no es la ordinaria: que como esas transformaciones -se ven en los sucesos de la caballería; para confirmación de lo cual, -corre, Sancho hijo, y saca aquí el yelmo que este buen hombre dice ser -bacía. - -— ¡Pardiez, señor —dijo Sancho—, si no tenemos otra prueba de nuestra -intención que la que vuestra merced dice, tan bacía es el yelmo de Malino -como el jaez deste buen hombre albarda! - -— Haz lo que te mando —replicó don Quijote—, que no todas las cosas deste -castillo han de ser guiadas por encantamento. - -Sancho fue a do estaba la bacía y la trujo; y, así como don Quijote la vio, -la tomó en las manos y dijo: - -— Miren vuestras mercedes con qué cara podía decir este escudero que ésta es -bacía, y no el yelmo que yo he dicho; y juro por la orden de caballería que -profeso que este yelmo fue el mismo que yo le quité, sin haber añadido en -él ni quitado cosa alguna. - -— En eso no hay duda —dijo a esta sazón Sancho—, porque desde que mi señor -le ganó hasta agora no ha hecho con él más de una batalla, cuando libró a -los sin ventura encadenados; y si no fuera por este baciyelmo, no lo pasara -entonces muy bien, porque hubo asaz de pedradas en aquel trance. - - - - -Capítulo XLV. Donde se acaba de averiguar la duda del yelmo de Mambrino y -de la albarda, y otras aventuras sucedidas, con toda verdad - -— ¿Qué les parece a vuestras mercedes, señores —dijo el barbero—, de lo que -afirman estos gentiles hombres, pues aún porfían que ésta no es bacía, -sino yelmo? - -— Y quien lo contrario dijere —dijo don Quijote—, le haré yo conocer que -miente, si fuere caballero, y si escudero, que remiente mil veces. - -Nuestro barbero, que a todo estaba presente, como tenía tan bien conocido -el humor de don Quijote, quiso esforzar su desatino y llevar adelante la -burla para que todos riesen, y dijo, hablando con el otro barbero: - -— Señor barbero, o quien sois, sabed que yo también soy de vuestro oficio, y -tengo más ha de veinte años carta de examen, y conozco muy bien de todos -los instrumentos de la barbería, sin que le falte uno; y ni más ni menos -fui un tiempo en mi mocedad soldado, y sé también qué es yelmo, y qué es -morrión, y celada de encaje, y otras cosas tocantes a la milicia, digo, a -los géneros de armas de los soldados; y digo, salvo mejor parecer, -remitiéndome siempre al mejor entendimiento, que esta pieza que está aquí -delante y que este buen señor tiene en las manos, no sólo no es bacía de -barbero, pero está tan lejos de serlo como está lejos lo blanco de lo negro -y la verdad de la mentira; también digo que éste, aunque es yelmo, no es -yelmo entero. - -— No, por cierto —dijo don Quijote—, porque le falta la mitad, que es la -babera. - -— Así es —dijo el cura, que ya había entendido la intención de su amigo el -barbero. - -Y lo mismo confirmó Cardenio, don Fernando y sus camaradas; y aun el oidor, -si no estuviera tan pensativo con el negocio de don Luis, ayudara, por su -parte, a la burla; pero las veras de lo que pensaba le tenían tan suspenso, -que poco o nada atendía a aquellos donaires. - -— ¡Válame Dios! —dijo a esta sazón el barbero burlado—; ¿que es posible que -tanta gente honrada diga que ésta no es bacía, sino yelmo? Cosa parece ésta -que puede poner en admiración a toda una Universidad, por discreta que sea. -Basta: si es que esta bacía es yelmo, también debe de ser esta albarda jaez -de caballo, como este señor ha dicho. - -— A mí albarda me parece —dijo don Quijote—, pero ya he dicho que en eso no -me entremeto. - -— De que sea albarda o jaez —dijo el cura— no está en más de decirlo el -señor don Quijote; que en estas cosas de la caballería todos estos señores -y yo le damos la ventaja. - -— Por Dios, señores míos —dijo don Quijote—, que son tantas y tan estrañas -las cosas que en este castillo, en dos veces que en él he alojado, me han -sucedido, que no me atreva a decir afirmativamente ninguna cosa de lo que -acerca de lo que en él se contiene se preguntare, porque imagino que cuanto -en él se trata va por vía de encantamento. La primera vez me fatigó mucho -un moro encantado que en él hay, y a Sancho no le fue muy bien con otros -sus secuaces; y anoche estuve colgado deste brazo casi dos horas, sin saber -cómo ni cómo no vine a caer en aquella desgracia. Así que, ponerme yo agora -en cosa de tanta confusión a dar mi parecer, será caer en juicio temerario. -En lo que toca a lo que dicen que ésta es bacía, y no yelmo, ya yo tengo -respondido; pero, en lo de declarar si ésa es albarda o jaez, no me atrevo -a dar sentencia difinitiva: sólo lo dejo al buen parecer de vuestras -mercedes. Quizá por no ser armados caballeros, como yo lo soy, no tendrán -que ver con vuestras mercedes los encantamentos deste lugar, y tendrán los -entendimientos libres, y podrán juzgar de las cosas deste castillo como -ellas son real y verdaderamente, y no como a mí me parecían. - -— No hay duda —respondió a esto don Fernando—, sino que el señor don Quijote -ha dicho muy bien hoy que a nosotros toca la difinición deste caso; y, -porque vaya con más fundamento, yo tomaré en secreto los votos destos -señores, y de lo que resultare daré entera y clara noticia. - -Para aquellos que la tenían del humor de don Quijote, era todo esto materia -de grandísima risa; pero, para los que le ignoraban, les parecía el mayor -disparate del mundo, especialmente a los cuatro criados de don Luis, y a -don Luis ni más ni menos, y a otros tres pasajeros que acaso habían llegado -a la venta, que tenían parecer de ser cuadrilleros, como, en efeto, lo -eran. Pero el que más se desesperaba era el barbero, cuya bacía, allí -delante de sus ojos, se le había vuelto en yelmo de Mambrino, y cuya -albarda pensaba sin duda alguna que se le había de volver en jaez rico de -caballo; y los unos y los otros se reían de ver cómo andaba don Fernando -tomando los votos de unos en otros, hablándolos al oído para que en secreto -declarasen si era albarda o jaez aquella joya sobre quien tanto se había -peleado. Y, después que hubo tomado los votos de aquellos que a don Quijote -conocían, dijo en alta voz: - -— El caso es, buen hombre, que ya yo estoy cansado de tomar tantos -pareceres, porque veo que a ninguno pregunto lo que deseo saber que no me -diga que es disparate el decir que ésta sea albarda de jumento, sino jaez -de caballo, y aun de caballo castizo; y así, habréis de tener paciencia, -porque, a vuestro pesar y al de vuestro asno, éste es jaez y no albarda, y -vos habéis alegado y probado muy mal de vuestra parte. - -— No la tenga yo en el cielo —dijo el sobrebarbero— si todos vuestras -mercedes no se engañan, y que así parezca mi ánima ante Dios como ella me -parece a mí albarda, y no jaez; pero allá van leyes..., etcétera; y no digo -más; y en verdad que no estoy borracho: que no me he desayunado, si de -pecar no. - -No menos causaban risa las necedades que decía el barbero que los -disparates de don Quijote, el cual a esta sazón dijo: - -— Aquí no hay más que hacer, sino que cada uno tome lo que es suyo, y a -quien Dios se la dio, San Pedro se la bendiga. - -Uno de los cuatro dijo: - -— Si ya no es que esto sea burla pesada, no me puedo persuadir que hombres -de tan buen entendimiento como son, o parecen, todos los que aquí están, se -atrevan a decir y afirmar que ésta no es bacía, ni aquélla albarda; mas, -como veo que lo afirman y lo dicen, me doy a entender que no carece de -misterio el porfiar una cosa tan contraria de lo que nos muestra la misma -verdad y la misma experiencia; porque, ¡voto a tal! —y arrojóle redondo—, -que no me den a mí a entender cuantos hoy viven en el mundo al revés de que -ésta no sea bacía de barbero y ésta albarda de asno. - -— Bien podría ser de borrica —dijo el cura. - -— Tanto monta —dijo el criado—, que el caso no consiste en eso, sino en si -es o no es albarda, como vuestras mercedes dicen. - -Oyendo esto uno de los cuadrilleros que habían entrado, que había oído la -pendencia y quistión, lleno de cólera y de enfado, dijo: - -— Tan albarda es como mi padre; y el que otra cosa ha dicho o dijere debe de -estar hecho uva. - -— Mentís como bellaco villano —respondió don Quijote. - -Y, alzando el lanzón, que nunca le dejaba de las manos, le iba a descargar -tal golpe sobre la cabeza, que, a no desviarse el cuadrillero, se le dejara -allí tendido. El lanzón se hizo pedazos en el suelo, y los demás -cuadrilleros, que vieron tratar mal a su compañero, alzaron la voz pidiendo -favor a la Santa Hermandad. - -El ventero, que era de la cuadrilla, entró al punto por su varilla y por su -espada, y se puso al lado de sus compañeros; los criados de don Luis -rodearon a don Luis, porque con el alboroto no se les fuese; el barbero, -viendo la casa revuelta, tornó a asir de su albarda, y lo mismo hizo -Sancho; don Quijote puso mano a su espada y arremetió a los cuadrilleros. -Don Luis daba voces a sus criados que le dejasen a él y acorriesen a don -Quijote, y a Cardenio, y a don Fernando, que todos favorecían a don -Quijote. El cura daba voces, la ventera gritaba, su hija se afligía, -Maritornes lloraba, Dorotea estaba confusa, Luscinda suspensa y doña Clara -desmayada. El barbero aporreaba a Sancho, Sancho molía al barbero; don -Luis, a quien un criado suyo se atrevió a asirle del brazo porque no se -fuese, le dio una puñada que le bañó los dientes en sangre; el oidor le -defendía, don Fernando tenía debajo de sus pies a un cuadrillero, -midiéndole el cuerpo con ellos muy a su sabor. El ventero tornó a reforzar -la voz, pidiendo favor a la Santa Hermandad: de modo que toda la venta era -llantos, voces, gritos, confusiones, temores, sobresaltos, desgracias, -cuchilladas, mojicones, palos, coces y efusión de sangre. Y, en la mitad -deste caos, máquina y laberinto de cosas, se le representó en la memoria de -don Quijote que se veía metido de hoz y de coz en la discordia del campo de -Agramante; y así dijo, con voz que atronaba la venta: - -— ¡Ténganse todos; todos envainen; todos se sosieguen; óiganme todos, si -todos quieren quedar con vida! - -A cuya gran voz, todos se pararon, y él prosiguió diciendo: - -— ¿No os dije yo, señores, que este castillo era encantado, y que alguna -región de demonios debe de habitar en él? En confirmación de lo cual, -quiero que veáis por vuestros ojos cómo se ha pasado aquí y trasladado -entre nosotros la discordia del campo de Agramante. Mirad cómo allí se -pelea por la espada, aquí por el caballo, acullá por el águila, acá por el -yelmo, y todos peleamos, y todos no nos entendemos. Venga, pues, vuestra -merced, señor oidor, y vuestra merced, señor cura, y el uno sirva de rey -Agramante, y el otro de rey Sobrino, y pónganos en paz; porque por Dios -Todopoderoso que es gran bellaquería que tanta gente principal como aquí -estamos se mate por causas tan livianas. - -Los cuadrilleros, que no entendían el frasis de don Quijote, y se veían -malparados de don Fernando, Cardenio y sus camaradas, no querían sosegarse; -el barbero sí, porque en la pendencia tenía deshechas las barbas y el -albarda; Sancho, a la más mínima voz de su amo, obedeció como buen criado; -los cuatro criados de don Luis también se estuvieron quedos, viendo cuán -poco les iba en no estarlo. Sólo el ventero porfiaba que se habían de -castigar las insolencias de aquel loco, que a cada paso le alborotaba la -venta. Finalmente, el rumor se apaciguó por entonces, la albarda se quedó -por jaez hasta el día del juicio, y la bacía por yelmo y la venta por -castillo en la imaginación de don Quijote. - -Puestos, pues, ya en sosiego, y hechos amigos todos a persuasión del oidor -y del cura, volvieron los criados de don Luis a porfiarle que al momento se -viniese con ellos; y, en tanto que él con ellos se avenía, el oidor -comunicó con don Fernando, Cardenio y el cura qué debía hacer en aquel -caso, contándoseles con las razones que don Luis le había dicho. En fin, -fue acordado que don Fernando dijese a los criados de don Luis quién él era -y cómo era su gusto que don Luis se fuese con él al Andalucía, donde de su -hermano el marqués sería estimado como el valor de don Luis merecía; porque -desta manera se sabía de la intención de don Luis que no volvería por -aquella vez a los ojos de su padre, si le hiciesen pedazos. Entendida, -pues, de los cuatro la calidad de don Fernando y la intención de don Luis, -determinaron entre ellos que los tres se volviesen a contar lo que pasaba a -su padre, y el otro se quedase a servir a don Luis, y a no dejalle hasta -que ellos volviesen por él, o viese lo que su padre les ordenaba. - -Desta manera se apaciguó aquella máquina de pendencias, por la autoridad de -Agramante y prudencia del rey Sobrino; pero, viéndose el enemigo de la -concordia y el émulo de la paz menospreciado y burlado, y el poco fruto que -había granjeado de haberlos puesto a todos en tan confuso laberinto, acordó -de probar otra vez la mano, resucitando nuevas pendencias y desasosiegos. - -Es, pues, el caso que los cuadrilleros se sosegaron, por haber entreoído la -calidad de los que con ellos se habían combatido, y se retiraron de la -pendencia, por parecerles que, de cualquiera manera que sucediese, habían -de llevar lo peor de la batalla; pero uno dellos, que fue el que fue molido -y pateado por don Fernando, le vino a la memoria que, entre algunos -mandamientos que traía para prender a algunos delincuentes, traía uno -contra don Quijote, a quien la Santa Hermandad había mandado prender, por -la libertad que dio a los galeotes, y como Sancho, con mucha razón, había -temido. - -Imaginando, pues, esto, quiso certificarse si las señas que de don Quijote -traía venían bien, y, sacando del seno un pergamino, topó con el que -buscaba; y, poniéndosele a leer de espacio, porque no era buen lector, a -cada palabra que leía ponía los ojos en don Quijote, y iba cotejando las -señas del mandamiento con el rostro de don Quijote, y halló que, sin duda -alguna, era el que el mandamiento rezaba. Y, apenas se hubo certificado, -cuando, recogiendo su pergamino, en la izquierda tomó el mandamiento, y con -la derecha asió a don Quijote del cuello fuertemente, que no le dejaba -alentar, y a grandes voces decía: - -— ¡Favor a la Santa Hermandad! Y, para que se vea que lo pido de veras, -léase este mandamiento, donde se contiene que se prenda a este salteador de -caminos. - -Tomó el mandamiento el cura, y vio como era verdad cuanto el cuadrillero -decía, y cómo convenía con las señas con don Quijote; el cual, viéndose -tratar mal de aquel villano malandrín, puesta la cólera en su punto y -crujiéndole los huesos de su cuerpo, como mejor pudo él, asió al -cuadrillero con entrambas manos de la garganta, que, a no ser socorrido de -sus compañeros, allí dejara la vida antes que don Quijote la presa. El -ventero, que por fuerza había de favorecer a los de su oficio, acudió luego -a dalle favor. La ventera, que vio de nuevo a su marido en pendencias, de -nuevo alzó la voz, cuyo tenor le llevaron luego Maritornes y su hija, -pidiendo favor al cielo y a los que allí estaban. Sancho dijo, viendo lo -que pasaba: - -— ¡Vive el Señor, que es verdad cuanto mi amo dice de los encantos deste -castillo, pues no es posible vivir una hora con quietud en él! - -Don Fernando despartió al cuadrillero y a don Quijote, y, con gusto de -entrambos, les desenclavijó las manos, que el uno en el collar del sayo del -uno, y el otro en la garganta del otro, bien asidas tenían; pero no por -esto cesaban los cuadrilleros de pedir su preso, y que les ayudasen a -dársele atado y entregado a toda su voluntad, porque así convenía al -servicio del rey y de la Santa Hermandad, de cuya parte de nuevo les pedían -socorro y favor para hacer aquella prisión de aquel robador y salteador de -sendas y de carreras. Reíase de oír decir estas razones don Quijote; y, con -mucho sosiego, dijo: - -— Venid acá, gente soez y malnacida: ¿saltear de caminos llamáis al dar -libertad a los encadenados, soltar los presos, acorrer a los miserables, -alzar los caídos, remediar los menesterosos? ¡Ah gente infame, digna por -vuestro bajo y vil entendimiento que el cielo no os comunique el valor que -se encierra en la caballería andante, ni os dé a entender el pecado e -ignorancia en que estáis en no reverenciar la sombra, cuanto más la -asistencia, de cualquier caballero andante! Venid acá, ladrones en -cuadrilla, que no cuadrilleros, salteadores de caminos con licencia de la -Santa Hermandad; decidme: ¿quién fue el ignorante que firmó mandamiento de -prisión contra un tal caballero como yo soy? ¿Quién el que ignoró que son -esentos de todo judicial fuero los caballeros andantes, y que su ley es su -espada; sus fueros, sus bríos; sus premáticas, su voluntad? ¿Quién fue el -mentecato, vuelvo a decir, que no sabe que no hay secutoria de hidalgo con -tantas preeminencias, ni esenciones, como la que adquiere un caballero -andante el día que se arma caballero y se entrega al duro ejercicio de la -caballería? ¿Qué caballero andante pagó pecho, alcabala, chapín de la -reina, moneda forera, portazgo ni barca? ¿Qué sastre le llevó hechura de -vestido que le hiciese? ¿Qué castellano le acogió en su castillo que le -hiciese pagar el escote? ¿Qué rey no le asentó a su mesa? ¿Qué doncella no -se le aficionó y se le entregó rendida, a todo su talante y voluntad? Y, -finalmente, ¿qué caballero andante ha habido, hay ni habrá en el mundo, que -no tenga bríos para dar él solo cuatrocientos palos a cuatrocientos -cuadrilleros que se le pongan delante? - - - - -Capítulo XLVI. De la notable aventura de los cuadrilleros, y la gran -ferocidad de nuestro buen caballero don Quijote - -En tanto que don Quijote esto decía, estaba persuadiendo el cura a los -cuadrilleros como don Quijote era falto de juicio, como lo veían por sus -obras y por sus palabras, y que no tenían para qué llevar aquel negocio -adelante, pues, aunque le prendiesen y llevasen, luego le habían de dejar -por loco; a lo que respondió el del mandamiento que a él no tocaba juzgar -de la locura de don Quijote, sino hacer lo que por su mayor le era mandado, -y que una vez preso, siquiera le soltasen trecientas. - -— Con todo eso —dijo el cura—, por esta vez no le habéis de llevar, ni aun -él dejará llevarse, a lo que yo entiendo. - -En efeto, tanto les supo el cura decir, y tantas locuras supo don Quijote -hacer, que más locos fueran que no él los cuadrilleros si no conocieran la -falta de don Quijote; y así, tuvieron por bien de apaciguarse, y aun de ser -medianeros de hacer las paces entre el barbero y Sancho Panza, que todavía -asistían con gran rancor a su pendencia. Finalmente, ellos, como miembros -de justicia, mediaron la causa y fueron árbitros della, de tal modo que -ambas partes quedaron, si no del todo contentas, a lo menos en algo -satisfechas, porque se trocaron las albardas, y no las cinchas y jáquimas; -y en lo que tocaba a lo del yelmo de Mambrino, el cura, a socapa y sin que -don Quijote lo entendiese, le dio por la bacía ocho reales, y el barbero le -hizo una cédula del recibo y de no llamarse a engaño por entonces, ni por -siempre jamás amén. - -Sosegadas, pues, estas dos pendencias, que eran las más principales y de -más tomo, restaba que los criados de don Luis se contentasen de volver los -tres, y que el uno quedase para acompañarle donde don Fernando le quería -llevar; y, como ya la buena suerte y mejor fortuna había comenzado a romper -lanzas y a facilitar dificultades en favor de los amantes de la venta y de -los valientes della, quiso llevarlo al cabo y dar a todo felice suceso, -porque los criados se contentaron de cuanto don Luis quería; de que recibió -tanto contento doña Clara, que ninguno en aquella sazón la mirara al rostro -que no conociera el regocijo de su alma. - -Zoraida, aunque no entendía bien todos los sucesos que había visto, se -entristecía y alegraba a bulto, conforme veía y notaba los semblantes a -cada uno, especialmente de su español, en quien tenía siempre puestos los -ojos y traía colgada el alma. El ventero, a quien no se le pasó por alto -la dádiva y recompensa que el cura había hecho al barbero, pidió el escote -de don Quijote, con el menoscabo de sus cueros y falta de vino, jurando que -no saldría de la venta Rocinante, ni el jumento de Sancho, sin que se le -pagase primero hasta el último ardite. Todo lo apaciguó el cura, y lo pagó -don Fernando, puesto que el oidor, de muy buena voluntad, había también -ofrecido la paga; y de tal manera quedaron todos en paz y sosiego, que ya -no parecía la venta la discordia del campo de Agramante, como don Quijote -había dicho, sino la misma paz y quietud del tiempo de Otaviano; de todo lo -cual fue común opinión que se debían dar las gracias a la buena intención y -mucha elocuencia del señor cura y a la incomparable liberalidad de don -Fernando. - -Viéndose, pues, don Quijote libre y desembarazado de tantas pendencias, así -de su escudero como suyas, le pareció que sería bien seguir su comenzado -viaje y dar fin a aquella grande aventura para que había sido llamado y -escogido; y así, con resoluta determinación se fue a poner de hinojos ante -Dorotea, la cual no le consintió que hablase palabra hasta que se -levantase; y él, por obedecella, se puso en pie y le dijo: - -— Es común proverbio, fermosa señora, que la diligencia es madre de la buena -ventura, y en muchas y graves cosas ha mostrado la experiencia que la -solicitud del negociante trae a buen fin el pleito dudoso; pero en ningunas -cosas se muestra más esta verdad que en las de la guerra, adonde la -celeridad y presteza previene los discursos del enemigo, y alcanza la -vitoria antes que el contrario se ponga en defensa. Todo esto digo, alta y -preciosa señora, porque me parece que la estada nuestra en este castillo ya -es sin provecho, y podría sernos de tanto daño que lo echásemos de ver -algún día; porque, ¿quién sabe si por ocultas espías y diligentes habrá -sabido ya vuestro enemigo el gigante de que yo voy a destruille?; y, -dándole lugar el tiempo, se fortificase en algún inexpugnable castillo o -fortaleza contra quien valiesen poco mis diligencias y la fuerza de mi -incansable brazo. Así que, señora mía, prevengamos, como tengo dicho, con -nuestra diligencia sus designios, y partámonos luego a la buena ventura; -que no está más de tenerla vuestra grandeza como desea, de cuanto yo tarde -de verme con vuestro contrario. - -Calló y no dijo más don Quijote, y esperó con mucho sosiego la respuesta de -la fermosa infanta; la cual, con ademán señoril y acomodado al estilo de -don Quijote, le respondió desta manera: - -— Yo os agradezco, señor caballero, el deseo que mostráis tener de -favorecerme en mi gran cuita, bien así como caballero, a quien es anejo y -concerniente favorecer los huérfanos y menesterosos; y quiera el cielo que -el vuestro y mi deseo se cumplan, para que veáis que hay agradecidas -mujeres en el mundo. Y en lo de mi partida, sea luego; que yo no tengo más -voluntad que la vuestra: disponed vos de mí a toda vuestra guisa y talante; -que la que una vez os entregó la defensa de su persona y puso en vuestras -manos la restauración de sus señoríos no ha de querer ir contra lo que la -vuestra prudencia ordenare. - -— A la mano de Dios —dijo don Quijote—; pues así es que una señora se me -humilla, no quiero yo perder la ocasión de levantalla y ponella en su -heredado trono. La partida sea luego, porque me va poniendo espuelas al -deseo y al camino lo que suele decirse que en la tardanza está el peligro. -Y, pues no ha criado el cielo, ni visto el infierno, ninguno que me espante -ni acobarde, ensilla, Sancho, a Rocinante, y apareja tu jumento y el -palafrén de la reina, y despidámonos del castellano y destos señores, y -vamos de aquí luego al punto. - -Sancho, que a todo estaba presente, dijo, meneando la cabeza a una parte y -a otra: - -— ¡Ay señor, señor, y cómo hay más mal en el aldegüela que se suena, con -perdón sea dicho de las tocadas honradas! - -— ¿Qué mal puede haber en ninguna aldea, ni en todas las ciudades del mundo, -que pueda sonarse en menoscabo mío, villano? - -— Si vuestra merced se enoja —respondió Sancho—, yo callaré, y dejaré de -decir lo que soy obligado como buen escudero, y como debe un buen criado -decir a su señor. - -— Di lo que quisieres —replicó don Quijote—, como tus palabras no se -encaminen a ponerme miedo; que si tú le tienes, haces como quien eres, y si -yo no le tengo, hago como quien soy. - -— No es eso, ¡pecador fui yo a Dios! —respondió Sancho—, sino que yo tengo -por cierto y por averiguado que esta señora que se dice ser reina del gran -reino Micomicón no lo es más que mi madre; porque, a ser lo que ella dice, -no se anduviera hocicando con alguno de los que están en la rueda, a vuelta -de cabeza y a cada traspuesta. - -Paróse colorada con las razones de Sancho Dorotea, porque era verdad que su -esposo don Fernando, alguna vez, a hurto de otros ojos, había cogido con -los labios parte del premio que merecían sus deseos (lo cual había visto -Sancho, y pareciéndole que aquella desenvoltura más era de dama cortesana -que de reina de tan gran reino), y no pudo ni quiso responder palabra a -Sancho, sino dejóle proseguir en su plática, y él fue diciendo: - -— Esto digo, señor, porque, si al cabo de haber andado caminos y carreras, y -pasado malas noches y peores días, ha de venir a coger el fruto de nuestros -trabajos el que se está holgando en esta venta, no hay para qué darme -priesa a que ensille a Rocinante, albarde el jumento y aderece al palafrén, -pues será mejor que nos estemos quedos, y cada puta hile, y comamos. - -¡Oh, válame Dios, y cuán grande que fue el enojo que recibió don Quijote, -oyendo las descompuestas palabras de su escudero! Digo que fue tanto, que, -con voz atropellada y tartamuda lengua, lanzando vivo fuego por los ojos, -dijo: - -— ¡Oh bellaco villano, mal mirado, descompuesto, ignorante, infacundo, -deslenguado, atrevido, murmurador y maldiciente! ¿Tales palabras has osado -decir en mi presencia y en la destas ínclitas señoras, y tales -deshonestidades y atrevimientos osaste poner en tu confusa imaginación? -¡Vete de mi presencia, monstruo de naturaleza, depositario de mentiras, -almario de embustes, silo de bellaquerías, inventor de maldades, publicador -de sandeces, enemigo del decoro que se debe a las reales personas! ¡Vete; -no parezcas delante de mí, so pena de mi ira! - -Y, diciendo esto, enarcó las cejas, hinchó los carrillos, miró a todas -partes, y dio con el pie derecho una gran patada en el suelo, señales todas -de la ira que encerraba en sus entrañas. A cuyas palabras y furibundos -ademanes quedó Sancho tan encogido y medroso, que se holgara que en aquel -instante se abriera debajo de sus pies la tierra y le tragara. Y no supo -qué hacerse, sino volver las espaldas y quitarse de la enojada presencia de -su señor. Pero la discreta Dorotea, que tan entendido tenía ya el humor de -don Quijote, dijo, para templarle la ira: - -— No os despechéis, señor Caballero de la Triste Figura, de las sandeces que -vuestro buen escudero ha dicho, porque quizá no las debe de decir sin -ocasión, ni de su buen entendimiento y cristiana conciencia se puede -sospechar que levante testimonio a nadie; y así, se ha de creer, sin poner -duda en ello, que, como en este castillo, según vos, señor caballero, -decís, todas las cosas van y suceden por modo de encantamento, podría ser, -digo, que Sancho hubiese visto por esta diabólica vía lo que él dice que -vio, tan en ofensa de mi honestidad. - -— Por el omnipotente Dios juro —dijo a esta sazón don Quijote—, que la -vuestra grandeza ha dado en el punto, y que alguna mala visión se le puso -delante a este pecador de Sancho, que le hizo ver lo que fuera imposible -verse de otro modo que por el de encantos no fuera; que sé yo bien de la -bondad e inocencia deste desdichado, que no sabe levantar testimonios a -nadie. - -— Ansí es y ansí será —dijo don Fernando—; por lo cual debe vuestra merced, -señor don Quijote, perdonalle y reducille al gremio de su gracia, sicut -erat in principio, antes que las tales visiones le sacasen de juicio. - -Don Quijote respondió que él le perdonaba, y el cura fue por Sancho, el -cual vino muy humilde, y, hincándose de rodillas, pidió la mano a su amo; y -él se la dio, y, después de habérsela dejado besar, le echó la bendición, -diciendo: - -— Agora acabarás de conocer, Sancho hijo, ser verdad lo que yo otras muchas -veces te he dicho de que todas las cosas deste castillo son hechas por vía -de encantamento. - -— Así lo creo yo —dijo Sancho—, excepto aquello de la manta, que realmente -sucedió por vía ordinaria. - -— No lo creas —respondió don Quijote—; que si así fuera, yo te vengara -entonces, y aun agora; pero ni entonces ni agora pude ni vi en quién tomar -venganza de tu agravio. - -Desearon saber todos qué era aquello de la manta, y el ventero lo contó, -punto por punto: la volatería de Sancho Panza, de que no poco se rieron -todos; y de que no menos se corriera Sancho, si de nuevo no le asegurara su -amo que era encantamento; puesto que jamás llegó la sandez de Sancho a -tanto, que creyese no ser verdad pura y averiguada, sin mezcla de engaño -alguno, lo de haber sido manteado por personas de carne y hueso, y no por -fantasmas soñadas ni imaginadas, como su señor lo creía y lo afirmaba. - -Dos días eran ya pasados los que había que toda aquella ilustre compañía -estaba en la venta; y, pareciéndoles que ya era tiempo de partirse, dieron -orden para que, sin ponerse al trabajo de volver Dorotea y don Fernando con -don Quijote a su aldea, con la invención de la libertad de la reina -Micomicona, pudiesen el cura y el barbero llevársele, como deseaban, y -procurar la cura de su locura en su tierra. Y lo que ordenaron fue que se -concertaron con un carretero de bueyes que acaso acertó a pasar por allí, -para que lo llevase en esta forma: hicieron una como jaula de palos -enrejados, capaz que pudiese en ella caber holgadamente don Quijote; y -luego don Fernando y sus camaradas, con los criados de don Luis y los -cuadrilleros, juntamente con el ventero, todos por orden y parecer del -cura, se cubrieron los rostros y se disfrazaron, quién de una manera y -quién de otra, de modo que a don Quijote le pareciese ser otra gente de la -que en aquel castillo había visto. - -Hecho esto, con grandísimo silencio se entraron adonde él estaba durmiendo -y descansando de las pasadas refriegas. Llegáronse a él, que libre y seguro -de tal acontecimiento dormía, y, asiéndole fuertemente, le ataron muy bien -las manos y los pies, de modo que, cuando él despertó con sobresalto, no -pudo menearse, ni hacer otra cosa más que admirarse y suspenderse de ver -delante de sí tan estraños visajes; y luego dio en la cuenta de lo que su -continua y desvariada imaginación le representaba, y se creyó que todas -aquellas figuras eran fantasmas de aquel encantado castillo, y que, sin -duda alguna, ya estaba encantado, pues no se podía menear ni defender: todo -a punto como había pensado que sucedería el cura, trazador desta máquina. -Sólo Sancho, de todos los presentes, estaba en su mesmo juicio y en su -mesma figura; el cual, aunque le faltaba bien poco para tener la mesma -enfermedad de su amo, no dejó de conocer quién eran todas aquellas -contrahechas figuras; mas no osó descoser su boca, hasta ver en qué paraba -aquel asalto y prisión de su amo, el cual tampoco hablaba palabra, -atendiendo a ver el paradero de su desgracia; que fue que, trayendo allí la -jaula, le encerraron dentro, y le clavaron los maderos tan fuertemente que -no se pudieran romper a dos tirones. - -Tomáronle luego en hombros, y, al salir del aposento, se oyó una voz -temerosa, todo cuanto la supo formar el barbero, no el del albarda, sino el -otro, que decía: - -— ¡Oh Caballero de la Triste Figura!, no te dé afincamiento la prisión en -que vas, porque así conviene para acabar más presto la aventura en que tu -gran esfuerzo te puso; la cual se acabará cuando el furibundo león manchado -con la blanca paloma tobosina yoguieren en uno, ya después de -humilladas las altas cervices al blando yugo matrimoñesco; de cuyo inaudito -consorcio saldrán a la luz del orbe los bravos cachorros, que imitarán las -rumpantes garras del valeroso padre. Y esto será antes que el seguidor de -la fugitiva ninfa faga dos vegadas la visita de las lucientes imágines con -su rápido y natural curso. Y tú, ¡oh, el más noble y obediente escudero que -tuvo espada en cinta, barbas en rostro y olfato en las narices!, no te -desmaye ni descontente ver llevar ansí delante de tus ojos mesmos a la flor -de la caballería andante; que presto, si al plasmador del mundo le place, -te verás tan alto y tan sublimado que no te conozcas, y no saldrán -defraudadas las promesas que te ha fecho tu buen señor. Y asegúrote, de -parte de la sabia Mentironiana, que tu salario te sea pagado, como lo verás -por la obra; y sigue las pisadas del valeroso y encantado caballero, que -conviene que vayas donde paréis entrambos. Y, porque no me es lícito decir -otra cosa, a Dios quedad, que yo me vuelvo adonde yo me sé. - -Y, al acabar de la profecía, alzó la voz de punto, y diminuyóla después, -con tan tierno acento, que aun los sabidores de la burla estuvieron por -creer que era verdad lo que oían. - -Quedó don Quijote consolado con la escuchada profecía, porque luego coligió -de todo en todo la significación de ella; y vio que le prometían el verse -ayuntados en santo y debido matrimonio con su querida Dulcinea del Toboso, -de cuyo felice vientre saldrían los cachorros, que eran sus hijos, para -gloria perpetua de la Mancha. Y, creyendo esto bien y firmemente, alzó la -voz, y, dando un gran suspiro, dijo: - -— ¡Oh tú, quienquiera que seas, que tanto bien me has pronosticado!, ruégote -que pidas de mi parte al sabio encantador que mis cosas tiene a cargo, que -no me deje perecer en esta prisión donde agora me llevan, hasta ver -cumplidas tan alegres e incomparables promesas como son las que aquí se me -han hecho; que, como esto sea, tendré por gloria las penas de mi cárcel, y -por alivio estas cadenas que me ciñen, y no por duro campo de batalla este -lecho en que me acuestan, sino por cama blanda y tálamo dichoso. Y, en lo -que toca a la consolación de Sancho Panza, mi escudero, yo confío de su -bondad y buen proceder que no me dejará en buena ni en mala suerte; porque, -cuando no suceda, por la suya o por mi corta ventura, el poderle yo dar la -ínsula, o otra cosa equivalente que le tengo prometida, por lo menos su -salario no podrá perderse; que en mi testamento, que ya está hecho, dejo -declarado lo que se le ha de dar, no conforme a sus muchos y buenos -servicios, sino a la posibilidad mía. - -Sancho Panza se le inclinó con mucho comedimiento, y le besó entrambas las -manos, porque la una no pudiera, por estar atadas entrambas. - -Luego tomaron la jaula en hombros aquellas visiones, y la acomodaron en el -carro de los bueyes. - - - - -Capítulo XLVII. Del estraño modo con que fue encantado don Quijote de la -Mancha, con otros famosos sucesos - -Cuando don Quijote se vio de aquella manera enjaulado y encima del carro, -dijo: - -— Muchas y muy graves historias he yo leído de caballeros andantes, pero -jamás he leído, ni visto, ni oído, que a los caballeros encantados los -lleven desta manera y con el espacio que prometen estos perezosos y tardíos -animales; porque siempre los suelen llevar por los aires, con estraña -ligereza, encerrados en alguna parda y escura nube, o en algún carro de -fuego, o ya sobre algún hipogrifo o otra bestia semejante; pero que me -lleven a mí agora sobre un carro de bueyes, ¡vive Dios que me pone en -confusión! Pero quizá la caballería y los encantos destos nuestros tiempos -deben de seguir otro camino que siguieron los antiguos. Y también podría -ser que, como yo soy nuevo caballero en el mundo, y el primero que ha -resucitado el ya olvidado ejercicio de la caballería aventurera, también -nuevamente se hayan inventado otros géneros de encantamentos y otros modos -de llevar a los encantados. ¿Qué te parece desto, Sancho hijo? - -— No sé yo lo que me parece —respondió Sancho—, por no ser tan leído como -vuestra merced en las escrituras andantes; pero, con todo eso, osaría -afirmar y jurar que estas visiones que por aquí andan, que no son del todo -católicas. - -— ¿Católicas? ¡Mi padre! —respondió don Quijote—. ¿Cómo han de ser católicas -si son todos demonios que han tomado cuerpos fantásticos para venir a hacer -esto y a ponerme en este estado? Y si quieres ver esta verdad, tócalos y -pálpalos, y verás como no tienen cuerpo sino de aire, y como no consiste -más de en la apariencia. - -— Par Dios, señor —replicó Sancho—, ya yo los he tocado; y este diablo que -aquí anda tan solícito es rollizo de carnes, y tiene otra propiedad muy -diferente de la que yo he oído decir que tienen los demonios; porque, según -se dice, todos huelen a piedra azufre y a otros malos olores; pero éste -huele a ámbar de media legua. - -Decía esto Sancho por don Fernando, que, como tan señor, debía de oler a lo -que Sancho decía. - -— No te maravilles deso, Sancho amigo —respondió don Quijote—, porque te -hago saber que los diablos saben mucho, y, puesto que traigan olores -consigo, ellos no huelen nada, porque son espíritus, y si huelen, no pueden -oler cosas buenas, sino malas y hidiondas. Y la razón es que como ellos, -dondequiera que están, traen el infierno consigo, y no pueden recebir -género de alivio alguno en sus tormentos, y el buen olor sea cosa que -deleita y contenta, no es posible que ellos huelan cosa buena. Y si a ti te -parece que ese demonio que dices huele a ámbar, o tú te engañas, o él -quiere engañarte con hacer que no le tengas por demonio. - -Todos estos coloquios pasaron entre amo y criado; y, temiendo don Fernando -y Cardenio que Sancho no viniese a caer del todo en la cuenta de su -invención, a quien andaba ya muy en los alcances, determinaron de abreviar -con la partida; y, llamando aparte al ventero, le ordenaron que ensillase a -Rocinante y enalbardase el jumento de Sancho; el cual lo hizo con mucha -presteza. - -Ya en esto, el cura se había concertado con los cuadrilleros que le -acompañasen hasta su lugar, dándoles un tanto cada día. Colgó Cardenio del -arzón de la silla de Rocinante, del un cabo la adarga y del otro la bacía, -y por señas mandó a Sancho que subiese en su asno y tomase de las riendas -a Rocinante, y puso a los dos lados del carro a los dos cuadrilleros con -sus escopetas. Pero, antes que se moviese el carro, salió la ventera, su -hija y Maritornes a despedirse de don Quijote, fingiendo que lloraban de -dolor de su desgracia; a quien don Quijote dijo: - -— No lloréis, mis buenas señoras, que todas estas desdichas son anexas a los -que profesan lo que yo profeso; y si estas calamidades no me acontecieran, -no me tuviera yo por famoso caballero andante; porque a los caballeros de -poco nombre y fama nunca les suceden semejantes casos, porque no hay en el -mundo quien se acuerde dellos. A los valerosos sí, que tienen envidiosos de -su virtud y valentía a muchos príncipes y a muchos otros caballeros, que -procuran por malas vías destruir a los buenos. Pero, con todo eso, la -virtud es tan poderosa que, por sí sola, a pesar de toda la nigromancia que -supo su primer inventor, Zoroastes, saldrá vencedora de todo trance, y dará -de sí luz en el mundo, como la da el sol en el cielo. Perdonadme, fermosas -damas, si algún desaguisado, por descuido mío, os he fecho, que, de -voluntad y a sabiendas, jamás le di a nadie; y rogad a Dios me saque destas -prisiones, donde algún mal intencionado encantador me ha puesto; que si de -ellas me veo libre, no se me caerá de la memoria las mercedes que en este -castillo me habedes fecho, para gratificallas, servillas y recompensallas -como ellas merecen. - -En tanto que las damas del castillo esto pasaban con don Quijote, el cura y -el barbero se despidieron de don Fernando y sus camaradas, y del capitán y -de su hermano y todas aquellas contentas señoras, especialmente de Dorotea -y Luscinda. Todos se abrazaron y quedaron de darse noticia de sus sucesos, -diciendo don Fernando al cura dónde había de escribirle para avisarle en lo -que paraba don Quijote, asegurándole que no habría cosa que más gusto le -diese que saberlo; y que él, asimesmo, le avisaría de todo aquello que él -viese que podría darle gusto, así de su casamiento como del bautismo de -Zoraida, y suceso de don Luis, y vuelta de Luscinda a su casa. El cura -ofreció de hacer cuanto se le mandaba, con toda puntualidad. Tornaron a -abrazarse otra vez, y otra vez tornaron a nuevos ofrecimientos. - -El ventero se llegó al cura y le dio unos papeles, diciéndole que los había -hallado en un aforro de la maleta donde se halló la Novela del curioso -impertinente, y que, pues su dueño no había vuelto más por allí, que se los -llevase todos; que, pues él no sabía leer, no los quería. El cura se lo -agradeció, y, abriéndolos luego, vio que al principio de lo escrito decía: -Novela de Rinconete y Cortadillo, por donde entendió ser alguna novela y -coligió que, pues la del Curioso impertinente había sido buena, que también -lo sería aquélla, pues podría ser fuesen todas de un mesmo autor; y así, la -guardó, con prosupuesto de leerla cuando tuviese comodidad. - -Subió a caballo, y también su amigo el barbero, con sus antifaces, porque -no fuesen luego conocidos de don Quijote, y pusiéronse a caminar tras el -carro. Y la orden que llevaban era ésta: iba primero el carro, guiándole su -dueño; a los dos lados iban los cuadrilleros, como se ha dicho, con sus -escopetas; seguía luego Sancho Panza sobre su asno, llevando de rienda a -Rocinante. Detrás de todo esto iban el cura y el barbero sobre sus -poderosas mulas, cubiertos los rostros, como se ha dicho, con grave y -reposado continente, no caminando más de lo que permitía el paso tardo de -los bueyes. Don Quijote iba sentado en la jaula, las manos atadas, tendidos -los pies, y arrimado a las verjas, con tanto silencio y tanta paciencia -como si no fuera hombre de carne, sino estatua de piedra. - -Y así, con aquel espacio y silencio caminaron hasta dos leguas, que -llegaron a un valle, donde le pareció al boyero ser lugar acomodado para -reposar y dar pasto a los bueyes; y, comunicándolo con el cura, fue de -parecer el barbero que caminasen un poco más, porque él sabía, detrás de un -recuesto que cerca de allí se mostraba, había un valle de más yerba y mucho -mejor que aquel donde parar querían. Tomóse el parecer del barbero, y así, -tornaron a proseguir su camino. - -En esto, volvió el cura el rostro, y vio que a sus espaldas venían hasta -seis o siete hombres de a caballo, bien puestos y aderezados, de los cuales -fueron presto alcanzados, porque caminaban no con la flema y reposo de los -bueyes, sino como quien iba sobre mulas de canónigos y con deseo de llegar -presto a sestear a la venta, que menos de una legua de allí se parecía. -Llegaron los diligentes a los perezosos y saludáronse cortésmente; y uno de -los que venían, que, en resolución, era canónigo de Toledo y señor de los -demás que le acompañaban, viendo la concertada procesión del carro, -cuadrilleros, Sancho, Rocinante, cura y barbero, y más a don Quijote, -enjaulado y aprisionado, no pudo dejar de preguntar qué significaba llevar -aquel hombre de aquella manera; aunque ya se había dado a entender, viendo -las insignias de los cuadrilleros, que debía de ser algún facinoroso -salteador, o otro delincuente cuyo castigo tocase a la Santa Hermandad. Uno -de los cuadrilleros, a quien fue hecha la pregunta, respondió ansí: - -— Señor, lo que significa ir este caballero desta manera, dígalo él, porque -nosotros no lo sabemos. - -Oyó don Quijote la plática, y dijo: - -— ¿Por dicha vuestras mercedes, señores caballeros, son versados y perictos -en esto de la caballería andante? Porque si lo son, comunicaré con ellos -mis desgracias, y si no, no hay para qué me canse en decillas. - -Y, a este tiempo, habían ya llegado el cura y el barbero, viendo que los -caminantes estaban en pláticas con don Quijote de la Mancha, para responder -de modo que no fuese descubierto su artificio. - -El canónigo, a lo que don Quijote dijo, respondió: - -— En verdad, hermano, que sé más de libros de caballerías que de las Súmulas -de Villalpando. Ansí que, si no está más que en esto, seguramente podéis -comunicar conmigo lo que quisiéredes. - -— A la mano de Dios —replicó don Quijote—. Pues así es, quiero, señor -caballero, que sepades que yo voy encantado en esta jaula, por envidia y -fraude de malos encantadores; que la virtud más es perseguida de los malos -que amada de los buenos. Caballero andante soy, y no de aquellos de cuyos -nombres jamás la Fama se acordó para eternizarlos en su memoria, sino de -aquellos que, a despecho y pesar de la mesma envidia, y de cuantos magos -crió Persia, bracmanes la India, ginosofistas la Etiopía, ha de poner su -nombre en el templo de la inmortalidad para que sirva de ejemplo y dechado -en los venideros siglos, donde los caballeros andantes vean los pasos que -han de seguir, si quisieren llegar a la cumbre y alteza honrosa de las -armas. - -— Dice verdad el señor don Quijote de la Mancha —dijo a esta sazón el cura—; -que él va encantado en esta carreta, no por sus culpas y pecados, sino por -la mala intención de aquellos a quien la virtud enfada y la valentía enoja. -Éste es, señor, el Caballero de la Triste Figura, si ya le oístes nombrar -en algún tiempo, cuyas valerosas hazañas y grandes hechos serán escritas -en bronces duros y en eternos mármoles, por más que se canse la envidia en -escurecerlos y la malicia en ocultarlos. - -Cuando el canónigo oyó hablar al preso y al libre en semejante estilo, -estuvo por hacerse la cruz, de admirado, y no podía saber lo que le había -acontencido; y en la mesma admiración cayeron todos los que con él venían. -En esto, Sancho Panza, que se había acercado a oír la plática, para -adobarlo todo, dijo: - -— Ahora, señores, quiéranme bien o quiéranme mal por lo que dijere, el caso -de ello es que así va encantado mi señor don Quijote como mi madre; él -tiene su entero juicio, él come y bebe y hace sus necesidades como los -demás hombres, y como las hacía ayer, antes que le enjaulasen. Siendo esto -ansí, ¿cómo quieren hacerme a mí entender que va encantado? Pues yo he oído -decir a muchas personas que los encantados ni comen, ni duermen, ni hablan, -y mi amo, si no le van a la mano, hablará más que treinta procuradores. - -Y, volviéndose a mirar al cura, prosiguió diciendo: - -— ¡Ah señor cura, señor cura! ¿Pensaba vuestra merced que no le conozco, y -pensará que yo no calo y adivino adónde se encaminan estos nuevos -encantamentos? Pues sepa que le conozco, por más que se encubra el rostro, -y sepa que le entiendo, por más que disimule sus embustes. En fin, donde -reina la envidia no puede vivir la virtud, ni adonde hay escaseza la -liberalidad. !Mal haya el diablo!; que, si por su reverencia no fuera, ésta -fuera ya la hora que mi señor estuviera casado con la infanta Micomicona, y -yo fuera conde, por lo menos, pues no se podía esperar otra cosa, así de la -bondad de mi señor el de la Triste Figura como de la grandeza de mis -servicios. Pero ya veo que es verdad lo que se dice por ahí: que la rueda -de la Fortuna anda más lista que una rueda de molino, y que los que ayer -estaban en pinganitos hoy están por el suelo. De mis hijos y de mi mujer me -pesa, pues cuando podían y debían esperar ver entrar a su padre por sus -puertas hecho gobernador o visorrey de alguna ínsula o reino, le verán -entrar hecho mozo de caballos. Todo esto que he dicho, señor cura, no es -más de por encarecer a su paternidad haga conciencia del mal tratamiento -que a mi señor se le hace, y mire bien no le pida Dios en la otra vida esta -prisión de mi amo, y se le haga cargo de todos aquellos socorros y bienes -que mi señor don Quijote deja de hacer en este tiempo que está preso. - -— ¡Adóbame esos candiles! —dijo a este punto el barbero—. ¿También vos, -Sancho, sois de la cofradía de vuestro amo? ¡Vive el Señor, que voy viendo -que le habéis de tener compañía en la jaula, y que habéis de quedar tan -encantado como él, por lo que os toca de su humor y de su caballería! En -mal punto os empreñastes de sus promesas, y en mal hora se os entró en los -cascos la ínsula que tanto deseáis. - -— Yo no estoy preñado de nadie —respondió Sancho—, ni soy hombre que me -dejaría empreñar, del rey que fuese; y, aunque pobre, soy cristiano viejo, -y no debo nada a nadie; y si ínsulas deseo, otros desean otras cosas -peores; y cada uno es hijo de sus obras; y, debajo de ser hombre, puedo -venir a ser papa, cuanto más gobernador de una ínsula, y más pudiendo ganar -tantas mi señor que le falte a quien dallas. Vuestra merced mire cómo -habla, señor barbero; que no es todo hacer barbas, y algo va de Pedro a -Pedro. Dígolo porque todos nos conocemos, y a mí no se me ha de echar dado -falso. Y en esto del encanto de mi amo, Dios sabe la verdad; y quédese -aquí, porque es peor meneallo. - -No quiso responder el barbero a Sancho, porque no descubriese con sus -simplicidades lo que él y el cura tanto procuraban encubrir; y, por este -mesmo temor, había el cura dicho al canónigo que caminasen un poco delante: -que él le diría el misterio del enjaulado, con otras cosas que le diesen -gusto. Hízolo así el canónigo, y adelantóse con sus criados y con él: -estuvo atento a todo aquello que decirle quiso de la condición, vida, -locura y costumbres de don Quijote, contándole brevemente el principio y -causa de su desvarío, y todo el progreso de sus sucesos, hasta haberlo -puesto en aquella jaula, y el disignio que llevaban de llevarle a su -tierra, para ver si por algún medio hallaban remedio a su locura. -Admiráronse de nuevo los criados y el canónigo de oír la peregrina historia -de don Quijote, y, en acabándola de oír, dijo: - -— Verdaderamente, señor cura, yo hallo por mi cuenta que son perjudiciales -en la república estos que llaman libros de caballerías; y, aunque he leído, -llevado de un ocioso y falso gusto, casi el principio de todos los más que -hay impresos, jamás me he podido acomodar a leer ninguno del principio al -cabo, porque me parece que, cuál más, cuál menos, todos ellos son una mesma -cosa, y no tiene más éste que aquél, ni estotro que el otro. Y, según a mí -me parece, este género de escritura y composición cae debajo de aquel de -las fábulas que llaman milesias, que son cuentos disparatados, que atienden -solamente a deleitar, y no a enseñar: al contrario de lo que hacen las -fábulas apólogas, que deleitan y enseñan juntamente. Y, puesto que el -principal intento de semejantes libros sea el deleitar, no sé yo cómo -puedan conseguirle, yendo llenos de tantos y tan desaforados disparates; -que el deleite que en el alma se concibe ha de ser de la hermosura y -concordancia que vee o contempla en las cosas que la vista o la imaginación -le ponen delante; y toda cosa que tiene en sí fealdad y descompostura no -nos puede causar contento alguno. Pues, ¿qué hermosura puede haber, o qué -proporción de partes con el todo y del todo con las partes, en un libro o -fábula donde un mozo de diez y seis años da una cuchillada a un gigante -como una torre, y le divide en dos mitades, como si fuera de alfeñique; y -que, cuando nos quieren pintar una batalla, después de haber dicho que hay -de la parte de los enemigos un millón de competientes, como sea contra -ellos el señor del libro, forzosamente, mal que nos pese, habemos de -entender que el tal caballero alcanzó la vitoria por solo el valor de su -fuerte brazo? Pues, ¿qué diremos de la facilidad con que una reina o -emperatriz heredera se conduce en los brazos de un andante y no conocido -caballero? ¿Qué ingenio, si no es del todo bárbaro e inculto, podrá -contentarse leyendo que una gran torre llena de caballeros va por la mar -adelante, como nave con próspero viento, y hoy anochece en Lombardía, y -mañana amanezca en tierras del Preste Juan de las Indias, o en otras que ni -las descubrió Tolomeo ni las vio Marco Polo? Y, si a esto se me respondiese -que los que tales libros componen los escriben como cosas de mentira, y que -así, no están obligados a mirar en delicadezas ni verdades, responderles -hía yo que tanto la mentira es mejor cuanto más parece verdadera, y tanto -más agrada cuanto tiene más de lo dudoso y posible. Hanse de casar las -fábulas mentirosas con el entendimiento de los que las leyeren, -escribiéndose de suerte que, facilitando los imposibles, allanando las -grandezas, suspendiendo los ánimos, admiren, suspendan, alborocen y -entretengan, de modo que anden a un mismo paso la admiración y la alegría -juntas; y todas estas cosas no podrá hacer el que huyere de la -verisimilitud y de la imitación, en quien consiste la perfeción de lo que -se escribe. No he visto ningún libro de caballerías que haga un cuerpo de -fábula entero con todos sus miembros, de manera que el medio corresponda al -principio, y el fin al principio y al medio; sino que los componen con -tantos miembros, que más parece que llevan intención a formar una quimera o -un monstruo que a hacer una figura proporcionada. Fuera desto, son en el -estilo duros; en las hazañas, increíbles; en los amores, lascivos; en las -cortesías, mal mirados; largos en las batallas, necios en las razones, -disparatados en los viajes, y, finalmente, ajenos de todo discreto -artificio, y por esto dignos de ser desterrados de la república cristiana, -como a gente inútil. - -El cura le estuvo escuchando con grande atención, y parecióle hombre de -buen entendimiento, y que tenía razón en cuanto decía; y así, le dijo que, -por ser él de su mesma opinión y tener ojeriza a los libros de caballerías, -había quemado todos los de don Quijote, que eran muchos. Y contóle el -escrutinio que dellos había hecho, y los que había condenado al fuego y -dejado con vida, de que no poco se rió el canónigo, y dijo que, con todo -cuanto mal había dicho de tales libros, hallaba en ellos una cosa buena: -que era el sujeto que ofrecían para que un buen entendimiento pudiese -mostrarse en ellos, porque daban largo y espacioso campo por donde sin -empacho alguno pudiese correr la pluma, descubriendo naufragios, tormentas, -rencuentros y batallas; pintando un capitán valeroso con todas las partes -que para ser tal se requieren, mostrándose prudente previniendo las -astucias de sus enemigos, y elocuente orador persuadiendo o disuadiendo a -sus soldados, maduro en el consejo, presto en lo determinado, tan valiente -en el esperar como en el acometer; pintando ora un lamentable y trágico -suceso, ahora un alegre y no pensado acontecimiento; allí una hermosísima -dama, honesta, discreta y recatada; aquí un caballero cristiano, valiente y -comedido; acullá un desaforado bárbaro fanfarrón; acá un príncipe cortés, -valeroso y bien mirado; representando bondad y lealtad de vasallos, -grandezas y mercedes de señores. Ya puede mostrarse astrólogo, ya -cosmógrafo excelente, ya músico, ya inteligente en las materias de estado, -y tal vez le vendrá ocasión de mostrarse nigromante, si quisiere. Puede -mostrar las astucias de Ulixes, la piedad de Eneas, la valentía de Aquiles, -las desgracias de Héctor, las traiciones de Sinón, la amistad de Eurialio, -la liberalidad de Alejandro, el valor de César, la clemencia y verdad de -Trajano, la fidelidad de Zopiro, la prudencia de Catón; y, finalmente, -todas aquellas acciones que pueden hacer perfecto a un varón ilustre, ahora -poniéndolas en uno solo, ahora dividiéndolas en muchos. - -— Y, siendo esto hecho con apacibilidad de estilo y con ingeniosa invención, -que tire lo más que fuere posible a la verdad, sin duda compondrá una tela -de varios y hermosos lazos tejida, que, después de acabada, tal perfeción y -hermosura muestre, que consiga el fin mejor que se pretende en los -escritos, que es enseñar y deleitar juntamente, como ya tengo dicho. Porque -la escritura desatada destos libros da lugar a que el autor pueda mostrarse -épico, lírico, trágico, cómico, con todas aquellas partes que encierran en -sí las dulcísimas y agradables ciencias de la poesía y de la oratoria; que -la épica también puede escrebirse en prosa como en verso. - - - - -Capítulo XLVIII. Donde prosigue el canónigo la materia de los libros de -caballerías, con otras cosas dignas de su ingenio - -— Así es como vuestra merced dice, señor canónigo —dijo el cura—, y por esta -causa son más dignos de reprehensión los que hasta aquí han compuesto -semejantes libros sin tener advertencia a ningún buen discurso, ni al arte -y reglas por donde pudieran guiarse y hacerse famosos en prosa, como lo son -en verso los dos príncipes de la poesía griega y latina. - -— Yo, a lo menos —replicó el canónigo—, he tenido cierta tentación de hacer -un libro de caballerías, guardando en él todos los puntos que he -significado; y si he de confesar la verdad, tengo escritas más de cien -hojas. Y para hacer la experiencia de si correspondían a mi estimación, las -he comunicado con hombres apasionados desta leyenda, dotos y discretos, y -con otros ignorantes, que sólo atienden al gusto de oír disparates, y de -todos he hallado una agradable aprobación; pero, con todo esto, no he -proseguido adelante, así por parecerme que hago cosa ajena de mi profesión, -como por ver que es más el número de los simples que de los prudentes; y -que, puesto que es mejor ser loado de los pocos sabios que burlado de los -muchos necios, no quiero sujetarme al confuso juicio del desvanecido vulgo, -a quien por la mayor parte toca leer semejantes libros. Pero lo que más me -le quitó de las manos, y aun del pensamiento, de acabarle, fue un argumento -que hice conmigo mesmo, sacado de las comedias que ahora se representa, -diciendo: ''Si estas que ahora se usan, así las imaginadas como las de -historia, todas o las más son conocidos disparates y cosas que no llevan -pies ni cabeza, y, con todo eso, el vulgo las oye con gusto, y las tiene y -las aprueba por buenas, estando tan lejos de serlo, y los autores que las -componen y los actores que las representan dicen que así han de ser, porque -así las quiere el vulgo, y no de otra manera; y que las que llevan traza y -siguen la fábula como el arte pide, no sirven sino para cuatro discretos -que las entienden, y todos los demás se quedan ayunos de entender su -artificio, y que a ellos les está mejor ganar de comer con los muchos, que -no opinión con los pocos, deste modo vendrá a ser un libro, al cabo de -haberme quemado las cejas por guardar los preceptos referidos, y vendré a -ser el sastre del cantillo''. Y, aunque algunas veces he procurado -persuadir a los actores que se engañan en tener la opinión que tienen, y -que más gente atraerán y más fama cobrarán representando comedias que hagan -el arte que no con las disparatadas, y están tan asidos y encorporados en -su parecer, que no hay razón ni evidencia que dél los saque. Acuérdome que -un día dije a uno destos pertinaces: ''Decidme, ¿no os acordáis que ha -pocos años que se representaron en España tres tragedias que compuso un -famoso poeta destos reinos, las cuales fueron tales, que admiraron, -alegraron y suspendieron a todos cuantos las oyeron, así simples como -prudentes, así del vulgo como de los escogidos, y dieron más dineros a los -representantes ellas tres solas que treinta de las mejores que después acá -se han hecho?'' ''Sin duda —respondió el autor que digo—, que debe de decir -vuestra merced por La Isabela, La Filis y La Alejandra''. ''Por ésas digo -— le repliqué yo—; y mirad si guardaban bien los preceptos del arte, y si -por guardarlos dejaron de parecer lo que eran y de agradar a todo el mundo. -Así que no está la falta en el vulgo, que pide disparates, sino en aquellos -que no saben representar otra cosa. Sí, que no fue disparate La ingratitud -vengada, ni le tuvo La Numancia, ni se le halló en la del Mercader amante, -ni menos en La enemiga favorable, ni en otras algunas que de algunos -entendidos poetas han sido compuestas, para fama y renombre suyo, y para -ganancia de los que las han representado''. Y otras cosas añadí a éstas, -con que, a mi parecer, le dejé algo confuso, pero no satisfecho ni -convencido para sacarle de su errado pensamiento. - -— En materia ha tocado vuestra merced, señor canónigo —dijo a esta sazón el -cura—, que ha despertado en mí un antiguo rancor que tengo con las comedias -que agora se usan, tal, que iguala al que tengo con los libros de -caballerías; porque, habiendo de ser la comedia, según le parece a Tulio, -espejo de la vida humana, ejemplo de las costumbres y imagen de la verdad, -las que ahora se representan son espejos de disparates, ejemplos de -necedades e imágenes de lascivia. Porque, ¿qué mayor disparate puede ser en -el sujeto que tratamos que salir un niño en mantillas en la primera cena -del primer acto, y en la segunda salir ya hecho hombre barbado? Y ¿qué -mayor que pintarnos un viejo valiente y un mozo cobarde, un lacayo -rectórico, un paje consejero, un rey ganapán y una princesa fregona? ¿Qué -diré, pues, de la observancia que guardan en los tiempos en que pueden o -podían suceder las acciones que representan, sino que he visto comedia que -la primera jornada comenzó en Europa, la segunda en Asia, la tercera se -acabó en Africa, y ansí fuera de cuatro jornadas, la cuarta acababa en -América, y así se hubiera hecho en todas las cuatro partes del mundo? Y si -es que la imitación es lo principal que ha de tener la comedia, ¿cómo es -posible que satisfaga a ningún mediano entendimiento que, fingiendo una -acción que pasa en tiempo del rey Pepino y Carlomagno, el mismo que en ella -hace la persona principal le atribuyan que fue el emperador Heraclio, que -entró con la Cruz en Jerusalén, y el que ganó la Casa Santa, como Godofre -de Bullón, habiendo infinitos años de lo uno a lo otro; y fundándose la -comedia sobre cosa fingida, atribuirle verdades de historia, y mezclarle -pedazos de otras sucedidas a diferentes personas y tiempos, y esto, no con -trazas verisímiles, sino con patentes errores de todo punto inexcusables? Y -es lo malo que hay ignorantes que digan que esto es lo perfecto, y que lo -demás es buscar gullurías. Pues, ¿qué si venimos a las comedias divinas?: -¡qué de milagros falsos fingen en ellas, qué de cosas apócrifas y mal -entendidas, atribuyendo a un santo los milagros de otro! Y aun en las -humanas se atreven a hacer milagros, sin más respeto ni consideración que -parecerles que allí estará bien el tal milagro y apariencia, como ellos -llaman, para que gente ignorante se admire y venga a la comedia; que todo -esto es en perjuicio de la verdad y en menoscabo de las historias, y aun en -oprobrio de los ingenios españoles; porque los estranjeros, que con mucha -puntualidad guardan las leyes de la comedia, nos tienen por bárbaros e -ignorantes, viendo los absurdos y disparates de las que hacemos. Y no sería -bastante disculpa desto decir que el principal intento que las repúblicas -bien ordenadas tienen, permitiendo que se hagan públicas comedias, es para -entretener la comunidad con alguna honesta recreación, y divertirla a veces -de los malos humores que suele engendrar la ociosidad; y que, pues éste se -consigue con cualquier comedia, buena o mala, no hay para qué poner leyes, -ni estrechar a los que las componen y representan a que las hagan como -debían hacerse, pues, como he dicho, con cualquiera se consigue lo que con -ellas se pretende. A lo cual respondería yo que este fin se conseguiría -mucho mejor, sin comparación alguna, con las comedias buenas que con las no -tales; porque, de haber oído la comedia artificiosa y bien ordenada, -saldría el oyente alegre con las burlas, enseñado con las veras, admirado -de los sucesos, discreto con las razones, advertido con los embustes, sagaz -con los ejemplos, airado contra el vicio y enamorado de la virtud; que -todos estos afectos ha de despertar la buena comedia en el ánimo del que la -escuchare, por rústico y torpe que sea; y de toda imposibilidad es -imposible dejar de alegrar y entretener, satisfacer y contentar, la comedia -que todas estas partes tuviere mucho más que aquella que careciere dellas, -como por la mayor parte carecen estas que de ordinario agora se -representan. Y no tienen la culpa desto los poetas que las componen, porque -algunos hay dellos que conocen muy bien en lo que yerran, y saben -estremadamente lo que deben hacer; pero, como las comedias se han hecho -mercadería vendible, dicen, y dicen verdad, que los representantes no se -las comprarían si no fuesen de aquel jaez; y así, el poeta procura -acomodarse con lo que el representante que le ha de pagar su obra le pide. -Y que esto sea verdad véase por muchas e infinitas comedias que ha -compuesto un felicísimo ingenio destos reinos, con tanta gala, con tanto -donaire, con tan elegante verso, con tan buenas razones, con tan graves -sentencias y, finalmente, tan llenas de elocución y alteza de estilo, que -tiene lleno el mundo de su fama. Y, por querer acomodarse al gusto de los -representantes, no han llegado todas, como han llegado algunas, al punto de -la perfección que requieren. Otros las componen tan sin mirar lo que hacen, -que después de representadas tienen necesidad los recitantes de huirse y -ausentarse, temerosos de ser castigados, como lo han sido muchas veces, por -haber representado cosas en perjuicio de algunos reyes y en deshonra de -algunos linajes. Y todos estos inconvinientes cesarían, y aun otros muchos -más que no digo, con que hubiese en la Corte una persona inteligente y -discreta que examinase todas las comedias antes que se representasen (no -sólo aquellas que se hiciesen en la Corte, sino todas las que se quisiesen -representar en España), sin la cual aprobación, sello y firma, ninguna -justicia en su lugar dejase representar comedia alguna; y, desta manera, -los comediantes tendrían cuidado de enviar las comedias a la Corte, y con -seguridad podrían representallas, y aquellos que las componen mirarían con -más cuidado y estudio lo que hacían, temorosos de haber de pasar sus obras -por el riguroso examen de quien lo entiende; y desta manera se harían -buenas comedias y se conseguiría felicísimamente lo que en ellas se -pretende: así el entretenimiento del pueblo, como la opinión de los -ingenios de España, el interés y seguridad de los recitantes y el ahorro -del cuidado de castigallos. Y si diese cargo a otro, o a este mismo, que -examinase los libros de caballerías que de nuevo se compusiesen, sin duda -podrían salir algunos con la perfección que vuestra merced ha dicho, -enriqueciendo nuestra lengua del agradable y precioso tesoro de la -elocuencia, dando ocasión que los libros viejos se escureciesen a la luz de -los nuevos que saliesen, para honesto pasatiempo, no solamente de los -ociosos, sino de los más ocupados; pues no es posible que esté continuo el -arco armado, ni la condición y flaqueza humana se pueda sustentar sin -alguna lícita recreación. - -A este punto de su coloquio llegaban el canónigo y el cura, cuando, -adelantándose el barbero, llegó a ellos, y dijo al cura: - -— Aquí, señor licenciado, es el lugar que yo dije que era bueno para que, -sesteando nosotros, tuviesen los bueyes fresco y abundoso pasto. - -— Así me lo parece a mí —respondió el cura. - -Y, diciéndole al canónigo lo que pensaba hacer, él también quiso quedarse -con ellos, convidado del sitio de un hermoso valle que a la vista se les -ofrecía. Y, así por gozar dél como de la conversación del cura, de quien ya -iba aficionado, y por saber más por menudo las hazañas de don Quijote, -mandó a algunos de sus criados que se fuesen a la venta, que no lejos de -allí estaba, y trujesen della lo que hubiese de comer, para todos, porque -él determinaba de sestear en aquel lugar aquella tarde; a lo cual uno de -sus criados respondió que el acémila del repuesto, que ya debía de estar en -la venta, traía recado bastante para no obligar a no tomar de la venta más -que cebada. - -— Pues así es —dijo el canónigo—, llévense allá todas las cabalgaduras, y -haced volver la acémila. - -En tanto que esto pasaba, viendo Sancho que podía hablar a su amo sin la -continua asistencia del cura y el barbero, que tenía por sospechosos, se -llegó a la jaula donde iba su amo, y le dijo: - -— Señor, para descargo de mi conciencia, le quiero decir lo que pasa cerca -de su encantamento; y es que aquestos dos que vienen aquí cubiertos los -rostros son el cura de nuestro lugar y el barbero; y imagino han dado esta -traza de llevalle desta manera, de pura envidia que tienen como vuestra -merced se les adelanta en hacer famosos hechos. Presupuesta, pues, esta -verdad, síguese que no va encantado, sino embaído y tonto. Para prueba de -lo cual le quiero preguntar una cosa; y si me responde como creo que me ha -de responder, tocará con la mano este engaño y verá como no va encantado, -sino trastornado el juicio. - -— Pregunta lo que quisieres, hijo Sancho —respondió don Quijote—, que yo te -satisfaré y responderé a toda tu voluntad. Y en lo que dices que aquellos -que allí van y vienen con nosotros son el cura y el barbero, nuestros -compatriotos y conocidos, bien podrá ser que parezca que son ellos mesmos; -pero que lo sean realmente y en efeto, eso no lo creas en ninguna manera. -Lo que has de creer y entender es que si ellos se les parecen, como dices, -debe de ser que los que me han encantado habrán tomado esa apariencia y -semejanza; porque es fácil a los encantadores tomar la figura que se les -antoja, y habrán tomado las destos nuestros amigos, para darte a ti ocasión -de que pienses lo que piensas, y ponerte en un laberinto de imaginaciones, -que no aciertes a salir dél, aunque tuvieses la soga de Teseo. Y también lo -habrán hecho para que yo vacile en mi entendimiento, y no sepa atinar de -dónde me viene este daño; porque si, por una parte, tú me dices que me -acompañan el barbero y el cura de nuestro pueblo, y, por otra, yo me veo -enjaulado, y sé de mí que fuerzas humanas, como no fueran sobrenaturales, -no fueran bastantes para enjaularme, ¿qué quieres que diga o piense sino -que la manera de mi encantamento excede a cuantas yo he leído en todas -las historias que tratan de caballeros andantes que han sido encantados? -Ansí que, bien puedes darte paz y sosiego en esto de creer que son los que -dices, porque así son ellos como yo soy turco. Y, en lo que toca a querer -preguntarme algo, di, que yo te responderé, aunque me preguntes de aquí a -mañana. - -— ¡Válame Nuestra Señora! —respondió Sancho, dando una gran voz—. Y ¿es -posible que sea vuestra merced tan duro de celebro, y tan falto de meollo, -que no eche de ver que es pura verdad la que le digo, y que en esta su -prisión y desgracia tiene más parte la malicia que el encanto? Pero, pues -así es, yo le quiero probar evidentemente como no va encantado. Si no, -dígame, así Dios le saque desta tormenta, y así se vea en los brazos de mi -señora Dulcinea cuando menos se piense... - -— Acaba de conjurarme —dijo don Quijote—, y pregunta lo que quisieres; que -ya te he dicho que te responderé con toda puntualidad. - -— Eso pido —replicó Sancho—; y lo que quiero saber es que me diga, sin -añadir ni quitar cosa ninguna, sino con toda verdad, como se espera que la -han de decir y la dicen todos aquellos que profesan las armas, como vuestra -merced las profesa, debajo de título de caballeros andantes... - -— Digo que no mentiré en cosa alguna —respondió don Quijote—. Acaba ya de -preguntar, que en verdad que me cansas con tantas salvas, plegarias y -prevenciones, Sancho. - -— Digo que yo estoy seguro de la bondad y verdad de mi amo; y así, porque -hace al caso a nuestro cuento, pregunto, hablando con acatamiento, si acaso -después que vuestra merced va enjaulado y, a su parecer, encantado en esta -jaula, le ha venido gana y voluntad de hacer aguas mayores o menores, como -suele decirse. - -— No entiendo eso de hacer aguas, Sancho; aclárate más, si quieres que te -responda derechamente. - -— ¿Es posible que no entiende vuestra merced de hacer aguas menores o -mayores? Pues en la escuela destetan a los muchachos con ello. Pues sepa -que quiero decir si le ha venido gana de hacer lo que no se escusa. - -— ¡Ya, ya te entiendo, Sancho! Y muchas veces; y aun agora la tengo. ¡Sácame -deste peligro, que no anda todo limpio! - - - - -Capítulo XLIX. Donde se trata del discreto coloquio que Sancho Panza tuvo -con su señor don Quijote - -— ¡Ah —dijo Sancho—; cogido le tengo! Esto es lo que yo deseaba saber, como -al alma y como a la vida. Venga acá, señor: ¿podría negar lo que comúnmente -suele decirse por ahí cuando una persona está de mala voluntad: "No sé qué -tiene fulano, que ni come, ni bebe, ni duerme, ni responde a propósito a lo -que le preguntan, que no parece sino que está encantado"? De donde se viene -a sacar que los que no comen, ni beben, ni duermen, ni hacen las obras -naturales que yo digo, estos tales están encantados; pero no aquellos que -tienen la gana que vuestra merced tiene y que bebe cuando se lo dan, y come -cuando lo tiene, y responde a todo aquello que le preguntan. - -— Verdad dices, Sancho —respondió don Quijote—, pero ya te he dicho que hay -muchas maneras de encantamentos, y podría ser que con el tiempo se hubiesen -mudado de unos en otros, y que agora se use que los encantados hagan todo -lo que yo hago, aunque antes no lo hacían. De manera que contra el uso de -los tiempos no hay que argüir ni de qué hacer consecuencias. Yo sé y tengo -para mí que voy encantado, y esto me basta para la seguridad de mi -conciencia; que la formaría muy grande si yo pensase que no estaba -encantado y me dejase estar en esta jaula, perezoso y cobarde, defraudando -el socorro que podría dar a muchos menesterosos y necesitados que de mi -ayuda y amparo deben tener a la hora de ahora precisa y estrema necesidad. - -— Pues, con todo eso —replicó Sancho—, digo que, para mayor abundancia y -satisfación, sería bien que vuestra merced probase a salir desta cárcel, -que yo me obligo con todo mi poder a facilitarlo, y aun a sacarle della, y -probase de nuevo a subir sobre su buen Rocinante, que también parece que va -encantado, según va de malencólico y triste; y, hecho esto, probásemos otra -vez la suerte de buscar más aventuras; y si no nos sucediese bien, tiempo -nos queda para volvernos a la jaula, en la cual prometo, a ley de buen y -leal escudero, de encerrarme juntamente con vuestra merced, si acaso fuere -vuestra merced tan desdichado, o yo tan simple, que no acierte a salir con -lo que digo. - -— Yo soy contento de hacer lo que dices, Sancho hermano —replicó don -Quijote—; y cuando tú veas coyuntura de poner en obra mi libertad, yo te -obedeceré en todo y por todo; pero tú, Sancho, verás como te engañas en el -conocimiento de mi desgracia. - -En estas pláticas se entretuvieron el caballero andante y el mal andante -escudero, hasta que llegaron donde, ya apeados, los aguardaban el cura, el -canónigo y el barbero. Desunció luego los bueyes de la carreta el boyero, y -dejólos andar a sus anchuras por aquel verde y apacible sitio, cuya -frescura convidaba a quererla gozar, no a las personas tan encantadas como -don Quijote, sino a los tan advertidos y discretos como su escudero; el -cual rogó al cura que permitiese que su señor saliese por un rato de la -jaula, porque si no le dejaban salir, no iría tan limpia aquella prisión -como requiría la decencia de un tal caballero como su amo. Entendióle el -cura, y dijo que de muy buena gana haría lo que le pedía si no temiera que, -en viéndose su señor en libertad, había de hacer de las suyas, y irse donde -jamás gentes le viesen. - -— Yo le fío de la fuga —respondió Sancho. - -— Y yo y todo —dijo el canónigo—; y más si él me da la palabra, como -caballero, de no apartarse de nosotros hasta que sea nuestra voluntad. - -— Sí doy —respondió don Quijote, que todo lo estaba escuchando—; cuanto más, -que el que está encantado, como yo, no tiene libertad para hacer de su -persona lo que quisiere, porque el que le encantó le puede hacer que no se -mueva de un lugar en tres siglos; y si hubiere huido, le hará volver en -volandas. —Y que, pues esto era así, bien podían soltalle, y más, siendo -tan en provecho de todos; y del no soltalle les protestaba que no podía -dejar de fatigalles el olfato, si de allí no se desviaban. - -Tomóle la mano el canónigo, aunque las tenía atadas, y, debajo de su buena -fe y palabra, le desenjaularon, de que él se alegró infinito y en grande -manera de verse fuera de la jaula. Y lo primero que hizo fue estirarse todo -el cuerpo, y luego se fue donde estaba Rocinante, y, dándole dos palmadas -en las ancas, dijo: - -— Aún espero en Dios y en su bendita Madre, flor y espejo de los caballos, -que presto nos hemos de ver los dos cual deseamos; tú, con tu señor a -cuestas; y yo, encima de ti, ejercitando el oficio para que Dios me echó al -mundo. - -Y, diciendo esto, don Quijote se apartó con Sancho en remota parte, de -donde vino más aliviado y con más deseos de poner en obra lo que su -escudero ordenase. - -Mirábalo el canónigo, y admirábase de ver la estrañeza de su grande locura, -y de que, en cuanto hablaba y respondía, mostraba tener bonísimo -entendimiento: solamente venía a perder los estribos, como otras veces se -ha dicho, en tratándole de caballería. Y así, movido de compasión, después -de haberse sentado todos en la verde yerba, para esperar el repuesto del -canónigo, le dijo: - -— ¿Es posible, señor hidalgo, que haya podido tanto con vuestra merced la -amarga y ociosa letura de los libros de caballerías, que le hayan vuelto el -juicio de modo que venga a creer que va encantado, con otras cosas deste -jaez, tan lejos de ser verdaderas como lo está la mesma mentira de la -verdad? Y ¿cómo es posible que haya entendimiento humano que se dé a -entender que ha habido en el mundo aquella infinidad de Amadises, y aquella -turbamulta de tanto famoso caballero, tanto emperador de Trapisonda, tanto -Felixmarte de Hircania, tanto palafrén, tanta doncella andante, tantas -sierpes, tantos endriagos, tantos gigantes, tantas inauditas aventuras, -tanto género de encantamentos, tantas batallas, tantos desaforados -encuentros, tanta bizarría de trajes, tantas princesas enamoradas, tantos -escuderos condes, tantos enanos graciosos, tanto billete, tanto requiebro, -tantas mujeres valientes; y, finalmente, tantos y tan disparatados casos -como los libros de caballerías contienen? De mí sé decir que, cuando los -leo, en tanto que no pongo la imaginación en pensar que son todos mentira y -liviandad, me dan algún contento; pero, cuando caigo en la cuenta de lo que -son, doy con el mejor dellos en la pared, y aun diera con él en el fuego si -cerca o presente le tuviera, bien como a merecedores de tal pena, por ser -falsos y embusteros, y fuera del trato que pide la común naturaleza, y como -a inventores de nuevas sectas y de nuevo modo de vida, y como a quien da -ocasión que el vulgo ignorante venga a creer y a tener por verdaderas -tantas necedades como contienen. Y aun tienen tanto atrevimiento, que se -atreven a turbar los ingenios de los discretos y bien nacidos hidalgos, -como se echa bien de ver por lo que con vuestra merced han hecho, pues le -han traído a términos que sea forzoso encerrarle en una jaula, y traerle -sobre un carro de bueyes, como quien trae o lleva algún león o algún tigre, -de lugar en lugar, para ganar con él dejando que le vean. ¡Ea, señor don -Quijote, duélase de sí mismo, y redúzgase al gremio de la discreción, y -sepa usar de la mucha que el cielo fue servido de darle, empleando el -felicísimo talento de su ingenio en otra letura que redunde en -aprovechamiento de su conciencia y en aumento de su honra! Y si todavía, -llevado de su natural inclinación, quisiere leer libros de hazañas y de -caballerías, lea en la Sacra Escritura el de los Jueces; que allí hallará -verdades grandiosas y hechos tan verdaderos como valientes. Un Viriato tuvo -Lusitania; un César, Roma; un Anibal, Cartago; un Alejandro, Grecia; un -conde Fernán González, Castilla; un Cid, Valencia; un Gonzalo Fernández, -Andalucía; un Diego García de Paredes, Estremadura; un Garci Pérez de -Vargas, Jerez; un Garcilaso, Toledo; un don Manuel de León, Sevilla, cuya -leción de sus valerosos hechos puede entretener, enseñar, deleitar y -admirar a los más altos ingenios que los leyeren. Ésta sí será letura digna -del buen entendimiento de vuestra merced, señor don Quijote mío, de la cual -saldrá erudito en la historia, enamorado de la virtud, enseñado en la -bondad, mejorado en las costumbres, valiente sin temeridad, osado sin -cobardía, y todo esto, para honra de Dios, provecho suyo y fama de la -Mancha; do, según he sabido, trae vuestra merced su principio y origen. - -Atentísimamente estuvo don Quijote escuchando las razones del canónigo; y, -cuando vio que ya había puesto fin a ellas, después de haberle estado un -buen espacio mirando, le dijo: - -— Paréceme, señor hidalgo, que la plática de vuestra merced se ha encaminado -a querer darme a entender que no ha habido caballeros andantes en el mundo, -y que todos los libros de caballerías son falsos, mentirosos, dañadores e -inútiles para la república; y que yo he hecho mal en leerlos, y peor en -creerlos, y más mal en imitarlos, habiéndome puesto a seguir la durísima -profesión de la caballería andante, que ellos enseñan, negándome que no ha -habido en el mundo Amadises, ni de Gaula ni de Grecia, ni todos los otros -caballeros de que las escrituras están llenas. - -— Todo es al pie de la letra como vuestra merced lo va relatando —dijo a -está sazón el canónigo. - -A lo cual respondió don Quijote: - -— Añadió también vuestra merced, diciendo que me habían hecho mucho daño -tales libros, pues me habían vuelto el juicio y puéstome en una jaula, y -que me sería mejor hacer la enmienda y mudar de letura, leyendo otros más -verdaderos y que mejor deleitan y enseñan. - -— Así es —dijo el canónigo. - -— Pues yo —replicó don Quijote— hallo por mi cuenta que el sin juicio y el -encantado es vuestra merced, pues se ha puesto a decir tantas blasfemias -contra una cosa tan recebida en el mundo, y tenida por tan verdadera, que -el que la negase, como vuestra merced la niega, merecía la mesma pena que -vuestra merced dice que da a los libros cuando los lee y le enfadan. Porque -querer dar a entender a nadie que Amadís no fue en el mundo, ni todos los -otros caballeros aventureros de que están colmadas las historias, será -querer persuadir que el sol no alumbra, ni el yelo enfría, ni la tierra -sustenta; porque, ¿qué ingenio puede haber en el mundo que pueda persuadir -a otro que no fue verdad lo de la infanta Floripes y Guy de Borgoña, y lo -de Fierabrás con la puente de Mantible, que sucedió en el tiempo de -Carlomagno; que voto a tal que es tanta verdad como es ahora de día? Y si -es mentira, también lo debe de ser que no hubo Héctor, ni Aquiles, ni la -guerra de Troya, ni los Doce Pares de Francia, ni el rey Artús de -Ingalaterra, que anda hasta ahora convertido en cuervo y le esperan en su -reino por momentos. Y también se atreverán a decir que es mentirosa la -historia de Guarino Mezquino, y la de la demanda del Santo Grial, y que son -apócrifos los amores de don Tristán y la reina Iseo, como los de Ginebra y -Lanzarote, habiendo personas que casi se acuerdan de haber visto a la dueña -Quintañona, que fue la mejor escanciadora de vino que tuvo la Gran Bretaña. -Y es esto tan ansí, que me acuerdo yo que me decía una mi agüela de partes -de mi padre, cuando veía alguna dueña con tocas reverendas: ''Aquélla, -nieto, se parece a la dueña Quintañona''; de donde arguyo yo que la debió -de conocer ella o, por lo menos, debió de alcanzar a ver algún retrato -suyo. Pues, ¿quién podrá negar no ser verdadera la historia de Pierres y la -linda Magalona, pues aun hasta hoy día se vee en la armería de los reyes la -clavija con que volvía al caballo de madera, sobre quien iba el valiente -Pierres por los aires, que es un poco mayor que un timón de carreta? Y -junto a la clavija está la silla de Babieca, y en Roncesvalles está el -cuerno de Roldán, tamaño como una grande viga: de donde se infiere que hubo -Doce Pares, que hubo Pierres, que hubo Cides, y otros caballeros -semejantes, - -déstos que dicen las gentes -que a sus aventuras van. - -Si no, díganme también que no es verdad que fue caballero andante el -valiente lusitano Juan de Merlo, que fue a Borgoña y se combatió en la -ciudad de Ras con el famoso señor de Charní, llamado mosén Pierres, y -después, en la ciudad de Basilea, con mosén Enrique de Remestán, saliendo -de entrambas empresas vencedor y lleno de honrosa fama; y las aventuras y -desafíos que también acabaron en Borgoña los valientes españoles Pedro -Barba y Gutierre Quijada (de cuya alcurnia yo deciendo por línea recta de -varón), venciendo a los hijos del conde de San Polo. Niéguenme, asimesmo, -que no fue a buscar las aventuras a Alemania don Fernando de Guevara, donde -se combatió con micer Jorge, caballero de la casa del duque de Austria; -digan que fueron burla las justas de Suero de Quiñones, del Paso; las -empresas de mosén Luis de Falces contra don Gonzalo de Guzmán, caballero -castellano, con otras muchas hazañas hechas por caballeros cristianos, -déstos y de los reinos estranjeros, tan auténticas y verdaderas, que torno -a decir que el que las negase carecería de toda razón y buen discurso. - -Admirado quedó el canónigo de oír la mezcla que don Quijote hacía de -verdades y mentiras, y de ver la noticia que tenía de todas aquellas cosas -tocantes y concernientes a los hechos de su andante caballería; y así, le -respondió: - -— No puedo yo negar, señor don Quijote, que no sea verdad algo de lo que -vuestra merced ha dicho, especialmente en lo que toca a los caballeros -andantes españoles; y, asimesmo, quiero conceder que hubo Doce Pares de -Francia, pero no quiero creer que hicieron todas aquellas cosas que el -arzobispo Turpín dellos escribe; porque la verdad dello es que fueron -caballeros escogidos por los reyes de Francia, a quien llamaron pares por -ser todos iguales en valor, en calidad y en valentía; a lo menos, si no lo -eran, era razón que lo fuesen y era como una religión de las que ahora se -usan de Santiago o de Calatrava, que se presupone que los que la profesan -han de ser, o deben ser, caballeros valerosos, valientes y bien nacidos; y, -como ahora dicen caballero de San Juan, o de Alcántara, decían en aquel -tiempo caballero de los Doce Pares, porque no fueron doce iguales los que -para esta religión militar se escogieron. En lo de que hubo Cid no hay -duda, ni menos Bernardo del Carpio, pero de que hicieron las hazañas que -dicen, creo que la hay muy grande. En lo otro de la clavija que vuestra -merced dice del conde Pierres, y que está junto a la silla de Babieca en la -armería de los reyes, confieso mi pecado; que soy tan ignorante, o tan -corto de vista, que, aunque he visto la silla, no he echado de ver la -clavija, y más siendo tan grande como vuestra merced ha dicho. - -— Pues allí está, sin duda alguna —replicó don Quijote—; y, por más señas, -dicen que está metida en una funda de vaqueta, porque no se tome de moho. - -— Todo puede ser —respondió el canónigo—; pero, por las órdenes que recebí, -que no me acuerdo haberla visto. Mas, puesto que conceda que está allí, no -por eso me obligo a creer las historias de tantos Amadises, ni las de tanta -turbamulta de caballeros como por ahí nos cuentan; ni es razón que un -hombre como vuestra merced, tan honrado y de tan buenas partes, y dotado de -tan buen entendimiento, se dé a entender que son verdaderas tantas y tan -estrañas locuras como las que están escritas en los disparatados libros de -caballerías. - - - - -Capítulo L. De las discretas altercaciones que don Quijote y el canónigo -tuvieron, con otros sucesos - -— ¡Bueno está eso! —respondió don Quijote—. Los libros que están impresos -con licencia de los reyes y con aprobación de aquellos a quien se -remitieron, y que con gusto general son leídos y celebrados de los grandes -y de los chicos, de los pobres y de los ricos, de los letrados e -ignorantes, de los plebeyos y caballeros, finalmente, de todo género de -personas, de cualquier estado y condición que sean, ¿habían de ser -mentira?; y más llevando tanta apariencia de verdad, pues nos cuentan el -padre, la madre, la patria, los parientes, la edad, el lugar y las hazañas, -punto por punto y día por día, que el tal caballero hizo, o caballeros -hicieron. Calle vuestra merced, no diga tal blasfemia (y créame que le -aconsejo en esto lo que debe de hacer como discreto), sino léalos, y verá -el gusto que recibe de su leyenda. Si no, dígame: ¿hay mayor contento que -ver, como si dijésemos: aquí ahora se muestra delante de nosotros un gran -lago de pez hirviendo a borbollones, y que andan nadando y cruzando por él -muchas serpientes, culebras y lagartos, y otros muchos géneros de animales -feroces y espantables, y que del medio del lago sale una voz tristísima que -dice: ''Tú, caballero, quienquiera que seas, que el temeroso lago estás -mirando, si quieres alcanzar el bien que debajo destas negras aguas se -encubre, muestra el valor de tu fuerte pecho y arrójate en mitad de su -negro y encendido licor; porque si así no lo haces, no serás digno de ver -las altas maravillas que en sí encierran y contienen los siete castillos de -las siete fadas que debajo desta negregura yacen?'' ¿Y que, apenas el -caballero no ha acabado de oír la voz temerosa, cuando, sin entrar más en -cuentas consigo, sin ponerse a considerar el peligro a que se pone, y aun -sin despojarse de la pesadumbre de sus fuertes armas, encomendándose a Dios -y a su señora, se arroja en mitad del bullente lago, y, cuando no se cata -ni sabe dónde ha de parar, se halla entre unos floridos campos, con quien -los Elíseos no tienen que ver en ninguna cosa? Allí le parece que el cielo -es más transparente, y que el sol luce con claridad más nueva; ofrécesele a -los ojos una apacible floresta de tan verdes y frondosos árboles compuesta, -que alegra a la vista su verdura, y entretiene los oídos el dulce y no -aprendido canto de los pequeños, infinitos y pintados pajarillos que por -los intricados ramos van cruzando. Aquí descubre un arroyuelo, cuyas -frescas aguas, que líquidos cristales parecen, corren sobre menudas arenas -y blancas pedrezuelas, que oro cernido y puras perlas semejan; acullá vee -una artificiosa fuente de jaspe variado y de liso mármol compuesta; acá vee -otra a lo brutesco adornada, adonde las menudas conchas de las almejas, con -las torcidas casas blancas y amarillas del caracol, puestas con orden -desordenada, mezclados entre ellas pedazos de cristal luciente y de -contrahechas esmeraldas, hacen una variada labor, de manera que el arte, -imitando a la naturaleza, parece que allí la vence. Acullá de improviso se -le descubre un fuerte castillo o vistoso alcázar, cuyas murallas son de -macizo oro, las almenas de diamantes, las puertas de jacintos; finalmente, -él es de tan admirable compostura que, con ser la materia de que está -formado no menos que de diamantes, de carbuncos, de rubíes, de perlas, de -oro y de esmeraldas, es de más estimación su hechura. Y ¿hay más que ver, -después de haber visto esto, que ver salir por la puerta del castillo un -buen número de doncellas, cuyos galanos y vistosos trajes, si yo me pusiese -ahora a decirlos como las historias nos los cuentan, sería nunca acabar; y -tomar luego la que parecía principal de todas por la mano al atrevido -caballero que se arrojó en el ferviente lago, y llevarle, sin hablarle -palabra, dentro del rico alcázar o castillo, y hacerle desnudar como su -madre le parió, y bañarle con templadas aguas, y luego untarle todo con -olorosos ungüentos, y vestirle una camisa de cendal delgadísimo, toda -olorosa y perfumada, y acudir otra doncella y echarle un mantón sobre los -hombros, que, por lo menos menos, dicen que suele valer una ciudad, y aun -más? ¿Qué es ver, pues, cuando nos cuentan que, tras todo esto, le llevan a -otra sala, donde halla puestas las mesas, con tanto concierto, que queda -suspenso y admirado?; ¿qué, el verle echar agua a manos, toda de ámbar y de -olorosas flores distilada?; ¿qué, el hacerle sentar sobre una silla de -marfil?; ¿qué, verle servir todas las doncellas, guardando un maravilloso -silencio?; ¿qué, el traerle tanta diferencia de manjares, tan sabrosamente -guisados, que no sabe el apetito a cuál deba de alargar la mano? ¿Cuál será -oír la música que en tanto que come suena, sin saberse quién la canta ni -adónde suena? ¿Y, después de la comida acabada y las mesas alzadas, -quedarse el caballero recostado sobre la silla, y quizá mondándose los -dientes, como es costumbre, entrar a deshora por la puerta de la sala otra -mucho más hermosa doncella que ninguna de las primeras, y sentarse al lado -del caballero, y comenzar a darle cuenta de qué castillo es aquél, y de -cómo ella está encantada en él, con otras cosas que suspenden al caballero -y admiran a los leyentes que van leyendo su historia? No quiero alargarme -más en esto, pues dello se puede colegir que cualquiera parte que se lea, -de cualquiera historia de caballero andante, ha de causar gusto y maravilla -a cualquiera que la leyere. Y vuestra merced créame, y, como otra vez le he -dicho, lea estos libros, y verá cómo le destierran la melancolía que -tuviere, y le mejoran la condición, si acaso la tiene mala. De mí sé decir -que, después que soy caballero andante, soy valiente, comedido, liberal, -bien criado, generoso, cortés, atrevido, blando, paciente, sufridor de -trabajos, de prisiones, de encantos; y, aunque ha tan poco que me vi -encerrado en una jaula, como loco, pienso, por el valor de mi brazo, -favoreciéndome el cielo y no me siendo contraria la fortuna, en pocos días -verme rey de algún reino, adonde pueda mostrar el agradecimiento y -liberalidad que mi pecho encierra. Que, mía fe, señor, el pobre está -inhabilitado de poder mostrar la virtud de liberalidad con ninguno, aunque -en sumo grado la posea; y el agradecimiento que sólo consiste en el deseo -es cosa muerta, como es muerta la fe sin obras. Por esto querría que la -fortuna me ofreciese presto alguna ocasión donde me hiciese emperador, por -mostrar mi pecho haciendo bien a mis amigos, especialmente a este pobre de -Sancho Panza, mi escudero, que es el mejor hombre del mundo, y querría -darle un condado que le tengo muchos días ha prometido, sino que temo que -no ha de tener habilidad para gobernar su estado. - -Casi estas últimas palabras oyó Sancho a su amo, a quien dijo: - -— Trabaje vuestra merced, señor don Quijote, en darme ese condado, tan -prometido de vuestra merced como de mí esperado, que yo le prometo que no -me falte a mí habilidad para gobernarle; y, cuando me faltare, yo he oído -decir que hay hombres en el mundo que toman en arrendamiento los estados de -los señores, y les dan un tanto cada año, y ellos se tienen cuidado del -gobierno, y el señor se está a pierna tendida, gozando de la renta que le -dan, sin curarse de otra cosa; - -y así haré yo, y no repararé en tanto más cuanto, sino que luego me -desistiré de todo, y me gozaré mi renta como un duque, y allá se lo hayan. - -— Eso, hermano Sancho —dijo el canónigo—, entiéndese en cuanto al gozar la -renta; empero, al administrar justicia, ha de atender el señor del estado, -y aquí entra la habilidad y buen juicio, y principalmente la buena -intención de acertar; que si ésta falta en los principios, siempre irán -errados los medios y los fines; y así suele Dios ayudar al buen deseo del -simple como desfavorecer al malo del discreto. - -— No sé esas filosofías —respondió Sancho Panza—; mas sólo sé que tan presto -tuviese yo el condado como sabría regirle; que tanta alma tengo yo como -otro, y tanto cuerpo como el que más, y tan rey sería yo de mi estado como -cada uno del suyo; y, siéndolo, haría lo que quisiese; y, haciendo lo que -quisiese, haría mi gusto; y, haciendo mi gusto, estaría contento; y, en -estando uno contento, no tiene más que desear; y, no teniendo más que -desear, acabóse; y el estado venga, y a Dios y veámonos, como dijo un ciego -a otro. - -— No son malas filosofías ésas, como tú dices, Sancho; pero, con todo eso, -hay mucho que decir sobre esta materia de condados. - -A lo cual replicó don Quijote: - -— Yo no sé que haya más que decir; sólo me guío por el ejemplo que me da el -grande Amadís de Gaula, que hizo a su escudero conde de la Ínsula Firme; y -así, puedo yo, sin escrúpulo de conciencia, hacer conde a Sancho Panza, que -es uno de los mejores escuderos que caballero andante ha tenido. - -Admirado quedó el canónigo de los concertados disparates que don Quijote -había dicho, del modo con que había pintado la aventura del Caballero del -Lago, de la impresión que en él habían hecho las pensadas mentiras de los -libros que había leído; y, finalmente, le admiraba la necedad de Sancho, -que con tanto ahínco deseaba alcanzar el condado que su amo le había -prometido. - -Ya en esto, volvían los criados del canónigo, que a la venta habían ido por -la acémila del repuesto, y, haciendo mesa de una alhombra y de la verde -yerba del prado, a la sombra de unos árboles se sentaron, y comieron allí, -porque el boyero no perdiese la comodidad de aquel sitio, como queda dicho. -Y, estando comiendo, a deshora oyeron un recio estruendo y un son de -esquila, que por entre unas zarzas y espesas matas que allí junto estaban -sonaba, y al mesmo instante vieron salir de entre aquellas malezas una -hermosa cabra, toda la piel manchada de negro, blanco y pardo. Tras ella -venía un cabrero dándole voces, y diciéndole palabras a su uso, para que se -detuviese, o al rebaño volviese. La fugitiva cabra, temerosa y despavorida, -se vino a la gente, como a favorecerse della, y allí se detuvo. Llegó el -cabrero, y, asiéndola de los cuernos, como si fuera capaz de discurso y -entendimiento, le dijo: - -— ¡Ah cerrera, cerrera, Manchada, Manchada, y cómo andáis vos estos días de -pie cojo! ¿Qué lobos os espantan, hija? ¿No me diréis qué es esto, hermosa? -Mas ¡qué puede ser sino que sois hembra, y no podéis estar sosegada; que -mal haya vuestra condición, y la de todas aquellas a quien imitáis! Volved, -volved, amiga; que si no tan contenta, a lo menos, estaréis más segura en -vuestro aprisco, o con vuestras compañeras; que si vos que las habéis de -guardar y encaminar andáis tan sin guía y tan descaminada, ¿en qué podrán -parar ellas? - -Contento dieron las palabras del cabrero a los que las oyeron, -especialmente al canónigo, que le dijo: - -— Por vida vuestra, hermano, que os soseguéis un poco y no os acuciéis en -volver tan presto esa cabra a su rebaño; que, pues ella es hembra, como vos -decís, ha de seguir su natural distinto, por más que vos os pongáis a -estorbarlo. Tomad este bocado y bebed una vez, con que templaréis la -cólera, y en tanto, descansará la cabra. - -Y el decir esto y el darle con la punta del cuchillo los lomos de un conejo -fiambre, todo fue uno. Tomólo y agradeciólo el cabrero; bebió y sosegóse, y -luego dijo: - -— No querría que por haber yo hablado con esta alimaña tan en seso, me -tuviesen vuestras mercedes por hombre simple; que en verdad que no carecen -de misterio las palabras que le dije. Rústico soy, pero no tanto que no -entienda cómo se ha de tratar con los hombres y con las bestias. - -— Eso creo yo muy bien —dijo el cura—, que ya yo sé de esperiencia que los -montes crían letrados y las cabañas de los pastores encierran filósofos. - -— A lo menos, señor —replicó el cabrero—, acogen hombres escarmentados; y -para que creáis esta verdad y la toquéis con la mano, aunque parezca que -sin ser rogado me convido, si no os enfadáis dello y queréis, señores, un -breve espacio prestarme oído atento, os contaré una verdad que acredite lo -que ese señor (señalando al cura) ha dicho, y la mía. - -A esto respondió don Quijote: - -— Por ver que tiene este caso un no sé qué de sombra de aventura de -caballería, yo, por mi parte, os oiré, hermano, de muy buena gana, y así lo -harán todos estos señores, por lo mucho que tienen de discretos y de ser -amigos de curiosas novedades que suspendan, alegren y entretengan los -sentidos, como, sin duda, pienso que lo ha de hacer vuestro cuento. -Comenzad, pues, amigo, que todos escucharemos. - -— Saco la mía —dijo Sancho—; que yo a aquel arroyo me voy con esta empanada, -donde pienso hartarme por tres días; porque he oído decir a mi señor don -Quijote que el escudero de caballero andante ha de comer, cuando se le -ofreciere, hasta no poder más, a causa que se les suele ofrecer entrar -acaso por una selva tan intricada que no aciertan a salir della en seis -días; y si el hombre no va harto, o bien proveídas las alforjas, allí se -podrá quedar, como muchas veces se queda, hecho carne momia. - -— Tú estás en lo cierto, Sancho —dijo don Quijote—: vete adonde quisieres, y -come lo que pudieres; que yo ya estoy satisfecho, y sólo me falta dar al -alma su refacción, como se la daré escuchando el cuento deste buen hombre. - -— Así las daremos todos a las nuestras —dijo el canónigo. - -Y luego, rogó al cabrero que diese principio a lo que prometido había. El -cabrero dio dos palmadas sobre el lomo a la cabra, que por los cuernos -tenía, diciéndole: - -— Recuéstate junto a mí, Manchada, que tiempo nos queda para volver a -nuestro apero. - -Parece que lo entendió la cabra, porque, en sentándose su dueño, se tendió -ella junto a él con mucho sosiego, y, mirándole al rostro, daba a entender -que estaba atenta a lo que el cabrero iba diciendo, el cual comenzó su -historia desta manera: - - - - -Capítulo LI. Que trata de lo que contó el cabrero a todos los que llevaban -a don Quijote - -— «Tres leguas deste valle está una aldea que, aunque pequeña, es de las más -ricas que hay en todos estos contornos; en la cual había un labrador muy -honrado, y tanto, que, aunque es anexo al ser rico el ser honrado, más lo -era él por la virtud que tenía que por la riqueza que alcanzaba. Mas lo que -le hacía más dichoso, según él decía, era tener una hija de tan estremada -hermosura, rara discreción, donaire y virtud, que el que la conocía y la -miraba se admiraba de ver las estremadas partes con que el cielo y la -naturaleza la habían enriquecido. Siendo niña fue hermosa, y siempre fue -creciendo en belleza, y en la edad de diez y seis años fue hermosísima. La -fama de su belleza se comenzó a estender por todas las circunvecinas -aldeas, ¿qué digo yo por las circunvecinas no más, si se estendió a las -apartadas ciudades, y aun se entró por las salas de los reyes, y por los -oídos de todo género de gente; que, como a cosa rara, o como a imagen de -milagros, de todas partes a verla venían? Guardábala su padre, y guardábase -ella; que no hay candados, guardas ni cerraduras que mejor guarden a una -doncella que las del recato proprio. - -»La riqueza del padre y la belleza de la hija movieron a muchos, así del -pueblo como forasteros, a que por mujer se la pidiesen; mas él, como a -quien tocaba disponer de tan rica joya, andaba confuso, sin saber -determinarse a quién la entregaría de los infinitos que le importunaban. Y, -entre los muchos que tan buen deseo tenían, fui yo uno, a quien dieron -muchas y grandes esperanzas de buen suceso conocer que el padre conocía -quien yo era, el ser natural del mismo pueblo, limpio en sangre, en la edad -floreciente, en la hacienda muy rico y en el ingenio no menos acabado. Con -todas estas mismas partes la pidió también otro del mismo pueblo, que fue -causa de suspender y poner en balanza la voluntad del padre, a quien -parecía que con cualquiera de nosotros estaba su hija bien empleada; y, por -salir desta confusión, determinó decírselo a Leandra, que así se llama la -rica que en miseria me tiene puesto, advirtiendo que, pues los dos éramos -iguales, era bien dejar a la voluntad de su querida hija el escoger a su -gusto: cosa digna de imitar de todos los padres que a sus hijos quieren -poner en estado: no digo yo que los dejen escoger en cosas ruines y malas, -sino que se las propongan buenas, y de las buenas, que escojan a su gusto. -No sé yo el que tuvo Leandra; sólo sé que el padre nos entretuvo a -entrambos con la poca edad de su hija y con palabras generales, que ni le -obligaban, ni nos desobligaba tampoco. Llámase mi competidor Anselmo, y yo -Eugenio, porque vais con noticia de los nombres de las personas que en esta -tragedia se contienen, cuyo fin aún está pendiente; pero bien se deja -entender que será desastrado. - -»En esta sazón, vino a nuestro pueblo un Vicente de la Rosa, hijo de un -pobre labrador del mismo lugar; el cual Vicente venía de las Italias, y de -otras diversas partes, de ser soldado. Llevóle de nuestro lugar, siendo -muchacho de hasta doce años, un capitán que con su compañía por allí acertó -a pasar, y volvió el mozo de allí a otros doce, vestido a la soldadesca, -pintado con mil colores, lleno de mil dijes de cristal y sutiles cadenas de -acero. Hoy se ponía una gala y mañana otra; pero todas sutiles, pintadas, -de poco peso y menos tomo. La gente labradora, que de suyo es maliciosa, y -dándole el ocio lugar es la misma malicia, lo notó, y contó punto por punto -sus galas y preseas, y halló que los vestidos eran tres, de diferentes -colores, con sus ligas y medias; pero él hacía tantos guisados e -invenciones dellas, que si no se los contaran, hubiera quien jurara que -había hecho muestra de más de diez pares de vestidos y de más de veinte -plumajes. Y no parezca impertinencia y demasía esto que de los vestidos voy -contando, porque ellos hacen una buena parte en esta historia. - -»Sentábase en un poyo que debajo de un gran álamo está en nuestra plaza, y -allí nos tenía a todos la boca abierta, pendientes de las hazañas que nos -iba contando. No había tierra en todo el orbe que no hubiese visto, ni -batalla donde no se hubiese hallado; había muerto más moros que tiene -Marruecos y Túnez, y entrado en más singulares desafíos, según él decía, -que Gante y Luna, Diego García de Paredes y otros mil que nombraba; y de -todos había salido con vitoria, sin que le hubiesen derramado una sola gota -de sangre. Por otra parte, mostraba señales de heridas que, aunque no se -divisaban, nos hacía entender que eran arcabuzazos dados en diferentes -rencuentros y faciones. Finalmente, con una no vista arrogancia, llamaba de -vos a sus iguales y a los mismos que le conocían, y decía que su padre era -su brazo, su linaje, sus obras, y que debajo de ser soldado, al mismo rey -no debía nada. Añadiósele a estas arrogancias ser un poco músico y tocar -una guitarra a lo rasgado, de manera que decían algunos que la hacía -hablar; pero no pararon aquí sus gracias, que también la tenía de poeta, y -así, de cada niñería que pasaba en el pueblo, componía un romance de legua -y media de escritura. - -»Este soldado, pues, que aquí he pintado, este Vicente de la Rosa, este -bravo, este galán, este músico, este poeta fue visto y mirado muchas veces -de Leandra, desde una ventana de su casa que tenía la vista a la plaza. -Enamoróla el oropel de sus vistosos trajes, encantáronla sus romances, que -de cada uno que componía daba veinte traslados, llegaron a sus oídos las -hazañas que él de sí mismo había referido, y, finalmente, que así el diablo -lo debía de tener ordenado, ella se vino a enamorar dél, antes que en él -naciese presunción de solicitalla. Y, como en los casos de amor no hay -ninguno que con más facilidad se cumpla que aquel que tiene de su parte el -deseo de la dama, con facilidad se concertaron Leandra y Vicente; y, -primero que alguno de sus muchos pretendientes cayesen en la cuenta de su -deseo, ya ella le tenía cumplido, habiendo dejado la casa de su querido y -amado padre, que madre no la tiene, y ausentádose de la aldea con el -soldado, que salió con más triunfo desta empresa que de todas las muchas -que él se aplicaba. - -»Admiró el suceso a toda el aldea, y aun a todos los que dél noticia -tuvieron; yo quedé suspenso, Anselmo, atónito, el padre triste, sus -parientes afrentados, solícita la justicia, los cuadrilleros listos; -tomáronse los caminos, escudriñáronse los bosques y cuanto había, y, al -cabo de tres días, hallaron a la antojadiza Leandra en una cueva de un -monte, desnuda en camisa, sin muchos dineros y preciosísimas joyas que de -su casa había sacado. Volviéronla a la presencia del lastimado padre; -preguntáronle su desgracia; confesó sin apremio que Vicente de la Roca la -había engañado, y debajo de su palabra de ser su esposo la persuadió que -dejase la casa de su padre; que él la llevaría a la más rica y más viciosa -ciudad que había en todo el universo mundo, que era Nápoles; y que ella, -mal advertida y peor engañada, le había creído; y, robando a su padre, se -le entregó la misma noche que había faltado; y que él la llevó a un áspero -monte, y la encerró en aquella cueva donde la habían hallado. Contó también -como el soldado, sin quitalle su honor, le robó cuanto tenía, y la dejó en -aquella cueva y se fue: suceso que de nuevo puso en admiración a todos. - -»Duro se nos hizo de creer la continencia del mozo, pero ella lo afirmó con -tantas veras, que fueron parte para que el desconsolado padre se consolase, -no haciendo cuenta de las riquezas que le llevaban, pues le habían dejado a -su hija con la joya que, si una vez se pierde, no deja esperanza de que -jamás se cobre. El mismo día que pareció Leandra la despareció su padre de -nuestros ojos, y la llevó a encerrar en un monesterio de una villa que está -aquí cerca, esperando que el tiempo gaste alguna parte de la mala opinión -en que su hija se puso. Los pocos años de Leandra sirvieron de disculpa de -su culpa, a lo menos con aquellos que no les iba algún interés en que ella -fuese mala o buena; pero los que conocían su discreción y mucho -entendimiento no atribuyeron a ignorancia su pecado, sino a su desenvoltura -y a la natural inclinación de las mujeres, que, por la mayor parte, suele -ser desatinada y mal compuesta. - -»Encerrada Leandra, quedaron los ojos de Anselmo ciegos, a lo menos sin -tener cosa que mirar que contento le diese; los míos en tinieblas, sin luz -que a ninguna cosa de gusto les encaminase; con la ausencia de Leandra, -crecía nuestra tristeza, apocábase nuestra paciencia, maldecíamos las galas -del soldado y abominábamos del poco recato del padre de Leandra. -Finalmente, Anselmo y yo nos concertamos de dejar el aldea y venirnos a -este valle, donde él, apacentando una gran cantidad de ovejas suyas -proprias, y yo un numeroso rebaño de cabras, también mías, pasamos la vida -entre los árboles, dando vado a nuestras pasiones, o cantando juntos -alabanzas o vituperios de la hermosa Leandra, o suspirando solos y a solas -comunicando con el cielo nuestras querellas. - -»A imitación nuestra, otros muchos de los pretendientes de Leandra se han -venido a estos ásperos montes, usando el mismo ejercicio nuestro; y son -tantos, que parece que este sitio se ha convertido en la pastoral Arcadia, -según está colmo de pastores y de apriscos, y no hay parte en él donde no -se oiga el nombre de la hermosa Leandra. Éste la maldice y la llama -antojadiza, varia y deshonesta; aquél la condena por fácil y ligera; tal la -absuelve y perdona, y tal la justicia y vitupera; uno celebra su hermosura, -otro reniega de su condición, y, en fin, todos la deshonran, y todos la -adoran, y de todos se estiende a tanto la locura, que hay quien se queje de -desdén sin haberla jamás hablado, y aun quien se lamente y sienta la -rabiosa enfermedad de los celos, que ella jamás dio a nadie; porque, como -ya tengo dicho, antes se supo su pecado que su deseo. No hay hueco de peña, -ni margen de arroyo, ni sombra de árbol que no esté ocupada de algún pastor -que sus desventuras a los aires cuente; el eco repite el nombre de Leandra -dondequiera que pueda formarse: Leandra resuenan los montes, Leandra -murmuran los arroyos, y Leandra nos tiene a todos suspensos y encantados, -esperando sin esperanza y temiendo sin saber de qué tememos. Entre estos -disparatados, el que muestra que menos y más juicio tiene es mi competidor -Anselmo, el cual, teniendo tantas otras cosas de que quejarse, sólo se -queja de ausencia; y al son de un rabel, que admirablemente toca, con -versos donde muestra su buen entendimiento, cantando se queja. Yo sigo otro -camino más fácil, y a mi parecer el más acertado, que es decir mal de la -ligereza de las mujeres, de su inconstancia, de su doble trato, de sus -promesas muertas, de su fe rompida, y, finalmente, del poco discurso que -tienen en saber colocar sus pensamientos e intenciones que tienen.» Y ésta -fue la ocasión, señores, de las palabras y razones que dije a esta cabra -cuando aquí llegué; que por ser hembra la tengo en poco, aunque es la mejor -de todo mi apero. Ésta es la historia que prometí contaros; si he sido en -el contarla prolijo, no seré en serviros corto: cerca de aquí tengo mi -majada, y en ella tengo fresca leche y muy sabrosísimo queso, con otras -varias y sazonadas frutas, no menos a la vista que al gusto agradables. - - - - -Capítulo LII. De la pendencia que don Quijote tuvo con el cabrero, con la -rara aventura de los deceplinantes, a quien dio felice fin a costa de su -sudor - -General gusto causó el cuento del cabrero a todos los que escuchado le -habían; especialmente le recibió el canónigo, que con estraña curiosidad -notó la manera con que le había contado, tan lejos de parecer rústico -cabrero cuan cerca de mostrarse discreto cortesano; y así, dijo que había -dicho muy bien el cura en decir que los montes criaban letrados. Todos se -ofrecieron a Eugenio; pero el que más se mostró liberal en esto fue don -Quijote, que le dijo: - -— Por cierto, hermano cabrero, que si yo me hallara posibilitado de poder -comenzar alguna aventura, que luego luego me pusiera en camino porque vos -la tuviérades buena; que yo sacara del monesterio, donde, sin duda alguna, -debe de estar contra su voluntad, a Leandra, a pesar de la abadesa y de -cuantos quisieran estorbarlo, y os la pusiera en vuestras manos, para que -hiciérades della a toda vuestra voluntad y talante, guardando, pero, las -leyes de la caballería, que mandan que a ninguna doncella se le sea fecho -desaguisado alguno; aunque yo espero en Dios Nuestro Señor que no ha de -poder tanto la fuerza de un encantador malicioso, que no pueda más la de -otro encantador mejor intencionado, y para entonces os prometo mi favor y -ayuda, como me obliga mi profesión, que no es otra si no es favorecer a los -desvalidos y menesterosos. - -Miróle el cabrero, y, como vio a don Quijote de tan mal pelaje y catadura, -admiróse y preguntó al barbero, que cerca de sí tenía: - -— Señor, ¿quién es este hombre, que tal talle tiene y de tal manera habla? - -— ¿Quién ha de ser —respondió el barbero— sino el famoso don Quijote de la -Mancha, desfacedor de agravios, enderezador de tuertos, el amparo de las -doncellas, el asombro de los gigantes y el vencedor de las batallas? - -— Eso me semeja —respondió el cabrero— a lo que se lee en los libros de -caballeros andantes, que hacían todo eso que de este hombre vuestra merced -dice; puesto que para mí tengo, o que vuestra merced se burla, o que este -gentil hombre debe de tener vacíos los aposentos de la cabeza. - -— Sois un grandísimo bellaco —dijo a esta sazón don Quijote—; y vos sois el -vacío y el menguado, que yo estoy más lleno que jamás lo estuvo la muy -hideputa puta que os parió. - -Y, diciendo y haciendo, arrebató de un pan que junto a sí tenía, y dio con -él al cabrero en todo el rostro, con tanta furia, que le remachó las -narices; mas el cabrero, que no sabía de burlas, viendo con cuántas veras -le maltrataban, sin tener respeto a la alhombra, ni a los manteles, ni a -todos aquellos que comiendo estaban, saltó sobre don Quijote, y, asiéndole -del cuello con entrambas manos, no dudara de ahogalle, si Sancho Panza no -llegara en aquel punto, y le asiera por las espaldas y diera con él encima -de la mesa, quebrando platos, rompiendo tazas y derramando y esparciendo -cuanto en ella estaba. Don Quijote, que se vio libre, acudió a subirse -sobre el cabrero; el cual, lleno de sangre el rostro, molido a coces de -Sancho, andaba buscando a gatas algún cuchillo de la mesa para hacer alguna -sanguinolenta venganza, pero estorbábanselo el canónigo y el cura; mas el -barbero hizo de suerte que el cabrero cogió debajo de sí a don Quijote, -sobre el cual llovió tanto número de mojicones, que del rostro del pobre -caballero llovía tanta sangre como del suyo. - -Reventaban de risa el canónigo y el cura, saltaban los cuadrilleros de -gozo, zuzaban los unos y los otros, como hacen a los perros cuando en -pendencia están trabados; sólo Sancho Panza se desesperaba, porque no se -podía desasir de un criado del canónigo, que le estorbaba que a su amo no -ayudase. - -En resolución, estando todos en regocijo y fiesta, sino los dos aporreantes -que se carpían, oyeron el son de una trompeta, tan triste que les hizo -volver los rostros hacia donde les pareció que sonaba; pero el que más se -alborotó de oírle fue don Quijote, el cual, aunque estaba debajo del -cabrero, harto contra su voluntad y más que medianamente molido, le dijo: - -— Hermano demonio, que no es posible que dejes de serlo, pues has tenido -valor y fuerzas para sujetar las mías, ruégote que hagamos treguas, no más -de por una hora; porque el doloroso son de aquella trompeta que a nuestros -oídos llega me parece que a alguna nueva aventura me llama. - -El cabrero, que ya estaba cansado de moler y ser molido, le dejó luego, y -don Quijote se puso en pie, volviendo asimismo el rostro adonde el son se -oía, y vio a deshora que por un recuesto bajaban muchos hombres vestidos de -blanco, a modo de diciplinantes. - -Era el caso que aquel año habían las nubes negado su rocío a la tierra, y -por todos los lugares de aquella comarca se hacían procesiones, rogativas y -diciplinas, pidiendo a Dios abriese las manos de su misericordia y les -lloviese; y para este efecto la gente de una aldea que allí junto estaba -venía en procesión a una devota ermita que en un recuesto de aquel valle -había. - -Don Quijote, que vio los estraños trajes de los diciplinantes, sin pasarle -por la memoria las muchas veces que los había de haber visto, se imaginó -que era cosa de aventura, y que a él solo tocaba, como a caballero andante, -el acometerla; y confirmóle más esta imaginación pensar que una imagen que -traían cubierta de luto fuese alguna principal señora que llevaban por -fuerza aquellos follones y descomedidos malandrines; y, como esto le cayó -en las mientes, con gran ligereza arremetió a Rocinante, que paciendo -andaba, quitándole del arzón el freno y el adarga, y en un punto le -enfrenó, y, pidiendo a Sancho su espada, subió sobre Rocinante y embrazó su -adarga, y dijo en alta voz a todos los que presentes estaban: - -— Agora, valerosa compañía, veredes cuánto importa que haya en el mundo -caballeros que profesen la orden de la andante caballería; agora digo que -veredes, en la libertad de aquella buena señora que allí va cautiva, si se -han de estimar los caballeros andantes. - -Y, en diciendo esto, apretó los muslos a Rocinante, porque espuelas no las -tenía, y, a todo galope, porque carrera tirada no se lee en toda esta -verdadera historia que jamás la diese Rocinante, se fue a encontrar con los -diciplinantes, bien que fueran el cura y el canónigo y barbero a detenelle; -mas no les fue posible, ni menos le detuvieron las voces que Sancho le -daba, diciendo: - -— ¿Adónde va, señor don Quijote? ¿Qué demonios lleva en el pecho, que le -incitan a ir contra nuestra fe católica? Advierta, mal haya yo, que aquélla -es procesión de diciplinantes, y que aquella señora que llevan sobre la -peana es la imagen benditísima de la Virgen sin mancilla; mire, señor, lo -que hace, que por esta vez se puede decir que no es lo que sabe. - -Fatigóse en vano Sancho, porque su amo iba tan puesto en llegar a los -ensabanados y en librar a la señora enlutada, que no oyó palabra; y, aunque -la oyera, no volviera, si el rey se lo mandara. Llegó, pues, a la -procesión, y paró a Rocinante, que ya llevaba deseo de quietarse un poco, -y, con turbada y ronca voz, dijo: - -— Vosotros, que, quizá por no ser buenos, os encubrís los rostros, atended y -escuchad lo que deciros quiero. - -Los primeros que se detuvieron fueron los que la imagen llevaban; y uno de -los cuatro clérigos que cantaban las ledanías, viendo la estraña catadura -de don Quijote, la flaqueza de Rocinante y otras circunstancias de risa que -notó y descubrió en don Quijote, le respondió diciendo: - -— Señor hermano, si nos quiere decir algo, dígalo presto, porque se van -estos hermanos abriendo las carnes, y no podemos, ni es razón que nos -detengamos a oír cosa alguna, si ya no es tan breve que en dos palabras se -diga. - -— En una lo diré —replicó don Quijote—, y es ésta: que luego al punto dejéis -libre a esa hermosa señora, cuyas lágrimas y triste semblante dan claras -muestras que la lleváis contra su voluntad y que algún notorio desaguisado -le habedes fecho; y yo, que nací en el mundo para desfacer semejantes -agravios, no consentiré que un solo paso adelante pase sin darle la deseada -libertad que merece. - -En estas razones, cayeron todos los que las oyeron que don Quijote debía de -ser algún hombre loco, y tomáronse a reír muy de gana; cuya risa fue poner -pólvora a la cólera de don Quijote, porque, sin decir más palabra, sacando -la espada, arremetió a las andas. Uno de aquellos que las llevaban, dejando -la carga a sus compañeros, salió al encuentro de don Quijote, enarbolando -una horquilla o bastón con que sustentaba las andas en tanto que -descansaba; y, recibiendo en ella una gran cuchillada que le tiró don -Quijote, con que se la hizo dos partes, con el último tercio, que le quedó -en la mano, dio tal golpe a don Quijote encima de un hombro, por el mismo -lado de la espada, que no pudo cubrir el adarga contra villana fuerza, que -el pobre don Quijote vino al suelo muy mal parado. - -Sancho Panza, que jadeando le iba a los alcances, viéndole caído, dio voces -a su moledor que no le diese otro palo, porque era un pobre caballero -encantado, que no había hecho mal a nadie en todos los días de su vida. -Mas, lo que detuvo al villano no fueron las voces de Sancho, sino el ver -que don Quijote no bullía pie ni mano; y así, creyendo que le había muerto, -con priesa se alzó la túnica a la cinta, y dio a huir por la campaña como -un gamo. - -Ya en esto llegaron todos los de la compañía de don Quijote adonde él -estaba; y más los de la procesión, que los vieron venir corriendo, y con -ellos los cuadrilleros con sus ballestas, temieron algún mal suceso, y -hiciéronse todos un remolino alrededor de la imagen; y, alzados los -capirotes, empuñando las diciplinas, y los clérigos los ciriales, esperaban -el asalto con determinación de defenderse, y aun ofender, si pudiesen, a -sus acometedores; pero la fortuna lo hizo mejor que se pensaba, porque -Sancho no hizo otra cosa que arrojarse sobre el cuerpo de su señor, -haciendo sobre él el más doloroso y risueño llanto del mundo, creyendo que -estaba muerto. - -El cura fue conocido de otro cura que en la procesión venía, cuyo -conocimiento puso en sosiego el concebido temor de los dos escuadrones. El -primer cura dio al segundo, en dos razones, cuenta de quién era don -Quijote, y así él como toda la turba de los diciplinantes fueron a ver si -estaba muerto el pobre caballero, y oyeron que Sancho Panza, con lágrimas -en los ojos, decía: - -— ¡Oh flor de la caballería, que con solo un garrotazo acabaste la carrera -de tus tan bien gastados años! ¡Oh honra de tu linaje, honor y gloria de -toda la Mancha, y aun de todo el mundo, el cual, faltando tú en él, quedará -lleno de malhechores, sin temor de ser castigados de sus malas fechorías! -¡Oh liberal sobre todos los Alejandros, pues por solos ocho meses de -servicio me tenías dada la mejor ínsula que el mar ciñe y rodea! ¡Oh -humilde con los soberbios y arrogante con los humildes, acometedor de -peligros, sufridor de afrentas, enamorado sin causa, imitador de los -buenos, azote de los malos, enemigo de los ruines, en fin, caballero -andante, que es todo lo que decir se puede! - -Con las voces y gemidos de Sancho revivió don Quijote, y la primer palabra -que dijo fue: - -— El que de vos vive ausente, dulcísima Dulcinea, a mayores miserias que -éstas está sujeto. Ayúdame, Sancho amigo, a ponerme sobre el carro -encantado, que ya no estoy para oprimir la silla de Rocinante, porque tengo -todo este hombro hecho pedazos. - -— Eso haré yo de muy buena gana, señor mío —respondió Sancho—, y volvamos a -mi aldea en compañía destos señores, que su bien desean, y allí daremos -orden de hacer otra salida que nos sea de más provecho y fama. - -— Bien dices, Sancho —respondió don Quijote—, y será gran prudencia dejar -pasar el mal influjo de las estrellas que agora corre. - -El canónigo y el cura y barbero le dijeron que haría muy bien en hacer lo -que decía; y así, habiendo recebido grande gusto de las simplicidades de -Sancho Panza, pusieron a don Quijote en el carro, como antes venía. La -procesión volvió a ordenarse y a proseguir su camino; el cabrero se -despidió de todos; los cuadrilleros no quisieron pasar adelante, y el cura -les pagó lo que se les debía. El canónigo pidió al cura le avisase el -suceso de don Quijote, si sanaba de su locura o si proseguía en ella, y con -esto tomó licencia para seguir su viaje. En fin, todos se dividieron y -apartaron, quedando solos el cura y barbero, don Quijote y Panza, y el -bueno de Rocinante, que a todo lo que había visto estaba con tanta -paciencia como su amo. - -El boyero unció sus bueyes y acomodó a don Quijote sobre un haz de heno, y -con su acostumbrada flema siguió el camino que el cura quiso, y a cabo de -seis días llegaron a la aldea de don Quijote, adonde entraron en la mitad -del día, que acertó a ser domingo, y la gente estaba toda en la plaza, por -mitad de la cual atravesó el carro de don Quijote. Acudieron todos a ver lo -que en el carro venía, y, cuando conocieron a su compatrioto, quedaron -maravillados, y un muchacho acudió corriendo a dar las nuevas a su ama y a -su sobrina de que su tío y su señor venía flaco y amarillo, y tendido sobre -un montón de heno y sobre un carro de bueyes. Cosa de lástima fue oír los -gritos que las dos buenas señoras alzaron, las bofetadas que se dieron, las -maldiciones que de nuevo echaron a los malditos libros de caballerías; todo -lo cual se renovó cuando vieron entrar a don Quijote por sus puertas. - -A las nuevas desta venida de don Quijote, acudió la mujer de Sancho Panza, -que ya había sabido que había ido con él sirviéndole de escudero, y, así -como vio a Sancho, lo primero que le preguntó fue que si venía bueno el -asno. Sancho respondió que venía mejor que su amo. - -— Gracias sean dadas a Dios —replicó ella—, que tanto bien me ha hecho; pero -contadme agora, amigo: ¿qué bien habéis sacado de vuestras escuderías?, -¿qué saboyana me traes a mí?, ¿qué zapaticos a vuestros hijos? - -— No traigo nada deso —dijo Sancho—, mujer mía, aunque traigo otras cosas de -más momento y consideración. - -— Deso recibo yo mucho gusto —respondió la mujer—; mostradme esas cosas de -más consideración y más momento, amigo mío, que las quiero ver, para que se -me alegre este corazón, que tan triste y descontento ha estado en todos los -siglos de vuestra ausencia. - -— En casa os las mostraré, mujer —dijo Panza—, y por agora estad contenta, -que, siendo Dios servido de que otra vez salgamos en viaje a buscar -aventuras, vos me veréis presto conde o gobernador de una ínsula, y no de -las de por ahí, sino la mejor que pueda hallarse. - -— Quiéralo así el cielo, marido mío; que bien lo habemos menester. Mas, -decidme: ¿qué es eso de ínsulas, que no lo entiendo? - -— No es la miel para la boca del asno —respondió Sancho—; a su tiempo lo -verás, mujer, y aun te admirarás de oírte llamar Señoría de todos tus -vasallos. - -— ¿Qué es lo que decís, Sancho, de señorías, ínsulas y vasallos? —respondió -Juana Panza, que así se llamaba la mujer de Sancho, aunque no eran -parientes, sino porque se usa en la Mancha tomar las mujeres el apellido de -sus maridos. - -— No te acucies, Juana, por saber todo esto tan apriesa; basta que te digo -verdad, y cose la boca. Sólo te sabré decir, así de paso, que no hay cosa -más gustosa en el mundo que ser un hombre honrado escudero de un caballero -andante buscador de aventuras. Bien es verdad que las más que se hallan no -salen tan a gusto como el hombre querría, porque de ciento que se -encuentran, las noventa y nueve suelen salir aviesas y torcidas. Sélo yo de -expiriencia, porque de algunas he salido manteado, y de otras molido; pero, -con todo eso, es linda cosa esperar los sucesos atravesando montes, -escudriñando selvas, pisando peñas, visitando castillos, alojando en ventas -a toda discreción, sin pagar, ofrecido sea al diablo, el maravedí. - -Todas estas pláticas pasaron entre Sancho Panza y Juana Panza, su mujer, en -tanto que el ama y sobrina de don Quijote le recibieron, y le desnudaron, y -le tendieron en su antiguo lecho. Mirábalas él con ojos atravesados, y no -acababa de entender en qué parte estaba. El cura encargó a la sobrina -tuviese gran cuenta con regalar a su tío, y que estuviesen alerta de que -otra vez no se les escapase, contando lo que había sido menester para -traelle a su casa. Aquí alzaron las dos de nuevo los gritos al cielo; allí -se renovaron las maldiciones de los libros de caballerías, allí pidieron al -cielo que confundiese en el centro del abismo a los autores de tantas -mentiras y disparates. Finalmente, ellas quedaron confusas y temerosas de -que se habían de ver sin su amo y tío en el mesmo punto que tuviese alguna -mejoría; y sí fue como ellas se lo imaginaron. - -Pero el autor desta historia, puesto que con curiosidad y diligencia ha -buscado los hechos que don Quijote hizo en su tercera salida, no ha podido -hallar noticia de ellas, a lo menos por escrituras auténticas; sólo la fama -ha guardado, en las memorias de la Mancha, que don Quijote, la tercera vez -que salió de su casa, fue a Zaragoza, donde se halló en unas famosas justas -que en aquella ciudad hicieron, y allí le pasaron cosas dignas de su valor -y buen entendimiento. Ni de su fin y acabamiento pudo alcanzar cosa alguna, -ni la alcanzara ni supiera si la buena suerte no le deparara un antiguo -médico que tenía en su poder una caja de plomo, que, según él dijo, se -había hallado en los cimientos derribados de una antigua ermita que se -renovaba; en la cual caja se habían hallado unos pergaminos escritos con -letras góticas, pero en versos castellanos, que contenían muchas de sus -hazañas y daban noticia de la hermosura de Dulcinea del Toboso, de la -figura de Rocinante, de la fidelidad de Sancho Panza y de la sepultura del -mesmo don Quijote, con diferentes epitafios y elogios de su vida y -costumbres. - -Y los que se pudieron leer y sacar en limpio fueron los que aquí pone el -fidedigno autor desta nueva y jamás vista historia. El cual autor no pide a -los que la leyeren, en premio del inmenso trabajo que le costó inquerir y -buscar todos los archivos manchegos, por sacarla a luz, sino que le den el -mesmo crédito que suelen dar los discretos a los libros de caballerías, que -tan validos andan en el mundo; que con esto se tendrá por bien pagado y -satisfecho, y se animará a sacar y buscar otras, si no tan verdaderas, a lo -menos de tanta invención y pasatiempo. - -Las palabras primeras que estaban escritas en el pergamino que se halló en -la caja de plomo eran éstas: - -LOS ACADÉMICOS DE LA ARGAMASILLA, -LUGAR DE LA MANCHA, -EN VIDA Y MUERTE DEL VALEROSO -DON QUIJOTE DE LA MANCHA, - -HOC SCRIPSERUNT: - -EL MONICONGO, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, -A LA SEPULTURA DE DON QUIJOTE - -Epitafio - -El calvatrueno que adornó a la Mancha -de más despojos que Jasón decreta; -el jüicio que tuvo la veleta -aguda donde fuera mejor ancha, -el brazo que su fuerza tanto ensancha, -que llegó del Catay hasta Gaeta, -la musa más horrenda y más discreta -que grabó versos en la broncínea plancha, -el que a cola dejó los Amadises, -y en muy poquito a Galaores tuvo, -estribando en su amor y bizarría, -el que hizo callar los Belianises, -aquel que en Rocinante errando anduvo, -yace debajo desta losa fría. - -DEL PANIAGUADO, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, - -In laudem Dulcineae del Toboso - -Soneto - -Esta que veis de rostro amondongado, -alta de pechos y ademán brioso, -es Dulcinea, reina del Toboso, -de quien fue el gran Quijote aficionado. -Pisó por ella el uno y otro lado -de la gran Sierra Negra, y el famoso -campo de Montïel, hasta el herboso -llano de Aranjüez, a pie y cansado. -Culpa de Rocinante, ¡oh dura estrella!, -que esta manchega dama, y este invito -andante caballero, en tiernos años, -ella dejó, muriendo, de ser bella; -y él, aunque queda en mármores escrito, -no pudo huir de amor, iras y engaños. - -DEL CAPRICHOSO, DISCRETÍSIMO ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, -EN LOOR DE ROCINANTE, CABALLO DE DON QUIJOTE DE LA MANCHA - -Soneto - -En el soberbio trono diamantino -que con sangrientas plantas huella Marte, -frenético, el Manchego su estandarte -tremola con esfuerzo peregrino. -Cuelga las armas y el acero fino -con que destroza, asuela, raja y parte: -¡nuevas proezas!, pero inventa el arte -un nuevo estilo al nuevo paladino. -Y si de su Amadís se precia Gaula, -por cuyos bravos descendientes Grecia -triunfó mil veces y su fama ensancha, -hoy a Quijote le corona el aula -do Belona preside, y dél se precia, -más que Grecia ni Gaula, la alta Mancha. -Nunca sus glorias el olvido mancha, -pues hasta Rocinante, en ser gallardo, -excede a Brilladoro y a Bayardo. - -DEL BURLADOR, ACADÉMICO ARGAMASILLESCO, -A SANCHO PANZA - -Soneto - -Sancho Panza es asqueste, en cuerpo chico, -Pero grande en valor: ¡milagro extraño! -Escudero el más simple y sin engaño -Que tuvo el mundo, os juro y certifico. -De ser conde no estuvo en un tantico, -Si no se conjuraran en su daño -Insolencias y agravios del tacaño -Siglo, que aun no perdonan á un borrico. -Sobre él anduvo (con perdón se miente) -Este manso escudero, tras el manso -Caballo Rocinante y tras su dueño. -¡Oh vanas esperanzas de la gente! -¡Cómo pasais con prometer descanso, -Y al fin parais en sombra, en humo, en sueño! - -DEL CACHIDIABLO, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, -EN LA SEPULTURA DE DON QUIJOTE - -Epitafio - -Aquí yace el caballero, -bien molido y mal andante, -a quien llevó Rocinante -por uno y otro sendero. -Sancho Panza el majadero -yace también junto a él, -escudero el más fïel -que vio el trato de escudero. - -DEL TIQUITOC, ACADÉMICO DE LA ARGAMASILLA, -EN LA SEPULTURA DE DULCINEA DEL TOBOSO - -Epitafio - -Reposa aquí Dulcinea; -y, aunque de carnes rolliza, -la volvió en polvo y ceniza -la muerte espantable y fea. -Fue de castiza ralea, -y tuvo asomos de dama; -del gran Quijote fue llama, -y fue gloria de su aldea. - -Éstos fueron los versos que se pudieron leer; los demás, por estar -carcomida la letra, se entregaron a un académico para que por conjeturas -los declarase. Tiénese noticia que lo ha hecho, a costa de muchas vigilias -y mucho trabajo, y que tiene intención de sacallos a luz, con esperanza de -la tercera salida de don Quijote. - -Forsi altro canterà con miglior plectio. - -Finis - - - -Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de la Mancha - -TASA - -Yo, Hernando de Vallejo, escribano de Cámara del Rey nuestro señor, de los -que residen en su Consejo, doy fe que, habiéndose visto por los señores dél -un libro que compuso Miguel de Cervantes Saavedra, intitulado Don Quijote -de la Mancha, Segunda parte, que con licencia de Su Majestad fue impreso, -le tasaron a cuatro maravedís cada pliego en papel, el cual tiene setenta y -tres pliegos, que al dicho respeto suma y monta docientos y noventa y dos -maravedís, y mandaron que esta tasa se ponga al principio de cada volumen -del dicho libro, para que se sepa y entienda lo que por él se ha de pedir y -llevar, sin que se exceda en ello en manera alguna, como consta y parece -por el auto y decreto original sobre ello dado, y que queda en mi poder, -a que me refiero; y de mandamiento de los dichos señores del Consejo y de -pedimiento de la parte del dicho Miguel de Cervantes, di esta fee en -Madrid, a veinte y uno días del mes de otubre del mil y seiscientos y -quince años. - -Hernando de Vallejo. - -FEE DE ERRATAS - -Vi este libro intitulado Segunda parte de don Quijote de la Mancha, -compuesto por Miguel de Cervantes Saavedra, y no hay en él cosa digna de -notar que no corresponda a su original. Dada en Madrid, a veinte y uno de -otubre, mil y seiscientos y quince. - -El licenciado Francisco Murcia de la Llana. - -APROBACIONES - -APROBACIÓN - -Por comisión y mandado de los señores del Consejo, he hecho ver el libro -contenido en este memorial: no contiene cosa contra la fe ni buenas -costumbres, antes es libro de mucho entretenimiento lícito, mezclado de -mucha filosofía moral; puédesele dar licencia para imprimirle. En Madrid, a -cinco de noviembre de mil seiscientos y quince. - -Doctor Gutierre de Cetina. - -APROBACIÓN - -Por comisión y mandado de los señores del Consejo, he visto la Segunda -parte de don Quijote de la Mancha, por Miguel de Cervantes Saavedra: no -contiene cosa contra nuestra santa fe católica, ni buenas costumbres, -antes, muchas de honesta recreación y apacible divertimiento, que los -antiguos juzgaron convenientes a sus repúblicas, pues aun en la severa de -los lacedemonios levantaron estatua a la risa, y los de Tesalia la -dedicaron fiestas, como lo dice Pausanias, referido de Bosio, libro II De -signis Ecclesiae, cap. 10, alentando ánimos marchitos y espíritus -melancólicos, de que se acordó Tulio en el primero De legibus, y el poeta -diciendo: - -Interpone tuis interdum gaudia curis, - -lo cual hace el autor mezclando las veras a las burlas, lo dulce a lo -provechoso y lo moral a lo faceto, disimulando en el cebo del donaire el -anzuelo de la reprehensión, y cumpliendo con el acertado asunto en que -pretende la expulsión de los libros de caballerías, pues con su buena -diligencia mañosamente alimpiando de su contagiosa dolencia a estos reinos, -es obra muy digna de su grande ingenio, honra y lustre de nuestra nación, -admiración y invidia de las estrañas. Éste es mi parecer, salvo etc. En -Madrid, a 17 de marzo de 1615. - -El maestro Josef de Valdivielso. - -APROBACIÓN - -Por comisión del señor doctor Gutierre de Cetina, vicario general desta -villa de Madrid, corte de Su Majestad, he visto este libro de la Segunda -parte del ingenioso caballero don Quijote de la Mancha, por Miguel de -Cervantes Saavedra, y no hallo en él cosa indigna de un cristiano celo, ni -que disuene de la decencia debida a buen ejemplo, ni virtudes morales; -antes, mucha erudición y aprovechamiento, así en la continencia de su bien -seguido asunto para extirpar los vanos y mentirosos libros de caballerías, -cuyo contagio había cundido más de lo que fuera justo, como en la lisura -del lenguaje castellano, no adulterado con enfadosa y estudiada afectación, -vicio con razón aborrecido de hombres cuerdos; y en la correción de vicios -que generalmente toca, ocasionado de sus agudos discursos, guarda con tanta -cordura las leyes de reprehensión cristiana, que aquel que fuere tocado de -la enfermedad que pretende curar, en lo dulce y sabroso de sus medicinas -gustosamente habrá bebido, cuando menos lo imagine, sin empacho ni asco -alguno, lo provechoso de la detestación de su vicio, con que se hallará, -que es lo más difícil de conseguirse, gustoso y reprehendido. Ha habido -muchos que, por no haber sabido templar ni mezclar a propósito lo útil con -lo dulce, han dado con todo su molesto trabajo en tierra, pues no pudiendo -imitar a Diógenes en lo filósofo y docto, atrevida, por no decir licenciosa -y desalumbradamente, le pretenden imitar en lo cínico, entregándose a -maldicientes, inventando casos que no pasaron, para hacer capaz al vicio -que tocan de su áspera reprehensión, y por ventura descubren caminos para -seguirle, hasta entonces ignorados, con que vienen a quedar, si no -reprehensores, a lo menos maestros dél. Hácense odiosos a los bien -entendidos, con el pueblo pierden el crédito, si alguno tuvieron, para -admitir sus escritos y los vicios que arrojada e imprudentemente quisieren -corregir en muy peor estado que antes, que no todas las postemas a un mismo -tiempo están dispuestas para admitir las recetas o cauterios; antes, -algunos mucho mejor reciben las blandas y suaves medicinas, con cuya -aplicación, el atentado y docto médico consigue el fin de resolverlas, -término que muchas veces es mejor que no el que se alcanza con el rigor del -hierro. Bien diferente han sentido de los escritos de Miguel de -Cervantes, así nuestra nación como las estrañas, pues como a milagro desean -ver el autor de libros que con general aplauso, así por su decoro y -decencia como por la suavidad y blandura de sus discursos, han recebido -España, Francia, Italia, Alemania y Flandes. Certifico con verdad que en -veinte y cinco de febrero deste año de seiscientos y quince, habiendo ido -el ilustrísimo señor don Bernardo de Sandoval y Rojas, cardenal arzobispo -de Toledo, mi señor, a pagar la visita que a Su Ilustrísima hizo el -embajador de Francia, que vino a tratar cosas tocantes a los casamientos de -sus príncipes y los de España, muchos caballeros franceses, de los que -vinieron acompañando al embajador, tan corteses como entendidos y amigos de -buenas letras, se llegaron a mí y a otros capellanes del cardenal mi señor, -deseosos de saber qué libros de ingenio andaban más validos; y, tocando -acaso en éste que yo estaba censurando, apenas oyeron el nombre de Miguel -de Cervantes, cuando se comenzaron a hacer lenguas, encareciendo la -estimación en que, así en Francia como en los reinos sus confinantes, se -tenían sus obras: la Galatea, que alguno dellos tiene casi de memoria la -primera parte désta, y las Novelas. Fueron tantos sus encarecimientos, -que me ofrecí llevarles que viesen el autor dellas, que estimaron con mil -demostraciones de vivos deseos. Preguntáronme muy por menor su edad, su -profesión, calidad y cantidad. Halléme obligado a decir que era viejo, -soldado, hidalgo y pobre, a que uno respondió estas formales palabras: -''Pues, ¿a tal hombre no le tiene España muy rico y sustentado del erario -público?'' Acudió otro de aquellos caballeros con este pensamiento y con -mucha agudeza, y dijo: ''Si necesidad le ha de obligar a escribir, plega a -Dios que nunca tenga abundancia, para que con sus obras, siendo él pobre, -haga rico a todo el mundo''. Bien creo que está, para censura, un poco -larga; alguno dirá que toca los límites de lisonjero elogio; mas la verdad -de lo que cortamente digo deshace en el crítico la sospecha y en mí el -cuidado; además que el día de hoy no se lisonjea a quien no tiene con qué -cebar el pico del adulador, que, aunque afectuosa y falsamente dice de -burlas, pretende ser remunerado de veras. En Madrid, a veinte y siete de -febrero de mil y seiscientos y quince. - -El licenciado Márquez Torres. - -PRIVILEGIO - -Por cuanto por parte de vos, Miguel de Cervantes Saavedra, nos fue fecha -relación que habíades compuesto la Segunda parte de don Quijote de la -Mancha, de la cual hacíades presentación, y, por ser libro de historia -agradable y honesta, y haberos costado mucho trabajo y estudio, nos -suplicastes os mandásemos dar licencia para le poder imprimir y privilegio -por veinte años, o como la nuestra merced fuese; lo cual visto por los del -nuestro Consejo, por cuanto en el dicho libro se hizo la diligencia que la -premática por nos sobre ello fecha dispone, fue acordado que debíamos -mandar dar esta nuestra cédula en la dicha razón, y nos tuvímoslo por bien. -Por la cual vos damos licencia y facultad para que, por tiempo y espacio de -diez años, cumplidos primeros siguientes, que corran y se cuenten desde el -día de la fecha de esta nuestra cédula en adelante, vos, o la persona que -para ello vuestro poder hobiere, y no otra alguna, podáis imprimir y vender -el dicho libro que desuso se hace mención; y por la presente damos licencia -y facultad a cualquier impresor de nuestros reinos que nombráredes para que -durante el dicho tiempo le pueda imprimir por el original que en el nuestro -Consejo se vio, que va rubricado y firmado al fin de Hernando de Vallejo, -nuestro escribano de Cámara, y uno de los que en él residen, con que antes -y primero que se venda lo traigáis ante ellos, juntamente con el dicho -original, para que se vea si la dicha impresión está conforme a él, o -traigáis fe en pública forma cómo, por corretor por nos nombrado, se vio y -corrigió la dicha impresión por el dicho original, y más al dicho impresor -que ansí imprimiere el dicho libro no imprima el principio y primer pliego -dél, ni entregue más de un solo libro con el original al autor y persona a -cuya costa lo imprimiere, ni a otra alguna, para efecto de la dicha -correción y tasa, hasta que antes y primero el dicho libro esté corregido y -tasado por los del nuestro Consejo, y estando hecho, y no de otra manera, -pueda imprimir el dicho principio y primer pliego, en el cual imediatamente -ponga esta nuestra licencia y la aprobación, tasa y erratas, ni lo podáis -vender ni vendáis vos ni otra persona alguna, hasta que esté el dicho libro -en la forma susodicha, so pena de caer e incurrir en las penas contenidas -en la dicha premática y leyes de nuestros reinos que sobre ello disponen; y -más, que durante el dicho tiempo persona alguna sin vuestra licencia no le -pueda imprimir ni vender, so pena que el que lo imprimiere y vendiere haya -perdido y pierda cualesquiera libros, moldes y aparejos que dél tuviere, y -más incurra en pena de cincuenta mil maravedís por cada vez que lo -contrario hiciere, de la cual dicha pena sea la tercia parte para nuestra -Cámara, y la otra tercia parte para el juez que lo sentenciare, y la otra -tercia parte par el que lo denunciare; y más a los del nuestro Consejo, -presidentes, oidores de las nuestras Audiencias, alcaldes, alguaciles de la -nuestra Casa y Corte y Chancillerías, y a otras cualesquiera justicias de -todas las ciudades, villas y lugares de los nuestros reinos y señoríos, y a -cada uno en su juridición, ansí a los que agora son como a los que serán de -aquí adelante, que vos guarden y cumplan esta nuestra cédula y merced, que -ansí vos hacemos, y contra ella no vayan ni pasen en manera alguna, so pena -de la nuestra merced y de diez mil maravedís para la nuestra Cámara. Dada -en Madrid, a treinta días del mes de marzo de mil y seiscientos y quince -años. - -YO, EL REY. - -Por mandado del Rey nuestro señor: - -Pedro de Contreras. - -PRÓLOGO AL LECTOR - -¡Válame Dios, y con cuánta gana debes de estar esperando ahora, lector -ilustre, o quier plebeyo, este prólogo, creyendo hallar en él venganzas, -riñas y vituperios del autor del segundo Don Quijote; digo de aquel que -dicen que se engendró en Tordesillas y nació en Tarragona! Pues en verdad -que no te he dar este contento; que, puesto que los agravios despiertan la -cólera en los más humildes pechos, en el mío ha de padecer excepción esta -regla. Quisieras tú que lo diera del asno, del mentecato y del atrevido, -pero no me pasa por el pensamiento: castíguele su pecado, con su pan se lo -coma y allá se lo haya. Lo que no he podido dejar de sentir es que me note -de viejo y de manco, como si hubiera sido en mi mano haber detenido el -tiempo, que no pasase por mí, o si mi manquedad hubiera nacido en alguna -taberna, sino en la más alta ocasión que vieron los siglos pasados, los -presentes, ni esperan ver los venideros. Si mis heridas no resplandecen en -los ojos de quien las mira, son estimadas, a lo menos, en la estimación de -los que saben dónde se cobraron; que el soldado más bien parece muerto en -la batalla que libre en la fuga; y es esto en mí de manera, que si ahora me -propusieran y facilitaran un imposible, quisiera antes haberme hallado en -aquella facción prodigiosa que sano ahora de mis heridas sin haberme -hallado en ella. Las que el soldado muestra en el rostro y en los pechos, -estrellas son que guían a los demás al cielo de la honra, y al de desear la -justa alabanza; y hase de advertir que no se escribe con las canas, sino -con el entendimiento, el cual suele mejorarse con los años. - -He sentido también que me llame invidioso, y que, como a ignorante, me -describa qué cosa sea la invidia; que, en realidad de verdad, de dos que -hay, yo no conozco sino a la santa, a la noble y bien intencionada; y, -siendo esto así, como lo es, no tengo yo de perseguir a ningún sacerdote, y -más si tiene por añadidura ser familiar del Santo Oficio; y si él lo dijo -por quien parece que lo dijo, engañóse de todo en todo: que del tal adoro -el ingenio, admiro las obras y la ocupación continua y virtuosa. Pero, en -efecto, le agradezco a este señor autor el decir que mis novelas son más -satíricas que ejemplares, pero que son buenas; y no lo pudieran ser si no -tuvieran de todo. - -Paréceme que me dices que ando muy limitado y que me contengo mucho en los -términos de mi modestia, sabiendo que no se ha añadir aflición al afligido, -y que la que debe de tener este señor sin duda es grande, pues no osa -parecer a campo abierto y al cielo claro, encubriendo su nombre, fingiendo -su patria, como si hubiera hecho alguna traición de lesa majestad. Si, por -ventura, llegares a conocerle, dile de mi parte que no me tengo por -agraviado: que bien sé lo que son tentaciones del demonio, y que una de las -mayores es ponerle a un hombre en el entendimiento que puede componer y -imprimir un libro, con que gane tanta fama como dineros, y tantos dineros -cuanta fama; y, para confirmación desto, quiero que en tu buen donaire y -gracia le cuentes este cuento: - -«Había en Sevilla un loco que dio en el más gracioso disparate y tema que -dio loco en el mundo. Y fue que hizo un cañuto de caña puntiagudo en el -fin, y, en cogiendo algún perro en la calle, o en cualquiera otra parte, -con el un pie le cogía el suyo, y el otro le alzaba con la mano, y como -mejor podía le acomodaba el cañuto en la parte que, soplándole, le ponía -redondo como una pelota; y, en teniéndolo desta suerte, le daba dos -palmaditas en la barriga, y le soltaba, diciendo a los circunstantes, que -siempre eran muchos: ''¿Pensarán vuestras mercedes ahora que es poco -trabajo hinchar un perro?''» - -¿Pensará vuestra merced ahora que es poco trabajo hacer un libro? - -Y si este cuento no le cuadrare, dirásle, lector amigo, éste, que también -es de loco y de perro: - -«Había en Córdoba otro loco, que tenía por costumbre de traer encima de la -cabeza un pedazo de losa de mármol, o un canto no muy liviano, y, en -topando algún perro descuidado, se le ponía junto, y a plomo dejaba caer -sobre él el peso. Amohinábase el perro, y, dando ladridos y aullidos, no -paraba en tres calles. Sucedió, pues, que, entre los perros que descargó la -carga, fue uno un perro de un bonetero, a quien quería mucho su dueño. Bajó -el canto, diole en la cabeza, alzó el grito el molido perro, violo y -sintiólo su amo, asió de una vara de medir, y salió al loco y no le dejó -hueso sano; y cada palo que le daba decía: ''Perro ladrón, ¿a mi podenco? -¿No viste, cruel, que era podenco mi perro?'' Y, repitiéndole el nombre de -podenco muchas veces, envió al loco hecho una alheña. Escarmentó el loco y -retiróse, y en más de un mes no salió a la plaza; al cabo del cual tiempo, -volvió con su invención y con más carga. Llegábase donde estaba el perro, -y, mirándole muy bien de hito en hito, y sin querer ni atreverse a -descargar la piedra, decía: ''Este es podenco: ¡guarda!'' En efeto, todos -cuantos perros topaba, aunque fuesen alanos, o gozques, decía que eran -podencos; y así, no soltó más el canto.» - -Quizá de esta suerte le podrá acontecer a este historiador: que no se -atreverá a soltar más la presa de su ingenio en libros que, en siendo -malos, son más duros que las peñas. - -Dile también que de la amenaza que me hace, que me ha de quitar la ganancia -con su libro, no se me da un ardite, que, acomodándome al entremés famoso -de La Perendenga, le respondo que me viva el Veinte y cuatro, mi señor, y -Cristo con todos. Viva el gran conde de Lemos, cuya cristiandad y -liberalidad, bien conocida, contra todos los golpes de mi corta fortuna me -tiene en pie, y vívame la suma caridad del ilustrísimo de Toledo, don -Bernardo de Sandoval y Rojas, y siquiera no haya emprentas en el mundo, y -siquiera se impriman contra mí más libros que tienen letras las Coplas de -Mingo Revulgo. Estos dos príncipes, sin que los solicite adulación mía ni -otro género de aplauso, por sola su bondad, han tomado a su cargo el -hacerme merced y favorecerme; en lo que me tengo por más dichoso y más rico -que si la fortuna por camino ordinario me hubiera puesto en su cumbre. La -honra puédela tener el pobre, pero no el vicioso; la pobreza puede anublar -a la nobleza, pero no escurecerla del todo; pero, como la virtud dé alguna -luz de sí, aunque sea por los inconvenientes y resquicios de la estrecheza, -viene a ser estimada de los altos y nobles espíritus, y, por el -consiguiente, favorecida. - -Y no le digas más, ni yo quiero decirte más a ti, sino advertirte que -consideres que esta segunda parte de Don Quijote que te ofrezco es cortada -del mismo artífice y del mesmo paño que la primera, y que en ella te doy a -don Quijote dilatado, y, finalmente, muerto y sepultado, porque ninguno se -atreva a levantarle nuevos testimonios, pues bastan los pasados y basta -también que un hombre honrado haya dado noticia destas discretas locuras, -sin querer de nuevo entrarse en ellas: que la abundancia de las cosas, -aunque sean buenas, hace que no se estimen, y la carestía, aun de las -malas, se estima en algo. Olvídaseme de decirte que esperes el Persiles, -que ya estoy acabando, y la segunda parte de Galatea. - -DEDICATORIA, AL CONDE DE LEMOS - -Enviando a Vuestra Excelencia los días pasados mis comedias, antes impresas -que representadas, si bien me acuerdo, dije que don Quijote quedaba -calzadas las espuelas para ir a besar las manos a Vuestra Excelencia; y -ahora digo que se las ha calzado y se ha puesto en camino, y si él allá -llega, me parece que habré hecho algún servicio a Vuestra Excelencia, -porque es mucha la priesa que de infinitas partes me dan a que le envíe -para quitar el hámago y la náusea que ha causado otro don Quijote, que, con -nombre de segunda parte, se ha disfrazado y corrido por el orbe; y el que -más ha mostrado desearle ha sido el grande emperador de la China, pues en -lengua chinesca habrá un mes que me escribió una carta con un propio, -pidiéndome, o, por mejor decir, suplicándome se le enviase, porque quería -fundar un colegio donde se leyese la lengua castellana, y quería que el -libro que se leyese fuese el de la historia de don Quijote. Juntamente con -esto, me decía que fuese yo a ser el rector del tal colegio. - -Preguntéle al portador si Su Majestad le había dado para mí alguna ayuda de -costa. Respondióme que ni por pensamiento. ''Pues, hermano —le respondí -yo—, vos os podéis volver a vuestra China a las diez, o a las veinte, o a -las que venís despachado, porque yo no estoy con salud para ponerme en tan -largo viaje; además que, sobre estar enfermo, estoy muy sin dineros, y -emperador por emperador, y monarca por monarca, en Nápoles tengo al grande -conde de Lemos, que, sin tantos titulillos de colegios ni rectorías, me -sustenta, me ampara y hace más merced que la que yo acierto a desear''. - -Con esto le despedí, y con esto me despido, ofreciendo a Vuestra Excelencia -los Trabajos de Persiles y Sigismunda, libro a quien daré fin dentro de -cuatro meses, Deo volente; el cual ha de ser o el más malo o el mejor que -en nuestra lengua se haya compuesto, quiero decir de los de -entretenimiento; y digo que me arrepiento de haber dicho el más malo, -porque, según la opinión de mis amigos, ha de llegar al estremo de bondad -posible. - -Venga Vuestra Excelencia con la salud que es deseado; que ya estará -Persiles para besarle las manos, y yo los pies, como criado que soy de -Vuestra Excelencia. De Madrid, último de otubre de mil seiscientos y -quince. - -Criado de Vuestra Excelencia, - -Miguel de Cervantes Saavedra. - - - - -Capítulo Primero. De lo que el cura y el barbero pasaron con don Quijote -cerca de su enfermedad - -Cuenta Cide Hamete Benengeli, en la segunda parte desta historia y tercera -salida de don Quijote, que el cura y el barbero se estuvieron casi un mes -sin verle, por no renovarle y traerle a la memoria las cosas pasadas; pero -no por esto dejaron de visitar a su sobrina y a su ama, encargándolas -tuviesen cuenta con regalarle, dándole a comer cosas confortativas y -apropiadas para el corazón y el celebro, de donde procedía, según buen -discurso, toda su mala ventura. Las cuales dijeron que así lo hacían, y lo -harían, con la voluntad y cuidado posible, porque echaban de ver que su -señor por momentos iba dando muestras de estar en su entero juicio; de lo -cual recibieron los dos gran contento, por parecerles que habían acertado -en haberle traído encantado en el carro de los bueyes, como se contó en la -primera parte desta tan grande como puntual historia, en su último -capítulo. Y así, determinaron de visitarle y hacer esperiencia de su -mejoría, aunque tenían casi por imposible que la tuviese, y acordaron de no -tocarle en ningún punto de la andante caballería, por no ponerse a peligro -de descoser los de la herida, que tan tiernos estaban. - -Visitáronle, en fin, y halláronle sentado en la cama, vestida una almilla -de bayeta verde, con un bonete colorado toledano; y estaba tan seco y -amojamado, que no parecía sino hecho de carne momia. Fueron dél muy bien -recebidos, preguntáronle por su salud, y él dio cuenta de sí y de ella con -mucho juicio y con muy elegantes palabras; y en el discurso de su plática -vinieron a tratar en esto que llaman razón de estado y modos de gobierno, -enmendando este abuso y condenando aquél, reformando una costumbre y -desterrando otra, haciéndose cada uno de los tres un nuevo legislador, un -Licurgo moderno o un Solón flamante; y de tal manera renovaron la -república, que no pareció sino que la habían puesto en una fragua, y sacado -otra de la que pusieron; y habló don Quijote con tanta discreción en todas -las materias que se tocaron, que los dos esaminadores creyeron -indubitadamente que estaba del todo bueno y en su entero juicio. - -Halláronse presentes a la plática la sobrina y ama, y no se hartaban de dar -gracias a Dios de ver a su señor con tan buen entendimiento; pero el cura, -mudando el propósito primero, que era de no tocarle en cosa de caballerías, -quiso hacer de todo en todo esperiencia si la sanidad de don Quijote era -falsa o verdadera, y así, de lance en lance, vino a contar algunas nuevas -que habían venido de la corte; y, entre otras, dijo que se tenía por cierto -que el Turco bajaba con una poderosa armada, y que no se sabía su designio, -ni adónde había de descargar tan gran nublado; y, con este temor, con que -casi cada año nos toca arma, estaba puesta en ella toda la cristiandad, y -Su Majestad había hecho proveer las costas de Nápoles y Sicilia y la isla -de Malta. A esto respondió don Quijote: - -— Su Majestad ha hecho como prudentísimo guerrero en proveer sus estados con -tiempo, porque no le halle desapercebido el enemigo; pero si se tomara mi -consejo, aconsejárale yo que usara de una prevención, de la cual Su -Majestad la hora de agora debe estar muy ajeno de pensar en ella. - -Apenas oyó esto el cura, cuando dijo entre sí: - -— ¡Dios te tenga de su mano, pobre don Quijote: que me parece que te -despeñas de la alta cumbre de tu locura hasta el profundo abismo de tu -simplicidad! - -Mas el barbero, que ya había dado en el mesmo pensamiento que el cura, -preguntó a don Quijote cuál era la advertencia de la prevención que decía -era bien se hiciese; quizá podría ser tal, que se pusiese en la lista de -los muchos advertimientos impertinentes que se suelen dar a los príncipes. - -— El mío, señor rapador —dijo don Quijote—, no será impertinente, sino -perteneciente. - -— No lo digo por tanto —replicó el barbero—, sino porque tiene mostrado la -esperiencia que todos o los más arbitrios que se dan a Su Majestad, o son -imposibles, o disparatados, o en daño del rey o del reino. - -— Pues el mío —respondió don Quijote— ni es imposible ni disparatado, sino -el más fácil, el más justo y el más mañero y breve que puede caber en -pensamiento de arbitrante alguno. - -— Ya tarda en decirle vuestra merced, señor don Quijote —dijo el cura. - -— No querría —dijo don Quijote— que le dijese yo aquí agora, y amaneciese -mañana en los oídos de los señores consejeros, y se llevase otro las -gracias y el premio de mi trabajo. - -— Por mí —dijo el barbero—, doy la palabra, para aquí y para delante de -Dios, de no decir lo que vuestra merced dijere a rey ni a roque, ni a -hombre terrenal, juramento que aprendí del romance del cura que en el -prefacio avisó al rey del ladrón que le había robado las cien doblas y la -su mula la andariega. - -— No sé historias —dijo don Quijote—, pero sé que es bueno ese juramento, en -fee de que sé que es hombre de bien el señor barbero. - -— Cuando no lo fuera —dijo el cura—, yo le abono y salgo por él, que en este -caso no hablará más que un mudo, so pena de pagar lo juzgado y sentenciado. - -— Y a vuestra merced, ¿quién le fía, señor cura? —dijo don Quijote. - -— Mi profesión —respondió el cura—, que es de guardar secreto. - -— ¡Cuerpo de tal! —dijo a esta sazón don Quijote—. ¿Hay más, sino mandar Su -Majestad por público pregón que se junten en la corte para un día señalado -todos los caballeros andantes que vagan por España; que, aunque no viniesen -sino media docena, tal podría venir entre ellos, que solo bastase a -destruir toda la potestad del Turco? Esténme vuestras mercedes atentos, y -vayan conmigo. ¿Por ventura es cosa nueva deshacer un solo caballero -andante un ejército de docientos mil hombres, como si todos juntos tuvieran -una sola garganta, o fueran hechos de alfenique? Si no, díganme: ¿cuántas -historias están llenas destas maravillas? ¡Había, en hora mala para mí, que -no quiero decir para otro, de vivir hoy el famoso don Belianís, o alguno de -los del inumerable linaje de Amadís de Gaula; que si alguno déstos hoy -viviera y con el Turco se afrontara, a fee que no le arrendara la ganancia! -Pero Dios mirará por su pueblo, y deparará alguno que, si no tan bravo como -los pasados andantes caballeros, a lo menos no les será inferior en el -ánimo; y Dios me entiende, y no digo más. - -— ¡Ay! —dijo a este punto la sobrina—; ¡que me maten si no quiere mi señor -volver a ser caballero andante! - -A lo que dijo don Quijote: - -— Caballero andante he de morir, y baje o suba el Turco cuando él quisiere y -cuan poderosamente pudiere; que otra vez digo que Dios me entiende. - -A esta sazón dijo el barbero: - -— Suplico a vuestras mercedes que se me dé licencia para contar un cuento -breve que sucedió en Sevilla, que, por venir aquí como de molde, me da gana -de contarle. - -Dio la licencia don Quijote, y el cura y los demás le prestaron atención, y -él comenzó desta manera: - -— «En la casa de los locos de Sevilla estaba un hombre a quien sus parientes -habían puesto allí por falto de juicio. Era graduado en cánones por Osuna, -pero, aunque lo fuera por Salamanca, según opinión de muchos, no dejara de -ser loco. Este tal graduado, al cabo de algunos años de recogimiento, se -dio a entender que estaba cuerdo y en su entero juicio, y con esta -imaginación escribió al arzobispo, suplicándole encarecidamente y con muy -concertadas razones le mandase sacar de aquella miseria en que vivía, pues -por la misericordia de Dios había ya cobrado el juicio perdido; pero que -sus parientes, por gozar de la parte de su hacienda, le tenían allí, y, a -pesar de la verdad, querían que fuese loco hasta la muerte. - -»El arzobispo, persuadido de muchos billetes concertados y discretos, mandó -a un capellán suyo se informase del retor de la casa si era verdad lo que -aquel licenciado le escribía, y que asimesmo hablase con el loco, y que si -le pareciese que tenía juicio, le sacase y pusiese en libertad. Hízolo así -el capellán, y el retor le dijo que aquel hombre aún se estaba loco: que, -puesto que hablaba muchas veces como persona de grande entendimiento, al -cabo disparaba con tantas necedades, que en muchas y en grandes igualaban a -sus primeras discreciones, como se podía hacer la esperiencia hablándole. -Quiso hacerla el capellán, y, poniéndole con el loco, habló con él una hora -y más, y en todo aquel tiempo jamás el loco dijo razón torcida ni -disparatada; antes, habló tan atentadamente, que el capellán fue forzado a -creer que el loco estaba cuerdo; y entre otras cosas que el loco le dijo -fue que el retor le tenía ojeriza, por no perder los regalos que sus -parientes le hacían porque dijese que aún estaba loco, y con lúcidos -intervalos; y que el mayor contrario que en su desgracia tenía era su mucha -hacienda, pues, por gozar della sus enemigos, ponían dolo y dudaban de la -merced que Nuestro Señor le había hecho en volverle de bestia en hombre. -Finalmente, él habló de manera que hizo sospechoso al retor, codiciosos y -desalmados a sus parientes, y a él tan discreto que el capellán se -determinó a llevársele consigo a que el arzobispo le viese y tocase con la -mano la verdad de aquel negocio. - -»Con esta buena fee, el buen capellán pidió al retor mandase dar los -vestidos con que allí había entrado el licenciado; volvió a decir el retor -que mirase lo que hacía, porque, sin duda alguna, el licenciado aún se -estaba loco. No sirvieron de nada para con el capellán las prevenciones y -advertimientos del retor para que dejase de llevarle; obedeció el retor, -viendo ser orden del arzobispo; pusieron al licenciado sus vestidos, que -eran nuevos y decentes, y, como él se vio vestido de cuerdo y desnudo de -loco, suplicó al capellán que por caridad le diese licencia para ir a -despedirse de sus compañeros los locos. El capellán dijo que él le quería -acompañar y ver los locos que en la casa había. Subieron, en efeto, y con -ellos algunos que se hallaron presentes; y, llegado el licenciado a una -jaula adonde estaba un loco furioso, aunque entonces sosegado y quieto, le -dijo: ''Hermano mío, mire si me manda algo, que me voy a mi casa; que ya -Dios ha sido servido, por su infinita bondad y misericordia, sin yo -merecerlo, de volverme mi juicio: ya estoy sano y cuerdo; que acerca del -poder de Dios ninguna cosa es imposible. Tenga grande esperanza y confianza -en Él, que, pues a mí me ha vuelto a mi primero estado, también le volverá -a él si en Él confía. Yo tendré cuidado de enviarle algunos regalos que -coma, y cómalos en todo caso, que le hago saber que imagino, como quien ha -pasado por ello, que todas nuestras locuras proceden de tener los estómagos -vacíos y los celebros llenos de aire. Esfuércese, esfuércese, que el -descaecimiento en los infortunios apoca la salud y acarrea la muerte''. - -»Todas estas razones del licenciado escuchó otro loco que estaba en otra -jaula, frontero de la del furioso, y, levantándose de una estera vieja -donde estaba echado y desnudo en cueros, preguntó a grandes voces quién era -el que se iba sano y cuerdo. El licenciado respondió: ''Yo soy, hermano, el -que me voy; que ya no tengo necesidad de estar más aquí, por lo que doy -infinitas gracias a los cielos, que tan grande merced me han hecho''. -''Mirad lo que decís, licenciado, no os engañe el diablo —replicó el loco—; -sosegad el pie, y estaos quedito en vuestra casa, y ahorraréis la vuelta''. -''Yo sé que estoy bueno —replicó el licenciado—, y no habrá para qué tornar -a andar estaciones''. ''¿Vos bueno? —dijo el loco—: agora bien, ello dirá; -andad con Dios, pero yo os voto a Júpiter, cuya majestad yo represento en -la tierra, que por solo este pecado que hoy comete Sevilla, en sacaros -desta casa y en teneros por cuerdo, tengo de hacer un tal castigo en ella, -que quede memoria dél por todos los siglos del los siglos, amén. ¿No sabes -tú, licenciadillo menguado, que lo podré hacer, pues, como digo, soy -Júpiter Tonante, que tengo en mis manos los rayos abrasadores con que puedo -y suelo amenazar y destruir el mundo? Pero con sola una cosa quiero -castigar a este ignorante pueblo, y es con no llover en él ni en todo su -distrito y contorno por tres enteros años, que se han de contar desde el -día y punto en que ha sido hecha esta amenaza en adelante. ¿Tú libre, tú -sano, tú cuerdo, y yo loco, y yo enfermo, y yo atado...? Así pienso llover -como pensar ahorcarme''. - -»A las voces y a las razones del loco estuvieron los circustantes atentos, -pero nuestro licenciado, volviéndose a nuestro capellán y asiéndole de las -manos, le dijo: ''No tenga vuestra merced pena, señor mío, ni haga caso de -lo que este loco ha dicho, que si él es Júpiter y no quisiere llover, yo, -que soy Neptuno, el padre y el dios de las aguas, lloveré todas las veces -que se me antojare y fuere menester''. A lo que respondió el capellán: -''Con todo eso, señor Neptuno, no será bien enojar al señor Júpiter: -vuestra merced se quede en su casa, que otro día, cuando haya más comodidad -y más espacio, volveremos por vuestra merced''. Rióse el retor y los -presentes, por cuya risa se medio corrió el capellán; desnudaron al -licenciado, quedóse en casa y acabóse el cuento.» - -— Pues, ¿éste es el cuento, señor barbero —dijo don Quijote—, que, por venir -aquí como de molde, no podía dejar de contarle? ¡Ah, señor rapista, señor -rapista, y cuán ciego es aquel que no vee por tela de cedazo! Y ¿es posible -que vuestra merced no sabe que las comparaciones que se hacen de ingenio a -ingenio, de valor a valor, de hermosura a hermosura y de linaje a linaje -son siempre odiosas y mal recebidas? Yo, señor barbero, no soy Neptuno, el -dios de las aguas, ni procuro que nadie me tenga por discreto no lo siendo; -sólo me fatigo por dar a entender al mundo en el error en que está en no -renovar en sí el felicísimo tiempo donde campeaba la orden de la andante -caballería. Pero no es merecedora la depravada edad nuestra de gozar tanto -bien como el que gozaron las edades donde los andantes caballeros tomaron a -su cargo y echaron sobre sus espaldas la defensa de los reinos, el amparo -de las doncellas, el socorro de los huérfanos y pupilos, el castigo de los -soberbios y el premio de los humildes. Los más de los caballeros que agora -se usan, antes les crujen los damascos, los brocados y otras ricas telas de -que se visten, que la malla con que se arman; ya no hay caballero que -duerma en los campos, sujeto al rigor del cielo, armado de todas armas -desde los pies a la cabeza; y ya no hay quien, sin sacar los pies de los -estribos, arrimado a su lanza, sólo procure descabezar, como dicen, el -sueño, como lo hacían los caballeros andantes. Ya no hay ninguno que, -saliendo deste bosque, entre en aquella montaña, y de allí pise una estéril -y desierta playa del mar, las más veces proceloso y alterado, y, hallando -en ella y en su orilla un pequeño batel sin remos, vela, mástil ni jarcia -alguna, con intrépido corazón se arroje en él, entregándose a las -implacables olas del mar profundo, que ya le suben al cielo y ya le bajan -al abismo; y él, puesto el pecho a la incontrastable borrasca, cuando menos -se cata, se halla tres mil y más leguas distante del lugar donde se -embarcó, y, saltando en tierra remota y no conocida, le suceden cosas -dignas de estar escritas, no en pergaminos, sino en bronces. Mas agora, ya -triunfa la pereza de la diligencia, la ociosidad del trabajo, el vicio de -la virtud, la arrogancia de la valentía y la teórica de la práctica de las -armas, que sólo vivieron y resplandecieron en las edades del oro y en los -andantes caballeros. Si no, díganme: ¿quién más honesto y más valiente que -el famoso Amadís de Gaula?; ¿quién más discreto que Palmerín de -Inglaterra?; ¿quién más acomodado y manual que Tirante el Blanco?; ¿quién -más galán que Lisuarte de Grecia?; ¿quién más acuchillado ni acuchillador -que don Belianís?; ¿quién más intrépido que Perión de Gaula, o quién más -acometedor de peligros que Felixmarte de Hircania, o quién más sincero que -Esplandián?; ¿quién mas arrojado que don Cirongilio de Tracia?; ¿quién más -bravo que Rodamonte?; ¿quién más prudente que el rey Sobrino?; ¿quién más -atrevido que Reinaldos?; ¿quién más invencible que Roldán?; y ¿quién más -gallardo y más cortés que Rugero, de quien decienden hoy los duques de -Ferrara, según Turpín en su Cosmografía? Todos estos caballeros, y otros -muchos que pudiera decir, señor cura, fueron caballeros andantes, luz y -gloria de la caballería. Déstos, o tales como éstos, quisiera yo que fueran -los de mi arbitrio, que, a serlo, Su Majestad se hallara bien servido y -ahorrara de mucho gasto, y el Turco se quedara pelando las barbas, y con -esto, no quiero quedar en mi casa, pues no me saca el capellán della; y si -su Júpiter, como ha dicho el barbero, no lloviere, aquí estoy yo, que -lloveré cuando se me antojare. Digo esto porque sepa el señor Bacía que le -entiendo. - -— En verdad, señor don Quijote —dijo el barbero—, que no lo dije por tanto, -y así me ayude Dios como fue buena mi intención, y que no debe vuestra -merced sentirse. - -— Si puedo sentirme o no —respondió don Quijote—, yo me lo sé. - -A esto dijo el cura: - -— Aun bien que yo casi no he hablado palabra hasta ahora, y no quisiera -quedar con un escrúpulo que me roe y escarba la conciencia, nacido de lo -que aquí el señor don Quijote ha dicho. - -— Para otras cosas más —respondió don Quijote— tiene licencia el señor cura; -y así, puede decir su escrúpulo, porque no es de gusto andar con la -conciencia escrupulosa. - -— Pues con ese beneplácito —respondió el cura—, digo que mi escrúpulo es que -no me puedo persuadir en ninguna manera a que toda la caterva de caballeros -andantes que vuestra merced, señor don Quijote, ha referido, hayan sido -real y verdaderamente personas de carne y hueso en el mundo; antes, imagino -que todo es ficción, fábula y mentira, y sueños contados por hombres -despiertos, o, por mejor decir, medio dormidos. - -— Ése es otro error —respondió don Quijote— en que han caído muchos, que no -creen que haya habido tales caballeros en el mundo; y yo muchas veces, -con diversas gentes y ocasiones, he procurado sacar a la luz de la verdad -este casi común engaño; pero algunas veces no he salido con mi intención, y -otras sí, sustentándola sobre los hombros de la verdad; la cual verdad es -tan cierta, que estoy por decir que con mis propios ojos vi a Amadís de -Gaula, que era un hombre alto de cuerpo, blanco de rostro, bien puesto de -barba, aunque negra, de vista entre blanda y rigurosa, corto de razones, -tardo en airarse y presto en deponer la ira; y del modo que he delineado a -Amadís pudiera, a mi parecer, pintar y descubrir todos cuantos caballeros -andantes andan en las historias en el orbe, que, por la aprehensión que -tengo de que fueron como sus historias cuentan, y por las hazañas que -hicieron y condiciones que tuvieron, se pueden sacar por buena filosofía -sus faciones, sus colores y estaturas. - -— ¿Que tan grande le parece a vuestra merced, mi señor don Quijote —preguntó -el barbero—, debía de ser el gigante Morgante? - -— En esto de gigantes —respondió don Quijote— hay diferentes opiniones, si -los ha habido o no en el mundo; pero la Santa Escritura, que no puede -faltar un átomo en la verdad, nos muestra que los hubo, contándonos la -historia de aquel filisteazo de Golías, que tenía siete codos y medio de -altura, que es una desmesurada grandeza. También en la isla de Sicilia se -han hallado canillas y espaldas tan grandes, que su grandeza manifiesta que -fueron gigantes sus dueños, y tan grandes como grandes torres; que la -geometría saca esta verdad de duda. Pero, con todo esto, no sabré decir con -certidumbre qué tamaño tuviese Morgante, aunque imagino que no debió de ser -muy alto; y muéveme a ser deste parecer hallar en la historia donde se hace -mención particular de sus hazañas que muchas veces dormía debajo de -techado; y, pues hallaba casa donde cupiese, claro está que no era -desmesurada su grandeza. - -— Así es —dijo el cura. - -El cual, gustando de oírle decir tan grandes disparates, le preguntó que -qué sentía acerca de los rostros de Reinaldos de Montalbán y de don Roldán, -y de los demás Doce Pares de Francia, pues todos habían sido caballeros -andantes. - -— De Reinaldos —respondió don Quijote— me atrevo a decir que era ancho de -rostro, de color bermejo, los ojos bailadores y algo saltados, puntoso y -colérico en demasía, amigo de ladrones y de gente perdida. De Roldán, o -Rotolando, o Orlando, que con todos estos nombres le nombran las historias, -soy de parecer y me afirmo que fue de mediana estatura, ancho de espaldas, -algo estevado, moreno de rostro y barbitaheño, velloso en el cuerpo y de -vista amenazadora; corto de razones, pero muy comedido y bien criado. - -— Si no fue Roldán más gentilhombre que vuestra merced ha dicho —replicó el -cura—, no fue maravilla que la señora Angélica la Bella le desdeñase y -dejase por la gala, brío y donaire que debía de tener el morillo -barbiponiente a quien ella se entregó; y anduvo discreta de adamar antes la -blandura de Medoro que la aspereza de Roldán. - -— Esa Angélica —respondió don Quijote—, señor cura, fue una doncella -destraída, andariega y algo antojadiza, y tan lleno dejó el mundo de sus -impertinencias como de la fama de su hermosura: despreció mil señores, mil -valientes y mil discretos, y contentóse con un pajecillo barbilucio, sin -otra hacienda ni nombre que el que le pudo dar de agradecido la amistad que -guardó a su amigo. El gran cantor de su belleza, el famoso Ariosto, por no -atreverse, o por no querer cantar lo que a esta señora le sucedió después -de su ruin entrego, que no debieron ser cosas demasiadamente honestas, la -dejó donde dijo: - -Y como del Catay recibió el cetro, - -quizá otro cantará con mejor plectro. - -Y, sin duda, que esto fue como profecía; que los poetas también se llaman -vates, que quiere decir adivinos. Véese esta verdad clara, porque, después -acá, un famoso poeta andaluz lloró y cantó sus lágrimas, y otro famoso y -único poeta castellano cantó su hermosura. - -— Dígame, señor don Quijote —dijo a esta sazón el barbero—, ¿no ha habido -algún poeta que haya hecho alguna sátira a esa señora Angélica, entre -tantos como la han alabado? - -— Bien creo yo —respondió don Quijote— que si Sacripante o Roldán fueran -poetas, que ya me hubieran jabonado a la doncella; porque es propio y -natural de los poetas desdeñados y no admitidos de sus damas fingidas —o -fingidas, en efeto, de aquéllos a quien ellos escogieron por señoras de sus -pensamientos—, vengarse con sátiras y libelos (venganza, por cierto, -indigna de pechos generosos), pero hasta agora no ha llegado a mi noticia -ningún verso infamatorio contra la señora Angélica, que trujo revuelto el -mundo. - -— ¡Milagro! —dijo el cura. - -Y, en esto, oyeron que la ama y la sobrina, que ya habían dejado la -conversación, daban grandes voces en el patio, y acudieron todos al ruido. - - - - -Capítulo II. Que trata de la notable pendencia que Sancho Panza tuvo con la -sobrina y ama de don Quijote, con otros sujetos graciosos - -Cuenta la historia que las voces que oyeron don Quijote, el cura y el -barbero eran de la sobrina y ama, que las daban diciendo a Sancho Panza, -que pugnaba por entrar a ver a don Quijote, y ellas le defendían la puerta: - -— ¿Qué quiere este mostrenco en esta casa? Idos a la vuestra, hermano, que -vos sois, y no otro, el que destrae y sonsaca a mi señor, y le lleva por -esos andurriales. - -A lo que Sancho respondió: - -— Ama de Satanás, el sonsacado, y el destraído, y el llevado por esos -andurriales soy yo, que no tu amo; él me llevó por esos mundos, y vosotras -os engañáis en la mitad del justo precio: él me sacó de mi casa con -engañifas, prometiéndome una ínsula, que hasta agora la espero. - -— Malas ínsulas te ahoguen —respondió la sobrina—, Sancho maldito. Y ¿qué -son ínsulas? ¿Es alguna cosa de comer, golosazo, comilón, que tú eres? - -— No es de comer —replicó Sancho—, sino de gobernar y regir mejor que cuatro -ciudades y que cuatro alcaldes de corte. - -— Con todo eso —dijo el ama—, no entraréis acá, saco de maldades y costal de -malicias. Id a gobernar vuestra casa y a labrar vuestros pegujares, y -dejaos de pretender ínsulas ni ínsulos. - -Grande gusto recebían el cura y el barbero de oír el coloquio de los tres; -pero don Quijote, temeroso que Sancho se descosiese y desbuchase algún -montón de maliciosas necedades, y tocase en puntos que no le estarían bien -a su crédito, le llamó, y hizo a las dos que callasen y le dejasen entrar. -Entró Sancho, y el cura y el barbero se despidieron de don Quijote, de cuya -salud desesperaron, viendo cuán puesto estaba en sus desvariados -pensamientos, y cuán embebido en la simplicidad de sus malandantes -caballerías; y así, dijo el cura al barbero: - -— Vos veréis, compadre, cómo, cuando menos lo pensemos, nuestro hidalgo sale -otra vez a volar la ribera. - -No pongo yo duda en eso —respondió el barbero—, pero no me maravillo tanto -de la locura del caballero como de la simplicidad del escudero, que tan -creído tiene aquello de la ínsula, que creo que no se lo sacarán del casco -cuantos desengaños pueden imaginarse. - -— Dios los remedie —dijo el cura—, y estemos a la mira: veremos en lo que -para esta máquina de disparates de tal caballero y de tal escudero, que -parece que los forjaron a los dos en una mesma turquesa, y que las locuras -del señor, sin las necedades del criado, no valían un ardite. - -— Así es —dijo el barbero—, y holgara mucho saber qué tratarán ahora los -dos. - -— Yo seguro —respondió el cura— que la sobrina o el ama nos lo cuenta -después, que no son de condición que dejarán de escucharlo. - -En tanto, don Quijote se encerró con Sancho en su aposento; y, estando -solos, le dijo: - -— Mucho me pesa, Sancho, que hayas dicho y digas que yo fui el que te saqué -de tus casillas, sabiendo que yo no me quedé en mis casas: juntos salimos, -juntos fuimos y juntos peregrinamos; una misma fortuna y una misma suerte -ha corrido por los dos: si a ti te mantearon una vez, a mí me han molido -ciento, y esto es lo que te llevo de ventaja. - -— Eso estaba puesto en razón —respondió Sancho—, porque, según vuestra -merced dice, más anejas son a los caballeros andantes las desgracias que a -sus escuderos. - -— Engáñaste, Sancho —dijo don Quijote—; según aquello, quando caput -dolet..., etcétera. - -— No entiendo otra lengua que la mía —respondió Sancho. - -— Quiero decir —dijo don Quijote— que, cuando la cabeza duele, todos los -miembros duelen; y así, siendo yo tu amo y señor, soy tu cabeza, y tú mi -parte, pues eres mi criado; y, por esta razón, el mal que a mí me toca, o -tocare, a ti te ha de doler, y a mí el tuyo. - -— Así había de ser —dijo Sancho—, pero cuando a mí me manteaban como a -miembro, se estaba mi cabeza detrás de las bardas, mirándome volar por los -aires, sin sentir dolor alguno; y, pues los miembros están obligados a -dolerse del mal de la cabeza, había de estar obligada ella a dolerse -dellos. - -— ¿Querrás tú decir agora, Sancho —respondió don Quijote—, que no me dolía -yo cuando a ti te manteaban? Y si lo dices, no lo digas, ni lo pienses; -pues más dolor sentía yo entonces en mi espíritu que tú en tu cuerpo. Pero -dejemos esto aparte por agora, que tiempo habrá donde lo ponderemos y -pongamos en su punto, y dime, Sancho amigo: ¿qué es lo que dicen de mí por -ese lugar? ¿En qué opinión me tiene el vulgo, en qué los hidalgos y en qué -los caballeros? ¿Qué dicen de mi valentía, qué de mis hazañas y qué de mi -cortesía? ¿Qué se platica del asumpto que he tomado de resucitar y volver -al mundo la ya olvidada orden caballeresca? Finalmente, quiero, Sancho, me -digas lo que acerca desto ha llegado a tus oídos; y esto me has de decir -sin añadir al bien ni quitar al mal cosa alguna, que de los vasallos leales -es decir la verdad a sus señores en su ser y figura propia, sin que la -adulación la acreciente o otro vano respeto la disminuya; y quiero que -sepas, Sancho, que si a los oídos de los príncipes llegase la verdad -desnuda, sin los vestidos de la lisonja, otros siglos correrían, otras -edades serían tenidas por más de hierro que la nuestra, que entiendo que, -de las que ahora se usan, es la dorada. Sírvate este advertimiento, Sancho, -para que discreta y bienintencionadamente pongas en mis oídos la verdad de -las cosas que supieres de lo que te he preguntado. - -— Eso haré yo de muy buena gana, señor mío —respondió Sancho—, con condición -que vuestra merced no se ha de enojar de lo que dijere, pues quiere que lo -diga en cueros, sin vestirlo de otras ropas de aquellas con que llegaron a -mi noticia. - -— En ninguna manera me enojaré —respondió don Quijote—. Bien puedes, Sancho, -hablar libremente y sin rodeo alguno. - -— Pues lo primero que digo —dijo—, es que el vulgo tiene a vuestra merced -por grandísimo loco, y a mí por no menos mentecato. Los hidalgos dicen que, -no conteniéndose vuestra merced en los límites de la hidalguía, se ha -puesto don y se ha arremetido a caballero con cuatro cepas y dos yugadas de -tierra y con un trapo atrás y otro adelante. Dicen los caballeros que no -querrían que los hidalgos se opusiesen a ellos, especialmente aquellos -hidalgos escuderiles que dan humo a los zapatos y toman los puntos de las -medias negras con seda verde. - -— Eso —dijo don Quijote— no tiene que ver conmigo, pues ando siempre bien -vestido, y jamás remendado; roto, bien podría ser; y el roto, más de las -armas que del tiempo. - -— En lo que toca —prosiguió Sancho— a la valentía, cortesía, hazañas y -asumpto de vuestra merced, hay diferentes opiniones; unos dicen: "loco, -pero gracioso"; otros, "valiente, pero desgraciado"; otros, "cortés, pero -impertinente"; y por aquí van discurriendo en tantas cosas, que ni a -vuestra merced ni a mí nos dejan hueso sano. - -— Mira, Sancho —dijo don Quijote—: dondequiera que está la virtud en -eminente grado, es perseguida. Pocos o ninguno de los famosos varones que -pasaron dejó de ser calumniado de la malicia. Julio César, animosísimo, -prudentísimo y valentísimo capitán, fue notado de ambicioso y algún tanto -no limpio, ni en sus vestidos ni en sus costumbres. Alejandro, a quien sus -hazañas le alcanzaron el renombre de Magno, dicen dél que tuvo sus ciertos -puntos de borracho. De Hércules, el de los muchos trabajos, se cuenta que -fue lascivo y muelle. De don Galaor, hermano de Amadís de Gaula, se murmura -que fue más que demasiadamente rijoso; y de su hermano, que fue llorón. Así -que, ¡oh Sancho!, entre las tantas calumnias de buenos, bien pueden pasar -las mías, como no sean más de las que has dicho. - -— ¡Ahí está el toque, cuerpo de mi padre! —replicó Sancho. - -— Pues, ¿hay más? —preguntó don Quijote. - -— Aún la cola falta por desollar —dijo Sancho—. Lo de hasta aquí son tortas -y pan pintado; mas si vuestra merced quiere saber todo lo que hay acerca de -las caloñas que le ponen, yo le traeré aquí luego al momento quien se las -diga todas, sin que les falte una meaja; que anoche llegó el hijo de -Bartolomé Carrasco, que viene de estudiar de Salamanca, hecho bachiller, y, -yéndole yo a dar la bienvenida, me dijo que andaba ya en libros la historia -de vuestra merced, con nombre del Ingenioso Hidalgo don Quijote de la -Mancha; y dice que me mientan a mí en ella con mi mesmo nombre de Sancho -Panza, y a la señora Dulcinea del Toboso, con otras cosas que pasamos -nosotros a solas, que me hice cruces de espantado cómo las pudo saber el -historiador que las escribió. - -— Yo te aseguro, Sancho —dijo don Quijote—, que debe de ser algún sabio -encantador el autor de nuestra historia; que a los tales no se les encubre -nada de lo que quieren escribir. - -— Y ¡cómo —dijo Sancho— si era sabio y encantador, pues (según dice el -bachiller Sansón Carrasco, que así se llama el que dicho tengo) que el -autor de la historia se llama Cide Hamete Berenjena! - -— Ese nombre es de moro —respondió don Quijote. - -— Así será —respondió Sancho—, porque por la mayor parte he oído decir que -los moros son amigos de berenjenas. - -— Tú debes, Sancho —dijo don Quijote—, errarte en el sobrenombre de ese -Cide, que en arábigo quiere decir señor. - -— Bien podría ser —replicó Sancho—, mas, si vuestra merced gusta que yo le -haga venir aquí, iré por él en volandas. - -— Harásme mucho placer, amigo —dijo don Quijote—, que me tiene suspenso lo -que me has dicho, y no comeré bocado que bien me sepa hasta ser informado -de todo. - -— Pues yo voy por él —respondió Sancho. - -Y, dejando a su señor, se fue a buscar al bachiller, con el cual volvió de -allí a poco espacio, y entre los tres pasaron un graciosísimo coloquio. - - - - -Capítulo III. Del ridículo razonamiento que pasó entre don Quijote, Sancho -Panza y el bachiller Sansón Carrasco - -Pensativo además quedó don Quijote, esperando al bachiller Carrasco, de -quien esperaba oír las nuevas de sí mismo puestas en libro, como había -dicho Sancho; y no se podía persuadir a que tal historia hubiese, pues aún -no estaba enjuta en la cuchilla de su espada la sangre de los enemigos que -había muerto, y ya querían que anduviesen en estampa sus altas caballerías. -Con todo eso, imaginó que algún sabio, o ya amigo o enemigo, por arte de -encantamento las habrá dado a la estampa: si amigo, para engrandecerlas y -levantarlas sobre las más señaladas de caballero andante; si enemigo, para -aniquilarlas y ponerlas debajo de las más viles que de algún vil escudero -se hubiesen escrito, puesto —decía entre sí— que nunca hazañas de escuderos -se escribieron; y cuando fuese verdad que la tal historia hubiese, siendo -de caballero andante, por fuerza había de ser grandílocua, alta, insigne, -magnífica y verdadera. - -Con esto se consoló algún tanto, pero desconsolóle pensar que su autor era -moro, según aquel nombre de Cide; y de los moros no se podía esperar verdad -alguna, porque todos son embelecadores, falsarios y quimeristas. Temíase no -hubiese tratado sus amores con alguna indecencia, que redundase en -menoscabo y perjuicio de la honestidad de su señora Dulcinea del Toboso; -deseaba que hubiese declarado su fidelidad y el decoro que siempre la había -guardado, menospreciando reinas, emperatrices y doncellas de todas -calidades, teniendo a raya los ímpetus de los naturales movimientos; y así, -envuelto y revuelto en estas y otras muchas imaginaciones, le hallaron -Sancho y Carrasco, a quien don Quijote recibió con mucha cortesía. - -Era el bachiller, aunque se llamaba Sansón, no muy grande de cuerpo, aunque -muy gran socarrón, de color macilenta, pero de muy buen entendimiento; -tendría hasta veinte y cuatro años, carirredondo, de nariz chata y de -boca grande, señales todas de ser de condición maliciosa y amigo de -donaires y de burlas, como lo mostró en viendo a don Quijote, poniéndose -delante dél de rodillas, diciéndole: - -— Déme vuestra grandeza las manos, señor don Quijote de la Mancha; que, por -el hábito de San Pedro que visto, aunque no tengo otras órdenes que las -cuatro primeras, que es vuestra merced uno de los más famosos caballeros -andantes que ha habido, ni aun habrá, en toda la redondez de la tierra. -Bien haya Cide Hamete Benengeli, que la historia de vuestras grandezas dejó -escritas, y rebién haya el curioso que tuvo cuidado de hacerlas traducir de -arábigo en nuestro vulgar castellano, para universal entretenimiento de las -gentes. - -Hízole levantar don Quijote, y dijo: - -— Desa manera, ¿verdad es que hay historia mía, y que fue moro y sabio el -que la compuso? - -— Es tan verdad, señor —dijo Sansón—, que tengo para mí que el día de hoy -están impresos más de doce mil libros de la tal historia; si no, dígalo -Portugal, Barcelona y Valencia, donde se han impreso; y aun hay fama que se -está imprimiendo en Amberes, y a mí se me trasluce que no ha de haber -nación ni lengua donde no se traduzga. - -— Una de las cosas —dijo a esta sazón don Quijote— que más debe de dar -contento a un hombre virtuoso y eminente es verse, viviendo, andar con buen -nombre por las lenguas de las gentes, impreso y en estampa. Dije con buen -nombre porque, siendo al contrario, ninguna muerte se le igualará. - -— Si por buena fama y si por buen nombre va —dijo el bachiller—, solo -vuestra merced lleva la palma a todos los caballeros andantes; porque el -moro en su lengua y el cristiano en la suya tuvieron cuidado de pintarnos -muy al vivo la gallardía de vuestra merced, el ánimo grande en acometer los -peligros, la paciencia en las adversidades y el sufrimiento, así en las -desgracias como en las heridas, la honestidad y continencia en los amores -tan platónicos de vuestra merced y de mi señora doña Dulcinea del Toboso. - -— Nunca —dijo a este punto Sancho Panza— he oído llamar con don a mi señora -Dulcinea, sino solamente la señora Dulcinea del Toboso, y ya en esto anda -errada la historia. - -— No es objeción de importancia ésa —respondió Carrasco. - -— No, por cierto —respondió don Quijote—; pero dígame vuestra merced, señor -bachiller: ¿qué hazañas mías son las que más se ponderan en esa historia? - -— En eso —respondió el bachiller—, hay diferentes opiniones, como hay -diferentes gustos: unos se atienen a la aventura de los molinos de viento, -que a vuestra merced le parecieron Briareos y gigantes; otros, a la de los -batanes; éste, a la descripción de los dos ejércitos, que después -parecieron ser dos manadas de carneros; aquél encarece la del muerto que -llevaban a enterrar a Segovia; uno dice que a todas se aventaja la de la -libertad de los galeotes; otro, que ninguna iguala a la de los dos gigantes -benitos, con la pendencia del valeroso vizcaíno. - -— Dígame, señor bachiller —dijo a esta sazón Sancho—: ¿entra ahí la aventura -de los yangüeses, cuando a nuestro buen Rocinante se le antojó pedir -cotufas en el golfo? - -— No se le quedó nada —respondió Sansón— al sabio en el tintero: todo lo -dice y todo lo apunta, hasta lo de las cabriolas que el buen Sancho hizo en -la manta. - -— En la manta no hice yo cabriolas —respondió Sancho—; en el aire sí, y aun -más de las que yo quisiera. - -— A lo que yo imagino —dijo don Quijote—, no hay historia humana en el mundo -que no tenga sus altibajos, especialmente las que tratan de caballerías, -las cuales nunca pueden estar llenas de prósperos sucesos. - -— Con todo eso —respondió el bachiller—, dicen algunos que han leído la -historia que se holgaran se les hubiera olvidado a los autores della -algunos de los infinitos palos que en diferentes encuentros dieron al señor -don Quijote. - -— Ahí entra la verdad de la historia —dijo Sancho. - -— También pudieran callarlos por equidad —dijo don Quijote—, pues las -acciones que ni mudan ni alteran la verdad de la historia no hay para qué -escribirlas, si han de redundar en menosprecio del señor de la historia. A -fee que no fue tan piadoso Eneas como Virgilio le pinta, ni tan prudente -Ulises como le describe Homero. - -— Así es —replicó Sansón—, pero uno es escribir como poeta y otro como -historiador: el poeta puede contar, o cantar las cosas, no como fueron, -sino como debían ser; y el historiador las ha de escribir, no como debían -ser, sino como fueron, sin añadir ni quitar a la verdad cosa alguna. - -— Pues si es que se anda a decir verdades ese señor moro —dijo Sancho—, a -buen seguro que entre los palos de mi señor se hallen los míos; porque -nunca a su merced le tomaron la medida de las espaldas que no me la tomasen -a mí de todo el cuerpo; pero no hay de qué maravillarme, pues, como dice el -mismo señor mío, del dolor de la cabeza han de participar los miembros. - -— Socarrón sois, Sancho —respondió don Quijote—. A fee que no os falta -memoria cuando vos queréis tenerla. - -— Cuando yo quisiese olvidarme de los garrotazos que me han dado —dijo -Sancho—, no lo consentirán los cardenales, que aún se están frescos en las -costillas. - -— Callad, Sancho —dijo don Quijote—, y no interrumpáis al señor bachiller, a -quien suplico pase adelante en decirme lo que se dice de mí en la referida -historia. - -— Y de mí —dijo Sancho—, que también dicen que soy yo uno de los principales -presonajes della. - -— Personajes que no presonajes, Sancho amigo —dijo Sansón. - -— ¿Otro reprochador de voquibles tenemos? —dijo Sancho—. Pues ándense a eso, -y no acabaremos en toda la vida. - -— Mala me la dé Dios, Sancho —respondió el bachiller—, si no sois vos la -segunda persona de la historia; y que hay tal, que precia más oíros hablar -a vos que al más pintado de toda ella, puesto que también hay quien diga -que anduvistes demasiadamente de crédulo en creer que podía ser verdad el -gobierno de aquella ínsula, ofrecida por el señor don Quijote, que está -presente. - -— Aún hay sol en las bardas —dijo don Quijote—, y, mientras más fuere -entrando en edad Sancho, con la esperiencia que dan los años, estará más -idóneo y más hábil para ser gobernador que no está agora. - -— Por Dios, señor —dijo Sancho—, la isla que yo no gobernase con los años -que tengo, no la gobernaré con los años de Matusalén. El daño está en que -la dicha ínsula se entretiene, no sé dónde, y no en faltarme a mí el -caletre para gobernarla. - -— Encomendadlo a Dios, Sancho —dijo don Quijote—, que todo se hará bien, y -quizá mejor de lo que vos pensáis; que no se mueve la hoja en el árbol sin -la voluntad de Dios. - -— Así es verdad —dijo Sansón—, que si Dios quiere, no le faltarán a Sancho -mil islas que gobernar, cuanto más una. - -— Gobernador he visto por ahí —dijo Sancho— que, a mi parecer, no llegan a -la suela de mi zapato, y, con todo eso, los llaman señoría, y se sirven con -plata. - -— Ésos no son gobernadores de ínsulas —replicó Sansón—, sino de otros -gobiernos más manuales; que los que gobiernan ínsulas, por lo menos han de -saber gramática. - -— Con la grama bien me avendría yo —dijo Sancho—, pero con la tica, ni me -tiro ni me pago, porque no la entiendo. Pero, dejando esto del gobierno en -las manos de Dios, que me eche a las partes donde más de mí se sirva, digo, -señor bachiller Sansón Carrasco, que infinitamente me ha dado gusto que el -autor de la historia haya hablado de mí de manera que no enfadan las cosas -que de mí se cuentan; que a fe de buen escudero que si hubiera dicho de mí -cosas que no fueran muy de cristiano viejo, como soy, que nos habían de oír -los sordos. - -— Eso fuera hacer milagros —respondió Sansón. - -— Milagros o no milagros —dijo Sancho—, cada uno mire cómo habla o cómo -escribe de las presonas, y no ponga a troche moche lo primero que le viene -al magín. - -— Una de las tachas que ponen a la tal historia —dijo el bachiller— es que -su autor puso en ella una novela intitulada El curioso impertinente; no por -mala ni por mal razonada, sino por no ser de aquel lugar, ni tiene que ver -con la historia de su merced del señor don Quijote. - -— Yo apostaré —replicó Sancho— que ha mezclado el hideperro berzas con -capachos. - -— Ahora digo —dijo don Quijote— que no ha sido sabio el autor de mi -historia, sino algún ignorante hablador, que, a tiento y sin algún -discurso, se puso a escribirla, salga lo que saliere, como hacía Orbaneja, -el pintor de Úbeda, al cual preguntándole qué pintaba, respondió: ''Lo que -saliere''. Tal vez pintaba un gallo, de tal suerte y tan mal parecido, que -era menester que con letras góticas escribiese junto a él: "Éste es gallo". -Y así debe de ser de mi historia, que tendrá necesidad de comento para -entenderla. - -— Eso no —respondió Sansón—, porque es tan clara, que no hay cosa que -dificultar en ella: los niños la manosean, los mozos la leen, los hombres -la entienden y los viejos la celebran; y, finalmente, es tan trillada y tan -leída y tan sabida de todo género de gentes, que, apenas han visto algún -rocín flaco, cuando dicen: "allí va Rocinante". Y los que más se han dado a -su letura son los pajes: no hay antecámara de señor donde no se halle un -Don Quijote: unos le toman si otros le dejan; éstos le embisten y aquéllos -le piden. Finalmente, la tal historia es del más gustoso y menos -perjudicial entretenimiento que hasta agora se haya visto, porque en toda -ella no se descubre, ni por semejas, una palabra deshonesta ni un -pensamiento menos que católico. - -— A escribir de otra suerte —dijo don Quijote—, no fuera escribir verdades, -sino mentiras; y los historiadores que de mentiras se valen habían de ser -quemados, como los que hacen moneda falsa; y no sé yo qué le movió al autor -a valerse de novelas y cuentos ajenos, habiendo tanto que escribir en los -míos: sin duda se debió de atener al refrán: "De paja y de heno...", -etcétera. Pues en verdad que en sólo manifestar mis pensamientos, mis -sospiros, mis lágrimas, mis buenos deseos y mis acometimientos pudiera -hacer un volumen mayor, o tan grande que el que pueden hacer todas las -obras del Tostado. En efeto, lo que yo alcanzo, señor bachiller, es que -para componer historias y libros, de cualquier suerte que sean, es menester -un gran juicio y un maduro entendimiento. Decir gracias y escribir donaires -es de grandes ingenios: la más discreta figura de la comedia es la del -bobo, porque no lo ha de ser el que quiere dar a entender que es simple. La -historia es como cosa sagrada; porque ha de ser verdadera, y donde está la -verdad está Dios, en cuanto a verdad; pero, no obstante esto, hay algunos -que así componen y arrojan libros de sí como si fuesen buñuelos. - -— No hay libro tan malo —dijo el bachiller— que no tenga algo bueno. - -— No hay duda en eso —replicó don Quijote—; pero muchas veces acontece que -los que tenían méritamente granjeada y alcanzada gran fama por sus -escritos, en dándolos a la estampa, la perdieron del todo, o la -menoscabaron en algo. - -— La causa deso es —dijo Sansón— que, como las obras impresas se miran -despacio, fácilmente se veen sus faltas, y tanto más se escudriñan cuanto -es mayor la fama del que las compuso. Los hombres famosos por sus ingenios, -los grandes poetas, los ilustres historiadores, siempre, o las más veces, -son envidiados de aquellos que tienen por gusto y por particular -entretenimiento juzgar los escritos ajenos, sin haber dado algunos propios -a la luz del mundo. - -— Eso no es de maravillar —dijo don Quijote—, porque muchos teólogos hay que -no son buenos para el púlpito, y son bonísimos para conocer las faltas o -sobras de los que predican. - -— Todo eso es así, señor don Quijote —dijo Carrasco—, pero quisiera yo que -los tales censuradores fueran más misericordiosos y menos escrupulosos, sin -atenerse a los átomos del sol clarísimo de la obra de que murmuran; que si -aliquando bonus dormitat Homerus, consideren lo mucho que estuvo despierto, -por dar la luz de su obra con la menos sombra que pudiese; y quizá podría -ser que lo que a ellos les parece mal fuesen lunares, que a las veces -acrecientan la hermosura del rostro que los tiene; y así, digo que es -grandísimo el riesgo a que se pone el que imprime un libro, siendo de toda -imposibilidad imposible componerle tal, que satisfaga y contente a todos -los que le leyeren. - -— El que de mí trata —dijo don Quijote—, a pocos habrá contentado. - -— Antes es al revés; que, como de stultorum infinitus est numerus, infinitos -son los que han gustado de la tal historia; y algunos han puesto falta y -dolo en la memoria del autor, pues se le olvida de contar quién fue el -ladrón que hurtó el rucio a Sancho, que allí no se declara, y sólo se -infiere de lo escrito que se le hurtaron, y de allí a poco le vemos a -caballo sobre el mesmo jumento, sin haber parecido. También dicen que se le -olvidó poner lo que Sancho hizo de aquellos cien escudos que halló en la -maleta en Sierra Morena, que nunca más los nombra, y hay muchos que desean -saber qué hizo dellos, o en qué los gastó, que es uno de los puntos -sustanciales que faltan en la obra. - -— Sancho respondió: - -— Yo, señor Sansón, no estoy ahora para ponerme en cuentas ni cuentos; que -me ha tomado un desmayo de estómago, que si no le reparo con dos tragos de -lo añejo, me pondrá en la espina de Santa Lucía. En casa lo tengo, mi oíslo -me aguarda; en acabando de comer, daré la vuelta, y satisfaré a vuestra -merced y a todo el mundo de lo que preguntar quisieren, así de la pérdida -del jumento como del gasto de los cien escudos. - -Y, sin esperar respuesta ni decir otra palabra, se fue a su casa. - -Don Quijote pidió y rogó al bachiller se quedase a hacer penitencia con él. -Tuvo el bachiller el envite: quedóse, añadióse al ordinaro un par de -pichones, tratóse en la mesa de caballerías, siguióle el humor Carrasco, -acabóse el banquete, durmieron la siesta, volvió Sancho y renovóse la -plática pasada. - - - - -Capítulo IV. Donde Sancho Panza satisface al bachiller Sansón Carrasco de -sus dudas y preguntas, con otros sucesos dignos de saberse y de contarse - -Volvió Sancho a casa de don Quijote, y, volviendo al pasado razonamiento, -dijo: - -— A lo que el señor Sansón dijo que se deseaba saber quién, o cómo, o cuándo -se me hurtó el jumento, respondiendo digo que la noche misma que, huyendo -de la Santa Hermandad, nos entramos en Sierra Morena, después de la -aventura sin ventura de los galeotes y de la del difunto que llevaban a -Segovia, mi señor y yo nos metimos entre una espesura, adonde mi señor -arrimado a su lanza, y yo sobre mi rucio, molidos y cansados de las pasadas -refriegas, nos pusimos a dormir como si fuera sobre cuatro colchones de -pluma; especialmente yo dormí con tan pesado sueño, que quienquiera que fue -tuvo lugar de llegar y suspenderme sobre cuatro estacas que puso a los -cuatro lados de la albarda, de manera que me dejó a caballo sobre ella, y -me sacó debajo de mí al rucio, sin que yo lo sintiese. - -— Eso es cosa fácil, y no acontecimiento nuevo, que lo mesmo le sucedió a -Sacripante cuando, estando en el cerco de Albraca, con esa misma invención -le sacó el caballo de entre las piernas aquel famoso ladrón llamado -Brunelo. - -— Amaneció —prosiguió Sancho—, y, apenas me hube estremecido, cuando, -faltando las estacas, di conmigo en el suelo una gran caída; miré por el -jumento, y no le vi; acudiéronme lágrimas a los ojos, y hice una -lamentación, que si no la puso el autor de nuestra historia, puede hacer -cuenta que no puso cosa buena. Al cabo de no sé cuántos días, viniendo con -la señora princesa Micomicona, conocí mi asno, y que venía sobre él en -hábito de gitano aquel Ginés de Pasamonte, aquel embustero y grandísimo -maleador que quitamos mi señor y yo de la cadena. - -— No está en eso el yerro —replicó Sansón—, sino en que, antes de haber -parecido el jumento, dice el autor que iba a caballo Sancho en el mesmo -rucio. - -— A eso —dijo Sancho—, no sé qué responder, sino que el historiador se -engañó, o ya sería descuido del impresor. - -— Así es, sin duda —dijo Sansón—; pero, ¿qué se hicieron los cien escudos?; -¿deshiciéronse? - -Respondió Sancho: - -— Yo los gasté en pro de mi persona y de la de mi mujer, y de mis hijos, y -ellos han sido causa de que mi mujer lleve en paciencia los caminos y -carreras que he andado sirviendo a mi señor don Quijote; que si, al cabo de -tanto tiempo, volviera sin blanca y sin el jumento a mi casa, negra ventura -me esperaba; y si hay más que saber de mí, aquí estoy, que responderé al -mismo rey en presona, y nadie tiene para qué meterse en si truje o no -truje, si gasté o no gasté; que si los palos que me dieron en estos viajes -se hubieran de pagar a dinero, aunque no se tasaran sino a cuatro maravedís -cada uno, en otros cien escudos no había para pagarme la mitad; y cada uno -meta la mano en su pecho, y no se ponga a juzgar lo blanco por negro y lo -negro por blanco; que cada uno es como Dios le hizo, y aun peor muchas -veces. - -— Yo tendré cuidado —dijo Carrasco— de acusar al autor de la historia que si -otra vez la imprimiere, no se le olvide esto que el buen Sancho ha dicho, -que será realzarla un buen coto más de lo que ella se está. - -— ¿Hay otra cosa que enmendar en esa leyenda, señor bachiller? —preguntó don -Quijote. - -— Sí debe de haber —respondió él—, pero ninguna debe de ser de la -importancia de las ya referidas. - -— Y por ventura —dijo don Quijote—, ¿promete el autor segunda parte? - -— Sí promete —respondió Sansón—, pero dice que no ha hallado ni sabe quién -la tiene, y así, estamos en duda si saldrá o no; y así por esto como porque -algunos dicen: "Nunca segundas partes fueron buenas", y otros: "De las -cosas de don Quijote bastan las escritas", se duda que no ha de haber -segunda parte; aunque algunos que son más joviales que saturninos dicen: -"Vengan más quijotadas: embista don Quijote y hable Sancho Panza, y sea lo -que fuere, que con eso nos contentamos". - -— Y ¿a qué se atiene el autor? - -— A que —respondió Sansón—, en hallando que halle la historia, que él va -buscando con extraordinarias diligencias, la dará luego a la estampa, -llevado más del interés que de darla se le sigue que de otra alabanza -alguna. - -A lo que dijo Sancho: - -— ¿Al dinero y al interés mira el autor? Maravilla será que acierte, porque -no hará sino harbar, harbar, como sastre en vísperas de pascuas, y las -obras que se hacen apriesa nunca se acaban con la perfeción que requieren. -Atienda ese señor moro, o lo que es, a mirar lo que hace; que yo y mi señor -le daremos tanto ripio a la mano en materia de aventuras y de sucesos -diferentes, que pueda componer no sólo segunda parte, sino ciento. Debe de -pensar el buen hombre, sin duda, que nos dormimos aquí en las pajas; pues -ténganos el pie al herrar, y verá del que cosqueamos. Lo que yo sé decir es -que si mi señor tomase mi consejo, ya habíamos de estar en esas campañas -deshaciendo agravios y enderezando tuertos, como es uso y costumbre de los -buenos andantes caballeros. - -No había bien acabado de decir estas razones Sancho, cuando llegaron a sus -oídos relinchos de Rocinante; los cuales relinchos tomó don Quijote por -felicísimo agüero, y determinó de hacer de allí a tres o cuatro días otra -salida; y, declarando su intento al bachiller, le pidió consejo por qué -parte comenzaría su jornada; el cual le respondió que era su parecer que -fuese al reino de Aragón y a la ciudad de Zaragoza, adonde, de allí a pocos -días, se habían de hacer unas solenísimas justas por la fiesta de San -Jorge, en las cuales podría ganar fama sobre todos los caballeros -aragoneses, que sería ganarla sobre todos los del mundo. Alabóle ser -honradísima y valentísima su determinación, y advirtióle que anduviese más -atentado en acometer los peligros, a causa que su vida no era suya, sino de -todos aquellos que le habían de menester para que los amparase y socorriese -en sus desventuras. - -— Deso es lo que yo reniego, señor Sansón —dijo a este punto Sancho—, que -así acomete mi señor a cien hombres armados como un muchacho goloso a media -docena de badeas. ¡Cuerpo del mundo, señor bachiller! Sí, que tiempos hay -de acometer y tiempos de retirar; sí, no ha de ser todo "¡Santiago, y -cierra, España!" Y más, que yo he oído decir, y creo que a mi señor mismo, -si mal no me acuerdo, que en los estremos de cobarde y de temerario está el -medio de la valentía; y si esto es así, no quiero que huya sin tener para -qué, ni que acometa cuando la demasía pide otra cosa. Pero, sobre todo, -aviso a mi señor que si me ha de llevar consigo, ha de ser con condición -que él se lo ha de batallar todo, y que yo no he de estar obligado a otra -cosa que a mirar por su persona en lo que tocare a su limpieza y a su -regalo; que en esto yo le bailaré el agua delante; pero pensar que tengo de -poner mano a la espada, aunque sea contra villanos malandrines de hacha y -capellina, es pensar en lo escusado. Yo, señor Sansón, no pienso granjear -fama de valiente, sino del mejor y más leal escudero que jamás sirvió a -caballero andante; y si mi señor don Quijote, obligado de mis muchos y -buenos servicios, quisiere darme alguna ínsula de las muchas que su merced -dice que se ha de topar por ahí, recibiré mucha merced en ello; y cuando no -me la diere, nacido soy, y no ha de vivir el hombre en hoto de otro sino de -Dios; y más, que tan bien, y aun quizá mejor, me sabrá el pan desgobernado -que siendo gobernador; y ¿sé yo por ventura si en esos gobiernos me tiene -aparejada el diablo alguna zancadilla donde tropiece y caiga y me haga las -muelas? Sancho nací, y Sancho pienso morir; pero si con todo esto, de -buenas a buenas, sin mucha solicitud y sin mucho riesgo, me deparase el -cielo alguna ínsula, o otra cosa semejante, no soy tan necio que la -desechase; que también se dice: "Cuando te dieren la vaquilla, corre con la -soguilla"; y "Cuando viene el bien, mételo en tu casa". - -— Vos, hermano Sancho —dijo Carrasco—, habéis hablado como un catedrático; -pero, con todo eso, confiad en Dios y en el señor don Quijote, que os ha de -dar un reino, no que una ínsula. - -— Tanto es lo de más como lo de menos —respondió Sancho—; aunque sé decir al -señor Carrasco que no echara mi señor el reino que me diera en saco roto, -que yo he tomado el pulso a mí mismo, y me hallo con salud para regir -reinos y gobernar ínsulas, y esto ya otras veces lo he dicho a mi señor. - -— Mirad, Sancho —dijo Sansón—, que los oficios mudan las costumbres, y -podría ser que viéndoos gobernador no conociésedes a la madre que os parió. - -— Eso allá se ha de entender —respondió Sancho— con los que nacieron en las -malvas, y no con los que tienen sobre el alma cuatro dedos de enjundia de -cristianos viejos, como yo los tengo. ¡No, sino llegaos a mi condición, que -sabrá usar de desagradecimiento con alguno! - -— Dios lo haga —dijo don Quijote—, y ello dirá cuando el gobierno venga; que -ya me parece que le trayo entre los ojos. - -Dicho esto, rogó al bachiller que, si era poeta, le hiciese merced de -componerle unos versos que tratasen de la despedida que pensaba hacer de su -señora Dulcinea del Toboso, y que advirtiese que en el principio de cada -verso había de poner una letra de su nombre, de manera que al fin de los -versos, juntando las primeras letras, se leyese: Dulcinea del Toboso. - -El bachiller respondió que, puesto que él no era de los famosos poetas que -había en España, que decían que no eran sino tres y medio, que no dejaría -de componer los tales metros, aunque hallaba una dificultad grande en su -composición, a causa que las letras que contenían el nombre eran diez y -siete; y que si hacía cuatro castellanas de a cuatro versos, sobrara una -letra; y si de a cinco, a quien llaman décimas o redondillas, faltaban tres -letras; pero, con todo eso, procuraría embeber una letra lo mejor que -pudiese, de manera que en las cuatro castellanas se incluyese el nombre de -Dulcinea del Toboso. - -— Ha de ser así en todo caso —dijo don Quijote—; que si allí no va el nombre -patente y de manifiesto, no hay mujer que crea que para ella se hicieron -los metros. - -Quedaron en esto y en que la partida sería de allí a ocho días. Encargó don -Quijote al bachiller la tuviese secreta, especialmente al cura y a maese -Nicolás, y a su sobrina y al ama, porque no estorbasen su honrada y -valerosa determinación. Todo lo prometió Carrasco. Con esto se despidió, -encargando a don Quijote que de todos sus buenos o malos sucesos le -avisase, habiendo comodidad; y así, se despidieron, y Sancho fue a poner en -orden lo necesario para su jornada. - - - - -Capítulo V. De la discreta y graciosa plática que pasó entre Sancho Panza y -su mujer Teresa Panza, y otros sucesos dignos de felice recordación - -(Llegando a escribir el traductor desta historia este quinto capítulo, dice -que le tiene por apócrifo, porque en él habla Sancho Panza con otro estilo -del que se podía prometer de su corto ingenio, y dice cosas tan sutiles, -que no tiene por posible que él las supiese; pero que no quiso dejar de -traducirlo, por cumplir con lo que a su oficio debía; y así, prosiguió -diciendo:) - -Llegó Sancho a su casa tan regocijado y alegre, que su mujer conoció su -alegría a tiro de ballesta; tanto, que la obligó a preguntarle: - -— ¿Qué traés, Sancho amigo, que tan alegre venís? - -A lo que él respondió: - -— Mujer mía, si Dios quisiera, bien me holgara yo de no estar tan contento -como muestro. - -— No os entiendo, marido —replicó ella—, y no sé qué queréis decir en eso de -que os holgáredes, si Dios quisiera, de no estar contento; que, maguer -tonta, no sé yo quién recibe gusto de no tenerle. - -— Mirad, Teresa —respondió Sancho—: yo estoy alegre porque tengo determinado -de volver a servir a mi amo don Quijote, el cual quiere la vez tercera -salir a buscar las aventuras; y yo vuelvo a salir con él, porque lo quiere -así mi necesidad, junto con la esperanza, que me alegra, de pensar si podré -hallar otros cien escudos como los ya gastados, puesto que me entristece el -haberme de apartar de ti y de mis hijos; y si Dios quisiera darme de comer -a pie enjuto y en mi casa, sin traerme por vericuetos y encrucijadas, pues -lo podía hacer a poca costa y no más de quererlo, claro está que mi alegría -fuera más firme y valedera, pues que la que tengo va mezclada con la -tristeza del dejarte; así que, dije bien que holgara, si Dios quisiera, de -no estar contento. - -— Mirad, Sancho —replicó Teresa—: después que os hicistes miembro de -caballero andante habláis de tan rodeada manera, que no hay quien os -entienda. - -— Basta que me entienda Dios, mujer —respondió Sancho—, que Él es el -entendedor de todas las cosas, y quédese esto aquí; y advertid, hermana, -que os conviene tener cuenta estos tres días con el rucio, de manera que -esté para armas tomar: dobladle los piensos, requerid la albarda y las -demás jarcias, porque no vamos a bodas, sino a rodear el mundo, y a tener -dares y tomares con gigantes, con endriagos y con vestiglos, y a oír -silbos, rugidos, bramidos y baladros; y aun todo esto fuera flores de -cantueso si no tuviéramos que entender con yangüeses y con moros -encantados. - -— Bien creo yo, marido —replicó Teresa—, que los escuderos andantes no comen -el pan de balde; y así, quedaré rogando a Nuestro Señor os saque presto de -tanta mala ventura. - -— Yo os digo, mujer —respondió Sancho—, que si no pensase antes de mucho -tiempo verme gobernador de una ínsula, aquí me caería muerto. - -— Eso no, marido mío —dijo Teresa—: viva la gallina, aunque sea con su -pepita; vivid vos, y llévese el diablo cuantos gobiernos hay en el mundo; -sin gobierno salistes del vientre de vuestra madre, sin gobierno habéis -vivido hasta ahora, y sin gobierno os iréis, o os llevarán, a la sepultura -cuando Dios fuere servido. Como ésos hay en el mundo que viven sin -gobierno, y no por eso dejan de vivir y de ser contados en el número de las -gentes. La mejor salsa del mundo es la hambre; y como ésta no falta a los -pobres, siempre comen con gusto. Pero mirad, Sancho: si por ventura os -viéredes con algún gobierno, no os olvidéis de mí y de vuestros hijos. -Advertid que Sanchico tiene ya quince años cabales, y es razón que vaya a -la escuela, si es que su tío el abad le ha de dejar hecho de la Iglesia. -Mirad también que Mari Sancha, vuestra hija, no se morirá si la casamos; -que me va dando barruntos que desea tanto tener marido como vos deseáis -veros con gobierno; y, en fin en fin, mejor parece la hija mal casada que -bien abarraganada. - -— A buena fe —respondió Sancho— que si Dios me llega a tener algo qué de -gobierno, que tengo de casar, mujer mía, a Mari Sancha tan altamente que no -la alcancen sino con llamarla señora. - -— Eso no, Sancho —respondió Teresa—: casadla con su igual, que es lo más -acertado; que si de los zuecos la sacáis a chapines, y de saya parda de -catorceno a verdugado y saboyanas de seda, y de una Marica y un tú a una -doña tal y señoría, no se ha de hallar la mochacha, y a cada paso ha de -caer en mil faltas, descubriendo la hilaza de su tela basta y grosera. - -— Calla, boba —dijo Sancho—, que todo será usarlo dos o tres años; que -después le vendrá el señorío y la gravedad como de molde; y cuando no, ¿qué -importa? Séase ella señoría, y venga lo que viniere. - -— Medíos, Sancho, con vuestro estado —respondió Teresa—; no os queráis alzar -a mayores, y advertid al refrán que dice: "Al hijo de tu vecino, límpiale -las narices y métele en tu casa". ¡Por cierto, que sería gentil cosa casar -a nuestra María con un condazo, o con caballerote que, cuando se le -antojase, la pusiese como nueva, llamándola de villana, hija del -destripaterrones y de la pelarruecas! ¡No en mis días, marido! ¡Para eso, -por cierto, he criado yo a mi hija! Traed vos dineros, Sancho, y el casarla -dejadlo a mi cargo; que ahí está Lope Tocho, el hijo de Juan Tocho, mozo -rollizo y sano, y que le conocemos, y sé que no mira de mal ojo a la -mochacha; y con éste, que es nuestro igual, estará bien casada, y le -tendremos siempre a nuestros ojos, y seremos todos unos, padres y hijos, -nietos y yernos, y andará la paz y la bendición de Dios entre todos -nosotros; y no casármela vos ahora en esas cortes y en esos palacios -grandes, adonde ni a ella la entiendan, ni ella se entienda. - -— Ven acá, bestia y mujer de Barrabás —replicó Sancho—: ¿por qué quieres tú -ahora, sin qué ni para qué, estorbarme que no case a mi hija con quien me -dé nietos que se llamen señoría? Mira, Teresa: siempre he oído decir a mis -mayores que el que no sabe gozar de la ventura cuando le viene, que no se -debe quejar si se le pasa. Y no sería bien que ahora, que está llamando a -nuestra puerta, se la cerremos; dejémonos llevar deste viento favorable que -nos sopla. - -(Por este modo de hablar, y por lo que más abajo dice Sancho, dijo el -tradutor desta historia que tenía por apócrifo este capítulo.) - -— ¿No te parece, animalia —prosiguió Sancho—, que será bien dar con mi -cuerpo en algún gobierno provechoso que nos saque el pie del lodo? Y cásese -a Mari Sancha con quien yo quisiere, y verás cómo te llaman a ti doña -Teresa Panza, y te sientas en la iglesia sobre alcatifa, almohadas y -arambeles, a pesar y despecho de las hidalgas del pueblo. ¡No, sino estaos -siempre en un ser, sin crecer ni menguar, como figura de paramento! Y en -esto no hablemos más, que Sanchica ha de ser condesa, aunque tú más me -digas. - -— ¿Veis cuanto decís, marido? —respondió Teresa—. Pues, con todo eso, temo -que este condado de mi hija ha de ser su perdición. Vos haced lo que -quisiéredes, ora la hagáis duquesa o princesa, pero séos decir que no será -ello con voluntad ni consentimiento mío. Siempre, hermano, fui amiga de la -igualdad, y no puedo ver entonos sin fundamentos. Teresa me pusieron en el -bautismo, nombre mondo y escueto, sin añadiduras ni cortapisas, ni -arrequives de dones ni donas; Cascajo se llamó mi padre, y a mí, por ser -vuestra mujer, me llaman Teresa Panza, que a buena razón me habían de -llamar Teresa Cascajo. Pero allá van reyes do quieren leyes, y con este -nombre me contento, sin que me le pongan un don encima, que pese tanto que -no le pueda llevar, y no quiero dar que decir a los que me vieren andar -vestida a lo condesil o a lo de gobernadora, que luego dirán: ''¡Mirad qué -entonada va la pazpuerca!; ayer no se hartaba de estirar de un copo de -estopa, y iba a misa cubierta la cabeza con la falda de la saya, en lugar -de manto, y ya hoy va con verdugado, con broches y con entono, como si no -la conociésemos''. Si Dios me guarda mis siete, o mis cinco sentidos, o los -que tengo, no pienso dar ocasión de verme en tal aprieto. Vos, hermano, -idos a ser gobierno o ínsulo, y entonaos a vuestro gusto; que mi hija ni -yo, por el siglo de mi madre, que no nos hemos de mudar un paso de nuestra -aldea: la mujer honrada, la pierna quebrada, y en casa; y la doncella -honesta, el hacer algo es su fiesta. Idos con vuestro don Quijote a -vuestras aventuras, y dejadnos a nosotras con nuestras malas venturas, que -Dios nos las mejorará como seamos buenas; y yo no sé, por cierto, quién le -puso a él don, que no tuvieron sus padres ni sus agüelos. - -— Ahora digo —replicó Sancho— que tienes algún familiar en ese cuerpo. -¡Válate Dios, la mujer, y qué de cosas has ensartado unas en otras, sin -tener pies ni cabeza! ¿Qué tiene que ver el Cascajo, los broches, los -refranes y el entono con lo que yo digo? Ven acá, mentecata e ignorante -(que así te puedo llamar, pues no entiendes mis razones y vas huyendo de la -dicha): si yo dijera que mi hija se arrojara de una torre abajo, o que se -fuera por esos mundos, como se quiso ir la infanta doña Urraca, tenías -razón de no venir con mi gusto; pero si en dos paletas, y en menos de un -abrir y cerrar de ojos, te la chanto un don y una señoría a cuestas, y te -la saco de los rastrojos, y te la pongo en toldo y en peana, y en un -estrado de más almohadas de velludo que tuvieron moros en su linaje los -Almohadas de Marruecos, ¿por qué no has de consentir y querer lo que yo -quiero? - -— ¿Sabéis por qué, marido? —respondió Teresa—; por el refrán que dice: -"¡Quien te cubre, te descubre!" Por el pobre todos pasan los ojos como de -corrida, y en el rico los detienen; y si el tal rico fue un tiempo pobre, -allí es el murmurar y el maldecir, y el peor perseverar de los -maldicientes, que los hay por esas calles a montones, como enjambres de -abejas. - -— Mira, Teresa —respondió Sancho—, y escucha lo que agora quiero decirte; -quizá no lo habrás oído en todos los días de tu vida, y yo agora no hablo -de mío; que todo lo que pienso decir son sentencias del padre predicador -que la Cuaresma pasada predicó en este pueblo, el cual, si mal no me -acuerdo, dijo que todas las cosas presentes que los ojos están mirando se -presentan, están y asisten en nuestra memoria mucho mejor y con más -vehemencia que las cosas pasadas. - -(Todas estas razones que aquí va diciendo Sancho son las segundas por quien -dice el tradutor que tiene por apócrifo este capítulo, que exceden a la -capacidad de Sancho. El cual prosiguió diciendo:) - -— De donde nace que, cuando vemos alguna persona bien aderezada, y con ricos -vestidos compuesta, y con pompa de criados, parece que por fuerza nos mueve -y convida a que la tengamos respeto, puesto que la memoria en aquel -instante nos represente alguna bajeza en que vimos a la tal persona; la -cual inominia, ahora sea de pobreza o de linaje, como ya pasó, no es, y -sólo es lo que vemos presente. Y si éste a quien la fortuna sacó del -borrador de su bajeza (que por estas mesmas razones lo dijo el padre) a la -alteza de su prosperidad, fuere bien criado, liberal y cortés con todos, y -no se pusiere en cuentos con aquellos que por antigüedad son nobles, ten -por cierto, Teresa, que no habrá quien se acuerde de lo que fue, sino que -reverencien lo que es, si no fueren los invidiosos, de quien ninguna -próspera fortuna está segura. - -— Yo no os entiendo, marido —replicó Teresa—: haced lo que quisiéredes, y no -me quebréis más la cabeza con vuestras arengas y retóricas. Y si estáis -revuelto en hacer lo que decís... - -— Resuelto has de decir, mujer —dijo Sancho—, y no revuelto. - -— No os pongáis a disputar, marido, conmigo —respondió Teresa—. Yo hablo -como Dios es servido, y no me meto en más dibujos; y digo que si estáis -porfiando en tener gobierno, que llevéis con vos a vuestro hijo Sancho, -para que desde agora le enseñéis a tener gobierno, que bien es que los -hijos hereden y aprendan los oficios de sus padres. - -— En teniendo gobierno —dijo Sancho—, enviaré por él por la posta, y te -enviaré dineros, que no me faltarán, pues nunca falta quien se los preste a -los gobernadores cuando no los tienen; y vístele de modo que disimule lo -que es y parezca lo que ha de ser. - -— Enviad vos dinero —dijo Teresa—, que yo os lo vistiré como un palmito. - -— En efecto, quedamos de acuerdo —dijo Sancho— de que ha de ser condesa -nuestra hija. - -— El día que yo la viere condesa —respondió Teresa—, ése haré cuenta que la -entierro, pero otra vez os digo que hagáis lo que os diere gusto, que con -esta carga nacemos las mujeres, de estar obedientes a sus maridos, aunque -sean unos porros. - -Y, en esto, comenzó a llorar tan de veras como si ya viera muerta y -enterrada a Sanchica. Sancho la consoló diciéndole que, ya que la hubiese -de hacer condesa, la haría todo lo más tarde que ser pudiese. Con esto se -acabó su plática, y Sancho volvió a ver a don Quijote para dar orden en su -partida. - - - - -Capítulo VI. De lo que le pasó a Don Quijote con su sobrina y con su ama, y -es uno de los importantes capítulos de toda la historia - -En tanto que Sancho Panza y su mujer Teresa Cascajo pasaron la impertinente -referida plática, no estaban ociosas la sobrina y el ama de don Quijote, -que por mil señales iban coligiendo que su tío y señor quería desgarrarse -la vez tercera, y volver al ejercicio de su, para ellas, mal andante -caballería: procuraban por todas las vías posibles apartarle de tan mal -pensamiento, pero todo era predicar en desierto y majar en hierro frío. Con -todo esto, entre otras muchas razones que con él pasaron, le dijo el ama: - -— En verdad, señor mío, que si vuesa merced no afirma el pie llano y se está -quedo en su casa, y se deja de andar por los montes y por los valles como -ánima en pena, buscando esas que dicen que se llaman aventuras, a quien yo -llamo desdichas, que me tengo de quejar en voz y en grita a Dios y al rey, -que pongan remedio en ello. - -A lo que respondió don Quijote: - -— Ama, lo que Dios responderá a tus quejas yo no lo sé, ni lo que ha de -responder Su Majestad tampoco, y sólo sé que si yo fuera rey, me escusara -de responder a tanta infinidad de memoriales impertinentes como cada día le -dan; que uno de los mayores trabajos que los reyes tienen, entre otros -muchos, es el estar obligados a escuchar a todos y a responder a todos; y -así, no querría yo que cosas mías le diesen pesadumbre. - -A lo que dijo el ama: - -— Díganos, señor: en la corte de Su Majestad, ¿no hay caballeros? - -— Sí —respondió don Quijote—, y muchos; y es razón que los haya, para adorno -de la grandeza de los príncipes y para ostentación de la majestad real. - -— Pues, ¿no sería vuesa merced —replicó ella— uno de los que a pie quedo -sirviesen a su rey y señor, estándose en la corte? - -— Mira, amiga —respondió don Quijote—: no todos los caballeros pueden ser -cortesanos, ni todos los cortesanos pueden ni deben ser caballeros -andantes: de todos ha de haber en el mundo; y, aunque todos seamos -caballeros, va mucha diferencia de los unos a los otros; porque los -cortesanos, sin salir de sus aposentos ni de los umbrales de la corte, se -pasean por todo el mundo, mirando un mapa, sin costarles blanca, ni padecer -calor ni frío, hambre ni sed; pero nosotros, los caballeros andantes -verdaderos, al sol, al frío, al aire, a las inclemencias del cielo, de -noche y de día, a pie y a caballo, medimos toda la tierra con nuestros -mismos pies; y no solamente conocemos los enemigos pintados, sino en su -mismo ser, y en todo trance y en toda ocasión los acometemos, sin mirar en -niñerías, ni en las leyes de los desafíos; si lleva, o no lleva, más corta -la lanza, o la espada; si trae sobre sí reliquias, o algún engaño -encubierto; si se ha de partir y hacer tajadas el sol, o no, con otras -ceremonias deste jaez, que se usan en los desafíos particulares de persona -a persona, que tú no sabes y yo sí. Y has de saber más: que el buen -caballero andante, aunque vea diez gigantes que con las cabezas no sólo -tocan, sino pasan las nubes, y que a cada uno le sirven de piernas dos -grandísimas torres, y que los brazos semejan árboles de gruesos y poderosos -navíos, y cada ojo como una gran rueda de molino y más ardiendo que un -horno de vidrio, no le han de espantar en manera alguna; antes con gentil -continente y con intrépido corazón los ha de acometer y embestir, y, si -fuere posible, vencerlos y desbaratarlos en un pequeño instante, aunque -viniesen armados de unas conchas de un cierto pescado que dicen que son más -duras que si fuesen de diamantes, y en lugar de espadas trujesen cuchillos -tajantes de damasquino acero, o porras ferradas con puntas asimismo de -acero, como yo las he visto más de dos veces. Todo esto he dicho, ama mía, -porque veas la diferencia que hay de unos caballeros a otros; y sería razón -que no hubiese príncipe que no estimase en más esta segunda, o, por mejor -decir, primera especie de caballeros andantes, que, según leemos en sus -historias, tal ha habido entre ellos que ha sido la salud no sólo de un -reino, sino de muchos. - -— ¡Ah, señor mío! —dijo a esta sazón la sobrina—; advierta vuestra merced -que todo eso que dice de los caballeros andantes es fábula y mentira, y sus -historias, ya que no las quemasen, merecían que a cada una se le echase un -sambenito, o alguna señal en que fuese conocida por infame y por gastadora -de las buenas costumbres. - -— Por el Dios que me sustenta —dijo don Quijote—, que si no fueras mi -sobrina derechamente, como hija de mi misma hermana, que había de hacer un -tal castigo en ti, por la blasfemia que has dicho, que sonara por todo el -mundo. ¿Cómo que es posible que una rapaza que apenas sabe menear doce -palillos de randas se atreva a poner lengua y a censurar las historias de -los caballeros andantes? ¿Qué dijera el señor Amadís si lo tal oyera? Pero -a buen seguro que él te perdonara, porque fue el más humilde y cortés -caballero de su tiempo, y, demás, grande amparador de las doncellas; mas, -tal te pudiera haber oído que no te fuera bien dello, que no todos son -corteses ni bien mirados: algunos hay follones y descomedidos. Ni todos los -que se llaman caballeros lo son de todo en todo: que unos son de oro, otros -de alquimia, y todos parecen caballeros, pero no todos pueden estar al -toque de la piedra de la verdad. Hombres bajos hay que revientan por -parecer caballeros, y caballeros altos hay que parece que aposta mueren por -parecer hombres bajos; aquéllos se llevantan o con la ambición o con la -virtud, éstos se abajan o con la flojedad o con el vicio; y es menester -aprovecharnos del conocimiento discreto para distinguir estas dos maneras -de caballeros, tan parecidos en los nombres y tan distantes en las -acciones. - -— ¡Válame Dios! —dijo la sobrina—. ¡Que sepa vuestra merced tanto, señor -tío, que, si fuese menester en una necesidad, podría subir en un púlpito e -irse a predicar por esas calles, y que, con todo esto, dé en una ceguera -tan grande y en una sandez tan conocida, que se dé a entender que es -valiente, siendo viejo, que tiene fuerzas, estando enfermo, y que endereza -tuertos, estando por la edad agobiado, y, sobre todo, que es caballero, no -lo siendo; porque, aunque lo puedan ser los hidalgos, no lo son los pobres! - -— Tienes mucha razón, sobrina, en lo que dices —respondió don Quijote—, y -cosas te pudiera yo decir cerca de los linajes, que te admiraran; pero, por -no mezclar lo divino con lo humano, no las digo. Mirad, amigas: a cuatro -suertes de linajes, y estadme atentas, se pueden reducir todos los que hay -en el mundo, que son éstas: unos, que tuvieron principios humildes, y se -fueron estendiendo y dilatando hasta llegar a una suma grandeza; otros, que -tuvieron principios grandes, y los fueron conservando y los conservan y -mantienen en el ser que comenzaron; otros, que, aunque tuvieron principios -grandes, acabaron en punta, como pirámide, habiendo diminuido y aniquilado -su principio hasta parar en nonada, como lo es la punta de la pirámide, que -respeto de su basa o asiento no es nada; otros hay, y éstos son los más, -que ni tuvieron principio bueno ni razonable medio, y así tendrán el fin, -sin nombre, como el linaje de la gente plebeya y ordinaria. De los -primeros, que tuvieron principio humilde y subieron a la grandeza que agora -conservan, te sirva de ejemplo la Casa Otomana, que, de un humilde y bajo -pastor que le dio principio, está en la cumbre que le vemos. Del segundo -linaje, que tuvo principio en grandeza y la conserva sin aumentarla, serán -ejemplo muchos príncipes que por herencia lo son, y se conservan en ella, -sin aumentarla ni diminuirla, conteniéndose en los límites de sus estados -pacíficamente. De los que comenzaron grandes y acabaron en punta hay -millares de ejemplos, porque todos los Faraones y Tolomeos de Egipto, los -Césares de Roma, con toda la caterva, si es que se le puede dar este -nombre, de infinitos príncipes, monarcas, señores, medos, asirios, persas, -griegos y bárbaros, todos estos linajes y señoríos han acabado en punta y -en nonada, así ellos como los que les dieron principio, pues no será -posible hallar agora ninguno de sus decendientes, y si le hallásemos, sería -en bajo y humilde estado. Del linaje plebeyo no tengo qué decir, sino que -sirve sólo de acrecentar el número de los que viven, sin que merezcan otra -fama ni otro elogio sus grandezas. De todo lo dicho quiero que infiráis, -bobas mías, que es grande la confusión que hay entre los linajes, y que -solos aquéllos parecen grandes y ilustres que lo muestran en la virtud, y -en la riqueza y liberalidad de sus dueños. Dije virtudes, riquezas y -liberalidades, porque el grande que fuere vicioso será vicioso grande, y el -rico no liberal será un avaro mendigo; que al poseedor de las riquezas no -le hace dichoso el tenerlas, sino el gastarlas, y no el gastarlas -comoquiera, sino el saberlas bien gastar. Al caballero pobre no le queda -otro camino para mostrar que es caballero sino el de la virtud, siendo -afable, bien criado, cortés y comedido, y oficioso; no soberbio, no -arrogante, no murmurador, y, sobre todo, caritativo; que con dos maravedís -que con ánimo alegre dé al pobre se mostrará tan liberal como el que a -campana herida da limosna, y no habrá quien le vea adornado de las -referidas virtudes que, aunque no le conozca, deje de juzgarle y tenerle -por de buena casta, y el no serlo sería milagro; y siempre la alabanza fue -premio de la virtud, y los virtuosos no pueden dejar de ser alabados. Dos -caminos hay, hijas, por donde pueden ir los hombres a llegar a ser ricos y -honrados: el uno es el de las letras; otro, el de las armas. Yo tengo más -armas que letras, y nací, según me inclino a las armas, debajo de la -influencia del planeta Marte; así que, casi me es forzoso seguir por su -camino, y por él tengo de ir a pesar de todo el mundo, y será en balde -cansaros en persuadirme a que no quiera yo lo que los cielos quieren, la -fortuna ordena y la razón pide, y, sobre todo, mi voluntad desea. Pues con -saber, como sé, los innumerables trabajos que son anejos al andante -caballería, sé también los infinitos bienes que se alcanzan con ella; y sé -que la senda de la virtud es muy estrecha, y el camino del vicio, ancho y -espacioso; y sé que sus fines y paraderos son diferentes, porque el del -vicio, dilatado y espacioso, acaba en la muerte, y el de la virtud, angosto -y trabajoso, acaba en vida, y no en vida que se acaba, sino en la que no -tendrá fin; y sé, como dice el gran poeta castellano nuestro, que - -Por estas asperezas se camina - -de la inmortalidad al alto asiento, - -do nunca arriba quien de allí declina. - -— ¡Ay, desdichada de mí —dijo la sobrina—, que también mi señor es poeta!. -Todo lo sabe, todo lo alcanza: yo apostaré que si quisiera ser albañil, que -supiera fabricar una casa como una jaula. - -Yo te prometo, sobrina —respondió don Quijote—, que si estos pensamientos -caballerescos no me llevasen tras sí todos los sentidos, que no habría cosa -que yo no hiciese, ni curiosidad que no saliese de mis manos, especialmente -jaulas y palillos de dientes. - -A este tiempo, llamaron a la puerta, y, preguntando quién llamaba, -respondió Sancho Panza que él era; y, apenas le hubo conocido el ama, -cuando corrió a esconderse por no verle: tanto le aborrecía. Abrióle la -sobrina, salió a recebirle con los brazos abiertos su señor don Quijote, y -encerráronse los dos en su aposento, donde tuvieron otro coloquio, que no -le hace ventaja el pasado. - - - - -Capítulo VII. De lo que pasó don Quijote con su escudero, con otros -sucesos famosísimos - -Apenas vio el ama que Sancho Panza se encerraba con su señor, cuando dio en -la cuenta de sus tratos; y, imaginando que de aquella consulta había de -salir la resolución de su tercera salida y tomando su manto, toda llena de -congoja y pesadumbre, se fue a buscar al bachiller Sansón Carrasco, -pareciéndole que, por ser bien hablado y amigo fresco de su señor, le -podría persuadir a que dejase tan desvariado propósito. - -Hallóle paseándose por el patio de su casa, y, viéndole, se dejó caer ante -sus pies, trasudando y congojosa. Cuando la vio Carrasco con muestras tan -doloridas y sobresaltadas, le dijo: - -— ¿Qué es esto, señora ama? ¿Qué le ha acontecido, que parece que se le -quiere arrancar el alma? - -— No es nada, señor Sansón mío, sino que mi amo se sale; ¡sálese sin duda! - -— Y ¿por dónde se sale, señora? —preguntó Sansón—. ¿Hásele roto alguna parte -de su cuerpo? - -— No se sale —respondió ella—, sino por la puerta de su locura. Quiero -decir, señor bachiller de mi ánima, que quiere salir otra vez, que con ésta -será la tercera, a buscar por ese mundo lo que él llama venturas, que yo no -puedo entender cómo les da este nombre. La vez primera nos le volvieron -atravesado sobre un jumento, molido a palos. La segunda vino en un carro de -bueyes, metido y encerrado en una jaula, adonde él se daba a entender que -estaba encantado; y venía tal el triste, que no le conociera la madre que -le parió: flaco, amarillo, los ojos hundidos en los últimos camaranchones -del celebro, que, para haberle de volver algún tanto en sí, gasté más de -seiscientos huevos, como lo sabe Dios y todo el mundo, y mis gallinas, que -no me dejaran mentir. - -— Eso creo yo muy bien —respondió el bachiller—; que ellas son tan buenas, -tan gordas y tan bien criadas, que no dirán una cosa por otra, si -reventasen. En efecto, señora ama: ¿no hay otra cosa, ni ha sucedido otro -desmán alguno, sino el que se teme que quiere hacer el señor don Quijote? - -— No, señor —respondió ella. - -— Pues no tenga pena —respondió el bachiller—, sino váyase en hora buena a -su casa, y téngame aderezado de almorzar alguna cosa caliente, y, de -camino, vaya rezando la oración de Santa Apolonia si es que la sabe, que yo -iré luego allá, y verá maravillas. - -— ¡Cuitada de mí! —replicó el ama—; ¿la oración de Santa Apolonia dice -vuestra merced que rece?: eso fuera si mi amo lo hubiera de las muelas, -pero no lo ha sino de los cascos. - -— Yo sé lo que digo, señora ama: váyase y no se ponga a disputar conmigo, -pues sabe que soy bachiller por Salamanca, que no hay más que bachillear -— respondió Carrasco. - -Y con esto, se fue el ama, y el bachiller fue luego a buscar al cura, a -comunicar con él lo que se dirá a su tiempo. - -En el que estuvieron encerrados don Quijote y Sancho, pasaron las razones -que con mucha puntualidad y verdadera relación cuenta la historia. - -Dijo Sancho a su amo: - -— Señor, ya yo tengo relucida a mi mujer a que me deje ir con vuestra merced -adonde quisiere llevarme. - -— Reducida has de decir, Sancho —dijo don Quijote—, que no relucida. - -— Una o dos veces —respondió Sancho—, si mal no me acuerdo, he suplicado a -vuestra merced que no me emiende los vocablos, si es que entiende lo que -quiero decir en ellos, y que, cuando no los entienda, diga: ''Sancho, o -diablo, no te entiendo''; y si yo no me declarare, entonces podrá -emendarme; que yo soy tan fócil... - -— No te entiendo, Sancho —dijo luego don Quijote—, pues no sé qué quiere -decir soy tan fócil. - -— Tan fócil quiere decir —respondió Sancho— soy tan así. - -— Menos te entiendo agora —replicó don Quijote. - -— Pues si no me puede entender —respondió Sancho—, no sé cómo lo diga: no sé -más, y Dios sea conmigo. - -— Ya, ya caigo —respondió don Quijote— en ello: tú quieres decir que eres -tan dócil, blando y mañero que tomarás lo que yo te dijere, y pasarás por -lo que te enseñare. - -— Apostaré yo —dijo Sancho— que desde el emprincipio me caló y me entendió, -sino que quiso turbarme por oírme decir otras docientas patochadas. - -— Podrá ser —replicó don Quijote—. Y, en efecto, ¿qué dice Teresa? - -— Teresa dice —dijo Sancho— que ate bien mi dedo con vuestra merced, y que -hablen cartas y callen barbas, porque quien destaja no baraja, pues más -vale un toma que dos te daré. Y yo digo que el consejo de la mujer es poco, -y el que no le toma es loco. - -— Y yo lo digo también —respondió don Quijote—. Decid, Sancho amigo; pasá -adelante, que habláis hoy de perlas. - -— Es el caso —replicó Sancho— que, como vuestra merced mejor sabe, todos -estamos sujetos a la muerte, y que hoy somos y mañana no, y que tan presto -se va el cordero como el carnero, y que nadie puede prometerse en este -mundo más horas de vida de las que Dios quisiere darle, porque la muerte es -sorda, y, cuando llega a llamar a las puertas de nuestra vida, siempre va -depriesa y no la harán detener ni ruegos, ni fuerzas, ni ceptros, ni -mitras, según es pública voz y fama, y según nos lo dicen por esos -púlpitos. - -— Todo eso es verdad —dijo don Quijote—, pero no sé dónde vas a parar. - -— Voy a parar —dijo Sancho— en que vuesa merced me señale salario conocido -de lo que me ha de dar cada mes el tiempo que le sirviere, y que el tal -salario se me pague de su hacienda; que no quiero estar a mercedes, que -llegan tarde, o mal, o nunca; con lo mío me ayude Dios. En fin, yo quiero -saber lo que gano, poco o mucho que sea, que sobre un huevo pone la -gallina, y muchos pocos hacen un mucho, y mientras se gana algo no se -pierde nada. Verdad sea que si sucediese, lo cual ni lo creo ni lo espero, -que vuesa merced me diese la ínsula que me tiene prometida, no soy tan -ingrato, ni llevo las cosas tan por los cabos, que no querré que se aprecie -lo que montare la renta de la tal ínsula, y se descuente de mi salario gata -por cantidad. - -— Sancho amigo —respondió don Quijote—, a las veces, tan buena suele ser una -gata como una rata. - -— Ya entiendo —dijo Sancho—: yo apostaré que había de decir rata, y no gata; -pero no importa nada, pues vuesa merced me ha entendido. - -— Y tan entendido —respondió don Quijote— que he penetrado lo último de tus -pensamientos, y sé al blanco que tiras con las inumerables saetas de tus -refranes. Mira, Sancho: yo bien te señalaría salario, si hubiera hallado en -alguna de las historias de los caballeros andantes ejemplo que me -descubriese y mostrase, por algún pequeño resquicio, qué es lo que solían -ganar cada mes, o cada año; pero yo he leído todas o las más de sus -historias, y no me acuerdo haber leído que ningún caballero andante haya -señalado conocido salario a su escudero. Sólo sé que todos servían a -merced, y que, cuando menos se lo pensaban, si a sus señores les había -corrido bien la suerte, se hallaban premiados con una ínsula, o con otra -cosa equivalente, y, por lo menos, quedaban con título y señoría. Si con -estas esperanzas y aditamentos vos, Sancho, gustáis de volver a servirme, -sea en buena hora: que pensar que yo he de sacar de sus términos y quicios -la antigua usanza de la caballería andante es pensar en lo escusado. Así -que, Sancho mío, volveos a vuestra casa, y declarad a vuestra Teresa mi -intención; y si ella gustare y vos gustáredes de estar a merced conmigo, -bene quidem; y si no, tan amigos como de antes; que si al palomar no le -falta cebo, no le faltarán palomas. Y advertid, hijo, que vale más buena -esperanza que ruin posesión, y buena queja que mala paga. Hablo de esta -manera, Sancho, por daros a entender que también como vos sé yo arrojar -refranes como llovidos. Y, finalmente, quiero decir, y os digo, que si no -queréis venir a merced conmigo y correr la suerte que yo corriere, que Dios -quede con vos y os haga un santo; que a mí no me faltarán escuderos más -obedientes, más solícitos, y no tan empachados ni tan habladores como vos. - -Cuando Sancho oyó la firme resolución de su amo se le anubló el cielo y se -le cayeron las alas del corazón, porque tenía creído que su señor no se -iría sin él por todos los haberes del mundo; y así, estando suspenso y -pensativo, entró Sansón Carrasco y la sobrina, deseosos de oír con qué -razones persuadía a su señor que no tornarse a buscar las aventuras. Llegó -Sansón, socarrón famoso, y, abrazándole como la vez primera y con voz -levantada, le dijo: - -— ¡Oh flor de la andante caballería; oh luz resplandeciente de las armas; oh -honor y espejo de la nación española! Plega a Dios todopoderoso, donde más -largamente se contiene, que la persona o personas que pusieren impedimento -y estorbaren tu tercera salida, que no la hallen en el laberinto de sus -deseos, ni jamás se les cumpla lo que mal desearen. - -Y, volviéndose al ama, le dijo: - -— Bien puede la señora ama no rezar más la oración de Santa Apolonia, que yo -sé que es determinación precisa de las esferas que el señor don Quijote -vuelva a ejecutar sus altos y nuevos pensamientos, y yo encargaría mucho mi -conciencia si no intimase y persuadiese a este caballero que no tenga más -tiempo encogida y detenida la fuerza de su valeroso brazo y la bondad de su -ánimo valentísimo, porque defrauda con su tardanza el derecho de los -tuertos, el amparo de los huérfanos, la honra de las doncellas, el favor de -las viudas y el arrimo de las casadas, y otras cosas deste jaez, que tocan, -atañen, dependen y son anejas a la orden de la caballería andante. ¡Ea, -señor don Quijote mío, hermoso y bravo, antes hoy que mañana se ponga -vuestra merced y su grandeza en camino; y si alguna cosa faltare para -ponerle en ejecución, aquí estoy yo para suplirla con mi persona y -hacienda; y si fuere necesidad servir a tu magnificencia de escudero, lo -tendré a felicísima ventura! - -A esta sazón, dijo don Quijote, volviéndose a Sancho: - -— ¿No te dije yo, Sancho, que me habían de sobrar escuderos? Mira quién se -ofrece a serlo, sino el inaudito bachiller Sansón Carrasco, perpetuo -trastulo y regocijador de los patios de las escuelas salmanticenses, sano -de su persona, ágil de sus miembros, callado, sufridor así del calor como -del frío, así de la hambre como de la sed, con todas aquellas partes que se -requieren para ser escudero de un caballero andante. Pero no permita el -cielo que, por seguir mi gusto, desjarrete y quiebre la coluna de las -letras y el vaso de las ciencias, y tronque la palma eminente de las buenas -y liberales artes. Quédese el nuevo Sansón en su patria, y, honrándola, -honre juntamente las canas de sus ancianos padres; que yo con cualquier -escudero estaré contento, ya que Sancho no se digna de venir conmigo. - -— Sí digno —respondió Sancho, enternecido y llenos de lágrimas los ojos; y -prosiguió—: No se dirá por mí, señor mío: el pan comido y la compañía -deshecha; sí, que no vengo yo de alguna alcurnia desagradecida, que ya sabe -todo el mundo, y especialmente mi pueblo, quién fueron los Panzas, de quien -yo deciendo, y más, que tengo conocido y calado por muchas buenas obras, y -por más buenas palabras, el deseo que vuestra merced tiene de hacerme -merced; y si me he puesto en cuentas de tanto más cuanto acerca de mi -salario, ha sido por complacer a mi mujer; la cual, cuando toma la mano a -persuadir una cosa, no hay mazo que tanto apriete los aros de una cuba como -ella aprieta a que se haga lo que quiere; pero, en efeto, el hombre ha de -ser hombre, y la mujer, mujer; y, pues yo soy hombre dondequiera, que no lo -puedo negar, también lo quiero ser en mi casa, pese a quien pesare; y así, -no hay más que hacer, sino que vuestra merced ordene su testamento con su -codicilo, en modo que no se pueda revolcar, y pongámonos luego en camino, -porque no padezca el alma del señor Sansón, que dice que su conciencia le -lita que persuada a vuestra merced a salir vez tercera por ese mundo; y yo -de nuevo me ofrezco a servir a vuestra merced fiel y legalmente, tan bien y -mejor que cuantos escuderos han servido a caballeros andantes en los -pasados y presentes tiempos. - -Admirado quedó el bachiller de oír el término y modo de hablar de Sancho -Panza; que, puesto que había leído la primera historia de su señor, nunca -creyó que era tan gracioso como allí le pintan; pero, oyéndole decir ahora -testamento y codicilo que no se pueda revolcar, en lugar de testamento y -codicilo que no se pueda revocar, creyó todo lo que dél había leído, y -confirmólo por uno de los más solenes mentecatos de nuestros siglos; y dijo -entre sí que tales dos locos como amo y mozo no se habrían visto en el -mundo. - -Finalmente, don Quijote y Sancho se abrazaron y quedaron amigos, y con -parecer y beneplácito del gran Carrasco, que por entonces era su oráculo, -se ordenó que de allí a tres días fuese su partida; en los cuales habría -lugar de aderezar lo necesario para el viaje, y de buscar una celada de -encaje, que en todas maneras dijo don Quijote que la había de llevar. -Ofreciósela Sansón, porque sabía no se la negaría un amigo suyo que la -tenía, puesto que estaba más escura por el orín y el moho que clara y -limpia por el terso acero. - -Las maldiciones que las dos, ama y sobrina, echaron al bachiller no -tuvieron cuento: mesaron sus cabellos, arañaron sus rostros, y, al modo de -las endechaderas que se usaban, lamentaban la partida como si fuera la -muerte de su señor. El designo que tuvo Sansón, para persuadirle a que otra -vez saliese, fue hacer lo que adelante cuenta la historia, todo por consejo -del cura y del barbero, con quien él antes lo había comunicado. - -En resolución, en aquellos tres días don Quijote y Sancho se acomodaron de -lo que les pareció convenirles; y, habiendo aplacado Sancho a su mujer, y -don Quijote a su sobrina y a su ama, al anochecer, sin que nadie lo viese, -sino el bachiller, que quiso acompañarles media legua del lugar, se -pusieron en camino del Toboso: don Quijote sobre su buen Rocinante, y -Sancho sobre su antiguo rucio, proveídas las alforjas de cosas tocantes a -la bucólica, y la bolsa de dineros que le dio don Quijote para lo que se -ofreciese. Abrazóle Sansón, y suplicóle le avisase de su buena o mala -suerte, para alegrarse con ésta o entristecerse con aquélla, como las leyes -de su amistad pedían. Prometióselo don Quijote, dio Sansón la vuelta a su -lugar, y los dos tomaron la de la gran ciudad del Toboso. - - - - -Capítulo VIII. Donde se cuenta lo que le sucedió a don Quijote, yendo a ver -su señora Dulcinea del Toboso - -''¡Bendito sea el poderoso Alá! —dice Hamete Benengeli al comienzo deste -octavo capítulo—. ¡Bendito sea Alá!'', repite tres veces; y dice que da -estas bendiciones por ver que tiene ya en campaña a don Quijote y a Sancho, -y que los letores de su agradable historia pueden hacer cuenta que desde -este punto comienzan las hazañas y donaires de don Quijote y de su -escudero; persuádeles que se les olviden las pasadas caballerías del -ingenioso hidalgo, y pongan los ojos en las que están por venir, que desde -agora en el camino del Toboso comienzan, como las otras comenzaron en los -campos de Montiel, y no es mucho lo que pide para tanto como él promete; y -así prosigue diciendo: - -Solos quedaron don Quijote y Sancho, y, apenas se hubo apartado Sansón, -cuando comenzó a relinchar Rocinante y a sospirar el rucio, que de -entrambos, caballero y escudero, fue tenido a buena señal y por felicísimo -agüero; aunque, si se ha de contar la verdad, más fueron los sospiros y -rebuznos del rucio que los relinchos del rocín, de donde coligió Sancho que -su ventura había de sobrepujar y ponerse encima de la de su señor, -fundándose no sé si en astrología judiciaria que él se sabía, puesto que la -historia no lo declara; sólo le oyeron decir que, cuando tropezaba o caía, -se holgara no haber salido de casa, porque del tropezar o caer no se sacaba -otra cosa sino el zapato roto o las costillas quebradas; y, aunque tonto, -no andaba en esto muy fuera de camino. Díjole don Quijote: - -— Sancho amigo, la noche se nos va entrando a más andar, y con más escuridad -de la que habíamos menester para alcanzar a ver con el día al Toboso, -adonde tengo determinado de ir antes que en otra aventura me ponga, y allí -tomaré la bendición y buena licencia de la sin par Dulcinea, con la cual -licencia pienso y tengo por cierto de acabar y dar felice cima a toda -peligrosa aventura, porque ninguna cosa desta vida hace más valientes a los -caballeros andantes que verse favorecidos de sus damas. - -— Yo así lo creo —respondió Sancho—; pero tengo por dificultoso que vuestra -merced pueda hablarla ni verse con ella, en parte, a lo menos, que pueda -recebir su bendición, si ya no se la echa desde las bardas del corral, por -donde yo la vi la vez primera, cuando le llevé la carta donde iban las -nuevas de las sandeces y locuras que vuestra merced quedaba haciendo en el -corazón de Sierra Morena. - -— ¿Bardas de corral se te antojaron aquéllas, Sancho —dijo don Quijote—, -adonde o por donde viste aquella jamás bastantemente alabada gentileza y -hermosura? No debían de ser sino galerías o corredores, o lonjas, o como -las llaman, de ricos y reales palacios. - -— Todo pudo ser —respondió Sancho—, pero a mí bardas me parecieron, si no es -que soy falto de memoria. - -— Con todo eso, vamos allá, Sancho —replicó don Quijote—, que como yo la -vea, eso se me da que sea por bardas que por ventanas, o por resquicios, o -verjas de jardines; que cualquier rayo que del sol de su belleza llegue a -mis ojos alumbrará mi entendimiento y fortalecerá mi corazón, de modo que -quede único y sin igual en la discreción y en la valentía. - -— Pues en verdad, señor —respondió Sancho—, que cuando yo vi ese sol de la -señora Dulcinea del Toboso, que no estaba tan claro, que pudiese echar de -sí rayos algunos, y debió de ser que, como su merced estaba ahechando aquel -trigo que dije, el mucho polvo que sacaba se le puso como nube ante el -rostro y se le escureció. - -— ¡Que todavía das, Sancho —dijo don Quijote—, en decir, en pensar, en creer -y en porfiar que mi señora Dulcinea ahechaba trigo, siendo eso un menester -y ejercicio que va desviado de todo lo que hacen y deben hacer las personas -principales que están constituidas y guardadas para otros ejercicios y -entretenimientos, que muestran a tiro de ballesta su principalidad...! Mal -se te acuerdan a ti, ¡oh Sancho!, aquellos versos de nuestro poeta donde -nos pinta las labores que hacían allá en sus moradas de cristal aquellas -cuatro ninfas que del Tajo amado sacaron las cabezas, y se sentaron a -labrar en el prado verde aquellas ricas telas que allí el ingenioso poeta -nos describe, que todas eran de oro, sirgo y perlas contestas y tejidas. Y -desta manera debía de ser el de mi señora cuando tú la viste; sino que la -envidia que algún mal encantador debe de tener a mis cosas, todas las que -me han de dar gusto trueca y vuelve en diferentes figuras que ellas tienen; -y así, temo que, en aquella historia que dicen que anda impresa de mis -hazañas, si por ventura ha sido su autor algún sabio mi enemigo, habrá -puesto unas cosas por otras, mezclando con una verdad mil mentiras, -divertiéndose a contar otras acciones fuera de lo que requiere la -continuación de una verdadera historia. ¡Oh envidia, raíz de infinitos -males y carcoma de las virtudes! Todos los vicios, Sancho, traen un no sé -qué de deleite consigo, pero el de la envidia no trae sino disgustos, -rancores y rabias. - -— Eso es lo que yo digo también —respondió Sancho—, y pienso que en esa -leyenda o historia que nos dijo el bachiller Carrasco que de nosotros había -visto debe de andar mi honra a coche acá, cinchado, y, como dicen, al -estricote, aquí y allí, barriendo las calles. Pues, a fe de bueno, que no -he dicho yo mal de ningún encantador, ni tengo tantos bienes que pueda ser -envidiado; bien es verdad que soy algo malicioso, y que tengo mis ciertos -asomos de bellaco, pero todo lo cubre y tapa la gran capa de la simpleza -mía, siempre natural y nunca artificiosa. Y cuando otra cosa no tuviese -sino el creer, como siempre creo, firme y verdaderamente en Dios y en todo -aquello que tiene y cree la Santa Iglesia Católica Romana, y el ser enemigo -mortal, como lo soy, de los judíos, debían los historiadores tener -misericordia de mí y tratarme bien en sus escritos. Pero digan lo que -quisieren; que desnudo nací, desnudo me hallo: ni pierdo ni gano; aunque, -por verme puesto en libros y andar por ese mundo de mano en mano, no se me -da un higo que digan de mí todo lo que quisieren. - -— Eso me parece, Sancho —dijo don Quijote—, a lo que sucedió a un famoso -poeta destos tiempos, el cual, habiendo hecho una maliciosa sátira contra -todas las damas cortesanas, no puso ni nombró en ella a una dama que se -podía dudar si lo era o no; la cual, viendo que no estaba en la lista de -las demás, se quejó al poeta, diciéndole que qué había visto en ella para -no ponerla en el número de las otras, y que alargase la sátira, y la -pusiese en el ensanche; si no, que mirase para lo que había nacido. Hízolo -así el poeta, y púsola cual no digan dueñas, y ella quedó satisfecha, por -verse con fama, aunque infame. También viene con esto lo que cuentan de -aquel pastor que puso fuego y abrasó el templo famoso de Diana, contado por -una de las siete maravillas del mundo, sólo porque quedase vivo su nombre -en los siglos venideros; y, aunque se mandó que nadie le nombrase, ni -hiciese por palabra o por escrito mención de su nombre, porque no -consiguiese el fin de su deseo, todavía se supo que se llamaba Eróstrato. -También alude a esto lo que sucedió al grande emperador Carlo Quinto con un -caballero en Roma. Quiso ver el emperador aquel famoso templo de la -Rotunda, que en la antigüedad se llamó el templo de todos los dioses, y -ahora, con mejor vocación, se llama de todos los santos, y es el edificio -que más entero ha quedado de los que alzó la gentilidad en Roma, y es el -que más conserva la fama de la grandiosidad y magnificencia de sus -fundadores: él es de hechura de una media naranja, grandísimo en estremo, -y está muy claro, sin entrarle otra luz que la que le concede una ventana, -o, por mejor decir, claraboya redonda que está en su cima, desde la cual -mirando el emperador el edificio, estaba con él y a su lado un caballero -romano, declarándole los primores y sutilezas de aquella gran máquina y -memorable arquitetura; y, habiéndose quitado de la claraboya, dijo al -emperador: ''Mil veces, Sacra Majestad, me vino deseo de abrazarme con -vuestra Majestad y arrojarme de aquella claraboya abajo, por dejar de mí -fama eterna en el mundo''. ''Yo os agradezco —respondió el emperador— el no -haber puesto tan mal pensamiento en efeto, y de aquí adelante no os pondré -yo en ocasión que volváis a hacer prueba de vuestra lealtad; y así, os -mando que jamás me habléis, ni estéis donde yo estuviere''. Y, tras estas -palabras, le hizo una gran merced. Quiero decir, Sancho, que el deseo de -alcanzar fama es activo en gran manera. ¿Quién piensas tú que arrojó a -Horacio del puente abajo, armado de todas armas, en la profundidad del -Tibre? ¿Quién abrasó el brazo y la mano a Mucio? ¿Quién impelió a Curcio a -lanzarse en la profunda sima ardiente que apareció en la mitad de Roma? -¿Quién, contra todos los agüeros que en contra se le habían mostrado, hizo -pasar el Rubicón a César? Y, con ejemplos más modernos, ¿quién barrenó los -navíos y dejó en seco y aislados los valerosos españoles guiados por el -cortesísimo Cortés en el Nuevo Mundo? Todas estas y otras grandes y -diferentes hazañas son, fueron y serán obras de la fama, que los mortales -desean como premios y parte de la inmortalidad que sus famosos hechos -merecen, puesto que los cristianos, católicos y andantes caballeros más -habemos de atender a la gloria de los siglos venideros, que es eterna en -las regiones etéreas y celestes, que a la vanidad de la fama que en este -presente y acabable siglo se alcanza; la cual fama, por mucho que dure, en -fin se ha de acabar con el mesmo mundo, que tiene su fin señalado. Así, ¡oh -Sancho!, que nuestras obras no han de salir del límite que nos tiene puesto -la religión cristiana, que profesamos. Hemos de matar en los gigantes a la -soberbia; a la envidia, en la generosidad y buen pecho; a la ira, en el -reposado continente y quietud del ánimo; a la gula y al sueño, en el poco -comer que comemos y en el mucho velar que velamos; a la lujuria y lascivia, -en la lealtad que guardamos a las que hemos hecho señoras de nuestros -pensamientos; a la pereza, con andar por todas las partes del mundo, -buscando las ocasiones que nos puedan hacer y hagan, sobre cristianos, -famosos caballeros. Ves aquí, Sancho, los medios por donde se alcanzan los -estremos de alabanzas que consigo trae la buena fama. - -— Todo lo que vuestra merced hasta aquí me ha dicho —dijo Sancho— lo he -entendido muy bien, pero, con todo eso, querría que vuestra merced me -sorbiese una duda que agora en este punto me ha venido a la memoria. - -— Asolviese quieres decir, Sancho —dijo don Quijote—. Di en buen hora, que -yo responderé lo que supiere. - -— Dígame, señor —prosiguió Sancho—: esos Julios o Agostos, y todos esos -caballeros hazañosos que ha dicho, que ya son muertos, ¿dónde están agora? - -— Los gentiles —respondió don Quijote— sin duda están en el infierno; los -cristianos, si fueron buenos cristianos, o están en el purgatorio o en el -cielo. - -— Está bien —dijo Sancho—, pero sepamos ahora: esas sepulturas donde están -los cuerpos desos señorazos, ¿tienen delante de sí lámparas de plata, o -están adornadas las paredes de sus capillas de muletas, de mortajas, de -cabelleras, de piernas y de ojos de cera? Y si desto no, ¿de qué están -adornadas? - -A lo que respondió don Quijote: - -— Los sepulcros de los gentiles fueron por la mayor parte suntuosos templos: -las cenizas del cuerpo de Julio César se pusieron sobre una pirámide de -piedra de desmesurada grandeza, a quien hoy llaman en Roma La aguja de San -Pedro; al emperador Adriano le sirvió de sepultura un castillo tan grande -como una buena aldea, a quien llamaron Moles Hadriani, que agora es el -castillo de Santángel en Roma; la reina Artemisa sepultó a su marido -Mausoleo en un sepulcro que se tuvo por una de las siete maravillas del -mundo; pero ninguna destas sepulturas ni otras muchas que tuvieron los -gentiles se adornaron con mortajas ni con otras ofrendas y señales que -mostrasen ser santos los que en ellas estaban sepultados. - -— A eso voy —replicó Sancho—. Y dígame agora: ¿cuál es más: resucitar a un -muerto, o matar a un gigante? - -— La respuesta está en la mano —respondió don Quijote—: más es resucitar a -un muerto. - -— Cogido le tengo —dijo Sancho—: luego la fama del que resucita muertos, da -vista a los ciegos, endereza los cojos y da salud a los enfermos, y delante -de sus sepulturas arden lámparas, y están llenas sus capillas de gentes -devotas que de rodillas adoran sus reliquias, mejor fama será, para este y -para el otro siglo, que la que dejaron y dejaren cuantos emperadores -gentiles y caballeros andantes ha habido en el mundo. - -— También confieso esa verdad —respondió don Quijote. - -— Pues esta fama, estas gracias, estas prerrogativas, como llaman a esto -— respondió Sancho—, tienen los cuerpos y las reliquias de los santos que, -con aprobación y licencia de nuestra santa madre Iglesia, tienen lámparas, -velas, mortajas, muletas, pinturas, cabelleras, ojos, piernas, con que -aumentan la devoción y engrandecen su cristiana fama. Los cuerpos de los -santos o sus reliquias llevan los reyes sobre sus hombros, besan los -pedazos de sus huesos, adornan y enriquecen con ellos sus oratorios y sus -más preciados altares... - -— ¿Qué quieres que infiera, Sancho, de todo lo que has dicho? —dijo don -Quijote. - -— Quiero decir —dijo Sancho— que nos demos a ser santos, y alcanzaremos más -brevemente la buena fama que pretendemos; y advierta, señor, que ayer o -antes de ayer, que, según ha poco se puede decir desta manera, canonizaron -o beatificaron dos frailecitos descalzos, cuyas cadenas de hierro con que -ceñían y atormentaban sus cuerpos se tiene ahora a gran ventura el besarlas -y tocarlas, y están en más veneración que está, según dije, la espada de -Roldán en la armería del rey, nuestro señor, que Dios guarde. Así que, -señor mío, más vale ser humilde frailecito, de cualquier orden que sea, -que valiente y andante caballero; mas alcanzan con Dios dos docenas de -diciplinas que dos mil lanzadas, ora las den a gigantes, ora a vestiglos o -a endrigos. - -— Todo eso es así —respondió don Quijote—, pero no todos podemos ser -frailes, y muchos son los caminos por donde lleva Dios a los suyos al -cielo: religión es la caballería; caballeros santos hay en la gloria. - -— Sí —respondió Sancho—, pero yo he oído decir que hay más frailes en el -cielo que caballeros andantes. - -— Eso es —respondió don Quijote— porque es mayor el número de los religiosos -que el de los caballeros. - -— Muchos son los andantes —dijo Sancho. - -— Muchos —respondió don Quijote—, pero pocos los que merecen nombre de -caballeros. - -En estas y otras semejantes pláticas se les pasó aquella noche y el día -siguiente, sin acontecerles cosa que de contar fuese, de que no poco le -pesó a don Quijote. En fin, otro día, al anochecer, descubrieron la gran -ciudad del Toboso, con cuya vista se le alegraron los espíritus a don -Quijote y se le entristecieron a Sancho, porque no sabía la casa de -Dulcinea, ni en su vida la había visto, como no la había visto su señor; de -modo que el uno por verla, y el otro por no haberla visto, estaban -alborotados, y no imaginaba Sancho qué había de hacer cuando su dueño le -enviase al Toboso. Finalmente, ordenó don Quijote entrar en la ciudad -entrada la noche, y, en tanto que la hora se llegaba, se quedaron entre -unas encinas que cerca del Toboso estaban, y, llegado el determinado punto, -entraron en la ciudad, donde les sucedió cosas que a cosas llegan. - - - - -Capítulo IX. Donde se cuenta lo que en él se verá - -Media noche era por filo, poco más a menos, cuando don Quijote y Sancho -dejaron el monte y entraron en el Toboso. Estaba el pueblo en un sosegado -silencio, porque todos sus vecinos dormían y reposaban a pierna tendida, -como suele decirse. Era la noche entreclara, puesto que quisiera Sancho que -fuera del todo escura, por hallar en su escuridad disculpa de su sandez. No -se oía en todo el lugar sino ladridos de perros, que atronaban los oídos de -don Quijote y turbaban el corazón de Sancho. De cuando en cuando, rebuznaba -un jumento, gruñían puercos, mayaban gatos, cuyas voces, de diferentes -sonidos, se aumentaban con el silencio de la noche, todo lo cual tuvo el -enamorado caballero a mal agüero; pero, con todo esto, dijo a Sancho: - -— Sancho, hijo, guía al palacio de Dulcinea: quizá podrá ser que la hallemos -despierta. - -— ¿A qué palacio tengo de guiar, cuerpo del sol —respondió Sancho—, que en -el que yo vi a su grandeza no era sino casa muy pequeña? - -— Debía de estar retirada, entonces —respondió don Quijote—, en algún -pequeño apartamiento de su alcázar, solazándose a solas con sus doncellas, -como es uso y costumbre de las altas señoras y princesas. - -— Señor —dijo Sancho—, ya que vuestra merced quiere, a pesar mío, que sea -alcázar la casa de mi señora Dulcinea, ¿es hora ésta por ventura de hallar -la puerta abierta? Y ¿será bien que demos aldabazos para que nos oyan y nos -abran, metiendo en alboroto y rumor toda la gente? ¿Vamos por dicha a -llamar a la casa de nuestras mancebas, como hacen los abarraganados, que -llegan, y llaman, y entran a cualquier hora, por tarde que sea? - -— Hallemos primero una por una el alcázar —replicó don Quijote—, que -entonces yo te diré, Sancho, lo que será bien que hagamos. Y advierte, -Sancho, que yo veo poco, o que aquel bulto grande y sombra que desde aquí -se descubre la debe de hacer el palacio de Dulcinea. - -— Pues guíe vuestra merced —respondió Sancho—: quizá será así; aunque yo lo -veré con los ojos y lo tocaré con las manos, y así lo creeré yo como creer -que es ahora de día. - -Guió don Quijote, y, habiendo andado como docientos pasos, dio con el bulto -que hacía la sombra, y vio una gran torre, y luego conoció que el tal -edificio no era alcázar, sino la iglesia principal del pueblo. Y dijo: - -— Con la iglesia hemos dado, Sancho. - -— Ya lo veo —respondió Sancho—; y plega a Dios que no demos con nuestra -sepultura, que no es buena señal andar por los cimenterios a tales horas, y -más, habiendo yo dicho a vuestra merced, si mal no me acuerdo, que la -casa desta señora ha de estar en una callejuela sin salida. - -— ¡Maldito seas de Dios, mentecato! —dijo don Quijote—. ¿Adónde has tú -hallado que los alcázares y palacios reales estén edificados en callejuelas -sin salida? - -— Señor —respondió Sancho—, en cada tierra su uso: quizá se usa aquí en el -Toboso edificar en callejuelas los palacios y edificios grandes; y así, -suplico a vuestra merced me deje buscar por estas calles o callejuelas que -se me ofrecen: podría ser que en algún rincón topase con ese alcázar, que -le vea yo comido de perros, que así nos trae corridos y asendereados. - -— Habla con respeto, Sancho, de las cosas de mi señora —dijo don Quijote—, y -tengamos la fiesta en paz, y no arrojemos la soga tras el caldero. - -— Yo me reportaré —respondió Sancho—; pero, ¿con qué paciencia podré llevar -que quiera vuestra merced que de sola una vez que vi la casa de nuestra -ama, la haya de saber siempre y hallarla a media noche, no hallándola -vuestra merced, que la debe de haber visto millares de veces? - -— Tú me harás desesperar, Sancho —dijo don Quijote—. Ven acá, hereje: ¿no te -he dicho mil veces que en todos los días de mi vida no he visto a la sin -par Dulcinea, ni jamás atravesé los umbrales de su palacio, y que sólo -estoy enamorado de oídas y de la gran fama que tiene de hermosa y discreta? - -— Ahora lo oigo —respondió Sancho—; y digo que, pues vuestra merced no la ha -visto, ni yo tampoco... - -— Eso no puede ser —replicó don Quijote—; que, por lo menos, ya me has dicho -tú que la viste ahechando trigo, cuando me trujiste la respuesta de la -carta que le envié contigo. - -— No se atenga a eso, señor —respondió Sancho—, porque le hago saber que -también fue de oídas la vista y la respuesta que le truje; porque, así sé -yo quién es la señora Dulcinea como dar un puño en el cielo. - -— Sancho, Sancho —respondió don Quijote—, tiempos hay de burlar, y tiempos -donde caen y parecen mal las burlas. No porque yo diga que ni he visto ni -hablado a la señora de mi alma has tú de decir también que ni la has -hablado ni visto, siendo tan al revés como sabes. - -Estando los dos en estas pláticas, vieron que venía a pasar por donde -estaban uno con dos mulas, que, por el ruido que hacía el arado, que -arrastraba por el suelo, juzgaron que debía de ser labrador, que habría -madrugado antes del día a ir a su labranza; y así fue la verdad. Venía el -labrador cantando aquel romance que dicen: - -Mala la hubistes, franceses, - -en esa de Roncesvalles. - -— Que me maten, Sancho —dijo, en oyéndole, don Quijote—, si nos ha de -suceder cosa buena esta noche. ¿No oyes lo que viene cantando ese villano? - -— Sí oigo —respondió Sancho—; pero, ¿qué hace a nuestro propósito la caza de -Roncesvalles? Así pudiera cantar el romance de Calaínos, que todo fuera uno -para sucedernos bien o mal en nuestro negocio. - -Llegó, en esto, el labrador, a quien don Quijote preguntó: - -— ¿Sabréisme decir, buen amigo, que buena ventura os dé Dios, dónde son por -aquí los palacios de la sin par princesa doña Dulcinea del Toboso? - -— Señor —respondió el mozo—, yo soy forastero y ha pocos días que estoy en -este pueblo, sirviendo a un labrador rico en la labranza del campo; en esa -casa frontera viven el cura y el sacristán del lugar; entrambos, o -cualquier dellos, sabrá dar a vuestra merced razón desa señora princesa, -porque tienen la lista de todos los vecinos del Toboso; aunque para mí -tengo que en todo él no vive princesa alguna; muchas señoras, sí, -principales, que cada una en su casa puede ser princesa. - -— Pues entre ésas —dijo don Quijote— debe de estar, amigo, ésta por quien te -pregunto. - -— Podría ser —respondió el mozo—; y adiós, que ya viene el alba. - -Y, dando a sus mulas, no atendió a más preguntas. Sancho, que vio suspenso -a su señor y asaz mal contento, le dijo: - -— Señor, ya se viene a más andar el día, y no será acertado dejar que nos -halle el sol en la calle; mejor será que nos salgamos fuera de la ciudad, y -que vuestra merced se embosque en alguna floresta aquí cercana, y yo -volveré de día, y no dejaré ostugo en todo este lugar donde no busque la -casa, alcázar o palacio de mi señora, y asaz sería de desdichado si no le -hallase; y, hallándole, hablaré con su merced, y le diré dónde y cómo queda -vuestra merced esperando que le dé orden y traza para verla, sin menoscabo -de su honra y fama. - -— Has dicho, Sancho —dijo don Quijote—, mil sentencias encerradas en el -círculo de breves palabras: el consejo que ahora me has dado le apetezco y -recibo de bonísima gana. Ven, hijo, y vamos a buscar donde me embosque, que -tú volverás, como dices, a buscar, a ver y hablar a mi señora, de cuya -discreción y cortesía espero más que milagrosos favores. - -Rabiaba Sancho por sacar a su amo del pueblo, porque no averiguase la -mentira de la respuesta que de parte de Dulcinea le había llevado a Sierra -Morena; y así, dio priesa a la salida, que fue luego, y a dos millas del -lugar hallaron una floresta o bosque, donde don Quijote se emboscó en tanto -que Sancho volvía a la ciudad a hablar a Dulcinea; en cuya embajada le -sucedieron cosas que piden nueva atención y nuevo crédito. - - - - -Capítulo X. Donde se cuenta la industria que Sancho tuvo para encantar a la -señora Dulcinea, y de otros sucesos tan ridículos como verdaderos - -Llegando el autor desta grande historia a contar lo que en este capítulo -cuenta, dice que quisiera pasarle en silencio, temeroso de que no había de -ser creído, porque las locuras de don Quijote llegaron aquí al término y -raya de las mayores que pueden imaginarse, y aun pasaron dos tiros de -ballesta más allá de las mayores. Finalmente, aunque con este miedo y -recelo, las escribió de la misma manera que él las hizo, sin añadir ni -quitar a la historia un átomo de la verdad, sin dársele nada por las -objeciones que podían ponerle de mentiroso. Y tuvo razón, porque la verdad -adelgaza y no quiebra, y siempre anda sobre la mentira como el aceite sobre -el agua. - -Y así, prosiguiendo su historia, dice que, así como don Quijote se emboscó -en la floresta, encinar o selva junto al gran Toboso, mandó a Sancho volver -a la ciudad, y que no volviese a su presencia sin haber primero hablado de -su parte a su señora, pidiéndola fuese servida de dejarse ver de su cautivo -caballero, y se dignase de echarle su bendición, para que pudiese esperar -por ella felicísimos sucesos de todos sus acometimientos y dificultosas -empresas. Encargóse Sancho de hacerlo así como se le mandaba, y de traerle -tan buena respuesta como le trujo la vez primera. - -— Anda, hijo —replicó don Quijote—, y no te turbes cuando te vieres ante la -luz del sol de hermosura que vas a buscar. ¡Dichoso tú sobre todos los -escuderos del mundo! Ten memoria, y no se te pase della cómo te recibe: si -muda las colores el tiempo que la estuvieres dando mi embajada; si se -desasosiega y turba oyendo mi nombre; si no cabe en la almohada, si acaso -la hallas sentada en el estrado rico de su autoridad; y si está en pie, -mírala si se pone ahora sobre el uno, ahora sobre el otro pie; si te repite -la respuesta que te diere dos o tres veces; si la muda de blanda en áspera, -de aceda en amorosa; si levanta la mano al cabello para componerle, aunque -no esté desordenado; finalmente, hijo, mira todas sus acciones y -movimientos; porque si tú me los relatares como ellos fueron, sacaré yo lo -que ella tiene escondido en lo secreto de su corazón acerca de lo que al -fecho de mis amores toca; que has de saber, Sancho, si no lo sabes, que -entre los amantes, las acciones y movimientos exteriores que muestran, -cuando de sus amores se trata, son certísimos correos que traen las nuevas -de lo que allá en lo interior del alma pasa. Ve, amigo, y guíete otra mejor -ventura que la mía, y vuélvate otro mejor suceso del que yo quedo temiendo -y esperando en esta amarga soledad en que me dejas. - -— Yo iré y volveré presto —dijo Sancho—; y ensanche vuestra merced, señor -mío, ese corazoncillo, que le debe de tener agora no mayor que una -avellana, y considere que se suele decir que buen corazón quebranta mala -ventura, y que donde no hay tocinos, no hay estacas; y también se dice: -donde no piensa, salta la liebre. Dígolo porque si esta noche no hallamos -los palacios o alcázares de mi señora, agora que es de día los pienso -hallar, cuando menos los piense, y hallados, déjenme a mí con ella. - -— Por cierto, Sancho —dijo don Quijote—, que siempre traes tus refranes tan -a pelo de lo que tratamos cuanto me dé Dios mejor ventura en lo que deseo. - -Esto dicho, volvió Sancho las espaldas y vareó su rucio, y don Quijote se -quedó a caballo, descansando sobre los estribos y sobre el arrimo de su -lanza, lleno de tristes y confusas imaginaciones, donde le dejaremos, -yéndonos con Sancho Panza, que no menos confuso y pensativo se apartó de su -señor que él quedaba; y tanto, que, apenas hubo salido del bosque, cuando, -volviendo la cabeza y viendo que don Quijote no parecía, se apeó del -jumento, y, sentándose al pie de un árbol, comenzó a hablar consigo mesmo y -a decirse: - -— Sepamos agora, Sancho hermano, adónde va vuesa merced. ¿Va a buscar algún -jumento que se le haya perdido? ''No, por cierto''. Pues, ¿qué va a buscar? -''Voy a buscar, como quien no dice nada, a una princesa, y en ella al sol -de la hermosura y a todo el cielo junto''. Y ¿adónde pensáis hallar eso que -decís, Sancho? ''¿Adónde? En la gran ciudad del Toboso''. Y bien: ¿y de -parte de quién la vais a buscar? ''De parte del famoso caballero don -Quijote de la Mancha, que desface los tuertos, y da de comer al que ha sed, -y de beber al que ha hambre''. Todo eso está muy bien. Y ¿sabéis su casa, -Sancho? ''Mi amo dice que han de ser unos reales palacios o unos soberbios -alcázares''. Y ¿habéisla visto algún día por ventura? ''Ni yo ni mi amo la -habemos visto jamás''. Y ¿paréceos que fuera acertado y bien hecho que si -los del Toboso supiesen que estáis vos aquí con intención de ir a -sonsacarles sus princesas y a desasosegarles sus damas, viniesen y os -moliesen las costillas a puros palos, y no os dejasen hueso sano? ''En -verdad que tendrían mucha razón, cuando no considerasen que soy mandado, y -que mensajero sois, amigo, no merecéis culpa, non''. No os fiéis en eso, -Sancho, porque la gente manchega es tan colérica como honrada, y no -consiente cosquillas de nadie. Vive Dios que si os huele, que os mando mala -ventura. ''¡Oxte, puto! ¡Allá darás, rayo! ¡No, sino ándeme yo buscando -tres pies al gato por el gusto ajeno! Y más, que así será buscar a Dulcinea -por el Toboso como a Marica por Rávena, o al bachiller en Salamanca. ¡El -diablo, el diablo me ha metido a mí en esto, que otro no!'' - -Este soliloquio pasó consigo Sancho, y lo que sacó dél fue que volvió a -decirse: - -— Ahora bien, todas las cosas tienen remedio, si no es la muerte, debajo de -cuyo yugo hemos de pasar todos, mal que nos pese, al acabar de la vida. -Este mi amo, por mil señales, he visto que es un loco de atar, y aun -también yo no le quedo en zaga, pues soy más mentecato que él, pues le sigo -y le sirvo, si es verdadero el refrán que dice: "Dime con quién andas, -decirte he quién eres", y el otro de "No con quien naces, sino con quien -paces". Siendo, pues, loco, como lo es, y de locura que las más veces toma -unas cosas por otras, y juzga lo blanco por negro y lo negro por blanco, -como se pareció cuando dijo que los molinos de viento eran gigantes, y las -mulas de los religiosos dromedarios, y las manadas de carneros ejércitos de -enemigos, y otras muchas cosas a este tono, no será muy difícil hacerle -creer que una labradora, la primera que me topare por aquí, es la señora -Dulcinea; y, cuando él no lo crea, juraré yo; y si él jurare, tornaré yo a -jurar; y si porfiare, porfiaré yo más, y de manera que tengo de tener la -mía siempre sobre el hito, venga lo que viniere. Quizá con esta porfía -acabaré con él que no me envíe otra vez a semejantes mensajerías, viendo -cuán mal recado le traigo dellas, o quizá pensará, como yo imagino, que -algún mal encantador de estos que él dice que le quieren mal la habrá -mudado la figura por hacerle mal y daño. - -Con esto que pensó Sancho Panza quedó sosegado su espíritu, y tuvo por bien -acabado su negocio, y deteniéndose allí hasta la tarde, por dar lugar a que -don Quijote pensase que le había tenido para ir y volver del Toboso; y -sucedióle todo tan bien que, cuando se levantó para subir en el rucio, vio -que del Toboso hacia donde él estaba venían tres labradoras sobre tres -pollinos, o pollinas, que el autor no lo declara, aunque más se puede creer -que eran borricas, por ser ordinaria caballería de las aldeanas; pero, como -no va mucho en esto, no hay para qué detenernos en averiguarlo. En -resolución: así como Sancho vio a las labradoras, a paso tirado volvió a -buscar a su señor don Quijote, y hallóle suspirando y diciendo mil amorosas -lamentaciones. Como don Quijote le vio, le dijo: - -— ¿Qué hay, Sancho amigo? ¿Podré señalar este día con piedra blanca, o con -negra? - -— Mejor será —respondió Sancho— que vuesa merced le señale con almagre, como -rétulos de cátedras, porque le echen bien de ver los que le vieren. - -— De ese modo —replicó don Quijote—, buenas nuevas traes. - -— Tan buenas —respondió Sancho—, que no tiene más que hacer vuesa merced -sino picar a Rocinante y salir a lo raso a ver a la señora Dulcinea del -Toboso, que con otras dos doncellas suyas viene a ver a vuesa merced. - -— ¡Santo Dios! ¿Qué es lo que dices, Sancho amigo? —dijo don Quijote—. Mira -no me engañes, ni quieras con falsas alegrías alegrar mis verdaderas -tristezas. - -— ¿Qué sacaría yo de engañar a vuesa merced —respondió Sancho—, y más -estando tan cerca de descubrir mi verdad? Pique, señor, y venga, y verá -venir a la princesa, nuestra ama, vestida y adornada, en fin, como quien -ella es. Sus doncellas y ella todas son una ascua de oro, todas mazorcas de -perlas, todas son diamantes, todas rubíes, todas telas de brocado de más de -diez altos; los cabellos, sueltos por las espaldas, que son otros tantos -rayos del sol que andan jugando con el viento; y, sobre todo, vienen a -caballo sobre tres cananeas remendadas, que no hay más que ver. - -— Hacaneas querrás decir, Sancho. - -— Poca diferencia hay —respondió Sancho— de cananeas a hacaneas; pero, -vengan sobre lo que vinieren, ellas vienen las más galanas señoras que se -puedan desear, especialmente la princesa Dulcinea, mi señora, que pasma los -sentidos. - -— Vamos, Sancho hijo —respondió don Quijote—; y, en albricias destas no -esperadas como buenas nuevas, te mando el mejor despojo que ganare en la -primera aventura que tuviere, y si esto no te contenta, te mando las crías -que este año me dieren las tres yeguas mías, que tú sabes que quedan para -parir en el prado concejil de nuestro pueblo. - -— A las crías me atengo —respondió Sancho—, porque de ser buenos los -despojos de la primera aventura no está muy cierto. - -Ya en esto salieron de la selva, y descubrieron cerca a las tres aldeanas. -Tendió don Quijote los ojos por todo el camino del Toboso, y como no vio -sino a las tres labradoras, turbóse todo, y preguntó a Sancho si las había -dejado fuera de la ciudad. - -— ¿Cómo fuera de la ciudad? —respondió—. ¿Por ventura tiene vuesa merced los -ojos en el colodrillo, que no vee que son éstas, las que aquí vienen, -resplandecientes como el mismo sol a mediodía? - -— Yo no veo, Sancho —dijo don Quijote—, sino a tres labradoras sobre tres -borricos. - -— ¡Agora me libre Dios del diablo! —respondió Sancho—. Y ¿es posible que -tres hacaneas, o como se llaman, blancas como el ampo de la nieve, le -parezcan a vuesa merced borricos? ¡Vive el Señor, que me pele estas barbas -si tal fuese verdad! - -— Pues yo te digo, Sancho amigo —dijo don Quijote—, que es tan verdad que -son borricos, o borricas, como yo soy don Quijote y tú Sancho Panza; a lo -menos, a mí tales me parecen. - -— Calle, señor —dijo Sancho—, no diga la tal palabra, sino despabile esos -ojos, y venga a hacer reverencia a la señora de sus pensamientos, que ya -llega cerca. - -Y, diciendo esto, se adelantó a recebir a las tres aldeanas; y, apeándose -del rucio, tuvo del cabestro al jumento de una de las tres labradoras, y, -hincando ambas rodillas en el suelo, dijo: - -— Reina y princesa y duquesa de la hermosura, vuestra altivez y grandeza sea -servida de recebir en su gracia y buen talente al cautivo caballero -vuestro, que allí está hecho piedra mármol, todo turbado y sin pulsos de -verse ante vuestra magnífica presencia. Yo soy Sancho Panza, su escudero, y -él es el asendereado caballero don Quijote de la Mancha, llamado por otro -nombre el Caballero de la Triste Figura. - -A esta sazón, ya se había puesto don Quijote de hinojos junto a Sancho, y -miraba con ojos desencajados y vista turbada a la que Sancho llamaba reina -y señora, y, como no descubría en ella sino una moza aldeana, y no de muy -buen rostro, porque era carirredonda y chata, estaba suspenso y admirado, -sin osar desplegar los labios. Las labradoras estaban asimismo atónitas, -viendo aquellos dos hombres tan diferentes hincados de rodillas, que no -dejaban pasar adelante a su compañera; pero, rompiendo el silencio la -detenida, toda desgraciada y mohína, dijo: - -— Apártense nora en tal del camino, y déjenmos pasar, que vamos de priesa. - -A lo que respondió Sancho: - -— ¡Oh princesa y señora universal del Toboso! ¿Cómo vuestro magnánimo -corazón no se enternece viendo arrodillado ante vuestra sublimada presencia -a la coluna y sustento de la andante caballería? - -Oyendo lo cual, otra de las dos dijo: - -— Mas, ¡jo, que te estrego, burra de mi suegro! ¡Mirad con qué se vienen los -señoritos ahora a hacer burla de las aldeanas, como si aquí no supiésemos -echar pullas como ellos! Vayan su camino, e déjenmos hacer el nueso, y -serles ha sano. - -— Levántate, Sancho —dijo a este punto don Quijote—, que ya veo que la -Fortuna, de mi mal no harta, tiene tomados los caminos todos por donde -pueda venir algún contento a esta ánima mezquina que tengo en las carnes. Y -tú, ¡oh estremo del valor que puede desearse, término de la humana -gentileza, único remedio deste afligido corazón que te adora!, ya que el -maligno encantador me persigue, y ha puesto nubes y cataratas en mis ojos, -y para sólo ellos y no para otros ha mudado y transformado tu sin igual -hermosura y rostro en el de una labradora pobre, si ya también el mío no le -ha cambiado en el de algún vestiglo, para hacerle aborrecible a tus ojos, -no dejes de mirarme blanda y amorosamente, echando de ver en esta sumisión -y arrodillamiento que a tu contrahecha hermosura hago, la humildad con que -mi alma te adora. - -— ¡Tomá que mi agüelo! —respondió la aldeana—. ¡Amiguita soy yo de oír -resquebrajos! Apártense y déjenmos ir, y agradecérselo hemos. - -Apartóse Sancho y dejóla ir, contentísimo de haber salido bien de su -enredo. - -Apenas se vio libre la aldeana que había hecho la figura de Dulcinea, -cuando, picando a su cananea con un aguijón que en un palo traía, dio a -correr por el prado adelante. Y, como la borrica sentía la punta del -aguijón, que le fatigaba más de lo ordinario, comenzó a dar corcovos, de -manera que dio con la señora Dulcinea en tierra; lo cual visto por don -Quijote, acudió a levantarla, y Sancho a componer y cinchar el albarda, que -también vino a la barriga de la pollina. Acomodada, pues, la albarda, y -quiriendo don Quijote levantar a su encantada señora en los brazos sobre la -jumenta, la señora, levantándose del suelo, le quitó de aquel trabajo, -porque, haciéndose algún tanto atrás, tomó una corridica, y, puestas ambas -manos sobre las ancas de la pollina, dio con su cuerpo, más ligero que un -halcón, sobre la albarda, y quedó a horcajadas, como si fuera hombre; y -entonces dijo Sancho: - -— ¡Vive Roque, que es la señora nuestra ama más ligera que un acotán, y que -puede enseñar a subir a la jineta al más diestro cordobés o mejicano! El -arzón trasero de la silla pasó de un salto, y sin espuelas hace correr la -hacanea como una cebra. Y no le van en zaga sus doncellas; que todas corren -como el viento. - -Y así era la verdad, porque, en viéndose a caballo Dulcinea, todas picaron -tras ella y dispararon a correr, sin volver la cabeza atrás por espacio de -más de media legua. Siguiólas don Quijote con la vista, y, cuando vio que -no parecían, volviéndose a Sancho, le dijo: - -— Sancho, ¿qué te parece cuán malquisto soy de encantadores? Y mira hasta -dónde se estiende su malicia y la ojeriza que me tienen, pues me han -querido privar del contento que pudiera darme ver en su ser a mi señora. En -efecto, yo nací para ejemplo de desdichados, y para ser blanco y terrero -donde tomen la mira y asiesten las flechas de la mala fortuna. Y has -también de advertir, Sancho, que no se contentaron estos traidores de haber -vuelto y transformado a mi Dulcinea, sino que la transformaron y volvieron -en una figura tan baja y tan fea como la de aquella aldeana, y juntamente -le quitaron lo que es tan suyo de las principales señoras, que es el buen -olor, por andar siempre entre ámbares y entre flores. Porque te hago saber, -Sancho, que cuando llegé a subir a Dulcinea sobre su hacanea, según tú -dices, que a mí me pareció borrica, me dio un olor de ajos crudos, que me -encalabrinó y atosigó el alma. - -— ¡Oh canalla! —gritó a esta sazón Sancho— ¡Oh encantadores aciagos y -malintencionados, y quién os viera a todos ensartados por las agallas, como -sardinas en lercha! Mucho sabéis, mucho podéis y mucho más hacéis. Bastaros -debiera, bellacos, haber mudado las perlas de los ojos de mi señora en -agallas alcornoqueñas, y sus cabellos de oro purísimo en cerdas de cola de -buey bermejo, y, finalmente, todas sus faciones de buenas en malas, sin que -le tocárades en el olor; que por él siquiera sacáramos lo que estaba -encubierto debajo de aquella fea corteza; aunque, para decir verdad, nunca -yo vi su fealdad, sino su hermosura, a la cual subía de punto y quilates un -lunar que tenía sobre el labio derecho, a manera de bigote, con siete o -ocho cabellos rubios como hebras de oro y largos de más de un palmo. - -— A ese lunar —dijo don Quijote—, según la correspondencia que tienen entre -sí los del rostro con los del cuerpo, ha de tener otro Dulcinea en la tabla -del muslo que corresponde al lado donde tiene el del rostro, pero muy -luengos para lunares son pelos de la grandeza que has significado. - -— Pues yo sé decir a vuestra merced —respondió Sancho— que le parecían allí -como nacidos. - -— Yo lo creo, amigo —replicó don Quijote—, porque ninguna cosa puso la -naturaleza en Dulcinea que no fuese perfecta y bien acabada; y así, si -tuviera cien lunares como el que dices, en ella no fueran lunares, sino -lunas y estrellas resplandecientes. Pero dime, Sancho: aquella que a mí me -pareció albarda, que tú aderezaste, ¿era silla rasa o sillón? - -— No era —respondió Sancho— sino silla a la jineta, con una cubierta de -campo que vale la mitad de un reino, según es de rica. - -— ¡Y que no viese yo todo eso, Sancho! —dijo don Quijote—. Ahora torno a -decir, y diré mil veces, que soy el más desdichado de los hombres. - -Harto tenía que hacer el socarrón de Sancho en disimular la risa, oyendo -las sandeces de su amo, tan delicadamente engañado. Finalmente, después de -otras muchas razones que entre los dos pasaron, volvieron a subir en sus -bestias, y siguieron el camino de Zaragoza, adonde pensaban llegar a tiempo -que pudiesen hallarse en unas solenes fiestas que en aquella insigne ciudad -cada año suelen hacerse. Pero, antes que allá llegasen, les sucedieron -cosas que, por muchas, grandes y nuevas, merecen ser escritas y leídas, -como se verá adelante. - - - - -Capítulo XI. De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don Quijote -con el carro, o carreta, de Las Cortes de la Muerte - -Pensativo además iba don Quijote por su camino adelante, considerando la -mala burla que le habían hecho los encantadores, volviendo a su señora -Dulcinea en la mala figura de la aldeana, y no imaginaba qué remedio -tendría para volverla a su ser primero; y estos pensamientos le llevaban -tan fuera de sí, que, sin sentirlo, soltó las riendas a Rocinante, el cual, -sintiendo la libertad que se le daba, a cada paso se detenía a pacer la -verde yerba de que aquellos campos abundaban. De su embelesamiento le -volvió Sancho Panza, diciéndole: - -— Señor, las tristezas no se hicieron para las bestias, sino para los -hombres; pero si los hombres las sienten demasiado, se vuelven bestias: -vuestra merced se reporte, y vuelva en sí, y coja las riendas a Rocinante, -y avive y despierte, y muestre aquella gallardía que conviene que tengan -los caballeros andantes. ¿Qué diablos es esto? ¿Qué descaecimiento es éste? -¿Estamos aquí, o en Francia? Mas que se lleve Satanás a cuantas Dulcineas -hay en el mundo, pues vale más la salud de un solo caballero andante que -todos los encantos y transformaciones de la tierra. - -— Calla, Sancho —respondió don Quijote con voz no muy desmayada—; calla, -digo, y no digas blasfemias contra aquella encantada señora, que de su -desgracia y desventura yo solo tengo la culpa: de la invidia que me tienen -los malos ha nacido su mala andanza. - -— Así lo digo yo —respondió Sancho—: quien la vido y la vee ahora, ¿cuál es -el corazón que no llora? - -— Eso puedes tú decir bien, Sancho —replicó don Quijote—, pues la viste en -la entereza cabal de su hermosura, que el encanto no se estendió a turbarte -la vista ni a encubrirte su belleza: contra mí solo y contra mis ojos se -endereza la fuerza de su veneno. Mas, con todo esto, he caído, Sancho, en -una cosa, y es que me pintaste mal su hermosura, porque, si mal no me -acuerdo, dijiste que tenía los ojos de perlas, y los ojos que parecen de -perlas antes son de besugo que de dama; y, a lo que yo creo, los de -Dulcinea deben ser de verdes esmeraldas, rasgados, con dos celestiales -arcos que les sirven de cejas; y esas perlas quítalas de los ojos y pásalas -a los dientes, que sin duda te trocaste, Sancho, tomando los ojos por los -dientes. - -— Todo puede ser —respondió Sancho—, porque también me turbó a mí su -hermosura como a vuesa merced su fealdad. Pero encomendémoslo todo a Dios, -que Él es el sabidor de las cosas que han de suceder en este valle de -lágrimas, en este mal mundo que tenemos, donde apenas se halla cosa que -esté sin mezcla de maldad, embuste y bellaquería. De una cosa me pesa, -señor mío, más que de otras; que es pensar qué medio se ha de tener cuando -vuesa merced venza a algún gigante o otro caballero, y le mande que se vaya -a presentar ante la hermosura de la señora Dulcinea: ¿adónde la ha de -hallar este pobre gigante, o este pobre y mísero caballero vencido? -Paréceme que los veo andar por el Toboso hechos unos bausanes, buscando a -mi señora Dulcinea, y, aunque la encuentren en mitad de la calle, no la -conocerán más que a mi padre. - -— Quizá, Sancho —respondió don Quijote—, no se estenderá el encantamento a -quitar el conocimiento de Dulcinea a los vencidos y presentados gigantes y -caballeros; y, en uno o dos de los primeros que yo venza y le envíe, -haremos la experiencia si la ven o no, mandándoles que vuelvan a darme -relación de lo que acerca desto les hubiere sucedido. - -— Digo, señor —replicó Sancho—, que me ha parecido bien lo que vuesa merced -ha dicho, y que con ese artificio vendremos en conocimiento de lo que -deseamos; y si es que ella a solo vuesa merced se encubre, la desgracia más -será de vuesa merced que suya; pero, como la señora Dulcinea tenga salud y -contento, nosotros por acá nos avendremos y lo pasaremos lo mejor que -pudiéremos, buscando nuestras aventuras y dejando al tiempo que haga de las -suyas, que él es el mejor médico destas y de otras mayores enfermedades. - -Responder quería don Quijote a Sancho Panza, pero estorbóselo una carreta -que salió al través del camino, cargada de los más diversos y estraños -personajes y figuras que pudieron imaginarse. El que guiaba las mulas y -servía de carretero era un feo demonio. Venía la carreta descubierta al -cielo abierto, sin toldo ni zarzo. La primera figura que se ofreció a los -ojos de don Quijote fue la de la misma Muerte, con rostro humano; junto a -ella venía un ángel con unas grandes y pintadas alas; al un lado estaba un -emperador con una corona, al parecer de oro, en la cabeza; a los pies de la -Muerte estaba el dios que llaman Cupido, sin venda en los ojos, pero con su -arco, carcaj y saetas. Venía también un caballero armado de punta en -blanco, excepto que no traía morrión, ni celada, sino un sombrero lleno de -plumas de diversas colores; con éstas venían otras personas de diferentes -trajes y rostros. Todo lo cual visto de improviso, en alguna manera -alborotó a don Quijote y puso miedo en el corazón de Sancho; mas luego se -alegró don Quijote, creyendo que se le ofrecía alguna nueva y peligrosa -aventura, y con este pensamiento, y con ánimo dispuesto de acometer -cualquier peligro, se puso delante de la carreta, y, con voz alta y -amenazadora, dijo: - -— Carretero, cochero, o diablo, o lo que eres, no tardes en decirme quién -eres, a dó vas y quién es la gente que llevas en tu carricoche, que más -parece la barca de Carón que carreta de las que se usan. - -A lo cual, mansamente, deteniendo el Diablo la carreta, respondió: - -— Señor, nosotros somos recitantes de la compañía de Angulo el Malo; hemos -hecho en un lugar que está detrás de aquella loma, esta mañana, que es la -octava del Corpus, el auto de Las Cortes de la Muerte, y hémosle de hacer -esta tarde en aquel lugar que desde aquí se parece; y, por estar tan cerca -y escusar el trabajo de desnudarnos y volvernos a vestir, nos vamos -vestidos con los mesmos vestidos que representamos. Aquel mancebo va de -Muerte; el otro, de Ángel; aquella mujer, que es la del autor, va de Reina; -el otro, de Soldado; aquél, de Emperador, y yo, de Demonio, y soy una de -las principales figuras del auto, porque hago en esta compañía los primeros -papeles. Si otra cosa vuestra merced desea saber de nosotros, pregúntemelo, -que yo le sabré responder con toda puntualidad; que, como soy demonio, todo -se me alcanza. - -— Por la fe de caballero andante —respondió don Quijote—, que, así como vi -este carro, imaginé que alguna grande aventura se me ofrecía; y ahora digo -que es menester tocar las apariencias con la mano para dar lugar al -desengaño. Andad con Dios, buena gente, y haced vuestra fiesta, y mirad si -mandáis algo en que pueda seros de provecho, que lo haré con buen ánimo y -buen talante, porque desde mochacho fui aficionado a la carátula, y en mi -mocedad se me iban los ojos tras la farándula. - -Estando en estas pláticas, quiso la suerte que llegase uno de la compañía, -que venía vestido de bojiganga, con muchos cascabeles, y en la punta de un -palo traía tres vejigas de vaca hinchadas; el cual moharracho, llegándose a -don Quijote, comenzó a esgrimir el palo y a sacudir el suelo con las -vejigas, y a dar grandes saltos, sonando los cascabeles, cuya mala visión -así alborotó a Rocinante, que, sin ser poderoso a detenerle don Quijote, -tomando el freno entre los dientes, dio a correr por el campo con más -ligereza que jamás prometieron los huesos de su notomía. Sancho, que -consideró el peligro en que iba su amo de ser derribado, saltó del rucio, -y a toda priesa fue a valerle; pero, cuando a él llegó, ya estaba en -tierra, y junto a él, Rocinante, que, con su amo, vino al suelo: ordinario -fin y paradero de las lozanías de Rocinante y de sus atrevimientos. - -Mas, apenas hubo dejado su caballería Sancho por acudir a don Quijote, -cuando el demonio bailador de las vejigas saltó sobre el rucio, y, -sacudiéndole con ellas, el miedo y ruido, más que el dolor de los golpes, -le hizo volar por la campaña hacia el lugar donde iban a hacer la fiesta. -Miraba Sancho la carrera de su rucio y la caída de su amo, y no sabía a -cuál de las dos necesidades acudiría primero; pero, en efecto, como buen -escudero y como buen criado, pudo más con él el amor de su señor que el -cariño de su jumento, puesto que cada vez que veía levantar las vejigas en -el aire y caer sobre las ancas de su rucio eran para él tártagos y sustos -de muerte, y antes quisiera que aquellos golpes se los dieran a él en las -niñas de los ojos que en el más mínimo pelo de la cola de su asno. Con esta -perpleja tribulación llegó donde estaba don Quijote, harto más maltrecho de -lo que él quisiera, y, ayudándole a subir sobre Rocinante, le dijo: - -— Señor, el Diablo se ha llevado al rucio. - -— ¿Qué diablo? —preguntó don Quijote. - -— El de las vejigas —respondió Sancho. - -— Pues yo le cobraré —replicó don Quijote—, si bien se encerrase con él en -los más hondos y escuros calabozos del infierno. Sígueme, Sancho, que la -carreta va despacio, y con las mulas della satisfaré la pérdida del rucio. - -— No hay para qué hacer esa diligencia, señor —respondió Sancho—: vuestra -merced temple su cólera, que, según me parece, ya el Diablo ha dejado el -rucio, y vuelve a la querencia. - -Y así era la verdad; porque, habiendo caído el Diablo con el rucio, por -imitar a don Quijote y a Rocinante, el Diablo se fue a pie al pueblo, y el -jumento se volvió a su amo. - -— Con todo eso —dijo don Quijote—, será bien castigar el descomedimiento de -aquel demonio en alguno de los de la carreta, aunque sea el mesmo -emperador. - -— Quítesele a vuestra merced eso de la imaginación —replicó Sancho—, y tome -mi consejo, que es que nunca se tome con farsantes, que es gente -favorecida. Recitante he visto yo estar preso por dos muertes y salir -libre y sin costas. Sepa vuesa merced que, como son gentes alegres y de -placer, todos los favorecen, todos los amparan, ayudan y estiman, y más -siendo de aquellos de las compañías reales y de título, que todos, o los -más, en sus trajes y compostura parecen unos príncipes. - -— Pues con todo —respondió don Quijote—, no se me ha de ir el demonio -farsante alabando, aunque le favorezca todo el género humano. - -Y, diciendo esto, volvió a la carreta, que ya estaba bien cerca del pueblo. -Iba dando voces, diciendo: - -— Deteneos, esperad, turba alegre y regocijada, que os quiero dar a entender -cómo se han de tratar los jumentos y alimañas que sirven de caballería a -los escuderos de los caballeros andantes. - -Tan altos eran los gritos de don Quijote, que los oyeron y entendieron los -de la carreta; y, juzgando por las palabras la intención del que las decía, -en un instante saltó la Muerte de la carreta, y tras ella, el Emperador, el -Diablo carretero y el Ángel, sin quedarse la Reina ni el dios Cupido; y -todos se cargaron de piedras y se pusieron en ala, esperando recebir a don -Quijote en las puntas de sus guijarros. Don Quijote, que los vio puestos en -tan gallardo escuadrón, los brazos levantados con ademán de despedir -poderosamente las piedras, detuvo las riendas a Rocinante y púsose a pensar -de qué modo los acometería con menos peligro de su persona. En esto que se -detuvo, llegó Sancho, y, viéndole en talle de acometer al bien formado -escuadrón, le dijo: - -— Asaz de locura sería intentar tal empresa: considere vuesa merced, señor -mío, que para sopa de arroyo y tente bonete, no hay arma defensiva en el -mundo, si no es embutirse y encerrarse en una campana de bronce; y también -se ha de considerar que es más temeridad que valentía acometer un hombre -solo a un ejército donde está la Muerte, y pelean en persona emperadores, y -a quien ayudan los buenos y los malos ángeles; y si esta consideración no -le mueve a estarse quedo, muévale saber de cierto que, entre todos los que -allí están, aunque parecen reyes, príncipes y emperadores, no hay ningún -caballero andante. - -— Ahora sí —dijo don Quijote— has dado, Sancho, en el punto que puede y debe -mudarme de mi ya determinado intento. Yo no puedo ni debo sacar la espada, -como otras veces muchas te he dicho, contra quien no fuere armado -caballero. A ti, Sancho, toca, si quieres tomar la venganza del agravio que -a tu rucio se le ha hecho, que yo desde aquí te ayudaré con voces y -advertimientos saludables. - -— No hay para qué, señor —respondió Sancho—, tomar venganza de nadie, pues -no es de buenos cristianos tomarla de los agravios; cuanto más, que yo -acabaré con mi asno que ponga su ofensa en las manos de mi voluntad, la -cual es de vivir pacíficamente los días que los cielos me dieren de vida. - -— Pues ésa es tu determinación —replicó don Quijote—, Sancho bueno, Sancho -discreto, Sancho cristiano y Sancho sincero, dejemos estas fantasmas y -volvamos a buscar mejores y más calificadas aventuras; que yo veo esta -tierra de talle, que no han de faltar en ella muchas y muy milagrosas. - -Volvió las riendas luego, Sancho fue a tomar su rucio, la Muerte con todo -su escuadrón volante volvieron a su carreta y prosiguieron su viaje, y este -felice fin tuvo la temerosa aventura de la carreta de la Muerte, gracias -sean dadas al saludable consejo que Sancho Panza dio a su amo; al cual, el -día siguiente, le sucedió otra con un enamorado y andante caballero, de no -menos suspensión que la pasada. - - - - -Capítulo XII. De la estraña aventura que le sucedió al valeroso don -Quijote con el bravo Caballero de los Espejos - -La noche que siguió al día del rencuentro de la Muerte la pasaron don -Quijote y su escudero debajo de unos altos y sombrosos árboles, habiendo, a -persuasión de Sancho, comido don Quijote de lo que venía en el repuesto del -rucio, y entre la cena dijo Sancho a su señor: - -— Señor, ¡qué tonto hubiera andado yo si hubiera escogido en albricias los -despojos de la primera aventura que vuestra merced acabara, antes que las -crías de las tres yeguas! En efecto, en efecto, más vale pájaro en mano que -buitre volando. - -— Todavía —respondió don Quijote—, si tú, Sancho, me dejaras acometer, como -yo quería, te hubieran cabido en despojos, por lo menos, la corona de oro -de la Emperatriz y las pintadas alas de Cupido, que yo se las quitara al -redropelo y te las pusiera en las manos. - -— Nunca los cetros y coronas de los emperadores farsantes —respondió -Sancho Panza— fueron de oro puro, sino de oropel o hoja de lata. - -— Así es verdad —replicó don Quijote—, porque no fuera acertado que los -atavíos de la comedia fueran finos, sino fingidos y aparentes, como lo es -la mesma comedia, con la cual quiero, Sancho, que estés bien, teniéndola en -tu gracia, y por el mismo consiguiente a los que las representan y a los -que las componen, porque todos son instrumentos de hacer un gran bien a la -república, poniéndonos un espejo a cada paso delante, donde se veen al vivo -las acciones de la vida humana, y ninguna comparación hay que más al vivo -nos represente lo que somos y lo que habemos de ser como la comedia y los -comediantes. Si no, dime: ¿no has visto tú representar alguna comedia -adonde se introducen reyes, emperadores y pontífices, caballeros, damas y -otros diversos personajes? Uno hace el rufián, otro el embustero, éste el -mercader, aquél el soldado, otro el simple discreto, otro el enamorado -simple; y, acabada la comedia y desnudándose de los vestidos della, quedan -todos los recitantes iguales. - -— Sí he visto —respondió Sancho. - -— Pues lo mesmo —dijo don Quijote— acontece en la comedia y trato deste -mundo, donde unos hacen los emperadores, otros los pontífices, y, -finalmente, todas cuantas figuras se pueden introducir en una comedia; -pero, en llegando al fin, que es cuando se acaba la vida, a todos les quita -la muerte las ropas que los diferenciaban, y quedan iguales en la -sepultura. - -— ¡Brava comparación! —dijo Sancho—, aunque no tan nueva que yo no la haya -oído muchas y diversas veces, como aquella del juego del ajedrez, que, -mientras dura el juego, cada pieza tiene su particular oficio; y, en -acabándose el juego, todas se mezclan, juntan y barajan, y dan con ellas en -una bolsa, que es como dar con la vida en la sepultura. - -— Cada día, Sancho —dijo don Quijote—, te vas haciendo menos simple y más -discreto. - -— Sí, que algo se me ha de pegar de la discreción de vuestra merced -— respondió Sancho—; que las tierras que de suyo son estériles y secas, -estercolándolas y cultivándolas, vienen a dar buenos frutos: quiero decir -que la conversación de vuestra merced ha sido el estiércol que sobre la -estéril tierra de mi seco ingenio ha caído; la cultivación, el tiempo que -ha que le sirvo y comunico; y con esto espero de dar frutos de mí que sean -de bendición, tales, que no desdigan ni deslicen de los senderos de la -buena crianza que vuesa merced ha hecho en el agostado entendimiento mío. - -Rióse don Quijote de las afectadas razones de Sancho, y parecióle ser -verdad lo que decía de su emienda, porque de cuando en cuando hablaba de -manera que le admiraba; puesto que todas o las más veces que Sancho quería -hablar de oposición y a lo cortesano, acababa su razón con despeñarse del -monte de su simplicidad al profundo de su ignorancia; y en lo que él se -mostraba más elegante y memorioso era en traer refranes, viniesen o no -viniesen a pelo de lo que trataba, como se habrá visto y se habrá notado en -el discurso desta historia. - -En estas y en otras pláticas se les pasó gran parte de la noche, y a Sancho -le vino en voluntad de dejar caer las compuertas de los ojos, como él decía -cuando quería dormir, y, desaliñando al rucio, le dio pasto abundoso y -libre. No quitó la silla a Rocinante, por ser expreso mandamiento de su -señor que, en el tiempo que anduviesen en campaña, o no durmiesen debajo de -techado, no desaliñase a Rocinante: antigua usanza establecida y guardada -de los andantes caballeros, quitar el freno y colgarle del arzón de la -silla; pero, ¿quitar la silla al caballo?, ¡guarda!; y así lo hizo Sancho, -y le dio la misma libertad que al rucio, cuya amistad dél y de Rocinante -fue tan única y tan trabada, que hay fama, por tradición de padres a hijos, -que el autor desta verdadera historia hizo particulares capítulos della; -mas que, por guardar la decencia y decoro que a tan heroica historia se -debe, no los puso en ella, puesto que algunas veces se descuida deste su -prosupuesto, y escribe que, así como las dos bestias se juntaban, acudían a -rascarse el uno al otro, y que, después de cansados y satisfechos, cruzaba -Rocinante el pescuezo sobre el cuello del rucio (que le sobraba de la otra -parte más de media vara), y, mirando los dos atentamente al suelo, se -solían estar de aquella manera tres días; a lo menos, todo el tiempo que -les dejaban, o no les compelía la hambre a buscar sustento. - -Digo que dicen que dejó el autor escrito que los había comparado en la -amistad a la que tuvieron Niso y Euríalo, y Pílades y Orestes; y si esto es -así, se podía echar de ver, para universal admiración, cuán firme debió ser -la amistad destos dos pacíficos animales, y para confusión de los hombres, -que tan mal saben guardarse amistad los unos a los otros. Por esto se dijo: - -No hay amigo para amigo: - -las cañas se vuelven lanzas; - -y el otro que cantó: - -De amigo a amigo la chinche, etc. - -Y no le parezca a alguno que anduvo el autor algo fuera de camino en haber -comparado la amistad destos animales a la de los hombres, que de las -bestias han recebido muchos advertimientos los hombres y aprendido muchas -cosas de importancia, como son: de las cigüeñas, el cristel; de los perros, -el vómito y el agradecimiento; de las grullas, la vigilancia; de las -hormigas, la providencia; de los elefantes, la honestidad, y la lealtad, -del caballo. - -Finalmente, Sancho se quedó dormido al pie de un alcornoque, y don Quijote -dormitando al de una robusta encina; pero, poco espacio de tiempo había -pasado, cuando le despertó un ruido que sintió a sus espaldas, y, -levantándose con sobresalto, se puso a mirar y a escuchar de dónde el ruido -procedía, y vio que eran dos hombres a caballo, y que el uno, dejándose -derribar de la silla, dijo al otro: - -— Apéate, amigo, y quita los frenos a los caballos, que, a mi parecer, este -sitio abunda de yerba para ellos, y del silencio y soledad que han menester -mis amorosos pensamientos. - -El decir esto y el tenderse en el suelo todo fue a un mesmo tiempo; y, al -arrojarse, hicieron ruido las armas de que venía armado, manifiesta señal -por donde conoció don Quijote que debía de ser caballero andante; y, -llegándose a Sancho, que dormía, le trabó del brazo, y con no pequeño -trabajo le volvió en su acuerdo, y con voz baja le dijo: - -— Hermano Sancho, aventura tenemos. - -— Dios nos la dé buena —respondió Sancho—; y ¿adónde está, señor mío, su -merced de esa señora aventura? - -— ¿Adónde, Sancho? —replicó don Quijote—; vuelve los ojos y mira, y verás -allí tendido un andante caballero, que, a lo que a mí se me trasluce, no -debe de estar demasiadamente alegre, porque le vi arrojar del caballo y -tenderse en el suelo con algunas muestras de despecho, y al caer le -crujieron las armas. - -— Pues ¿en qué halla vuesa merced —dijo Sancho— que ésta sea aventura? - -— No quiero yo decir —respondió don Quijote— que ésta sea aventura del todo, -sino principio della; que por aquí se comienzan las aventuras. Pero -escucha, que, a lo que parece, templando está un laúd o vigüela, y, según -escupe y se desembaraza el pecho, debe de prepararse para cantar algo. - -— A buena fe que es así —respondió Sancho—, y que debe de ser caballero -enamorado. - -— No hay ninguno de los andantes que no lo sea —dijo don Quijote—. Y -escuchémosle, que por el hilo sacaremos el ovillo de sus pensamientos, si -es que canta; que de la abundancia del corazón habla la lengua. - -Replicar quería Sancho a su amo, pero la voz del Caballero del Bosque, que -no era muy mala mi muy buena, lo estorbó; y, estando los dos atónitos, -oyeron que lo que cantó fue este soneto: - -— Dadme, señora, un término que siga, -conforme a vuestra voluntad cortado; -que será de la mía así estimado, -que por jamás un punto dél desdiga. -Si gustáis que callando mi fatiga -muera, contadme ya por acabado: -si queréis que os la cuente en desusado -modo, haré que el mesmo amor la diga. -A prueba de contrarios estoy hecho, -de blanda cera y de diamante duro, -y a las leyes de amor el ama ajusto. -Blando cual es, o fuerte, ofrezco el pecho: -entallad o imprimid lo que os dé gusto, -que de guardarlo eternamente juro. - -Con un ¡ay!, arrancado, al parecer, de lo íntimo de su corazón, dio fin a -su canto el Caballero del Bosque, y, de allí a un poco, con voz doliente y -lastimada, dijo: - -— ¡Oh la más hermosa y la más ingrata mujer del orbe! ¿Cómo que será -posible, serenísima Casildea de Vandalia, que has de consentir que se -consuma y acabe en continuas peregrinaciones y en ásperos y duros trabajos -este tu cautivo caballero? ¿No basta ya que he hecho que te confiesen por -la más hermosa del mundo todos los caballeros de Navarra, todos los -leoneses, todos los tartesios, todos los castellanos, y, finalmente, todos -los caballeros de la Mancha? - -— Eso no —dijo a esta sazón don Quijote—, que yo soy de la Mancha y nunca -tal he confesado, ni podía ni debía confesar una cosa tan perjudicial a la -belleza de mi señora; y este tal caballero ya vees tú, Sancho, que -desvaría. Pero, escuchemos: quizá se declarará más. - -— Si hará —replicó Sancho—, que término lleva de quejarse un mes arreo. - -Pero no fue así, porque, habiendo entreoído el Caballero del Bosque que -hablaban cerca dél, sin pasar adelante en su lamentación, se puso en pie, y -dijo con voz sonora y comedida: - -— ¿Quién va allá? ¿Qué gente? ¿Es por ventura de la del número de los -contentos, o la del de los afligidos? - -— De los afligidos —respondió don Quijote. - -— Pues lléguese a mí —respondió el del Bosque—, y hará cuenta que se llega -a la mesma tristeza y a la aflición mesma. - -Don Quijote, que se vio responder tan tierna y comedidamente, se llegó a -él, y Sancho ni más ni menos. - -El caballero lamentador asió a don Quijote del brazo, diciendo: - -— Sentaos aquí, señor caballero, que para entender que lo sois, y de los que -profesan la andante caballería, bástame el haberos hallado en este lugar, -donde la soledad y el sereno os hacen compañía, naturales lechos y propias -estancias de los caballeros andantes. - -A lo que respondió don Quijote: - -— Caballero soy, y de la profesión que decís; y, aunque en mi alma tienen su -propio asiento las tristezas, las desgracias y las desventuras, no por eso -se ha ahuyentado della la compasión que tengo de las ajenas desdichas. De -lo que contaste poco ha, colegí que las vuestras son enamoradas, quiero -decir, del amor que tenéis a aquella hermosa ingrata que en vuestras -lamentaciones nombrastes. - -Ya cuando esto pasaban estaban sentados juntos sobre la dura tierra, en -buena paz y compañía, como si al romper del día no se hubieran de romper -las cabezas. - -— Por ventura, señor caballero —preguntó el del Bosque a don Quijote—, ¿sois -enamorado? - -— Por desventura lo soy —respondió don Quijote—; aunque los daños que nacen -de los bien colocados pensamientos, antes se deben tener por gracias que -por desdichas. - -— Así es la verdad —replicó el del Bosque—, si no nos turbasen la razón y el -entendimiento los desdenes, que, siendo muchos, parecen venganzas. - -— Nunca fui desdeñado de mi señora —respondió don Quijote. - -— No, por cierto —dijo Sancho, que allí junto estaba—, porque es mi señora -como una borrega mansa: es más blanda que una manteca. - -— ¿Es vuestro escudero éste? —preguntó el del Bosque. - -— Sí es —respondió don Quijote. - -— Nunca he visto yo escudero —replicó el del Bosque— que se atreva a hablar -donde habla su señor; a lo menos, ahí está ese mío, que es tan grande como -su padre, y no se probará que haya desplegado el labio donde yo hablo. - -— Pues a fe —dijo Sancho—, que he hablado yo, y puedo hablar delante de otro -tan..., y aun quédese aquí, que es peor meneallo. - -El escudero del Bosque asió por el brazo a Sancho, diciéndole: - -— Vámonos los dos donde podamos hablar escuderilmente todo cuanto -quisiéremos, y dejemos a estos señores amos nuestros que se den de las -astas, contándose las historias de sus amores; que a buen seguro que les ha -de coger el día en ellas y no las han de haber acabado. - -— Sea en buena hora —dijo Sancho—; y yo le diré a vuestra merced quién soy, -para que vea si puedo entrar en docena con los más hablantes escuderos. - -Con esto se apartaron los dos escuderos, entre los cuales pasó un tan -gracioso coloquio como fue grave el que pasó entre sus señores. - - - - -Capítulo XIII. Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque, con -el discreto, nuevo y suave coloquio que pasó entre los dos escuderos - -Divididos estaban caballeros y escuderos: éstos contándose sus vidas, y -aquéllos sus amores; pero la historia cuenta primero el razonamiento de los -mozos y luego prosigue el de los amos; y así, dice que, apartándose un poco -dellos, el del Bosque dijo a Sancho: - -— Trabajosa vida es la que pasamos y vivimos, señor mío, estos que somos -escuderos de caballeros andantes: en verdad que comemos el pan en el sudor -de nuestros rostros, que es una de las maldiciones que echó Dios a nuestros -primeros padres. - -— También se puede decir —añadió Sancho— que lo comemos en el yelo de -nuestros cuerpos; porque, ¿quién más calor y más frío que los miserables -escuderos de la andante caballería? Y aun menos mal si comiéramos, pues los -duelos, con pan son menos; pero tal vez hay que se nos pasa un día y dos -sin desayunarnos, si no es del viento que sopla. - -— Todo eso se puede llevar y conllevar —dijo el del Bosque—, con la -esperanza que tenemos del premio; porque si demasiadamente no es -desgraciado el caballero andante a quien un escudero sirve, por lo menos, a -pocos lances se verá premiado con un hermoso gobierno de cualque ínsula, o -con un condado de buen parecer. - -Yo —replicó Sancho— ya he dicho a mi amo que me contento con el gobierno de -alguna ínsula; y él es tan noble y tan liberal, que me le ha prometido -muchas y diversas veces. - -Yo —dijo el del Bosque—, con un canonicato quedaré satisfecho de mis -servicios, y ya me le tiene mandado mi amo, y ¡qué tal! - -— Debe de ser —dijo Sancho— su amo de vuesa merced caballero a lo -eclesiástico, y podrá hacer esas mercedes a sus buenos escuderos; pero el -mío es meramente lego, aunque yo me acuerdo cuando le querían aconsejar -personas discretas, aunque, a mi parecer mal intencionadas, que procurase -ser arzobispo; pero él no quiso sino ser emperador, y yo estaba entonces -temblando si le venía en voluntad de ser de la Iglesia, por no hallarme -suficiente de tener beneficios por ella; porque le hago saber a vuesa -merced que, aunque parezco hombre, soy una bestia para ser de la Iglesia. - -— Pues en verdad que lo yerra vuesa merced —dijo el del Bosque—, a causa que -los gobiernos insulanos no son todos de buena data. Algunos hay torcidos, -algunos pobres, algunos malencónicos, y finalmente, el más erguido y bien -dispuesto trae consigo una pesada carga de pensamientos y de incomodidades, -que pone sobre sus hombros el desdichado que le cupo en suerte. Harto mejor -sería que los que profesamos esta maldita servidumbre nos retirásemos a -nuestras casas, y allí nos entretuviésemos en ejercicios más suaves, como -si dijésemos, cazando o pescando; que, ¿qué escudero hay tan pobre en el -mundo, a quien le falte un rocín, y un par de galgos, y una caña de pescar, -con que entretenerse en su aldea? - -— A mí no me falta nada deso —respondió Sancho—: verdad es que no tengo -rocín, pero tengo un asno que vale dos veces más que el caballo de mi amo. -Mala pascua me dé Dios, y sea la primera que viniere, si le trocara por él, -aunque me diesen cuatro fanegas de cebada encima. A burla tendrá vuesa -merced el valor de mi rucio, que rucio es el color de mi jumento. Pues -galgos no me habían de faltar, habiéndolos sobrados en mi pueblo; y más, -que entonces es la caza más gustosa cuando se hace a costa ajena. - -— Real y verdaderamente —respondió el del Bosque—, señor escudero, que tengo -propuesto y determinado de dejar estas borracherías destos caballeros, y -retirarme a mi aldea, y criar mis hijitos, que tengo tres como tres -orientales perlas. - -— Dos tengo yo —dijo Sancho—, que se pueden presentar al Papa en persona, -especialmente una muchacha a quien crío para condesa, si Dios fuere -servido, aunque a pesar de su madre. - -— Y ¿qué edad tiene esa señora que se cría para condesa? —preguntó el del -Bosque. - -— Quince años, dos más a menos —respondió Sancho—, pero es tan grande como -una lanza, y tan fresca como una mañana de abril, y tiene una fuerza de un -ganapán. - -— Partes son ésas —respondió el del Bosque— no sólo para ser condesa, sino -para ser ninfa del verde bosque. ¡Oh hideputa, puta, y qué rejo debe de -tener la bellaca! - -A lo que respondió Sancho, algo mohíno: - -— Ni ella es puta, ni lo fue su madre, ni lo será ninguna de las dos, Dios -quiriendo, mientras yo viviere. Y háblese más comedidamente, que, para -haberse criado vuesa merced entre caballeros andantes, que son la mesma -cortesía, no me parecen muy concertadas esas palabras. - -— ¡Oh, qué mal se le entiende a vuesa merced —replicó el del Bosque— de -achaque de alabanzas, señor escudero! ¿Cómo y no sabe que cuando algún -caballero da una buena lanzada al toro en la plaza, o cuando alguna persona -hace alguna cosa bien hecha, suele decir el vulgo: "¡Oh hideputa, puto, y -qué bien que lo ha hecho!?" Y aquello que parece vituperio, en aquel -término, es alabanza notable; y renegad vos, señor, de los hijos o hijas -que no hacen obras que merezcan se les den a sus padres loores semejantes. - -— Sí reniego —respondió Sancho—, y dese modo y por esa misma razón podía -echar vuestra merced a mí y hijos y a mi mujer toda una putería encima, -porque todo cuanto hacen y dicen son estremos dignos de semejantes -alabanzas, y para volverlos a ver ruego yo a Dios me saque de pecado -mortal, que lo mesmo será si me saca deste peligroso oficio de escudero, en -el cual he incurrido segunda vez, cebado y engañado de una bolsa con cien -ducados que me hallé un día en el corazón de Sierra Morena, y el diablo me -pone ante los ojos aquí, allí, acá no, sino acullá, un talego lleno de -doblones, que me parece que a cada paso le toco con la mano, y me abrazo -con él, y lo llevo a mi casa, y echo censos, y fundo rentas, y vivo como un -príncipe; y el rato que en esto pienso se me hacen fáciles y llevaderos -cuantos trabajos padezco con este mentecato de mi amo, de quien sé que -tiene más de loco que de caballero. - -— Por eso —respondió el del Bosque— dicen que la codicia rompe el saco; y si -va a tratar dellos, no hay otro mayor en el mundo que mi amo, porque es de -aquellos que dicen: "Cuidados ajenos matan al asno"; pues, porque cobre -otro caballero el juicio que ha perdido, se hace el loco, y anda buscando -lo que no sé si después de hallado le ha de salir a los hocicos. - -— Y ¿es enamorado, por dicha? - -— Sí —dijo el del Bosque—: de una tal Casildea de Vandalia, la más cruda y -la más asada señora que en todo el orbe puede hallarse; pero no cojea del -pie de la crudeza, que otros mayores embustes le gruñen en las entrañas, y -ello dirá antes de muchas horas. - -— No hay camino tan llano —replicó Sancho— que no tenga algún tropezón o -barranco; en otras casas cuecen habas, y en la mía, a calderadas; más -acompañados y paniaguados debe de tener la locura que la discreción. Mas si -es verdad lo que comúnmente se dice, que el tener compañeros en los -trabajos suele servir de alivio en ellos, con vuestra merced podré -consolarme, pues sirve a otro amo tan tonto como el mío. - -— Tonto, pero valiente —respondió el del Bosque—, y más bellaco que tonto y -que valiente. - -— Eso no es el mío —respondió Sancho—: digo, que no tiene nada de bellaco; -antes tiene una alma como un cántaro: no sabe hacer mal a nadie, sino bien -a todos, ni tiene malicia alguna: un niño le hará entender que es de noche -en la mitad del día; y por esta sencillez le quiero como a las telas de mi -corazón, y no me amaño a dejarle, por más disparates que haga. - -— Con todo eso, hermano y señor —dijo el del Bosque—, si el ciego guía al -ciego, ambos van a peligro de caer en el hoyo. Mejor es retirarnos con buen -compás de pies, y volvernos a nuestras querencias; que los que buscan -aventuras no siempre las hallan buenas. - -Escupía Sancho a menudo, al parecer, un cierto género de saliva pegajosa y -algo seca; lo cual visto y notado por el caritativo bosqueril escudero, -dijo: - -— Paréceme que de lo que hemos hablado se nos pegan al paladar las lenguas; -pero yo traigo un despegador pendiente del arzón de mi caballo, que es tal -como bueno. - -Y, levantándose, volvió desde allí a un poco con una gran bota de vino y -una empanada de media vara; y no es encarecimiento, porque era de un conejo -albar, tan grande que Sancho, al tocarla, entendió ser de algún cabrón, no -que de cabrito; lo cual visto por Sancho, dijo: - -— Y ¿esto trae vuestra merced consigo, señor? - -— Pues, ¿qué se pensaba? —respondió el otro—. ¿Soy yo por ventura algún -escudero de agua y lana? Mejor repuesto traigo yo en las ancas de mi -caballo que lleva consigo cuando va de camino un general. - -Comió Sancho sin hacerse de rogar, y tragaba a escuras bocados de nudos de -suelta. Y dijo: - -— Vuestra merced sí que es escudero fiel y legal, moliente y corriente, -magnífico y grande, como lo muestra este banquete, que si no ha venido aquí -por arte de encantamento, parécelo, a lo menos; y no como yo, mezquino y -malaventurado, que sólo traigo en mis alforjas un poco de queso, tan duro -que pueden descalabrar con ello a un gigante, a quien hacen compañía cuatro -docenas de algarrobas y otras tantas de avellanas y nueces, mercedes a la -estrecheza de mi dueño, y a la opinión que tiene y orden que guarda de que -los caballeros andantes no se han de mantener y sustentar sino con frutas -secas y con las yerbas del campo. - -— Por mi fe, hermano —replicó el del Bosque—, que yo no tengo hecho el -estómago a tagarninas, ni a piruétanos, ni a raíces de los montes. Allá se -lo hayan con sus opiniones y leyes caballerescas nuestros amos, y coman lo -que ellos mandaren. Fiambreras traigo, y esta bota colgando del arzón de la -silla, por sí o por no; y es tan devota mía y quiérola tanto, que pocos -ratos se pasan sin que la dé mil besos y mil abrazos. - -Y, diciendo esto, se la puso en las manos a Sancho, el cual, empinándola, -puesta a la boca, estuvo mirando las estrellas un cuarto de hora, y, en -acabando de beber, dejó caer la cabeza a un lado, y, dando un gran suspiro, -dijo: - -— ¡Oh hideputa bellaco, y cómo es católico! - -— ¿Veis ahí —dijo el del Bosque, en oyendo el hideputa de Sancho—, cómo -habéis alabado este vino llamándole hideputa? - -— Digo —respondió Sancho—, que confieso que conozco que no es deshonra -llamar hijo de puta a nadie, cuando cae debajo del entendimiento de -alabarle. Pero dígame, señor, por el siglo de lo que más quiere: ¿este vino -es de Ciudad Real? - -— ¡Bravo mojón! —respondió el del Bosque—. En verdad que no es de otra -parte, y que tiene algunos años de ancianidad. - -— ¡A mí con eso! —dijo Sancho—. No toméis menos, sino que se me fuera a mí -por alto dar alcance a su conocimiento. ¿No será bueno, señor escudero, que -tenga yo un instinto tan grande y tan natural, en esto de conocer vinos, -que, en dándome a oler cualquiera, acierto la patria, el linaje, el sabor, -y la dura, y las vueltas que ha de dar, con todas las circunstancias al -vino atañederas? Pero no hay de qué maravillarse, si tuve en mi linaje por -parte de mi padre los dos más excelentes mojones que en luengos años -conoció la Mancha; para prueba de lo cual les sucedió lo que ahora diré: -«Diéronles a los dos a probar del vino de una cuba, pidiéndoles su parecer -del estado, cualidad, bondad o malicia del vino. El uno lo probó con la -punta de la lengua, el otro no hizo más de llegarlo a las narices. El -primero dijo que aquel vino sabía a hierro, el segundo dijo que más sabía a -cordobán. El dueño dijo que la cuba estaba limpia, y que el tal vino no -tenía adobo alguno por donde hubiese tomado sabor de hierro ni de cordobán. -Con todo eso, los dos famosos mojones se afirmaron en lo que habían dicho. -Anduvo el tiempo, vendióse el vino, y al limpiar de la cuba hallaron en -ella una llave pequeña, pendiente de una correa de cordobán.» Porque vea -vuestra merced si quien viene desta ralea podrá dar su parecer en -semejantes causas. - -— Por eso digo —dijo el del Bosque— que nos dejemos de andar buscando -aventuras; y, pues tenemos hogazas, no busquemos tortas, y volvámonos a -nuestras chozas, que allí nos hallará Dios, si Él quiere. - -— Hasta que mi amo llegue a Zaragoza, le serviré; que después todos nos -entenderemos. - -Finalmente, tanto hablaron y tanto bebieron los dos buenos escuderos, que -tuvo necesidad el sueño de atarles las lenguas y templarles la sed, que -quitársela fuera imposible; y así, asidos entrambos de la ya casi vacía -bota, con los bocados a medio mascar en la boca, se quedaron dormidos, -donde los dejaremos por ahora, por contar lo que el Caballero del Bosque -pasó con el de la Triste Figura. - - - - -Capítulo XIV. Donde se prosigue la aventura del Caballero del Bosque - -Entre muchas razones que pasaron don Quijote y el Caballero de la Selva, -dice la historia que el del Bosque dijo a don Quijote: - -— Finalmente, señor caballero, quiero que sepáis que mi destino, o, por -mejor decir, mi elección, me trujo a enamorar de la sin par Casildea de -Vandalia. Llámola sin par porque no le tiene, así en la grandeza del cuerpo -como en el estremo del estado y de la hermosura. Esta tal Casildea, pues, -que voy contando, pagó mis buenos pensamientos y comedidos deseos con -hacerme ocupar, como su madrina a Hércules, en muchos y diversos peligros, -prometiéndome al fin de cada uno que en el fin del otro llegaría el de mi -esperanza; pero así se han ido eslabonando mis trabajos, que no tienen -cuento, ni yo sé cuál ha de ser el último que dé principio al cumplimiento -de mis buenos deseos. Una vez me mandó que fuese a desafiar a aquella -famosa giganta de Sevilla llamada la Giralda, que es tan valiente y fuerte -como hecha de bronce, y, sin mudarse de un lugar, es la más movible y -voltaria mujer del mundo. Llegué, vila, y vencíla, y hícela estar queda y a -raya, porque en más de una semana no soplaron sino vientos nortes. Vez -también hubo que me mandó fuese a tomar en peso las antiguas piedras de los -valientes Toros de Guisando, empresa más para encomendarse a ganapanes que -a caballeros. Otra vez me mandó que me precipitase y sumiese en la sima de -Cabra, peligro inaudito y temeroso, y que le trujese particular relación de -lo que en aquella escura profundidad se encierra. Detuve el movimiento a la -Giralda, pesé los Toros de Guisando, despeñéme en la sima y saqué a luz lo -escondido de su abismo, y mis esperanzas, muertas que muertas, y sus -mandamientos y desdenes, vivos que vivos. En resolución, últimamente me ha -mandado que discurra por todas las provincias de España y haga confesar a -todos los andantes caballeros que por ellas vagaren que ella sola es la más -aventajada en hermosura de cuantas hoy viven, y que yo soy el más valiente -y el más bien enamorado caballero del orbe; en cuya demanda he andado ya la -mayor parte de España, y en ella he vencido muchos caballeros que se han -atrevido a contradecirme. Pero de lo que yo más me precio y ufano es de -haber vencido, en singular batalla, a aquel tan famoso caballero don -Quijote de la Mancha, y héchole confesar que es más hermosa mi Casildea que -su Dulcinea; y en solo este vencimiento hago cuenta que he vencido todos -los caballeros del mundo, porque el tal don Quijote que digo los ha vencido -a todos; y, habiéndole yo vencido a él, su gloria, su fama y su honra se ha -transferido y pasado a mi persona; - -y tanto el vencedor es más honrado, - -cuanto más el vencido es reputado; - -así que, ya corren por mi cuenta y son mías las inumerables hazañas del ya -referido don Quijote. - -Admirado quedó don Quijote de oír al Caballero del Bosque, y estuvo mil -veces por decirle que mentía, y ya tuvo el mentís en el pico de la lengua; -pero reportóse lo mejor que pudo, por hacerle confesar por su propia boca -su mentira; y así, sosegadamente le dijo: - -— De que vuesa merced, señor caballero, haya vencido a los más caballeros -andantes de España, y aun de todo el mundo, no digo nada; pero de que haya -vencido a don Quijote de la Mancha, póngolo en duda. Podría ser que fuese -otro que le pareciese, aunque hay pocos que le parezcan. - -— ¿Cómo no? —replicó el del Bosque—. Por el cielo que nos cubre, que peleé -con don Quijote, y le vencí y rendí; y es un hombre alto de cuerpo, seco de -rostro, estirado y avellanado de miembros, entrecano, la nariz aguileña y -algo corva, de bigotes grandes, negros y caídos. Campea debajo del nombre -del Caballero de la Triste Figura, y trae por escudero a un labrador -llamado Sancho Panza; oprime el lomo y rige el freno de un famoso caballo -llamado Rocinante, y, finalmente, tiene por señora de su voluntad a una tal -Dulcinea del Toboso, llamada un tiempo Aldonza Lorenzo; como la mía, que, -por llamarse Casilda y ser de la Andalucía, yo la llamo Casildea de -Vandalia. Si todas estas señas no bastan para acreditar mi verdad, aquí -está mi espada, que la hará dar crédito a la mesma incredulidad. - -— Sosegaos, señor caballero —dijo don Quijote—, y escuchad lo que decir os -quiero. Habéis de saber que ese don Quijote que decís es el mayor amigo que -en este mundo tengo, y tanto, que podré decir que le tengo en lugar de mi -misma persona, y que por las señas que dél me habéis dado, tan puntuales y -ciertas, no puedo pensar sino que sea el mismo que habéis vencido. Por otra -parte, veo con los ojos y toco con las manos no ser posible ser el mesmo, -si ya no fuese que como él tiene muchos enemigos encantadores, -especialmente uno que de ordinario le persigue, no haya alguno dellos -tomado su figura para dejarse vencer, por defraudarle de la fama que sus -altas caballerías le tienen granjeada y adquirida por todo lo descubierto -de la tierra. Y, para confirmación desto, quiero también que sepáis que los -tales encantadores sus contrarios no ha más de dos días que transformaron -la figura y persona de la hermosa Dulcinea del Toboso en una aldeana soez y -baja, y desta manera habrán transformado a don Quijote; y si todo esto no -basta para enteraros en esta verdad que digo, aquí está el mesmo don -Quijote, que la sustentará con sus armas a pie, o a caballo, o de -cualquiera suerte que os agradare. - -Y, diciendo esto, se levantó en pie y se empuñó en la espada, esperando qué -resolución tomaría el Caballero del Bosque; el cual, con voz asimismo -sosegada, respondió y dijo: - -— Al buen pagador no le duelen prendas: el que una vez, señor don Quijote, -pudo venceros transformado, bien podrá tener esperanza de rendiros en -vuestro propio ser. Mas, porque no es bien que los caballeros hagan sus -fechos de armas ascuras, como los salteadores y rufianes, esperemos el día, -para que el sol vea nuestras obras. Y ha de ser condición de nuestra -batalla que el vencido ha de quedar a la voluntad del vencedor, para que -haga dél todo lo que quisiere, con tal que sea decente a caballero lo que -se le ordenare. - -— Soy más que contento desa condición y convenencia —respondió don Quijote. - -Y, en diciendo esto, se fueron donde estaban sus escuderos, y los hallaron -roncando y en la misma forma que estaban cuando les salteó el sueño. -Despertáronlos y mandáronles que tuviesen a punto los caballos, porque, en -saliendo el sol, habían de hacer los dos una sangrienta, singular y -desigual batalla; a cuyas nuevas quedó Sancho atónito y pasmado, temeroso -de la salud de su amo, por las valentías que había oído decir del suyo al -escudero del Bosque; pero, sin hablar palabra, se fueron los dos escuderos -a buscar su ganado, que ya todos tres caballos y el rucio se habían olido, -y estaban todos juntos. - -En el camino dijo el del Bosque a Sancho: - -— Ha de saber, hermano, que tienen por costumbre los peleantes de la -Andalucía, cuando son padrinos de alguna pendencia, no estarse ociosos mano -sobre mano en tanto que sus ahijados riñen. Dígolo porque esté advertido -que mientras nuestros dueños riñeren, nosotros también hemos de pelear y -hacernos astillas. - -— Esa costumbre, señor escudero —respondió Sancho—, allá puede correr y -pasar con los rufianes y peleantes que dice, pero con los escuderos de los -caballeros andantes, ni por pienso. A lo menos, yo no he oído decir a mi -amo semejante costumbre, y sabe de memoria todas las ordenanzas de la -andante caballería. Cuanto más, que yo quiero que sea verdad y ordenanza -expresa el pelear los escuderos en tanto que sus señores pelean; pero yo no -quiero cumplirla, sino pagar la pena que estuviere puesta a los tales -pacíficos escuderos, que yo aseguro que no pase de dos libras de cera, y -más quiero pagar las tales libras, que sé que me costarán menos que las -hilas que podré gastar en curarme la cabeza, que ya me la cuento por -partida y dividida en dos partes. Hay más: que me imposibilita el reñir el -no tener espada, pues en mi vida me la puse. - -— Para eso sé yo un buen remedio —dijo el del Bosque—: yo traigo aquí dos -talegas de lienzo, de un mesmo tamaño: tomaréis vos la una, y yo la otra, y -riñiremos a talegazos, con armas iguales. - -— Desa manera, sea en buena hora —respondió Sancho—, porque antes servirá la -tal pelea de despolvorearnos que de herirnos. - -— No ha de ser así —replicó el otro—, porque se han de echar dentro de las -talegas, porque no se las lleve el aire, media docena de guijarros lindos y -pelados, que pesen tanto los unos como los otros, y desta manera nos -podremos atalegar sin hacernos mal ni daño. - -— ¡Mirad, cuerpo de mi padre —respondió Sancho—, qué martas cebollinas, o -qué copos de algodón cardado pone en las talegas, para no quedar molidos -los cascos y hechos alheña los huesos! Pero, aunque se llenaran de capullos -de seda, sepa, señor mío, que no he de pelear: peleen nuestros amos, y allá -se lo hayan, y bebamos y vivamos nosotros, que el tiempo tiene cuidado de -quitarnos las vidas, sin que andemos buscando apetites para que se acaben -antes de llegar su sazón y término y que se cayan de maduras. - -— Con todo —replicó el del Bosque—, hemos de pelear siquiera media hora. - -— Eso no —respondió Sancho—: no seré yo tan descortés ni tan desagradecido, -que con quien he comido y he bebido trabe cuestión alguna, por mínima que -sea; cuanto más que, estando sin cólera y sin enojo, ¿quién diablos se ha -de amañar a reñir a secas? - -— Para eso —dijo el del Bosque— yo daré un suficiente remedio: y es que, -antes que comencemos la pelea, yo me llegaré bonitamente a vuestra merced -y le daré tres o cuatro bofetadas, que dé con él a mis pies, con las cuales -le haré despertar la cólera, aunque esté con más sueño que un lirón. - -— Contra ese corte sé yo otro —respondió Sancho—, que no le va en zaga: -cogeré yo un garrote, y, antes que vuestra merced llegue a despertarme la -cólera, haré yo dormir a garrotazos de tal suerte la suya, que no despierte -si no fuere en el otro mundo, en el cual se sabe que no soy yo hombre que -me dejo manosear el rostro de nadie; y cada uno mire por el virote, aunque -lo más acertado sería dejar dormir su cólera a cada uno, que no sabe nadie -el alma de nadie, y tal suele venir por lana que vuelve tresquilado; y Dios -bendijo la paz y maldijo las riñas, porque si un gato acosado, encerrado y -apretado se vuelve en león, yo, que soy hombre, Dios sabe en lo que podré -volverme; y así, desde ahora intimo a vuestra merced, señor escudero, que -corra por su cuenta todo el mal y daño que de nuestra pendencia resultare. - -— Está bien —replicó el del Bosque—. Amanecerá Dios y medraremos. - -En esto, ya comenzaban a gorjear en los árboles mil suertes de pintados -pajarillos, y en sus diversos y alegres cantos parecía que daban la -norabuena y saludaban a la fresca aurora, que ya por las puertas y balcones -del oriente iba descubriendo la hermosura de su rostro, sacudiendo de sus -cabellos un número infinito de líquidas perlas, en cuyo suave licor -bañándose las yerbas, parecía asimesmo que ellas brotaban y llovían -blanco y menudo aljófar; los sauces destilaban maná sabroso, reíanse las -fuentes, murmuraban los arroyos, alegrábanse las selvas y enriquecíanse los -prados con su venida. Mas, apenas dio lugar la claridad del día para ver y -diferenciar las cosas, cuando la primera que se ofreció a los ojos de -Sancho Panza fue la nariz del escudero del Bosque, que era tan grande que -casi le hacía sombra a todo el cuerpo. Cuéntase, en efecto, que era de -demasiada grandeza, corva en la mitad y toda llena de verrugas, de color -amoratado, como de berenjena; bajábale dos dedos más abajo de la boca; cuya -grandeza, color, verrugas y encorvamiento así le afeaban el rostro, que, en -viéndole Sancho, comenzó a herir de pie y de mano, como niño con alferecía, -y propuso en su corazón de dejarse dar docientas bofetadas antes que -despertar la cólera para reñir con aquel vestiglo. - -Don Quijote miró a su contendor, y hallóle ya puesta y calada la celada, de -modo que no le pudo ver el rostro, pero notó que era hombre membrudo, y no -muy alto de cuerpo. Sobre las armas traía una sobrevista o casaca de una -tela, al parecer, de oro finísimo, sembradas por ella muchas lunas pequeñas -de resplandecientes espejos, que le hacían en grandísima manera galán y -vistoso; volábanle sobre la celada grande cantidad de plumas verdes, -amarillas y blancas; la lanza, que tenía arrimada a un árbol, era -grandísima y gruesa, y de un hierro acerado de más de un palmo. - -Todo lo miró y todo lo notó don Quijote, y juzgó de lo visto y mirado que -el ya dicho caballero debía de ser de grandes fuerzas; pero no por eso -temió, como Sancho Panza; antes, con gentil denuedo, dijo al Caballero de -los Espejos: - -— Si la mucha gana de pelear, señor caballero, no os gasta la cortesía, por -ella os pido que alcéis la visera un poco, porque yo vea si la gallardía de -vuestro rostro responde a la de vuestra disposición. - -— O vencido o vencedor que salgáis desta empresa, señor caballero —respondió -el de los Espejos—, os quedará tiempo y espacio demasiado para verme; y si -ahora no satisfago a vuestro deseo, es por parecerme que hago notable -agravio a la hermosa Casildea de Vandalia en dilatar el tiempo que tardare -en alzarme la visera, sin haceros confesar lo que ya sabéis que pretendo. - -— Pues, en tanto que subimos a caballo —dijo don Quijote—, bien podéis -decirme si soy yo aquel don Quijote que dijistes haber vencido. - -— A eso vos respondemos —dijo el de los Espejos— que parecéis, como se -parece un huevo a otro, al mismo caballero que yo vencí; pero, según vos -decís que le persiguen encantadores, no osaré afirmar si sois el contenido -o no. - -— Eso me basta a mí —respondió don Quijote— para que crea vuestro engaño; -empero, para sacaros dél de todo punto, vengan nuestros caballos; que, en -menos tiempo que el que tardárades en alzaros la visera, si Dios, si mi -señora y mi brazo me valen, veré yo vuestro rostro, y vos veréis que no soy -yo el vencido don Quijote que pensáis. - -Con esto, acortando razones, subieron a caballo, y don Quijote volvió las -riendas a Rocinante para tomar lo que convenía del campo, para volver a -encontrar a su contrario, y lo mesmo hizo el de los Espejos. Pero, no se -había apartado don Quijote veinte pasos, cuando se oyó llamar del de los -Espejos, y, partiendo los dos el camino, el de los Espejos le dijo: - -— Advertid, señor caballero, que la condición de nuestra batalla es que el -vencido, como otra vez he dicho, ha de quedar a discreción del vencedor. - -— Ya la sé —respondió don Quijote—; con tal que lo que se le impusiere y -mandare al vencido han de ser cosas que no salgan de los límites de la -caballería. - -— Así se entiende —respondió el de los Espejos. - -Ofreciéronsele en esto a la vista de don Quijote las estrañas narices del -escudero, y no se admiró menos de verlas que Sancho; tanto, que le juzgó -por algún monstro, o por hombre nuevo y de aquellos que no se usan en el -mundo. Sancho, que vio partir a su amo para tomar carrera, no quiso quedar -solo con el narigudo, temiendo que con solo un pasagonzalo con aquellas -narices en las suyas sería acabada la pendencia suya, quedando del golpe, o -del miedo, tendido en el suelo, y fuese tras su amo, asido a una acción de -Rocinante; y, cuando le pareció que ya era tiempo que volviese, le dijo: - -— Suplico a vuesa merced, señor mío, que antes que vuelva a encontrarse me -ayude a subir sobre aquel alcornoque, de donde podré ver más a mi sabor, -mejor que desde el suelo, el gallardo encuentro que vuesa merced ha de -hacer con este caballero. - -— Antes creo, Sancho —dijo don Quijote—, que te quieres encaramar y subir en -andamio por ver sin peligro los toros. - -— La verdad que diga —respondió Sancho—, las desaforadas narices de aquel -escudero me tienen atónito y lleno de espanto, y no me atrevo a estar junto -a él. - -— Ellas son tales —dijo don Quijote—, que, a no ser yo quien soy, también me -asombraran; y así, ven: ayudarte he a subir donde dices. - -En lo que se detuvo don Quijote en que Sancho subiese en el alcornoque, -tomó el de los Espejos del campo lo que le pareció necesario; y, creyendo -que lo mismo habría hecho don Quijote, sin esperar son de trompeta ni otra -señal que los avisase, volvió las riendas a su caballo —que no era más -ligero ni de mejor parecer que Rocinante—, y, a todo su correr, que era un -mediano trote, iba a encontrar a su enemigo; pero, viéndole ocupado en la -subida de Sancho, detuvo las riendas y paróse en la mitad de la carrera, de -lo que el caballo quedó agradecidísimo, a causa que ya no podía moverse. -Don Quijote, que le pareció que ya su enemigo venía volando, arrimó -reciamente las espuelas a las trasijadas ijadas de Rocinante, y le hizo -aguijar de manera, que cuenta la historia que esta sola vez se conoció -haber corrido algo, porque todas las demás siempre fueron trotes -declarados; y con esta no vista furia llegó donde el de los Espejos estaba -hincando a su caballo las espuelas hasta los botones, sin que le pudiese -mover un solo dedo del lugar donde había hecho estanco de su carrera. - -En esta buena sazón y coyuntura halló don Quijote a su contrario embarazado -con su caballo y ocupado con su lanza, que nunca, o no acertó, o no tuvo -lugar de ponerla en ristre. Don Quijote, que no miraba en estos -inconvenientes, a salvamano y sin peligro alguno, encontró al de los -Espejos con tanta fuerza, que mal de su grado le hizo venir al suelo por -las ancas del caballo, dando tal caída, que, sin mover pie ni mano, dio -señales de que estaba muerto. - -Apenas le vio caído Sancho, cuando se deslizó del alcornoque y a toda -priesa vino donde su señor estaba, el cual, apeándose de Rocinante, fue -sobre el de los Espejos, y, quitándole las lazadas del yelmo para ver si -era muerto y para que le diese el aire si acaso estaba vivo; y vio... -¿Quién podrá decir lo que vio, sin causar admiración, maravilla y espanto a -los que lo oyeren? Vio, dice la historia, el rostro mesmo, la misma figura, -el mesmo aspecto, la misma fisonomía, la mesma efigie, la pespetiva mesma -del bachiller Sansón Carrasco; y, así como la vio, en altas voces dijo: - -— ¡Acude, Sancho, y mira lo que has de ver y no lo has creer! ¡Aguija, hijo, -y advierte lo que puede la magia, lo que pueden los hechiceros y los -encantadores! - -Llegó Sancho, y, como vio el rostro del bachiller Carrasco, comenzó a -hacerse mil cruces y a santiguarse otras tantas. En todo esto, no daba -muestras de estar vivo el derribado caballero, y Sancho dijo a don Quijote: - -— Soy de parecer, señor mío, que, por sí o por no, vuesa merced hinque y -meta la espada por la boca a este que parece el bachiller Sansón Carrasco; -quizá matará en él a alguno de sus enemigos los encantadores. - -— No dices mal —dijo don Quijote—, porque de los enemigos, los menos. - -Y, sacando la espada para poner en efecto el aviso y consejo de Sancho, -llegó el escudero del de los Espejos, ya sin las narices que tan feo le -habían hecho, y a grandes voces dijo: - -— Mire vuesa merced lo que hace, señor don Quijote, que ese que tiene a los -pies es el bachiller Sansón Carrasco, su amigo, y yo soy su escudero. - -Y, viéndole Sancho sin aquella fealdad primera, le dijo: - -— ¿Y las narices? - -A lo que él respondió: - -— Aquí las tengo, en la faldriquera. - -Y, echando mano a la derecha, sacó unas narices de pasta y barniz, de -máscara, de la manifatura que quedan delineadas. Y, mirándole más y más -Sancho, con voz admirativa y grande, dijo: - -— ¡Santa María, y valme! ¿Éste no es Tomé Cecial, mi vecino y mi compadre? - -— Y ¡cómo si lo soy! —respondió el ya desnarigado escudero—: Tomé Cecial -soy, compadre y amigo Sancho Panza, y luego os diré los arcaduces, embustes -y enredos por donde soy aquí venido; y en tanto, pedid y suplicad al señor -vuestro amo que no toque, maltrate, hiera ni mate al caballero de los -Espejos, que a sus pies tiene, porque sin duda alguna es el atrevido y mal -aconsejado del bachiller Sansón Carrasco, nuestro compatrioto. - -En esto, volvió en sí el de los Espejos, lo cual visto por don Quijote, le -puso la punta desnuda de su espada encima del rostro, y le dijo: - -— Muerto sois, caballero, si no confesáis que la sin par Dulcinea del Toboso -se aventaja en belleza a vuestra Casildea de Vandalia; y demás de esto -habéis de prometer, si de esta contienda y caída quedárades con vida, de ir -a la ciudad del Toboso y presentaros en su presencia de mi parte, para que -haga de vos lo que más en voluntad le viniere; y si os dejare en la -vuestra, asimismo habéis de volver a buscarme, que el rastro de mis hazañas -os servirá de guía que os traiga donde yo estuviere, y a decirme lo que con -ella hubiéredes pasado; condiciones que, conforme a las que pusimos antes -de nuestra batalla, no salen de los términos de la andante caballería. - -— Confieso —dijo el caído caballero— que vale más el zapato descosido y -sucio de la señora Dulcinea del Toboso que las barbas mal peinadas, aunque -limpias, de Casildea, y prometo de ir y volver de su presencia a la -vuestra, y daros entera y particular cuenta de lo que me pedís. - -— También habéis de confesar y creer —añadió don Quijote— que aquel -caballero que vencistes no fue ni pudo ser don Quijote de la Mancha, sino -otro que se le parecía, como yo confieso y creo que vos, aunque parecéis el -bachiller Sansón Carrasco, no lo sois, sino otro que le parece, y que en su -figura aquí me le han puesto mis enemigos, para que detenga y temple el -ímpetu de mi cólera, y para que use blandamente de la gloria del -vencimiento. - -— Todo lo confieso, juzgo y siento como vos lo creéis, juzgáis y sentís -— respondió el derrengado caballero—. Dejadme levantar, os ruego, si es que -lo permite el golpe de mi caída, que asaz maltrecho me tiene. - -Ayudóle a levantar don Quijote y Tomé Cecial, su escudero, del cual no -apartaba los ojos Sancho, preguntándole cosas cuyas respuestas le daban -manifiestas señales de que verdaderamente era el Tomé Cecial que decía; mas -la aprehensión que en Sancho había hecho lo que su amo dijo, de que los -encantadores habían mudado la figura del Caballero de los Espejos en la del -bachiller Carrasco, no le dejaba dar crédito a la verdad que con los ojos -estaba mirando. Finalmente, se quedaron con este engaño amo y mozo, y el de -los Espejos y su escudero, mohínos y malandantes, se apartaron de don -Quijote y Sancho, con intención de buscar algún lugar donde bizmarle y -entablarle las costillas. Don Quijote y Sancho volvieron a proseguir su -camino de Zaragoza, donde los deja la historia, por dar cuenta de quién era -el Caballero de los Espejos y su narigante escudero. - - - - -Capítulo XV. Donde se cuenta y da noticia de quién era el Caballero de los -Espejos y su escudero - -En estremo contento, ufano y vanaglorioso iba don Quijote por haber -alcanzado vitoria de tan valiente caballero como él se imaginaba que era el -de los Espejos, de cuya caballeresca palabra esperaba saber si el -encantamento de su señora pasaba adelante, pues era forzoso que el tal -vencido caballero volviese, so pena de no serlo, a darle razón de lo que -con ella le hubiese sucedido. Pero uno pensaba don Quijote y otro el de los -Espejos, puesto que por entonces no era otro su pensamiento sino buscar -donde bizmarse, como se ha dicho. - -Dice, pues, la historia que cuando el bachiller Sansón Carrasco aconsejó a -don Quijote que volviese a proseguir sus dejadas caballerías, fue por haber -entrado primero en bureo con el cura y el barbero sobre qué medio se podría -tomar para reducir a don Quijote a que se estuviese en su casa quieto y -sosegado, sin que le alborotasen sus mal buscadas aventuras; de cuyo -consejo salió, por voto común de todos y parecer particular de Carrasco, -que dejasen salir a don Quijote, pues el detenerle parecía imposible, y que -Sansón le saliese al camino como caballero andante, y trabase batalla con -él, pues no faltaría sobre qué, y le venciese, teniéndolo por cosa fácil, y -que fuese pacto y concierto que el vencido quedase a merced del vencedor; y -así vencido don Quijote, le había de mandar el bachiller caballero se -volviese a su pueblo y casa, y no saliese della en dos años, o hasta tanto -que por él le fuese mandado otra cosa; lo cual era claro que don Quijote -vencido cumpliría indubitablemente, por no contravenir y faltar a las leyes -de la caballería, y podría ser que en el tiempo de su reclusión se le -olvidasen sus vanidades, o se diese lugar de buscar a su locura algún -conveniente remedio. - -Aceptólo Carrasco, y ofreciósele por escudero Tomé Cecial, compadre y -vecino de Sancho Panza, hombre alegre y de lucios cascos. Armóse Sansón -como queda referido y Tomé Cecial acomodó sobre sus naturales narices las -falsas y de máscara ya dichas, porque no fuese conocido de su compadre -cuando se viesen; y así, siguieron el mismo viaje que llevaba don Quijote, -y llegaron casi a hallarse en la aventura del carro de la Muerte. Y, -finalmente, dieron con ellos en el bosque, donde les sucedió todo lo que el -prudente ha leído; y si no fuera por los pensamientos extraordinarios de -don Quijote, que se dio a entender que el bachiller no era el bachiller, el -señor bachiller quedara imposibilitado para siempre de graduarse de -licenciado, por no haber hallado nidos donde pensó hallar pájaros. - -Tomé Cecial, que vio cuán mal había logrado sus deseos y el mal paradero -que había tenido su camino, dijo al bachiller: - -— Por cierto, señor Sansón Carrasco, que tenemos nuestro merecido: con -facilidad se piensa y se acomete una empresa, pero con dificultad las más -veces se sale della. Don Quijote loco, nosotros cuerdos: él se va sano y -riendo, vuesa merced queda molido y triste. Sepamos, pues, ahora, cuál es -más loco: ¿el que lo es por no poder menos, o el que lo es por su voluntad? - -A lo que respondió Sansón: - -— La diferencia que hay entre esos dos locos es que el que lo es por fuerza -lo será siempre, y el que lo es de grado lo dejará de ser cuando quisiere. - -— Pues así es —dijo Tomé Cecial—, yo fui por mi voluntad loco cuando quise -hacerme escudero de vuestra merced, y por la misma quiero dejar de serlo y -volverme a mi casa. - -— Eso os cumple —respondió Sansón—, porque pensar que yo he de volver a la -mía, hasta haber molido a palos a don Quijote, es pensar en lo escusado; y -no me llevará ahora a buscarle el deseo de que cobre su juicio, sino el de -la venganza; que el dolor grande de mis costillas no me deja hacer más -piadosos discursos. - -En esto fueron razonando los dos, hasta que llegaron a un pueblo donde fue -ventura hallar un algebrista, con quien se curó el Sansón desgraciado. Tomé -Cecial se volvió y le dejó, y él quedó imaginando su venganza; y la -historia vuelve a hablar dél a su tiempo, por no dejar de regocijarse ahora -con don Quijote. - - - - -Capítulo XVI. De lo que sucedió a don Quijote con un discreto caballero de -la Mancha - -Con la alegría, contento y ufanidad que se ha dicho, seguía don Quijote su -jornada, imaginándose por la pasada vitoria ser el caballero andante más -valiente que tenía en aquella edad el mundo; daba por acabadas y a felice -fin conducidas cuantas aventuras pudiesen sucederle de allí adelante; tenía -en poco a los encantos y a los encantadores; no se acordaba de los -inumerables palos que en el discurso de sus caballerías le habían dado, ni -de la pedrada que le derribó la mitad de los dientes, ni del -desagradecimiento de los galeotes, ni del atrevimiento y lluvia de estacas -de los yangüeses. Finalmente, decía entre sí que si él hallara arte, modo o -manera como desencantar a su señora Dulcinea, no invidiara a la mayor -ventura que alcanzó o pudo alcanzar el más venturoso caballero andante de -los pasados siglos. En estas imaginaciones iba todo ocupado, cuando Sancho -le dijo: - -— ¿No es bueno, señor, que aun todavía traigo entre los ojos las desaforadas -narices, y mayores de marca, de mi compadre Tomé Cecial? - -— Y ¿crees tú, Sancho, por ventura, que el Caballero de los Espejos era el -bachiller Carrasco; y su escudero, Tomé Cecial, tu compadre? - -— No sé qué me diga a eso —respondió Sancho—; sólo sé que las señas que me -dio de mi casa, mujer y hijos no me las podría dar otro que él mesmo; y la -cara, quitadas las narices, era la misma de Tomé Cecial, como yo se la he -visto muchas veces en mi pueblo y pared en medio de mi misma casa; y el -tono de la habla era todo uno. - -— Estemos a razón, Sancho —replicó don Quijote—. Ven acá: ¿en qué -consideración puede caber que el bachiller Sansón Carrasco viniese como -caballero andante, armado de armas ofensivas y defensivas, a pelear -conmigo? ¿He sido yo su enemigo por ventura? ¿Hele dado yo jamás ocasión -para tenerme ojeriza? ¿Soy yo su rival, o hace él profesión de las armas, -para tener invidia a la fama que yo por ellas he ganado? - -— Pues, ¿qué diremos, señor —respondió Sancho—, a esto de parecerse tanto -aquel caballero, sea el que se fuere, al bachiller Carrasco, y su escudero -a Tomé Cecial, mi compadre? Y si ello es encantamento, como vuestra merced -ha dicho, ¿no había en el mundo otros dos a quien se parecieran? - -— Todo es artificio y traza —respondió don Quijote— de los malignos magos -que me persiguen, los cuales, anteviendo que yo había de quedar vencedor en -la contienda, se previnieron de que el caballero vencido mostrase el rostro -de mi amigo el bachiller, porque la amistad que le tengo se pusiese entre -los filos de mi espada y el rigor de mi brazo, y templase la justa ira de -mi corazón, y desta manera quedase con vida el que con embelecos y falsías -procuraba quitarme la mía. Para prueba de lo cual ya sabes, ¡oh Sancho!, -por experiencia que no te dejará mentir ni engañar, cuán fácil sea a los -encantadores mudar unos rostros en otros, haciendo de lo hermoso feo y de -lo feo hermoso, pues no ha dos días que viste por tus mismos ojos la -hermosura y gallardía de la sin par Dulcinea en toda su entereza y natural -conformidad, y yo la vi en la fealdad y bajeza de una zafia labradora, con -cataratas en los ojos y con mal olor en la boca; y más, que el perverso -encantador que se atrevió a hacer una transformación tan mala no es mucho -que haya hecho la de Sansón Carrasco y la de tu compadre, por quitarme la -gloria del vencimiento de las manos. Pero, con todo esto, me consuelo; -porque, en fin, en cualquiera figura que haya sido, he quedado vencedor de -mi enemigo. - -— Dios sabe la verdad de todo —respondió Sancho. - -Y como él sabía que la transformación de Dulcinea había sido traza y -embeleco suyo, no le satisfacían las quimeras de su amo; pero no le quiso -replicar, por no decir alguna palabra que descubriese su embuste. - -En estas razones estaban cuando los alcanzó un hombre que detrás dellos por -el mismo camino venía sobre una muy hermosa yegua tordilla, vestido un -gabán de paño fino verde, jironado de terciopelo leonado, con una montera -del mismo terciopelo; el aderezo de la yegua era de campo y de la jineta, -asimismo de morado y verde. Traía un alfanje morisco pendiente de un ancho -tahalí de verde y oro, y los borceguíes eran de la labor del tahalí; las -espuelas no eran doradas, sino dadas con un barniz verde, tan tersas y -bruñidas que, por hacer labor con todo el vestido, parecían mejor que si -fuera de oro puro. Cuando llegó a ellos, el caminante los saludó -cortésmente, y, picando a la yegua, se pasaba de largo; pero don Quijote le -dijo: - -— Señor galán, si es que vuestra merced lleva el camino que nosotros y no -importa el darse priesa, merced recibiría en que nos fuésemos juntos. - -— En verdad —respondió el de la yegua— que no me pasara tan de largo, si no -fuera por temor que con la compañía de mi yegua no se alborotara ese -caballo. - -— Bien puede, señor —respondió a esta sazón Sancho—, bien puede tener las -riendas a su yegua, porque nuestro caballo es el más honesto y bien mirado -del mundo: jamás en semejantes ocasiones ha hecho vileza alguna, y una vez -que se desmandó a hacerla la lastamos mi señor y yo con las setenas. Digo -otra vez que puede vuestra merced detenerse, si quisiere; que, aunque se la -den entre dos platos, a buen seguro que el caballo no la arrostre. - -Detuvo la rienda el caminante, admirándose de la apostura y rostro de don -Quijote, el cual iba sin celada, que la llevaba Sancho como maleta en el -arzón delantero de la albarda del rucio; y si mucho miraba el de lo verde a -don Quijote, mucho más miraba don Quijote al de lo verde, pareciéndole -hombre de chapa. La edad mostraba ser de cincuenta años; las canas, pocas, -y el rostro, aguileño; la vista, entre alegre y grave; finalmente, en el -traje y apostura daba a entender ser hombre de buenas prendas. - -Lo que juzgó de don Quijote de la Mancha el de lo verde fue que semejante -manera ni parecer de hombre no le había visto jamás: admiróle la longura de -su caballo, la grandeza de su cuerpo, la flaqueza y amarillez de su rostro, -sus armas, su ademán y compostura: figura y retrato no visto por luengos -tiempos atrás en aquella tierra. Notó bien don Quijote la atención con que -el caminante le miraba, y leyóle en la suspensión su deseo; y, como era tan -cortés y tan amigo de dar gusto a todos, antes que le preguntase nada, le -salió al camino, diciéndole: - -— Esta figura que vuesa merced en mí ha visto, por ser tan nueva y tan fuera -de las que comúnmente se usan, no me maravillaría yo de que le hubiese -maravillado; pero dejará vuesa merced de estarlo cuando le diga, como le -digo, que soy caballero - -destos que dicen las gentes - -que a sus aventuras van. - -Salí de mi patria, empeñé mi hacienda, dejé mi regalo, y entreguéme en los -brazos de la Fortuna, que me llevasen donde más fuese servida. Quise -resucitar la ya muerta andante caballería, y ha muchos días que, tropezando -aquí, cayendo allí, despeñándome acá y levantándome acullá, he cumplido -gran parte de mi deseo, socorriendo viudas, amparando doncellas y -favoreciendo casadas, huérfanos y pupilos, propio y natural oficio de -caballeros andantes; y así, por mis valerosas, muchas y cristianas hazañas -he merecido andar ya en estampa en casi todas o las más naciones del mundo. -Treinta mil volúmenes se han impreso de mi historia, y lleva camino de -imprimirse treinta mil veces de millares, si el cielo no lo remedia. -Finalmente, por encerrarlo todo en breves palabras, o en una sola, digo que -yo soy don Quijote de la Mancha, por otro nombre llamado el Caballero de la -Triste Figura; y, puesto que las propias alabanzas envilecen, esme forzoso -decir yo tal vez las mías, y esto se entiende cuando no se halla presente -quien las diga; así que, señor gentilhombre, ni este caballo, esta lanza, -ni este escudo, ni escudero, ni todas juntas estas armas, ni la amarillez -de mi rostro, ni mi atenuada flaqueza, os podrá admirar de aquí adelante, -habiendo ya sabido quién soy y la profesión que hago. - -Calló en diciendo esto don Quijote, y el de lo verde, según se tardaba en -responderle, parecía que no acertaba a hacerlo; pero de allí a buen espacio -le dijo: - -— Acertastes, señor caballero, a conocer por mi suspensión mi deseo; pero no -habéis acertado a quitarme la maravilla que en mí causa el haberos visto; -que, puesto que, como vos, señor, decís, que el saber ya quién sois me lo -podría quitar, no ha sido así; antes, agora que lo sé, quedo más suspenso y -maravillado. ¿Cómo y es posible que hay hoy caballeros andantes en el -mundo, y que hay historias impresas de verdaderas caballerías? No me puedo -persuadir que haya hoy en la tierra quien favorezca viudas, ampare -doncellas, ni honre casadas, ni socorra huérfanos, y no lo creyera si en -vuesa merced no lo hubiera visto con mis ojos. ¡Bendito sea el cielo!, que -con esa historia, que vuesa merced dice que está impresa, de sus altas y -verdaderas caballerías, se habrán puesto en olvido las innumerables de los -fingidos caballeros andantes, de que estaba lleno el mundo, tan en daño de -las buenas costumbres y tan en perjuicio y descrédito de las buenas -historias. - -— Hay mucho que decir —respondió don Quijote— en razón de si son fingidas, o -no, las historias de los andantes caballeros. - -— Pues, ¿hay quien dude —respondió el Verde— que no son falsas las tales -historias? - -— Yo lo dudo —respondió don Quijote—, y quédese esto aquí; que si nuestra -jornada dura, espero en Dios de dar a entender a vuesa merced que ha hecho -mal en irse con la corriente de los que tienen por cierto que no son -verdaderas. - -Desta última razón de don Quijote tomó barruntos el caminante de que don -Quijote debía de ser algún mentecato, y aguardaba que con otras lo -confirmase; pero, antes que se divertiesen en otros razonamientos, don -Quijote le rogó le dijese quién era, pues él le había dado parte de su -condición y de su vida. A lo que respondió el del Verde Gabán: - -— Yo, señor Caballero de la Triste Figura, soy un hidalgo natural de un -lugar donde iremos a comer hoy, si Dios fuere servido. Soy más que -medianamente rico y es mi nombre don Diego de Miranda; paso la vida con mi -mujer, y con mis hijos, y con mis amigos; mis ejercicios son el de la caza -y pesca, pero no mantengo ni halcón ni galgos, sino algún perdigón manso, o -algún hurón atrevido. Tengo hasta seis docenas de libros, cuáles de romance -y cuáles de latín, de historia algunos y de devoción otros; los de -caballerías aún no han entrado por los umbrales de mis puertas. Hojeo más -los que son profanos que los devotos, como sean de honesto entretenimiento, -que deleiten con el lenguaje y admiren y suspendan con la invención, puesto -que déstos hay muy pocos en España. Alguna vez como con mis vecinos y -amigos, y muchas veces los convido; son mis convites limpios y aseados, y -no nada escasos; ni gusto de murmurar, ni consiento que delante de mí se -murmure; no escudriño las vidas ajenas, ni soy lince de los hechos de los -otros; oigo misa cada día; reparto de mis bienes con los pobres, sin hacer -alarde de las buenas obras, por no dar entrada en mi corazón a la -hipocresía y vanagloria, enemigos que blandamente se apoderan del corazón -más recatado; procuro poner en paz los que sé que están desavenidos; soy -devoto de nuestra Señora, y confío siempre en la misericordia infinita de -Dios nuestro Señor. - -Atentísimo estuvo Sancho a la relación de la vida y entretenimientos del -hidalgo; y, pareciéndole buena y santa y que quien la hacía debía de hacer -milagros, se arrojó del rucio, y con gran priesa le fue a asir del estribo -derecho, y con devoto corazón y casi lágrimas le besó los pies una y muchas -veces. Visto lo cual por el hidalgo, le preguntó: - -— ¿Qué hacéis, hermano? ¿Qué besos son éstos? - -— Déjenme besar —respondió Sancho—, porque me parece vuesa merced el primer -santo a la jineta que he visto en todos los días de mi vida. - -— No soy santo —respondió el hidalgo—, sino gran pecador; vos sí, hermano, -que debéis de ser bueno, como vuestra simplicidad lo muestra. - -Volvió Sancho a cobrar la albarda, habiendo sacado a plaza la risa de la -profunda malencolía de su amo y causado nueva admiración a don Diego. -Preguntóle don Quijote que cuántos hijos tenía, y díjole que una de las -cosas en que ponían el sumo bien los antiguos filósofos, que carecieron del -verdadero conocimiento de Dios, fue en los bienes de la naturaleza, en los -de la fortuna, en tener muchos amigos y en tener muchos y buenos hijos. - -— Yo, señor don Quijote —respondió el hidalgo—, tengo un hijo, que, a no -tenerle, quizá me juzgara por más dichoso de lo que soy; y no porque él sea -malo, sino porque no es tan bueno como yo quisiera. Será de edad de diez y -ocho años: los seis ha estado en Salamanca, aprendiendo las lenguas latina -y griega; y, cuando quise que pasase a estudiar otras ciencias, halléle tan -embebido en la de la poesía, si es que se puede llamar ciencia, que no es -posible hacerle arrostrar la de las leyes, que yo quisiera que estudiara, -ni de la reina de todas, la teología. Quisiera yo que fuera corona de su -linaje, pues vivimos en siglo donde nuestros reyes premian altamente las -virtuosas y buenas letras; porque letras sin virtud son perlas en el -muladar. Todo el día se le pasa en averiguar si dijo bien o mal Homero en -tal verso de la Ilíada; si Marcial anduvo deshonesto, o no, en tal -epigrama; si se han de entender de una manera o otra tales y tales versos -de Virgilio. En fin, todas sus conversaciones son con los libros de los -referidos poetas, y con los de Horacio, Persio, Juvenal y Tibulo; que de -los modernos romancistas no hace mucha cuenta; y, con todo el mal cariño -que muestra tener a la poesía de romance, le tiene agora desvanecidos los -pensamientos el hacer una glosa a cuatro versos que le han enviado de -Salamanca, y pienso que son de justa literaria. - -A todo lo cual respondió don Quijote: - -— Los hijos, señor, son pedazos de las entrañas de sus padres, y así, se han -de querer, o buenos o malos que sean, como se quieren las almas que nos dan -vida; a los padres toca el encaminarlos desde pequeños por los pasos de la -virtud, de la buena crianza y de las buenas y cristianas costumbres, para -que cuando grandes sean báculo de la vejez de sus padres y gloria de su -posteridad; y en lo de forzarles que estudien esta o aquella ciencia no lo -tengo por acertado, aunque el persuadirles no será dañoso; y cuando no se -ha de estudiar para pane lucrando, siendo tan venturoso el estudiante que -le dio el cielo padres que se lo dejen, sería yo de parecer que le dejen -seguir aquella ciencia a que más le vieren inclinado; y, aunque la de la -poesía es menos útil que deleitable, no es de aquellas que suelen deshonrar -a quien las posee. La poesía, señor hidalgo, a mi parecer, es como una -doncella tierna y de poca edad, y en todo estremo hermosa, a quien tienen -cuidado de enriquecer, pulir y adornar otras muchas doncellas, que son -todas las otras ciencias, y ella se ha de servir de todas, y todas se han -de autorizar con ella; pero esta tal doncella no quiere ser manoseada, ni -traída por las calles, ni publicada por las esquinas de las plazas ni por -los rincones de los palacios. Ella es hecha de una alquimia de tal virtud, -que quien la sabe tratar la volverá en oro purísimo de inestimable precio; -hala de tener, el que la tuviere, a raya, no dejándola correr en torpes -sátiras ni en desalmados sonetos; no ha de ser vendible en ninguna manera, -si ya no fuere en poemas heroicos, en lamentables tragedias, o en comedias -alegres y artificiosas; no se ha de dejar tratar de los truhanes, ni del -ignorante vulgo, incapaz de conocer ni estimar los tesoros que en ella se -encierran. Y no penséis, señor, que yo llamo aquí vulgo solamente a la -gente plebeya y humilde; que todo aquel que no sabe, aunque sea señor y -príncipe, puede y debe entrar en número de vulgo. Y así, el que con los -requisitos que he dicho tratare y tuviere a la poesía, será famoso y -estimado su nombre en todas las naciones políticas del mundo. Y a lo que -decís, señor, que vuestro hijo no estima mucho la poesía de romance, doyme -a entender que no anda muy acertado en ello, y la razón es ésta: el grande -Homero no escribió en latín, porque era griego, ni Virgilio no escribió en -griego, porque era latino. En resolución, todos los poetas antiguos -escribieron en la lengua que mamaron en la leche, y no fueron a buscar las -estranjeras para declarar la alteza de sus conceptos. Y, siendo esto así, -razón sería se estendiese esta costumbre por todas las naciones, y que no -se desestimase el poeta alemán porque escribe en su lengua, ni el -castellano, ni aun el vizcaíno, que escribe en la suya. Pero vuestro hijo, -a lo que yo, señor, imagino, no debe de estar mal con la poesía de romance, -sino con los poetas que son meros romancistas, sin saber otras lenguas ni -otras ciencias que adornen y despierten y ayuden a su natural impulso; y -aun en esto puede haber yerro; porque, según es opinión verdadera, el poeta -nace: quieren decir que del vientre de su madre el poeta natural sale -poeta; y, con aquella inclinación que le dio el cielo, sin más estudio ni -artificio, compone cosas, que hace verdadero al que dijo: est Deus in -nobis..., etcétera. También digo que el natural poeta que se ayudare del -arte será mucho mejor y se aventajará al poeta que sólo por saber el arte -quisiere serlo; la razón es porque el arte no se aventaja a la naturaleza, -sino perficiónala; así que, mezcladas la naturaleza y el arte, y el arte -con la naturaleza, sacarán un perfetísimo poeta. Sea, pues, la conclusión -de mi plática, señor hidalgo, que vuesa merced deje caminar a su hijo por -donde su estrella le llama; que, siendo él tan buen estudiante como debe de -ser, y habiendo ya subido felicemente el primer escalón de las esencias, -que es el de las lenguas, con ellas por sí mesmo subirá a la cumbre de las -letras humanas, las cuales tan bien parecen en un caballero de capa y -espada, y así le adornan, honran y engrandecen, como las mitras a los -obispos, o como las garnachas a los peritos jurisconsultos. Riña vuesa -merced a su hijo si hiciere sátiras que perjudiquen las honras ajenas, y -castíguele, y rómpaselas, pero si hiciere sermones al modo de Horacio, -donde reprehenda los vicios en general, como tan elegantemente él lo hizo, -alábele: porque lícito es al poeta escribir contra la invidia, y decir en -sus versos mal de los invidiosos, y así de los otros vicios, con que no -señale persona alguna; pero hay poetas que, a trueco de decir una malicia, -se pondrán a peligro que los destierren a las islas de Ponto. Si el poeta -fuere casto en sus costumbres, lo será también en sus versos; la pluma es -lengua del alma: cuales fueren los conceptos que en ella se engendraren, -tales serán sus escritos; y cuando los reyes y príncipes veen la milagrosa -ciencia de la poesía en sujetos prudentes, virtuosos y graves, los honran, -los estiman y los enriquecen, y aun los coronan con las hojas del árbol a -quien no ofende el rayo, como en señal que no han de ser ofendidos de nadie -los que con tales coronas veen honrados y adornadas sus sienes. - -Admirado quedó el del Verde Gabán del razonamiento de don Quijote, y tanto, -que fue perdiendo de la opinión que con él tenía, de ser mentecato. Pero, a -la mitad desta plática, Sancho, por no ser muy de su gusto, se había -desviado del camino a pedir un poco de leche a unos pastores que allí junto -estaban ordeñando unas ovejas; y, en esto, ya volvía a renovar la plática -el hidalgo, satisfecho en estremo de la discreción y buen discurso de don -Quijote, cuando, alzando don Quijote la cabeza, vio que por el camino por -donde ellos iban venía un carro lleno de banderas reales; y, creyendo que -debía de ser alguna nueva aventura, a grandes voces llamó a Sancho que -viniese a darle la celada. El cual Sancho, oyéndose llamar, dejó a los -pastores, y a toda priesa picó al rucio, y llegó donde su amo estaba, a -quien sucedió una espantosa y desatinada aventura. - - - - -Capítulo XVII. De donde se declaró el último punto y estremo adonde llegó y -pudo llegar el inaudito ánimo de don Quijote, con la felicemente acabada -aventura de los leones - -Cuenta la historia que cuando don Quijote daba voces a Sancho que le -trujese el yelmo, estaba él comprando unos requesones que los pastores le -vendían; y, acosado de la mucha priesa de su amo, no supo qué hacer dellos, -ni en qué traerlos, y, por no perderlos, que ya los tenía pagados, acordó -de echarlos en la celada de su señor, y con este buen recado volvió a ver -lo que le quería; el cual, en llegando, le dijo: - -— Dame, amigo, esa celada; que yo sé poco de aventuras, o lo que allí -descubro es alguna que me ha de necesitar, y me necesita, a tomar mis -armas. - -El del Verde Gabán, que esto oyó, tendió la vista por todas partes, y no -descubrió otra cosa que un carro que hacia ellos venía, con dos o tres -banderas pequeñas, que le dieron a entender que el tal carro debía de traer -moneda de Su Majestad, y así se lo dijo a don Quijote; pero él no le dio -crédito, siempre creyendo y pensando que todo lo que le sucediese habían de -ser aventuras y más aventuras, y así, respondió al hidalgo: - -— Hombre apercebido, medio combatido: no se pierde nada en que yo me -aperciba, que sé por experiencia que tengo enemigos visibles e invisibles, -y no sé cuándo, ni adónde, ni en qué tiempo, ni en qué figuras me han de -acometer. - -Y, volviéndose a Sancho, le pidió la celada; el cual, como no tuvo lugar de -sacar los requesones, le fue forzoso dársela como estaba. Tomóla don -Quijote, y, sin que echase de ver lo que dentro venía, con toda priesa se -la encajó en la cabeza; y, como los requesones se apretaron y exprimieron, -comenzó a correr el suero por todo el rostro y barbas de don Quijote, de lo -que recibió tal susto, que dijo a Sancho: - -— ¿Qué será esto, Sancho, que parece que se me ablandan los cascos, o se me -derriten los sesos, o que sudo de los pies a la cabeza? Y si es que sudo, -en verdad que no es de miedo; sin duda creo que es terrible la aventura que -agora quiere sucederme. Dame, si tienes, con que me limpie, que el copioso -sudor me ciega los ojos. - -Calló Sancho y diole un paño, y dio con él gracias a Dios de que su señor -no hubiese caído en el caso. Limpióse don Quijote y quitóse la celada por -ver qué cosa era la que, a su parecer, le enfriaba la cabeza, y, viendo -aquellas gachas blancas dentro de la celada, las llegó a las narices, y en -oliéndolas dijo: - -— Por vida de mi señora Dulcinea del Toboso, que son requesones los que aquí -me has puesto, traidor, bergante y mal mirado escudero. - -A lo que, con gran flema y disimulación, respondió Sancho: - -— Si son requesones, démelos vuesa merced, que yo me los comeré... Pero -cómalos el diablo, que debió de ser el que ahí los puso. ¿Yo había de tener -atrevimiento de ensuciar el yelmo de vuesa merced? ¡Hallado le habéis el -atrevido! A la fe, señor, a lo que Dios me da a entender, también debo yo -de tener encantadores que me persiguen como a hechura y miembro de vuesa -merced, y habrán puesto ahí esa inmundicia para mover a cólera su paciencia -y hacer que me muela, como suele, las costillas. Pues en verdad que esta -vez han dado salto en vago, que yo confío en el buen discurso de mi señor, -que habrá considerado que ni yo tengo requesones, ni leche, ni otra cosa -que lo valga, y que si la tuviera, antes la pusiera en mi estómago que en -la celada. - -— Todo puede ser —dijo don Quijote. - -Y todo lo miraba el hidalgo, y de todo se admiraba, especialmente cuando, -después de haberse limpiado don Quijote cabeza, rostro y barbas y celada, -se la encajó; y, afirmándose bien en los estribos, requiriendo la espada y -asiendo la lanza, dijo: - -— Ahora, venga lo que veniere, que aquí estoy con ánimo de tomarme con el -mesmo Satanás en persona. - -Llegó en esto el carro de las banderas, en el cual no venía otra gente que -el carretero, en las mulas, y un hombre sentado en la delantera. Púsose don -Quijote delante y dijo: - -— ¿Adónde vais, hermanos? ¿Qué carro es éste, qué lleváis en él y qué -banderas son aquéstas? - -A lo que respondió el carretero: - -— El carro es mío; lo que va en él son dos bravos leones enjaulados, que el -general de Orán envía a la corte, presentados a Su Majestad; las banderas -son del rey nuestro señor, en señal que aquí va cosa suya. - -— Y ¿son grandes los leones? —preguntó don Quijote. - -— Tan grandes —respondió el hombre que iba a la puerta del carro—, que no -han pasado mayores, ni tan grandes, de Africa a España jamás; y yo soy el -leonero, y he pasado otros, pero como éstos, ninguno. Son hembra y macho; -el macho va en esta jaula primera, y la hembra en la de atrás; y ahora van -hambrientos porque no han comido hoy; y así, vuesa merced se desvíe, que es -menester llegar presto donde les demos de comer. - -A lo que dijo don Quijote, sonriéndose un poco: - -— ¿Leoncitos a mí? ¿A mí leoncitos, y a tales horas? Pues, ¡por Dios que han -de ver esos señores que acá los envían si soy yo hombre que se espanta de -leones! Apeaos, buen hombre, y, pues sois el leonero, abrid esas jaulas y -echadme esas bestias fuera, que en mitad desta campaña les daré a conocer -quién es don Quijote de la Mancha, a despecho y pesar de los encantadores -que a mí los envían. - -— ¡Ta, ta! —dijo a esta sazón entre sí el hidalgo—, dado ha señal de quién -es nuestro buen caballero: los requesones, sin duda, le han ablandado los -cascos y madurado los sesos. - -Llegóse en esto a él Sancho y díjole: - -— Señor, por quien Dios es, que vuesa merced haga de manera que mi señor don -Quijote no se tome con estos leones, que si se toma, aquí nos han de hacer -pedazos a todos. - -— Pues, ¿tan loco es vuestro amo —respondió el hidalgo—, que teméis, y -creéis que se ha de tomar con tan fieros animales? - -— No es loco —respondió Sancho—, sino atrevido. - -— Yo haré que no lo sea —replicó el hidalgo. - -Y, llegándose a don Quijote, que estaba dando priesa al leonero que abriese -las jaulas, le dijo: - -— Señor caballero, los caballeros andantes han de acometer las aventuras que -prometen esperanza de salir bien dellas, y no aquellas que de en todo la -quitan; porque la valentía que se entra en la juridición de la temeridad, -más tiene de locura que de fortaleza. Cuanto más, que estos leones no -vienen contra vuesa merced, ni lo sueñan: van presentados a Su Majestad, y -no será bien detenerlos ni impedirles su viaje. - -— Váyase vuesa merced, señor hidalgo —respondió don Quijote—, a entender con -su perdigón manso y con su hurón atrevido, y deje a cada uno hacer su -oficio. Éste es el mío, y yo sé si vienen a mí, o no, estos señores leones. - -Y, volviéndose al leonero, le dijo: - -— ¡Voto a tal, don bellaco, que si no abrís luego luego las jaulas, que con -esta lanza os he de coser con el carro! - -El carretero, que vio la determinación de aquella armada fantasía, le dijo: - -— Señor mío, vuestra merced sea servido, por caridad, dejarme desuncir las -mulas y ponerme en salvo con ellas antes que se desenvainen los leones, -porque si me las matan, quedaré rematado para toda mi vida; que no tengo -otra hacienda sino este carro y estas mulas. - -— ¡Oh hombre de poca fe! —respondió don Quijote—, apéate y desunce, y haz lo -que quisieres, que presto verás que trabajaste en vano y que pudieras -ahorrar desta diligencia. - -Apeóse el carretero y desunció a gran priesa, y el leonero dijo a grandes -voces: - -— Séanme testigos cuantos aquí están cómo contra mi voluntad y forzado abro -las jaulas y suelto los leones, y de que protesto a este señor que todo el -mal y daño que estas bestias hicieren corra y vaya por su cuenta, con más -mis salarios y derechos. Vuestras mercedes, señores, se pongan en cobro -antes que abra, que yo seguro estoy que no me han de hacer daño. - -Otra vez le persuadió el hidalgo que no hiciese locura semejante, que era -tentar a Dios acometer tal disparate. A lo que respondió don Quijote que él -sabía lo que hacía. Respondióle el hidalgo que lo mirase bien, que él -entendía que se engañaba. - -— Ahora, señor —replicó don Quijote—, si vuesa merced no quiere ser oyente -desta que a su parecer ha de ser tragedia, pique la tordilla y póngase en -salvo. - -Oído lo cual por Sancho, con lágrimas en los ojos le suplicó desistiese de -tal empresa, en cuya comparación habían sido tortas y pan pintado la de los -molinos de viento y la temerosa de los batanes, y, finalmente, todas las -hazañas que había acometido en todo el discurso de su vida. - -— Mire, señor —decía Sancho—, que aquí no hay encanto ni cosa que lo valga; -que yo he visto por entre las verjas y resquicios de la jaula una uña de -león verdadero, y saco por ella que el tal león, cuya debe de ser la tal -uña, es mayor que una montaña. - -— El miedo, a lo menos —respondió don Quijote—, te le hará parecer mayor -que la mitad del mundo. Retírate, Sancho, y déjame; y si aquí muriere, ya -sabes nuestro antiguo concierto: acudirás a Dulcinea, y no te digo más. - -A éstas añadió otras razones, con que quitó las esperanzas de que no había -de dejar de proseguir su desvariado intento. Quisiera el del Verde Gabán -oponérsele, pero viose desigual en las armas, y no le pareció cordura -tomarse con un loco, que ya se lo había parecido de todo punto don Quijote; -el cual, volviendo a dar priesa al leonero y a reiterar las amenazas, dio -ocasión al hidalgo a que picase la yegua, y Sancho al rucio, y el carretero -a sus mulas, procurando todos apartarse del carro lo más que pudiesen, -antes que los leones se desembanastasen. - -Lloraba Sancho la muerte de su señor, que aquella vez sin duda creía que -llegaba en las garras de los leones; maldecía su ventura, y llamaba -menguada la hora en que le vino al pensamiento volver a servirle; pero no -por llorar y lamentarse dejaba de aporrear al rucio para que se alejase del -carro. Viendo, pues, el leonero que ya los que iban huyendo estaban bien -desviados, tornó a requerir y a intimar a don Quijote lo que ya le había -requerido e intimado, el cual respondió que lo oía, y que no se curase de -más intimaciones y requirimientos, que todo sería de poco fruto, y que se -diese priesa. - -En el espacio que tardó el leonero en abrir la jaula primera, estuvo -considerando don Quijote si sería bien hacer la batalla antes a pie que a -caballo; y, en fin, se determinó de hacerla a pie, temiendo que Rocinante -se espantaría con la vista de los leones. Por esto saltó del caballo, -arrojó la lanza y embrazó el escudo, y, desenvainando la espada, paso ante -paso, con maravilloso denuedo y corazón valiente, se fue a poner delante -del carro, encomendándose a Dios de todo corazón, y luego a su señora -Dulcinea. - -Y es de saber que, llegando a este paso, el autor de esta verdadera -historia exclama y dice: ''¡Oh fuerte y, sobre todo encarecimiento, animoso -don Quijote de la Mancha, espejo donde se pueden mirar todos los valientes -del mundo, segundo y nuevo don Manuel de León, que fue gloria y honra de -los españoles caballeros! ¿Con qué palabras contaré esta tan espantosa -hazaña, o con qué razones la haré creíble a los siglos venideros, o qué -alabanzas habrá que no te convengan y cuadren, aunque sean hipérboles sobre -todos los hipérboles? Tú a pie, tú solo, tú intrépido, tú magnánimo, con -sola una espada, y no de las del perrillo cortadoras, con un escudo no de -muy luciente y limpio acero, estás aguardando y atendiendo los dos más -fieros leones que jamás criaron las africanas selvas. Tus mismos hechos -sean los que te alaben, valeroso manchego, que yo los dejo aquí en su punto -por faltarme palabras con que encarecerlos''. - -Aquí cesó la referida exclamación del autor, y pasó adelante, anudando el -hilo de la historia, diciendo que, visto el leonero ya puesto en postura a -don Quijote, y que no podía dejar de soltar al león macho, so pena de caer -en la desgracia del indignado y atrevido caballero, abrió de par en par la -primera jaula, donde estaba, como se ha dicho, el león, el cual pareció de -grandeza extraordinaria y de espantable y fea catadura. Lo primero que hizo -fue revolverse en la jaula, donde venía echado, y tender la garra, y -desperezarse todo; abrió luego la boca y bostezó muy despacio, y, con casi -dos palmos de lengua que sacó fuera, se despolvoreó los ojos y se lavó el -rostro; hecho esto, sacó la cabeza fuera de la jaula y miró a todas partes -con los ojos hechos brasas, vista y ademán para poner espanto a la misma -temeridad. Sólo don Quijote lo miraba atentamente, deseando que saltase ya -del carro y viniese con él a las manos, entre las cuales pensaba hacerle -pedazos. - -Hasta aquí llegó el estremo de su jamás vista locura. Pero el generoso -león, más comedido que arrogante, no haciendo caso de niñerías, ni de -bravatas, después de haber mirado a una y otra parte, como se ha dicho, -volvió las espaldas y enseñó sus traseras partes a don Quijote, y con gran -flema y remanso se volvió a echar en la jaula. Viendo lo cual don Quijote, -mandó al leonero que le diese de palos y le irritase para echarle fuera. - -— Eso no haré yo —respondió el leonero—, porque si yo le instigo, el primero -a quien hará pedazos será a mí mismo. Vuesa merced, señor caballero, se -contente con lo hecho, que es todo lo que puede decirse en género de -valentía, y no quiera tentar segunda fortuna. El león tiene abierta la -puerta: en su mano está salir, o no salir; pero, pues no ha salido hasta -ahora, no saldrá en todo el día. La grandeza del corazón de vuesa merced ya -está bien declarada: ningún bravo peleante, según a mí se me alcanza, está -obligado a más que a desafiar a su enemigo y esperarle en campaña; y si el -contrario no acude, en él se queda la infamia, y el esperante gana la -corona del vencimiento. - -— Así es verdad —respondió don Quijote—: cierra, amigo, la puerta, y dame -por testimonio, en la mejor forma que pudieres, lo que aquí me has visto -hacer; conviene a saber: cómo tú abriste al león, yo le esperé, él no -salió; volvíle a esperar, volvió a no salir y volvióse acostar. No debo -más, y encantos afuera, y Dios ayude a la razón y a la verdad, y a la -verdadera caballería; y cierra, como he dicho, en tanto que hago señas a -los huidos y ausentes, para que sepan de tu boca esta hazaña. - -Hízolo así el leonero, y don Quijote, poniendo en la punta de la lanza el -lienzo con que se había limpiado el rostro de la lluvia de los requesones, -comenzó a llamar a los que no dejaban de huir ni de volver la cabeza a cada -paso, todos en tropa y antecogidos del hidalgo; pero, alcanzando Sancho a -ver la señal del blanco paño, dijo: - -— Que me maten si mi señor no ha vencido a las fieras bestias, pues nos -llama. - -Detuviéronse todos, y conocieron que el que hacía las señas era don -Quijote; y, perdiendo alguna parte del miedo, poco a poco se vinieron -acercando hasta donde claramente oyeron las voces de don Quijote, que los -llamaba. Finalmente, volvieron al carro, y, en llegando, dijo don Quijote -al carretero: - -— Volved, hermano, a uncir vuestras mulas y a proseguir vuestro viaje; y tú, -Sancho, dale dos escudos de oro, para él y para el leonero, en recompensa -de lo que por mí se han detenido. - -— Ésos daré yo de muy buena gana —respondió Sancho—; pero, ¿qué se han hecho -los leones? ¿Son muertos, o vivos? - -Entonces el leonero, menudamente y por sus pausas, contó el fin de la -contienda, exagerando, como él mejor pudo y supo, el valor de don Quijote, -de cuya vista el león, acobardado, no quiso ni osó salir de la jaula, -puesto que había tenido un buen espacio abierta la puerta de la jaula; y -que, por haber él dicho a aquel caballero que era tentar a Dios irritar al -león para que por fuerza saliese, como él quería que se irritase, mal de su -grado y contra toda su voluntad, había permitido que la puerta se cerrase. - -— ¿Qué te parece desto, Sancho? —dijo don Quijote—. ¿Hay encantos que valgan -contra la verdadera valentía? Bien podrán los encantadores quitarme la -ventura, pero el esfuerzo y el ánimo, será imposible. - -Dio los escudos Sancho, unció el carretero, besó las manos el leonero a don -Quijote por la merced recebida, y prometióle de contar aquella valerosa -hazaña al mismo rey, cuando en la corte se viese. - -— Pues, si acaso Su Majestad preguntare quién la hizo, diréisle que el -Caballero de los Leones, que de aquí adelante quiero que en éste se -trueque, cambie, vuelva y mude el que hasta aquí he tenido del Caballero de -la Triste Figura; y en esto sigo la antigua usanza de los andantes -caballeros, que se mudaban los nombres cuando querían, o cuando les venía a -cuento. - -Siguió su camino el carro, y don Quijote, Sancho y el del Verde Gabán -prosiguieron el suyo. - -En todo este tiempo no había hablado palabra don Diego de Miranda, todo -atento a mirar y a notar los hechos y palabras de don Quijote, pareciéndole -que era un cuerdo loco y un loco que tiraba a cuerdo. No había aún llegado -a su noticia la primera parte de su historia; que si la hubiera leído, -cesara la admiración en que lo ponían sus hechos y sus palabras, pues ya -supiera el género de su locura; pero, como no la sabía, ya le tenía por -cuerdo y ya por loco, porque lo que hablaba era concertado, elegante y bien -dicho, y lo que hacía, disparatado, temerario y tonto. Y decía entre sí: - -— ¿Qué más locura puede ser que ponerse la celada llena de requesones y -darse a entender que le ablandaban los cascos los encantadores? Y ¿qué -mayor temeridad y disparate que querer pelear por fuerza con leones? - -Destas imaginaciones y deste soliloquio le sacó don Quijote, diciéndole: - -— ¿Quién duda, señor don Diego de Miranda, que vuestra merced no me tenga en -su opinión por un hombre disparatado y loco? Y no sería mucho que así -fuese, porque mis obras no pueden dar testimonio de otra cosa. Pues, con -todo esto, quiero que vuestra merced advierta que no soy tan loco ni tan -menguado como debo de haberle parecido. Bien parece un gallardo caballero, -a los ojos de su rey, en la mitad de una gran plaza, dar una lanzada con -felice suceso a un bravo toro; bien parece un caballero, armado de -resplandecientes armas, pasar la tela en alegres justas delante de las -damas, y bien parecen todos aquellos caballeros que en ejercicios -militares, o que lo parezcan, entretienen y alegran, y, si se puede decir, -honran las cortes de sus príncipes; pero sobre todos éstos parece mejor un -caballero andante, que por los desiertos, por las soledades, por las -encrucijadas, por las selvas y por los montes anda buscando peligrosas -aventuras, con intención de darles dichosa y bien afortunada cima, sólo por -alcanzar gloriosa fama y duradera. Mejor parece, digo, un caballero -andante, socorriendo a una viuda en algún despoblado, que un cortesano -caballero, requebrando a una doncella en las ciudades. Todos los caballeros -tienen sus particulares ejercicios: sirva a las damas el cortesano; -autorice la corte de su rey con libreas; sustente los caballeros pobres con -el espléndido plato de su mesa; concierte justas, mantenga torneos y -muéstrese grande, liberal y magnífico, y buen cristiano, sobre todo, y -desta manera cumplirá con sus precisas obligaciones. Pero el andante -caballero busque los rincones del mundo; éntrese en los más intricados -laberintos; acometa a cada paso lo imposible; resista en los páramos -despoblados los ardientes rayos del sol en la mitad del verano, y en el -invierno la dura inclemencia de los vientos y de los yelos; no le asombren -leones, ni le espanten vestiglos, ni atemoricen endriagos; que buscar -éstos, acometer aquéllos y vencerlos a todos son sus principales y -verdaderos ejercicios. Yo, pues, como me cupo en suerte ser uno del número -de la andante caballería, no puedo dejar de acometer todo aquello que a mí -me pareciere que cae debajo de la juridición de mis ejercicios; y así, el -acometer los leones que ahora acometí derechamente me tocaba, puesto que -conocí ser temeridad esorbitante, porque bien sé lo que es valentía, que es -una virtud que está puesta entre dos estremos viciosos, como son la -cobardía y la temeridad; pero menos mal será que el que es valiente toque y -suba al punto de temerario, que no que baje y toque en el punto de cobarde; -que así como es más fácil venir el pródigo a ser liberal que al avaro, así -es más fácil dar el temerario en verdadero valiente que no el cobarde subir -a la verdadera valentía; y, en esto de acometer aventuras, créame vuesa -merced, señor don Diego, que antes se ha de perder por carta de más que de -menos, porque mejor suena en las orejas de los que lo oyen "el tal -caballero es temerario y atrevido" que no "el tal caballero es tímido y -cobarde". - -— Digo, señor don Quijote —respondió don Diego—, que todo lo que vuesa -merced ha dicho y hecho va nivelado con el fiel de la misma razón, y que -entiendo que si las ordenanzas y leyes de la caballería andante se -perdiesen, se hallarían en el pecho de vuesa merced como en su mismo -depósito y archivo. Y démonos priesa, que se hace tarde, y lleguemos a mi -aldea y casa, donde descansará vuestra merced del pasado trabajo, que si no -ha sido del cuerpo, ha sido del espíritu, que suele tal vez redundar en -cansancio del cuerpo. - -— Tengo el ofrecimiento a gran favor y merced, señor don Diego— respondió -don Quijote. - -Y, picando más de lo que hasta entonces, serían como las dos de la tarde -cuando llegaron a la aldea y a la casa de don Diego, a quien don Quijote -llamaba el Caballero del Verde Gabán. - - - - -Capítulo XVIII. De lo que sucedió a don Quijote en el castillo o casa del -Caballero del Verde Gabán, con otras cosas extravagantes - -Halló don Quijote ser la casa de don Diego de Miranda ancha como de aldea; -las armas, empero, aunque de piedra tosca, encima de la puerta de la calle; -la bodega, en el patio; la cueva, en el portal, y muchas tinajas a la -redonda, que, por ser del Toboso, le renovaron las memorias de su encantada -y transformada Dulcinea; y sospirando, y sin mirar lo que decía, ni delante -de quién estaba, dijo: - -— ¡Oh dulces prendas, por mi mal halladas, - -dulces y alegres cuando Dios quería! - -¡Oh tobosescas tinajas, que me habéis traído a la memoria la dulce prenda -de mi mayor amargura! - -Oyóle decir esto el estudiante poeta, hijo de don Diego, que con su madre -había salido a recebirle, y madre y hijo quedaron suspensos de ver la -estraña figura de don Quijote; el cual, apeándose de Rocinante, fue con -mucha cortesía a pedirle las manos para besárselas, y don Diego dijo: - -— Recebid, señora, con vuestro sólito agrado al señor don Quijote de la -Mancha, que es el que tenéis delante, andante caballero y el más valiente y -el más discreto que tiene el mundo. - -La señora, que doña Cristina se llamaba, le recibió con muestras de mucho -amor y de mucha cortesía, y don Quijote se le ofreció con asaz de discretas -y comedidas razones. Casi los mismos comedimientos pasó con el estudiante, -que, en oyéndole hablar don Quijote, le tuvo por discreto y agudo. - -Aquí pinta el autor todas las circunstancias de la casa de don Diego, -pintándonos en ellas lo que contiene una casa de un caballero labrador y -rico; pero al traductor desta historia le pareció pasar estas y otras -semejantes menudencias en silencio, porque no venían bien con el propósito -principal de la historia, la cual más tiene su fuerza en la verdad que en -las frías digresiones. - -Entraron a don Quijote en una sala, desarmóle Sancho, quedó en valones y en -jubón de camuza, todo bisunto con la mugre de las armas: el cuello era -valona a lo estudiantil, sin almidón y sin randas; los borceguíes eran -datilados, y encerados los zapatos. Ciñóse su buena espada, que pendía de -un tahalí de lobos marinos; que es opinión que muchos años fue enfermo de -los riñones; cubrióse un herreruelo de buen paño pardo; pero antes de todo, -con cinco calderos, o seis, de agua, que en la cantidad de los calderos hay -alguna diferencia, se lavó la cabeza y rostro, y todavía se quedó el agua -de color de suero, merced a la golosina de Sancho y a la compra de sus -negros requesones, que tan blanco pusieron a su amo. Con los referidos -atavíos, y con gentil donaire y gallardía, salió don Quijote a otra sala, -donde el estudiante le estaba esperando para entretenerle en tanto que las -mesas se ponían; que, por la venida de tan noble huésped, quería la señora -doña Cristina mostrar que sabía y podía regalar a los que a su casa -llegasen. - -En tanto que don Quijote se estuvo desarmando, tuvo lugar don Lorenzo, que -así se llamaba el hijo de don Diego, de decir a su padre: - -— ¿Quién diremos, señor, que es este caballero que vuesa merced nos ha -traído a casa? Que el nombre, la figura, y el decir que es caballero -andante, a mí y a mi madre nos tiene suspensos. - -— No sé lo que te diga, hijo —respondió don Diego—; sólo te sabré decir que -le he visto hacer cosas del mayor loco del mundo, y decir razones tan -discretas que borran y deshacen sus hechos: háblale tú, y toma el pulso a -lo que sabe, y, pues eres discreto, juzga de su discreción o tontería lo -que más puesto en razón estuviere; aunque, para decir verdad, antes le -tengo por loco que por cuerdo. - -Con esto, se fue don Lorenzo a entretener a don Quijote, como queda dicho, -y, entre otras pláticas que los dos pasaron, dijo don Quijote a don -Lorenzo: - -— El señor don Diego de Miranda, padre de vuesa merced, me ha dado noticia -de la rara habilidad y sutil ingenio que vuestra merced tiene, y, sobre -todo, que es vuesa merced un gran poeta. - -— Poeta, bien podrá ser —respondió don Lorenzo—, pero grande, ni por -pensamiento. Verdad es que yo soy algún tanto aficionado a la poesía y a -leer los buenos poetas, pero no de manera que se me pueda dar el nombre de -grande que mi padre dice. - -— No me parece mal esa humildad —respondió don Quijote—, porque no hay poeta -que no sea arrogante y piense de sí que es el mayor poeta del mundo. - -— No hay regla sin excepción —respondió don Lorenzo—, y alguno habrá que lo -sea y no lo piense. - -— Pocos —respondió don Quijote—; pero dígame vuesa merced: ¿qué versos son -los que agora trae entre manos, que me ha dicho el señor su padre que le -traen algo inquieto y pensativo? Y si es alguna glosa, a mí se me entiende -algo de achaque de glosas, y holgaría saberlos; y si es que son de justa -literaria, procure vuestra merced llevar el segundo premio, que el primero -siempre se lleva el favor o la gran calidad de la persona, el segundo se le -lleva la mera justicia, y el tercero viene a ser segundo, y el primero, a -esta cuenta, será el tercero, al modo de las licencias que se dan en las -universidades; pero, con todo esto, gran personaje es el nombre de primero. - -— Hasta ahora —dijo entre sí don Lorenzo—, no os podré yo juzgar por loco; -vamos adelante. - -Y díjole: - -— Paréceme que vuesa merced ha cursado las escuelas: ¿qué ciencias ha oído? - -— La de la caballería andante —respondió don Quijote—, que es tan buena como -la de la poesía, y aun dos deditos más. - -— No sé qué ciencia sea ésa —replicó don Lorenzo—, y hasta ahora no ha -llegado a mi noticia. - -— Es una ciencia —replicó don Quijote— que encierra en sí todas o las más -ciencias del mundo, a causa que el que la profesa ha de ser jurisperito, y -saber las leyes de la justicia distributiva y comutativa, para dar a cada -uno lo que es suyo y lo que le conviene; ha de ser teólogo, para saber dar -razón de la cristiana ley que profesa, clara y distintamente, adondequiera -que le fuere pedido; ha de ser médico y principalmente herbolario, para -conocer en mitad de los despoblados y desiertos las yerbas que tienen -virtud de sanar las heridas, que no ha de andar el caballero andante a cada -triquete buscando quien se las cure; ha de ser astrólogo, para conocer por -las estrellas cuántas horas son pasadas de la noche, y en qué parte y en -qué clima del mundo se halla; ha de saber las matemáticas, porque a cada -paso se le ofrecerá tener necesidad dellas; y, dejando aparte que ha de -estar adornado de todas las virtudes teologales y cardinales, decendiendo a -otras menudencias, digo que ha de saber nadar como dicen que nadaba el peje -Nicolás o Nicolao; ha de saber herrar un caballo y aderezar la silla y el -freno; y, volviendo a lo de arriba, ha de guardar la fe a Dios y a su dama; -ha de ser casto en los pensamientos, honesto en las palabras, liberal en -las obras, valiente en los hechos, sufrido en los trabajos, caritativo con -los menesterosos, y, finalmente, mantenedor de la verdad, aunque le cueste -la vida el defenderla. De todas estas grandes y mínimas partes se compone -un buen caballero andante; porque vea vuesa merced, señor don Lorenzo, si -es ciencia mocosa lo que aprende el caballero que la estudia y la profesa, -y si se puede igualar a las más estiradas que en los ginasios y escuelas se -enseñan. - -— Si eso es así —replicó don Lorenzo—, yo digo que se aventaja esa ciencia a -todas. - -— ¿Cómo si es así? —respondió don Quijote. - -Lo que yo quiero decir —dijo don Lorenzo— es que dudo que haya habido, ni -que los hay ahora, caballeros andantes y adornados de virtudes tantas. - -— Muchas veces he dicho lo que vuelvo a decir ahora —respondió don Quijote—: -que la mayor parte de la gente del mundo está de parecer de que no ha -habido en él caballeros andantes; y, por parecerme a mí que si el cielo -milagrosamente no les da a entender la verdad de que los hubo y de que los -hay, cualquier trabajo que se tome ha de ser en vano, como muchas veces me -lo ha mostrado la experiencia, no quiero detenerme agora en sacar a vuesa -merced del error que con los muchos tiene; lo que pienso hacer es el rogar -al cielo le saque dél, y le dé a entender cuán provechosos y cuán -necesarios fueron al mundo los caballeros andantes en los pasados siglos, y -cuán útiles fueran en el presente si se usaran; pero triunfan ahora, por -pecados de las gentes, la pereza, la ociosidad, la gula y el regalo. - -— Escapado se nos ha nuestro huésped —dijo a esta sazón entre sí don -Lorenzo—, pero, con todo eso, él es loco bizarro, y yo sería mentecato -flojo si así no lo creyese. - -Aquí dieron fin a su plática, porque los llamaron a comer. Preguntó don -Diego a su hijo qué había sacado en limpio del ingenio del huésped. A lo -que él respondió: - -— No le sacarán del borrador de su locura cuantos médicos y buenos -escribanos tiene el mundo: él es un entreverado loco, lleno de lúcidos -intervalos. - -Fuéronse a comer, y la comida fue tal como don Diego había dicho en el -camino que la solía dar a sus convidados: limpia, abundante y sabrosa; pero -de lo que más se contentó don Quijote fue del maravilloso silencio que en -toda la casa había, que semejaba un monasterio de cartujos. Levantados, -pues, los manteles, y dadas gracias a Dios y agua a las manos, don -Quijote pidió ahincadamente a don Lorenzo dijese los versos de la justa -literaria; a lo que él respondió que, por no parecer de aquellos poetas que -cuando les ruegan digan sus versos los niegan y cuando no se los piden los -vomitan,... - -— ...yo diré mi glosa, de la cual no espero premio alguno, que sólo por -ejercitar el ingenio la he hecho. - -— Un amigo y discreto —respondió don Quijote— era de parecer que no se había -de cansar nadie en glosar versos; y la razón, decía él, era que jamás la -glosa podía llegar al texto, y que muchas o las más veces iba la glosa -fuera de la intención y propósito de lo que pedía lo que se glosaba; y más, -que las leyes de la glosa eran demasiadamente estrechas: que no sufrían -interrogantes, ni dijo, ni diré, ni hacer nombres de verbos, ni mudar el -sentido, con otras ataduras y estrechezas con que van atados los que -glosan, como vuestra merced debe de saber. - -— Verdaderamente, señor don Quijote —dijo don Lorenzo—, que deseo coger a -vuestra merced en un mal latín continuado, y no puedo, porque se me desliza -de entre las manos como anguila. - -— No entiendo —respondió don Quijote— lo que vuestra merced dice ni quiere -decir en eso del deslizarme. - -— Yo me daré a entender —respondió don Lorenzo—; y por ahora esté vuesa -merced atento a los versos glosados y a la glosa, que dicen desta manera: - -¡Si mi fue tornase a es, -sin esperar más será, -o viniese el tiempo ya -de lo que será después...! - -Glosa - -Al fin, como todo pasa, -se pasó el bien que me dio -Fortuna, un tiempo no escasa, -y nunca me le volvió, -ni abundante, ni por tasa. -Siglos ha ya que me vees, -Fortuna, puesto a tus pies; -vuélveme a ser venturoso, -que será mi ser dichoso -si mi fue tornase a es. -No quiero otro gusto o gloria, -otra palma o vencimiento, -otro triunfo, otra vitoria, -sino volver al contento -que es pesar en mi memoria. -Si tú me vuelves allá, -Fortuna, templado está -todo el rigor de mi fuego, -y más si este bien es luego, -sin esperar más será. -Cosas imposibles pido, -pues volver el tiempo a ser -después que una vez ha sido, -no hay en la tierra poder -que a tanto se haya estendido. -Corre el tiempo, vuela y va -ligero, y no volverá, -y erraría el que pidiese, -o que el tiempo ya se fuese, -o volviese el tiempo ya. -Vivo en perpleja vida, -ya esperando, ya temiendo: -es muerte muy conocida, -y es mucho mejor muriendo -buscar al dolor salida. -A mí me fuera interés -acabar, mas no lo es, -pues, con discurso mejor, -me da la vida el temor -de lo que será después. - -En acabando de decir su glosa don Lorenzo, se levantó en pie don Quijote, -y, en voz levantada, que parecía grito, asiendo con su mano la derecha de -don Lorenzo, dijo: - -— ¡Viven los cielos donde más altos están, mancebo generoso, que sois el -mejor poeta del orbe, y que merecéis estar laureado, no por Chipre ni por -Gaeta, como dijo un poeta, que Dios perdone, sino por las academias de -Atenas, si hoy vivieran, y por las que hoy viven de París, Bolonia y -Salamanca! Plega al cielo que los jueces que os quitaren el premio primero, -Febo los asaetee y las Musas jamás atraviesen los umbrales de sus casas. -Decidme, señor, si sois servido, algunos versos mayores, que quiero tomar -de todo en todo el pulso a vuestro admirable ingenio. - -¿No es bueno que dicen que se holgó don Lorenzo de verse alabar de don -Quijote, aunque le tenía por loco? ¡Oh fuerza de la adulación, a cuánto te -estiendes, y cuán dilatados límites son los de tu juridición agradable! -Esta verdad acreditó don Lorenzo, pues concedió con la demanda y deseo de -don Quijote, diciéndole este soneto a la fábula o historia de Píramo y -Tisbe: - -Soneto - -El muro rompe la doncella hermosa -que de Píramo abrió el gallardo pecho: -parte el Amor de Chipre, y va derecho -a ver la quiebra estrecha y prodigiosa. -Habla el silencio allí, porque no osa -la voz entrar por tan estrecho estrecho; -las almas sí, que amor suele de hecho -facilitar la más difícil cosa. -Salió el deseo de compás, y el paso -de la imprudente virgen solicita -por su gusto su muerte; ved qué historia: -que a entrambos en un punto, ¡oh estraño caso!, -los mata, los encubre y resucita -una espada, un sepulcro, una memoria. - -— ¡Bendito sea Dios! —dijo don Quijote habiendo oído el soneto a don -Lorenzo—, que entre los infinitos poetas consumidos que hay, he visto un -consumado poeta, como lo es vuesa merced, señor mío; que así me lo da a -entender el artificio deste soneto. - -Cuatro días estuvo don Quijote regaladísimo en la casa de don Diego, al -cabo de los cuales le pidió licencia para irse, diciéndole que le agradecía -la merced y buen tratamiento que en su casa había recebido; pero que, por -no parecer bien que los caballeros andantes se den muchas horas a ocio y al -regalo, se quería ir a cumplir con su oficio, buscando las aventuras, de -quien tenía noticia que aquella tierra abundaba, donde esperaba entretener -el tiempo hasta que llegase el día de las justas de Zaragoza, que era el de -su derecha derrota; y que primero había de entrar en la cueva de -Montesinos, de quien tantas y tan admirables cosas en aquellos contornos se -contaban, sabiendo e inquiriendo asimismo el nacimiento y verdaderos -manantiales de las siete lagunas llamadas comúnmente de Ruidera. - -Don Diego y su hijo le alabaron su honrosa determinación, y le dijeron que -tomase de su casa y de su hacienda todo lo que en grado le viniese, que le -servirían con la voluntad posible; que a ello les obligaba el valor de su -persona y la honrosa profesión suya. - -Llegóse, en fin, el día de su partida, tan alegre para don Quijote como -triste y aciago para Sancho Panza, que se hallaba muy bien con la -abundancia de la casa de don Diego, y rehusaba de volver a la hambre que se -usa en las florestas, despoblados, y a la estrecheza de sus mal proveídas -alforjas. Con todo esto, las llenó y colmó de lo más necesario que le -pareció; y al despedirse dijo don Quijote a don Lorenzo: - -— No sé si he dicho a vuesa merced otra vez, y si lo he dicho lo vuelvo a -decir, que cuando vuesa merced quisiere ahorrar caminos y trabajos para -llegar a la inacesible cumbre del templo de la Fama, no tiene que hacer -otra cosa sino dejar a una parte la senda de la poesía, algo estrecha, y -tomar la estrechísima de la andante caballería, bastante para hacerle -emperador en daca las pajas. - -Con estas razones acabó don Quijote de cerrar el proceso de su locura, y -más con las que añadió, diciendo: - -— Sabe Dios si quisiera llevar conmigo al señor don Lorenzo, para enseñarle -cómo se han de perdonar los sujetos, y supeditar y acocear los soberbios, -virtudes anejas a la profesión que yo profeso; pero, pues no lo pide su -poca edad, ni lo querrán consentir sus loables ejercicios, sólo me contento -con advertirle a vuesa merced que, siendo poeta, podrá ser famoso si se -guía más por el parecer ajeno que por el propio, porque no hay padre ni -madre a quien sus hijos le parezcan feos, y en los que lo son del -entendimiento corre más este engaño. - -De nuevo se admiraron padre y hijo de las entremetidas razones de don -Quijote, ya discretas y ya disparatadas, y del tema y tesón que llevaba de -acudir de todo en todo a la busca de sus desventuradas aventuras, que las -tenía por fin y blanco de sus deseos. Reiteráronse los ofrecimientos y -comedimientos, y, con la buena licencia de la señora del castillo, don -Quijote y Sancho, sobre Rocinante y el rucio, se partieron. - - - - -Capítulo XIX. Donde se cuenta la aventura del pastor enamorado, con otros -en verdad graciosos sucesos - -Poco trecho se había alongado don Quijote del lugar de don Diego, cuando -encontró con dos como clérigos o como estudiantes y con dos labradores que -sobre cuatro bestias asnales venían caballeros. El uno de los estudiantes -traía, como en portamanteo, en un lienzo de bocací verde envuelto, al -parecer, un poco de grana blanca y dos pares de medias de cordellate; el -otro no traía otra cosa que dos espadas negras de esgrima, nuevas, y con -sus zapatillas. Los labradores traían otras cosas, que daban indicio y -señal que venían de alguna villa grande, donde las habían comprado, y las -llevaban a su aldea; y así estudiantes como labradores cayeron en la misma -admiración en que caían todos aquellos que la vez primera veían a don -Quijote, y morían por saber qué hombre fuese aquél tan fuera del uso de los -otros hombres. - -Saludóles don Quijote, y, después de saber el camino que llevaban, que era -el mesmo que él hacía, les ofreció su compañía, y les pidió detuviesen el -paso, porque caminaban más sus pollinas que su caballo; y, para obligarlos, -en breves razones les dijo quién era, y su oficio y profesión, que era de -caballero andante que iba a buscar las aventuras por todas las partes del -mundo. Díjoles que se llamaba de nombre propio don Quijote de la Mancha, y -por el apelativo, el Caballero de los Leones. Todo esto para los labradores -era hablarles en griego o en jerigonza, pero no para los estudiantes, que -luego entendieron la flaqueza del celebro de don Quijote; pero, con todo -eso, le miraban con admiración y con respecto, y uno dellos le dijo: - -— Si vuestra merced, señor caballero, no lleva camino determinado, como no -le suelen llevar los que buscan las aventuras, vuesa merced se venga con -nosotros: verá una de las mejores bodas y más ricas que hasta el día de hoy -se habrán celebrado en la Mancha, ni en otras muchas leguas a la redonda. - -Preguntóle don Quijote si eran de algún príncipe, que así las ponderaba. - -— No son —respondió el estudiante— sino de un labrador y una labradora: él, -el más rico de toda esta tierra; y ella, la más hermosa que han visto los -hombres. El aparato con que se han de hacer es estraordinario y nuevo, -porque se han de celebrar en un prado que está junto al pueblo de la novia, -a quien por excelencia llaman Quiteria la hermosa, y el desposado se llama -Camacho el rico; ella de edad de diez y ocho años, y él de veinte y dos; -ambos para en uno, aunque algunos curiosos que tienen de memoria los -linajes de todo el mundo quieren decir que el de la hermosa Quiteria se -aventaja al de Camacho; pero ya no se mira en esto, que las riquezas son -poderosas de soldar muchas quiebras. En efecto, el tal Camacho es liberal y -hásele antojado de enramar y cubrir todo el prado por arriba, de tal suerte -que el sol se ha de ver en trabajo si quiere entrar a visitar las yerbas -verdes de que está cubierto el suelo. Tiene asimesmo maheridas danzas, así -de espadas como de cascabel menudo, que hay en su pueblo quien los repique -y sacuda por estremo; de zapateadores no digo nada, que es un juicio los -que tiene muñidos; pero ninguna de las cosas referidas ni otras muchas que -he dejado de referir ha de hacer más memorables estas bodas, sino las que -imagino que hará en ellas el despechado Basilio. Es este Basilio un zagal -vecino del mesmo lugar de Quiteria, el cual tenía su casa pared y medio de -la de los padres de Quiteria, de donde tomó ocasión el amor de renovar al -mundo los ya olvidados amores de Píramo y Tisbe, porque Basilio se enamoró -de Quiteria desde sus tiernos y primeros años, y ella fue correspondiendo a -su deseo con mil honestos favores, tanto, que se contaban por -entretenimiento en el pueblo los amores de los dos niños Basilio y -Quiteria. Fue creciendo la edad, y acordó el padre de Quiteria de estorbar -a Basilio la ordinaria entrada que en su casa tenía; y, por quitarse de -andar receloso y lleno de sospechas, ordenó de casar a su hija con el rico -Camacho, no pareciéndole ser bien casarla con Basilio, que no tenía tantos -bienes de fortuna como de naturaleza; pues si va a decir las verdades sin -invidia, él es el más ágil mancebo que conocemos: gran tirador de barra, -luchador estremado y gran jugador de pelota; corre como un gamo, salta más -que una cabra y birla a los bolos como por encantamento; canta como una -calandria, y toca una guitarra, que la hace hablar, y, sobre todo, juega -una espada como el más pintado. - -— Por esa sola gracia —dijo a esta sazón don Quijote—, merecía ese mancebo -no sólo casarse con la hermosa Quiteria, sino con la mesma reina Ginebra, -si fuera hoy viva, a pesar de Lanzarote y de todos aquellos que estorbarlo -quisieran. - -— ¡A mi mujer con eso! —dijo Sancho Panza, que hasta entonces había ido -callando y escuchando—, la cual no quiere sino que cada uno case con su -igual, ateniéndose al refrán que dicen "cada oveja con su pareja". Lo que -yo quisiera es que ese buen Basilio, que ya me le voy aficionando, se -casara con esa señora Quiteria; que buen siglo hayan y buen poso, iba a -decir al revés, los que estorban que se casen los que bien se quieren. - -— Si todos los que bien se quieren se hubiesen de casar —dijo don Quijote—, -quitaríase la eleción y juridición a los padres de casar sus hijos con -quien y cuando deben; y si a la voluntad de las hijas quedase escoger los -maridos, tal habría que escogiese al criado de su padre, y tal al que vio -pasar por la calle, a su parecer, bizarro y entonado, aunque fuese un -desbaratado espadachín; que el amor y la afición con facilidad ciegan los -ojos del entendimiento, tan necesarios para escoger estado, y el del -matrimonio está muy a peligro de errarse, y es menester gran tiento y -particular favor del cielo para acertarle. Quiere hacer uno un viaje largo, -y si es prudente, antes de ponerse en camino busca alguna compañía segura y -apacible con quien acompañarse; pues, ¿por qué no hará lo mesmo el que ha -de caminar toda la vida, hasta el paradero de la muerte, y más si la -compañía le ha de acompañar en la cama, en la mesa y en todas partes, como -es la de la mujer con su marido? La de la propia mujer no es mercaduría que -una vez comprada se vuelve, o se trueca o cambia, porque es accidente -inseparable, que dura lo que dura la vida: es un lazo que si una vez le -echáis al cuello, se vuelve en el nudo gordiano, que si no le corta la -guadaña de la muerte, no hay desatarle. Muchas más cosas pudiera decir en -esta materia, si no lo estorbara el deseo que tengo de saber si le queda -más que decir al señor licenciado acerca de la historia de Basilio. - -A lo que respondió el estudiante bachiller, o licenciado, como le llamó don -Quijote, que: - -— De todo no me queda más que decir sino que desde el punto que Basilio supo -que la hermosa Quiteria se casaba con Camacho el rico, nunca más le han -visto reír ni hablar razón concertada, y siempre anda pensativo y triste, -hablando entre sí mismo, con que da ciertas y claras señales de que se le -ha vuelto el juicio: come poco y duerme poco, y lo que come son frutas, y -en lo que duerme, si duerme, es en el campo, sobre la dura tierra, como -animal bruto; mira de cuando en cuando al cielo, y otras veces clava los -ojos en la tierra, con tal embelesamiento, que no parece sino estatua -vestida que el aire le mueve la ropa. En fin, él da tales muestras de tener -apasionado el corazón, que tememos todos los que le conocemos que el dar el -sí mañana la hermosa Quiteria ha de ser la sentencia de su muerte. - -— Dios lo hará mejor —dijo Sancho—; que Dios, que da la llaga, da la -medicina; nadie sabe lo que está por venir: de aquí a mañana muchas horas -hay, y en una, y aun en un momento, se cae la casa; yo he visto llover y -hacer sol, todo a un mesmo punto; tal se acuesta sano la noche, que no se -puede mover otro día. Y díganme, ¿por ventura habrá quien se alabe que -tiene echado un clavo a la rodaja de la Fortuna? No, por cierto; y entre el -sí y el no de la mujer no me atrevería yo a poner una punta de alfiler, -porque no cabría. Denme a mí que Quiteria quiera de buen corazón y de buena -voluntad a Basilio, que yo le daré a él un saco de buena ventura: que el -amor, según yo he oído decir, mira con unos antojos que hacen parecer oro -al cobre, a la pobreza riqueza, y a las lagañas perlas. - -— ¿Adónde vas a parar, Sancho, que seas maldito? —dijo don Quijote—; que -cuando comienzas a ensartar refranes y cuentos, no te puede esperar sino el -mesmo Judas, que te lleve. Dime, animal, ¿qué sabes tú de clavos, ni de -rodajas, ni de otra cosa ninguna? - -— ¡Oh! Pues si no me entienden —respondió Sancho—, no es maravilla que mis -sentencias sean tenidas por disparates. Pero no importa: yo me entiendo, y -sé que no he dicho muchas necedades en lo que he dicho; sino que vuesa -merced, señor mío, siempre es friscal de mis dichos, y aun de mis hechos. - -— Fiscal has de decir —dijo don Quijote—, que no friscal, prevaricador del -buen lenguaje, que Dios te confunda. - -— No se apunte vuestra merced conmigo —respondió Sancho—, pues sabe que no -me he criado en la Corte, ni he estudiado en Salamanca, para saber si añado -o quito alguna letra a mis vocablos. Sí, que, ¡válgame Dios!, no hay para -qué obligar al sayagués a que hable como el toledano, y toledanos puede -haber que no las corten en el aire en esto del hablar polido. - -— Así es —dijo el licenciado—, porque no pueden hablar tan bien los que se -crían en las Tenerías y en Zocodover como los que se pasean casi todo el -día por el claustro de la Iglesia Mayor, y todos son toledanos. El lenguaje -puro, el propio, el elegante y claro, está en los discretos cortesanos, -aunque hayan nacido en Majalahonda: dije discretos porque hay muchos que no -lo son, y la discreción es la gramática del buen lenguaje, que se acompaña -con el uso. Yo, señores, por mis pecados, he estudiado Cánones en -Salamanca, y pícome algún tanto de decir mi razón con palabras claras, -llanas y significantes. - -— Si no os picáredes más de saber más menear las negras que lleváis que la -lengua —dijo el otro estudiante—, vos llevárades el primero en licencias, -como llevastes cola. - -— Mirad, bachiller —respondió el licenciado—: vos estáis en la más errada -opinión del mundo acerca de la destreza de la espada, teniéndola por vana. - -— Para mí no es opinión, sino verdad asentada —replicó Corchuelo—; y si -queréis que os lo muestre con la experiencia, espadas traéis, comodidad -hay, yo pulsos y fuerzas tengo, que acompañadas de mi ánimo, que no es -poco, os harán confesar que yo no me engaño. Apeaos, y usad de vuestro -compás de pies, de vuestros círculos y vuestros ángulos y ciencia; que yo -espero de haceros ver estrellas a mediodía con mi destreza moderna y zafia, -en quien espero, después de Dios, que está por nacer hombre que me haga -volver las espaldas, y que no le hay en el mundo a quien yo no le haga -perder tierra. - -— En eso de volver, o no, las espaldas no me meto —replico el diestro—; -aunque podría ser que en la parte donde la vez primera clavásedes el pie, -allí os abriesen la sepultura: quiero decir que allí quedásedes muerto por -la despreciada destreza. - -— Ahora se verá —respondió Corchuelo. - -Y, apeándose con gran presteza de su jumento, tiró con furia de una de las -espadas que llevaba el licenciado en el suyo. - -— No ha de ser así —dijo a este instante don Quijote—, que yo quiero ser el -maestro desta esgrima, y el juez desta muchas veces no averiguada cuestión. - -Y, apeándose de Rocinante y asiendo de su lanza, se puso en la mitad del -camino, a tiempo que ya el licenciado, con gentil donaire de cuerpo y -compás de pies, se iba contra Corchuelo, que contra él se vino, lanzando, -como decirse suele, fuego por los ojos. Los otros dos labradores del -acompañamiento, sin apearse de sus pollinas, sirvieron de aspetatores en la -mortal tragedia. Las cuchilladas, estocadas, altibajos, reveses y mandobles -que tiraba Corchuelo eran sin número, más espesas que hígado y más menudas -que granizo. Arremetía como un león irritado, pero salíale al encuentro un -tapaboca de la zapatilla de la espada del licenciado, que en mitad de su -furia le detenía, y se la hacía besar como si fuera reliquia, aunque no con -tanta devoción como las reliquias deben y suelen besarse. - -Finalmente, el licenciado le contó a estocadas todos los botones de una -media sotanilla que traía vestida, haciéndole tiras los faldamentos, como -colas de pulpo; derribóle el sombrero dos veces, y cansóle de manera que de -despecho, cólera y rabia asió la espada por la empuñadura, y arrojóla por -el aire con tanta fuerza, que uno de los labradores asistentes, que era -escribano, que fue por ella, dio después por testimonio que la alongó de sí -casi tres cuartos de legua; el cual testimonio sirve y ha servido para que -se conozca y vea con toda verdad cómo la fuerza es vencida del arte. - -Sentóse cansado Corchuelo, y llegándose a él Sancho, le dijo: - -— Mía fe, señor bachiller, si vuesa merced toma mi consejo, de aquí adelante -no ha de desafiar a nadie a esgrimir, sino a luchar o a tirar la barra, -pues tiene edad y fuerzas para ello; que destos a quien llaman diestros he -oído decir que meten una punta de una espada por el ojo de una aguja. - -— Yo me contento —respondió Corchuelo— de haber caído de mi burra, y de que -me haya mostrado la experiencia la verdad, de quien tan lejos estaba. - -Y, levantándose, abrazó al licenciado, y quedaron más amigos que de antes, -y no queriendo esperar al escribano, que había ido por la espada, por -parecerle que tardaría mucho; y así, determinaron seguir, por llegar -temprano a la aldea de Quiteria, de donde todos eran. - -En lo que faltaba del camino, les fue contando el licenciado las -excelencias de la espada, con tantas razones demostrativas y con tantas -figuras y demostraciones matemáticas, que todos quedaron enterados de la -bondad de la ciencia, y Corchuelo reducido de su pertinacia. - -Era anochecido, pero antes que llegasen les pareció a todos que estaba -delante del pueblo un cielo lleno de inumerables y resplandecientes -estrellas. Oyeron, asimismo, confusos y suaves sonidos de diversos -instrumentos, como de flautas, tamborinos, salterios, albogues, panderos y -sonajas; y cuando llegaron cerca vieron que los árboles de una enramada, -que a mano habían puesto a la entrada del pueblo, estaban todos llenos de -luminarias, a quien no ofendía el viento, que entonces no soplaba sino tan -manso que no tenía fuerza para mover las hojas de los árboles. Los músicos -eran los regocijadores de la boda, que en diversas cuadrillas por aquel -agradable sitio andaban, unos bailando, y otros cantando, y otros tocando -la diversidad de los referidos instrumentos. En efecto, no parecía sino que -por todo aquel prado andaba corriendo la alegría y saltando el contento. - -Otros muchos andaban ocupados en levantar andamios, de donde con comodidad -pudiesen ver otro día las representaciones y danzas que se habían de hacer -en aquel lugar dedicado para solenizar las bodas del rico Camacho y las -exequias de Basilio. No quiso entrar en el lugar don Quijote, aunque se lo -pidieron así el labrador como el bachiller; pero él dio por disculpa, -bastantísima a su parecer, ser costumbre de los caballeros andantes dormir -por los campos y florestas antes que en los poblados, aunque fuese debajo -de dorados techos; y con esto, se desvió un poco del camino, bien contra la -voluntad de Sancho, viniéndosele a la memoria el buen alojamiento que había -tenido en el castillo o casa de don Diego. - - - - -Capítulo XX. Donde se cuentan las bodas de Camacho el rico, con el suceso -de Basilio el pobre - -Apenas la blanca aurora había dado lugar a que el luciente Febo, con el -ardor de sus calientes rayos, las líquidas perlas de sus cabellos de oro -enjugase, cuando don Quijote, sacudiendo la pereza de sus miembros, se puso -en pie y llamó a su escudero Sancho, que aún todavía roncaba; lo cual visto -por don Quijote, antes que le despertase, le dijo: - -— ¡Oh tú, bienaventurado sobre cuantos viven sobre la haz de la tierra, pues -sin tener invidia ni ser invidiado, duermes con sosegado espíritu, ni te -persiguen encantadores, ni sobresaltan encantamentos! Duerme, digo otra -vez, y lo diré otras ciento, sin que te tengan en contina vigilia celos de -tu dama, ni te desvelen pensamientos de pagar deudas que debas, ni de lo -que has de hacer para comer otro día tú y tu pequeña y angustiada familia. -Ni la ambición te inquieta, ni la pompa vana del mundo te fatiga, pues los -límites de tus deseos no se estienden a más que a pensar tu jumento; que el -de tu persona sobre mis hombros le tienes puesto: contrapeso y carga que -puso la naturaleza y la costumbre a los señores. Duerme el criado, y está -velando el señor, pensando cómo le ha de sustentar, mejorar y hacer -mercedes. La congoja de ver que el cielo se hace de bronce sin acudir a la -tierra con el conveniente rocío no aflige al criado, sino al señor, que ha -de sustentar en la esterilidad y hambre al que le sirvió en la fertilidad y -abundancia. - -A todo esto no respondió Sancho, porque dormía, ni despertara tan presto si -don Quijote con el cuento de la lanza no le hiciere volver en sí. Despertó, -en fin, soñoliento y perezoso, y, volviendo el rostro a todas partes, dijo: - -— De la parte desta enramada, si no me engaño, sale un tufo y olor harto más -de torreznos asados que de juncos y tomillos: bodas que por tales olores -comienzan, para mi santiguada que deben de ser abundantes y generosas. - -— Acaba, glotón —dijo don Quijote—; ven, iremos a ver estos desposorios, por -ver lo que hace el desdeñado Basilio. - -— Mas que haga lo que quisiere —respondió Sancho—: no fuera él pobre y -casárase con Quiteria. ¿No hay más sino tener un cuarto y querer alzarse -por las nubes? A la fe, señor, yo soy de parecer que el pobre debe de -contentarse con lo que hallare, y no pedir cotufas en el golfo. Yo apostaré -un brazo que puede Camacho envolver en reales a Basilio; y si esto es así, -como debe de ser, bien boba fuera Quiteria en desechar las galas y las -joyas que le debe de haber dado, y le puede dar Camacho, por escoger el -tirar de la barra y el jugar de la negra de Basilio. Sobre un buen tiro de -barra o sobre una gentil treta de espada no dan un cuartillo de vino en la -taberna. Habilidades y gracias que no son vendibles, mas que las tenga el -conde Dirlos; pero, cuando las tales gracias caen sobre quien tiene buen -dinero, tal sea mi vida como ellas parecen. Sobre un buen cimiento se puede -levantar un buen edificio, y el mejor cimiento y zanja del mundo es el -dinero. - -— Por quien Dios es, Sancho —dijo a esta sazón don Quijote—, que concluyas -con tu arenga; que tengo para mí que si te dejasen seguir en las que a cada -paso comienzas, no te quedaría tiempo para comer ni para dormir, que todo -le gastarías en hablar. - -— Si vuestra merced tuviera buena memoria —replicó Sancho—, debiérase -acordar de los capítulos de nuestro concierto antes que esta última vez -saliésemos de casa: uno dellos fue que me había de dejar hablar todo -aquello que quisiese, con que no fuese contra el prójimo ni contra la -autoridad de vuesa merced; y hasta agora me parece que no he contravenido -contra el tal capítulo. - -— Yo no me acuerdo, Sancho —respondió don Quijote—, del tal capítulo; y, -puesto que sea así, quiero que calles y vengas, que ya los instrumentos que -anoche oímos vuelven a alegrar los valles, y sin duda los desposorios se -celebrarán en el frescor de la mañana, y no en el calor de la tarde. - -Hizo Sancho lo que su señor le mandaba, y, poniendo la silla a Rocinante y -la albarda al rucio, subieron los dos, y paso ante paso se fueron entrando -por la enramada. - -Lo primero que se le ofreció a la vista de Sancho fue, espetado en un -asador de un olmo entero, un entero novillo; y en el fuego donde se había -de asar ardía un mediano monte de leña, y seis ollas que alrededor de la -hoguera estaban no se habían hecho en la común turquesa de las demás ollas, -porque eran seis medias tinajas, que cada una cabía un rastro de carne: así -embebían y encerraban en sí carneros enteros, sin echarse de ver, como si -fueran palominos; las liebres ya sin pellejo y las gallinas sin pluma que -estaban colgadas por los árboles para sepultarlas en las ollas no tenían -número; los pájaros y caza de diversos géneros eran infinitos, colgados de -los árboles para que el aire los enfriase. - -Contó Sancho más de sesenta zaques de más de a dos arrobas cada uno, y -todos llenos, según después pareció, de generosos vinos; así había rimeros -de pan blanquísimo, como los suele haber de montones de trigo en las eras; -los quesos, puestos como ladrillos enrejados, formaban una muralla, y dos -calderas de aceite, mayores que las de un tinte, servían de freír cosas de -masa, que con dos valientes palas las sacaban fritas y las zabullían en -otra caldera de preparada miel que allí junto estaba. - -Los cocineros y cocineras pasaban de cincuenta: todos limpios, todos -diligentes y todos contentos. En el dilatado vientre del novillo estaban -doce tiernos y pequeños lechones, que, cosidos por encima, servían de darle -sabor y enternecerle. Las especias de diversas suertes no parecía haberlas -comprado por libras, sino por arrobas, y todas estaban de manifiesto en una -grande arca. Finalmente, el aparato de la boda era rústico, pero tan -abundante que podía sustentar a un ejército. - -Todo lo miraba Sancho Panza, y todo lo contemplaba, y de todo se -aficionaba: primero le cautivaron y rindieron el deseo las ollas, de quién -él tomara de bonísima gana un mediano puchero; luego le aficionaron la -voluntad los zaques; y, últimamente, las frutas de sartén, si es que se -podían llamar sartenes las tan orondas calderas; y así, sin poderlo sufrir -ni ser en su mano hacer otra cosa, se llegó a uno de los solícitos -cocineros, y, con corteses y hambrientas razones, le rogó le dejase mojar -un mendrugo de pan en una de aquellas ollas. A lo que el cocinero -respondió: - -— Hermano, este día no es de aquellos sobre quien tiene juridición la -hambre, merced al rico Camacho. Apeaos y mirad si hay por ahí un cucharón, -y espumad una gallina o dos, y buen provecho os hagan. - -— No veo ninguno —respondió Sancho. - -— Esperad —dijo el cocinero—. ¡Pecador de mí, y qué melindroso y para poco -debéis de ser! - -Y, diciendo esto, asió de un caldero, y, encajándole en una de las medias -tinajas, sacó en él tres gallinas y dos gansos, y dijo a Sancho: - -— Comed, amigo, y desayunaos con esta espuma, en tanto que se llega la hora -del yantar. - -— No tengo en qué echarla —respondió Sancho. - -— Pues llevaos —dijo el cocinero— la cuchara y todo, que la riqueza y el -contento de Camacho todo lo suple. - -En tanto, pues, que esto pasaba Sancho, estaba don Quijote mirando cómo, -por una parte de la enramada, entraban hasta doce labradores sobre doce -hermosísimas yeguas, con ricos y vistosos jaeces de campo y con muchos -cascabeles en los petrales, y todos vestidos de regocijo y fiestas; los -cuales, en concertado tropel, corrieron no una, sino muchas carreras por el -prado, con regocijada algazara y grita, diciendo: - -— ¡Vivan Camacho y Quiteria: él tan rico como ella hermosa, y ella la más -hermosa del mundo! - -Oyendo lo cual don Quijote, dijo entre sí: - -— Bien parece que éstos no han visto a mi Dulcinea del Toboso, que si la -hubieran visto, ellos se fueran a la mano en las alabanzas desta su -Quiteria. - -De allí a poco comenzaron a entrar por diversas partes de la enramada -muchas y diferentes danzas, entre las cuales venía una de espadas, de hasta -veinte y cuatro zagales de gallardo parecer y brío, todos vestidos de -delgado y blanquísimo lienzo, con sus paños de tocar, labrados de varias -colores de fina seda; y al que los guiaba, que era un ligero mancebo, -preguntó uno de los de las yeguas si se había herido alguno de los -danzantes. - -— Por ahora, bendito sea Dios, no se ha herido nadie: todos vamos sanos. - -Y luego comenzó a enredarse con los demás compañeros, con tantas vueltas y -con tanta destreza que, aunque don Quijote estaba hecho a ver semejantes -danzas, ninguna le había parecido tan bien como aquélla. - -También le pareció bien otra que entró de doncellas hermosísimas, tan mozas -que, al parecer, ninguna bajaba de catorce ni llegaba a diez y ocho años, -vestidas todas de palmilla verde, los cabellos parte tranzados y parte -sueltos, pero todos tan rubios, que con los del sol podían tener -competencia, sobre los cuales traían guirnaldas de jazmines, rosas, -amaranto y madreselva compuestas. Guiábalas un venerable viejo y una -anciana matrona, pero más ligeros y sueltos que sus años prometían. -Hacíales el son una gaita zamorana, y ellas, llevando en los rostros y en -los ojos a la honestidad y en los pies a la ligereza, se mostraban las -mejores bailadoras del mundo. - -Tras ésta entró otra danza de artificio y de las que llaman habladas. Era -de ocho ninfas, repartidas en dos hileras: de la una hilera era guía el -dios Cupido, y de la otra, el Interés; aquél, adornado de alas, arco, -aljaba y saetas; éste, vestido de ricas y diversas colores de oro y seda. -Las ninfas que al Amor seguían traían a las espaldas, en pargamino blanco y -letras grandes, escritos sus nombres: poesía era el título de la primera, -el de la segunda discreción, el de la tercera buen linaje, el de la cuarta -valentía; del modo mesmo venían señaladas las que al Interés seguían: decía -liberalidad el título de la primera, dádiva el de la segunda, tesoro el de -la tercera y el de la cuarta posesión pacífica. Delante de todos venía un -castillo de madera, a quien tiraban cuatro salvajes, todos vestidos de -yedra y de cáñamo teñido de verde, tan al natural, que por poco espantaran -a Sancho. En la frontera del castillo y en todas cuatro partes de sus -cuadros traía escrito: castillo del buen recato. Hacíanles el son cuatro -diestros tañedores de tamboril y flauta. - -Comenzaba la danza Cupido, y, habiendo hecho dos mudanzas, alzaba los ojos -y flechaba el arco contra una doncella que se ponía entre las almenas del -castillo, a la cual desta suerte dijo: - --Yo soy el dios poderoso -en el aire y en la tierra -y en el ancho mar undoso, -y en cuanto el abismo encierra -en su báratro espantoso. -Nunca conocí qué es miedo; -todo cuanto quiero puedo, -aunque quiera lo imposible, -y en todo lo que es posible -mando, quito, pongo y vedo. - -Acabó la copla, disparó una flecha por lo alto del castillo y retiróse a -su puesto. Salió luego el Interés, y hizo otras dos mudanzas; callaron los -tamborinos, y él dijo: - --Soy quien puede más que Amor, -y es Amor el que me guía; -soy de la estirpe mejor -que el cielo en la tierra cría, -más conocida y mayor. -Soy el Interés, en quien -pocos suelen obrar bien, -y obrar sin mí es gran milagro; -y cual soy te me consagro, -por siempre jamás, amén. - -Retiróse el Interés, y hízose adelante la Poesía; la cual, después de haber -hecho sus mudanzas como los demás, puestos los ojos en la doncella del -castillo, dijo: - --En dulcísimos conceptos, -la dulcísima Poesía, -altos, graves y discretos, -señora, el alma te envía -envuelta entre mil sonetos. -Si acaso no te importuna -mi porfía, tu fortuna, -de otras muchas invidiada, -será por mí levantada -sobre el cerco de la luna. - -Desvióse la Poesía, y de la parte del Interés salió la Liberalidad, y, -después de hechas sus mudanzas, dijo: - --Llaman Liberalidad -al dar que el estremo huye -de la prodigalidad, -y del contrario, que arguye -tibia y floja voluntad. -Mas yo, por te engrandecer, -de hoy más, pródiga he de ser; -que, aunque es vicio, es vicio honrado -y de pecho enamorado, -que en el dar se echa de ver. - -Deste modo salieron y se retiraron todas las dos figuras de las dos -escuadras, y cada uno hizo sus mudanzas y dijo sus versos, algunos -elegantes y algunos ridículos, y sólo tomó de memoria don Quijote —que la -tenía grande— los ya referidos; y luego se mezclaron todos, haciendo y -deshaciendo lazos con gentil donaire y desenvoltura; y cuando pasaba el -Amor por delante del castillo, disparaba por alto sus flechas, pero el -Interés quebraba en él alcancías doradas. - -Finalmente, después de haber bailado un buen espacio, el Interés sacó un -bolsón, que le formaba el pellejo de un gran gato romano, que parecía estar -lleno de dineros, y, arrojándole al castillo, con el golpe se desencajaron -las tablas y se cayeron, dejando a la doncella descubierta y sin defensa -alguna. Llegó el Interés con las figuras de su valía, y, echándola una gran -cadena de oro al cuello, mostraron prenderla, rendirla y cautivarla; lo -cual visto por el Amor y sus valedores, hicieron ademán de quitársela; y -todas las demostraciones que hacían eran al son de los tamborinos, bailando -y danzando concertadamente. Pusiéronlos en paz los salvajes, los cuales con -mucha presteza volvieron a armar y a encajar las tablas del castillo, y la -doncella se encerró en él como de nuevo, y con esto se acabó la danza con -gran contento de los que la miraban. - -Preguntó don Quijote a una de las ninfas que quién la había compuesto y -ordenado. Respondióle que un beneficiado de aquel pueblo, que tenía gentil -caletre para semejantes invenciones. - -— Yo apostaré —dijo don Quijote— que debe de ser más amigo de Camacho que de -Basilio el tal bachiller o beneficiado, y que debe de tener más de satírico -que de vísperas: ¡bien ha encajado en la danza las habilidades de Basilio y -las riquezas de Camacho! - -Sancho Panza, que lo escuchaba todo, dijo: - -— El rey es mi gallo: a Camacho me atengo. - -— En fin —dijo don Quijote—, bien se parece, Sancho, que eres villano y de -aquéllos que dicen: "¡Viva quien vence!" - -— No sé de los que soy —respondió Sancho—, pero bien sé que nunca de ollas -de Basilio sacaré yo tan elegante espuma como es esta que he sacado de las -de Camacho. - -Y enseñóle el caldero lleno de gansos y de gallinas, y, asiendo de una, -comenzó a comer con mucho donaire y gana, y dijo: - -— ¡A la barba de las habilidades de Basilio!, que tanto vales cuanto tienes, -y tanto tienes cuanto vales. Dos linajes solos hay en el mundo, como decía -una agüela mía, que son el tener y el no tener, aunque ella al del tener se -atenía; y el día de hoy, mi señor don Quijote, antes se toma el pulso al -haber que al saber: un asno cubierto de oro parece mejor que un caballo -enalbardado. Así que vuelvo a decir que a Camacho me atengo, de cuyas ollas -son abundantes espumas gansos y gallinas, liebres y conejos; y de las de -Basilio serán, si viene a mano, y aunque no venga sino al pie, aguachirle. - -— ¿Has acabado tu arenga, Sancho? —dijo don Quijote. - -— Habréla acabado —respondió Sancho—, porque veo que vuestra merced recibe -pesadumbre con ella; que si esto no se pusiera de por medio, obra había -cortada para tres días. - -— Plega a Dios, Sancho —replicó don Quijote—, que yo te vea mudo antes que -me muera. - -— Al paso que llevamos —respondió Sancho—, antes que vuestra merced se muera -estaré yo mascando barro, y entonces podrá ser que esté tan mudo que no -hable palabra hasta la fin del mundo, o, por lo menos, hasta el día del -Juicio. - -— Aunque eso así suceda, ¡oh Sancho! —respondió don Quijote—, nunca llegará -tu silencio a do ha llegado lo que has hablado, hablas y tienes de hablar -en tu vida; y más, que está muy puesto en razón natural que primero llegue -el día de mi muerte que el de la tuya; y así, jamás pienso verte mudo, ni -aun cuando estés bebiendo o durmiendo, que es lo que puedo encarecer. - -— A buena fe, señor —respondió Sancho—, que no hay que fiar en la -descarnada, digo, en la muerte, la cual también come cordero como carnero; -y a nuestro cura he oído decir que con igual pie pisaba las altas torres de -los reyes como las humildes chozas de los pobres. Tiene esta señora más de -poder que de melindre: no es nada asquerosa, de todo come y a todo hace, y -de toda suerte de gentes, edades y preeminencias hinche sus alforjas. No es -segador que duerme las siestas, que a todas horas siega, y corta así la -seca como la verde yerba; y no parece que masca, sino que engulle y traga -cuanto se le pone delante, porque tiene hambre canina, que nunca se harta; -y, aunque no tiene barriga, da a entender que está hidrópica y sedienta de -beber solas las vidas de cuantos viven, como quien se bebe un jarro de agua -fría. - -— No más, Sancho —dijo a este punto don Quijote—. Tente en buenas, y no te -dejes caer; que en verdad que lo que has dicho de la muerte por tus -rústicos términos es lo que pudiera decir un buen predicador. Dígote, -Sancho que si como tienes buen natural y discreción, pudieras tomar un -púlpito en la mano y irte por ese mundo predicando lindezas... - -— Bien predica quien bien vive —respondió Sancho—, y yo no sé otras -tologías. - -— Ni las has menester —dijo don Quijote—; pero yo no acabo de entender ni -alcanzar cómo, siendo el principio de la sabiduría el temor de Dios, tú, -que temes más a un lagarto que a Él, sabes tanto. - -— Juzgue vuesa merced, señor, de sus caballerías —respondió Sancho—, y no se -meta en juzgar de los temores o valentías ajenas, que tan gentil temeroso -soy yo de Dios como cada hijo de vecino; y déjeme vuestra merced despabilar -esta espuma, que lo demás todas son palabras ociosas, de que nos han de -pedir cuenta en la otra vida. - -Y, diciendo esto, comenzó de nuevo a dar asalto a su caldero, con tan -buenos alientos que despertó los de don Quijote, y sin duda le ayudara, si -no lo impidiera lo que es fuerza se diga adelante. - - - - -Capítulo XXI. Donde se prosiguen las bodas de Camacho, con otros gustosos -sucesos - -Cuando estaban don Quijote y Sancho en las razones referidas en el capítulo -antecedente, se oyeron grandes voces y gran ruido, y dábanlas y causábanle -los de las yeguas, que con larga carrera y grita iban a recebir a los -novios, que, rodeados de mil géneros de instrumentos y de invenciones, -venían acompañados del cura, y de la parentela de entrambos, y de toda la -gente más lucida de los lugares circunvecinos, todos vestidos de fiesta. Y -como Sancho vio a la novia, dijo: - -— A buena fe que no viene vestida de labradora, sino de garrida palaciega. -¡Pardiez, que según diviso, que las patenas que había de traer son ricos -corales, y la palmilla verde de Cuenca es terciopelo de treinta pelos! ¡Y -montas que la guarnición es de tiras de lienzo, blanca!, ¡voto a mí que es -de raso!; pues, ¡tomadme las manos, adornadas con sortijas de azabache!: no -medre yo si no son anillos de oro, y muy de oro, y empedrados con pelras -blancas como una cuajada, que cada una debe de valer un ojo de la cara. ¡Oh -hideputa, y qué cabellos; que, si no son postizos, no los he visto mas -luengos ni más rubios en toda mi vida! ¡No, sino ponedla tacha en el brío y -en el talle, y no la comparéis a una palma que se mueve cargada de racimos -de dátiles, que lo mesmo parecen los dijes que trae pendientes de los -cabellos y de la garganta! Juro en mi ánima que ella es una chapada moza, y -que puede pasar por los bancos de Flandes. - -Rióse don Quijote de las rústicas alabanzas de Sancho Panza; parecióle que, -fuera de su señora Dulcinea del Toboso, no había visto mujer más hermosa -jamás. Venía la hermosa Quiteria algo descolorida, y debía de ser de la -mala noche que siempre pasan las novias en componerse para el día venidero -de sus bodas. Íbanse acercando a un teatro que a un lado del prado estaba, -adornado de alfombras y ramos, adonde se habían de hacer los desposorios, y -de donde habían de mirar las danzas y las invenciones; y, a la sazón que -llegaban al puesto, oyeron a sus espaldas grandes voces, y una que decía: - -— Esperaos un poco, gente tan inconsiderada como presurosa. - -A cuyas voces y palabras todos volvieron la cabeza, y vieron que las daba -un hombre vestido, al parecer, de un sayo negro, jironado de carmesí a -llamas. Venía coronado —como se vio luego— con una corona de funesto -ciprés; en las manos traía un bastón grande. En llegando más cerca, fue -conocido de todos por el gallardo Basilio, y todos estuvieron suspensos, -esperando en qué habían de parar sus voces y sus palabras, temiendo algún -mal suceso de su venida en sazón semejante. - -Llegó, en fin, cansado y sin aliento, y, puesto delante de los desposados, -hincando el bastón en el suelo, que tenía el cuento de una punta de acero, -mudada la color, puestos los ojos en Quiteria, con voz tremente y ronca, -estas razones dijo: - -— Bien sabes, desconocida Quiteria, que conforme a la santa ley que -profesamos, que viviendo yo, tú no puedes tomar esposo; y juntamente no -ignoras que, por esperar yo que el tiempo y mi diligencia mejorasen los -bienes de mi fortuna, no he querido dejar de guardar el decoro que a tu -honra convenía; pero tú, echando a las espaldas todas las obligaciones que -debes a mi buen deseo, quieres hacer señor de lo que es mío a otro, cuyas -riquezas le sirven no sólo de buena fortuna, sino de bonísima ventura. Y -para que la tenga colmada, y no como yo pienso que la merece, sino como se -la quieren dar los cielos, yo, por mis manos, desharé el imposible o el -inconveniente que puede estorbársela, quitándome a mí de por medio. ¡Viva, -viva el rico Camacho con la ingrata Quiteria largos y felices siglos, y -muera, muera el pobre Basilio, cuya pobreza cortó las alas de su dicha y le -puso en la sepultura! - -Y, diciendo esto, asió del bastón que tenía hincado en el suelo, y, -quedándose la mitad dél en la tierra, mostró que servía de vaina a un -mediano estoque que en él se ocultaba; y, puesta la que se podía llamar -empuñadura en el suelo, con ligero desenfado y determinado propósito se -arrojó sobre él, y en un punto mostró la punta sangrienta a las espaldas, -con la mitad del acerada cuchilla, quedando el triste bañado en su sangre y -tendido en el suelo, de sus mismas armas traspasado. - -Acudieron luego sus amigos a favorecerle, condolidos de su miseria y -lastimosa desgracia; y, dejando don Quijote a Rocinante, acudió a -favorecerle y le tomó en sus brazos, y halló que aún no había espirado. -Quisiéronle sacar el estoque, pero el cura, que estaba presente, fue de -parecer que no se le sacasen antes de confesarle, porque el sacársele y el -espirar sería todo a un tiempo. Pero, volviendo un poco en sí Basilio, con -voz doliente y desmayada dijo: - -— Si quisieses, cruel Quiteria, darme en este último y forzoso trance la -mano de esposa, aún pensaría que mi temeridad tendría desculpa, pues en -ella alcancé el bien de ser tuyo. - -El cura, oyendo lo cual, le dijo que atendiese a la salud del alma antes -que a los gustos del cuerpo, y que pidiese muy de veras a Dios perdón de -sus pecados y de su desesperada determinación. A lo cual replicó Basilio -que en ninguna manera se confesaría si primero Quiteria no le daba la mano -de ser su esposa: que aquel contento le adobaría la voluntad y le daría -aliento para confesarse. - -En oyendo don Quijote la petición del herido, en altas voces dijo que -Basilio pedía una cosa muy justa y puesta en razón, y además, muy hacedera, -y que el señor Camacho quedaría tan honrado recibiendo a la señora Quiteria -viuda del valeroso Basilio como si la recibiera del lado de su padre: - -— Aquí no ha de haber más de un sí, que no tenga otro efecto que el -pronunciarle, pues el tálamo de estas bodas ha de ser la sepultura. - -Todo lo oía Camacho, y todo le tenía suspenso y confuso, sin saber qué -hacer ni qué decir; pero las voces de los amigos de Basilio fueron tantas, -pidiéndole que consintiese que Quiteria le diese la mano de esposa, porque -su alma no se perdiese, partiendo desesperado desta vida, que le movieron, -y aun forzaron, a decir que si Quiteria quería dársela, que él se -contentaba, pues todo era dilatar por un momento el cumplimiento de sus -deseos. - -Luego acudieron todos a Quiteria, y unos con ruegos, y otros con lágrimas, -y otros con eficaces razones, la persuadían que diese la mano al pobre -Basilio; y ella, más dura que un mármol y más sesga que una estatua, -mostraba que ni sabía ni podía, ni quería responder palabra; ni la -respondiera si el cura no la dijera que se determinase presto en lo que -había de hacer, porque tenía Basilio ya el alma en los dientes, y no daba -lugar a esperar inresolutas determinaciones. - -Entonces la hermosa Quiteria, sin responder palabra alguna, turbada, al -parecer triste y pesarosa, llegó donde Basilio estaba, ya los ojos vueltos, -el aliento corto y apresurado, murmurando entre los dientes el nombre de -Quiteria, dando muestras de morir como gentil, y no como cristiano. Llegó, -en fin, Quiteria, y, puesta de rodillas, le pidió la mano por señas, y no -por palabras. Desencajó los ojos Basilio, y, mirándola atentamente, le -dijo: - -— ¡Oh Quiteria, que has venido a ser piadosa a tiempo cuando tu piedad ha de -servir de cuchillo que me acabe de quitar la vida, pues ya no tengo fuerzas -para llevar la gloria que me das en escogerme por tuyo, ni para suspender -el dolor que tan apriesa me va cubriendo los ojos con la espantosa sombra -de la muerte! Lo que te suplico es, ¡oh fatal estrella mía!, que la mano -que me pides y quieres darme no sea por cumplimiento, ni para engañarme de -nuevo, sino que confieses y digas que, sin hacer fuerza a tu voluntad, me -la entregas y me la das como a tu legítimo esposo; pues no es razón que en -un trance como éste me engañes, ni uses de fingimientos con quien tantas -verdades ha tratado contigo. - -Entre estas razones, se desmayaba, de modo que todos los presentes pensaban -que cada desmayo se había de llevar el alma consigo. Quiteria, toda honesta -y toda vergonzosa, asiendo con su derecha mano la de Basilio, le dijo: - -— Ninguna fuerza fuera bastante a torcer mi voluntad; y así, con la más -libre que tengo te doy la mano de legítima esposa, y recibo la tuya, si es -que me la das de tu libre albedrío, sin que la turbe ni contraste la -calamidad en que tu discurso acelerado te ha puesto. - -— Sí doy —respondió Basilio—, no turbado ni confuso, sino con el claro -entendimiento que el cielo quiso darme; y así, me doy y me entrego por tu -esposo. - -— Y yo por tu esposa —respondió Quiteria—, ahora vivas largos años, ahora te -lleven de mis brazos a la sepultura. - -— Para estar tan herido este mancebo —dijo a este punto Sancho Panza—, mucho -habla; háganle que se deje de requiebros y que atienda a su alma, que, a mi -parecer, más la tiene en la lengua que en los dientes. - -Estando, pues, asidos de las manos Basilio y Quiteria, el cura, tierno y -lloroso, los echó la bendición y pidió al cielo diese buen poso al alma del -nuevo desposado; el cual, así como recibió la bendición, con presta -ligereza se levantó en pie, y con no vista desenvoltura se sacó el estoque, -a quien servía de vaina su cuerpo. - -Quedaron todos los circunstantes admirados, y algunos dellos, más simples -que curiosos, en altas voces, comenzaron a decir: - -— ¡Milagro, milagro! - -Pero Basilio replicó: - -— ¡No "milagro, milagro", sino industria, industria! - -El cura, desatentado y atónito, acudió con ambas manos a tentar la herida, -y halló que la cuchilla había pasado, no por la carne y costillas de -Basilio, sino por un cañón hueco de hierro que, lleno de sangre, en aquel -lugar bien acomodado tenía; preparada la sangre, según después se supo, de -modo que no se helase. - -Finalmente, el cura y Camacho, con todos los más circunstantes, se tuvieron -por burlados y escarnidos. La esposa no dio muestras de pesarle de la -burla; antes, oyendo decir que aquel casamiento, por haber sido engañoso, -no había de ser valedero, dijo que ella le confirmaba de nuevo; de lo cual -coligieron todos que de consentimiento y sabiduría de los dos se había -trazado aquel caso, de lo que quedó Camacho y sus valedores tan corridos -que remitieron su venganza a las manos, y, desenvainando muchas espadas, -arremetieron a Basilio, en cuyo favor en un instante se desenvainaron casi -otras tantas. Y, tomando la delantera a caballo don Quijote, con la lanza -sobre el brazo y bien cubierto de su escudo, se hacía dar lugar de todos. -Sancho, a quien jamás pluguieron ni solazaron semejantes fechurías, se -acogió a las tinajas, donde había sacado su agradable espuma, pareciéndole -aquel lugar como sagrado, que había de ser tenido en respeto. Don Quijote, -a grandes voces, decía: - -— Teneos, señores, teneos, que no es razón toméis venganza de los agravios -que el amor nos hace; y advertid que el amor y la guerra son una misma -cosa, y así como en la guerra es cosa lícita y acostumbrada usar de ardides -y estratagemas para vencer al enemigo, así en las contiendas y competencias -amorosas se tienen por buenos los embustes y marañas que se hacen para -conseguir el fin que se desea, como no sean en menoscabo y deshonra de la -cosa amada. Quiteria era de Basilio, y Basilio de Quiteria, por justa y -favorable disposición de los cielos. Camacho es rico, y podrá comprar su -gusto cuando, donde y como quisiere. Basilio no tiene más desta oveja, y no -se la ha de quitar alguno, por poderoso que sea; que a los dos que Dios -junta no podrá separar el hombre; y el que lo intentare, primero ha de -pasar por la punta desta lanza. - -Y, en esto, la blandió tan fuerte y tan diestramente, que puso pavor en -todos los que no le conocían, y tan intensamente se fijó en la imaginación -de Camacho el desdén de Quiteria, que se la borró de la memoria en un -instante; y así, tuvieron lugar con él las persuasiones del cura, que era -varón prudente y bien intencionado, con las cuales quedó Camacho y los de -su parcialidad pacíficos y sosegados; en señal de lo cual volvieron las -espadas a sus lugares, culpando más a la facilidad de Quiteria que a la -industria de Basilio; haciendo discurso Camacho que si Quiteria quería bien -a Basilio doncella, también le quisiera casada, y que debía de dar gracias -al cielo, más por habérsela quitado que por habérsela dado. - -Consolado, pues, y pacífico Camacho y los de su mesnada, todos los de la de -Basilio se sosegaron, y el rico Camacho, por mostrar que no sentía la -burla, ni la estimaba en nada, quiso que las fiestas pasasen adelante como -si realmente se desposara; pero no quisieron asistir a ellas Basilio ni su -esposa ni secuaces; y así, se fueron a la aldea de Basilio, que también los -pobres virtuosos y discretos tienen quien los siga, honre y ampare, como -los ricos tienen quien los lisonjee y acompañe. - -Llevarónse consigo a don Quijote, estimándole por hombre de valor y de pelo -en pecho. A sólo Sancho se le escureció el alma, por verse imposibilitado -de aguardar la espléndida comida y fiestas de Camacho, que duraron hasta la -noche; y así, asenderado y triste, siguió a su señor, que con la cuadrilla -de Basilio iba, y así se dejó atrás las ollas de Egipto, aunque las llevaba -en el alma, cuya ya casi consumida y acabada espuma, que en el caldero -llevaba, le representaba la gloria y la abundancia del bien que perdía; y -así, congojado y pensativo, aunque sin hambre, sin apearse del rucio, -siguió las huellas de Rocinante. - - - - -Capítulo XXII. Donde se da cuenta de la grande aventura de la cueva de -Montesinos, que está en el corazón de la Mancha, a quien dio felice cima el -valeroso don Quijote de la Mancha - -Grandes fueron y muchos los regalos que los desposados hicieron a don -Quijote, obligados de las muestras que había dado defendiendo su causa, y -al par de la valentía le graduaron la discreción, teniéndole por un Cid en -las armas y por un Cicerón en la elocuencia. El buen Sancho se refociló -tres días a costa de los novios, de los cuales se supo que no fue traza -comunicada con la hermosa Quiteria el herirse fingidamente, sino industria -de Basilio, esperando della el mesmo suceso que se había visto; bien es -verdad que confesó que había dado parte de su pensamiento a algunos de sus -amigos, para que al tiempo necesario favoreciesen su intención y abonasen -su engaño. - -— No se pueden ni deben llamar engaños —dijo don Quijote— los que ponen la -mira en virtuosos fines. - -Y que el de casarse los enamorados era el fin de más excelencia, -advirtiendo que el mayor contrario que el amor tiene es la hambre y la -continua necesidad, porque el amor es todo alegría, regocijo y contento, y -más cuando el amante está en posesión de la cosa amada, contra quien son -enemigos opuestos y declarados la necesidad y la pobreza; y que todo esto -decía con intención de que se dejase el señor Basilio de ejercitar las -habilidades que sabe, que, aunque le daban fama, no le daban dineros, y que -atendiese a granjear hacienda por medios lícitos e industriosos, que nunca -faltan a los prudentes y aplicados. - -— El pobre honrado, si es que puede ser honrado el pobre, tiene prenda en -tener mujer hermosa, que, cuando se la quitan, le quitan la honra y se la -matan. La mujer hermosa y honrada, cuyo marido es pobre, merece ser -coronada con laureles y palmas de vencimiento y triunfo. La hermosura, por -sí sola, atrae las voluntades de cuantos la miran y conocen, y como a -señuelo gustoso se le abaten las águilas reales y los pájaros altaneros; -pero si a la tal hermosura se le junta la necesidad y la estrecheza, -también la embisten los cuervos, los milanos y las otras aves de rapiña; y -la que está a tantos encuentros firme bien merece llamarse corona de su -marido. Mirad, discreto Basilio —añadió don Quijote—: opinión fue de no sé -qué sabio que no había en todo el mundo sino una sola mujer buena, y daba -por consejo que cada uno pensase y creyese que aquella sola buena era la -suya, y así viviría contento. Yo no soy casado, ni hasta agora me ha venido -en pensamiento serlo; y, con todo esto, me atrevería a dar consejo al que -me lo pidiese del modo que había de buscar la mujer con quien se quisiese -casar. Lo primero, le aconsejaría que mirase más a la fama que a la -hacienda, porque la buena mujer no alcanza la buena fama solamente con ser -buena, sino con parecerlo; que mucho más dañan a las honras de las mujeres -las desenvolturas y libertades públicas que las maldades secretas. Si traes -buena mujer a tu casa, fácil cosa sería conservarla, y aun mejorarla, en -aquella bondad; pero si la traes mala, en trabajo te pondrá el enmendarla: -que no es muy hacedero pasar de un estremo a otro. Yo no digo que sea -imposible, pero téngolo por dificultoso. - -Oía todo esto Sancho, y dijo entre sí: - -— Este mi amo, cuando yo hablo cosas de meollo y de sustancia suele decir -que podría yo tomar un púlpito en las manos y irme por ese mundo adelante -predicando lindezas; y yo digo dél que cuando comienza a enhilar sentencias -y a dar consejos, no sólo puede tomar púlpito en las manos, sino dos en -cada dedo, y andarse por esas plazas a ¿qué quieres boca? ¡Válate el diablo -por caballero andante, que tantas cosas sabes! Yo pensaba en mi ánima que -sólo podía saber aquello que tocaba a sus caballerías, pero no hay cosa -donde no pique y deje de meter su cucharada. - -Murmuraba esto algo Sancho, y entreoyóle su señor, y preguntóle: - -— ¿Qué murmuras, Sancho? - -— No digo nada, ni murmuro de nada —respondió Sancho—; sólo estaba diciendo -entre mí que quisiera haber oído lo que vuesa merced aquí ha dicho antes -que me casara, que quizá dijera yo agora: "El buey suelto bien se lame". - -— ¿Tan mala es tu Teresa, Sancho? —dijo don Quijote. - -— No es muy mala —respondió Sancho—, pero no es muy buena; a lo menos, no es -tan buena como yo quisiera. - -— Mal haces, Sancho —dijo don Quijote—, en decir mal de tu mujer, que, en -efecto, es madre de tus hijos. - -— No nos debemos nada —respondió Sancho—, que también ella dice mal de mí -cuando se le antoja, especialmente cuando está celosa, que entonces súfrala -el mesmo Satanás. - -Finalmente, tres días estuvieron con los novios, donde fueron regalados y -servidos como cuerpos de rey. Pidió don Quijote al diestro licenciado le -diese una guía que le encaminase a la cueva de Montesinos, porque tenía -gran deseo de entrar en ella y ver a ojos vistas si eran verdaderas las -maravillas que de ella se decían por todos aquellos contornos. El -licenciado le dijo que le daría a un primo suyo, famoso estudiante y muy -aficionado a leer libros de caballerías, el cual con mucha voluntad le -pondría a la boca de la mesma cueva, y le enseñaría las lagunas de Ruidera, -famosas ansimismo en toda la Mancha, y aun en toda España; y díjole que -llevaría con él gustoso entretenimiento, a causa que era mozo que sabía -hacer libros para imprimir y para dirigirlos a príncipes. Finalmente, el -primo vino con una pollina preñada, cuya albarda cubría un gayado tapete o -arpillera. Ensilló Sancho a Rocinante y aderezó al rucio, proveyó sus -alforjas, a las cuales acompañaron las del primo, asimismo bien proveídas, -y, encomendándose a Dios y despediéndose de todos, se pusieron en camino, -tomando la derrota de la famosa cueva de Montesinos. - -En el camino preguntó don Quijote al primo de qué género y calidad eran sus -ejercicios, su profesión y estudios; a lo que él respondió que su -profesión era ser humanista; sus ejercicios y estudios, componer libros -para dar a la estampa, todos de gran provecho y no menos entretenimiento -para la república; que el uno se intitulaba el de las libreas, donde pinta -setecientas y tres libreas, con sus colores, motes y cifras, de donde -podían sacar y tomar las que quisiesen en tiempo de fiestas y regocijos los -caballeros cortesanos, sin andarlas mendigando de nadie, ni lambicando, -como dicen, el cerbelo, por sacarlas conformes a sus deseos e intenciones. - -— Porque doy al celoso, al desdeñado, al olvidado y al ausente las que les -convienen, que les vendrán más justas que pecadoras. Otro libro tengo -también, a quien he de llamar Metamorfóseos, o Ovidio español, de invención -nueva y rara; porque en él, imitando a Ovidio a lo burlesco, pinto quién -fue la Giralda de Sevilla y el Ángel de la Madalena, quién el Caño de -Vecinguerra, de Córdoba, quiénes los Toros de Guisando, la Sierra Morena, -las fuentes de Leganitos y Lavapiés, en Madrid, no olvidándome de la del -Piojo, de la del Caño Dorado y de la Priora; y esto, con sus alegorías, -metáforas y translaciones, de modo que alegran, suspenden y enseñan a un -mismo punto. Otro libro tengo, que le llamo Suplemento a Virgilio Polidoro, -que trata de la invención de las cosas, que es de grande erudición y -estudio, a causa que las cosas que se dejó de decir Polidoro de gran -sustancia, las averiguo yo, y las declaro por gentil estilo. Olvidósele a -Virgilio de declararnos quién fue el primero que tuvo catarro en el mundo, -y el primero que tomó las unciones para curarse del morbo gálico, y yo lo -declaro al pie de la letra, y lo autorizo con más de veinte y cinco -autores: porque vea vuesa merced si he trabajado bien y si ha de ser útil -el tal libro a todo el mundo. - -Sancho, que había estado muy atento a la narración del primo, le dijo: - -— Dígame, señor, así Dios le dé buena manderecha en la impresión de sus -libros: ¿sabríame decir, que sí sabrá, pues todo lo sabe, quién fue el -primero que se rascó en la cabeza, que yo para mí tengo que debió de ser -nuestro padre Adán? - -— Sí sería —respondió el primo—, porque Adán no hay duda sino que tuvo -cabeza y cabellos; y, siendo esto así, y siendo el primer hombre del mundo, -alguna vez se rascaría. - -— Así lo creo yo —respondió Sancho—; pero dígame ahora: ¿quién fue el primer -volteador del mundo? - -— En verdad, hermano —respondió el primo—, que no me sabré determinar por -ahora, hasta que lo estudie. Yo lo estudiaré, en volviendo adonde tengo mis -libros, y yo os satisfaré cuando otra vez nos veamos, que no ha de ser ésta -la postrera. - -— Pues mire, señor —replicó Sancho—, no tome trabajo en esto, que ahora he -caído en la cuenta de lo que le he preguntado. Sepa que el primer volteador -del mundo fue Lucifer, cuando le echaron o arrojaron del cielo, que vino -volteando hasta los abismos. - -— Tienes razón, amigo —dijo el primo. - -Y dijo don Quijote: - -— Esa pregunta y respuesta no es tuya, Sancho: a alguno las has oído decir. - -— Calle, señor —replicó Sancho—, que a buena fe que si me doy a preguntar y -a responder, que no acabe de aquí a mañana. Sí, que para preguntar -necedades y responder disparates no he menester yo andar buscando ayuda de -vecinos. - -— Más has dicho, Sancho, de lo que sabes —dijo don Quijote—; que hay algunos -que se cansan en saber y averiguar cosas que, después de sabidas y -averiguadas, no importan un ardite al entendimiento ni a la memoria. - -En estas y otras gustosas pláticas se les pasó aquel día, y a la noche se -albergaron en una pequeña aldea, adonde el primo dijo a don Quijote que -desde allí a la cueva de Montesinos no había más de dos leguas, y que si -llevaba determinado de entrar en ella, era menester proverse de sogas, para -atarse y descolgarse en su profundidad. - -Don Quijote dijo que, aunque llegase al abismo, había de ver dónde paraba; -y así, compraron casi cien brazas de soga, y otro día, a las dos de la -tarde, llegaron a la cueva, cuya boca es espaciosa y ancha, pero llena de -cambroneras y cabrahígos, de zarzas y malezas, tan espesas y intricadas, -que de todo en todo la ciegan y encubren. En viéndola, se apearon el primo, -Sancho y don Quijote, al cual los dos le ataron luego fortísimamente con -las sogas; y, en tanto que le fajaban y ceñían, le dijo Sancho: - -— Mire vuestra merced, señor mío, lo que hace: no se quiera sepultar en -vida, ni se ponga adonde parezca frasco que le ponen a enfriar en algún -pozo. Sí, que a vuestra merced no le toca ni atañe ser el escudriñador -desta que debe de ser peor que mazmorra. - -— Ata y calla —respondió don Quijote—, que tal empresa como aquésta, Sancho -amigo, para mí estaba guardada. - -Y entonces dijo la guía: - -— Suplico a vuesa merced, señor don Quijote, que mire bien y especule con -cien ojos lo que hay allá dentro: quizá habrá cosas que las ponga yo en el -libro de mis Transformaciones. - -— En manos está el pandero que le sabrá bien tañer —respondió Sancho Panza. - -Dicho esto y acabada la ligadura de don Quijote —que no fue sobre el arnés, -sino sobre el jubón de armar—, dijo don Quijote: - -— Inadvertidos hemos andado en no habernos proveído de algún esquilón -pequeño, que fuera atado junto a mí en esta mesma soga, con cuyo sonido se -entendiera que todavía bajaba y estaba vivo; pero, pues ya no es posible, a -la mano de Dios, que me guíe. - -Y luego se hincó de rodillas y hizo una oración en voz baja al cielo, -pidiendo a Dios le ayudase y le diese buen suceso en aquella, al parecer, -peligrosa y nueva aventura, y en voz alta dijo luego: - -— ¡Oh señora de mis acciones y movimientos, clarísima y sin par Dulcinea del -Toboso! Si es posible que lleguen a tus oídos las plegarias y rogaciones -deste tu venturoso amante, por tu inaudita belleza te ruego las escuches, -que no son otras que rogarte no me niegues tu favor y amparo, ahora que -tanto le he menester. Yo voy a despeñarme, a empozarme y a hundirme en el -abismo que aquí se me representa, sólo porque conozca el mundo que si tú me -favoreces, no habrá imposible a quien yo no acometa y acabe. - -Y, en diciendo esto, se acercó a la sima; vio no ser posible descolgarse, -ni hacer lugar a la entrada, si no era a fuerza de brazos, o a cuchilladas, -y así, poniendo mano a la espada, comenzó a derribar y a cortar de aquellas -malezas que a la boca de la cueva estaban, por cuyo ruido y estruendo -salieron por ella una infinidad de grandísimos cuervos y grajos, tan -espesos y con tanta priesa, que dieron con don Quijote en el suelo; y si él -fuera tan agorero como católico cristiano, lo tuviera a mala señal y -escusara de encerrarse en lugar semejante. - -Finalmente se levantó, y, viendo que no salían más cuervos ni otras aves -noturnas, como fueron murciélagos, que asimismo entre los cuervos salieron, -dándole soga el primo y Sancho, se dejó calar al fondo de la caverna -espantosa; y, al entrar, echándole Sancho su bendición y haciendo sobre él -mil cruces, dijo: - -— ¡Dios te guíe y la Peña de Francia, junto con la Trinidad de Gaeta, flor, -nata y espuma de los caballeros andantes! ¡Allá vas, valentón del mundo, -corazón de acero, brazos de bronce! ¡Dios te guíe, otra vez, y te vuelva -libre, sano y sin cautela a la luz desta vida, que dejas por enterrarte en -esta escuridad que buscas! - -Casi las mismas plegarias y deprecaciones hizo el primo. - -Iba don Quijote dando voces que le diesen soga y más soga, y ellos se la -daban poco a poco; y cuando las voces, que acanaladas por la cueva salían, -dejaron de oírse, ya ellos tenían descolgadas las cien brazas de soga, y -fueron de parecer de volver a subir a don Quijote, pues no le podían dar -más cuerda. Con todo eso, se detuvieron como media hora, al cabo del cual -espacio volvieron a recoger la soga con mucha facilidad y sin peso alguno, -señal que les hizo imaginar que don Quijote se quedaba dentro; y, -creyéndolo así, Sancho lloraba amargamente y tiraba con mucha priesa por -desengañarse, pero, llegando, a su parecer, a poco más de las ochenta -brazas, sintieron peso, de que en estremo se alegraron. Finalmente, a las -diez vieron distintamente a don Quijote, a quien dio voces Sancho, -diciéndole: - -— Sea vuestra merced muy bien vuelto, señor mío, que ya pensábamos que se -quedaba allá para casta. - -Pero no respondía palabra don Quijote; y, sacándole del todo, vieron que -traía cerrados los ojos, con muestras de estar dormido. Tendiéronle en el -suelo y desliáronle, y con todo esto no despertaba; pero tanto le volvieron -y revolvieron, sacudieron y menearon, que al cabo de un buen espacio volvió -en sí, desperezándose, bien como si de algún grave y profundo sueño -despertara; y, mirando a una y otra parte, como espantado, dijo: - -— Dios os lo perdone, amigos; que me habéis quitado de la más sabrosa y -agradable vida y vista que ningún humano ha visto ni pasado. En efecto, -ahora acabo de conocer que todos los contentos desta vida pasan como sombra -y sueño, o se marchitan como la flor del campo. ¡Oh desdichado Montesinos! -¡Oh mal ferido Durandarte! ¡Oh sin ventura Belerma! ¡Oh lloroso Guadiana, y -vosotras sin dicha ijas de Ruidera, que mostráis en vuestras aguas las que -lloraron vuestros hermosos ojos! - -Escuchaban el primo y Sancho las palabras de don Quijote, que las decía -como si con dolor inmenso las sacara de las entrañas. Suplicáronle les -diese a entender lo que decía, y les dijese lo que en aquel infierno había -visto. - -— ¿Infierno le llamáis? —dijo don Quijote—; pues no le llaméis ansí, porque -no lo merece, como luego veréis. - -Pidió que le diesen algo de comer, que traía grandísima hambre. Tendieron -la arpillera del primo sobre la verde yerba, acudieron a la despensa de sus -alforjas, y, sentados todos tres en buen amor y compaña, merendaron y -cenaron, todo junto. Levantada la arpillera, dijo don Quijote de la Mancha: - -— No se levante nadie, y estadme, hijos, todos atentos. - - - - -Capítulo XXIII. De las admirables cosas que el estremado don Quijote contó -que había visto en la profunda cueva de Montesinos, cuya imposibilidad y -grandeza hace que se tenga esta aventura por apócrifa - -Las cuatro de la tarde serían cuando el sol, entre nubes cubierto, con luz -escasa y templados rayos, dio lugar a don Quijote para que, sin calor y -pesadumbre, contase a sus dos clarísimos oyentes lo que en la cueva de -Montesinos había visto. Y comenzó en el modo siguiente: - -— A obra de doce o catorce estados de la profundidad desta mazmorra, a la -derecha mano, se hace una concavidad y espacio capaz de poder caber en ella -un gran carro con sus mulas. Éntrale una pequeña luz por unos resquicios o -agujeros, que lejos le responden, abiertos en la superficie de la tierra. -Esta concavidad y espacio vi yo a tiempo cuando ya iba cansado y mohíno de -verme, pendiente y colgado de la soga, caminar por aquella escura región -abajo, sin llevar cierto ni determinado camino; y así, determiné entrarme -en ella y descansar un poco. Di voces, pidiéndoos que no descolgásedes más -soga hasta que yo os lo dijese, pero no debistes de oírme. Fui recogiendo -la soga que enviábades, y, haciendo della una rosca o rimero, me senté -sobre él, pensativo además, considerando lo que hacer debía para calar al -fondo, no teniendo quién me sustentase; y, estando en este pensamiento y -confusión, de repente y sin procurarlo, me salteó un sueño profundísimo; y, -cuando menos lo pensaba, sin saber cómo ni cómo no, desperté dél y me hallé -en la mitad del más bello, ameno y deleitoso prado que puede criar la -naturaleza ni imaginar la más discreta imaginación humana. Despabilé los -ojos, limpiémelos, y vi que no dormía, sino que realmente estaba despierto; -con todo esto, me tenté la cabeza y los pechos, por certificarme si era yo -mismo el que allí estaba, o alguna fantasma vana y contrahecha; pero el -tacto, el sentimiento, los discursos concertados que entre mí hacía, me -certificaron que yo era allí entonces el que soy aquí ahora. Ofrecióseme -luego a la vista un real y suntuoso palacio o alcázar, cuyos muros y -paredes parecían de transparente y claro cristal fabricados; del cual -abriéndose dos grandes puertas, vi que por ellas salía y hacía mí se venía -un venerable anciano, vestido con un capuz de bayeta morada, que por el -suelo le arrastraba: ceñíale los hombros y los pechos una beca de colegial, -de raso verde; cubríale la cabeza una gorra milanesa negra, y la barba, -canísima, le pasaba de la cintura; no traía arma ninguna, sino un rosario -de cuentas en la mano, mayores que medianas nueces, y los dieces asimismo -como huevos medianos de avestruz; el continente, el paso, la gravedad y la -anchísima presencia, cada cosa de por sí y todas juntas, me suspendieron y -admiraron. Llegóse a mí, y lo primero que hizo fue abrazarme estrechamente, -y luego decirme: ''Luengos tiempos ha, valeroso caballero don Quijote de la -Mancha, que los que estamos en estas soledades encantados esperamos verte, -para que des noticia al mundo de lo que encierra y cubre la profunda cueva -por donde has entrado, llamada la cueva de Montesinos: hazaña sólo guardada -para ser acometida de tu invencible corazón y de tu ánimo stupendo. Ven -conmigo, señor clarísimo, que te quiero mostrar las maravillas que este -transparente alcázar solapa, de quien yo soy alcaide y guarda mayor -perpetua, porque soy el mismo Montesinos, de quien la cueva toma nombre''. -Apenas me dijo que era Montesinos, cuando le pregunté si fue verdad lo que -en el mundo de acá arriba se contaba: que él había sacado de la mitad del -pecho, con una pequeña daga, el corazón de su grande amigo Durandarte y -llevádole a la Señora Belerma, como él se lo mandó al punto de su muerte. -Respondióme que en todo decían verdad, sino en la daga, porque no fue daga, -ni pequeña, sino un puñal buido, más agudo que una lezna. - -— Debía de ser —dijo a este punto Sancho— el tal puñal de Ramón de Hoces, el -sevillano. - -— No sé —prosiguió don Quijote—, pero no sería dese puñalero, porque Ramón -de Hoces fue ayer, y lo de Roncesvalles, donde aconteció esta desgracia, ha -muchos años; y esta averiguación no es de importancia, ni turba ni altera -la verdad y contesto de la historia. - -— Así es —respondió el primo—; prosiga vuestra merced, señor don Quijote, -que le escucho con el mayor gusto del mundo. - -— No con menor lo cuento yo —respondió don Quijote—; y así, digo que el -venerable Montesinos me metió en el cristalino palacio, donde en una sala -baja, fresquísima sobremodo y toda de alabastro, estaba un sepulcro de -mármol, con gran maestría fabricado, sobre el cual vi a un caballero -tendido de largo a largo, no de bronce, ni de mármol, ni de jaspe hecho, -como los suele haber en otros sepulcros, sino de pura carne y de puros -huesos. Tenía la mano derecha (que, a mi parecer, es algo peluda y nervosa, -señal de tener muchas fuerzas su dueño) puesta sobre el lado del corazón, -y, antes que preguntase nada a Montesinos, viéndome suspenso mirando al del -sepulcro, me dijo: ''Éste es mi amigo Durandarte, flor y espejo de los -caballeros enamorados y valientes de su tiempo; tiénele aquí encantado, -como me tiene a mí y a otros muchos y muchas, Merlín, aquel francés -encantador que dicen que fue hijo del diablo; y lo que yo creo es que no -fue hijo del diablo, sino que supo, como dicen, un punto más que el diablo. -El cómo o para qué nos encantó nadie lo sabe, y ello dirá andando los -tiempos, que no están muy lejos, según imagino. Lo que a mí me admira es -que sé, tan cierto como ahora es de día, que Durandarte acabó los de su -vida en mis brazos, y que después de muerto le saqué el corazón con mis -propias manos; y en verdad que debía de pesar dos libras, porque, según los -naturales, el que tiene mayor corazón es dotado de mayor valentía del que -le tiene pequeño. Pues siendo esto así, y que realmente murió este -caballero, ¿cómo ahora se queja y sospira de cuando en cuando, como si -estuviese vivo?'' Esto dicho, el mísero Durandarte, dando una gran voz, -dijo: - -''¡Oh, mi primo Montesinos! -Lo postrero que os rogaba, -que cuando yo fuere muerto, -y mi ánima arrancada, -que llevéis mi corazón -adonde Belerma estaba, -sacándomele del pecho, -ya con puñal, ya con daga.'' - -Oyendo lo cual el venerable Montesinos, se puso de rodillas ante el -lastimado caballero, y, con lágrimas en los ojos, le dijo: ''Ya, señor -Durandarte, carísimo primo mío, ya hice lo que me mandastes en el aciago -día de nuestra pérdida: yo os saqué el corazón lo mejor que pude, sin que -os dejase una mínima parte en el pecho; yo le limpié con un pañizuelo de -puntas; yo partí con él de carrera para Francia, habiéndoos primero puesto -en el seno de la tierra, con tantas lágrimas, que fueron bastantes a -lavarme las manos y limpiarme con ellas la sangre que tenían, de haberos -andado en las entrañas; y, por más señas, primo de mi alma, en el primero -lugar que topé, saliendo de Roncesvalles, eché un poco de sal en vuestro -corazón, porque no oliese mal, y fuese, si no fresco, a lo menos amojamado, -a la presencia de la señora Belerma; la cual, con vos, y conmigo, y con -Guadiana, vuestro escudero, y con la dueña Ruidera y sus siete hijas y dos -sobrinas, y con otros muchos de vuestros conocidos y amigos, nos tiene aquí -encantados el sabio Merlín ha muchos años; y, aunque pasan de quinientos, -no se ha muerto ninguno de nosotros: solamente faltan Ruidera y sus hijas y -sobrinas, las cuales llorando, por compasión que debió de tener Merlín -dellas, las convirtió en otras tantas lagunas, que ahora, en el mundo de -los vivos y en la provincia de la Mancha, las llaman las lagunas de -Ruidera; las siete son de los reyes de España, y las dos sobrinas, de los -caballeros de una orden santísima, que llaman de San Juan. Guadiana, -vuestro escudero, plañendo asimesmo vuestra desgracia, fue convertido en un -río llamado de su mesmo nombre; el cual, cuando llegó a la superficie de la -tierra y vio el sol del otro cielo, fue tanto el pesar que sintió de ver -que os dejaba, que se sumergió en las entrañas de la tierra; pero, como no -es posible dejar de acudir a su natural corriente, de cuando en cuando sale -y se muestra donde el sol y las gentes le vean. Vanle administrando de sus -aguas las referidas lagunas, con las cuales y con otras muchas que se -llegan, entra pomposo y grande en Portugal. Pero, con todo esto, por -dondequiera que va muestra su tristeza y melancolía, y no se precia de -criar en sus aguas peces regalados y de estima, sino burdos y desabridos, -bien diferentes de los del Tajo dorado; y esto que agora os digo, ¡oh primo -mío!, os lo he dicho muchas veces; y, como no me respondéis, imagino que no -me dais crédito, o no me oís, de lo que yo recibo tanta pena cual Dios lo -sabe. Unas nuevas os quiero dar ahora, las cuales, ya que no sirvan de -alivio a vuestro dolor, no os le aumentarán en ninguna manera. Sabed que -tenéis aquí en vuestra presencia, y abrid los ojos y veréislo, aquel gran -caballero de quien tantas cosas tiene profetizadas el sabio Merlín, aquel -don Quijote de la Mancha, digo, que de nuevo y con mayores ventajas que en -los pasados siglos ha resucitado en los presentes la ya olvidada andante -caballería, por cuyo medio y favor podría ser que nosotros fuésemos -desencantados; que las grandes hazañas para los grandes hombres están -guardadas''. ''Y cuando así no sea —respondió el lastimado Durandarte con -voz desmayada y baja—, cuando así no sea, ¡oh primo!, digo, paciencia y -barajar''. Y, volviéndose de lado, tornó a su acostumbrado silencio, sin -hablar más palabra. Oyéronse en esto grandes alaridos y llantos, -acompañados de profundos gemidos y angustiados sollozos; volví la cabeza, y -vi por las paredes de cristal que por otra sala pasaba una procesión de dos -hileras de hermosísimas doncellas, todas vestidas de luto, con turbantes -blancos sobre las cabezas, al modo turquesco. Al cabo y fin de las hileras -venía una señora, que en la gravedad lo parecía, asimismo vestida de negro, -con tocas blancas tan tendidas y largas, que besaban la tierra. Su turbante -era mayor dos veces que el mayor de alguna de las otras; era cejijunta y la -nariz algo chata; la boca grande, pero colorados los labios; los dientes, -que tal vez los descubría, mostraban ser ralos y no bien puestos, aunque -eran blancos como unas peladas almendras; traía en las manos un lienzo -delgado, y entre él, a lo que pude divisar, un corazón de carne momia, -según venía seco y amojamado. Díjome Montesinos como toda aquella gente de -la procesión eran sirvientes de Durandarte y de Belerma, que allí con sus -dos señores estaban encantados, y que la última, que traía el corazón entre -el lienzo y en las manos, era la señora Belerma, la cual con sus doncellas -cuatro días en la semana hacían aquella procesión y cantaban, o, por mejor -decir, lloraban endechas sobre el cuerpo y sobre el lastimado corazón de su -primo; y que si me había parecido algo fea, o no tan hermosa como tenía la -fama, era la causa las malas noches y peores días que en aquel encantamento -pasaba, como lo podía ver en sus grandes ojeras y en su color quebradiza. -''Y no toma ocasión su amarillez y sus ojeras de estar con el mal mensil, -ordinario en las mujeres, porque ha muchos meses, y aun años, que no le -tiene ni asoma por sus puertas, sino del dolor que siente su corazón por el -que de contino tiene en las manos, que le renueva y trae a la memoria la -desgracia de su mal logrado amante; que si esto no fuera, apenas la -igualara en hermosura, donaire y brío la gran Dulcinea del Toboso, tan -celebrada en todos estos contornos, y aun en todo el mundo''. ''¡Cepos -quedos! —dije yo entonces—, señor don Montesinos: cuente vuesa merced su -historia como debe, que ya sabe que toda comparación es odiosa, y así, no -hay para qué comparar a nadie con nadie. La sin par Dulcinea del Toboso es -quien es, y la señora doña Belerma es quien es, y quien ha sido, y quédese -aquí''. A lo que él me respondió: ''Señor don Quijote, perdóneme vuesa -merced, que yo confieso que anduve mal, y no dije bien en decir que apenas -igualara la señora Dulcinea a la señora Belerma, pues me bastaba a mí haber -entendido, por no sé qué barruntos, que vuesa merced es su caballero, para -que me mordiera la lengua antes de compararla sino con el mismo cielo''. -Con esta satisfación que me dio el gran Montesinos se quietó mi corazón del -sobresalto que recebí en oír que a mi señora la comparaban con Belerma. - -— Y aun me maravillo yo —dijo Sancho— de cómo vuestra merced no se subió -sobre el vejote, y le molió a coces todos los huesos, y le peló las barbas, -sin dejarle pelo en ellas. - -— No, Sancho amigo —respondió don Quijote—, no me estaba a mí bien hacer -eso, porque estamos todos obligados a tener respeto a los ancianos, aunque -no sean caballeros, y principalmente a los que lo son y están encantados; -yo sé bien que no nos quedamos a deber nada en otras muchas demandas y -respuestas que entre los dos pasamos. - -A esta sazón dijo el primo: - -— Yo no sé, señor don Quijote, cómo vuestra merced en tan poco espacio de -tiempo como ha que está allá bajo, haya visto tantas cosas y hablado y -respondido tanto. - -— ¿Cuánto ha que bajé? —preguntó don Quijote. - -— Poco más de una hora —respondió Sancho. - -— Eso no puede ser —replicó don Quijote—, porque allá me anocheció y -amaneció, y tornó a anochecer y amanecer tres veces; de modo que, a mi -cuenta, tres días he estado en aquellas partes remotas y escondidas a la -vista nuestra. - -— Verdad debe de decir mi señor —dijo Sancho—, que, como todas las cosas que -le han sucedido son por encantamento, quizá lo que a nosotros nos parece un -hora, debe de parecer allá tres días con sus noches. - -— Así será —respondió don Quijote. - -— Y ¿ha comido vuestra merced en todo este tiempo, señor mío? —preguntó el -primo. - -— No me he desayunado de bocado —respondió don Quijote—, ni aun he tenido -hambre, ni por pensamiento. - -— Y los encantados, ¿comen? —dijo el primo. - -— No comen —respondió don Quijote—, ni tienen escrementos mayores; aunque es -opinión que les crecen las uñas, las barbas y los cabellos. - -— ¿Y duermen, por ventura, los encantados, señor? —preguntó Sancho. - -— No, por cierto —respondió don Quijote—; a lo menos, en estos tres días que -yo he estado con ellos, ninguno ha pegado el ojo, ni yo tampoco. - -— Aquí encaja bien el refrán —dijo Sancho— de dime con quién andas, decirte -he quién eres: ándase vuestra merced con encantados ayunos y vigilantes, -mirad si es mucho que ni coma ni duerma mientras con ellos anduviere. Pero -perdóneme vuestra merced, señor mío, si le digo que de todo cuanto aquí ha -dicho, lléveme Dios, que iba a decir el diablo, si le creo cosa alguna. - -— ¿Cómo no? —dijo el primo—, pues ¿había de mentir el señor don Quijote, -que, aunque quisiera, no ha tenido lugar para componer e imaginar tanto -millón de mentiras? - -— Yo no creo que mi señor miente —respondió Sancho. - -— Si no, ¿qué crees? —le preguntó don Quijote. - -— Creo —respondió Sancho— que aquel Merlín, o aquellos encantadores que -encantaron a toda la chusma que vuestra merced dice que ha visto y -comunicado allá bajo, le encajaron en el magín o la memoria toda esa -máquina que nos ha contado, y todo aquello que por contar le queda. - -— Todo eso pudiera ser, Sancho —replicó don Quijote—, pero no es así, porque -lo que he contado lo vi por mis propios ojos y lo toqué con mis mismas -manos. Pero, ¿qué dirás cuando te diga yo ahora cómo, entre otras infinitas -cosas y maravillas que me mostró Montesinos, las cuales despacio y a sus -tiempos te las iré contando en el discurso de nuestro viaje, por no ser -todas deste lugar, me mostró tres labradoras que por aquellos amenísimos -campos iban saltando y brincando como cabras; y, apenas las hube visto, -cuando conocí ser la una la sin par Dulcinea del Toboso, y las otras dos -aquellas mismas labradoras que venían con ella, que hablamos a la salida -del Toboso? Pregunté a Montesinos si las conocía, respondióme que no, pero -que él imaginaba que debían de ser algunas señoras principales encantadas, -que pocos días había que en aquellos prados habían parecido; y que no me -maravillase desto, porque allí estaban otras muchas señoras de los pasados -y presentes siglos, encantadas en diferentes y estrañas figuras, entre las -cuales conocía él a la reina Ginebra y su dueña Quintañona, escanciando el -vino a Lanzarote, - -cuando de Bretaña vino. - -Cuando Sancho Panza oyó decir esto a su amo, pensó perder el juicio, o -morirse de risa; que, como él sabía la verdad del fingido encanto de -Dulcinea, de quien él había sido el encantador y el levantador de tal -testimonio, acabó de conocer indubitablemente que su señor estaba fuera de -juicio y loco de todo punto; y así, le dijo: - -— En mala coyuntura y en peor sazón y en aciago día bajó vuestra merced, -caro patrón mío, al otro mundo, y en mal punto se encontró con el señor -Montesinos, que tal nos le ha vuelto. Bien se estaba vuestra merced acá -arriba con su entero juicio, tal cual Dios se le había dado, hablando -sentencias y dando consejos a cada paso, y no agora, contando los mayores -disparates que pueden imaginarse. - -— Como te conozco, Sancho —respondió don Quijote—, no hago caso de tus -palabras. - -— Ni yo tampoco de las de vuestra merced —replicó Sancho—, siquiera me -hiera, siquiera me mate por las que le he dicho, o por las que le pienso -decir si en las suyas no se corrige y enmienda. Pero dígame vuestra merced, -ahora que estamos en paz: ¿cómo o en qué conoció a la señora nuestra ama? Y -si la habló, ¿qué dijo, y qué le respondió? - -— Conocíla —respondió don Quijote— en que trae los mesmos vestidos que traía -cuando tú me le mostraste. Habléla, pero no me respondió palabra; antes, me -volvió las espaldas, y se fue huyendo con tanta priesa, que no la alcanzara -una jara. Quise seguirla, y lo hiciera, si no me aconsejara Montesinos que -no me cansase en ello, porque sería en balde, y más porque se llegaba la -hora donde me convenía volver a salir de la sima. Díjome asimesmo que, -andando el tiempo, se me daría aviso cómo habían de ser desencantados él, y -Belerma y Durandarte, con todos los que allí estaban; pero lo que más pena -me dio, de las que allí vi y noté, fue que, estándome diciendo Montesinos -estas razones, se llegó a mí por un lado, sin que yo la viese venir, una de -las dos compañeras de la sin ventura Dulcinea, y, llenos los ojos de -lágrimas, con turbada y baja voz, me dijo: ''Mi señora Dulcinea del Toboso -besa a vuestra merced las manos, y suplica a vuestra merced se la haga de -hacerla saber cómo está; y que, por estar en una gran necesidad, asimismo -suplica a vuestra merced, cuan encarecidamente puede, sea servido de -prestarle sobre este faldellín que aquí traigo, de cotonía, nuevo, media -docena de reales, o los que vuestra merced tuviere, que ella da su palabra -de volvérselos con mucha brevedad''. Suspendióme y admiróme el tal recado, -y, volviéndome al señor Montesinos, le pregunté: ''¿Es posible, señor -Montesinos, que los encantados principales padecen necesidad?'' A lo que él -me respondió: ''Créame vuestra merced, señor don Quijote de la Mancha, que -ésta que llaman necesidad adondequiera se usa, y por todo se estiende, y a -todos alcanza, y aun hasta los encantados no perdona; y, pues la señora -Dulcinea del Toboso envía a pedir esos seis reales, y la prenda es buena, -según parece, no hay sino dárselos; que, sin duda, debe de estar puesta en -algún grande aprieto''. ''Prenda, no la tomaré yo —le respondí—, ni menos -le daré lo que pide, porque no tengo sino solos cuatro reales''; los cuales -le di (que fueron los que tú, Sancho, me diste el otro día para dar limosna -a los pobres que topase por los caminos), y le dije: ''Decid, amiga mía, a -vuesa señora que a mí me pesa en el alma de sus trabajos, y que quisiera -ser un Fúcar para remediarlos; y que le hago saber que yo no puedo ni debo -tener salud careciendo de su agradable vista y discreta conversación, y que -le suplico, cuan encarecidamente puedo, sea servida su merced de dejarse -ver y tratar deste su cautivo servidor y asendereado caballero. Diréisle -también que, cuando menos se lo piense, oirá decir como yo he hecho un -juramento y voto, a modo de aquel que hizo el marqués de Mantua, de vengar -a su sobrino Baldovinos, cuando le halló para espirar en mitad de la -montiña, que fue de no comer pan a manteles, con las otras zarandajas que -allí añadió, hasta vengarle; y así le haré yo de no sosegar, y de andar las -siete partidas del mundo, con más puntualidad que las anduvo el infante don -Pedro de Portugal, hasta desencantarla''. ''Todo eso, y más, debe vuestra -merced a mi señora'', me respondió la doncella. Y, tomando los cuatro -reales, en lugar de hacerme una reverencia, hizo una cabriola, que se -levantó dos varas de medir en el aire. - -— ¡Oh santo Dios! —dijo a este tiempo dando una gran voz Sancho—. ¿Es -posible que tal hay en el mundo, y que tengan en él tanta fuerza los -encantadores y encantamentos, que hayan trocado el buen juicio de mi señor -en una tan disparatada locura? ¡Oh señor, señor, por quien Dios es, que -vuestra merced mire por sí y vuelva por su honra, y no dé crédito a esas -vaciedades que le tienen menguado y descabalado el sentido! - -— Como me quieres bien, Sancho, hablas desa manera —dijo don Quijote—; y, -como no estás experimentado en las cosas del mundo, todas las cosas que -tienen algo de dificultad te parecen imposibles; pero andará el tiempo, -como otra vez he dicho, y yo te contaré algunas de las que allá abajo he -visto, que te harán creer las que aquí he contado, cuya verdad ni admite -réplica ni disputa. - - - - -Capítulo XXIV. Donde se cuentan mil zarandajas tan impertinentes como -necesarias al verdadero entendimiento desta grande historia - -Dice el que tradujo esta grande historia del original, de la que escribió -su primer autor Cide Hamete Benengeli, que, llegando al capítulo de la -aventura de la cueva de Montesinos, en el margen dél estaban escritas, de -mano del mesmo Hamete, estas mismas razones: - -''No me puedo dar a entender, ni me puedo persuadir, que al valeroso don -Quijote le pasase puntualmente todo lo que en el antecedente capítulo queda -escrito: la razón es que todas las aventuras hasta aquí sucedidas han sido -contingibles y verisímiles, pero ésta desta cueva no le hallo entrada -alguna para tenerla por verdadera, por ir tan fuera de los términos -razonables. Pues pensar yo que don Quijote mintiese, siendo el más -verdadero hidalgo y el más noble caballero de sus tiempos, no es posible; -que no dijera él una mentira si le asaetearan. Por otra parte, considero -que él la contó y la dijo con todas las circunstancias dichas, y que no -pudo fabricar en tan breve espacio tan gran máquina de disparates; y si -esta aventura parece apócrifa, yo no tengo la culpa; y así, sin afirmarla -por falsa o verdadera, la escribo. Tú, letor, pues eres prudente, juzga lo -que te pareciere, que yo no debo ni puedo más; puesto que se tiene por -cierto que al tiempo de su fin y muerte dicen que se retrató della, y dijo -que él la había inventado, por parecerle que convenía y cuadraba bien con -las aventuras que había leído en sus historias''. - -Y luego prosigue, diciendo: - -Espantóse el primo, así del atrevimiento de Sancho Panza como de la -paciencia de su amo, y juzgó que del contento que tenía de haber visto a su -señora Dulcinea del Toboso, aunque encantada, le nacía aquella condición -blanda que entonces mostraba; porque, si así no fuera, palabras y razones -le dijo Sancho, que merecían molerle a palos; porque realmente le pareció -que había andado atrevidillo con su señor, a quien le dijo: - -— Yo, señor don Quijote de la Mancha, doy por bien empleadísima la jornada -que con vuestra merced he hecho, porque en ella he granjeado cuatro cosas. -La primera, haber conocido a vuestra merced, que lo tengo a gran felicidad. -La segunda, haber sabido lo que se encierra en esta cueva de Montesinos, -con las mutaciones de Guadiana y de las lagunas de Ruidera, que me servirán -para el Ovidio español que traigo entre manos. La tercera, entender la -antigüedad de los naipes, que, por lo menos, ya se usaban en tiempo del -emperador Carlomagno, según puede colegirse de las palabras que vuesa -merced dice que dijo Durandarte, cuando, al cabo de aquel grande espacio -que estuvo hablando con él Montesinos, él despertó diciendo: ''Paciencia y -barajar''; y esta razón y modo de hablar no la pudo aprender encantado, -sino cuando no lo estaba, en Francia y en tiempo del referido emperador -Carlomagno. Y esta averiguación me viene pintiparada para el otro libro que -voy componiendo , que es Suplemento de Virgilio Polidoro, en la invención -de las antigüedades; y creo que en el suyo no se acordó de poner la de los -naipes, como la pondré yo ahora, que será de mucha importancia, y más -alegando autor tan grave y tan verdadero como es el señor Durandarte. La -cuarta es haber sabido con certidumbre el nacimiento del río Guadiana, -hasta ahora ignorado de las gentes. - -— Vuestra merced tiene razón —dijo don Quijote—, pero querría yo saber, ya -que Dios le haga merced de que se le dé licencia para imprimir esos sus -libros, que lo dudo, a quién piensa dirigirlos. - -— Señores y grandes hay en España a quien puedan dirigirse —dijo el primo. - -— No muchos —respondió don Quijote—; y no porque no lo merezcan, sino que no -quieren admitirlos, por no obligarse a la satisfación que parece se debe al -trabajo y cortesía de sus autores. Un príncipe conozco yo que puede suplir -la falta de los demás, con tantas ventajas que, si me atreviere a decirlas, -quizá despertara la invidia en más de cuatro generosos pechos; pero quédese -esto aquí para otro tiempo más cómodo, y vamos a buscar adonde recogernos -esta noche. - -— No lejos de aquí —respondió el primo— está una ermita, donde hace su -habitación un ermitaño, que dicen ha sido soldado, y está en opinión de ser -un buen cristiano, y muy discreto y caritativo además. Junto con la ermita -tiene una pequeña casa, que él ha labrado a su costa; pero, con todo, -aunque chica, es capaz de recibir huéspedes. - -— ¿Tiene por ventura gallinas el tal ermitaño? —preguntó Sancho. - -— Pocos ermitaños están sin ellas —respondió don Quijote—, porque no son los -que agora se usan como aquellos de los desiertos de Egipto, que se vestían -de hojas de palma y comían raíces de la tierra. Y no se entienda que por -decir bien de aquéllos no lo digo de aquéstos, sino que quiero decir que al -rigor y estrecheza de entonces no llegan las penitencias de los de agora; -pero no por esto dejan de ser todos buenos; a lo menos, yo por buenos los -juzgo; y, cuando todo corra turbio, menos mal hace el hipócrita que se -finge bueno que el público pecador. - -Estando en esto, vieron que hacia donde ellos estaban venía un hombre a -pie, caminando apriesa, y dando varazos a un macho que venía cargado de -lanzas y de alabardas. Cuando llegó a ellos, los saludó y pasó de largo. -Don Quijote le dijo: - -— Buen hombre, deteneos, que parece que vais con más diligencia que ese -macho ha menester. - -— No me puedo detener, señor —respondió el hombre—, porque las armas que -veis que aquí llevo han de servir mañana; y así, me es forzoso el no -detenerme, y a Dios. Pero si quisiéredes saber para qué las llevo, en la -venta que está más arriba de la ermita pienso alojar esta noche; y si es -que hacéis este mesmo camino, allí me hallaréis, donde os contaré -maravillas. Y a Dios otra vez. - -Y de tal manera aguijó el macho, que no tuvo lugar don Quijote de -preguntarle qué maravillas eran las que pensaba decirles; y, como él era -algo curioso y siempre le fatigaban deseos de saber cosas nuevas, ordenó -que al momento se partiesen y fuesen a pasar la noche en la venta, sin -tocar en la ermita, donde quisiera el primo que se quedaran. - -Hízose así, subieron a caballo, y siguieron todos tres el derecho camino de -la venta, a la cual llegaron un poco antes de anochecer. Dijo el primo a -don Quijote que llegasen a ella a beber un trago. Apenas oyó esto Sancho -Panza, cuando encaminó el rucio a la ermita, y lo mismo hicieron don -Quijote y el primo; pero la mala suerte de Sancho parece que ordenó que el -ermitaño no estuviese en casa; que así se lo dijo una sotaermitaño que en -la ermita hallaron. Pidiéronle de lo caro; respondió que su señor no lo -tenía, pero que si querían agua barata, que se la daría de muy buena gana. - -— Si yo la tuviera de agua —respondió Sancho—, pozos hay en el camino, -donde la hubiera satisfecho. ¡Ah bodas de Camacho y abundancia de la casa -de don Diego, y cuántas veces os tengo de echar menos! - -Con esto, dejaron la ermita y picaron hacia la venta; y a poco trecho -toparon un mancebito, que delante dellos iba caminando no con mucha priesa; -y así, le alcanzaron. Llevaba la espada sobre el hombro, y en ella puesto -un bulto o envoltorio, al parecer de sus vestidos; que, al parecer, debían -de ser los calzones o greguescos, y herreruelo, y alguna camisa, porque -traía puesta una ropilla de terciopelo con algunas vislumbres de raso, y la -camisa, de fuera; las medias eran de seda, y los zapatos cuadrados, a uso -de corte; la edad llegaría a diez y ocho o diez y nueve años; alegre de -rostro, y, al parecer, ágil de su persona. Iba cantando seguidillas, para -entretener el trabajo del camino. Cuando llegaron a él, acababa de cantar -una, que el primo tomó de memoria, que dicen que decía: - -A la guerra me lleva -mi necesidad; -si tuviera dineros, -no fuera, en verdad. - -El primero que le habló fue don Quijote, diciéndole: - -— Muy a la ligera camina vuesa merced, señor galán. Y ¿adónde bueno? -Sepamos, si es que gusta decirlo. - -A lo que el mozo respondió: - -— El caminar tan a la ligera lo causa el calor y la pobreza, y el adónde voy -es a la guerra. - -— ¿Cómo la pobreza? —preguntó don Quijote—; que por el calor bien puede ser. - -— Señor —replicó el mancebo—, yo llevo en este envoltorio unos greguescos de -terciopelo, compañeros desta ropilla; si los gasto en el camino, no me -podré honrar con ellos en la ciudad, y no tengo con qué comprar otros; y, -así por esto como por orearme, voy desta manera, hasta alcanzar unas -compañías de infantería que no están doce leguas de aquí, donde asentaré mi -plaza, y no faltarán bagajes en que caminar de allí adelante hasta el -embarcadero, que dicen ha de ser en Cartagena. Y más quiero tener por amo y -por señor al rey, y servirle en la guerra, que no a un pelón en la corte. - -— Y ¿lleva vuesa merced alguna ventaja por ventura? —preguntó el primo. - -— Si yo hubiera servido a algún grande de España, o algún principal -personaje —respondió el mozo—, a buen seguro que yo la llevara, que eso -tiene el servir a los buenos: que del tinelo suelen salir a ser alférez o -capitanes, o con algún buen entretenimiento; pero yo, desventurado, serví -siempre a catarriberas y a gente advenediza, de ración y quitación tan -mísera y atenuada, que en pagar el almidonar un cuello se consumía la mitad -della; y sería tenido a milagro que un paje aventurero alcanzase alguna -siquiera razonable ventura. - -— Y dígame, por su vida, amigo —preguntó don Quijote—: ¿es posible que en -los años que sirvió no ha podido alcanzar alguna librea? - -— Dos me han dado —respondió el paje—; pero, así como el que se sale de -alguna religión antes de profesar le quitan el hábito y le vuelven sus -vestidos, así me volvían a mí los míos mis amos, que, acabados los negocios -a que venían a la corte, se volvían a sus casas y recogían las libreas que -por sola ostentación habían dado. - -— Notable espilorchería, como dice el italiano —dijo don Quijote—; pero, con -todo eso, tenga a felice ventura el haber salido de la corte con tan buena -intención como lleva; porque no hay otra cosa en la tierra más honrada ni -de más provecho que servir a Dios, primeramente, y luego, a su rey y señor -natural, especialmente en el ejercicio de las armas, por las cuales se -alcanzan, si no más riquezas, a lo menos, más honra que por las letras, -como yo tengo dicho muchas veces; que, puesto que han fundado más -mayorazgos las letras que las armas, todavía llevan un no sé qué los de las -armas a los de las letras, con un sí sé qué de esplendor que se halla en -ellos, que los aventaja a todos. Y esto que ahora le quiero decir llévelo -en la memoria, que le será de mucho provecho y alivio en sus trabajos; y es -que, aparte la imaginación de los sucesos adversos que le podrán venir, que -el peor de todos es la muerte, y como ésta sea buena, el mejor de todos es -el morir. Preguntáronle a Julio César, aquel valeroso emperador romano, -cuál era la mejor muerte; respondió que la impensada, la de repente y no -prevista; y, aunque respondió como gentil y ajeno del conocimiento del -verdadero Dios, con todo eso, dijo bien, para ahorrarse del sentimiento -humano; que, puesto caso que os maten en la primera facción y refriega, o -ya de un tiro de artillería, o volado de una mina, ¿qué importa? Todo es -morir, y acabóse la obra; y, según Terencio, más bien parece el soldado -muerto en la batalla que vivo y salvo en la huida; y tanto alcanza de fama -el buen soldado cuanto tiene de obediencia a sus capitanes y a los que -mandarle pueden. Y advertid, hijo, que al soldado mejor le está el oler a -pólvora que algalia, y que si la vejez os coge en este honroso ejercicio, -aunque sea lleno de heridas y estropeado o cojo, a lo menos no os podrá -coger sin honra, y tal, que no os la podrá menoscabar la pobreza; cuanto -más, que ya se va dando orden cómo se entretengan y remedien los soldados -viejos y estropeados, porque no es bien que se haga con ellos lo que suelen -hacer los que ahorran y dan libertad a sus negros cuando ya son viejos y no -pueden servir, y, echándolos de casa con título de libres, los hacen -esclavos de la hambre, de quien no piensan ahorrarse sino con la muerte. Y -por ahora no os quiero decir más, sino que subáis a las ancas deste mi -caballo hasta la venta, y allí cenaréis conmigo, y por la mañana seguiréis -el camino, que os le dé Dios tan bueno como vuestros deseos merecen. - -El paje no aceptó el convite de las ancas, aunque sí el de cenar con él en -la venta; y, a esta sazón, dicen que dijo Sancho entre sí: - -— ¡Válate Dios por señor! Y ¿es posible que hombre que sabe decir tales, -tantas y tan buenas cosas como aquí ha dicho, diga que ha visto los -disparates imposibles que cuenta de la cueva de Montesinos? Ahora bien, -ello dirá. - -Y en esto, llegaron a la venta, a tiempo que anochecía, y no sin gusto de -Sancho, por ver que su señor la juzgó por verdadera venta, y no por -castillo, como solía. No hubieron bien entrado, cuando don Quijote preguntó -al ventero por el hombre de las lanzas y alabardas; el cual le respondió -que en la caballeriza estaba acomodando el macho. Lo mismo hicieron de sus -jumentos el primo y Sancho, dando a Rocinante el mejor pesebre y el mejor -lugar de la caballeriza. - - - - -Capítulo XXV. Donde se apunta la aventura del rebuzno y la graciosa del -titerero, con las memorables adivinanzas del mono adivino - -No se le cocía el pan a don Quijote, como suele decirse, hasta oír y saber -las maravillas prometidas del hombre condutor de las armas. Fuele a buscar -donde el ventero le había dicho que estaba, y hallóle, y díjole que en todo -caso le dijese luego lo que le había de decir después, acerca de lo que le -había preguntado en el camino. El hombre le respondió: - -— Más despacio, y no en pie, se ha de tomar el cuento de mis maravillas: -déjeme vuestra merced, señor bueno, acabar de dar recado a mi bestia, que -yo le diré cosas que le admiren. - -— No quede por eso —respondió don Quijote—, que yo os ayudaré a todo. - -Y así lo hizo, ahechándole la cebada y limpiando el pesebre, humildad que -obligó al hombre a contarle con buena voluntad lo que le pedía; y, -sentándose en un poyo y don Quijote junto a él, teniendo por senado y -auditorio al primo, al paje, a Sancho Panza y al ventero, comenzó a decir -desta manera: - -— «Sabrán vuesas mercedes que en un lugar que está cuatro leguas y media -desta venta sucedió que a un regidor dél, por industria y engaño de una -muchacha criada suya, y esto es largo de contar, le faltó un asno, y, -aunque el tal regidor hizo las diligencias posibles por hallarle, no fue -posible. Quince días serían pasados, según es pública voz y fama,— que el -asno faltaba, cuando, estando en la plaza el regidor perdidoso, otro -regidor del mismo pueblo le dijo: ''Dadme albricias, compadre, que vuestro -jumento ha parecido''. ''Yo os las mando y buenas, compadre —respondió el -otro—, pero sepamos dónde ha parecido''. ''En el monte —respondió el -hallador—, le vi esta mañana, sin albarda y sin aparejo alguno, y tan flaco -que era una compasión miralle. Quísele antecoger delante de mí y traérosle, -pero está ya tan montaraz y tan huraño, que, cuando llegé a él, se fue -huyendo y se entró en lo más escondido del monte. Si queréis que volvamos -los dos a buscarle, dejadme poner esta borrica en mi casa, que luego -vuelvo''. ''Mucho placer me haréis —dijo el del jumento—, e yo procuraré -pagároslo en la mesma moneda''. Con estas circunstancias todas, y de la -mesma manera que yo lo voy contando, lo cuentan todos aquellos que están -enterados en la verdad deste caso. En resolución, los dos regidores, a pie -y mano a mano, se fueron al monte, y, llegando al lugar y sitio donde -pensaron hallar el asno, no le hallaron, ni pareció por todos aquellos -contornos, aunque más le buscaron. Viendo, pues, que no parecía, dijo el -regidor que le había visto al otro: ''Mirad, compadre: una traza me ha -venido al pensamiento, con la cual sin duda alguna podremos descubrir este -animal, aunque esté metido en las entrañas de la tierra, no que del monte; -y es que yo sé rebuznar maravillosamente; y si vos sabéis algún tanto, dad -el hecho por concluido''. ''¿Algún tanto decís, compadre? —dijo el otro—; -por Dios, que no dé la ventaja a nadie, ni aun a los mesmos asnos''. -''Ahora lo veremos —respondió el regidor segundo—, porque tengo determinado -que os vais vos por una parte del monte y yo por otra, de modo que le -rodeemos y andemos todo, y de trecho en trecho rebuznaréis vos y rebuznaré -yo, y no podrá ser menos sino que el asno nos oya y nos responda, si es que -está en el monte''. A lo que respondió el dueño del jumento: ''Digo, -compadre, que la traza es excelente y digna de vuestro gran ingenio''. Y, -dividiéndose los dos según el acuerdo, sucedió que casi a un mesmo tiempo -rebuznaron, y cada uno engañado del rebuzno del otro, acudieron a buscarse, -pensando que ya el jumento había parecido; y, en viéndose, dijo el -perdidoso: ''¿Es posible, compadre, que no fue mi asno el que rebuznó?'' -''No fue, sino yo'', respondió el otro. ''Ahora digo —dijo el dueño—, que -de vos a un asno, compadre, no hay alguna diferencia, en cuanto toca al -rebuznar, porque en mi vida he visto ni oído cosa más propia''. ''Esas -alabanzas y encarecimiento —respondió el de la traza—, mejor os atañen y -tocan a vos que a mí, compadre; que por el Dios que me crió que podéis dar -dos rebuznos de ventaja al mayor y más perito rebuznador del mundo; porque -el sonido que tenéis es alto; lo sostenido de la voz, a su tiempo y compás; -los dejos, muchos y apresurados, y, en resolución, yo me doy por vencido y -os rindo la palma y doy la bandera desta rara habilidad''. ''Ahora digo -— respondió el dueño—, que me tendré y estimaré en más de aquí adelante, y -pensaré que sé alguna cosa, pues tengo alguna gracia; que, puesto que -pensara que rebuznaba bien, nunca entendí que llegaba el estremo que -decís''. ''También diré yo ahora —respondió el segundo— que hay raras -habilidades perdidas en el mundo, y que son mal empleadas en aquellos que -no saben aprovecharse dellas''. ''Las nuestras —respondió el dueño—, si no -es en casos semejantes como el que traemos entre manos, no nos pueden -servir en otros, y aun en éste plega a Dios que nos sean de provecho''. -Esto dicho, se tornaron a dividir y a volver a sus rebuznos, y a cada paso -se engañaban y volvían a juntarse, hasta que se dieron por contraseño que, -para entender que eran ellos, y no el asno, rebuznasen dos veces, una tras -otra. Con esto, doblando a cada paso los rebuznos, rodearon todo el monte -sin que el perdido jumento respondiese, ni aun por señas. Mas, ¿cómo había -de responder el pobre y mal logrado, si le hallaron en lo más escondido del -bosque, comido de lobos? Y, en viéndole, dijo su dueño: ''Ya me maravillaba -yo de que él no respondía, pues a no estar muerto, él rebuznara si nos -oyera, o no fuera asno; pero, a trueco de haberos oído rebuznar con tanta -gracia, compadre, doy por bien empleado el trabajo que he tenido en -buscarle, aunque le he hallado muerto''. ''En buena mano está, compadre -— respondió el otro—, pues si bien canta el abad, no le va en zaga el -monacillo''. Con esto, desconsolados y roncos, se volvieron a su aldea, -adonde contaron a sus amigos, vecinos y conocidos cuanto les había -acontecido en la busca del asno, exagerando el uno la gracia del otro en el -rebuznar; todo lo cual se supo y se estendió por los lugares circunvecinos. -Y el diablo, que no duerme, como es amigo de sembrar y derramar rencillas y -discordia por doquiera, levantando caramillos en el viento y grandes -quimeras de nonada, ordenó e hizo que las gentes de los otros pueblos, en -viendo a alguno de nuestra aldea, rebuznase, como dándoles en rostro con el -rebuzno de nuestros regidores. Dieron en ello los muchachos, que fue dar en -manos y en bocas de todos los demonios del infierno, y fue cundiendo el -rebuzno de en uno en otro pueblo, de manera que son conocidos los naturales -del pueblo del rebuzno, como son conocidos y diferenciados los negros de -los blancos; y ha llegado a tanto la desgracia desta burla, que muchas -veces con mano armada y formado escuadrón han salido contra los burladores -los burlados a darse la batalla, sin poderlo remediar rey ni roque, ni -temor ni vergüenza. Yo creo que mañana o esotro día han de salir en campaña -los de mi pueblo, que son los del rebuzno, contra otro lugar que está a dos -leguas del nuestro, que es uno de los que más nos persiguen: y, por salir -bien apercebidos, llevo compradas estas lanzas y alabardas que habéis -visto.» Y éstas son las maravillas que dije que os había de contar, y si no -os lo han parecido, no sé otras. - -Y con esto dio fin a su plática el buen hombre; y, en esto, entró por la -puerta de la venta un hombre todo vestido de camuza, medias, greguescos y -jubón, y con voz levantada dijo: - -— Señor huésped, ¿hay posada? Que viene aquí el mono adivino y el retablo de -la libertad de Melisendra. - -— ¡Cuerpo de tal —dijo el ventero—, que aquí está el señor mase Pedro! Buena -noche se nos apareja. - -Olvidábaseme de decir como el tal mase Pedro traía cubierto el ojo -izquierdo, y casi medio carrillo, con un parche de tafetán verde, señal que -todo aquel lado debía de estar enfermo; y el ventero prosiguió, diciendo: - -— Sea bien venido vuestra merced, señor mase Pedro. ¿Adónde está el mono y -el retablo, que no los veo? - -— Ya llegan cerca —respondió el todo camuza—, sino que yo me he adelantado, -a saber si hay posada. - -— Al mismo duque de Alba se la quitara para dársela al señor mase Pedro -— respondió el ventero—; llegue el mono y el retablo, que gente hay esta -noche en la venta que pagará el verle y las habilidades del mono. - -— Sea en buen hora —respondió el del parche—, que yo moderaré el precio, y -con sola la costa me daré por bien pagado; y yo vuelvo a hacer que camine -la carreta donde viene el mono y el retablo. - -Y luego se volvió a salir de la venta. - -Preguntó luego don Quijote al ventero qué mase Pedro era aquél, y qué -retablo y qué mono traía. A lo que respondió el ventero: - -— Éste es un famoso titerero, que ha muchos días que anda por esta Mancha de -Aragón enseñando un retablo de Melisendra, libertada por el famoso don -Gaiferos, que es una de las mejores y más bien representadas historias que -de muchos años a esta parte en este reino se han visto. Trae asimismo -consigo un mono de la más rara habilidad que se vio entre monos, ni se -imaginó entre hombres, porque si le preguntan algo, está atento a lo que le -preguntan y luego salta sobre los hombros de su amo, y, llegándosele al -oído, le dice la respuesta de lo que le preguntan, y maese Pedro la declara -luego; y de las cosas pasadas dice mucho más que de las que están por -venir; y, aunque no todas veces acierta en todas, en las más no yerra, de -modo que nos hace creer que tiene el diablo en el cuerpo. Dos reales lleva -por cada pregunta, si es que el mono responde; quiero decir, si responde el -amo por él, después de haberle hablado al oído; y así, se cree que el tal -maese Pedro esta riquísimo; y es hombre galante, como dicen en Italia y bon -compaño, y dase la mejor vida del mundo; habla más que seis y bebe más que -doce, todo a costa de su lengua y de su mono y de su retablo. - -En esto, volvió maese Pedro, y en una carreta venía el retablo, y el mono, -grande y sin cola, con las posaderas de fieltro, pero no de mala cara; y, -apenas le vio don Quijote, cuando le preguntó: - -— Dígame vuestra merced, señor adivino: ¿qué peje pillamo? ¿Qué ha de ser de -nosotros?. Y vea aquí mis dos reales. - -Y mandó a Sancho que se los diese a maese Pedro, el cual respondió por el -mono, y dijo: - -— Señor, este animal no responde ni da noticia de las cosas que están por -venir; de las pasadas sabe algo, y de las presentes, algún tanto. - -— ¡Voto a Rus —dijo Sancho—, no dé yo un ardite porque me digan lo que por -mí ha pasado!; porque, ¿quién lo puede saber mejor que yo mesmo? Y pagar yo -porque me digan lo que sé, sería una gran necedad; pero, pues sabe las -cosas presentes, he aquí mis dos reales, y dígame el señor monísimo qué -hace ahora mi mujer Teresa Panza, y en qué se entretiene. - -No quiso tomar maese Pedro el dinero, diciendo: - -— No quiero recebir adelantados los premios, sin que hayan precedido los -servicios. - -Y, dando con la mano derecha dos golpes sobre el hombro izquierdo, en un -brinco se le puso el mono en él, y, llegando la boca al oído, daba diente -con diente muy apriesa; y, habiendo hecho este ademán por espacio de un -credo, de otro brinco se puso en el suelo, y al punto, con grandísima -priesa, se fue maese Pedro a poner de rodillas ante don Quijote, y, -abrazándole las piernas, dijo: - -— Estas piernas abrazo, bien así como si abrazara las dos colunas de -Hércules, ¡oh resucitador insigne de la ya puesta en olvido andante -caballería!; ¡oh no jamás como se debe alabado caballero don Quijote de la -Mancha, ánimo de los desmayados, arrimo de los que van a caer, brazo de los -caídos, báculo y consuelo de todos los desdichados! - -Quedó pasmado don Quijote, absorto Sancho, suspenso el primo, atónito el -paje, abobado el del rebuzno, confuso el ventero, y, finalmente, espantados -todos los que oyeron las razones del titerero, el cual prosiguió diciendo: - -— Y tú, ¡oh buen Sancho Panza!, el mejor escudero y del mejor caballero del -mundo, alégrate, que tu buena mujer Teresa está buena, y ésta es la hora en -que ella está rastrillando una libra de lino, y, por más señas, tiene a su -lado izquierdo un jarro desbocado que cabe un buen porqué de vino, con que -se entretiene en su trabajo. - -— Eso creo yo muy bien —respondió Sancho—, porque es ella una -bienaventurada, y, a no ser celosa, no la trocara yo por la giganta -Andandona, que, según mi señor, fue una mujer muy cabal y muy de pro; y es -mi Teresa de aquellas que no se dejan mal pasar, aunque sea a costa de sus -herederos. - -— Ahora digo —dijo a esta sazón don Quijote—, que el que lee mucho y anda -mucho, vee mucho y sabe mucho. Digo esto porque, ¿qué persuasión fuera -bastante para persuadirme que hay monos en el mundo que adivinen, como lo -he visto ahora por mis propios ojos? Porque yo soy el mesmo don Quijote de -la Mancha que este buen animal ha dicho, puesto que se ha estendido algún -tanto en mis alabanzas; pero comoquiera que yo me sea, doy gracias al -cielo, que me dotó de un ánimo blando y compasivo, inclinado siempre a -hacer bien a todos, y mal a ninguno. - -— Si yo tuviera dineros —dijo el paje—, preguntara al señor mono qué me ha -de suceder en la peregrinación que llevo. - -A lo que respondió maese Pedro, que ya se había levantado de los pies de -don Quijote: - -— Ya he dicho que esta bestezuela no responde a lo por venir; que si -respondiera, no importara no haber dineros; que, por servicio del señor don -Quijote, que está presente, dejara yo todos los intereses del mundo. Y -agora, porque se lo debo, y por darle gusto, quiero armar mi retablo y dar -placer a cuantos están en la venta, sin paga alguna. - -Oyendo lo cual el ventero, alegre sobremanera, señaló el lugar donde se -podía poner el retablo, que en un punto fue hecho. - -Don Quijote no estaba muy contento con las adivinanzas del mono, por -parecerle no ser a propósito que un mono adivinase, ni las de por venir, ni -las pasadas cosas; y así, en tanto que maese Pedro acomodaba el retablo, se -retiró don Quijote con Sancho a un rincón de la caballeriza, donde, sin ser -oídos de nadie, le dijo: - -— Mira, Sancho, yo he considerado bien la estraña habilidad deste mono, y -hallo por mi cuenta que sin duda este maese Pedro, su amo, debe de tener -hecho pacto, tácito o espreso, con el demonio. - -— Si el patio es espeso y del demonio —dijo Sancho—, sin duda debe de ser -muy sucio patio; pero, ¿de qué provecho le es al tal maese Pedro tener esos -patios? - -— No me entiendes, Sancho: no quiero decir sino que debe de tener hecho -algún concierto con el demonio de que infunda esa habilidad en el mono, con -que gane de comer, y después que esté rico le dará su alma, que es lo que -este universal enemigo pretende. Y háceme creer esto el ver que el mono no -responde sino a las cosas pasadas o presentes, y la sabiduría del diablo no -se puede estender a más, que las por venir no las sabe si no es por -conjeturas, y no todas veces; que a solo Dios está reservado conocer los -tiempos y los momentos, y para Él no hay pasado ni porvenir, que todo es -presente. Y, siendo esto así, como lo es, está claro que este mono habla -con el estilo del diablo; y estoy maravillado cómo no le han acusado al -Santo Oficio, y examinádole y sacádole de cuajo en virtud de quién adivina; -porque cierto está que este mono no es astrólogo, ni su amo ni él alzan, ni -saben alzar, estas figuras que llaman judiciarias, que tanto ahora se usan -en España, que no hay mujercilla, ni paje, ni zapatero de viejo que no -presuma de alzar una figura, como si fuera una sota de naipes del suelo, -echando a perder con sus mentiras e ignorancias la verdad maravillosa de la -ciencia. De una señora sé yo que preguntó a uno destos figureros que si una -perrilla de falda pequeña, que tenía, si se empreñaría y pariría, y cuántos -y de qué color serían los perros que pariese. A lo que el señor judiciario, -después de haber alzado la figura, respondió que la perrica se empreñaría, -y pariría tres perricos, el uno verde, el otro encarnado y el otro de -mezcla, con tal condición que la tal perra se cubriese entre las once y -doce del día, o de la noche, y que fuese en lunes o en sábado; y lo que -sucedió fue que de allí a dos días se moría la perra de ahíta, y el señor -levantador quedó acreditado en el lugar por acertadísimo judiciario, como -lo quedan todos o los más levantadores. - -— Con todo eso, querría —dijo Sancho— que vuestra merced dijese a maese -Pedro preguntase a su mono si es verdad lo que a vuestra merced le pasó en -la cueva de Montesinos; que yo para mí tengo, con perdón de vuestra merced, -que todo fue embeleco y mentira, o por lo menos, cosas soñadas. - -— Todo podría ser —respondió don Quijote—, pero yo haré lo que me aconsejas, -puesto que me ha de quedar un no sé qué de escrúpulo. - -Estando en esto, llegó maese Pedro a buscar a don Quijote y decirle que ya -estaba en orden el retablo; que su merced viniese a verle, porque lo -merecía. Don Quijote le comunicó su pensamiento, y le rogó preguntase luego -a su mono le dijese si ciertas cosas que había pasado en la cueva de -Montesinos habían sido soñadas o verdaderas; porque a él le parecía que -tenían de todo. A lo que maese Pedro, sin responder palabra, volvió a traer -el mono, y, puesto delante de don Quijote y de Sancho, dijo: - -— Mirad, señor mono, que este caballero quiere saber si ciertas cosas que le -pasaron en una cueva llamada de Montesinos, si fueron falsas o verdaderas. - -Y, haciéndole la acostumbrada señal, el mono se le subió en el hombro -izquierdo, y, hablándole, al parecer, en el oído, dijo luego maese Pedro: - -— El mono dice que parte de las cosas que vuesa merced vio, o pasó, en la -dicha cueva son falsas, y parte verisímiles; y que esto es lo que sabe, y -no otra cosa, en cuanto a esta pregunta; y que si vuesa merced quisiere -saber más, que el viernes venidero responderá a todo lo que se le -preguntare, que por ahora se le ha acabado la virtud, que no le vendrá -hasta el viernes, como dicho tiene. - -— ¿No lo decía yo —dijo Sancho—, que no se me podía asentar que todo lo que -vuesa merced, señor mío, ha dicho de los acontecimientos de la cueva era -verdad, ni aun la mitad? - -— Los sucesos lo dirán, Sancho —respondió don Quijote—; que el tiempo, -descubridor de todas las cosas, no se deja ninguna que no las saque a la -luz del sol, aunque esté escondida en los senos de la tierra. Y, por hora, -baste esto, y vámonos a ver el retablo del buen maese Pedro, que para mí -tengo que debe de tener alguna novedad. - -— ¿Cómo alguna? —respondió maese Pedro—: sesenta mil encierra en sí este mi -retablo; dígole a vuesa merced, mi señor don Quijote, que es una de las -cosas más de ver que hoy tiene el mundo, y operibus credite, et non verbis; -y manos a labor, que se hace tarde y tenemos mucho que hacer y que decir y -que mostrar. - -Obedeciéronle don Quijote y Sancho, y vinieron donde ya estaba el retablo -puesto y descubierto, lleno por todas partes de candelillas de cera -encendidas, que le hacían vistoso y resplandeciente. En llegando, se metió -maese Pedro dentro dél, que era el que había de manejar las figuras del -artificio, y fuera se puso un muchacho, criado del maese Pedro, para servir -de intérprete y declarador de los misterios del tal retablo: tenía una -varilla en la mano, con que señalaba las figuras que salían. - -Puestos, pues, todos cuantos había en la venta, y algunos en pie, frontero -del retablo, y acomodados don Quijote, Sancho, el paje y el primo en los -mejores lugares, el trujamán comenzó a decir lo que oirá y verá el que le -oyere o viere el capítulo siguiente. - - - - -Capítulo XXVI. Donde se prosigue la graciosa aventura del titerero, con -otras cosas en verdad harto buenas - -Callaron todos, tirios y troyanos; quiero decir, pendientes estaban todos -los que el retablo miraban de la boca del declarador de sus maravillas, -cuando se oyeron sonar en el retablo cantidad de atabales y trompetas, y -dispararse mucha artillería, cuyo rumor pasó en tiempo breve, y luego alzó -la voz el muchacho, y dijo: - -— Esta verdadera historia que aquí a vuesas mercedes se representa es sacada -al pie de la letra de las corónicas francesas y de los romances españoles -que andan en boca de las gentes, y de los muchachos, por esas calles. Trata -de la libertad que dio el señor don Gaiferos a su esposa Melisendra, que -estaba cautiva en España, en poder de moros, en la ciudad de Sansueña, que -así se llamaba entonces la que hoy se llama Zaragoza; y vean vuesas -mercedes allí cómo está jugando a las tablas don Gaiferos, según aquello -que se canta: - -Jugando está a las tablas don Gaiferos, -que ya de Melisendra está olvidado. - -Y aquel personaje que allí asoma, con corona en la cabeza y ceptro en las -manos, es el emperador Carlomagno, padre putativo de la tal Melisendra, el -cual, mohíno de ver el ocio y descuido de su yerno, le sale a reñir; y -adviertan con la vehemencia y ahínco que le riñe, que no parece sino que le -quiere dar con el ceptro media docena de coscorrones, y aun hay autores que -dicen que se los dio, y muy bien dados; y, después de haberle dicho muchas -cosas acerca del peligro que corría su honra en no procurar la libertad de -su esposa, dicen que le dijo: - -"Harto os he dicho: miradlo". - -Miren vuestras mercedes también cómo el emperador vuelve las espaldas y -deja despechado a don Gaiferos, el cual ya ven como arroja, impaciente de -la cólera, lejos de sí el tablero y las tablas, y pide apriesa las armas, y -a don Roldán, su primo, pide prestada su espada Durindana, y cómo don -Roldán no se la quiere prestar, ofreciéndole su compañía en la difícil -empresa en que se pone; pero el valeroso enojado no lo quiere aceptar; -antes, dice que él solo es bastante para sacar a su esposa, si bien -estuviese metida en el más hondo centro de la tierra; y, con esto, se entra -a armar, para ponerse luego en camino. Vuelvan vuestras mercedes los ojos a -aquella torre que allí parece, que se presupone que es una de las torres -del alcázar de Zaragoza, que ahora llaman la Aljafería; y aquella dama que -en aquel balcón parece, vestida a lo moro, es la sin par Melisendra, que -desde allí muchas veces se ponía a mirar el camino de Francia, y, puesta la -imaginación en París y en su esposo, se consolaba en su cautiverio. Miren -también un nuevo caso que ahora sucede, quizá no visto jamás. ¿No veen -aquel moro que callandico y pasito a paso, puesto el dedo en la boca, se -llega por las espaldas de Melisendra? Pues miren cómo la da un beso en -mitad de los labios, y la priesa que ella se da a escupir, y a limpiárselos -con la blanca manga de su camisa, y cómo se lamenta, y se arranca de pesar -sus hermosos cabellos, como si ellos tuvieran la culpa del maleficio. Miren -también cómo aquel grave moro que está en aquellos corredores es el rey -Marsilio de Sansueña; el cual, por haber visto la insolencia del moro, -puesto que era un pariente y gran privado suyo, le mandó luego prender, y -que le den docientos azotes, llevándole por las calles acostumbradas de la -ciudad, - -con chilladores delante -y envaramiento detrás; - -y veis aquí donde salen a ejecutar la sentencia, aun bien apenas no -habiendo sido puesta en ejecución la culpa; porque entre moros no hay -"traslado a la parte", ni "a prueba y estése", como entre nosotros. - -— Niño, niño —dijo con voz alta a esta sazón don Quijote—, seguid vuestra -historia línea recta, y no os metáis en las curvas o transversales; que, -para sacar una verdad en limpio, menester son muchas pruebas y repruebas. - -También dijo maese Pedro desde dentro: - -— Muchacho, no te metas en dibujos, sino haz lo que ese señor te manda, que -será lo más acertado; sigue tu canto llano, y no te metas en contrapuntos, -que se suelen quebrar de sotiles. - -— Yo lo haré así —respondió el muchacho; y prosiguió, diciendo—: Esta figura -que aquí parece a caballo, cubierta con una capa gascona, es la mesma de -don Gaiferos, a quien su esposa, ya vengada del atrevimiento del enamorado -moro, con mejor y más sosegado semblante, se ha puesto a los miradores de -la torre, y habla con su esposo, creyendo que es algún pasajero, con quien -pasó todas aquellas razones y coloquios de aquel romance que dicen: - -Caballero, si a Francia ides, -por Gaiferos preguntad; - -las cuales no digo yo ahora, porque de la prolijidad se suele engendrar el -fastidio; basta ver cómo don Gaiferos se descubre, y que por los ademanes -alegres que Melisendra hace se nos da a entender que ella le ha conocido, y -más ahora que veemos se descuelga del balcón, para ponerse en las ancas del -caballo de su buen esposo. Mas, ¡ay, sin ventura!, que se le ha asido una -punta del faldellín de uno de los hierros del balcón, y está pendiente en -el aire, sin poder llegar al suelo. Pero veis cómo el piadoso cielo socorre -en las mayores necesidades, pues llega don Gaiferos, y, sin mirar si se -rasgará o no el rico faldellín, ase della, y mal su grado la hace bajar al -suelo, y luego, de un brinco, la pone sobre las ancas de su caballo, a -horcajadas como hombre, y la manda que se tenga fuertemente y le eche los -brazos por las espaldas, de modo que los cruce en el pecho, porque no se -caiga, a causa que no estaba la señora Melisendra acostumbrada a semejantes -caballerías. Veis también cómo los relinchos del caballo dan señales que va -contento con la valiente y hermosa carga que lleva en su señor y en su -señora. Veis cómo vuelven las espaldas y salen de la ciudad, y alegres y -regocijados toman de París la vía. ¡Vais en paz, oh par sin par de -verdaderos amantes! ¡Lleguéis a salvamento a vuestra deseada patria, sin -que la fortuna ponga estorbo en vuestro felice viaje! ¡Los ojos de vuestros -amigos y parientes os vean gozar en paz tranquila los días, que los de -Néstor sean, que os quedan de la vida! - -Aquí alzó otra vez la voz maese Pedro, y dijo: - -— Llaneza, muchacho; no te encumbres, que toda afectación es mala. - -No respondió nada el intérprete; antes, prosiguió, diciendo: - -— No faltaron algunos ociosos ojos, que lo suelen ver todo, que no viesen la -bajada y la subida de Melisendra, de quien dieron noticia al rey Marsilio, -el cual mandó luego tocar al arma; y miren con qué priesa, que ya la ciudad -se hunde con el son de las campanas que en todas las torres de las -mezquitas suenan. - -— ¡Eso no! —dijo a esta sazón don Quijote—: en esto de las campanas anda muy -impropio maese Pedro, porque entre moros no se usan campanas, sino -atabales, y un género de dulzainas que parecen nuestras chirimías; y esto -de sonar campanas en Sansueña sin duda que es un gran disparate. - -Lo cual oído por maese Pedro, cesó el tocar y dijo: - -— No mire vuesa merced en niñerías, señor don Quijote, ni quiera llevar las -cosas tan por el cabo que no se le halle. ¿No se representan por ahí, casi -de ordinario, mil comedias llenas de mil impropiedades y disparates, y, con -todo eso, corren felicísimamente su carrera, y se escuchan no sólo con -aplauso, sino con admiración y todo? Prosigue, muchacho, y deja decir; que, -como yo llene mi talego, si quiere represente más impropiedades que tiene -átomos el sol. - -— Así es la verdad —replicó don Quijote. - -Y el muchacho dijo: - -— Miren cuánta y cuán lucida caballería sale de la ciudad en siguimiento de -los dos católicos amantes, cuántas trompetas que suenan, cuántas dulzainas -que tocan y cuántos atabales y atambores que retumban. Témome que los han -de alcanzar, y los han de volver atados a la cola de su mismo caballo, que -sería un horrendo espetáculo. - -Viendo y oyendo, pues, tanta morisma y tanto estruendo don Quijote, -parecióle ser bien dar ayuda a los que huían; y, levantándose en pie, en -voz alta, dijo: - -— No consentiré yo en mis días y en mi presencia se le haga superchería a -tan famoso caballero y a tan atrevido enamorado como don Gaiferos. -¡Deteneos, mal nacida canalla; no le sigáis ni persigáis; si no, conmigo -sois en la batalla! - -Y, diciendo y haciendo, desenvainó la espada, y de un brinco se puso junto -al retablo, y, con acelerada y nunca vista furia, comenzó a llover -cuchilladas sobre la titerera morisma, derribando a unos, descabezando a -otros, estropeando a éste, destrozando a aquél, y, entre otros muchos, tiró -un altibajo tal, que si maese Pedro no se abaja, se encoge y agazapa, le -cercenara la cabeza con más facilidad que si fuera hecha de masa de -mazapán. Daba voces maese Pedro, diciendo: - -— Deténgase vuesa merced, señor don Quijote, y advierta que estos que -derriba, destroza y mata no son verdaderos moros, sino unas figurillas de -pasta. ¡Mire, pecador de mí, que me destruye y echa a perder toda mi -hacienda! - -Mas no por esto dejaba de menudear don Quijote cuchilladas, mandobles, -tajos y reveses como llovidos. Finalmente, en menos de dos credos dio con -todo el retablo en el suelo, hechas pedazos y desmenuzadas todas sus -jarcias y figuras: el rey Marsilio, mal herido, y el emperador Carlomagno, -partida la corona y la cabeza en dos partes. Alborotóse el senado de los -oyentes, huyóse el mono por los tejados de la ventana, temió el primo, -acobardóse el paje, y hasta el mesmo Sancho Panza tuvo pavor grandísimo, -porque, como él juró después de pasada la borrasca, jamás había visto a su -señor con tan desatinada cólera. Hecho, pues, el general destrozo del -retablo, sosegóse un poco don Quijote y dijo: - -— Quisiera yo tener aquí delante en este punto todos aquellos que no creen, -ni quieren creer, de cuánto provecho sean en el mundo los caballeros -andantes: miren, si no me hallara yo aquí presente, qué fuera del buen don -Gaiferos y de la hermosa Melisendra; a buen seguro que ésta fuera ya la -hora que los hubieran alcanzado estos canes, y les hubieran hecho algún -desaguisado. En resolución, ¡viva la andante caballería sobre cuantas cosas -hoy viven en la tierra! - -— ¡Vivan en hora buena —dijo a esta sazón con voz enfermiza maese Pedro—, y -muera yo, pues soy tan desdichado que puedo decir con el rey don Rodrigo: - -Ayer fui señor de España... -y hoy no tengo una almena -que pueda decir que es mía! - -No ha media hora, ni aun un mediano momento, que me vi señor de reyes y de -emperadores, llenas mis caballerizas y mis cofres y sacos de infinitos -caballos y de innumerables galas, y agora me veo desolado y abatido, pobre -y mendigo, y, sobre todo, sin mi mono, que a fe que primero que le vuelva a -mi poder me han de sudar los dientes; y todo por la furia mal considerada -deste señor caballero, de quien se dice que ampara pupilos, y endereza -tuertos, y hace otras obras caritativas; y en mí solo ha venido a -faltar su intención generosa, que sean benditos y alabados los cielos, allá -donde tienen más levantados sus asientos. En fin, el Caballero de la Triste -Figura había de ser aquel que había de desfigurar las mías. - -Enternecióse Sancho Panza con las razones de maese Pedro, y díjole: - -— No llores, maese Pedro, ni te lamentes, que me quiebras el corazón; porque -te hago saber que es mi señor don Quijote tan católico y escrupuloso -cristiano, que si él cae en la cuenta de que te ha hecho algún agravio, te -lo sabrá y te lo querrá pagar y satisfacer con muchas ventajas. - -— Con que me pagase el señor don Quijote alguna parte de las hechuras que me -ha deshecho, quedaría contento, y su merced aseguraría su conciencia, -porque no se puede salvar quien tiene lo ajeno contra la voluntad de su -dueño y no lo restituye. - -— Así es —dijo don Quijote—, pero hasta ahora yo no sé que tenga nada -vuestro, maese Pedro. - -— ¿Cómo no? —respondió maese Pedro—; y estas reliquias que están por este -duro y estéril suelo, ¿quién las esparció y aniquiló, sino la fuerza -invencible dese poderoso brazo?, y ¿cúyos eran sus cuerpos sino míos?, y -¿con quién me sustentaba yo sino con ellos? - -— Ahora acabo de creer —dijo a este punto don Quijote— lo que otras muchas -veces he creído: que estos encantadores que me persiguen no hacen sino -ponerme las figuras como ellas son delante de los ojos, y luego me las -mudan y truecan en las que ellos quieren. Real y verdaderamente os digo, -señores que me oís, que a mí me pareció todo lo que aquí ha pasado que -pasaba al pie de la letra: que Melisendra era Melisendra, don Gaiferos don -Gaiferos, Marsilio Marsilio, y Carlomagno Carlomagno: por eso se me alteró -la cólera, y, por cumplir con mi profesión de caballero andante, quise dar -ayuda y favor a los que huían, y con este buen propósito hice lo que habéis -visto; si me ha salido al revés, no es culpa mía, sino de los malos que me -persiguen; y, con todo esto, deste mi yerro, aunque no ha procedido de -malicia, quiero yo mismo condenarme en costas: vea maese Pedro lo que -quiere por las figuras deshechas, que yo me ofrezco a pagárselo luego, en -buena y corriente moneda castellana. - -Inclinósele maese Pedro, diciéndole: - -— No esperaba yo menos de la inaudita cristiandad del valeroso don Quijote -de la Mancha, verdadero socorredor y amparo de todos los necesitados y -menesterosos vagamundos; y aquí el señor ventero y el gran Sancho serán -medianeros y apreciadores, entre vuesa merced y mí, de lo que valen o -podían valer las ya deshechas figuras. - -El ventero y Sancho dijeron que así lo harían, y luego maese Pedro alzó del -suelo, con la cabeza menos, al rey Marsilio de Zaragoza, y dijo: - -— Ya se vee cuán imposible es volver a este rey a su ser primero; y así, me -parece, salvo mejor juicio, que se me dé por su muerte, fin y acabamiento -cuatro reales y medio. - -— ¡Adelante! —dijo don Quijote. - -— Pues por esta abertura de arriba abajo —prosiguió maese Pedro, tomando en -las manos al partido emperador Carlomagno—, no sería mucho que pidiese yo -cinco reales y un cuartillo. - -— No es poco —dijo Sancho. - -— Ni mucho —replicó el ventero—; médiese la partida y señálensele cinco -reales. - -— Dénsele todos cinco y cuartillo —dijo don Quijote—, que no está en un -cuartillo más a menos la monta desta notable desgracia; y acabe presto -maese Pedro, que se hace hora de cenar, y yo tengo ciertos barruntos de -hambre. - -— Por esta figura —dijo maese Pedro— que está sin narices y un ojo menos, -que es de la hermosa Melisendra, quiero, y me pongo en lo justo, dos reales -y doce maravedís. - -— Aun ahí sería el diablo —dijo don Quijote—, si ya no estuviese Melisendra -con su esposo, por lo menos, en la raya de Francia; porque el caballo en -que iban, a mí me pareció que antes volaba que corría; y así, no hay para -qué venderme a mí el gato por liebre, presentándome aquí a Melisendra -desnarigada, estando la otra, si viene a mano, ahora holgándose en Francia -con su esposo a pierna tendida. Ayude Dios con lo suyo a cada uno, señor -maese Pedro, y caminemos todos con pie llano y con intención sana. Y -prosiga. - -Maese Pedro, que vio que don Quijote izquierdeaba y que volvía a su -primer tema, no quiso que se le escapase; y así, le dijo: - -— Ésta no debe de ser Melisendra, sino alguna de las doncellas que la -servían; y así, con sesenta maravedís que me den por ella quedaré contento -y bien pagado. - -Desta manera fue poniendo precio a otras muchas destrozadas figuras, que -después los moderaron los dos jueces árbitros, con satisfación de las -partes, que llegaron a cuarenta reales y tres cuartillos; y, además desto, -que luego lo desembolsó Sancho, pidió maese Pedro dos reales por el trabajo -de tomar el mono. - -— Dáselos, Sancho —dijo don Quijote—, no para tomar el mono, sino la mona; y -docientos diera yo ahora en albricias a quien me dijera con certidumbre que -la señora doña Melisendra y el señor don Gaiferos estaban ya en Francia y -entre los suyos. - -— Ninguno nos lo podrá decir mejor que mi mono —dijo maese Pedro—, pero no -habrá diablo que ahora le tome; aunque imagino que el cariño y la hambre le -han de forzar a que me busque esta noche, y amanecerá Dios y verémonos. - -En resolución, la borrasca del retablo se acabó y todos cenaron en paz y en -buena compañía, a costa de don Quijote, que era liberal en todo estremo. - -Antes que amaneciese, se fue el que llevaba las lanzas y las alabardas, y -ya después de amanecido, se vinieron a despedir de don Quijote el primo y -el paje: el uno, para volverse a su tierra; y el otro, a proseguir su -camino, para ayuda del cual le dio don Quijote una docena de reales. Maese -Pedro no quiso volver a entrar en más dimes ni diretes con don Quijote, a -quien él conocía muy bien, y así, madrugó antes que el sol, y, cogiendo las -reliquias de su retablo y a su mono, se fue también a buscar sus aventuras. -El ventero, que no conocía a don Quijote, tan admirado le tenían sus -locuras como su liberalidad. Finalmente, Sancho le pagó muy bien, por orden -de su señor, y, despidiéndose dél, casi a las ocho del día dejaron la venta -y se pusieron en camino, donde los dejaremos ir; que así conviene para dar -lugar a contar otras cosas pertenecientes a la declaración desta famosa -historia. - - - - -Capítulo XXVII. Donde se da cuenta quiénes eran maese Pedro y su mono, con -el mal suceso que don Quijote tuvo en la aventura del rebuzno, que no la -acabó como él quisiera y como lo tenía pensado - -Entra Cide Hamete, coronista desta grande historia, con estas palabras en -este capítulo: ''Juro como católico cristiano...''; a lo que su traductor -dice que el jurar Cide Hamete como católico cristiano, siendo él moro, como -sin duda lo era, no quiso decir otra cosa sino que, así como el católico -cristiano cuando jura, jura, o debe jurar, verdad, y decirla en lo que -dijere, así él la decía, como si jurara como cristiano católico, en lo que -quería escribir de don Quijote, especialmente en decir quién era maese -Pedro, y quién el mono adivino que traía admirados todos aquellos pueblos -con sus adivinanzas. - -Dice, pues, que bien se acordará, el que hubiere leído la primera parte -desta historia, de aquel Ginés de Pasamonte, a quien, entre otros galeotes, -dio libertad don Quijote en Sierra Morena, beneficio que después le fue mal -agradecido y peor pagado de aquella gente maligna y mal acostumbrada. Este -Ginés de Pasamonte, a quien don Quijote llamaba Ginesillo de Parapilla, fue -el que hurtó a Sancho Panza el rucio; que, por no haberse puesto el cómo ni -el cuándo en la primera parte, por culpa de los impresores, ha dado en qué -entender a muchos, que atribuían a poca memoria del autor la falta de -emprenta. Pero, en resolución, Ginés le hurtó, estando sobre él durmiendo -Sancho Panza, usando de la traza y modo que usó Brunelo cuando, estando -Sacripante sobre Albraca, le sacó el caballo de entre las piernas, y -después le cobró Sancho, como se ha contado. Este Ginés, pues, temeroso de -no ser hallado de la justicia, que le buscaba para castigarle de sus -infinitas bellaquerías y delitos, que fueron tantos y tales, que él mismo -compuso un gran volumen contándolos, determinó pasarse al reino de Aragón y -cubrirse el ojo izquierdo, acomodándose al oficio de titerero; que esto y -el jugar de manos lo sabía hacer por estremo. - -Sucedió, pues, que de unos cristianos ya libres que venían de Berbería -compró aquel mono, a quien enseñó que, en haciéndole cierta señal, se le -subiese en el hombro y le murmurase, o lo pareciese, al oído. Hecho esto, -antes que entrase en el lugar donde entraba con su retablo y mono, se -informaba en el lugar más cercano, o de quien él mejor podía, qué cosas -particulares hubiesen sucedido en el tal lugar, y a qué personas; y, -llevándolas bien en la memoria, lo primero que hacía era mostrar su -retablo, el cual unas veces era de una historia, y otras de otra; pero -todas alegres y regocijadas y conocidas. Acabada la muestra, proponía las -habilidades de su mono, diciendo al pueblo que adivinaba todo lo pasado y -lo presente; pero que en lo de por venir no se daba maña. Por la respuesta -de cada pregunta pedía dos reales, y de algunas hacía barato, según tomaba -el pulso a los preguntantes; y como tal vez llegaba a las casas de quien él -sabía los sucesos de los que en ella moraban, aunque no le preguntasen nada -por no pagarle, él hacía la seña al mono, y luego decía que le había dicho -tal y tal cosa, que venía de molde con lo sucedido. Con esto cobraba -crédito inefable, y andábanse todos tras él. Otras veces, como era tan -discreto, respondía de manera que las respuestas venían bien con las -preguntas; y, como nadie le apuraba ni apretaba a que dijese cómo adevinaba -su mono, a todos hacía monas, y llenaba sus esqueros. - -Así como entró en la venta, conoció a don Quijote y a Sancho, por cuyo -conocimiento le fue fácil poner en admiración a don Quijote y a Sancho -Panza, y a todos los que en ella estaban; pero hubiérale de costar caro si -don Quijote bajara un poco más la mano cuando cortó la cabeza al rey -Marsilio y destruyó toda su caballería, como queda dicho en el antecedente -capítulo. - -Esto es lo que hay que decir de maese Pedro y de su mono. - -Y, volviendo a don Quijote de la Mancha, digo que, después de haber salido -de la venta, determinó de ver primero las riberas del río Ebro y todos -aquellos contornos, antes de entrar en la ciudad de Zaragoza, pues le daba -tiempo para todo el mucho que faltaba desde allí a las justas. Con esta -intención siguió su camino, por el cual anduvo dos días sin acontecerle -cosa digna de ponerse en escritura, hasta que al tercero, al subir de una -loma, oyó un gran rumor de atambores, de trompetas y arcabuces. Al -principio pensó que algún tercio de soldados pasaba por aquella parte, y -por verlos picó a Rocinante y subió la loma arriba; y cuando estuvo en la -cumbre, vio al pie della, a su parecer, más de docientos hombres armados de -diferentes suertes de armas, como si dijésemos lanzones, ballestas, -partesanas, alabardas y picas, y algunos arcabuces, y muchas rodelas. Bajó -del recuesto y acercóse al escuadrón, tanto, que distintamente vio las -banderas, juzgó de las colores y notó las empresas que en ellas traían, -especialmente una que en un estandarte o jirón de raso blanco venía, en el -cual estaba pintado muy al vivo un asno como un pequeño sardesco, la cabeza -levantada, la boca abierta y la lengua de fuera, en acto y postura como si -estuviera rebuznando; alrededor dél estaban escritos de letras grandes -estos dos versos: - -No rebuznaron en balde -el uno y el otro alcalde. - -Por esta insignia sacó don Quijote que aquella gente debía de ser del -pueblo del rebuzno, y así se lo dijo a Sancho, declarándole lo que en el -estandarte venía escrito. Díjole también que el que les había dado noticia -de aquel caso se había errado en decir que dos regidores habían sido los -que rebuznaron; pero que, según los versos del estandarte, no habían sido -sino alcaldes. A lo que respondió Sancho Panza: - -— Señor, en eso no hay que reparar, que bien puede ser que los regidores que -entonces rebuznaron viniesen con el tiempo a ser alcaldes de su pueblo, y -así, se pueden llamar con entrambos títulos; cuanto más, que no hace al -caso a la verdad de la historia ser los rebuznadores alcaldes o regidores, -como ellos una por una hayan rebuznado; porque tan a pique está de rebuznar -un alcalde como un regidor. - -Finalmente, conocieron y supieron como el pueblo corrido salía a pelear con -otro que le corría más de lo justo y de lo que se debía a la buena -vecindad. - -Fuese llegando a ellos don Quijote, no con poca pesadumbre de Sancho, que -nunca fue amigo de hallarse en semejantes jornadas. Los del escuadrón le -recogieron en medio, creyendo que era alguno de los de su parcialidad. Don -Quijote, alzando la visera, con gentil brío y continente, llegó hasta el -estandarte del asno, y allí se le pusieron alrededor todos los más -principales del ejército, por verle, admirados con la admiración -acostumbrada en que caían todos aquellos que la vez primera le miraban. Don -Quijote, que los vio tan atentos a mirarle, sin que ninguno le hablase ni -le preguntase nada, quiso aprovecharse de aquel silencio, y, rompiendo el -suyo, alzó la voz y dijo: - -— Buenos señores, cuan encarecidamente puedo, os suplico que no interrumpáis -un razonamiento que quiero haceros, hasta que veáis que os disgusta y -enfada; que si esto sucede, con la más mínima señal que me hagáis pondré un -sello en mi boca y echaré una mordaza a mi lengua. - -Todos le dijeron que dijese lo que quisiese, que de buena gana le -escucharían. Don Quijote, con esta licencia, prosiguió diciendo: - -Yo, señores míos, soy caballero andante, cuyo ejercicio es el de las armas, -y cuya profesión la de favorecer a los necesitados de favor y acudir a los -menesterosos. Días ha que he sabido vuestra desgracia y la causa que os -mueve a tomar las armas a cada paso, para vengaros de vuestros enemigos; y, -habiendo discurrido una y muchas veces en mi entendimiento sobre vuestro -negocio, hallo, según las leyes del duelo, que estáis engañados en teneros -por afrentados, porque ningún particular puede afrentar a un pueblo entero, -si no es retándole de traidor por junto, porque no sabe en particular quién -cometió la traición por que le reta. Ejemplo desto tenemos en don Diego -Ordóñez de Lara, que retó a todo el pueblo zamorano, porque ignoraba que -solo Vellido Dolfos había cometido la traición de matar a su rey; y así, -retó a todos, y a todos tocaba la venganza y la respuesta; aunque bien es -verdad que el señor don Diego anduvo algo demasiado, y aun pasó muy -adelante de los límites del reto, porque no tenía para qué retar a los -muertos, a las aguas, ni a los panes, ni a los que estaban por nacer, ni a -las otras menudencias que allí se declaran; pero, ¡vaya!, pues cuando la -cólera sale de madre, no tiene la lengua padre, ayo ni freno que la -corrija. Siendo, pues, esto así, que uno solo no puede afrentar a reino, -provincia, ciudad, república ni pueblo entero, queda en limpio que no hay -para qué salir a la venganza del reto de la tal afrenta, pues no lo es; -porque, ¡bueno sería que se matasen a cada paso los del pueblo de la Reloja -con quien se lo llama, ni los cazoleros, berenjeneros, ballenatos, -jaboneros, ni los de otros nombres y apellidos que andan por ahí en boca de -los muchachos y de gente de poco más a menos! ¡Bueno sería, por cierto, que -todos estos insignes pueblos se corriesen y vengasen, y anduviesen contino -hechas las espadas sacabuches a cualquier pendencia, por pequeña que fuese! -No, no, ni Dios lo permita o quiera. Los varones prudentes, las repúblicas -bien concertadas, por cuatro cosas han de tomar las armas y desenvainar las -espadas, y poner a riesgo sus personas, vidas y haciendas: la primera, por -defender la fe católica; la segunda, por defender su vida, que es de ley -natural y divina; la tercera, en defensa de su honra, de su familia y -hacienda; la cuarta, en servicio de su rey, en la guerra justa; y si le -quisiéremos añadir la quinta, que se puede contar por segunda, es en -defensa de su patria. A estas cinco causas, como capitales, se pueden -agregar algunas otras que sean justas y razonables, y que obliguen a tomar -las armas; pero tomarlas por niñerías y por cosas que antes son de risa y -pasatiempo que de afrenta, parece que quien las toma carece de todo -razonable discurso; cuanto más, que el tomar venganza injusta, que justa no -puede haber alguna que lo sea, va derechamente contra la santa ley que -profesamos, en la cual se nos manda que hagamos bien a nuestros enemigos y -que amemos a los que nos aborrecen; mandamiento que, aunque parece algo -dificultoso de cumplir, no lo es sino para aquellos que tienen menos de -Dios que del mundo, y más de carne que de espíritu; porque Jesucristo, Dios -y hombre verdadero, que nunca mintió, ni pudo ni puede mentir, siendo -legislador nuestro, dijo que su yugo era suave y su carga liviana; y así, -no nos había de mandar cosa que fuese imposible el cumplirla. Así que, mis -señores, vuesas mercedes están obligados por leyes divinas y humanas a -sosegarse. - -— El diablo me lleve —dijo a esta sazón Sancho entre sí— si este mi amo no -es tólogo; y si no lo es, que lo parece como un güevo a otro. - -Tomó un poco de aliento don Quijote, y, viendo que todavía le prestaban -silencio, quiso pasar adelante en su plática, como pasara ni no se pusiere -en medio la agudeza de Sancho, el cual, viendo que su amo se detenía, tomó -la mano por él, diciendo: - -— Mi señor don Quijote de la Mancha, que un tiempo se llamó el Caballero de -la Triste Figura y ahora se llama el Caballero de los Leones, es un hidalgo -muy atentado, que sabe latín y romance como un bachiller, y en todo cuanto -trata y aconseja procede como muy buen soldado, y tiene todas las leyes y -ordenanzas de lo que llaman el duelo en la uña; y así, no hay más que hacer -sino dejarse llevar por lo que él dijere, y sobre mí si lo erraren; cuanto -más, que ello se está dicho que es necedad correrse por sólo oír un -rebuzno, que yo me acuerdo, cuando muchacho, que rebuznaba cada y cuando -que se me antojaba, sin que nadie me fuese a la mano, y con tanta gracia y -propiedad que, en rebuznando yo, rebuznaban todos los asnos del pueblo, y -no por eso dejaba de ser hijo de mis padres, que eran honradísimos; y, -aunque por esta habilidad era invidiado de más de cuatro de los estirados -de mi pueblo, no se me daba dos ardites. Y, porque se vea que digo verdad, -esperen y escuchen, que esta ciencia es como la del nadar: que, una vez -aprendida, nunca se olvida. - -Y luego, puesta la mano en las narices, comenzó a rebuznar tan reciamente, -que todos los cercanos valles retumbaron. Pero uno de los que estaban junto -a él, creyendo que hacía burla dellos, alzó un varapalo que en la mano -tenía, y diole tal golpe con él, que, sin ser poderoso a otra cosa, dio con -Sancho Panza en el suelo. Don Quijote, que vio tan malparado a Sancho, -arremetió al que le había dado, con la lanza sobre mano, pero fueron tantos -los que se pusieron en medio, que no fue posible vengarle; antes, viendo -que llovía sobre él un nublado de piedras, y que le amenazaban mil -encaradas ballestas y no menos cantidad de arcabuces, volvió las riendas a -Rocinante, y a todo lo que su galope pudo, se salió de entre ellos, -encomendándose de todo corazón a Dios, que de aquel peligro le librase, -temiendo a cada paso no le entrase alguna bala por las espaldas y le -saliese al pecho; y a cada punto recogía el aliento, por ver si le faltaba. - -Pero los del escuadrón se contentaron con verle huir, sin tirarle. A Sancho -le pusieron sobre su jumento, apenas vuelto en sí, y le dejaron ir tras su -amo, no porque él tuviese sentido para regirle; pero el rucio siguió las -huellas de Rocinante, sin el cual no se hallaba un punto. Alongado, pues, -don Quijote buen trecho, volvió la cabeza y vio que Sancho venía, y -atendióle, viendo que ninguno le seguía. - -Los del escuadrón se estuvieron allí hasta la noche, y, por no haber salido -a la batalla sus contrarios, se volvieron a su pueblo, regocijados y -alegres; y si ellos supieran la costumbre antigua de los griegos, -levantaran en aquel lugar y sitio un trofeo. - - - - -Capítulo XXVIII. De cosas que dice Benengeli que las sabrá quien le leyere, -si las lee con atención - -Cuando el valiente huye, la superchería está descubierta, y es de varones -prudentes guardarse para mejor ocasión. Esta verdad se verificó en don -Quijote, el cual, dando lugar a la furia del pueblo y a las malas -intenciones de aquel indignado escuadrón, puso pies en polvorosa, y, sin -acordarse de Sancho ni del peligro en que le dejaba, se apartó tanto cuanto -le pareció que bastaba para estar seguro. Seguíale Sancho, atravesado en su -jumento, como queda referido. Llegó, en fin, ya vuelto en su acuerdo, y al -llegar, se dejó caer del rucio a los pies de Rocinante, todo ansioso, todo -molido y todo apaleado. Apeóse don Quijote para catarle las feridas; pero, -como le hallase sano de los pies a la cabeza, con asaz cólera le dijo: - -— ¡Tan en hora mala supistes vos rebuznar, Sancho! Y ¿dónde hallastes vos -ser bueno el nombrar la soga en casa del ahorcado? A música de rebuznos, -¿qué contrapunto se había de llevar sino de varapalos? Y dad gracias a -Dios, Sancho, que ya que os santiguaron con un palo, no os hicieron el per -signum crucis con un alfanje. - -— No estoy para responder —respondió Sancho—, porque me parece que hablo por -las espaldas. Subamos y apartémonos de aquí, que yo pondré silencio en mis -rebuznos, pero no en dejar de decir que los caballeros andantes huyen, y -dejan a sus buenos escuderos molidos como alheña, o como cibera, en poder -de sus enemigos. - -— No huye el que se retira —respondió don Quijote—, porque has de saber, -Sancho, que la valentía que no se funda sobre la basa de la prudencia se -llama temeridad, y las hazañas del temerario más se atribuyen a la buena -fortuna que a su ánimo. Y así, yo confieso que me he retirado, pero no -huido; y en esto he imitado a muchos valientes, que se han guardado para -tiempos mejores, y desto están las historias llenas, las cuales, por no -serte a ti de provecho ni a mí de gusto, no te las refiero ahora. - -En esto, ya estaba a caballo Sancho, ayudado de don Quijote, el cual -asimismo subió en Rocinante, y poco a poco se fueron a emboscar en una -alameda que hasta un cuarto de legua de allí se parecía. De cuando en -cuando daba Sancho unos ayes profundísimos y unos gemidos dolorosos; y, -preguntándole don Quijote la causa de tan amargo sentimiento, respondió -que, desde la punta del espinazo hasta la nuca del celebro, le dolía de -manera que le sacaba de sentido. - -— La causa dese dolor debe de ser, sin duda —dijo don Quijote—, que, como -era el palo con que te dieron largo y tendido, te cogió todas las espaldas, -donde entran todas esas partes que te duelen; y si más te cogiera, más te -doliera. - -— ¡Por Dios —dijo Sancho—, que vuesa merced me ha sacado de una gran duda, y -que me la ha declarado por lindos términos! ¡Cuerpo de mí! ¿Tan encubierta -estaba la causa de mi dolor que ha sido menester decirme que me duele todo -todo aquello que alcanzó el palo? Si me dolieran los tobillos, aún pudiera -ser que se anduviera adivinando el porqué me dolían, pero dolerme lo que me -molieron no es mucho adivinar. A la fe, señor nuestro amo, el mal ajeno de -pelo cuelga, y cada día voy descubriendo tierra de lo poco que puedo -esperar de la compañía que con vuestra merced tengo; porque si esta vez me -ha dejado apalear, otra y otras ciento volveremos a los manteamientos de -marras y a otras muchacherías, que si ahora me han salido a las espaldas, -después me saldrán a los ojos. Harto mejor haría yo, sino que soy un -bárbaro, y no haré nada que bueno sea en toda mi vida; harto mejor haría -yo, vuelvo a decir, en volverme a mi casa, y a mi mujer, y a mis hijos, y -sustentarla y criarlos con lo que Dios fue servido de darme, y no andarme -tras vuesa merced por caminos sin camino y por sendas y carreras que no las -tienen, bebiendo mal y comiendo peor. Pues, ¡tomadme el dormir! Contad, -hermano escudero, siete pies de tierra, y si quisiéredes más, tomad otros -tantos, que en vuestra mano está escudillar, y tendeos a todo vuestro buen -talante; que quemado vea yo y hecho polvos al primero que dio puntada en la -andante caballería, o, a lo menos, al primero que quiso ser escudero de -tales tontos como debieron ser todos los caballeros andantes pasados. De -los presentes no digo nada, que, por ser vuestra merced uno dellos, los -tengo respeto, y porque sé que sabe vuesa merced un punto más que el diablo -en cuanto habla y en cuanto piensa. - -— Haría yo una buena apuesta con vos, Sancho —dijo don Quijote—: que ahora -que vais hablando sin que nadie os vaya a la mano, que no os duele nada en -todo vuestro cuerpo. Hablad, hijo mío, todo aquello que os viniere al -pensamiento y a la boca; que, a trueco de que a vos no os duela nada, -tendré yo por gusto el enfado que me dan vuestras impertinencias. Y si -tanto deseáis volveros a vuestra casa con vuestra mujer y hijos, no permita -Dios que yo os lo impida; dineros tenéis míos: mirad cuánto ha que esta -tercera vez salimos de nuestro pueblo, y mirad lo que podéis y debéis ganar -cada mes, y pagaos de vuestra mano. - -— Cuando yo servía —respondió Sancho— a Tomé Carrasco, el padre del -bachiller Sansón Carrasco, que vuestra merced bien conoce, dos ducados -ganaba cada mes, amén de la comida; con vuestra merced no sé lo que puedo -ganar, puesto que sé que tiene más trabajo el escudero del caballero -andante que el que sirve a un labrador; que, en resolución, los que -servimos a labradores, por mucho que trabajemos de día, por mal que suceda, -a la noche cenamos olla y dormimos en cama, en la cual no he dormido -después que ha que sirvo a vuestra merced. Si no ha sido el tiempo breve -que estuvimos en casa de don Diego de Miranda, y la jira que tuve con la -espuma que saqué de las ollas de Camacho, y lo que comí y bebí y dormí en -casa de Basilio, todo el otro tiempo he dormido en la dura tierra, al cielo -abierto, sujeto a lo que dicen inclemencias del cielo, sustentándome con -rajas de queso y mendrugos de pan, y bebiendo aguas, ya de arroyos, ya de -fuentes, de las que encontramos por esos andurriales donde andamos. - -— Confieso —dijo don Quijote— que todo lo que dices, Sancho, sea verdad. -¿Cuánto parece que os debo dar más de lo que os daba Tomé Carrasco? - -— A mi parecer —dijo Sancho—, con dos reales más que vuestra merced añadiese -cada mes me tendría por bien pagado. Esto es cuanto al salario de mi -trabajo; pero, en cuanto a satisfacerme a la palabra y promesa que vuestra -merced me tiene hecha de darme el gobierno de una ínsula, sería justo que -se me añadiesen otros seis reales, que por todos serían treinta. - -— Está muy bien —replicó don Quijote—; y, conforme al salario que vos os -habéis señalado, 23 días ha que salimos de nuestro pueblo: contad, Sancho, -rata por cantidad, y mirad lo que os debo, y pagaos, como os tengo dicho, -de vuestra mano. - -— ¡Oh, cuerpo de mí! —dijo Sancho—, que va vuestra merced muy errado en esta -cuenta, porque en lo de la promesa de la ínsula se ha de contar desde el -día que vuestra merced me la prometió hasta la presente hora en que -estamos. - -— Pues, ¿qué tanto ha, Sancho, que os la prometí? —dijo don Quijote. - -— Si yo mal no me acuerdo —respondió Sancho—, debe de haber más de veinte -años, tres días más a menos. - -Diose don Quijote una gran palmada en la frente, y comenzó a reír muy de -gana, y dijo: - -— Pues no anduve yo en Sierra Morena, ni en todo el discurso de nuestras -salidas, sino dos meses apenas, y ¿dices, Sancho, que ha veinte años que te -prometí la ínsula? Ahora digo que quieres que se consuman en tus salarios -el dinero que tienes mío; y si esto es así, y tú gustas dello, desde aquí -te lo doy, y buen provecho te haga; que, a trueco de verme sin tan mal -escudero, holgaréme de quedarme pobre y sin blanca. Pero dime, prevaricador -de las ordenanzas escuderiles de la andante caballería, ¿dónde has visto -tú, o leído, que ningún escudero de caballero andante se haya puesto con su -señor en tanto más cuánto me habéis de dar cada mes porque os sirva? -Éntrate, éntrate, malandrín, follón y vestiglo, que todo lo pareces; -éntrate, digo, por el mare magnum de sus historias, y si hallares que algún -escudero haya dicho, ni pensado, lo que aquí has dicho, quiero que me le -claves en la frente, y, por añadidura, me hagas cuatro mamonas selladas en -mi rostro. Vuelve las riendas, o el cabestro, al rucio, y vuélvete a tu -casa, porque un solo paso desde aquí no has de pasar más adelante conmigo. -¡Oh pan mal conocido! ¡Oh promesas mal colocadas! ¡Oh hombre que tiene más -de bestia que de persona! ¿Ahora, cuando yo pensaba ponerte en estado, y -tal, que a pesar de tu mujer te llamaran señoría, te despides? ¿Ahora te -vas, cuando yo venía con intención firme y valedera de hacerte señor de la -mejor ínsula del mundo? En fin, como tú has dicho otras veces, no es la -miel... etc. Asno eres, y asno has de ser, y en asno has de parar cuando se -te acabe el curso de la vida; que para mí tengo que antes llegará ella a su -último término que tú caigas y des en la cuenta de que eres bestia. - -Miraba Sancho a don Quijote de en hito en hito, en tanto que los tales -vituperios le decía, y compungióse de manera que le vinieron las lágrimas a -los ojos, y con voz dolorida y enferma le dijo: - -— Señor mío, yo confieso que para ser del todo asno no me falta más de la -cola; si vuestra merced quiere ponérmela, yo la daré por bien puesta, y le -serviré como jumento todos los días que me quedan de mi vida. Vuestra -merced me perdone y se duela de mi mocedad, y advierta que sé poco, y que -si hablo mucho, más procede de enfermedad que de malicia; mas, quien yerra -y se enmienda, a Dios se encomienda. - -— Maravillárame yo, Sancho, si no mezclaras algún refrancico en tu coloquio. -Ahora bien, yo te perdono, con que te emiendes, y con que no te muestres de -aquí adelante tan amigo de tu interés, sino que procures ensanchar el -corazón, y te alientes y animes a esperar el cumplimiento de mis promesas, -que, aunque se tarda, no se imposibilita. - -Sancho respondió que sí haría, aunque sacase fuerzas de flaqueza. - -Con esto, se metieron en la alameda, y don Quijote se acomodó al pie de un -olmo, y Sancho al de una haya; que estos tales árboles y otros sus -semejantes siempre tienen pies, y no manos. Sancho pasó la noche -penosamente, porque el varapalo se hacía más sentir con el sereno. Don -Quijote la pasó en sus continuas memorias; pero, con todo eso, dieron los -ojos al sueño, y al salir del alba siguieron su camino buscando las riberas -del famoso Ebro, donde les sucedió lo que se contará en el capítulo -venidero. - - - - -Capítulo XXIX. De la famosa aventura del barco encantado - -Por sus pasos contados y por contar, dos días después que salieron de la -alameda, llegaron don Quijote y Sancho al río Ebro, y el verle fue de gran -gusto a don Quijote, porque contempló y miró en él la amenidad de sus -riberas, la claridad de sus aguas, el sosiego de su curso y la abundancia -de sus líquidos cristales, cuya alegre vista renovó en su memoria mil -amorosos pensamientos. Especialmente fue y vino en lo que había visto en la -cueva de Montesinos; que, puesto que el mono de maese Pedro le había dicho -que parte de aquellas cosas eran verdad y parte mentira, él se atenía más a -las verdaderas que a las mentirosas, bien al revés de Sancho, que todas las -tenía por la mesma mentira. - -Yendo, pues, desta manera, se le ofreció a la vista un pequeño barco sin -remos ni otras jarcias algunas, que estaba atado en la orilla a un tronco -de un árbol que en la ribera estaba. Miró don Quijote a todas partes, y no -vio persona alguna; y luego, sin más ni más, se apeó de Rocinante y mandó a -Sancho que lo mesmo hiciese del rucio, y que a entrambas bestias las atase -muy bien, juntas, al tronco de un álamo o sauce que allí estaba. Preguntóle -Sancho la causa de aquel súbito apeamiento y de aquel ligamiento. Respondió -don Quijote: - -— Has de saber, Sancho, que este barco que aquí está, derechamente y sin -poder ser otra cosa en contrario, me está llamando y convidando a que entre -en él, y vaya en él a dar socorro a algún caballero, o a otra necesitada y -principal persona, que debe de estar puesta en alguna grande cuita, porque -éste es estilo de los libros de las historias caballerescas y de los -encantadores que en ellas se entremeten y platican: cuando algún caballero -está puesto en algún trabajo, que no puede ser librado dél sino por la mano -de otro caballero, puesto que estén distantes el uno del otro dos o tres -mil leguas, y aun más, o le arrebatan en una nube o le deparan un barco -donde se entre, y en menos de un abrir y cerrar de ojos le llevan, o por -los aires, o por la mar, donde quieren y adonde es menester su ayuda; así -que, ¡oh Sancho!, este barco está puesto aquí para el mesmo efecto; y esto -es tan verdad como es ahora de día; y antes que éste se pase, ata juntos al -rucio y a Rocinante, y a la mano de Dios, que nos guíe, que no dejaré de -embarcarme si me lo pidiesen frailes descalzos. - -— Pues así es —respondió Sancho—, y vuestra merced quiere dar a cada paso en -estos que no sé si los llame disparates, no hay sino obedecer y bajar la -cabeza, atendiendo al refrán "haz lo que tu amo te manda, y siéntate con él -a la mesa"; pero, con todo esto, por lo que toca al descargo de mi -conciencia, quiero advertir a vuestra merced que a mí me parece que este -tal barco no es de los encantados, sino de algunos pescadores deste río, -porque en él se pescan las mejores sabogas del mundo. - -Esto decía, mientras ataba las bestias, Sancho, dejándolas a la proteción y -amparo de los encantadores, con harto dolor de su ánima. Don Quijote le -dijo que no tuviese pena del desamparo de aquellos animales, que el que los -llevaría a ellos por tan longincuos caminos y regiones tendría cuenta de -sustentarlos. - -— No entiendo eso de logicuos —dijo Sancho—, ni he oído tal vocablo en todos -los días de mi vida. - -— Longincuos —respondió don Quijote— quiere decir apartados; y no es -maravilla que no lo entiendas, que no estás tú obligado a saber latín, como -algunos que presumen que lo saben, y lo ignoran. - -— Ya están atados —replicó Sancho—. ¿Qué hemos de hacer ahora? - -— ¿Qué? —respondió don Quijote—. Santiguarnos y levar ferro; quiero decir, -embarcarnos y cortar la amarra con que este barco está atado. - -Y, dando un salto en él, siguiéndole Sancho, cortó el cordel, y el barco se -fue apartando poco a poco de la ribera; y cuando Sancho se vio obra de dos -varas dentro del río, comenzó a temblar, temiendo su perdición; pero -ninguna cosa le dio más pena que el oír roznar al rucio y el ver que -Rocinante pugnaba por desatarse, y díjole a su señor: - -— El rucio rebuzna, condolido de nuestra ausencia, y Rocinante procura -ponerse en libertad para arrojarse tras nosotros. ¡Oh carísimos amigos, -quedaos en paz, y la locura que nos aparta de vosotros, convertida en -desengaño, nos vuelva a vuestra presencia! - -Y, en esto, comenzó a llorar tan amargamente que don Quijote, mohíno y -colérico, le dijo: - -— ¿De qué temes, cobarde criatura? ¿De qué lloras, corazón de mantequillas? -¿Quién te persigue, o quién te acosa, ánimo de ratón casero, o qué te -falta, menesteroso en la mitad de las entrañas de la abundancia? ¿Por dicha -vas caminando a pie y descalzo por las montañas rifeas, sino sentado en una -tabla, como un archiduque, por el sesgo curso deste agradable río, de donde -en breve espacio saldremos al mar dilatado? Pero ya habemos de haber -salido, y caminado, por lo menos, setecientas o ochocientas leguas; y si yo -tuviera aquí un astrolabio con que tomar la altura del polo, yo te dijera -las que hemos caminado; aunque, o yo sé poco, o ya hemos pasado, o -pasaremos presto, por la línea equinocial, que divide y corta los dos -contrapuestos polos en igual distancia. - -— Y cuando lleguemos a esa leña que vuestra merced dice —preguntó Sancho—, -¿cuánto habremos caminado? - -— Mucho —replicó don Quijote—, porque de trecientos y sesenta grados que -contiene el globo, del agua y de la tierra, según el cómputo de Ptolomeo, -que fue el mayor cosmógrafo que se sabe, la mitad habremos caminado, -llegando a la línea que he dicho. - -— Por Dios —dijo Sancho—, que vuesa merced me trae por testigo de lo que -dice a una gentil persona, puto y gafo, con la añadidura de meón, o meo, o -no sé cómo. - -Rióse don Quijote de la interpretación que Sancho había dado al nombre y al -cómputo y cuenta del cosmógrafo Ptolomeo, y díjole: - -— Sabrás, Sancho, que los españoles y los que se embarcan en Cádiz para ir a -las Indias Orientales, una de las señales que tienen para entender que han -pasado la línea equinocial que te he dicho es que a todos los que van en el -navío se les mueren los piojos, sin que les quede ninguno, ni en todo el -bajel le hallarán, si le pesan a oro; y así, puedes, Sancho, pasear una -mano por un muslo, y si topares cosa viva, saldremos desta duda; y si no, -pasado habemos. - -— Yo no creo nada deso —respondió Sancho—, pero, con todo, haré lo que vuesa -merced me manda, aunque no sé para qué hay necesidad de hacer esas -experiencias, pues yo veo con mis mismos ojos que no nos habemos apartado -de la ribera cinco varas, ni hemos decantado de donde están las alemañas -dos varas, porque allí están Rocinante y el rucio en el propio lugar do los -dejamos; y tomada la mira, como yo la tomo ahora, voto a tal que no nos -movemos ni andamos al paso de una hormiga. - -— Haz, Sancho, la averiguación que te he dicho, y no te cures de otra, que -tú no sabes qué cosa sean coluros, líneas, paralelos, zodíacos, clíticas, -polos, solsticios, equinocios, planetas, signos, puntos, medidas, de que se -compone la esfera celeste y terrestre; que si todas estas cosas supieras, o -parte dellas, vieras claramente qué de paralelos hemos cortado, qué de -signos visto y qué de imágines hemos dejado atrás y vamos dejando ahora. Y -tórnote a decir que te tientes y pesques, que yo para mí tengo que estás -más limpio que un pliego de papel liso y blanco. - -Tentóse Sancho, y, llegando con la mano bonitamente y con tiento hacia la -corva izquierda, alzó la cabeza y miró a su amo, y dijo: - -— O la experiencia es falsa, o no hemos llegado adonde vuesa merced dice, ni -con muchas leguas. - -— Pues ¿qué? —preguntó don Quijote—, ¿has topado algo? - -— ¡Y aun algos! —respondió Sancho. - -Y, sacudiéndose los dedos, se lavó toda la mano en el río, por el cual -sosegadamente se deslizaba el barco por mitad de la corriente, sin que le -moviese alguna inteligencia secreta, ni algún encantador escondido, sino el -mismo curso del agua, blando entonces y suave. - -En esto, descubrieron unas grandes aceñas que en la mitad del río estaban; -y apenas las hubo visto don Quijote, cuando con voz alta dijo a Sancho: - -— ¿Vees? Allí, ¡oh amigo!, se descubre la ciudad, castillo o fortaleza donde -debe de estar algún caballero oprimido, o alguna reina, infanta o princesa -malparada, para cuyo socorro soy aquí traído. - -— ¿Qué diablos de ciudad, fortaleza o castillo dice vuesa merced, señor? -— dijo Sancho—. ¿No echa de ver que aquéllas son aceñas que están en el río, -donde se muele el trigo? - -— Calla, Sancho —dijo don Quijote—; que, aunque parecen aceñas, no lo son; y -ya te he dicho que todas las cosas trastruecan y mudan de su ser natural -los encantos. No quiero decir que las mudan de en uno en otro ser -realmente, sino que lo parece, como lo mostró la experiencia en la -transformación de Dulcinea, único refugio de mis esperanzas. - -En esto, el barco, entrado en la mitad de la corriente del río, comenzó a -caminar no tan lentamente como hasta allí. Los molineros de las aceñas, que -vieron venir aquel barco por el río, y que se iba a embocar por el raudal -de las ruedas, salieron con presteza muchos dellos con varas largas a -detenerle, y, como salían enharinados, y cubiertos los rostros y los -vestidos del polvo de la harina, representaban una mala vista. Daban voces -grandes, diciendo: - -— ¡Demonios de hombres! ¿Dónde vais? ¿Venís desesperados? ¿Qué queréis, -ahogaros y haceros pedazos en estas ruedas? - -— ¿No te dije yo, Sancho —dijo a esta sazón don Quijote—, que habíamos -llegado donde he de mostrar a dó llega el valor de mi brazo? Mira qué de -malandrines y follones me salen al encuentro, mira cuántos vestiglos se me -oponen, mira cuántas feas cataduras nos hacen cocos... Pues ¡ahora lo -veréis, bellacos! - -Y, puesto en pie en el barco, con grandes voces comenzó a amenazar a los -molineros, diciéndoles: - -— Canalla malvada y peor aconsejada, dejad en su libertad y libre albedrío a -la persona que en esa vuestra fortaleza o prisión tenéis oprimida, alta o -baja, de cualquiera suerte o calidad que sea, que yo soy don Quijote de la -Mancha, llamado el Caballero de los Leones por otro nombre, a quien está -reservada por orden de los altos cielos el dar fin felice a esta aventura. - -Y, diciendo esto, echó mano a su espada y comenzó a esgrimirla en el aire -contra los molineros; los cuales, oyendo y no entendiendo aquellas -sandeces, se pusieron con sus varas a detener el barco, que ya iba entrando -en el raudal y canal de las ruedas. - -Púsose Sancho de rodillas, pidiendo devotamente al cielo le librase de tan -manifiesto peligro, como lo hizo, por la industria y presteza de los -molineros, que, oponiéndose con sus palos al barco, le detuvieron, pero no -de manera que dejasen de trastornar el barco y dar con don Quijote y con -Sancho al través en el agua; pero vínole bien a don Quijote, que sabía -nadar como un ganso, aunque el peso de las armas le llevó al fondo dos -veces; y si no fuera por los molineros, que se arrojaron al agua y los -sacaron como en peso a entrambos, allí había sido Troya para los dos. - -Puestos, pues, en tierra, más mojados que muertos de sed, Sancho, puesto de -rodillas, las manos juntas y los ojos clavados al cielo, pidió a Dios con -una larga y devota plegaria le librase de allí adelante de los atrevidos -deseos y acometimientos de su señor. - -Llegaron en esto los pescadores dueños del barco, a quien habían hecho -pedazos las ruedas de las aceñas; y, viéndole roto, acometieron a desnudar -a Sancho, y a pedir a don Quijote se lo pagase; el cual, con gran sosiego, -como si no hubiera pasado nada por él, dijo a los molineros y pescadores -que él pagaría el barco de bonísima gana, con condición que le diesen libre -y sin cautela a la persona o personas que en aquel su castillo estaban -oprimidas. - -— ¿Qué personas o qué castillo dice —respondió uno de los molineros—, hombre -sin juicio? ¿Quiéreste llevar por ventura las que vienen a moler trigo a -estas aceñas? - -— ¡Basta! —dijo entre sí don Quijote—. Aquí será predicar en desierto -querer reducir a esta canalla a que por ruegos haga virtud alguna. Y en -esta aventura se deben de haber encontrado dos valientes encantadores, y el -uno estorba lo que el otro intenta: el uno me deparó el barco, y el otro -dio conmigo al través. Dios lo remedie, que todo este mundo es máquinas y -trazas, contrarias unas de otras. Yo no puedo más. - -Y, alzando la voz, prosiguió diciendo, y mirando a las aceñas: - -— Amigos, cualesquiera que seáis, que en esa prisión quedáis encerrados, -perdonadme; que, por mi desgracia y por la vuestra, yo no os puedo sacar de -vuestra cuita. Para otro caballero debe de estar guardada y reservada esta -aventura. - -En diciendo esto, se concertó con los pescadores, y pagó por el barco -cincuenta reales, que los dio Sancho de muy mala gana, diciendo: - -— A dos barcadas como éstas, daremos con todo el caudal al fondo. - -Los pescadores y molineros estaban admirados, mirando aquellas dos figuras -tan fuera del uso, al parecer, de los otros hombres, y no acababan de -entender a dó se encaminaban las razones y preguntas que don Quijote les -decía; y, teniéndolos por locos, les dejaron y se recogieron a sus aceñas, -y los pescadores a sus ranchos. Volvieron a sus bestias, y a ser bestias, -don Quijote y Sancho, y este fin tuvo la aventura del encantado barco. - - - - -Capítulo XXX. De lo que le avino a don Quijote con una bella cazadora - -Asaz melancólicos y de mal talante llegaron a sus animales caballero y -escudero, especialmente Sancho, a quien llegaba al alma llegar al caudal -del dinero, pareciéndole que todo lo que dél se quitaba era quitárselo a -él de las niñas de sus ojos. Finalmente, sin hablarse palabra, se pusieron -a caballo y se apartaron del famoso río, don Quijote sepultado en los -pensamientos de sus amores, y Sancho en los de su acrecentamiento, que por -entonces le parecía que estaba bien lejos de tenerle; porque, maguer era -tonto, bien se le alcanzaba que las acciones de su amo, todas o las más, -eran disparates, y buscaba ocasión de que, sin entrar en cuentas ni en -despedimientos con su señor, un día se desgarrase y se fuese a su casa. -Pero la fortuna ordenó las cosas muy al revés de lo que él temía. - -Sucedió, pues, que otro día, al poner del sol y al salir de una selva, -tendió don Quijote la vista por un verde prado, y en lo último dél vio -gente, y, llegándose cerca, conoció que eran cazadores de altanería. -Llegóse más, y entre ellos vio una gallarda señora sobre un palafrén o -hacanea blanquísima, adornada de guarniciones verdes y con un sillón de -plata. Venía la señora asimismo vestida de verde, tan bizarra y ricamente -que la misma bizarría venía transformada en ella. En la mano izquierda -traía un azor, señal que dio a entender a don Quijote ser aquélla alguna -gran señora, que debía serlo de todos aquellos cazadores, como era la -verdad; y así, dijo a Sancho: - -— Corre, hijo Sancho, y di a aquella señora del palafrén y del azor que yo, -el Caballero de los Leones, besa las manos a su gran fermosura, y que si su -grandeza me da licencia, se las iré a besar, y a servirla en cuanto mis -fuerzas pudieren y su alteza me mandare. Y mira, Sancho, cómo hablas, y ten -cuenta de no encajar algún refrán de los tuyos en tu embajada. - -— ¡Hallado os le habéis el encajador! —respondió Sancho—. ¡A mí con eso! -¡Sí, que no es ésta la vez primera que he llevado embajadas a altas y -crecidas señoras en esta vida! - -— Si no fue la que llevaste a la señora Dulcinea —replicó don Quijote—, yo -no sé que hayas llevado otra, a lo menos en mi poder. - -— Así es verdad —respondió Sancho—, pero al buen pagador no le duelen -prendas, y en casa llena presto se guisa la cena; quiero decir que a mí no -hay que decirme ni advertirme de nada, que para todo tengo y de todo se me -alcanza un poco. - -— Yo lo creo, Sancho —dijo don Quijote—; ve en buena hora, y Dios te guíe. - -Partió Sancho de carrera, sacando de su paso al rucio, y llegó donde la -bella cazadora estaba, y, apeándose, puesto ante ella de hinojos, le dijo: - -— Hermosa señora, aquel caballero que allí se parece, llamado el Caballero -de los Leones, es mi amo, y yo soy un escudero suyo, a quien llaman en su -casa Sancho Panza. Este tal Caballero de los Leones, que no ha mucho que se -llamaba el de la Triste Figura, envía por mí a decir a vuestra grandeza sea -servida de darle licencia para que, con su propósito y beneplácito y -consentimiento, él venga a poner en obra su deseo, que no es otro, según él -dice y yo pienso, que de servir a vuestra encumbrada altanería y fermosura; -que en dársela vuestra señoría hará cosa que redunde en su pro, y él -recibirá señaladísima merced y contento. - -— Por cierto, buen escudero —respondió la señora—, vos habéis dado la -embajada vuestra con todas aquellas circunstancias que las tales embajadas -piden. Levantaos del suelo, que escudero de tan gran caballero como es el -de la Triste Figura, de quien ya tenemos acá mucha noticia, no es justo que -esté de hinojos; levantaos, amigo, y decid a vuestro señor que venga mucho -en hora buena a servirse de mí y del duque mi marido, en una casa de placer -que aquí tenemos. - -Levantóse Sancho admirado, así de la hermosura de la buena señora como de -su mucha crianza y cortesía, y más de lo que le había dicho que tenía -noticia de su señor el Caballero de la Triste Figura, y que si no le -había llamado el de los Leones, debía de ser por habérsele puesto tan -nuevamente. Preguntóle la duquesa, cuyo título aún no se sabe: - -— Decidme, hermano escudero: este vuestro señor, ¿no es uno de quien anda -impresa una historia que se llama del ingenioso hidalgo don Quijote de la -Mancha, que tiene por señora de su alma a una tal Dulcinea del Toboso? - -— El mesmo es, señora —respondió Sancho—; y aquel escudero suyo que anda, o -debe de andar, en la tal historia, a quien llaman Sancho Panza, soy yo, si -no es que me trocaron en la cuna; quiero decir, que me trocaron en la -estampa. - -— De todo eso me huelgo yo mucho —dijo la duquesa—. Id, hermano Panza, y -decid a vuestro señor que él sea el bien llegado y el bien venido a mis -estados, y que ninguna cosa me pudiera venir que más contento me diera. - -Sancho, con esta tan agradable respuesta, con grandísimo gusto volvió a su -amo, a quien contó todo lo que la gran señora le había dicho, levantando -con sus rústicos términos a los cielos su mucha fermosura, su gran donaire -y cortesía. Don Quijote se gallardeó en la silla, púsose bien en los -estribos, acomodóse la visera, arremetió a Rocinante, y con gentil denuedo -fue a besar las manos a la duquesa; la cual, haciendo llamar al duque, su -marido, le contó, en tanto que don Quijote llegaba, toda la embajada suya; -y los dos, por haber leído la primera parte desta historia y haber -entendido por ella el disparatado humor de don Quijote, con grandísimo -gusto y con deseo de conocerle le atendían, con prosupuesto de seguirle el -humor y conceder con él en cuanto les dijese, tratándole como a caballero -andante los días que con ellos se detuviese, con todas las ceremonias -acostumbradas en los libros de caballerías, que ellos habían leído, y aun -les eran muy aficionados. - -En esto, llegó don Quijote, alzada la visera; y, dando muestras de apearse, -acudió Sancho a tenerle el estribo; pero fue tan desgraciado que, al -apearse del rucio, se le asió un pie en una soga del albarda, de tal modo -que no fue posible desenredarle, antes quedó colgado dél, con la boca y los -pechos en el suelo. Don Quijote, que no tenía en costumbre apearse sin que -le tuviesen el estribo, pensando que ya Sancho había llegado a tenérsele, -descargó de golpe el cuerpo, y llevóse tras sí la silla de Rocinante, que -debía de estar mal cinchado, y la silla y él vinieron al suelo, no sin -vergüenza suya y de muchas maldiciones que entre dientes echó al desdichado -de Sancho, que aún todavía tenía el pie en la corma. - -El duque mandó a sus cazadores que acudiesen al caballero y al escudero, -los cuales levantaron a don Quijote maltrecho de la caída, y, renqueando y -como pudo, fue a hincar las rodillas ante los dos señores; pero el duque no -lo consintió en ninguna manera, antes, apeándose de su caballo, fue a -abrazar a don Quijote, diciéndole: - -— A mí me pesa, señor Caballero de la Triste Figura, que la primera que -vuesa merced ha hecho en mi tierra haya sido tan mala como se ha visto; -pero descuidos de escuderos suelen ser causa de otros peores sucesos. - -— El que yo he tenido en veros, valeroso príncipe —respondió don Quijote—, -es imposible ser malo, aunque mi caída no parara hasta el profundo de los -abismos, pues de allí me levantara y me sacara la gloria de haberos visto. -Mi escudero, que Dios maldiga, mejor desata la lengua para decir malicias -que ata y cincha una silla para que esté firme; pero, comoquiera que yo me -halle, caído o levantado, a pie o a caballo, siempre estaré al servicio -vuestro y al de mi señora la duquesa, digna consorte vuestra, y digna -señora de la hermosura y universal princesa de la cortesía. - -— ¡Pasito, mi señor don Quijote de la Mancha! —dijo el duque—, que adonde -está mi señora doña Dulcinea del Toboso no es razón que se alaben otras -fermosuras. - -Ya estaba a esta sazón libre Sancho Panza del lazo, y, hallándose allí -cerca, antes que su amo respondiese, dijo: - -— No se puede negar, sino afirmar, que es muy hermosa mi señora Dulcinea del -Toboso, pero donde menos se piensa se levanta la liebre; que yo he oído -decir que esto que llaman naturaleza es como un alcaller que hace vasos de -barro, y el que hace un vaso hermoso también puede hacer dos, y tres y -ciento; dígolo porque mi señora la duquesa a fee que no va en zaga a mi ama -la señora Dulcinea del Toboso. - -Volvióse don Quijote a la duquesa y dijo: - -— Vuestra grandeza imagine que no tuvo caballero andante en el mundo -escudero más hablador ni más gracioso del que yo tengo, y él me sacará -verdadero si algunos días quisiere vuestra gran celsitud servirse de mí. - -A lo que respondió la duquesa: - -— De que Sancho el bueno sea gracioso lo estimo yo en mucho, porque es señal -que es discreto; que las gracias y los donaires, señor don Quijote, como -vuesa merced bien sabe, no asientan sobre ingenios torpes; y, pues el buen -Sancho es gracioso y donairoso, desde aquí le confirmo por discreto. - -— Y hablador —añadió don Quijote. - -— Tanto que mejor —dijo el duque—, porque muchas gracias no se pueden decir -con pocas palabras. Y, porque no se nos vaya el tiempo en ellas, venga el -gran Caballero de la Triste Figura... - -— De los Leones ha de decir vuestra alteza —dijo Sancho—, que ya no hay -Triste Figura, ni figuro. - -— Sea el de los Leones —prosiguió el duque—. Digo que venga el señor -Caballero de los Leones a un castillo mío que está aquí cerca, donde se le -hará el acogimiento que a tan alta persona se debe justamente, y el que yo -y la duquesa solemos hacer a todos los caballeros andantes que a él llegan. - -Ya en esto, Sancho había aderezado y cinchado bien la silla a Rocinante; y, -subiendo en él don Quijote, y el duque en un hermoso caballo, pusieron a la -duquesa en medio y encaminaron al castillo. Mandó la duquesa a Sancho que -fuese junto a ella, porque gustaba infinito de oír sus discreciones. No se -hizo de rogar Sancho, y entretejióse entre los tres, y hizo cuarto en la -conversación, con gran gusto de la duquesa y del duque, que tuvieron a gran -ventura acoger en su castillo tal caballero andante y tal escudero andado. - - - - -Capítulo XXXI. Que trata de muchas y grandes cosas - -Suma era la alegría que llevaba consigo Sancho, viéndose, a su parecer, en -privanza con la duquesa, porque se le figuraba que había de hallar en su -castillo lo que en la casa de don Diego y en la de Basilio, siempre -aficionado a la buena vida; y así, tomaba la ocasión por la melena en esto -del regalarse cada y cuando que se le ofrecía. - -Cuenta, pues, la historia, que antes que a la casa de placer o castillo -llegasen, se adelantó el duque y dio orden a todos sus criados del modo que -habían de tratar a don Quijote; el cual, como llegó con la duquesa a las -puertas del castillo, al instante salieron dél dos lacayos o palafreneros, -vestidos hasta en pies de unas ropas que llaman de levantar, de finísimo -raso carmesí, y, cogiendo a don Quijote en brazos, sin ser oído ni visto, -le dijeron: - -— Vaya la vuestra grandeza a apear a mi señora la duquesa. - -Don Quijote lo hizo, y hubo grandes comedimientos entre los dos sobre el -caso; pero, en efecto, venció la porfía de la duquesa, y no quiso decender -o bajar del palafrén sino en los brazos del duque, diciendo que no se -hallaba digna de dar a tan gran caballero tan inútil carga. En fin, salió -el duque a apearla; y al entrar en un gran patio, llegaron dos hermosas -doncellas y echaron sobre los hombros a don Quijote un gran manto de -finísima escarlata, y en un instante se coronaron todos los corredores del -patio de criados y criadas de aquellos señores, diciendo a grandes voces: - -— ¡Bien sea venido la flor y la nata de los caballeros andantes! - -Y todos, o los más, derramaban pomos de aguas olorosas sobre don Quijote y -sobre los duques, de todo lo cual se admiraba don Quijote; y aquél fue el -primer día que de todo en todo conoció y creyó ser caballero andante -verdadero, y no fantástico, viéndose tratar del mesmo modo que él había -leído se trataban los tales caballeros en los pasados siglos. - -Sancho, desamparando al rucio, se cosió con la duquesa y se entró en el -castillo; y, remordiéndole la conciencia de que dejaba al jumento solo, se -llegó a una reverenda dueña, que con otras a recebir a la duquesa había -salido, y con voz baja le dijo: - -— Señora González, o como es su gracia de vuesa merced... - -— Doña Rodríguez de Grijalba me llamo —respondió la dueña—. ¿Qué es lo que -mandáis, hermano? - -A lo que respondió Sancho: - -— Querría que vuesa merced me la hiciese de salir a la puerta del castillo, -donde hallará un asno rucio mío; vuesa merced sea servida de mandarle -poner, o ponerle, en la caballeriza, porque el pobrecito es un poco -medroso, y no se hallará a estar solo en ninguna de las maneras. - -— Si tan discreto es el amo como el mozo —respondió la dueña—, ¡medradas -estamos! Andad, hermano, mucho de enhoramala para vos y para quien acá os -trujo, y tened cuenta con vuestro jumento, que las dueñas desta casa no -estamos acostumbradas a semejantes haciendas. - -— Pues en verdad —respondió Sancho— que he oído yo decir a mi señor, que es -zahorí de las historias, contando aquella de Lanzarote, - -cuando de Bretaña vino, -que damas curaban dél, -y dueñas del su rocino; - -y que en el particular de mi asno, que no le trocara yo con el rocín del -señor Lanzarote. - -— Hermano, si sois juglar —replicó la dueña—, guardad vuestras gracias para -donde lo parezcan y se os paguen, que de mi no podréis llevar sino una -higa. - -— ¡Aun bien —respondió Sancho— que será bien madura, pues no perderá vuesa -merced la quínola de sus años por punto menos! - -— Hijo de puta —dijo la dueña, toda ya encendida en cólera—, si soy vieja o -no, a Dios daré la cuenta, que no a vos, bellaco, harto de ajos. - -Y esto dijo en voz tan alta, que lo oyó la duquesa; y, volviendo y viendo a -la dueña tan alborotada y tan encarnizados los ojos, le preguntó con quién -las había. - -— Aquí las he —respondió la dueña— con este buen hombre, que me ha pedido -encarecidamente que vaya a poner en la caballeriza a un asno suyo que está -a la puerta del castillo, trayéndome por ejemplo que así lo hicieron no sé -dónde, que unas damas curaron a un tal Lanzarote, y unas dueñas a su -rocino, y, sobre todo, por buen término me ha llamado vieja. - -— Eso tuviera yo por afrenta —respondió la duquesa—, más que cuantas -pudieran decirme. - -Y, hablando con Sancho, le dijo: - -— Advertid, Sancho amigo, que doña Rodríguez es muy moza, y que aquellas -tocas más las trae por autoridad y por la usanza que por los años. - -— Malos sean los que me quedan por vivir —respondió Sancho—, si lo dije por -tanto; sólo lo dije porque es tan grande el cariño que tengo a mi jumento, -que me pareció que no podía encomendarle a persona más caritativa que a la -señora doña Rodríguez. - -Don Quijote, que todo lo oía, le dijo: - -— ¿Pláticas son éstas, Sancho, para este lugar? - -— Señor —respondió Sancho—, cada uno ha de hablar de su menester dondequiera -que estuviere; aquí se me acordó del rucio, y aquí hablé dél; y si en la -caballeriza se me acordara, allí hablara. - -A lo que dijo el duque: - -— Sancho está muy en lo cierto, y no hay que culparle en nada; al rucio se -le dará recado a pedir de boca, y descuide Sancho, que se le tratará como a -su mesma persona. - -Con estos razonamientos, gustosos a todos sino a don Quijote, llegaron a lo -alto y entraron a don Quijote en una sala adornada de telas riquísimas de -oro y de brocado; seis doncellas le desarmaron y sirvieron de pajes, todas -industriadas y advertidas del duque y de la duquesa de lo que habían de -hacer, y de cómo habían de tratar a don Quijote, para que imaginase y viese -que le trataban como caballero andante. Quedó don Quijote, después de -desarmado, en sus estrechos greguescos y en su jubón de camuza, seco, alto, -tendido, con las quijadas, que por de dentro se besaba la una con la otra; -figura que, a no tener cuenta las doncellas que le servían con disimular la -risa —que fue una de las precisas órdenes que sus señores les habían dado—, -reventaran riendo. - -Pidiéronle que se dejase desnudar para una camisa, pero nunca lo consintió, -diciendo que la honestidad parecía tan bien en los caballeros andantes como -la valentía. Con todo, dijo que diesen la camisa a Sancho, y, encerrándose -con él en una cuadra donde estaba un rico lecho, se desnudó y vistió la -camisa; y, viéndose solo con Sancho, le dijo: - -— Dime, truhán moderno y majadero antiguo: ¿parécete bien deshonrar y -afrentar a una dueña tan veneranda y tan digna de respeto como aquélla? -¿Tiempos eran aquéllos para acordarte del rucio, o señores son éstos para -dejar mal pasar a las bestias, tratando tan elegantemente a sus dueños? Por -quien Dios es, Sancho, que te reportes, y que no descubras la hilaza de -manera que caigan en la cuenta de que eres de villana y grosera tela -tejido. Mira, pecador de ti, que en tanto más es tenido el señor cuanto -tiene más honrados y bien nacidos criados, y que una de las ventajas -mayores que llevan los príncipes a los demás hombres es que se sirven de -criados tan buenos como ellos. ¿No adviertes, angustiado de ti, y -malaventurado de mí, que si veen que tú eres un grosero villano, o un -mentecato gracioso, pensarán que yo soy algún echacuervos, o algún -caballero de mohatra? No, no, Sancho amigo, huye, huye destos -inconvinientes, que quien tropieza en hablador y en gracioso, al primer -puntapié cae y da en truhán desgraciado. Enfrena la lengua, considera y -rumia las palabras antes que te salgan de la boca, y advierte que hemos -llegado a parte donde, con el favor de Dios y valor de mi brazo, hemos de -salir mejorados en tercio y quinto en fama y en hacienda. - -Sancho le prometió con muchas veras de coserse la boca, o morderse la -lengua, antes de hablar palabra que no fuese muy a propósito y bien -considerada, como él se lo mandaba, y que descuidase acerca de lo tal, que -nunca por él se descubriría quién ellos eran. - -Vistióse don Quijote, púsose su tahalí con su espada, echóse el mantón de -escarlata a cuestas, púsose una montera de raso verde que las doncellas le -dieron, y con este adorno salió a la gran sala, adonde halló a las -doncellas puestas en ala, tantas a una parte como a otra, y todas con -aderezo de darle aguamanos, la cual le dieron con muchas reverencias y -ceremonias. - -Luego llegaron doce pajes con el maestresala, para llevarle a comer, que ya -los señores le aguardaban. Cogiéronle en medio, y, lleno de pompa y -majestad, le llevaron a otra sala, donde estaba puesta una rica mesa con -solos cuatro servicios. La duquesa y el duque salieron a la puerta de la -sala a recebirle, y con ellos un grave eclesiástico, destos que gobiernan -las casas de los príncipes; destos que, como no nacen príncipes, no -aciertan a enseñar cómo lo han de ser los que lo son; destos que quieren -que la grandeza de los grandes se mida con la estrecheza de sus ánimos; -destos que, queriendo mostrar a los que ellos gobiernan a ser limitados, -les hacen ser miserables; destos tales, digo que debía de ser el grave -religioso que con los duques salió a recebir a don Quijote. Hiciéronse mil -corteses comedimientos, y, finalmente, cogiendo a don Quijote en medio, se -fueron a sentar a la mesa. - -Convidó el duque a don Quijote con la cabecera de la mesa, y aunque él lo -rehusó, las importunaciones del duque fueron tantas que la hubo de tomar. -El eclesiástico se sentó frontero, y el duque y la duquesa a los dos lados. - -A todo estaba presente Sancho, embobado y atónito de ver la honra que a su -señor aquellos príncipes le hacían; y, viendo las muchas ceremonias y -ruegos que pasaron entre el duque y don Quijote para hacerle sentar a la -cabecera de la mesa, dijo: - -— Si sus mercedes me dan licencia, les contaré un cuento que pasó en mi -pueblo acerca desto de los asientos. - -Apenas hubo dicho esto Sancho, cuando don Quijote tembló, creyendo sin duda -alguna que había de decir alguna necedad. Miróle Sancho y entendióle, y -dijo: - -— No tema vuesa merced, señor mío, que yo me desmande, ni que diga cosa que -no venga muy a pelo, que no se me han olvidado los consejos que poco ha -vuesa merced me dio sobre el hablar mucho o poco, o bien o mal. - -— Yo no me acuerdo de nada, Sancho —respondió don Quijote—; di lo que -quisieres, como lo digas presto. - -— Pues lo que quiero decir —dijo Sancho— es tan verdad, que mi señor don -Quijote, que está presente, no me dejará mentir. - -— Por mí —replicó don Quijote—, miente tú, Sancho, cuanto quisieres, que yo -no te iré a la mano, pero mira lo que vas a decir. - -— Tan mirado y remirado lo tengo, que a buen salvo está el que repica, como -se verá por la obra. - -— Bien será —dijo don Quijote— que vuestras grandezas manden echar de aquí a -este tonto, que dirá mil patochadas. - -— Por vida del duque —dijo la duquesa—, que no se ha de apartar de mí Sancho -un punto: quiérole yo mucho, porque sé que es muy discreto. - -— Discretos días —dijo Sancho— viva vuestra santidad por el buen crédito que -de mí tiene, aunque en mí no lo haya. Y el cuento que quiero decir es éste: -«Convidó un hidalgo de mi pueblo, muy rico y principal, porque venía de los -Álamos de Medina del Campo, que casó con doña Mencía de Quiñones, que fue -hija de don Alonso de Marañón, caballero del hábito de Santiago, que se -ahogó en la Herradura, por quien hubo aquella pendencia años ha en nuestro -lugar, que, a lo que entiendo, mi señor don Quijote se halló en ella, de -donde salió herido Tomasillo el Travieso, el hijo de Balbastro el -herrero...» ¿No es verdad todo esto, señor nuestro amo? Dígalo, por su -vida, porque estos señores no me tengan por algún hablador mentiroso. - -— Hasta ahora —dijo el eclesiástico—, más os tengo por hablador que por -mentiroso, pero de aquí adelante no sé por lo que os tendré. - -— Tú das tantos testigos, Sancho, y tantas señas, que no puedo dejar de -decir que debes de decir verdad. Pasa adelante y acorta el cuento, porque -llevas camino de no acabar en dos días. - -— No ha de acortar tal —dijo la duquesa—, por hacerme a mí placer; antes, le -ha de contar de la manera que le sabe, aunque no le acabe en seis días; que -si tantos fuesen, serían para mí los mejores que hubiese llevado en mi -vida. - -— «Digo, pues, señores míos —prosiguió Sancho—, que este tal hidalgo, que yo -conozco como a mis manos, porque no hay de mi casa a la suya un tiro de -ballesta, convidó un labrador pobre, pero honrado.» - -— Adelante, hermano —dijo a esta sazón el religioso—, que camino lleváis de -no parar con vuestro cuento hasta el otro mundo. - -— A menos de la mitad pararé, si Dios fuere servido —respondió Sancho—. «Y -así, digo que, llegando el tal labrador a casa del dicho hidalgo -convidador, que buen poso haya su ánima, que ya es muerto, y por más señas -dicen que hizo una muerte de un ángel, que yo no me hallé presente, que -había ido por aquel tiempo a segar a Tembleque...» - -— Por vida vuestra, hijo, que volváis presto de Tembleque, y que, sin -enterrar al hidalgo, si no queréis hacer más exequias, acabéis vuestro -cuento. - -— «Es, pues, el caso —replicó Sancho— que, estando los dos para asentarse a -la mesa, que parece que ahora los veo más que nunca...» - -Gran gusto recebían los duques del disgusto que mostraba tomar el buen -religioso de la dilación y pausas con que Sancho contaba su cuento, y don -Quijote se estaba consumiendo en cólera y en rabia. - -— «Digo, así —dijo Sancho—, que, estando, como he dicho, los dos para -sentarse a la mesa, el labrador porfiaba con el hidalgo que tomase la -cabecera de la mesa, y el hidalgo porfiaba también que el labrador la -tomase, porque en su casa se había de hacer lo que él mandase; pero el -labrador, que presumía de cortés y bien criado, jamás quiso, hasta que el -hidalgo, mohíno, poniéndole ambas manos sobre los hombros, le hizo sentar -por fuerza, diciéndole: ''Sentaos, majagranzas, que adondequiera que yo me -siente será vuestra cabecera''.» Y éste es el cuento, y en verdad que creo -que no ha sido aquí traído fuera de propósito. - -Púsose don Quijote de mil colores, que sobre lo moreno le jaspeaban y se le -parecían; los señores disimularon la risa, porque don Quijote no acabase de -correrse, habiendo entendido la malicia de Sancho; y, por mudar de plática -y hacer que Sancho no prosiguiese con otros disparates, preguntó la duquesa -a don Quijote que qué nuevas tenía de la señora Dulcinea, y que si le había -enviado aquellos días algunos presentes de gigantes o malandrines, pues no -podía dejar de haber vencido muchos. A lo que don Quijote respondió: - -— Señora mía, mis desgracias, aunque tuvieron principio, nunca tendrán fin. -Gigantes he vencido, y follones y malandrines le he enviado, pero ¿adónde -la habían de hallar, si está encantada y vuelta en la más fea labradora que -imaginar se puede? - -— No sé —dijo Sancho Panza—, a mí me parece la más hermosa criatura del -mundo; a lo menos, en la ligereza y en el brincar bien sé yo que no dará -ella la ventaja a un volteador; a buena fe, señora duquesa, así salta desde -el suelo sobre una borrica como si fuera un gato. - -— ¿Habéisla visto vos encantada, Sancho? —preguntó el duque. - -— Y ¡cómo si la he visto! —respondió Sancho—. Pues, ¿quién diablos sino yo -fue el primero que cayó en el achaque del encantorio? ¡Tan encantada está -como mi padre! - -El eclesiástico, que oyó decir de gigantes, de follones y de encantos, cayó -en la cuenta de que aquél debía de ser don Quijote de la Mancha, cuya -historia leía el duque de ordinario, y él se lo había reprehendido muchas -veces, diciéndole que era disparate leer tales disparates; y, enterándose -ser verdad lo que sospechaba, con mucha cólera, hablando con el duque, le -dijo: - -— Vuestra Excelencia, señor mío, tiene que dar cuenta a Nuestro Señor de lo -que hace este buen hombre. Este don Quijote, o don Tonto, o como se llama, -imagino yo que no debe de ser tan mentecato como Vuestra Excelencia quiere -que sea, dándole ocasiones a la mano para que lleve adelante sus sandeces y -vaciedades. - -Y, volviendo la plática a don Quijote, le dijo: - -— Y a vos, alma de cántaro, ¿quién os ha encajado en el celebro que sois -caballero andante y que vencéis gigantes y prendéis malandrines? Andad en -hora buena, y en tal se os diga: volveos a vuestra casa, y criad vuestros -hijos, si los tenéis, y curad de vuestra hacienda, y dejad de andar vagando -por el mundo, papando viento y dando que reír a cuantos os conocen y no -conocen. ¿En dónde, nora tal, habéis vos hallado que hubo ni hay ahora -caballeros andantes? ¿Dónde hay gigantes en España, o malandrines en la -Mancha, ni Dulcineas encantadas, ni toda la caterva de las simplicidades -que de vos se cuentan? - -Atento estuvo don Quijote a las razones de aquel venerable varón, y, viendo -que ya callaba, sin guardar respeto a los duques, con semblante airado y -alborotado rostro, se puso en pie y dijo... - -Pero esta respuesta capítulo por sí merece. - - - - -Capítulo XXXII. De la respuesta que dio don Quijote a su reprehensor, con -otros graves y graciosos sucesos - -Levantado, pues, en pie don Quijote, temblando de los pies a la cabeza como -azogado, con presurosa y turbada lengua, dijo: - -— El lugar donde estoy, y la presencia ante quien me hallo y el respeto que -siempre tuve y tengo al estado que vuesa merced profesa tienen y atan las -manos de mi justo enojo; y, así por lo que he dicho como por saber que -saben todos que las armas de los togados son las mesmas que las de la -mujer, que son la lengua, entraré con la mía en igual batalla con vuesa -merced, de quien se debía esperar antes buenos consejos que infames -vituperios. Las reprehensiones santas y bien intencionadas otras -circunstancias requieren y otros puntos piden: a lo menos, el haberme -reprehendido en público y tan ásperamente ha pasado todos los límites de la -buena reprehensión, pues las primeras mejor asientan sobre la blandura que -sobre la aspereza, y no es bien que, sin tener conocimiento del pecado que -se reprehende, llamar al pecador, sin más ni más, mentecato y tonto. Si no, -dígame vuesa merced: ¿por cuál de las mentecaterías que en mí ha visto me -condena y vitupera, y me manda que me vaya a mi casa a tener cuenta en el -gobierno della y de mi mujer y de mis hijos, sin saber si la tengo o los -tengo? ¿No hay más sino a troche moche entrarse por las casas ajenas a -gobernar sus dueños, y, habiéndose criado algunos en la estrecheza de algún -pupilaje, sin haber visto más mundo que el que puede contenerse en veinte o -treinta leguas de distrito, meterse de rondón a dar leyes a la caballería y -a juzgar de los caballeros andantes? ¿Por ventura es asumpto vano o es -tiempo mal gastado el que se gasta en vagar por el mundo, no buscando los -regalos dél, sino las asperezas por donde los buenos suben al asiento de la -inmortalidad? Si me tuvieran por tonto los caballeros, los magníficos, los -generosos, los altamente nacidos, tuviéralo por afrenta inreparable; pero -de que me tengan por sandio los estudiantes, que nunca entraron ni pisaron -las sendas de la caballería, no se me da un ardite: caballero soy y -caballero he de morir si place al Altísimo. Unos van por el ancho campo de -la ambición soberbia; otros, por el de la adulación servil y baja; otros, -por el de la hipocresía engañosa, y algunos, por el de la verdadera -religión; pero yo, inclinado de mi estrella, voy por la angosta senda de la -caballería andante, por cuyo ejercicio desprecio la hacienda, pero no la -honra. Yo he satisfecho agravios, enderezado tuertos, castigado -insolencias, vencido gigantes y atropellado vestiglos; yo soy enamorado, no -más de porque es forzoso que los caballeros andantes lo sean; y, siéndolo, -no soy de los enamorados viciosos, sino de los platónicos continentes. Mis -intenciones siempre las enderezo a buenos fines, que son de hacer bien a -todos y mal a ninguno; si el que esto entiende, si el que esto obra, si el -que desto trata merece ser llamado bobo, díganlo vuestras grandezas, duque -y duquesa excelentes. - -— ¡Bien, por Dios! —dijo Sancho—. No diga más vuestra merced, señor y amo -mío, en su abono, porque no hay más que decir, ni más que pensar, ni más -que perseverar en el mundo. Y más, que, negando este señor, como ha negado, -que no ha habido en el mundo, ni los hay, caballeros andantes, ¿qué mucho -que no sepa ninguna de las cosas que ha dicho? - -— ¿Por ventura —dijo el eclesiástico— sois vos, hermano, aquel Sancho Panza -que dicen, a quien vuestro amo tiene prometida una ínsula? - -— Sí soy —respondió Sancho—; y soy quien la merece tan bien como otro -cualquiera; soy quien "júntate a los buenos y serás uno dellos", y soy yo -de aquellos "no con quien naces, sino con quien paces", y de los "quien a -buen árbol se arrima, buena sombra le cobija". Yo me he arrimado a buen -señor, y ha muchos meses que ando en su compañía, y he de ser otro como él, -Dios queriendo; y viva él y viva yo: que ni a él le faltarán imperios que -mandar ni a mí ínsulas que gobernar. - -— No, por cierto, Sancho amigo —dijo a esta sazón el duque—, que yo, en -nombre del señor don Quijote, os mando el gobierno de una que tengo de -nones, de no pequeña calidad. - -— Híncate de rodillas, Sancho —dijo don Quijote—, y besa los pies a Su -Excelencia por la merced que te ha hecho. - -Hízolo así Sancho; lo cual visto por el eclesiástico, se levantó de la -mesa, mohíno además, diciendo: - -— Por el hábito que tengo, que estoy por decir que es tan sandio Vuestra -Excelencia como estos pecadores. ¡Mirad si no han de ser ellos locos, pues -los cuerdos canonizan sus locuras! Quédese Vuestra Excelencia con ellos; -que, en tanto que estuvieren en casa, me estaré yo en la mía, y me escusaré -de reprehender lo que no puedo remediar. - -Y, sin decir más ni comer más, se fue, sin que fuesen parte a detenerle los -ruegos de los duques; aunque el duque no le dijo mucho, impedido de la risa -que su impertinente cólera le había causado. Acabó de reír y dijo a don -Quijote: - -— Vuesa merced, señor Caballero de los Leones, ha respondido por sí tan -altamente que no le queda cosa por satisfacer deste que, aunque parece -agravio, no lo es en ninguna manera; porque, así como no agravian las -mujeres, no agravian los eclesiásticos, como vuesa merced mejor sabe. - -— Así es —respondió don Quijote—, y la causa es que el que no puede ser -agraviado no puede agraviar a nadie. Las mujeres, los niños y los -eclesiásticos, como no pueden defenderse, aunque sean ofendidos, no pueden -ser afrentados; porque entre el agravio y la afrenta hay esta diferencia, -como mejor Vuestra Excelencia sabe: la afrenta viene de parte de quien la -puede hacer, y la hace y la sustenta; el agravio puede venir de cualquier -parte, sin que afrente. Sea ejemplo: está uno en la calle descuidado, -llegan diez con mano armada, y, dándole de palos, pone mano a la espada y -hace su deber, pero la muchedumbre de los contrarios se le opone, y no le -deja salir con su intención, que es de vengarse; este tal queda agraviado, -pero no afrentado. Y lo mesmo confirmará otro ejemplo: está uno vuelto de -espaldas, llega otro y dale de palos, y en dándoselos huye y no espera, y -el otro le sigue y no alcanza; este que recibió los palos, recibió agravio, -mas no afrenta, porque la afrenta ha de ser sustentada. Si el que le dio -los palos, aunque se los dio a hurtacordel, pusiera mano a su espada y se -estuviera quedo, haciendo rostro a su enemigo, quedara el apaleado -agraviado y afrentado juntamente: agraviado, porque le dieron a traición; -afrentado, porque el que le dio sustentó lo que había hecho, sin volver las -espaldas y a pie quedo. Y así, según las leyes del maldito duelo, yo puedo -estar agraviado, mas no afrentado; porque los niños no sienten, ni las -mujeres, ni pueden huir, ni tienen para qué esperar, y lo mesmo los -constituidos en la sacra religión, porque estos tres géneros de gente -carecen de armas ofensivas y defensivas; y así, aunque naturalmente estén -obligados a defenderse, no lo están para ofender a nadie. Y, aunque poco ha -dije que yo podía estar agraviado, agora digo que no, en ninguna manera, -porque quien no puede recebir afrenta, menos la puede dar; por las cuales -razones yo no debo sentir, ni siento, las que aquel buen hombre me ha -dicho; sólo quisiera que esperara algún poco, para darle a entender en el -error en que está en pensar y decir que no ha habido, ni los hay, -caballeros andantes en el mundo; que si lo tal oyera Amadís, o uno de los -infinitos de su linaje, yo sé que no le fuera bien a su merced. - -— Eso juro yo bien —dijo Sancho—: cuchillada le hubieran dado que le -abrieran de arriba abajo como una granada, o como a un melón muy maduro. -¡Bonitos eran ellos para sufrir semejantes cosquillas! Para mi santiguada, -que tengo por cierto que si Reinaldos de Montalbán hubiera oído estas -razones al hombrecito, tapaboca le hubiera dado que no hablara más en tres -años. ¡No, sino tomárase con ellos y viera cómo escapaba de sus manos! - -Perecía de risa la duquesa en oyendo hablar a Sancho, y en su opinión le -tenía por más gracioso y por más loco que a su amo; y muchos hubo en aquel -tiempo que fueron deste mismo parecer. Finalmente, don Quijote se sosegó, y -la comida se acabó, y, en levantando los manteles, llegaron cuatro -doncellas, la una con una fuente de plata, y la otra con un aguamanil, -asimismo de plata, y la otra con dos blanquísimas y riquísimas toallas al -hombro, y la cuarta descubiertos los brazos hasta la mitad, y en sus -blancas manos —que sin duda eran blancas— una redonda pella de jabón -napolitano. Llegó la de la fuente, y con gentil donaire y desenvoltura -encajó la fuente debajo de la barba de don Quijote; el cual, sin hablar -palabra, admirado de semejante ceremonia, creyendo que debía ser usanza de -aquella tierra en lugar de las manos lavar las barbas, y así tendió la suya -todo cuanto pudo, y al mismo punto comenzó a llover el aguamanil, y la -doncella del jabón le manoseó las barbas con mucha priesa, levantando copos -de nieve, que no eran menos blancas las jabonaduras, no sólo por las -barbas, mas por todo el rostro y por los ojos del obediente caballero, -tanto, que se los hicieron cerrar por fuerza. - -El duque y la duquesa, que de nada desto eran sabidores, estaban esperando -en qué había de parar tan extraordinario lavatorio. La doncella barbera, -cuando le tuvo con un palmo de jabonadura, fingió que se le había acabado -el agua, y mandó a la del aguamanil fuese por ella, que el señor don -Quijote esperaría. Hízolo así, y quedó don Quijote con la más estraña -figura y más para hacer reír que se pudiera imaginar. - -Mirábanle todos los que presentes estaban, que eran muchos, y como le veían -con media vara de cuello, más que medianamente moreno, los ojos cerrados y -las barbas llenas de jabón, fue gran maravilla y mucha discreción poder -disimular la risa; las doncellas de la burla tenían los ojos bajos, sin -osar mirar a sus señores; a ellos les retozaba la cólera y la risa en el -cuerpo, y no sabían a qué acudir: o a castigar el atrevimiento de las -muchachas, o darles premio por el gusto que recibían de ver a don Quijote -de aquella suerte. - -Finalmente, la doncella del aguamanil vino, y acabaron de lavar a don -Quijote, y luego la que traía las toallas le limpió y le enjugó muy -reposadamente; y, haciéndole todas cuatro a la par una grande y profunda -inclinación y reverencia, se querían ir; pero el duque, porque don Quijote -no cayese en la burla, llamó a la doncella de la fuente, diciéndole: - -— Venid y lavadme a mí, y mirad que no se os acabe el agua. - -La muchacha, aguda y diligente, llegó y puso la fuente al duque como a don -Quijote, y, dándose prisa, le lavaron y jabonaron muy bien, y, dejándole -enjuto y limpio, haciendo reverencias se fueron. Después se supo que había -jurado el duque que si a él no le lavaran como a don Quijote, había de -castigar su desenvoltura, lo cual habían enmendado discretamente con -haberle a él jabonado. - -Estaba atento Sancho a las ceremonias de aquel lavatorio, y dijo entre sí: - -— ¡Válame Dios! ¿Si será también usanza en esta tierra lavar las barbas a -los escuderos como a los caballeros? Porque, en Dios y en mi ánima que lo -he bien menester, y aun que si me las rapasen a navaja, lo tendría a más -beneficio. - -— ¿Qué decís entre vos, Sancho? —preguntó la duquesa. - -— Digo, señora —respondió él—, que en las cortes de los otros príncipes -siempre he oído decir que en levantando los manteles dan agua a las manos, -pero no lejía a las barbas; y que por eso es bueno vivir mucho, por ver -mucho; aunque también dicen que el que larga vida vive mucho mal ha de -pasar, puesto que pasar por un lavatorio de éstos antes es gusto que -trabajo. - -— No tengáis pena, amigo Sancho —dijo la duquesa—, que yo haré que mis -doncellas os laven, y aun os metan en colada, si fuere menester. - -— Con las barbas me contento —respondió Sancho—, por ahora a lo menos, que -andando el tiempo, Dios dijo lo que será. - -— Mirad, maestresala —dijo la duquesa—, lo que el buen Sancho pide, y -cumplidle su voluntad al pie de la letra. - -El maestresala respondió que en todo sería servido el señor Sancho, y con -esto se fue a comer, y llevó consigo a Sancho, quedándose a la mesa los -duques y don Quijote, hablando en muchas y diversas cosas; pero todas -tocantes al ejercicio de las armas y de la andante caballería. - -La duquesa rogó a don Quijote que le delinease y describiese, pues parecía -tener felice memoria, la hermosura y facciones de la señora Dulcinea del -Toboso; que, según lo que la fama pregonaba de su belleza, tenía por -entendido que debía de ser la más bella criatura del orbe, y aun de toda la -Mancha. Sospiró don Quijote, oyendo lo que la duquesa le mandaba, y dijo: - -— Si yo pudiera sacar mi corazón y ponerle ante los ojos de vuestra -grandeza, aquí, sobre esta mesa y en un plato, quitara el trabajo a mi -lengua de decir lo que apenas se puede pensar, porque Vuestra Excelencia la -viera en él toda retratada; pero, ¿para qué es ponerme yo ahora a delinear -y describir punto por punto y parte por parte la hermosura de la sin par -Dulcinea, siendo carga digna de otros hombros que de los míos, empresa en -quien se debían ocupar los pinceles de Parrasio, de Timantes y de Apeles, y -los buriles de Lisipo, para pintarla y grabarla en tablas, en mármoles y en -bronces, y la retórica ciceroniana y demostina para alabarla? - -— ¿Qué quiere decir demostina, señor don Quijote —preguntó la duquesa—, que -es vocablo que no le he oído en todos los días de mi vida? - -— Retórica demostina —respondió don Quijote— es lo mismo que decir retórica -de Demóstenes, como ciceroniana, de Cicerón, que fueron los dos mayores -retóricos del mundo. - -— Así es —dijo el duque—, y habéis andado deslumbrada en la tal pregunta. -Pero, con todo eso, nos daría gran gusto el señor don Quijote si nos la -pintase; que a buen seguro que, aunque sea en rasguño y bosquejo, que ella -salga tal, que la tengan invidia las más hermosas. - -— Sí hiciera, por cierto —respondió don Quijote—, si no me la hubiera -borrado de la idea la desgracia que poco ha que le sucedió, que es tal, que -más estoy para llorarla que para describirla; porque habrán de saber -vuestras grandezas que, yendo los días pasados a besarle las manos, y a -recebir su bendición, beneplácito y licencia para esta tercera salida, -hallé otra de la que buscaba: halléla encantada y convertida de princesa en -labradora, de hermosa en fea, de ángel en diablo, de olorosa en pestífera, -de bien hablada en rústica, de reposada en brincadora, de luz en tinieblas, -y, finalmente, de Dulcinea del Toboso en una villana de Sayago. - -— ¡Válame Dios! —dando una gran voz, dijo a este instante el duque—. ¿Quién -ha sido el que tanto mal ha hecho al mundo? ¿Quién ha quitado dél la -belleza que le alegraba, el donaire que le entretenía y la honestidad que -le acreditaba? - -— ¿Quién? —respondió don Quijote—. ¿Quién puede ser sino algún maligno -encantador de los muchos invidiosos que me persiguen? Esta raza maldita, -nacida en el mundo para escurecer y aniquilar las hazañas de los buenos, y -para dar luz y levantar los fechos de los malos. Perseguido me han -encantadores, encantadores me persiguen y encantadores me persiguirán hasta -dar conmigo y con mis altas caballerías en el profundo abismo del olvido; y -en aquella parte me dañan y hieren donde veen que más lo siento, porque -quitarle a un caballero andante su dama es quitarle los ojos con que mira, -y el sol con que se alumbra, y el sustento con que se mantiene. Otras -muchas veces lo he dicho, y ahora lo vuelvo a decir: que el caballero -andante sin dama es como el árbol sin hojas, el edificio sin cimiento y la -sombra sin cuerpo de quien se cause. - -— No hay más que decir —dijo la duquesa—; pero si, con todo eso, hemos de -dar crédito a la historia que del señor don Quijote de pocos días a esta -parte ha salido a la luz del mundo, con general aplauso de las gentes, -della se colige, si mal no me acuerdo, que nunca vuesa merced ha visto a la -señora Dulcinea, y que esta tal señora no es en el mundo, sino que es dama -fantástica, que vuesa merced la engendró y parió en su entendimiento, y la -pintó con todas aquellas gracias y perfeciones que quiso. - -— En eso hay mucho que decir —respondió don Quijote—. Dios sabe si hay -Dulcinea o no en el mundo, o si es fantástica o no es fantástica; y éstas -no son de las cosas cuya averiguación se ha de llevar hasta el cabo. Ni yo -engendré ni parí a mi señora, puesto que la contemplo como conviene que sea -una dama que contenga en sí las partes que puedan hacerla famosa en todas -las del mundo, como son: hermosa, sin tacha, grave sin soberbia, amorosa -con honestidad, agradecida por cortés, cortés por bien criada, y, -finalmente, alta por linaje, a causa que sobre la buena sangre resplandece -y campea la hermosura con más grados de perfeción que en las hermosas -humildemente nacidas. - -— Así es —dijo el duque—; pero hame de dar licencia el señor don Quijote -para que diga lo que me fuerza a decir la historia que de sus hazañas he -leído, de donde se infiere que, puesto que se conceda que hay Dulcinea, en -el Toboso o fuera dél, y que sea hermosa en el sumo grado que vuesa merced -nos la pinta, en lo de la alteza del linaje no corre parejas con las -Orianas, con las Alastrajareas, con las Madásimas, ni con otras deste jaez, -de quien están llenas las historias que vuesa merced bien sabe. - -— A eso puedo decir —respondió don Quijote— que Dulcinea es hija de sus -obras, y que las virtudes adoban la sangre, y que en más se ha de estimar y -tener un humilde virtuoso que un vicioso levantado; cuanto más, que -Dulcinea tiene un jirón que la puede llevar a ser reina de corona y ceptro; -que el merecimiento de una mujer hermosa y virtuosa a hacer mayores -milagros se estiende, y, aunque no formalmente, virtualmente tiene en sí -encerradas mayores venturas. - -— Digo, señor don Quijote —dijo la duquesa—, que en todo cuanto vuestra -merced dice va con pie de plomo, y, como suele decirse, con la sonda en la -mano; y que yo desde aquí adelante creeré y haré creer a todos los de mi -casa, y aun al duque mi señor, si fuere menester, que hay Dulcinea en el -Toboso, y que vive hoy día, y es hermosa, y principalmente nacida y -merecedora que un tal caballero como es el señor don Quijote la sirva; que -es lo más que puedo ni sé encarecer. Pero no puedo dejar de formar un -escrúpulo, y tener algún no sé qué de ojeriza contra Sancho Panza: el -escrúpulo es que dice la historia referida que el tal Sancho Panza halló a -la tal señora Dulcinea, cuando de parte de vuestra merced le llevó una -epístola, ahechando un costal de trigo, y, por más señas, dice que era -rubión: cosa que me hace dudar en la alteza de su linaje. - -A lo que respondió don Quijote: - -— Señora mía, sabrá la vuestra grandeza que todas o las más cosas que a mí -me suceden van fuera de los términos ordinarios de las que a los otros -caballeros andantes acontecen, o ya sean encaminadas por el querer -inescrutable de los hados, o ya vengan encaminadas por la malicia de algún -encantador invidioso; y, como es cosa ya averiguada que todos o los más -caballeros andantes y famosos, uno tenga gracia de no poder ser encantado, -otro de ser de tan impenetrables carnes que no pueda ser herido, como lo -fue el famoso Roldán, uno de los doce Pares de Francia, de quien se cuenta -que no podía ser ferido sino por la planta del pie izquierdo, y que esto -había de ser con la punta de un alfiler gordo, y no con otra suerte de arma -alguna; y así, cuando Bernardo del Carpio le mató en Roncesvalles, viendo -que no le podía llagar con fierro, le levantó del suelo entre los brazos y -le ahogó, acordándose entonces de la muerte que dio Hércules a Anteón, -aquel feroz gigante que decían ser hijo de la Tierra. Quiero inferir de lo -dicho, que podría ser que yo tuviese alguna gracia déstas, no del no -poder ser ferido, porque muchas veces la experiencia me ha mostrado que soy -de carnes blandas y no nada impenetrables, ni la de no poder ser encantado, -que ya me he visto metido en una jaula, donde todo el mundo no fuera -poderoso a encerrarme, si no fuera a fuerzas de encantamentos; pero, pues -de aquél me libré, quiero creer que no ha de haber otro alguno que me -empezca; y así, viendo estos encantadores que con mi persona no pueden usar -de sus malas mañas, vénganse en las cosas que más quiero, y quieren -quitarme la vida maltratando la de Dulcinea, por quien yo vivo; y así, creo -que, cuando mi escudero le llevó mi embajada, se la convirtieron en villana -y ocupada en tan bajo ejercicio como es el de ahechar trigo; pero ya tengo -yo dicho que aquel trigo ni era rubión ni trigo, sino granos de perlas -orientales; y para prueba desta verdad quiero decir a vuestras magnitudes -cómo, viniendo poco ha por el Toboso, jamás pude hallar los palacios de -Dulcinea; y que otro día, habiéndola visto Sancho, mi escudero, en su mesma -figura, que es la más bella del orbe, a mí me pareció una labradora tosca y -fea, y no nada bien razonada, siendo la discreción del mundo; y, pues yo no -estoy encantado, ni lo puedo estar, según buen discurso, ella es la -encantada, la ofendida y la mudada, trocada y trastrocada, y en ella se han -vengado de mí mis enemigos, y por ella viviré yo en perpetuas lágrimas, -hasta verla en su prístino estado. Todo esto he dicho para que nadie repare -en lo que Sancho dijo del cernido ni del ahecho de Dulcinea; que, pues a mí -me la mudaron, no es maravilla que a él se la cambiasen. Dulcinea es -principal y bien nacida, y de los hidalgos linajes que hay en el Toboso, -que son muchos, antiguos y muy buenos, a buen seguro que no le cabe poca -parte a la sin par Dulcinea, por quien su lugar será famoso y nombrado en -los venideros siglos, como lo ha sido Troya por Elena, y España por la -Cava, aunque con mejor título y fama. Por otra parte, quiero que entiendan -vuestras señorías que Sancho Panza es uno de los más graciosos escuderos -que jamás sirvió a caballero andante; tiene a veces unas simplicidades tan -agudas, que el pensar si es simple o agudo causa no pequeño contento; tiene -malicias que le condenan por bellaco, y descuidos que le confirman por -bobo; duda de todo y créelo todo; cuando pienso que se va a despeñar de -tonto, sale con unas discreciones, que le levantan al cielo. Finalmente, yo -no le trocaría con otro escudero, aunque me diesen de añadidura una ciudad; -y así, estoy en duda si será bien enviarle al gobierno de quien vuestra -grandeza le ha hecho merced; aunque veo en él una cierta aptitud para esto -de gobernar, que atusándole tantico el entendimiento, se saldría con -cualquiera gobierno, como el rey con sus alcabalas; y más, que ya por -muchas experiencias sabemos que no es menester ni mucha habilidad ni muchas -letras para ser uno gobernador, pues hay por ahí ciento que apenas saber -leer, y gobiernan como unos girifaltes; el toque está en que tengan buena -intención y deseen acertar en todo; que nunca les faltará quien les -aconseje y encamine en lo que han de hacer, como los gobernadores -caballeros y no letrados, que sentencian con asesor. Aconsejaríale yo que -ni tome cohecho, ni pierda derecho, y otras cosillas que me quedan en el -estómago, que saldrán a su tiempo, para utilidad de Sancho y provecho de la -ínsula que gobernare. - -A este punto llegaban de su coloquio el duque, la duquesa y don Quijote, -cuando oyeron muchas voces y gran rumor de gente en el palacio; y a deshora -entró Sancho en la sala, todo asustado, con un cernadero por babador, y -tras él muchos mozos, o, por mejor decir, pícaros de cocina y otra gente -menuda, y uno venía con un artesoncillo de agua, que en la color y poca -limpieza mostraba ser de fregar; seguíale y perseguíale el de la artesa, y -procuraba con toda solicitud ponérsela y encajársela debajo de las barbas, -y otro pícaro mostraba querérselas lavar. - -— ¿Qué es esto, hermanos? —preguntó la duquesa—. ¿Qué es esto? ¿Qué queréis -a ese buen hombre? ¿Cómo y no consideráis que está electo gobernador? - -A lo que respondió el pícaro barbero: - -— No quiere este señor dejarse lavar, como es usanza, y como se la lavó el -duque mi señor y el señor su amo. - -— Sí quiero —respondió Sancho con mucha cólera—, pero querría que fuese con -toallas más limpias, con lejía mas clara y con manos no tan sucias; que no -hay tanta diferencia de mí a mi amo, que a él le laven con agua de ángeles -y a mí con lejía de diablos. Las usanzas de las tierras y de los palacios -de los príncipes tanto son buenas cuanto no dan pesadumbre, pero la -costumbre del lavatorio que aquí se usa peor es que de diciplinantes. Yo -estoy limpio de barbas y no tengo necesidad de semejantes refrigerios; y el -que se llegare a lavarme ni a tocarme a un pelo de la cabeza, digo, de mi -barba, hablando con el debido acatamiento, le daré tal puñada que le deje -el puño engastado en los cascos; que estas tales ceremonias y jabonaduras -más parecen burlas que gasajos de huéspedes. - -Perecida de risa estaba la duquesa, viendo la cólera y oyendo las razones -de Sancho, pero no dio mucho gusto a don Quijote verle tan mal adeliñado -con la jaspeada toalla, y tan rodeado de tantos entretenidos de cocina; y -así, haciendo una profunda reverencia a los duques, como que les pedía -licencia para hablar, con voz reposada dijo a la canalla: - -— ¡Hola, señores caballeros! Vuesas mercedes dejen al mancebo, y vuélvanse -por donde vinieron, o por otra parte si se les antojare, que mi escudero es -limpio tanto como otro, y esas artesillas son para él estrechas y penantes -búcaros. Tomen mi consejo y déjenle, porque ni él ni yo sabemos de achaque -de burlas. - -Cogióle la razón de la boca Sancho, y prosiguió diciendo: - -— ¡No, sino lléguense a hacer burla del mostrenco, que así lo sufriré como -ahora es de noche! Traigan aquí un peine, o lo que quisieren, y almohácenme -estas barbas, y si sacaren dellas cosa que ofenda a la limpieza, que me -trasquilen a cruces. - -A esta sazón, sin dejar la risa, dijo la duquesa: - -— Sancho Panza tiene razón en todo cuanto ha dicho, y la tendrá en todo -cuanto dijere: él es limpio, y, como él dice, no tiene necesidad de -lavarse; y si nuestra usanza no le contenta, su alma en su palma, cuanto -más, que vosotros, ministros de la limpieza, habéis andado demasiadamente -de remisos y descuidados, y no sé si diga atrevidos, a traer a tal -personaje y a tales barbas, en lugar de fuentes y aguamaniles de oro puro y -de alemanas toallas, artesillas y dornajos de palo y rodillas de -aparadores. Pero, en fin, sois malos y mal nacidos, y no podéis dejar, como -malandrines que sois, de mostrar la ojeriza que tenéis con los escuderos de -los andantes caballeros. - -Creyeron los apicarados ministros, y aun el maestresala, que venía con -ellos, que la duquesa hablaba de veras; y así, quitaron el cernadero del -pecho de Sancho, y todos confusos y casi corridos se fueron y le dejaron; -el cual, viéndose fuera de aquel, a su parecer, sumo peligro, se fue a -hincar de rodillas ante la duquesa y dijo: - -— De grandes señoras, grandes mercedes se esperan; esta que la vuestra -merced hoy me ha fecho no puede pagarse con menos, si no es con desear -verme armado caballero andante, para ocuparme todos los días de mi vida en -servir a tan alta señora. Labrador soy, Sancho Panza me llamo, casado soy, -hijos tengo y de escudero sirvo: si con alguna destas cosas puedo servir a -vuestra grandeza, menos tardaré yo en obedecer que vuestra señoría en -mandar. - -— Bien parece, Sancho —respondió la duquesa—, que habéis aprendido a ser -cortés en la escuela de la misma cortesía; bien parece, quiero decir, que -os habéis criado a los pechos del señor don Quijote, que debe de ser la -nata de los comedimientos y la flor de las ceremonias, o cirimonias, como -vos decís. Bien haya tal señor y tal criado: el uno, por norte de la -andante caballería; y el otro, por estrella de la escuderil fidelidad. -Levantaos, Sancho amigo, que yo satisfaré vuestras cortesías con hacer que -el duque mi señor, lo más presto que pudiere, os cumpla la merced prometida -del gobierno. - -Con esto cesó la plática, y don Quijote se fue a reposar la siesta, y la -duquesa pidió a Sancho que, si no tenía mucha gana de dormir, viniese a -pasar la tarde con ella y con sus doncellas en una muy fresca sala. Sancho -respondió que, aunque era verdad que tenía por costumbre dormir cuatro o -cinco horas las siestas del verano, que, por servir a su bondad, él -procuraría con todas sus fuerzas no dormir aquel día ninguna, y vendría -obediente a su mandado, y fuese. El duque dio nuevas órdenes como se -tratase a don Quijote como a caballero andante, sin salir un punto del -estilo como cuentan que se trataban los antiguos caballeros. - - - - -Capítulo XXXIII. De la sabrosa plática que la duquesa y sus doncellas -pasaron con Sancho Panza, digna de que se lea y de que se note - -Cuenta, pues, la historia, que Sancho no durmió aquella siesta, sino que, -por cumplir su palabra, vino en comiendo a ver a la duquesa; la cual, con -el gusto que tenía de oírle, le hizo sentar junto a sí en una silla baja, -aunque Sancho, de puro bien criado, no quería sentarse; pero la duquesa le -dijo que se sentase como gobernador y hablase como escudero, puesto que por -entrambas cosas merecía el mismo escaño del Cid Ruy Díaz Campeador. - -Encogió Sancho los hombros, obedeció y sentóse, y todas las doncellas y -dueñas de la duquesa la rodearon, atentas, con grandísimo silencio, a -escuchar lo que diría; pero la duquesa fue la que habló primero, diciendo: - -— Ahora que estamos solos, y que aquí no nos oye nadie, querría yo que el -señor gobernador me asolviese ciertas dudas que tengo, nacidas de la -historia que del gran don Quijote anda ya impresa; una de las cuales dudas -es que, pues el buen Sancho nunca vio a Dulcinea, digo, a la señora -Dulcinea del Toboso, ni le llevó la carta del señor don Quijote, porque se -quedó en el libro de memoria en Sierra Morena, cómo se atrevió a fingir la -respuesta, y aquello de que la halló ahechando trigo, siendo todo burla y -mentira, y tan en daño de la buena opinión de la sin par Dulcinea, y todas -que no vienen bien con la calidad y fidelidad de los buenos escuderos. - -A estas razones, sin responder con alguna, se levantó Sancho de la silla, -y, con pasos quedos, el cuerpo agobiado y el dedo puesto sobre los labios, -anduvo por toda la sala levantando los doseles; y luego, esto hecho, se -volvió a sentar y dijo: - -— Ahora, señora mía, que he visto que no nos escucha nadie de solapa, fuera -de los circunstantes, sin temor ni sobresalto responderé a lo que se me ha -preguntado, y a todo aquello que se me preguntare; y lo primero que digo es -que yo tengo a mi señor don Quijote por loco rematado, puesto que algunas -veces dice cosas que, a mi parecer, y aun de todos aquellos que le -escuchan, son tan discretas y por tan buen carril encaminadas, que el mesmo -Satanás no las podría decir mejores; pero, con todo esto, verdaderamente y -sin escrúpulo, a mí se me ha asentado que es un mentecato. Pues, como yo -tengo esto en el magín, me atrevo a hacerle creer lo que no lleva pies ni -cabeza, como fue aquello de la respuesta de la carta, y lo de habrá seis o -ocho días, que aún no está en historia; conviene a saber: lo del encanto de -mi señora doña Dulcinea, que le he dado a entender que está encantada, no -siendo más verdad que por los cerros de Úbeda. - -Rogóle la duquesa que le contase aquel encantamento o burla, y Sancho se lo -contó todo del mesmo modo que había pasado, de que no poco gusto recibieron -los oyentes; y, prosiguiendo en su plática, dijo la duquesa: - -— De lo que el buen Sancho me ha contado me anda brincando un escrúpulo en -el alma y un cierto susurro llega a mis oídos, que me dice: ''Pues don -Quijote de la Mancha es loco, menguado y mentecato, y Sancho Panza su -escudero lo conoce, y, con todo eso, le sirve y le sigue y va atenido a las -vanas promesas suyas, sin duda alguna debe de ser él más loco y tonto que -su amo; y, siendo esto así, como lo es, mal contado te será, señora -duquesa, si al tal Sancho Panza le das ínsula que gobierne, porque el que -no sabe gobernarse a sí, ¿cómo sabrá gobernar a otros?'' - -— Par Dios, señora —dijo Sancho—, que ese escrúpulo viene con parto derecho; -pero dígale vuesa merced que hable claro, o como quisiere, que yo conozco -que dice verdad: que si yo fuera discreto, días ha que había de haber -dejado a mi amo. Pero ésta fue mi suerte, y ésta mi malandanza; no puedo -más, seguirle tengo: somos de un mismo lugar, he comido su pan, quiérole -bien, es agradecido, diome sus pollinos, y, sobre todo, yo soy fiel; y así, -es imposible que nos pueda apartar otro suceso que el de la pala y azadón. -Y si vuestra altanería no quisiere que se me dé el prometido gobierno, de -menos me hizo Dios, y podría ser que el no dármele redundase en pro de mi -conciencia; que, maguera tonto, se me entiende aquel refrán de ''por su mal -le nacieron alas a la hormiga''; y aun podría ser que se fuese más aína -Sancho escudero al cielo, que no Sancho gobernador. Tan buen pan hacen aquí -como en Francia; y de noche todos los gatos son pardos, y asaz de -desdichada es la persona que a las dos de la tarde no se ha desayunado; y -no hay estómago que sea un palmo mayor que otro, el cual se puede llenar, -como suele decirse, de paja y de heno; y las avecitas del campo tienen a -Dios por su proveedor y despensero; y más calientan cuatro varas de paño de -Cuenca que otras cuatro de límiste de Segovia; y al dejar este mundo y -meternos la tierra adentro, por tan estrecha senda va el príncipe como el -jornalero, y no ocupa más pies de tierra el cuerpo del Papa que el del -sacristán, aunque sea más alto el uno que el otro; que al entrar en el hoyo -todos nos ajustamos y encogemos, o nos hacen ajustar y encoger, mal que nos -pese y a buenas noches. Y torno a decir que si vuestra señoría no me -quisiere dar la ínsula por tonto, yo sabré no dárseme nada por discreto; y -yo he oído decir que detrás de la cruz está el diablo, y que no es oro todo -lo que reluce, y que de entre los bueyes, arados y coyundas sacaron al -labrador Wamba para ser rey de España, y de entre los brocados, pasatiempos -y riquezas sacaron a Rodrigo para ser comido de culebras, si es que las -trovas de los romances antiguos no mienten. - -— Y ¡cómo que no mienten! —dijo a esta sazón doña Rodríguez la dueña, que -era una de las escuchantes—: que un romance hay que dice que metieron al -rey Rodrigo, vivo vivo, en una tumba llena de sapos, culebras y lagartos, y -que de allí a dos días dijo el rey desde dentro de la tumba, con voz -doliente y baja: - -Ya me comen, ya me comen - -por do más pecado había; - -y, según esto, mucha razón tiene este señor en decir que quiere más ser más -labrador que rey, si le han de comer sabandijas. - -No pudo la duquesa tener la risa, oyendo la simplicidad de su dueña, ni -dejó de admirarse en oír las razones y refranes de Sancho, a quien dijo: - -— Ya sabe el buen Sancho que lo que una vez promete un caballero procura -cumplirlo, aunque le cueste la vida. El duque, mi señor y marido, aunque no -es de los andantes, no por eso deja de ser caballero, y así, cumplirá la -palabra de la prometida ínsula, a pesar de la invidia y de la malicia del -mundo. Esté Sancho de buen ánimo, que cuando menos lo piense se verá -sentado en la silla de su ínsula y en la de su estado, y empuñará su -gobierno, que con otro de brocado de tres altos lo deseche. Lo que yo le -encargo es que mire cómo gobierna sus vasallos, advirtiendo que todos son -leales y bien nacidos. - -— Eso de gobernarlos bien —respondió Sancho— no hay para qué encargármelo, -porque yo soy caritativo de mío y tengo compasión de los pobres; y a quien -cuece y amasa, no le hurtes hogaza; y para mi santiguada que no me han de -echar dado falso; soy perro viejo, y entiendo todo tus, tus, y sé -despabilarme a sus tiempos, y no consiento que me anden musarañas ante los -ojos, porque sé dónde me aprieta el zapato: dígolo porque los buenos -tendrán conmigo mano y concavidad, y los malos, ni pie ni entrada. Y -paréceme a mí que en esto de los gobiernos todo es comenzar, y podría ser -que a quince días de gobernador me comiese las manos tras el oficio y -supiese más dél que de la labor del campo, en que me he criado. - -— Vos tenéis razón razón, Sancho —dijo la duquesa—, que nadie nace enseñado, -y de los hombres se hacen los obispos, que no de las piedras. Pero, -volviendo a la plática que poco ha tratábamos del encanto de la señora -Dulcinea, tengo por cosa cierta y más que averiguada que aquella -imaginación que Sancho tuvo de burlar a su señor y darle a entender que la -labradora era Dulcinea, y que si su señor no la conocía debía de ser por -estar encantada, toda fue invención de alguno de los encantadores que al -señor don Quijote persiguen; porque real y verdaderamente yo sé de buena -parte que la villana que dio el brinco sobre la pollina era y es Dulcinea -del Toboso, y que el buen Sancho, pensando ser el engañador, es el -engañado; y no hay poner más duda en esta verdad que en las cosas que nunca -vimos; y sepa el señor Sancho Panza que también tenemos acá encantadores -que nos quieren bien, y nos dicen lo que pasa por el mundo, pura y -sencillamente, sin enredos ni máquinas; y créame Sancho que la villana -brincadora era y es Dulcinea del Toboso, que está encantada como la madre -que la parió; y cuando menos nos pensemos, la habemos de ver en su propia -figura, y entonces saldrá Sancho del engaño en que vive. - -— Bien puede ser todo eso —dijo Sancho Panza—; y agora quiero creer lo que -mi amo cuenta de lo que vio en la cueva de Montesinos, donde dice que vio a -la señora Dulcinea del Toboso en el mesmo traje y hábito que yo dije que la -había visto cuando la encanté por solo mi gusto; y todo debió de ser al -revés, como vuesa merced, señora mía, dice, porque de mi ruin ingenio no se -puede ni debe presumir que fabricase en un instante tan agudo embuste, ni -creo yo que mi amo es tan loco que con tan flaca y magra persuasión como la -mía creyese una cosa tan fuera de todo término. Pero, señora, no por esto -será bien que vuestra bondad me tenga por malévolo, pues no está obligado -un porro como yo a taladrar los pensamientos y malicias de los pésimos -encantadores: yo fingí aquello por escaparme de las riñas de mi señor don -Quijote, y no con intención de ofenderle; y si ha salido al revés, Dios -está en el cielo, que juzga los corazones. - -— Así es la verdad —dijo la duquesa—; pero dígame agora, Sancho, qué es esto -que dice de la cueva de Montesinos, que gustaría saberlo. - -Entonces Sancho Panza le contó punto por punto lo que queda dicho acerca de -la tal aventura. Oyendo lo cual la duquesa, dijo: - -— Deste suceso se puede inferir que, pues el gran don Quijote dice que vio -allí a la mesma labradora que Sancho vio a la salida del Toboso, sin duda -es Dulcinea, y que andan por aquí los encantadores muy listos y -demasiadamente curiosos. - -— Eso digo yo —dijo Sancho Panza—, que si mi señora Dulcinea del Toboso está -encantada, su daño; que yo no me tengo de tomar, yo, con los enemigos de mi -amo, que deben de ser muchos y malos. Verdad sea que la que yo vi fue una -labradora, y por labradora la tuve, y por tal labradora la juzgué; y si -aquélla era Dulcinea, no ha de estar a mi cuenta, ni ha de correr por mí, o -sobre ello, morena. No, sino ándense a cada triquete conmigo a dime y -direte, "Sancho lo dijo, Sancho lo hizo, Sancho tornó y Sancho volvió", -como si Sancho fuese algún quienquiera, y no fuese el mismo Sancho Panza, -el que anda ya en libros por ese mundo adelante, según me dijo Sansón -Carrasco, que, por lo menos, es persona bachillerada por Salamanca, y los -tales no pueden mentir si no es cuando se les antoja o les viene muy a -cuento; así que, no hay para qué nadie se tome conmigo, y pues que tengo -buena fama, y, según oí decir a mi señor, que más vale el buen nombre que -las muchas riquezas, encájenme ese gobierno y verán maravillas; que quien -ha sido buen escudero será buen gobernador. - -— Todo cuanto aquí ha dicho el buen Sancho —dijo la duquesa— son sentencias -catonianas, o, por lo menos, sacadas de las mesmas entrañas del mismo -Micael Verino, florentibus occidit annis. En fin, en fin, hablando a su -modo, debajo de mala capa suele haber buen bebedor. - -— En verdad, señora —respondió Sancho—, que en mi vida he bebido de malicia; -con sed bien podría ser, porque no tengo nada de hipócrita: bebo cuando -tengo gana, y cuando no la tengo y cuando me lo dan, por no parecer o -melindroso o malcriado; que a un brindis de un amigo, ¿qué corazón ha de -haber tan de mármol que no haga la razón? Pero, aunque las calzo, no las -ensucio; cuanto más, que los escuderos de los caballeros andantes, casi de -ordinario beben agua, porque siempre andan por florestas, selvas y prados, -montañas y riscos, sin hallar una misericordia de vino, si dan por ella un -ojo. - -— Yo lo creo así —respondió la duquesa—. Y por ahora, váyase Sancho a -reposar, que después hablaremos más largo y daremos orden como vaya presto -a encajarse, como él dice, aquel gobierno. - -De nuevo le besó las manos Sancho a la duquesa, y le suplicó le hiciese -merced de que se tuviese buena cuenta con su rucio, porque era la lumbre de -sus ojos. - -— ¿Qué rucio es éste? —preguntó la duquesa. - -— Mi asno —respondió Sancho—, que por no nombrarle con este nombre, le suelo -llamar el rucio; y a esta señora dueña le rogué, cuando entré en este -castillo, tuviese cuenta con él, y azoróse de manera como si la hubiera -dicho que era fea o vieja, debiendo ser más propio y natural de las dueñas -pensar jumentos que autorizar las salas. ¡Oh, válame Dios, y cuán mal -estaba con estas señoras un hidalgo de mi lugar! - -— Sería algún villano —dijo doña Rodríguez, la dueña—, que si él fuera -hidalgo y bien nacido, él las pusiera sobre el cuerno de la luna. - -— Agora bien —dijo la duquesa—, no haya más: calle doña Rodríguez y -sosiéguese el señor Panza, y quédese a mi cargo el regalo del rucio; que, -por ser alhaja de Sancho, le pondré yo sobre las niñas de mis ojos. - -— En la caballeriza basta que esté —respondió Sancho—, que sobre las niñas -de los ojos de vuestra grandeza ni él ni yo somos dignos de estar sólo un -momento, y así lo consintiría yo como darme de puñaladas; que, aunque dice -mi señor que en las cortesías antes se ha de perder por carta de más que de -menos, en las jumentiles y así niñas se ha de ir con el compás en la mano y -con medido término. - -— Llévele —dijo la duquesa— Sancho al gobierno, y allá le podrá regalar como -quisiere, y aun jubilarle del trabajo. - -— No piense vuesa merced, señora duquesa, que ha dicho mucho —dijo Sancho—; -que yo he visto ir más de dos asnos a los gobiernos, y que llevase yo el -mío no sería cosa nueva. - -Las razones de Sancho renovaron en la duquesa la risa y el contento; y, -enviándole a reposar, ella fue a dar cuenta al duque de lo que con él había -pasado, y entre los dos dieron traza y orden de hacer una burla a don -Quijote que fuese famosa y viniese bien con el estilo caballeresco, en el -cual le hicieron muchas, tan propias y discretas, que son las mejores -aventuras que en esta grande historia se contienen. - - - - -Capítulo XXXIV. Que cuenta de la noticia que se tuvo de cómo se había de -desencantar la sin par Dulcinea del Toboso, que es una de las aventuras más -famosas deste libro - -Grande era el gusto que recebían el duque y la duquesa de la conversación -de don Quijote y de la de Sancho Panza; y, confirmándose en la intención -que tenían de hacerles algunas burlas que llevasen vislumbres y apariencias -de aventuras, tomaron motivo de la que don Quijote ya les había contado de -la cueva de Montesinos, para hacerle una que fuese famosa (pero de lo que -más la duquesa se admiraba era que la simplicidad de Sancho fuese tanta que -hubiese venido a creer ser verdad infalible que Dulcinea del Toboso -estuviese encantada, habiendo sido él mesmo el encantador y el embustero de -aquel negocio); y así, habiendo dado orden a sus criados de todo lo que -habían de hacer, de allí a seis días le llevaron a caza de montería, con -tanto aparato de monteros y cazadores como pudiera llevar un rey coronado. -Diéronle a don Quijote un vestido de monte y a Sancho otro verde, de -finísimo paño; pero don Quijote no se le quiso poner, diciendo que otro día -había de volver al duro ejercicio de las armas y que no podía llevar -consigo guardarropas ni reposterías. Sancho sí tomó el que le dieron, con -intención de venderle en la primera ocasión que pudiese. - -Llegado, pues, el esperado día, armóse don Quijote, vistióse Sancho, y, -encima de su rucio, que no le quiso dejar aunque le daban un caballo, se -metió entre la tropa de los monteros. La duquesa salió bizarramente -aderezada, y don Quijote, de puro cortés y comedido, tomó la rienda de su -palafrén, aunque el duque no quería consentirlo, y, finalmente, llegaron a -un bosque que entre dos altísimas montañas estaba, donde, tomados los -puestos, paranzas y veredas, y repartida la gente por diferentes puestos, -se comenzó la caza con grande estruendo, grita y vocería, de manera que -unos a otros no podían oírse, así por el ladrido de los perros como por el -son de las bocinas. - -Apeóse la duquesa, y, con un agudo venablo en las manos, se puso en un -puesto por donde ella sabía que solían venir algunos jabalíes. Apeóse -asimismo el duque y don Quijote, y pusiéronse a sus lados; Sancho se puso -detrás de todos, sin apearse del rucio, a quien no osara desamparar, porque -no le sucediese algún desmán. Y, apenas habían sentado el pie y puesto en -ala con otros muchos criados suyos, cuando, acosado de los perros y seguido -de los cazadores, vieron que hacia ellos venía un desmesurado jabalí, -crujiendo dientes y colmillos y arrojando espuma por la boca; y en -viéndole, embrazando su escudo y puesta mano a su espada, se adelantó a -recebirle don Quijote. Lo mesmo hizo el duque con su venablo; pero a todos -se adelantara la duquesa, si el duque no se lo estorbara. Sólo Sancho, en -viendo al valiente animal, desamparó al rucio y dio a correr cuanto pudo, -y, procurando subirse sobre una alta encina, no fue posible; antes, estando -ya a la mitad dél, asido de una rama, pugnando subir a la cima, fue tan -corto de ventura y tan desgraciado, que se desgajó la rama, y, al venir al -suelo, se quedó en el aire, asido de un gancho de la encina, sin poder -llegar al suelo. Y, viéndose así, y que el sayo verde se le rasgaba, y -pareciéndole que si aquel fiero animal allí allegaba le podía alcanzar, -comenzó a dar tantos gritos y a pedir socorro con tanto ahínco, que todos -los que le oían y no le veían creyeron que estaba entre los dientes de -alguna fiera. - -Finalmente, el colmilludo jabalí quedó atravesado de las cuchillas de -muchos venablos que se le pusieron delante; y, volviendo la cabeza don -Quijote a los gritos de Sancho, que ya por ellos le había conocido, viole -pendiente de la encina y la cabeza abajo, y al rucio junto a él, que no le -desamparó en su calamidad; y dice Cide Hamete que pocas veces vio a Sancho -Panza sin ver al rucio, ni al rucio sin ver a Sancho: tal era la amistad y -buena fe que entre los dos se guardaban. - -Llegó don Quijote y descolgó a Sancho; el cual, viéndose libre y en el -suelo, miró lo desgarrado del sayo de monte, y pesóle en el alma; que pensó -que tenía en el vestido un mayorazgo. En esto, atravesaron al jabalí -poderoso sobre una acémila, y, cubriéndole con matas de romero y con ramas -de mirto, le llevaron, como en señal de vitoriosos despojos, a unas grandes -tiendas de campaña que en la mitad del bosque estaban puestas, donde -hallaron las mesas en orden y la comida aderezada, tan sumptuosa y grande, -que se echaba bien de ver en ella la grandeza y magnificencia de quien la -daba. Sancho, mostrando las llagas a la duquesa de su roto vestido, dijo: - -— Si esta caza fuera de liebres o de pajarillos, seguro estuviera mi sayo de -verse en este estremo. Yo no sé qué gusto se recibe de esperar a un animal -que, si os alcanza con un colmillo, os puede quitar la vida; yo me acuerdo -haber oído cantar un romance antiguo que dice: - -De los osos seas comido, -como Favila el nombrado. - -— Ése fue un rey godo —dijo don Quijote—, que, yendo a caza de montería, le -comió un oso. - -— Eso es lo que yo digo —respondió Sancho—: que no querría yo que los -príncipes y los reyes se pusiesen en semejantes peligros, a trueco de un -gusto que parece que no le había de ser, pues consiste en matar a un animal -que no ha cometido delito alguno. - -— Antes os engañáis, Sancho —respondió el duque—, porque el ejercicio de la -caza de monte es el más conveniente y necesario para los reyes y príncipes -que otro alguno. La caza es una imagen de la guerra: hay en ella -estratagemas, astucias, insidias para vencer a su salvo al enemigo; -padécense en ella fríos grandísimos y calores intolerables; menoscábase el -ocio y el sueño, corrobóranse las fuerzas, agilítanse los miembros del que -la usa, y, en resolución, es ejercicio que se puede hacer sin perjuicio de -nadie y con gusto de muchos; y lo mejor que él tiene es que no es para -todos, como lo es el de los otros géneros de caza, excepto el de la -volatería, que también es sólo para reyes y grandes señores. Así que, ¡oh -Sancho!, mudad de opinión, y, cuando seáis gobernador, ocupaos en la caza y -veréis como os vale un pan por ciento. - -— Eso no —respondió Sancho—: el buen gobernador, la pierna quebrada y en -casa. ¡Bueno sería que viniesen los negociantes a buscarle fatigados y él -estuviese en el monte holgándose! ¡Así enhoramala andaría el gobierno! Mía -fe, señor, la caza y los pasatiempos más han de ser para los holgazanes que -para los gobernadores. En lo que yo pienso entretenerme es en jugar al -triunfo envidado las pascuas, y a los bolos los domingos y fiestas; que -esas cazas ni cazos no dicen con mi condición ni hacen con mi conciencia. - -— Plega a Dios, Sancho, que así sea, porque del dicho al hecho hay gran -trecho. - -— Haya lo que hubiere —replicó Sancho—, que al buen pagador no le duelen -prendas, y más vale al que Dios ayuda que al que mucho madruga, y tripas -llevan pies, que no pies a tripas; quiero decir que si Dios me ayuda, y yo -hago lo que debo con buena intención, sin duda que gobernaré mejor que un -gerifalte. ¡No, sino pónganme el dedo en la boca y verán si aprieto o no! - -— ¡Maldito seas de Dios y de todos sus santos, Sancho maldito —dijo don -Quijote—, y cuándo será el día, como otras muchas veces he dicho, donde yo -te vea hablar sin refranes una razón corriente y concertada! Vuestras -grandezas dejen a este tonto, señores míos, que les molerá las almas, no -sólo puestas entre dos, sino entre dos mil refranes, traídos tan a sazón y -tan a tiempo cuanto le dé Dios a él la salud, o a mí si los querría -escuchar. - -— Los refranes de Sancho Panza —dijo la duquesa—, puesto que son más que los -del Comendador Griego, no por eso son en menos de estimar, por la brevedad -de las sentencias. De mí sé decir que me dan más gusto que otros, aunque -sean mejor traídos y con más sazón acomodados. - -Con estos y otros entretenidos razonamientos, salieron de la tienda al -bosque, y en requerir algunas paranzas, y presto, se les pasó el día y se -les vino la noche, y no tan clara ni tan sesga como la sazón del tiempo -pedía, que era en la mitad del verano; pero un cierto claroescuro que trujo -consigo ayudó mucho a la intención de los duques; y, así como comenzó a -anochecer, un poco más adelante del crepúsculo, a deshora pareció que todo -el bosque por todas cuatro partes se ardía, y luego se oyeron por aquí y -por allí, y por acá y por acullá, infinitas cornetas y otros instrumentos -de guerra, como de muchas tropas de caballería que por el bosque pasaba. La -luz del fuego, el son de los bélicos instrumentos, casi cegaron y atronaron -los ojos y los oídos de los circunstantes, y aun de todos los que en el -bosque estaban. Luego se oyeron infinitos lelilíes, al uso de moros cuando -entran en las batallas, sonaron trompetas y clarines, retumbaron tambores, -resonaron pífaros, casi todos a un tiempo, tan contino y tan apriesa, que -no tuviera sentido el que no quedara sin él al son confuso de tantos -intrumentos. Pasmóse el duque, suspendióse la duquesa, admiróse don -Quijote, tembló Sancho Panza, y, finalmente, aun hasta los mesmos sabidores -de la causa se espantaron. Con el temor les cogió el silencio, y un -postillón que en traje de demonio les pasó por delante, tocando en voz de -corneta un hueco y desmesurado cuerno, que un ronco y espantoso son -despedía. - -— ¡Hola, hermano correo! —dijo el duque—, ¿quién sois, adónde vais, y qué -gente de guerra es la que por este bosque parece que atraviesa? - -A lo que respondió el correo con voz horrísona y desenfadada: - -— Yo soy el Diablo; voy a buscar a don Quijote de la Mancha; la gente que -por aquí viene son seis tropas de encantadores, que sobre un carro -triunfante traen a la sin par Dulcinea del Toboso. Encantada viene con el -gallardo francés Montesinos, a dar orden a don Quijote de cómo ha de ser -desencantada la tal señora. - -— Si vos fuérades diablo, como decís y como vuestra figura muestra, ya -hubiérades conocido al tal caballero don Quijote de la Mancha, pues le -tenéis delante. - -— En Dios y en mi conciencia —respondió el Diablo— que no miraba en ello, -porque traigo en tantas cosas divertidos los pensamientos, que de la -principal a que venía se me olvidaba. - -— Sin duda —dijo Sancho— que este demonio debe de ser hombre de bien y buen -cristiano, porque, a no serlo, no jurara en Dios y en mi conciencia. Ahora -yo tengo para mí que aun en el mesmo infierno debe de haber buena gente. - -Luego el Demonio, sin apearse, encaminando la vista a don Quijote, dijo: - -— A ti, el Caballero de los Leones (que entre las garras dellos te vea yo), -me envía el desgraciado pero valiente caballero Montesinos, mandándome que -de su parte te diga que le esperes en el mismo lugar que te topare, a causa -que trae consigo a la que llaman Dulcinea del Toboso, con orden de darte la -que es menester para desencantarla. Y, por no ser para más mi venida, no ha -de ser más mi estada: los demonios como yo queden contigo, y los ángeles -buenos con estos señores. - -Y, en diciendo esto, tocó el desaforado cuerno, y volvió las espaldas y -fuese, sin esperar respuesta de ninguno. - -Renovóse la admiración en todos, especialmente en Sancho y don Quijote: en -Sancho, en ver que, a despecho de la verdad, querían que estuviese -encantada Dulcinea; en don Quijote, por no poder asegurarse si era verdad o -no lo que le había pasado en la cueva de Montesinos. Y, estando elevado en -estos pensamientos, el duque le dijo: - -— ¿Piensa vuestra merced esperar, señor don Quijote? - -— Pues ¿no? —respondió él—. Aquí esperaré intrépido y fuerte, si me viniese -a embestir todo el infierno. - -— Pues si yo veo otro diablo y oigo otro cuerno como el pasado, así esperaré -yo aquí como en Flandes —dijo Sancho. - -En esto, se cerró más la noche, y comenzaron a discurrir muchas luces por -el bosque, bien así como discurren por el cielo las exhalaciones secas de -la tierra, que parecen a nuestra vista estrellas que corren. Oyóse asimismo -un espantoso ruido, al modo de aquel que se causa de las ruedas macizas que -suelen traer los carros de bueyes, de cuyo chirrío áspero y continuado se -dice que huyen los lobos y los osos, si los hay por donde pasan. Añadióse a -toda esta tempestad otra que las aumentó todas, que fue que parecía -verdaderamente que a las cuatro partes del bosque se estaban dando a un -mismo tiempo cuatro rencuentros o batallas, porque allí sonaba el duro -estruendo de espantosa artillería, acullá se disparaban infinitas -escopetas, cerca casi sonaban las voces de los combatientes, lejos se -reiteraban los lililíes agarenos. - -Finalmente, las cornetas, los cuernos, las bocinas, los clarines, las -trompetas, los tambores, la artillería, los arcabuces, y, sobre todo, el -temeroso ruido de los carros, formaban todos juntos un son tan confuso y -tan horrendo, que fue menester que don Quijote se valiese de todo su -corazón para sufrirle; pero el de Sancho vino a tierra, y dio con él -desmayado en las faldas de la duquesa, la cual le recibió en ellas, y a -gran priesa mandó que le echasen agua en el rostro. Hízose así, y él volvió -en su acuerdo, a tiempo que ya un carro de las rechinantes ruedas llegaba a -aquel puesto. - -Tirábanle cuatro perezosos bueyes, todos cubiertos de paramentos negros; en -cada cuerno traían atada y encendida una grande hacha de cera, y encima del -carro venía hecho un asiento alto, sobre el cual venía sentado un venerable -viejo, con una barba más blanca que la mesma nieve, y tan luenga que le -pasaba de la cintura; su vestidura era una ropa larga de negro bocací, que, -por venir el carro lleno de infinitas luces, se podía bien divisar y -discernir todo lo que en él venía. Guiábanle dos feos demonios vestidos del -mesmo bocací, con tan feos rostros, que Sancho, habiéndolos visto una vez, -cerró los ojos por no verlos otra. Llegando, pues, el carro a igualar al -puesto, se levantó de su alto asiento el viejo venerable, y, puesto en pie, -dando una gran voz, dijo: - -— Yo soy el sabio Lirgandeo. - -Y pasó el carro adelante, sin hablar más palabra. Tras éste pasó otro carro -de la misma manera, con otro viejo entronizado; el cual, haciendo que el -carro se detuviese, con voz no menos grave que el otro, dijo: - -— Yo soy el sabio Alquife, el grande amigo de Urganda la Desconocida. - -Y pasó adelante. - -Luego, por el mismo continente, llegó otro carro; pero el que venía sentado -en el trono no era viejo como los demás, sino hombrón robusto y de mala -catadura, el cual, al llegar, levantándose en pie, como los otros, dijo con -voz más ronca y más endiablada: - -— Yo soy Arcaláus el encantador, enemigo mortal de Amadís de Gaula y de toda -su parentela. - -Y pasó adelante. Poco desviados de allí hicieron alto estos tres carros, y -cesó el enfadoso ruido de sus ruedas, y luego se oyó otro, no ruido, sino -un son de una suave y concertada música formado, con que Sancho se alegró, -y lo tuvo a buena señal; y así, dijo a la duquesa, de quien un punto ni un -paso se apartaba: - -— Señora, donde hay música no puede haber cosa mala. - -— Tampoco donde hay luces y claridad —respondió la duquesa. - -A lo que replicó Sancho: - -— Luz da el fuego y claridad las hogueras, como lo vemos en las que nos -cercan, y bien podría ser que nos abrasasen, pero la música siempre es -indicio de regocijos y de fiestas. - -— Ello dirá —dijo don Quijote, que todo lo escuchaba. - -Y dijo bien, como se muestra en el capítulo siguiente. - - - - -Capítulo XXXV. Donde se prosigue la noticia que tuvo don Quijote del -desencanto de Dulcinea, con otros admirables sucesos - -Al compás de la agradable música vieron que hacia ellos venía un carro de -los que llaman triunfales tirado de seis mulas pardas, encubertadas, -empero, de lienzo blanco, y sobre cada una venía un diciplinante de luz, -asimesmo vestido de blanco, con una hacha de cera grande encendida en la -mano. Era el carro dos veces, y aun tres, mayor que los pasados, y los -lados, y encima dél, ocupaban doce otros diciplinantes albos como la nieve, -todos con sus hachas encendidas, vista que admiraba y espantaba juntamente; -y en un levantado trono venía sentada una ninfa, vestida de mil velos de -tela de plata, brillando por todos ellos infinitas hojas de argentería de -oro, que la hacían, si no rica, a lo menos vistosamente vestida. Traía el -rostro cubierto con un transparente y delicado cendal, de modo que, sin -impedirlo sus lizos, por entre ellos se descubría un hermosísimo rostro de -doncella, y las muchas luces daban lugar para distinguir la belleza y los -años, que, al parecer, no llegaban a veinte ni bajaban de diez y siete. - -Junto a ella venía una figura vestida de una ropa de las que llaman -rozagantes, hasta los pies, cubierta la cabeza con un velo negro; pero, al -punto que llegó el carro a estar frente a frente de los duques y de don -Quijote, cesó la música de las chirimías, y luego la de las arpas y laúdes -que en el carro sonaban; y, levantándose en pie la figura de la ropa, la -apartó a entrambos lados, y, quitándose el velo del rostro, descubrió -patentemente ser la mesma figura de la muerte, descarnada y fea, de que don -Quijote recibió pesadumbre y Sancho miedo, y los duques hicieron algún -sentimiento temeroso. Alzada y puesta en pie esta muerte viva, con voz algo -dormida y con lengua no muy despierta, comenzó a decir desta manera: - --Yo soy Merlín, aquel que las historias -dicen que tuve por mi padre al diablo -(mentira autorizada de los tiempos), -príncipe de la Mágica y monarca -y archivo de la ciencia zoroástrica, -émulo a las edades y a los siglos -que solapar pretenden las hazañas -de los andantes bravos caballeros -a quien yo tuve y tengo gran cariño. -Y, puesto que es de los encantadores, -de los magos o mágicos contino -dura la condición, áspera y fuerte, -la mía es tierna, blanda y amorosa, -y amiga de hacer bien a todas gentes. -En las cavernas lóbregas de Dite, -donde estaba mi alma entretenida -en formar ciertos rombos y caráteres, -llegó la voz doliente de la bella -y sin par Dulcinea del Toboso. -Supe su encantamento y su desgracia, -y su trasformación de gentil dama -en rústica aldeana; condolíme, -y, encerrando mi espíritu en el hueco -desta espantosa y fiera notomía, -después de haber revuelto cien mil libros -desta mi ciencia endemoniada y torpe, -vengo a dar el remedio que conviene -a tamaño dolor, a mal tamaño. -¡Oh tú, gloria y honor de cuantos visten -las túnicas de acero y de diamante, -luz y farol, sendero, norte y guía -de aquellos que, dejando el torpe sueño -y las ociosas plumas, se acomodan -a usar el ejercicio intolerable -de las sangrientas y pesadas armas! -A ti digo ¡oh varón, como se debe -por jamás alabado!, a ti, valiente -juntamente y discreto don Quijote, -de la Mancha esplendor, de España estrella, -que para recobrar su estado primo -la sin par Dulcinea del Toboso, -es menester que Sancho, tu escudero, -se dé tres mil azotes y trecientos -en ambas sus valientes posaderas, -al aire descubiertas, y de modo -que le escuezan, le amarguen y le enfaden. -Y en esto se resuelven todos cuantos -de su desgracia han sido los autores, -y a esto es mi venida, mis señores. - -— ¡Voto a tal! —dijo a esta sazón Sancho—. No digo yo tres mil azotes, pero -así me daré yo tres como tres puñaladas. ¡Válate el diablo por modo de -desencantar! ¡Yo no sé qué tienen que ver mis posas con los encantos! ¡Par -Dios que si el señor Merlín no ha hallado otra manera como desencantar a la -señora Dulcinea del Toboso, encantada se podrá ir a la sepultura! - -— Tomaros he yo —dijo don Quijote—, don villano, harto de ajos, y amarraros -he a un árbol, desnudo como vuestra madre os parió; y no digo yo tres mil y -trecientos, sino seis mil y seiscientos azotes os daré, tan bien pegados -que no se os caigan a tres mil y trecientos tirones. Y no me repliquéis -palabra, que os arrancaré el alma. - -Oyendo lo cual Merlín, dijo: - -— No ha de ser así, porque los azotes que ha de recebir el buen Sancho han -de ser por su voluntad, y no por fuerza, y en el tiempo que él quisiere; -que no se le pone término señalado; pero permítesele que si él quisiere -redemir su vejación por la mitad de este vapulamiento, puede dejar que se -los dé ajena mano, aunque sea algo pesada. - -— Ni ajena, ni propia, ni pesada, ni por pesar —replicó Sancho—: a mí no me -ha de tocar alguna mano. ¿Parí yo, por ventura, a la señora Dulcinea del -Toboso, para que paguen mis posas lo que pecaron sus ojos? El señor mi amo -sí, que es parte suya, pues la llama a cada paso mi vida, mi alma, sustento -y arrimo suyo, se puede y debe azotar por ella y hacer todas las -diligencias necesarias para su desencanto; pero, ¿azotarme yo...? -¡Abernuncio! - -Apenas acabó de decir esto Sancho, cuando, levantándose en pie la argentada -ninfa que junto al espíritu de Merlín venía, quitándose el sutil velo del -rostro, le descubrió tal, que a todos pareció mas que demasiadamente -hermoso, y, con un desenfado varonil y con una voz no muy adamada, hablando -derechamente con Sancho Panza, dijo: - -— ¡Oh malaventurado escudero, alma de cántaro, corazón de alcornoque, de -entrañas guijeñas y apedernaladas! Si te mandaran, ladrón desuellacaras, -que te arrojaras de una alta torre al suelo; si te pidieran, enemigo del -género humano, que te comieras una docena de sapos, dos de lagartos y tres -de culebras; si te persuadieran a que mataras a tu mujer y a tus hijos con -algún truculento y agudo alfanje, no fuera maravilla que te mostraras -melindroso y esquivo; pero hacer caso de tres mil y trecientos azotes, que -no hay niño de la doctrina, por ruin que sea, que no se los lleve cada mes, -admira, adarva, espanta a todas las entrañas piadosas de los que lo -escuchan, y aun las de todos aquellos que lo vinieren a saber con el -discurso del tiempo. Pon, ¡oh miserable y endurecido animal!, pon, digo, -esos tus ojos de machuelo espantadizo en las niñas destos míos, comparados -a rutilantes estrellas, y veráslos llorar hilo a hilo y madeja a madeja, -haciendo surcos, carreras y sendas por los hermosos campos de mis mejillas. -Muévate, socarrón y malintencionado monstro, que la edad tan florida mía, -que aún se está todavía en el diez y... de los años, pues tengo diez y -nueve y no llego a veinte, se consume y marchita debajo de la corteza de -una rústica labradora; y si ahora no lo parezco, es merced particular que -me ha hecho el señor Merlín, que está presente, sólo porque te enternezca -mi belleza; que las lágrimas de una afligida hermosura vuelven en algodón -los riscos, y los tigres en ovejas. Date, date en esas carnazas, bestión -indómito, y saca de harón ese brío, que a sólo comer y más comer te -inclina, y pon en libertad la lisura de mis carnes, la mansedumbre de mi -condición y la belleza de mi faz; y si por mí no quieres ablandarte ni -reducirte a algún razonable término, hazlo por ese pobre caballero que a tu -lado tienes; por tu amo, digo, de quien estoy viendo el alma, que la tiene -atravesada en la garganta, no diez dedos de los labios, que no espera sino -tu rígida o blanda repuesta, o para salirse por la boca, o para volverse al -estómago. - -Tentóse, oyendo esto, la garganta don Quijote y dijo, volviéndose al duque: - -— Por Dios, señor, que Dulcinea ha dicho la verdad, que aquí tengo el alma -atravesada en la garganta, como una nuez de ballesta. - -— ¿Qué decís vos a esto, Sancho? —preguntó la duquesa. - -— Digo, señora —respondió Sancho—, lo que tengo dicho: que de los azotes, -abernuncio. - -— Abrenuncio habéis de decir, Sancho, y no como decís —dijo el duque. - -— Déjeme vuestra grandeza —respondió Sancho—, que no estoy agora para mirar -en sotilezas ni en letras más a menos; porque me tienen tan turbado estos -azotes que me han de dar, o me tengo de dar, que no sé lo que me digo, ni -lo que me hago. Pero querría yo saber de la señora mi señora doña Dulcina -del Toboso adónde aprendió el modo de rogar que tiene: viene a pedirme que -me abra las carnes a azotes, y llámame alma de cántaro y bestión indómito, -con una tiramira de malos nombres, que el diablo los sufra. ¿Por ventura -son mis carnes de bronce, o vame a mí algo en que se desencante o no? ¿Qué -canasta de ropa blanca, de camisas, de tocadores y de escarpines, anque -no los gasto, trae delante de sí para ablandarme, sino un vituperio y otro, -sabiendo aquel refrán que dicen por ahí, que un asno cargado de oro sube -ligero por una montaña, y que dádivas quebrantan peñas, y a Dios rogando y -con el mazo dando, y que más vale un "toma" que dos "te daré"? Pues el -señor mi amo, que había de traerme la mano por el cerro y halagarme para -que yo me hiciese de lana y de algodón cardado, dice que si me coge me -amarrará desnudo a un árbol y me doblará la parada de los azotes; y habían -de considerar estos lastimados señores que no solamente piden que se azote -un escudero, sino un gobernador; como quien dice: "bebe con guindas". -Aprendan, aprendan mucho de enhoramala a saber rogar, y a saber pedir, y a -tener crianza, que no son todos los tiempos unos, ni están los hombres -siempre de un buen humor. Estoy yo ahora reventando de pena por ver mi sayo -verde roto, y vienen a pedirme que me azote de mi voluntad, estando ella -tan ajena dello como de volverme cacique. - -— Pues en verdad, amigo Sancho —dijo el duque—, que si no os ablandáis más -que una breva madura, que no habéis de empuñar el gobierno. ¡Bueno sería -que yo enviase a mis insulanos un gobernador cruel, de entrañas -pedernalinas, que no se doblega a las lágrimas de las afligidas doncellas, -ni a los ruegos de discretos, imperiosos y antiguos encantadores y sabios! -En resolución, Sancho, o vos habéis de ser azotado, o os han de azotar, o -no habéis de ser gobernador. - -— Señor —respondió Sancho—, ¿no se me darían dos días de término para pensar -lo que me está mejor? - -— No, en ninguna manera —dijo Merlín—; aquí, en este instante y en este -lugar, ha de quedar asentado lo que ha de ser deste negocio, o Dulcinea -volverá a la cueva de Montesinos y a su prístino estado de labradora, o ya, -en el ser que está, será llevada a los Elíseos Campos, donde estará -esperando se cumpla el número del vápulo. - -— Ea, buen Sancho —dijo la duquesa—, buen ánimo y buena correspondencia al -pan que habéis comido del señor don Quijote, a quien todos debemos servir y -agradar, por su buena condición y por sus altas caballerías. Dad el sí, -hijo, desta azotaina, y váyase el diablo para diablo y el temor para -mezquino; que un buen corazón quebranta mala ventura, como vos bien sabéis. - -A estas razones respondió con éstas disparatadas Sancho, que, hablando con -Merlín, le preguntó: - -— Dígame vuesa merced, señor Merlín: cuando llegó aquí el diablo correo y -dio a mi amo un recado del señor Montesinos, mandándole de su parte que le -esperase aquí, porque venía a dar orden de que la señora doña Dulcinea del -Toboso se desencantase, y hasta agora no hemos visto a Montesinos, ni a sus -semejas. - -A lo cual respondió Merlín: - -— El Diablo, amigo Sancho, es un ignorante y un grandísimo bellaco: yo le -envié en busca de vuestro amo, pero no con recado de Montesinos, sino mío, -porque Montesinos se está en su cueva entendiendo, o, por mejor decir, -esperando su desencanto, que aún le falta la cola por desollar. Si os debe -algo, o tenéis alguna cosa que negociar con él, yo os lo traeré y pondré -donde vos más quisiéredes. Y, por agora, acabad de dar el sí desta -diciplina, y creedme que os será de mucho provecho, así para el alma como -para el cuerpo: para el alma, por la caridad con que la haréis; para el -cuerpo, porque yo sé que sois de complexión sanguínea, y no os podrá hacer -daño sacaros un poco de sangre. - -— Muchos médicos hay en el mundo: hasta los encantadores son médicos -— replicó Sancho—; pero, pues todos me lo dicen, aunque yo no me lo veo, -digo que soy contento de darme los tres mil y trecientos azotes, con -condición que me los tengo de dar cada y cuando que yo quisiere, sin que se -me ponga tasa en los días ni en el tiempo; y yo procuraré salir de la deuda -lo más presto que sea posible, porque goce el mundo de la hermosura de la -señora doña Dulcinea del Toboso, pues, según parece, al revés de lo que yo -pensaba, en efecto es hermosa. Ha de ser también condición que no he de -estar obligado a sacarme sangre con la diciplina, y que si algunos azotes -fueren de mosqueo, se me han de tomar en cuenta. Iten, que si me errare en -el número, el señor Merlín, pues lo sabe todo, ha de tener cuidado de -contarlos y de avisarme los que me faltan o los que me sobran. - -— De las sobras no habrá que avisar —respondió Merlín—, porque, llegando al -cabal número, luego quedará de improviso desencantada la señora Dulcinea, y -vendrá a buscar, como agradecida, al buen Sancho, y a darle gracias, y aun -premios, por la buena obra. Así que no hay de qué tener escrúpulo de las -sobras ni de las faltas, ni el cielo permita que yo engañe a nadie, aunque -sea en un pelo de la cabeza. - -— ¡Ea, pues, a la mano de Dios! —dijo Sancho—. Yo consiento en mi mala -ventura; digo que yo acepto la penitencia con las condiciones apuntadas. - -Apenas dijo estas últimas palabras Sancho, cuando volvió a sonar la música -de las chirimías y se volvieron a disparar infinitos arcabuces, y don -Quijote se colgó del cuello de Sancho, dándole mil besos en la frente y en -las mejillas. La duquesa y el duque y todos los circunstantes dieron -muestras de haber recebido grandísimo contento, y el carro comenzó a -caminar; y, al pasar, la hermosa Dulcinea inclinó la cabeza a los duques y -hizo una gran reverencia a Sancho. - -Y ya, en esto, se venía a más andar el alba, alegre y risueña: las -florecillas de los campos se descollaban y erguían, y los líquidos -cristales de los arroyuelos, murmurando por entre blancas y pardas guijas, -iban a dar tributo a los ríos que los esperaban. La tierra alegre, el cielo -claro, el aire limpio, la luz serena, cada uno por sí y todos juntos, daban -manifiestas señales que el día, que al aurora venía pisando las faldas, -había de ser sereno y claro. Y, satisfechos los duques de la caza y de -haber conseguido su intención tan discreta y felicemente, se volvieron a su -castillo, con prosupuesto de segundar en sus burlas, que para ellos no -había veras que más gusto les diesen. - - - - -Capítulo XXXVI. Donde se cuenta la estraña y jamás imaginada aventura de la -dueña Dolorida, alias de la condesa Trifaldi, con una carta que Sancho -Panza escribió a su mujer Teresa Panza - -Tenía un mayordomo el duque de muy burlesco y desenfadado ingenio, el cual -hizo la figura de Merlín y acomodó todo el aparato de la aventura pasada, -compuso los versos y hizo que un paje hiciese a Dulcinea. Finalmente, con -intervención de sus señores, ordenó otra del más gracioso y estraño -artificio que puede imaginarse. - -Preguntó la duquesa a Sancho otro día si había comenzado la tarea de la -penitencia que había de hacer por el desencanto de Dulcinea. Dijo que sí, -y que aquella noche se había dado cinco azotes. Preguntóle la duquesa que -con qué se los había dado. Respondió que con la mano. - -— Eso —replicó la duquesa— más es darse de palmadas que de azotes. Yo tengo -para mí que el sabio Merlín no estará contento con tanta blandura; menester -será que el buen Sancho haga alguna diciplina de abrojos, o de las de -canelones, que se dejen sentir; porque la letra con sangre entra, y no se -ha de dar tan barata la libertad de una tan gran señora como lo es Dulcinea -por tan poco precio; y advierta Sancho que las obras de caridad que se -hacen tibia y flojamente no tienen mérito ni valen nada. - -A lo que respondió Sancho: - -— Déme vuestra señoría alguna diciplina o ramal conveniente, que yo me daré -con él como no me duela demasiado, porque hago saber a vuesa merced que, -aunque soy rústico, mis carnes tienen más de algodón que de esparto, y no -será bien que yo me descríe por el provecho ajeno. - -— Sea en buena hora —respondió la duquesa—: yo os daré mañana una diciplina -que os venga muy al justo y se acomode con la ternura de vuestras carnes, -como si fueran sus hermanas propias. - -A lo que dijo Sancho: - -— Sepa vuestra alteza, señora mía de mi ánima, que yo tengo escrita una -carta a mi mujer Teresa Panza, dándole cuenta de todo lo que me ha sucedido -después que me aparté della; aquí la tengo en el seno, que no le falta más -de ponerle el sobreescrito; querría que vuestra discreción la leyese, -porque me parece que va conforme a lo de gobernador, digo, al modo que -deben de escribir los gobernadores. - -— ¿Y quién la notó? —preguntó la duquesa. - -— ¿Quién la había de notar sino yo, pecador de mí? —respondió Sancho. - -— ¿Y escribístesla vos? —dijo la duquesa. - -— Ni por pienso —respondió Sancho—, porque yo no sé leer ni escribir, puesto -que sé firmar. - -— Veámosla —dijo la duquesa—, que a buen seguro que vos mostréis en ella la -calidad y suficiencia de vuestro ingenio. - -Sacó Sancho una carta abierta del seno, y, tomándola la duquesa, vio que -decía desta manera: - -Carta de Sancho Panza a Teresa Panza, su mujer - -Si buenos azotes me daban, bien caballero me iba; si buen gobierno me -tengo, buenos azotes me cuesta. Esto no lo entenderás tú, Teresa mía, por -ahora; otra vez lo sabrás. Has de saber, Teresa, que tengo determinado que -andes en coche, que es lo que hace al caso, porque todo otro andar es andar -a gatas. Mujer de un gobernador eres, ¡mira si te roerá nadie los zancajos! -Ahí te envío un vestido verde de cazador, que me dio mi señora la duquesa; -acomódale en modo que sirva de saya y cuerpos a nuestra hija. Don Quijote, -mi amo, según he oído decir en esta tierra, es un loco cuerdo y un -mentecato gracioso, y que yo no le voy en zaga. Hemos estado en la cueva de -Montesinos, y el sabio Merlín ha echado mano de mí para el desencanto de -Dulcinea del Toboso, que por allá se llama Aldonza Lorenzo: con tres mil y -trecientos azotes, menos cinco, que me he de dar, quedará desencantada como -la madre que la parió. No dirás desto nada a nadie, porque pon lo tuyo en -concejo, y unos dirán que es blanco y otros que es negro. De aquí a pocos -días me partiré al gobierno, adonde voy con grandísimo deseo de hacer -dineros, porque me han dicho que todos los gobernadores nuevos van con este -mesmo deseo; tomaréle el pulso, y avisaréte si has de venir a estar conmigo -o no. El rucio está bueno, y se te encomienda mucho; y no le pienso dejar, -aunque me llevaran a ser Gran Turco. La duquesa mi señora te besa mil veces -las manos; vuélvele el retorno con dos mil, que no hay cosa que menos -cueste ni valga más barata, según dice mi amo, que los buenos -comedimientos. No ha sido Dios servido de depararme otra maleta con otros -cien escudos, como la de marras, pero no te dé pena, Teresa mía, que en -salvo está el que repica, y todo saldrá en la colada del gobierno; sino que -me ha dado gran pena que me dicen que si una vez le pruebo, que me tengo de -comer las manos tras él; y si así fuese, no me costaría muy barato, aunque -los estropeados y mancos ya se tienen su calonjía en la limosna que piden; -así que, por una vía o por otra, tú has de ser rica, de buena ventura. Dios -te la dé, como puede, y a mí me guarde para servirte. Deste castillo, a -veinte de julio de 1614. - -Tu marido el gobernador, - -Sancho Panza. - -En acabando la duquesa de leer la carta, dijo a Sancho: - -— En dos cosas anda un poco descaminado el buen gobernador: la una, en decir -o dar a entender que este gobierno se le han dado por los azotes que se ha -de dar, sabiendo él, que no lo puede negar, que cuando el duque, mi señor, -se le prometió, no se soñaba haber azotes en el mundo; la otra es que se -muestra en ella muy codicioso, y no querría que orégano fuese, porque la -codicia rompe el saco, y el gobernador codicioso hace la justicia -desgobernada. - -— Yo no lo digo por tanto, señora —respondió Sancho—; y si a vuesa merced le -parece que la tal carta no va como ha de ir, no hay sino rasgarla y hacer -otra nueva, y podría ser que fuese peor si me lo dejan a mi caletre. - -— No, no —replicó la duquesa—, buena está ésta, y quiero que el duque la -vea. - -Con esto se fueron a un jardín, donde habían de comer aquel día. Mostró la -duquesa la carta de Sancho al duque, de que recibió grandísimo contento. -Comieron, y después de alzado los manteles, y después de haberse -entretenido un buen espacio con la sabrosa conversación de Sancho, a -deshora se oyó el son tristísimo de un pífaro y el de un ronco y -destemplado tambor. Todos mostraron alborotarse con la confusa, marcial y -triste armonía, especialmente don Quijote, que no cabía en su asiento de -puro alborotado; de Sancho no hay que decir sino que el miedo le llevó a su -acostumbrado refugio, que era el lado o faldas de la duquesa, porque real y -verdaderamente el son que se escuchaba era tristísimo y malencólico. - -Y, estando todos así suspensos, vieron entrar por el jardín adelante dos -hombres vestidos de luto, tan luego y tendido que les arrastraba por el -suelo; éstos venían tocando dos grandes tambores, asimismo cubiertos de -negro. A su lado venía el pífaro, negro y pizmiento como los demás. Seguía -a los tres un personaje de cuerpo agigantado, amantado, no que vestido, con -una negrísima loba, cuya falda era asimismo desaforada de grande. Por -encima de la loba le ceñía y atravesaba un ancho tahelí, también negro, de -quien pendía un desmesurado alfanje de guarniciones y vaina negra. Venía -cubierto el rostro con un trasparente velo negro, por quien se entreparecía -una longísima barba, blanca como la nieve. Movía el paso al son de los -tambores con mucha gravedad y reposo. En fin, su grandeza, su contoneo, su -negrura y su acompañamiento pudiera y pudo suspender a todos aquellos que -sin conocerle le miraron. - -Llegó, pues, con el espacio y prosopopeya referida a hincarse de rodillas -ante el duque, que en pie, con los demás que allí estaban, le atendía; pero -el duque en ninguna manera le consintió hablar hasta que se levantase. -Hízolo así el espantajo prodigioso, y, puesto en pie, alzó el antifaz del -rostro y hizo patente la más horrenda, la más larga, la más blanca y más -poblada barba que hasta entonces humanos ojos habían visto, y luego -desencajó y arrancó del ancho y dilatado pecho una voz grave y sonora, y, -poniendo los ojos en el duque, dijo: - -— Altísimo y poderoso señor, a mí me llaman Trifaldín el de la Barba Blanca; -soy escudero de la condesa Trifaldi, por otro nombre llamada la Dueña -Dolorida, de parte de la cual traigo a vuestra grandeza una embajada, y es -que la vuestra magnificencia sea servida de darla facultad y licencia para -entrar a decirle su cuita, que es una de las más nuevas y más admirables -que el más cuitado pensamiento del orbe pueda haber pensado. Y primero -quiere saber si está en este vuestro castillo el valeroso y jamás vencido -caballero don Quijote de la Mancha, en cuya busca viene a pie y sin -desayunarse desde el reino de Candaya hasta este vuestro estado, cosa que -se puede y debe tener a milagro o a fuerza de encantamento. Ella queda a la -puerta desta fortaleza o casa de campo, y no aguarda para entrar sino -vuestro beneplácito. Dije. - -Y tosió luego y manoseóse la barba de arriba abajo con entrambas manos, y -con mucho sosiego estuvo atendiendo la respuesta del duque, que fue: - -— Ya, buen escudero Trifaldín de la Blanca Barba, ha muchos días que tenemos -noticia de la desgracia de mi señora la condesa Trifaldi, a quien los -encantadores la hacen llamar la Dueña Dolorida; bien podéis, estupendo -escudero, decirle que entre y que aquí está el valiente caballero don -Quijote de la Mancha, de cuya condición generosa puede prometerse con -seguridad todo amparo y toda ayuda; y asimismo le podréis decir de mi parte -que si mi favor le fuere necesario, no le ha de faltar, pues ya me tiene -obligado a dársele el ser caballero, a quien es anejo y concerniente -favorecer a toda suerte de mujeres, en especial a las dueñas viudas, -menoscabadas y doloridas, cual lo debe estar su señoría. - -Oyendo lo cual Trifaldín, inclinó la rodilla hasta el suelo, y, haciendo al -pífaro y tambores señal que tocasen, al mismo son y al mismo paso que había -entrado, se volvió a salir del jardín, dejando a todos admirados de su -presencia y compostura. Y, volviéndose el duque a don Quijote, le dijo: - -— En fin, famoso caballero, no pueden las tinieblas de malicia ni de la -ignorancia encubrir y escurecer la luz del valor y de la virtud. Digo esto -porque apenas ha seis días que la vuestra bondad está en este castillo, -cuando ya os vienen a buscar de lueñas y apartadas tierras, y no en -carrozas ni en dromedarios, sino a pie y en ayunas; los tristes, los -afligidos, confiados que han de hallar en ese fortísimo brazo el remedio de -sus cuitas y trabajos, merced a vuestras grandes hazañas, que corren y -rodean todo lo descubierto de la tierra. - -— Quisiera yo, señor duque —respondió don Quijote—, que estuviera aquí -presente aquel bendito religioso que a la mesa el otro día mostró tener tan -mal talante y tan mala ojeriza contra los caballeros andantes, para que -viera por vista de ojos si los tales caballeros son necesarios en el mundo: -tocara, por lo menos, con la mano que los extraordinariamente afligidos y -desconsolados, en casos grandes y en desdichas inormes no van a buscar su -remedio a las casas de los letrados, ni a la de los sacristanes de las -aldeas, ni al caballero que nunca ha acertado a salir de los términos de su -lugar, ni al perezoso cortesano que antes busca nuevas para referirlas y -contarlas, que procura hacer obras y hazañas para que otros las cuenten y -las escriban; el remedio de las cuitas, el socorro de las necesidades, el -amparo de las doncellas, el consuelo de las viudas, en ninguna suerte de -personas se halla mejor que en los caballeros andantes, y de serlo yo doy -infinitas gracias al cielo, y doy por muy bien empleado cualquier desmán y -trabajo que en este tan honroso ejercicio pueda sucederme. Venga esta dueña -y pida lo que quisiere, que yo le libraré su remedio en la fuerza de mi -brazo y en la intrépida resolución de mi animoso espíritu. - - - - -Capítulo XXXVII. Donde se prosigue la famosa aventura de la dueña Dolorida - -En estremo se holgaron el duque y la duquesa de ver cuán bien iba -respondiendo a su intención don Quijote, y a esta sazón dijo Sancho: - -— No querría yo que esta señora dueña pusiese algún tropiezo a la promesa de -mi gobierno, porque yo he oído decir a un boticario toledano que hablaba -como un silguero que donde interviniesen dueñas no podía suceder cosa -buena. ¡Válame Dios, y qué mal estaba con ellas el tal boticario! De lo que -yo saco que, pues todas las dueñas son enfadosas e impertinentes, de -cualquiera calidad y condición que sean, ¿qué serán las que son doloridas, -como han dicho que es esta condesa Tres Faldas, o Tres Colas?; que en mi -tierra faldas y colas, colas y faldas, todo es uno. - -— Calla, Sancho amigo —dijo don Quijote—, que, pues esta señora dueña de tan -lueñes tierras viene a buscarme, no debe ser de aquellas que el boticario -tenía en su número, cuanto más que ésta es condesa, y cuando las condesas -sirven de dueñas, será sirviendo a reinas y a emperatrices, que en sus -casas son señorísimas que se sirven de otras dueñas. - -A esto respondió doña Rodríguez, que se halló presente: - -— Dueñas tiene mi señora la duquesa en su servicio, que pudieran ser -condesas si la fortuna quisiera, pero allá van leyes do quieren reyes; y -nadie diga mal de las dueñas, y más de las antiguas y doncellas; que, -aunque yo no lo soy, bien se me alcanza y se me trasluce la ventaja que -hace una dueña doncella a una dueña viuda; y quien a nosotras trasquiló, -las tijeras le quedaron en la mano. - -— Con todo eso —replicó Sancho—, hay tanto que trasquilar en las dueñas, -según mi barbero, cuanto será mejor no menear el arroz, aunque se pegue. - -— Siempre los escuderos —respondió doña Rodríguez— son enemigos nuestros; -que, como son duendes de las antesalas y nos veen a cada paso, los ratos -que no rezan, que son muchos, los gastan en murmurar de nosotras, -desenterrándonos los huesos y enterrándonos la fama. Pues mándoles yo a los -leños movibles, que, mal que les pese, hemos de vivir en el mundo, y en las -casas principales, aunque muramos de hambre y cubramos con un negro monjil -nuestras delicadas o no delicadas carnes, como quien cubre o tapa un -muladar con un tapiz en día de procesión. A fe que si me fuera dado, y el -tiempo lo pidiera, que yo diera a entender, no sólo a los presentes, sino a -todo el mundo, cómo no hay virtud que no se encierre en una dueña. - -— Yo creo —dijo la duquesa— que mi buena doña Rodríguez tiene razón, y muy -grande; pero conviene que aguarde tiempo para volver por sí y por las demás -dueñas, para confundir la mala opinión de aquel mal boticario, y -desarraigar la que tiene en su pecho el gran Sancho Panza. - -A lo que Sancho respondió: - -— Después que tengo humos de gobernador se me han quitado los váguidos de -escudero, y no se me da por cuantas dueñas hay un cabrahígo. - -Adelante pasaran con el coloquio dueñesco, si no oyeran que el pífaro y los -tambores volvían a sonar, por donde entendieron que la dueña Dolorida -entraba. Preguntó la duquesa al duque si sería bien ir a recebirla, pues -era condesa y persona principal. - -— Por lo que tiene de condesa —respondió Sancho, antes que el duque -respondiese—, bien estoy en que vuestras grandezas salgan a recebirla; pero -por lo de dueña, soy de parecer que no se muevan un paso. - -— ¿Quién te mete a ti en esto, Sancho? —dijo don Quijote. - -— ¿Quién, señor? —respondió Sancho—. Yo me meto, que puedo meterme, como -escudero que ha aprendido los términos de la cortesía en la escuela de -vuesa merced, que es el más cortés y bien criado caballero que hay en toda -la cortesanía; y en estas cosas, según he oído decir a vuesa merced, tanto -se pierde por carta de más como por carta de menos; y al buen entendedor, -pocas palabras. - -— Así es, como Sancho dice —dijo el duque—: veremos el talle de la condesa, -y por él tantearemos la cortesía que se le debe. - -En esto, entraron los tambores y el pífaro, como la vez primera. - -Y aquí, con este breve capítulo, dio fin el autor, y comenzó el otro, -siguiendo la mesma aventura, que es una de las más notables de la historia. - - - - -Capítulo XXXVIII. Donde se cuenta la que dio de su mala andanza la dueña -Dolorida - -Detrás de los tristes músicos comenzaron a entrar por el jardín adelante -hasta cantidad de doce dueñas, repartidas en dos hileras, todas vestidas de -unos monjiles anchos, al parecer, de anascote batanado, con unas tocas -blancas de delgado canequí, tan luengas que sólo el ribete del monjil -descubrían. Tras ellas venía la condesa Trifaldi, a quien traía de la mano -el escudero Trifaldín de la Blanca Barba, vestida de finísima y negra -bayeta por frisar, que, a venir frisada, descubriera cada grano del grandor -de un garbanzo de los buenos de Martos. La cola, o falda, o como llamarla -quisieren, era de tres puntas, las cuales se sustentaban en las manos de -tres pajes, asimesmo vestidos de luto, haciendo una vistosa y matemática -figura con aquellos tres ángulos acutos que las tres puntas formaban, por -lo cual cayeron todos los que la falda puntiaguda miraron que por ella se -debía llamar la condesa Trifaldi, como si dijésemos la condesa de las Tres -Faldas; y así dice Benengeli que fue verdad, y que de su propio apellido se -llama la condesa Lobuna, a causa que se criaban en su condado muchos lobos, -y que si como eran lobos fueran zorras, la llamaran la condesa Zorruna, por -ser costumbre en aquellas partes tomar los señores la denominación de sus -nombres de la cosa o cosas en que más sus estados abundan; empero esta -condesa, por favorecer la novedad de su falda, dejó el Lobuna y tomó el -Trifaldi. - -Venían las doce dueñas y la señora a paso de procesión, cubiertos los -rostros con unos velos negros y no trasparentes como el de Trifaldín, sino -tan apretados que ninguna cosa se traslucían. - -Así como acabó de parecer el dueñesco escuadrón, el duque, la duquesa y don -Quijote se pusieron en pie, y todos aquellos que la espaciosa procesión -miraban. Pararon las doce dueñas y hicieron calle, por medio de la cual la -Dolorida se adelantó, sin dejarla de la mano Trifaldín, viendo lo cual el -duque, la duquesa y don Quijote, se adelantaron obra de doce pasos a -recebirla. Ella, puesta las rodillas en el suelo, con voz antes basta y -ronca que sutil y dilicada, dijo: - -— Vuestras grandezas sean servidas de no hacer tanta cortesía a este su -criado; digo, a esta su criada, porque, según soy de dolorida, no acertaré -a responder a lo que debo, a causa que mi estraña y jamás vista desdicha me -ha llevado el entendimiento no sé adónde, y debe de ser muy lejos, pues -cuanto más le busco menos le hallo. - -— Sin él estaría —respondió el duque—, señora condesa, el que no descubriese -por vuestra persona vuestro valor, el cual, sin más ver, es merecedor de -toda la nata de la cortesía y de toda la flor de las bien criadas -ceremonias. - -Y, levantándola de la mano, la llevó a asentar en una silla junto a la -duquesa, la cual la recibió asimismo con mucho comedimiento. - -Don Quijote callaba, y Sancho andaba muerto por ver el rostro de la -Trifaldi y de alguna de sus muchas dueñas, pero no fue posible hasta que -ellas de su grado y voluntad se descubrieron. - -Sosegados todos y puestos en silencio, estaban esperando quién le había de -romper, y fue la dueña Dolorida con estas palabras: - -— Confiada estoy, señor poderosísimo, hermosísima señora y discretísimos -circunstantes, que ha de hallar mi cuitísima en vuestros valerosísimos -pechos acogimiento no menos plácido que generoso y doloroso, porque ella es -tal, que es bastante a enternecer los mármoles, y a ablandar los diamantes, -y a molificar los aceros de los más endurecidos corazones del mundo; pero, -antes que salga a la plaza de vuestros oídos, por no decir orejas, quisiera -que me hicieran sabidora si está en este gremio, corro y compañía el -acendradísimo caballero don Quijote de la Manchísima y su escuderísimo -Panza. - -— El Panza —antes que otro respondiese, dijo Sancho— aquí esta, y el don -Quijotísimo asimismo; y así, podréis, dolorosísima dueñísima, decir lo que -quisieridísimis, que todos estamos prontos y aparejadísimos a ser vuestros -servidorísimos. - -En esto se levantó don Quijote, y, encaminando sus razones a la Dolorida -dueña, dijo: - -— Si vuestras cuitas, angustiada señora, se pueden prometer alguna esperanza -de remedio por algún valor o fuerzas de algún andante caballero, aquí están -las mías, que, aunque flacas y breves, todas se emplearán en vuestro -servicio. Yo soy don Quijote de la Mancha, cuyo asumpto es acudir a toda -suerte de menesterosos, y, siendo esto así, como lo es, no habéis menester, -señora, captar benevolencias ni buscar preámbulos, sino, a la llana y sin -rodeos, decir vuestros males, que oídos os escuchan que sabrán, si no -remediarlos, dolerse dellos. - -Oyendo lo cual, la Dolorida dueña hizo señal de querer arrojarse a los pies -de don Quijote, y aun se arrojó, y, pugnando por abrazárselos, decía: - -— Ante estos pies y piernas me arrojo, ¡oh caballero invicto!, por ser los -que son basas y colunas de la andante caballería; estos pies quiero besar, -de cuyos pasos pende y cuelga todo el remedio de mi desgracia, ¡oh valeroso -andante, cuyas verdaderas fazañas dejan atrás y escurecen las fabulosas de -los Amadises, Esplandianes y Belianises! - -Y, dejando a don Quijote, se volvió a Sancho Panza, y, asiéndole de las -manos, le dijo: - -— ¡Oh tú, el más leal escudero que jamás sirvió a caballero andante en los -presentes ni en los pasados siglos, más luengo en bondad que la barba de -Trifaldín, mi acompañador, que está presente!, bien puedes preciarte que en -servir al gran don Quijote sirves en cifra a toda la caterva de caballeros -que han tratado las armas en el mundo. Conjúrote, por lo que debes a tu -bondad fidelísima, me seas buen intercesor con tu dueño, para que luego -favorezca a esta humilísima y desdichadísima condesa. - -A lo que respondió Sancho: - -— De que sea mi bondad, señoría mía, tan larga y grande como la barba de -vuestro escudero, a mí me hace muy poco al caso; barbada y con bigotes -tenga yo mi alma cuando desta vida vaya, que es lo que importa, que de las -barbas de acá poco o nada me curo; pero, sin esas socaliñas ni plegarias, -yo rogaré a mi amo, que sé que me quiere bien, y más agora que me ha -menester para cierto negocio, que favorezca y ayude a vuesa merced en todo -lo que pudiere. Vuesa merced desembaúle su cuita y cuéntenosla, y deje -hacer, que todos nos entenderemos. - -Reventaban de risa con estas cosas los duques, como aquellos que habían -tomado el pulso a la tal aventura, y alababan entre sí la agudeza y -disimulación de la Trifaldi, la cual, volviéndose a sentar, dijo: - -— «Del famoso reino de Candaya, que cae entre la gran Trapobana y el mar del -Sur, dos leguas más allá del cabo Comorín, fue señora la reina doña -Maguncia, viuda del rey Archipiela, su señor y marido, de cuyo matrimonio -tuvieron y procrearon a la infanta Antonomasia, heredera del reino, la cual -dicha infanta Antonomasia se crió y creció debajo de mi tutela y doctrina, -por ser yo la más antigua y la más principal dueña de su madre. Sucedió, -pues, que, yendo días y viniendo días, la niña Antonomasia llegó a edad de -catorce años, con tan gran perfeción de hermosura, que no la pudo subir más -de punto la naturaleza. ¡Pues digamos agora que la discreción era mocosa! -Así era discreta como bella, y era la más bella del mundo, y lo es, si ya -los hados invidiosos y las parcas endurecidas no la han cortado la estambre -de la vida. Pero no habrán, que no han de permitir los cielos que se haga -tanto mal a la tierra como sería llevarse en agraz el racimo del más -hermoso veduño del suelo. De esta hermosura, y no como se debe encarecida -de mi torpe lengua, se enamoró un número infinito de príncipes, así -naturales como estranjeros, entre los cuales osó levantar los pensamientos -al cielo de tanta belleza un caballero particular que en la corte estaba, -confiado en su mocedad y en su bizarría, y en sus muchas habilidades y -gracias, y facilidad y felicidad de ingenio; porque hago saber a vuestras -grandezas, si no lo tienen por enojo, que tocaba una guitarra que la hacía -hablar, y más que era poeta y gran bailarín, y sabía hacer una jaula de -pájaros, que solamente a hacerlas pudiera ganar la vida cuando se viera en -estrema necesidad, que todas estas partes y gracias son bastantes a -derribar una montaña, no que una delicada doncella. Pero toda su gentileza -y buen donaire y todas sus gracias y habilidades fueran poca o ninguna -parte para rendir la fortaleza de mi niña, si el ladrón desuellacaras no -usara del remedio de rendirme a mí primero. Primero quiso el malandrín y -desalmado vagamundo granjearme la voluntad y cohecharme el gusto, para que -yo, mal alcaide, le entregase las llaves de la fortaleza que guardaba. En -resolución: él me aduló el entendimiento y me rindió la voluntad con no sé -qué dijes y brincos que me dio, pero lo que más me hizo postrar y dar -conmigo por el suelo fueron unas coplas que le oí cantar una noche desde -una reja que caía a una callejuela donde él estaba, que, si mal no me -acuerdo, decían: - -De la dulce mi enemiga -nace un mal que al alma hiere, -y, por más tormento, quiere -que se sienta y no se diga. - -Parecióme la trova de perlas, y su voz de almíbar, y después acá, digo, -desde entonces, viendo el mal en que caí por estos y otros semejantes -versos, he considerado que de las buenas y concertadas repúblicas se habían -de desterrar los poetas, como aconsejaba Platón, a lo menos, los lascivos, -porque escriben unas coplas, no como las del marqués de Mantua, que -entretienen y hacen llorar los niños y a las mujeres, sino unas agudezas -que, a modo de blandas espinas, os atraviesan el alma, y como rayos os -hieren en ella, dejando sano el vestido. Y otra vez cantó: - -Ven, muerte, tan escondida -que no te sienta venir, -porque el placer del morir -no me torne a dar la vida. - -Y deste jaez otras coplitas y estrambotes, que cantados encantan y escritos -suspenden. Pues, ¿qué cuando se humillan a componer un género de verso que -en Candaya se usaba entonces, a quien ellos llamaban seguidillas? Allí era -el brincar de las almas, el retozar de la risa, el desasosiego de los -cuerpos y, finalmente, el azogue de todos los sentidos. Y así, digo, -señores míos, que los tales trovadores con justo título los debían -desterrar a las islas de los Lagartos. Pero no tienen ellos la culpa, sino -los simples que los alaban y las bobas que los creen; y si yo fuera la -buena dueña que debía, no me habían de mover sus trasnochados conceptos, ni -había de creer ser verdad aquel decir: "Vivo muriendo, ardo en el yelo, -tiemblo en el fuego, espero sin esperanza, pártome y quédome", con otros -imposibles desta ralea, de que están sus escritos llenos. Pues, ¿qué cuando -prometen el fénix de Arabia, la corona de Aridiana, los caballos del Sol, -del Sur las perlas, de Tíbar el oro y de Pancaya el bálsamo? Aquí es donde -ellos alargan más la pluma, como les cuesta poco prometer lo que jamás -piensan ni pueden cumplir. Pero, ¿dónde me divierto? ¡Ay de mí, desdichada! -¿Qué locura o qué desatino me lleva a contar las ajenas faltas, teniendo -tanto que decir de las mías? ¡Ay de mí, otra vez, sin ventura!, que no me -rindieron los versos, sino mi simplicidad; no me ablandaron las músicas, -sino mi liviandad: mi mucha ignorancia y mi poco advertimiento abrieron el -camino y desembarazaron la senda a los pasos de don Clavijo, que éste es el -nombre del referido caballero; y así, siendo yo la medianera, él se halló -una y muy muchas veces en la estancia de la por mí, y no por él, engañada -Antonomasia, debajo del título de verdadero esposo; que, aunque pecadora, -no consintiera que sin ser su marido la llegara a la vira de la suela de -sus zapatillas. ¡No, no, eso no: el matrimonio ha de ir adelante en -cualquier negocio destos que por mí se tratare! Solamente hubo un daño en -este negocio, que fue el de la desigualdad, por ser don Clavijo un -caballero particular, y la infanta Antonomasia heredera, como ya he dicho, -del reino. Algunos días estuvo encubierta y solapada en la sagacidad de mi -recato esta maraña, hasta que me pareció que la iba descubriendo a más -andar no sé qué hinchazón del vientre de Antonomasia, cuyo temor nos hizo -entrar en bureo a los tres, y salió dél que, antes que se saliese a luz el -mal recado, don Clavijo pidiese ante el vicario por su mujer a Antonomasia, -en fe de una cédula que de ser su esposa la infanta le había hecho, notada -por mi ingenio, con tanta fuerza, que las de Sansón no pudieran romperla. -Hiciéronse las diligencias, vio el vicario la cédula, tomó el tal vicario -la confesión a la señora, confesó de plano, mandóla depositar en casa de un -alguacil de corte muy honrado...» - -A esta sazón, dijo Sancho: - -— También en Candaya hay alguaciles de corte, poetas y seguidillas, por lo -que puedo jurar que imagino que todo el mundo es uno. Pero dése vuesa -merced priesa, señora Trifaldi, que es tarde y ya me muero por saber el fin -desta tan larga historia. - -— Sí haré —respondió la condesa. - - - - -Capítulo XXXIX. Donde la Trifaldi prosigue su estupenda y memorable -historia - -De cualquiera palabra que Sancho decía, la duquesa gustaba tanto como se -desesperaba don Quijote; y, mandándole que callase, la Dolorida prosiguió -diciendo: - -— «En fin, al cabo de muchas demandas y respuestas, como la infanta se -estaba siempre en sus trece, sin salir ni variar de la primera declaración, -el vicario sentenció en favor de don Clavijo, y se la entregó por su -legítima esposa, de lo que recibió tanto enojo la reina doña Maguncia, -madre de la infanta Antonomasia, que dentro de tres días la enterramos.» - -— Debió de morir, sin duda —dijo Sancho. - -— ¡Claro está! —respondió Trifaldín—, que en Candaya no se entierran las -personas vivas, sino las muertas. - -— Ya se ha visto, señor escudero —replicó Sancho—, enterrar un desmayado -creyendo ser muerto, y parecíame a mí que estaba la reina Maguncia obligada -a desmayarse antes que a morirse; que con la vida muchas cosas se remedian, -y no fue tan grande el disparate de la infanta que obligase a sentirle -tanto. Cuando se hubiera casado esa señora con algún paje suyo, o con otro -criado de su casa, como han hecho otras muchas, según he oído decir, fuera -el daño sin remedio; pero el haberse casado con un caballero tan -gentilhombre y tan entendido como aquí nos le han pintado, en verdad en -verdad que, aunque fue necedad, no fue tan grande como se piensa; porque, -según las reglas de mi señor, que está presente y no me dejará mentir, así -como se hacen de los hombres letrados los obispos, se pueden hacer de los -caballeros, y más si son andantes, los reyes y los emperadores. - -— Razón tienes, Sancho —dijo don Quijote—, porque un caballero andante, como -tenga dos dedos de ventura, está en potencia propincua de ser el mayor -señor del mundo. Pero, pase adelante la señora Dolorida, que a mí se me -trasluce que le falta por contar lo amargo desta hasta aquí dulce historia. - -— Y ¡cómo si queda lo amargo! —respondió la condesa—, y tan amargo que en su -comparación son dulces las tueras y sabrosas las adelfas. «Muerta, pues, la -reina, y no desmayada, la enterramos; y, apenas la cubrimos con la tierra -y apenas le dimos el último vale, cuando, - -quis talia fando temperet a lachrymis?, - -puesto sobre un caballo de madera, pareció encima de la sepultura de la -reina el gigante Malambruno, primo cormano de Maguncia, que junto con ser -cruel era encantador, el cual con sus artes, en venganza de la muerte de su -cormana, y por castigo del atrevimiento de don Clavijo, y por despecho de -la demasía de Antonomasia, los dejó encantados sobre la mesma sepultura: a -ella, convertida en una jimia de bronce, y a él, en un espantoso cocodrilo -de un metal no conocido, y entre los dos está un padrón, asimismo de metal, -y en él escritas en lengua siríaca unas letras que, habiéndose declarado en -la candayesca, y ahora en la castellana, encierran esta sentencia: "No -cobrarán su primera forma estos dos atrevidos amantes hasta que el valeroso -manchego venga conmigo a las manos en singular batalla, que para solo su -gran valor guardan los hados esta nunca vista aventura". Hecho esto, sacó -de la vaina un ancho y desmesurado alfanje, y, asiéndome a mí por los -cabellos, hizo finta de querer segarme la gola y cortarme cercen la cabeza. -Turbéme, pegóseme la voz a la garganta, quedé mohína en todo estremo, pero, -con todo, me esforcé lo más que pude, y, con voz tembladora y doliente, le -dije tantas y tales cosas, que le hicieron suspender la ejecución de tan -riguroso castigo. Finalmente, hizo traer ante sí todas las dueñas de -palacio, que fueron estas que están presentes, y, después de haber -exagerado nuestra culpa y vituperado las condiciones de las dueñas, sus -malas mañas y peores trazas, y cargando a todas la culpa que yo sola tenía, -dijo que no quería con pena capital castigarnos, sino con otras penas -dilatadas, que nos diesen una muerte civil y continua; y, en aquel mismo -momento y punto que acabó de decir esto, sentimos todas que se nos abrían -los poros de la cara, y que por toda ella nos punzaban como con puntas de -agujas. Acudimos luego con las manos a los rostros, y hallámonos de la -manera que ahora veréis.» - -Y luego la Dolorida y las demás dueñas alzaron los antifaces con que -cubiertas venían, y descubrieron los rostros, todos poblados de barbas, -cuáles rubias, cuáles negras, cuáles blancas y cuáles albarrazadas, de cuya -vista mostraron quedar admirados el duque y la duquesa, pasmados don -Quijote y Sancho, y atónitos todos los presentes. - -Y la Trifaldi prosiguió: - -— «Desta manera nos castigó aquel follón y malintencionado de Malambruno, -cubriendo la blandura y morbidez de nuestros rostros con la aspereza destas -cerdas, que pluguiera al cielo que antes con su desmesurado alfanje nos -hubiera derribado las testas, que no que nos asombrara la luz de nuestras -caras con esta borra que nos cubre; porque si entramos en cuenta, señores -míos (y esto que voy a decir agora lo quisiera decir hechos mis ojos -fuentes, pero la consideración de nuestra desgracia, y los mares que hasta -aquí han llovido, los tienen sin humor y secos como aristas, y así, lo diré -sin lágrimas), digo, pues, que ¿adónde podrá ir una dueña con barbas? ¿Qué -padre o qué madre se dolerá della? ¿Quién la dará ayuda? Pues, aun cuando -tiene la tez lisa y el rostro martirizado con mil suertes de menjurjes y -mudas, apenas halla quien bien la quiera, ¿qué hará cuando descubra hecho -un bosque su rostro? ¡Oh dueñas y compañeras mías, en desdichado punto -nacimos, en hora menguada nuestros padres nos engendraron!» - -Y, diciendo esto, dio muestras de desmayarse. - - - - -Capítulo XL. De cosas que atañen y tocan a esta aventura y a esta -memorable historia - -Real y verdaderamente, todos los que gustan de semejantes historias como -ésta deben de mostrarse agradecidos a Cide Hamete, su autor primero, por la -curiosidad que tuvo en contarnos las semínimas della, sin dejar cosa, por -menuda que fuese, que no la sacase a luz distintamente: pinta los -pensamientos, descubre las imaginaciones, responde a las tácitas, aclara -las dudas, resuelve los argumentos; finalmente, los átomos del más curioso -deseo manifiesta. ¡Oh autor celebérrimo! ¡Oh don Quijote dichoso! ¡Oh -Dulcinea famosa! ¡Oh Sancho Panza gracioso! Todos juntos y cada uno de por -sí viváis siglos infinitos, para gusto y general pasatiempo de los -vivientes. - -Dice, pues, la historia que, así como Sancho vio desmayada a la Dolorida, -dijo: - -— Por la fe de hombre de bien, juro, y por el siglo de todos mis pasados los -Panzas, que jamás he oído ni visto, ni mi amo me ha contado, ni en su -pensamiento ha cabido, semejante aventura como ésta. Válgate mil satanases, -por no maldecirte por encantador y gigante, Malambruno; y ¿no hallaste otro -género de castigo que dar a estas pecadoras sino el de barbarlas? ¿Cómo y -no fuera mejor, y a ellas les estuviera más a cuento, quitarles la mitad de -las narices de medio arriba, aunque hablaran gangoso, que no ponerles -barbas? Apostaré yo que no tienen hacienda para pagar a quien las rape. - -— Así es la verdad, señor —respondió una de las doce—, que no tenemos -hacienda para mondarnos; y así, hemos tomado algunas de nosotras por -remedio ahorrativo de usar de unos pegotes o parches pegajosos, y -aplicándolos a los rostros, y tirando de golpe, quedamos rasas y lisas como -fondo de mortero de piedra; que, puesto que hay en Candaya mujeres que -andan de casa en casa a quitar el vello y a pulir las cejas y hacer otros -menjurjes tocantes a mujeres, nosotras las dueñas de mi señora por jamás -quisimos admitirlas, porque las más oliscan a terceras, habiendo dejado de -ser primas; y si por el señor don Quijote no somos remediadas, con barbas -nos llevarán a la sepultura. - -— Yo me pelaría las mías —dijo don Quijote— en tierra de moros, si no -remediase las vuestras. - -A este punto, volvió de su desmayo la Trifaldi y dijo: - -— El retintín desa promesa, valeroso caballero, en medio de mi desmayo llegó -a mis oídos, y ha sido parte para que yo dél vuelva y cobre todos mis -sentidos; y así, de nuevo os suplico, andante ínclito y señor indomable, -vuestra graciosa promesa se convierta en obra. - -— Por mí no quedará —respondió don Quijote—: ved, señora, qué es lo que -tengo de hacer, que el ánimo está muy pronto para serviros. - -— Es el caso —respondió la Dolorida —que desde aquí al reino de Candaya, si -se va por tierra, hay cinco mil leguas, dos más a menos; pero si se va por -el aire y por la línea recta, hay tres mil y docientas y veinte y siete. Es -también de saber que Malambruno me dijo que cuando la suerte me deparase al -caballero nuestro libertador, que él le enviaría una cabalgadura harto -mejor y con menos malicias que las que son de retorno, porque ha de ser -aquel mesmo caballo de madera sobre quien llevó el valeroso Pierres robada -a la linda Magalona, el cual caballo se rige por una clavija que tiene en -la frente, que le sirve de freno, y vuela por el aire con tanta ligereza -que parece que los mesmos diablos le llevan. Este tal caballo, según es -tradición antigua, fue compuesto por aquel sabio Merlín; prestósele a -Pierres, que era su amigo, con el cual hizo grandes viajes, y robó, como se -ha dicho, a la linda Magalona, llevándola a las ancas por el aire, dejando -embobados a cuantos desde la tierra los miraban; y no le prestaba sino a -quien él quería, o mejor se lo pagaba; y desde el gran Pierres hasta -ahora no sabemos que haya subido alguno en él. De allí le ha sacado -Malambruno con sus artes, y le tiene en su poder, y se sirve dél en sus -viajes, que los hace por momentos, por diversas partes del mundo, y hoy -está aquí y mañana en Francia y otro día en Potosí; y es lo bueno que el -tal caballo ni come, ni duerme ni gasta herraduras, y lleva un portante por -los aires, sin tener alas, que el que lleva encima puede llevar una taza -llena de agua en la mano sin que se le derrame gota, según camina llano y -reposado; por lo cual la linda Magalona se holgaba mucho de andar caballera -en él. - -A esto dijo Sancho: - -— Para andar reposado y llano, mi rucio, puesto que no anda por los aires; -pero por la tierra, yo le cutiré con cuantos portantes hay en el mundo. - -Riéronse todos, y la Dolorida prosiguió: - -— Y este tal caballo, si es que Malambruno quiere dar fin a nuestra -desgracia, antes que sea media hora entrada la noche, estará en nuestra -presencia, porque él me significó que la señal que me daría por donde yo -entendiese que había hallado el caballero que buscaba, sería enviarme el -caballo, donde fuese con comodidad y presteza. - -— Y ¿cuántos caben en ese caballo? —preguntó Sancho. - -La Dolorida respondió: - -— Dos personas: la una en la silla y la otra en las ancas; y, por la mayor -parte, estas tales dos personas son caballero y escudero, cuando falta -alguna robada doncella. - -— Querría yo saber, señora Dolorida —dijo Sancho—, qué nombre tiene ese -caballo. - -— El nombre —respondió la Dolorida— no es como el caballo de Belorofonte, -que se llamaba Pegaso, ni como el del Magno Alejandro, llamado Bucéfalo, ni -como el del furioso Orlando, cuyo nombre fue Brilladoro, ni menos Bayarte, -que fue el de Reinaldos de Montalbán, ni Frontino, como el de Rugero, ni -Bootes ni Peritoa, como dicen que se llaman los del Sol, ni tampoco se -llama Orelia, como el caballo en que el desdichado Rodrigo, último rey de -los godos, entró en la batalla donde perdió la vida y el reino. - -— Yo apostaré —dijo Sancho— que, pues no le han dado ninguno desos famosos -nombres de caballos tan conocidos, que tampoco le habrán dado el de mi amo, -Rocinante, que en ser propio excede a todos los que se han nombrado. - -— Así es —respondió la barbada condesa—, pero todavía le cuadra mucho, -porque se llama Clavileño el Alígero, cuyo nombre conviene con el ser de -leño, y con la clavija que trae en la frente, y con la ligereza con que -camina; y así, en cuanto al nombre, bien puede competir con el famoso -Rocinante. - -— No me descontenta el nombre —replicó Sancho—, pero ¿con qué freno o con -qué jáquima se gobierna? - -— Ya he dicho —respondió la Trifaldi— que con la clavija, que, volviéndola a -una parte o a otra, el caballero que va encima le hace caminar como quiere, -o ya por los aires, o ya rastreando y casi barriendo la tierra, o por el -medio, que es el que se busca y se ha de tener en todas las acciones bien -ordenadas. - -— Ya lo querría ver —respondió Sancho—, pero pensar que tengo de subir en -él, ni en la silla ni en las ancas, es pedir peras al olmo. ¡Bueno es que -apenas puedo tenerme en mi rucio, y sobre un albarda más blanda que la -mesma seda, y querrían ahora que me tuviese en unas ancas de tabla, sin -cojín ni almohada alguna! Pardiez, yo no me pienso moler por quitar las -barbas a nadie: cada cual se rape como más le viniere a cuento, que yo no -pienso acompañar a mi señor en tan largo viaje. Cuanto más, que yo no debo -de hacer al caso para el rapamiento destas barbas como lo soy para el -desencanto de mi señora Dulcinea. - -— Sí sois, amigo —respondió la Trifaldi—, y tanto, que, sin vuestra -presencia, entiendo que no haremos nada. - -— ¡Aquí del rey! —dijo Sancho—: ¿qué tienen que ver los escuderos con las -aventuras de sus señores? ¿Hanse de llevar ellos la fama de las que acaban, -y hemos de llevar nosotros el trabajo? ¡Cuerpo de mí! Aun si dijesen los -historiadores: "El tal caballero acabó la tal y tal aventura, pero con -ayuda de fulano, su escudero, sin el cual fuera imposible el acabarla". -Pero, ¡que escriban a secas: "Don Paralipomenón de las Tres Estrellas acabó -la aventura de los seis vestiglos", sin nombrar la persona de su -escudero, que se halló presente a todo, como si no fuera en el mundo! -Ahora, señores, vuelvo a decir que mi señor se puede ir solo, y buen -provecho le haga, que yo me quedaré aquí, en compañía de la duquesa mi -señora, y podría ser que cuando volviese hallase mejorada la causa de la -señora Dulcinea en tercio y quinto; porque pienso, en los ratos ociosos y -desocupados, darme una tanda de azotes que no me la cubra pelo. - -— Con todo eso, le habéis de acompañar si fuere necesario, buen Sancho, -porque os lo rogarán buenos; que no han de quedar por vuestro inútil temor -tan poblados los rostros destas señoras; que, cierto, sería mal caso. - -— ¡Aquí del rey otra vez! —replicó Sancho—. Cuando esta caridad se hiciera -por algunas doncellas recogidas, o por algunas niñas de la doctrina, -pudiera el hombre aventurarse a cualquier trabajo, pero que lo sufra por -quitar las barbas a dueñas, ¡mal año! Mas que las viese yo a todas con -barbas, desde la mayor hasta la menor, y de la más melindrosa hasta la más -repulgada. - -— Mal estáis con las dueñas, Sancho amigo —dijo la duquesa—: mucho os vais -tras la opinión del boticario toledano. Pues a fe que no tenéis razón; que -dueñas hay en mi casa que pueden ser ejemplo de dueñas, que aquí está mi -doña Rodríguez, que no me dejará decir otra cosa. - -— Mas que la diga vuestra excelencia —dijo Rodríguez—, que Dios sabe la -verdad de todo, y buenas o malas, barbadas o lampiñas que seamos las -dueñas, también nos parió nuestra madre como a las otras mujeres; y, pues -Dios nos echó en el mundo, Él sabe para qué, y a su misericordia me atengo, -y no a las barbas de nadie. - -— Ahora bien, señora Rodríguez —dijo don Quijote—, y señora Trifaldi y -compañía, yo espero en el cielo que mirará con buenos ojos vuestras cuitas, -que Sancho hará lo que yo le mandare, ya viniese Clavileño y ya me viese -con Malambruno; que yo sé que no habría navaja que con más facilidad rapase -a vuestras mercedes como mi espada raparía de los hombros la cabeza de -Malambruno; que Dios sufre a los malos, pero no para siempre. - -— ¡Ay! —dijo a esta sazón la Dolorida—, con benignos ojos miren a vuestra -grandeza, valeroso caballero, todas las estrellas de las regiones celestes, -e infundan en vuestro ánimo toda prosperidad y valentía para ser escudo y -amparo del vituperoso y abatido género dueñesco, abominado de boticarios, -murmurado de escuderos y socaliñado de pajes; que mal haya la bellaca que -en la flor de su edad no se metió primero a ser monja que a dueña. -¡Desdichadas de nosotras las dueñas, que, aunque vengamos por línea recta, -de varón en varón, del mismo Héctor el troyano, no dejaran de echaros un -vos nuestras señoras, si pensasen por ello ser reinas! ¡Oh gigante -Malambruno, que, aunque eres encantador, eres certísimo en tus promesas!, -envíanos ya al sin par Clavileño, para que nuestra desdicha se acabe, que -si entra el calor y estas nuestras barbas duran, ¡guay de nuestra ventura! - -Dijo esto con tanto sentimiento la Trifaldi, que sacó las lágrimas de los -ojos de todos los circunstantes, y aun arrasó los de Sancho, y propuso en -su corazón de acompañar a su señor hasta las últimas partes del mundo, si -es que en ello consistiese quitar la lana de aquellos venerables rostros. - - - - -Capítulo XLI. De la venida de Clavileño, con el fin desta dilatada aventura - -Llegó en esto la noche, y con ella el punto determinado en que el famoso -caballo Clavileño viniese, cuya tardanza fatigaba ya a don Quijote, -pareciéndole que, pues Malambruno se detenía en enviarle, o que él no era -el caballero para quien estaba guardada aquella aventura, o que Malambruno -no osaba venir con él a singular batalla. Pero veis aquí cuando a deshora -entraron por el jardín cuatro salvajes, vestidos todos de verde yedra, que -sobre sus hombros traían un gran caballo de madera. Pusiéronle de pies en -el suelo, y uno de los salvajes dijo: - -— Suba sobre esta máquina el que tuviere ánimo para ello. - -— Aquí —dijo Sancho— yo no subo, porque ni tengo ánimo ni soy caballero. - -Y el salvaje prosiguió diciendo: - -— Y ocupe las ancas el escudero, si es que lo tiene, y fíese del valeroso -Malambruno, que si no fuere de su espada, de ninguna otra, ni de otra -malicia, será ofendido; y no hay más que torcer esta clavija que sobre el -cuello trae puesta, que él los llevará por los aires adonde los atiende -Malambruno; pero, porque la alteza y sublimidad del camino no les cause -váguidos, se han de cubrir los ojos hasta que el caballo relinche, que será -señal de haber dado fin a su viaje. - -Esto dicho, dejando a Clavileño, con gentil continente se volvieron por -donde habían venido. La Dolorida, así como vio al caballo, casi con -lágrimas dijo a don Quijote: - -— Valeroso caballero, las promesas de Malambruno han sido ciertas: el -caballo está en casa, nuestras barbas crecen, y cada una de nosotras y con -cada pelo dellas te suplicamos nos rapes y tundas, pues no está en más sino -en que subas en él con tu escudero y des felice principio a vuestro nuevo -viaje. - -— Eso haré yo, señora condesa Trifaldi, de muy buen grado y de mejor -talante, sin ponerme a tomar cojín, ni calzarme espuelas, por no detenerme: -tanta es la gana que tengo de veros a vos, señora, y a todas estas dueñas -rasas y mondas. - -— Eso no haré yo —dijo Sancho—, ni de malo ni de buen talante, en ninguna -manera; y si es que este rapamiento no se puede hacer sin que yo suba a las -ancas, bien puede buscar mi señor otro escudero que le acompañe, y estas -señoras otro modo de alisarse los rostros; que yo no soy brujo, para gustar -de andar por los aires. Y ¿qué dirán mis insulanos cuando sepan que su -gobernador se anda paseando por los vientos? Y otra cosa más: que habiendo -tres mil y tantas leguas de aquí a Candaya, si el caballo se cansa o el -gigante se enoja, tardaremos en dar la vuelta media docena de años, y ya ni -habrá ínsula ni ínsulos en el mundo que me conozan; y, pues se dice -comúnmente que en la tardanza va el peligro, y que cuando te dieren la -vaquilla acudas con la soguilla, perdónenme las barbas destas señoras, que -bien se está San Pedro en Roma; quiero decir que bien me estoy en esta -casa, donde tanta merced se me hace y de cuyo dueño tan gran bien espero -como es verme gobernador. - -A lo que el duque dijo: - -— Sancho amigo, la ínsula que yo os he prometido no es movible ni fugitiva: -raíces tiene tan hondas, echadas en los abismos de la tierra, que no la -arrancarán ni mudarán de donde está a tres tirones; y, pues vos sabéis que -sé yo que no hay ninguno género de oficio destos de mayor cantía que no se -granjee con alguna suerte de cohecho, cuál más, cuál menos, el que yo -quiero llevar por este gobierno es que vais con vuestro señor don Quijote a -dar cima y cabo a esta memorable aventura; que ahora volváis sobre -Clavileño con la brevedad que su ligereza promete, ora la contraria fortuna -os traiga y vuelva a pie, hecho romero, de mesón en mesón y de venta en -venta, siempre que volviéredes hallaréis vuestra ínsula donde la dejáis, y -a vuestros insulanos con el mesmo deseo de recebiros por su gobernador que -siempre han tenido, y mi voluntad será la mesma; y no pongáis duda en esta -verdad, señor Sancho, que sería hacer notorio agravio al deseo que de -serviros tengo. - -— No más, señor —dijo Sancho—: yo soy un pobre escudero y no puedo llevar a -cuestas tantas cortesías; suba mi amo, tápenme estos ojos y encomiéndenme a -Dios, y avísenme si cuando vamos por esas altanerías podré encomendarme a -Nuestro Señor o invocar los ángeles que me favorezcan. - -A lo que respondió Trifaldi: - -— Sancho, bien podéis encomendaros a Dios o a quien quisiéredes, que -Malambruno, aunque es encantador, es cristiano, y hace sus encantamentos -con mucha sagacidad y con mucho tiento, sin meterse con nadie. - -— ¡Ea, pues —dijo Sancho—, Dios me ayude y la Santísima Trinidad de Gaeta! - -— Desde la memorable aventura de los batanes —dijo don Quijote—, nunca he -visto a Sancho con tanto temor como ahora, y si yo fuera tan agorero como -otros, su pusilanimidad me hiciera algunas cosquillas en el ánimo. Pero -llegaos aquí, Sancho, que con licencia destos señores os quiero hablar -aparte dos palabras. - -Y, apartando a Sancho entre unos árboles del jardín y asiéndole ambas las -manos, le dijo: - -— Ya vees, Sancho hermano, el largo viaje que nos espera, y que sabe Dios -cuándo volveremos dél, ni la comodidad y espacio que nos darán los -negocios; así, querría que ahora te retirases en tu aposento, como que vas -a buscar alguna cosa necesaria para el camino, y, en un daca las pajas, -te dieses, a buena cuenta de los tres mil y trecientos azotes a que estás -obligado, siquiera quinientos, que dados te los tendrás, que el comenzar -las cosas es tenerlas medio acabadas. - -— ¡Par Dios —dijo Sancho—, que vuestra merced debe de ser menguado! Esto es -como aquello que dicen: "¡en priesa me vees y doncellez me demandas!" -¿Ahora que tengo de ir sentado en una tabla rasa, quiere vuestra merced que -me lastime las posas? En verdad en verdad que no tiene vuestra merced -razón. Vamos ahora a rapar estas dueñas, que a la vuelta yo le prometo a -vuestra merced, como quien soy, de darme tanta priesa a salir de mi -obligación, que vuestra merced se contente, y no le digo más. - -Y don Quijote respondió: - -— Pues con esa promesa, buen Sancho, voy consolado, y creo que la cumplirás, -porque, en efecto, aunque tonto, eres hombre verídico. - -— No soy verde, sino moreno —dijo Sancho—, pero aunque fuera de mezcla, -cumpliera mi palabra. - -Y con esto se volvieron a subir en Clavileño, y al subir dijo don Quijote: - -— Tapaos, Sancho, y subid, Sancho, que quien de tan lueñes tierras envía por -nosotros no será para engañarnos, por la poca gloria que le puede redundar -de engañar a quien dél se fía; y, puesto que todo sucediese al revés de lo -que imagino, la gloria de haber emprendido esta hazaña no la podrá -escurecer malicia alguna. - -— Vamos, señor —dijo Sancho—, que las barbas y lágrimas destas señoras las -tengo clavadas en el corazón, y no comeré bocado que bien me sepa hasta -verlas en su primera lisura. Suba vuesa merced y tápese primero, que si yo -tengo de ir a las ancas, claro está que primero sube el de la silla. - -— Así es la verdad —replicó don Quijote. - -Y, sacando un pañuelo de la faldriquera, pidió a la Dolorida que le -cubriese muy bien los ojos, y, habiéndoselos cubierto, se volvió a -descubrir y dijo: - -— Si mal no me acuerdo, yo he leído en Virgilio aquello del Paladión de -Troya, que fue un caballo de madera que los griegos presentaron a la diosa -Palas, el cual iba preñado de caballeros armados, que después fueron la -total ruina de Troya; y así, será bien ver primero lo que Clavileño trae en -su estómago. - -— No hay para qué —dijo la Dolorida—, que yo le fío y sé que Malambruno no -tiene nada de malicioso ni de traidor; vuesa merced, señor don Quijote, -suba sin pavor alguno, y a mi daño si alguno le sucediere. - -Parecióle a don Quijote que cualquiera cosa que replicase acerca de su -seguridad sería poner en detrimento su valentía; y así, sin más altercar, -subió sobre Clavileño y le tentó la clavija, que fácilmente se rodeaba; y, -como no tenía estribos y le colgaban las piernas, no parecía sino figura de -tapiz flamenco pintada o tejida en algún romano triunfo. De mal talante y -poco a poco llegó a subir Sancho, y, acomodándose lo mejor que pudo en las -ancas, las halló algo duras y no nada blandas, y pidió al duque que, si -fuese posible, le acomodasen de algún cojín o de alguna almohada, aunque -fuese del estrado de su señora la duquesa, o del lecho de algún paje, -porque las ancas de aquel caballo más parecían de mármol que de leño. - -A esto dijo la Trifaldi que ningún jaez ni ningún género de adorno sufría -sobre sí Clavileño; que lo que podía hacer era ponerse a mujeriegas, y que -así no sentiría tanto la dureza. Hízolo así Sancho, y, diciendo ''a Dios'', -se dejó vendar los ojos, y, ya después de vendados, se volvió a descubrir, -y, mirando a todos los del jardín tiernamente y con lágrimas, dijo que le -ayudasen en aquel trance con sendos paternostres y sendas avemarías, porque -Dios deparase quien por ellos los dijese cuando en semejantes trances se -viesen. A lo que dijo don Quijote: - -— Ladrón, ¿estás puesto en la horca por ventura, o en el último término de -la vida, para usar de semejantes plegarias? ¿No estás, desalmada y cobarde -criatura, en el mismo lugar que ocupó la linda Magalona, del cual decendió, -no a la sepultura, sino a ser reina de Francia, si no mienten las -historias? Y yo, que voy a tu lado, ¿no puedo ponerme al del valeroso -Pierres, que oprimió este mismo lugar que yo ahora oprimo? Cúbrete, -cúbrete, animal descorazonado, y no te salga a la boca el temor que tienes, -a lo menos en presencia mía. - -— Tápenme —respondió Sancho—; y, pues no quieren que me encomiende a Dios ni -que sea encomendado, ¿qué mucho que tema no ande por aquí alguna región de -diablos que den con nosotros en Peralvillo? - -Cubriéronse, y, sintiendo don Quijote que estaba como había de estar, tentó -la clavija, y, apenas hubo puesto los dedos en ella, cuando todas las -dueñas y cuantos estaban presentes levantaron las voces, diciendo: - -— ¡Dios te guíe, valeroso caballero! - -— ¡Dios sea contigo, escudero intrépido! - -— ¡Ya, ya vais por esos aires, rompiéndolos con más velocidad que una saeta! - -— ¡Ya comenzáis a suspender y admirar a cuantos desde la tierra os están -mirando! - -— ¡Tente, valeroso Sancho, que te bamboleas! ¡Mira no cayas, que será peor -tu caída que la del atrevido mozo que quiso regir el carro del Sol, su -padre! - -Oyó Sancho las voces, y, apretándose con su amo y ciñiéndole con los -brazos, le dijo: - -— Señor, ¿cómo dicen éstos que vamos tan altos, si alcanzan acá sus voces, y -no parecen sino que están aquí hablando junto a nosotros? - -— No repares en eso, Sancho, que, como estas cosas y estas volaterías van -fuera de los cursos ordinarios, de mil leguas verás y oirás lo que -quisieres. Y no me aprietes tanto, que me derribas; y en verdad que no sé -de qué te turbas ni te espantas, que osaré jurar que en todos los días de -mi vida he subido en cabalgadura de paso más llano: no parece sino que no -nos movemos de un lugar. Destierra, amigo, el miedo, que, en efecto, la -cosa va como ha de ir y el viento llevamos en popa. - -— Así es la verdad —respondió Sancho—, que por este lado me da un viento tan -recio, que parece que con mil fuelles me están soplando. - -Y así era ello, que unos grandes fuelles le estaban haciendo aire: tan bien -trazada estaba la tal aventura por el duque y la duquesa y su mayordomo, -que no le faltó requisito que la dejase de hacer perfecta. - -Sintiéndose, pues, soplar don Quijote, dijo: - -— Sin duda alguna, Sancho, que ya debemos de llegar a la segunda región del -aire, adonde se engendra el granizo, las nieves; los truenos, los -relámpagos y los rayos se engendran en la tercera región, y si es que desta -manera vamos subiendo, presto daremos en la región del fuego, y no sé yo -cómo templar esta clavija para que no subamos donde nos abrasemos. - -En esto, con unas estopas ligeras de encenderse y apagarse, desde lejos, -pendientes de una caña, les calentaban los rostros. Sancho, que sintió el -calor, dijo: - -— Que me maten si no estamos ya en el lugar del fuego, o bien cerca, porque -una gran parte de mi barba se me ha chamuscado, y estoy, señor, por -descubrirme y ver en qué parte estamos. - -— No hagas tal —respondió don Quijote—, y acuérdate del verdadero cuento del -licenciado Torralba, a quien llevaron los diablos en volandas por el aire, -caballero en una caña, cerrados los ojos, y en doce horas llegó a Roma, y -se apeó en Torre de Nona, que es una calle de la ciudad, y vio todo el -fracaso y asalto y muerte de Borbón, y por la mañana ya estaba de vuelta en -Madrid, donde dio cuenta de todo lo que había visto; el cual asimismo dijo -que cuando iba por el aire le mandó el diablo que abriese los ojos, y los -abrió, y se vio tan cerca, a su parecer, del cuerpo de la luna, que la -pudiera asir con la mano, y que no osó mirar a la tierra por no -desvanecerse. Así que, Sancho, no hay para qué descubrirnos; que, el que -nos lleva a cargo, él dará cuenta de nosotros, y quizá vamos tomando puntas -y subiendo en alto para dejarnos caer de una sobre el reino de Candaya, -como hace el sacre o neblí sobre la garza para cogerla, por más que se -remonte; y, aunque nos parece que no ha media hora que nos partimos del -jardín, creéme que debemos de haber hecho gran camino. - -— No sé lo que es —respondió Sancho Panza—, sólo sé decir que si la señora -Magallanes o Magalona se contentó destas ancas, que no debía de ser muy -tierna de carnes. - -Todas estas pláticas de los dos valientes oían el duque y la duquesa y los -del jardín, de que recibían estraordinario contento; y, queriendo dar -remate a la estraña y bien fabricada aventura, por la cola de Clavileño le -pegaron fuego con unas estopas, y al punto, por estar el caballo lleno de -cohetes tronadores, voló por los aires, con estraño ruido, y dio con don -Quijote y con Sancho Panza en el suelo, medio chamuscados. - -En este tiempo ya se habían desparecido del jardín todo el barbado -escuadrón de las dueñas y la Trifaldi y todo, y los del jardín quedaron -como desmayados, tendidos por el suelo. Don Quijote y Sancho se levantaron -maltrechos, y, mirando a todas partes, quedaron atónitos de verse en el -mesmo jardín de donde habían partido y de ver tendido por tierra tanto -número de gente; y creció más su admiración cuando a un lado del jardín -vieron hincada una gran lanza en el suelo y pendiente della y de dos -cordones de seda verde un pergamino liso y blanco, en el cual, con grandes -letras de oro, estaba escrito lo siguiente: - -El ínclito caballero don Quijote de la Mancha feneció y acabó la aventura -de la condesa Trifaldi, por otro nombre llamada la dueña Dolorida, y -compañía, con sólo intentarla. - -Malambruno se da por contento y satisfecho a toda su voluntad, y las barbas -de las dueñas ya quedan lisas y mondas, y los reyes don Clavijo y -Antonomasia en su prístino estado. Y, cuando se cumpliere el escuderil -vápulo, la blanca paloma se verá libre de los pestíferos girifaltes que la -persiguen, y en brazos de su querido arrullador; que así está ordenado por -el sabio Merlín, protoencantador de los encantadores. - -Habiendo, pues, don Quijote leído las letras del pergamino, claro entendió -que del desencanto de Dulcinea hablaban; y, dando muchas gracias al cielo -de que con tan poco peligro hubiese acabado tan gran fecho, reduciendo a su -pasada tez los rostros de las venerables dueñas, que ya no parecían, se fue -adonde el duque y la duquesa aún no habían vuelto en sí, y, trabando de la -mano al duque, le dijo: - -— ¡Ea, buen señor, buen ánimo; buen ánimo, que todo es nada! La aventura es -ya acabada sin daño de barras, como lo muestra claro el escrito que en -aquel padrón está puesto. - -El duque, poco a poco, y como quien de un pesado sueño recuerda, fue -volviendo en sí, y por el mismo tenor la duquesa y todos los que por el -jardín estaban caídos, con tales muestras de maravilla y espanto, que casi -se podían dar a entender haberles acontecido de veras lo que tan bien -sabían fingir de burlas. Leyó el duque el cartel con los ojos medio -cerrados, y luego, con los brazos abiertos, fue a abrazar a don Quijote, -diciéndole ser el más buen caballero que en ningún siglo se hubiese visto. - -Sancho andaba mirando por la Dolorida, por ver qué rostro tenía sin las -barbas, y si era tan hermosa sin ellas como su gallarda disposición -prometía, pero dijéronle que, así como Clavileño bajó ardiendo por los -aires y dio en el suelo, todo el escuadrón de las dueñas, con la Trifaldi, -había desaparecido, y que ya iban rapadas y sin cañones. Preguntó la -duquesa a Sancho que cómo le había ido en aquel largo viaje. A lo cual -Sancho respondió: - -— Yo, señora, sentí que íbamos, según mi señor me dijo, volando por la -región del fuego, y quise descubrirme un poco los ojos, pero mi amo, a -quien pedí licencia para descubrirme, no la consintió; mas yo, que tengo no -sé qué briznas de curioso y de desear saber lo que se me estorba y impide, -bonitamente y sin que nadie lo viese, por junto a las narices aparté tanto -cuanto el pañizuelo que me tapaba los ojos, y por allí miré hacia la -tierra, y parecióme que toda ella no era mayor que un grano de mostaza, y -los hombres que andaban sobre ella, poco mayores que avellanas; porque se -vea cuán altos debíamos de ir entonces. - -A esto dijo la duquesa: - -— Sancho amigo, mirad lo que decís, que, a lo que parece, vos no vistes la -tierra, sino los hombres que andaban sobre ella; y está claro que si la -tierra os pareció como un grano de mostaza, y cada hombre como una -avellana, un hombre solo había de cubrir toda la tierra. - -— Así es verdad —respondió Sancho—, pero, con todo eso, la descubrí por un -ladito, y la vi toda. - -— Mirad, Sancho —dijo la duquesa—, que por un ladito no se vee el todo de lo -que se mira. - -— Yo no sé esas miradas —replicó Sancho—: sólo sé que será bien que vuestra -señoría entienda que, pues volábamos por encantamento, por encantamento -podía yo ver toda la tierra y todos los hombres por doquiera que los -mirara; y si esto no se me cree, tampoco creerá vuestra merced cómo, -descubriéndome por junto a las cejas, me vi tan junto al cielo que no había -de mí a él palmo y medio, y por lo que puedo jurar, señora mía, que es muy -grande además. Y sucedió que íbamos por parte donde están las siete -cabrillas; y en Dios y en mi ánima que, como yo en mi niñez fui en mi -tierra cabrerizo, que así como las vi, ¡me dio una gana de entretenerme con -ellas un rato...! Y si no le cumpliera me parece que reventara. Vengo, -pues, y tomo, y ¿qué hago? Sin decir nada a nadie, ni a mi señor tampoco, -bonita y pasitamente me apeé de Clavileño, y me entretuve con las -cabrillas, que son como unos alhelíes y como unas flores, casi tres cuartos -de hora, y Clavileño no se movió de un lugar, ni pasó adelante. - -— Y, en tanto que el buen Sancho se entretenía con las cabras —preguntó el -duque—, ¿en qué se entretenía el señor don Quijote? - -A lo que don Quijote respondió: - -— Como todas estas cosas y estos tales sucesos van fuera del orden natural, -no es mucho que Sancho diga lo que dice. De mí sé decir que ni me descubrí -por alto ni por bajo, ni vi el cielo ni la tierra, ni la mar ni las arenas. -Bien es verdad que sentí que pasaba por la región del aire, y aun que -tocaba a la del fuego; pero que pasásemos de allí no lo puedo creer, pues, -estando la región del fuego entre el cielo de la luna y la última región -del aire, no podíamos llegar al cielo donde están las siete cabrillas que -Sancho dice, sin abrasarnos; y, pues no nos asuramos, o Sancho miente o -Sancho sueña. - -— Ni miento ni sueño —respondió Sancho—: si no, pregúntenme las señas de las -tales cabras, y por ellas verán si digo verdad o no. - -— Dígalas, pues, Sancho —dijo la duquesa. - -— Son —respondió Sancho— las dos verdes, las dos encarnadas, las dos azules, -y la una de mezcla. - -— Nueva manera de cabras es ésa —dijo el duque—, y por esta nuestra región -del suelo no se usan tales colores; digo, cabras de tales colores. - -— Bien claro está eso —dijo Sancho—; sí, que diferencia ha de haber de las -cabras del cielo a las del suelo. - -— Decidme, Sancho —preguntó el duque—: ¿vistes allá en entre esas cabras -algún cabrón? - -— No, señor —respondió Sancho—, pero oí decir que ninguno pasaba de los -cuernos de la luna. - -No quisieron preguntarle más de su viaje, porque les pareció que llevaba -Sancho hilo de pasearse por todos los cielos, y dar nuevas de cuanto allá -pasaba, sin haberse movido del jardín. - -En resolución, éste fue el fin de la aventura de la dueña Dolorida, que dio -que reír a los duques, no sólo aquel tiempo, sino el de toda su vida, y que -contar a Sancho siglos, si los viviera; y, llegándose don Quijote a Sancho, -al oído le dijo: - -— Sancho, pues vos queréis que se os crea lo que habéis visto en el cielo, -yo quiero que vos me creáis a mí lo que vi en la cueva de Montesinos; y no -os digo más. - - - - -Capítulo XLII. De los consejos que dio don Quijote a Sancho Panza antes que -fuese a gobernar la ínsula, con otras cosas bien consideradas - -Con el felice y gracioso suceso de la aventura de la Dolorida, quedaron tan -contentos los duques, que determinaron pasar con las burlas adelante, -viendo el acomodado sujeto que tenían para que se tuviesen por veras; y -así, habiendo dado la traza y órdenes que sus criados y sus vasallos habían -de guardar con Sancho en el gobierno de la ínsula prometida, otro día, que -fue el que sucedió al vuelo de Clavileño, dijo el duque a Sancho que se -adeliñase y compusiese para ir a ser gobernador, que ya sus insulanos le -estaban esperando como el agua de mayo. Sancho se le humilló y le dijo: - -— Después que bajé del cielo, y después que desde su alta cumbre miré la -tierra y la vi tan pequeña, se templó en parte en mí la gana que tenía tan -grande de ser gobernador; porque, ¿qué grandeza es mandar en un grano de -mostaza, o qué dignidad o imperio el gobernar a media docena de hombres -tamaños como avellanas, que, a mi parecer, no había más en toda la tierra? -Si vuestra señoría fuese servido de darme una tantica parte del cielo, -aunque no fuese más de media legua, la tomaría de mejor gana que la mayor -ínsula del mundo. - -— Mirad, amigo Sancho —respondió el duque—: yo no puedo dar parte del cielo -a nadie, aunque no sea mayor que una uña, que a solo Dios están reservadas -esas mercedes y gracias. Lo que puedo dar os doy, que es una ínsula hecha y -derecha, redonda y bien proporcionada, y sobremanera fértil y abundosa, -donde si vos os sabéis dar maña, podéis con las riquezas de la tierra -granjear las del cielo. - -— Ahora bien —respondió Sancho—, venga esa ínsula, que yo pugnaré por ser -tal gobernador que, a pesar de bellacos, me vaya al cielo; y esto no es por -codicia que yo tenga de salir de mis casillas ni de levantarme a mayores, -sino por el deseo que tengo de probar a qué sabe el ser gobernador. - -— Si una vez lo probáis, Sancho —dijo el duque—, comeros heis las manos tras -el gobierno, por ser dulcísima cosa el mandar y ser obedecido. A buen -seguro que cuando vuestro dueño llegue a ser emperador, que lo será sin -duda, según van encaminadas sus cosas, que no se lo arranquen comoquiera, y -que le duela y le pese en la mitad del alma del tiempo que hubiere dejado -de serlo. - -— Señor —replicó Sancho—, yo imagino que es bueno mandar, aunque sea a un -hato de ganado. - -— Con vos me entierren, Sancho, que sabéis de todo —respondió el duque—, y -yo espero que seréis tal gobernador como vuestro juicio promete, y quédese -esto aquí y advertid que mañana en ese mesmo día habéis de ir al gobierno -de la ínsula, y esta tarde os acomodarán del traje conveniente que habéis -de llevar y de todas las cosas necesarias a vuestra partida. - -— Vístanme —dijo Sancho— como quisieren, que de cualquier manera que vaya -vestido seré Sancho Panza. - -— Así es verdad —dijo el duque—, pero los trajes se han de acomodar con el -oficio o dignidad que se profesa, que no sería bien que un jurisperito se -vistiese como soldado, ni un soldado como un sacerdote. Vos, Sancho, iréis -vestido parte de letrado y parte de capitán, porque en la ínsula que os doy -tanto son menester las armas como las letras, y las letras como las armas. - -— Letras —respondió Sancho—, pocas tengo, porque aún no sé el A, B, C; pero -bástame tener el Christus en la memoria para ser buen gobernador. De las -armas manejaré las que me dieren, hasta caer, y Dios delante. - -— Con tan buena memoria —dijo el duque—, no podrá Sancho errar en nada. - -En esto llegó don Quijote, y, sabiendo lo que pasaba y la celeridad con que -Sancho se había de partir a su gobierno, con licencia del duque le tomó por -la mano y se fue con él a su estancia, con intención de aconsejarle cómo se -había de haber en su oficio. - -Entrados, pues, en su aposento, cerró tras sí la puerta, y hizo casi por -fuerza que Sancho se sentase junto a él, y con reposada voz le dijo: - -— Infinitas gracias doy al cielo, Sancho amigo, de que, antes y primero que -yo haya encontrado con alguna buena dicha, te haya salido a ti a recebir y -a encontrar la buena ventura. Yo, que en mi buena suerte te tenía librada -la paga de tus servicios, me veo en los principios de aventajarme, y tú, -antes de tiempo, contra la ley del razonable discurso, te vees premiado de -tus deseos. Otros cohechan, importunan, solicitan, madrugan, ruegan, -porfían, y no alcanzan lo que pretenden; y llega otro, y sin saber cómo ni -cómo no, se halla con el cargo y oficio que otros muchos pretendieron; y -aquí entra y encaja bien el decir que hay buena y mala fortuna en las -pretensiones. Tú, que para mí, sin duda alguna, eres un porro, sin madrugar -ni trasnochar y sin hacer diligencia alguna, con solo el aliento que te ha -tocado de la andante caballería, sin más ni más te vees gobernador de una -ínsula, como quien no dice nada. Todo esto digo, ¡oh Sancho!, para que no -atribuyas a tus merecimientos la merced recebida, sino que des gracias al -cielo, que dispone suavemente las cosas, y después las darás a la grandeza -que en sí encierra la profesión de la caballería andante. Dispuesto, pues, -el corazón a creer lo que te he dicho, está, ¡oh hijo!, atento a este tu -Catón, que quiere aconsejarte y ser norte y guía que te encamine y saque a -seguro puerto deste mar proceloso donde vas a engolfarte; que los oficios y -grandes cargos no son otra cosa sino un golfo profundo de confusiones. -Primeramente, ¡oh hijo!, has de temer a Dios, porque en el temerle está la -sabiduría, y siendo sabio no podrás errar en nada. Lo segundo, has de poner -los ojos en quien eres, procurando conocerte a ti mismo, que es el más -difícil conocimiento que puede imaginarse. Del conocerte saldrá el no -hincharte como la rana que quiso igualarse con el buey, que si esto haces, -vendrá a ser feos pies de la rueda de tu locura la consideración de haber -guardado puercos en tu tierra. - -— Así es la verdad —respondió Sancho—, pero fue cuando muchacho; pero -después, algo hombrecillo, gansos fueron los que guardé, que no puercos; -pero esto paréceme a mí que no hace al caso, que no todos los que gobiernan -vienen de casta de reyes. - -— Así es verdad —replicó don Quijote—, por lo cual los no de principios -nobles deben acompañar la gravedad del cargo que ejercitan con una blanda -suavidad que, guiada por la prudencia, los libre de la murmuración -maliciosa, de quien no hay estado que se escape. Haz gala, Sancho, de la -humildad de tu linaje, y no te desprecies de decir que vienes de -labradores; porque, viendo que no te corres, ninguno se pondrá a correrte; -y préciate más de ser humilde virtuoso que pecador soberbio. Inumerables -son aquellos que, de baja estirpe nacidos, han subido a la suma dignidad -pontificia e imperatoria; y desta verdad te pudiera traer tantos ejemplos, -que te cansaran. Mira, Sancho: si tomas por medio a la virtud, y te precias -de hacer hechos virtuosos, no hay para qué tener envidia a los que los -tienen de príncipes y señores, porque la sangre se hereda y la virtud se -aquista, y la virtud vale por sí sola lo que la sangre no vale. Siendo esto -así, como lo es, que si acaso viniere a verte cuando estés en tu ínsula -alguno de tus parientes, no le deseches ni le afrentes; antes le has de -acoger, agasajar y regalar, que con esto satisfarás al cielo, que gusta que -nadie se desprecie de lo que él hizo, y corresponderás a lo que debes a la -naturaleza bien concertada. Si trujeres a tu mujer contigo (porque no es -bien que los que asisten a gobiernos de mucho tiempo estén sin las -propias), enséñala, doctrínala y desbástala de su natural rudeza, porque -todo lo que suele adquirir un gobernador discreto suele perder y derramar -una mujer rústica y tonta. Si acaso enviudares, cosa que puede suceder, y -con el cargo mejorares de consorte, no la tomes tal, que te sirva de -anzuelo y de caña de pescar, y del no quiero de tu capilla, porque en -verdad te digo que de todo aquello que la mujer del juez recibiere ha de -dar cuenta el marido en la residencia universal, donde pagará con el cuatro -tanto en la muerte las partidas de que no se hubiere hecho cargo en la -vida. Nunca te guíes por la ley del encaje, que suele tener mucha cabida -con los ignorantes que presumen de agudos. Hallen en ti más compasión las -lágrimas del pobre, pero no más justicia, que las informaciones del rico. -Procura descubrir la verdad por entre las promesas y dádivas del rico, como -por entre los sollozos e importunidades del pobre. Cuando pudiere y debiere -tener lugar la equidad, no cargues todo el rigor de la ley al delincuente, -que no es mejor la fama del juez riguroso que la del compasivo. Si acaso -doblares la vara de la justicia, no sea con el peso de la dádiva, sino con -el de la misericordia. Cuando te sucediere juzgar algún pleito de algún tu -enemigo, aparta las mientes de tu injuria y ponlas en la verdad del caso. -No te ciegue la pasión propia en la causa ajena, que los yerros que en ella -hicieres, las más veces, serán sin remedio; y si le tuvieren, será a costa -de tu crédito, y aun de tu hacienda. Si alguna mujer hermosa veniere a -pedirte justicia, quita los ojos de sus lágrimas y tus oídos de sus -gemidos, y considera de espacio la sustancia de lo que pide, si no quieres -que se anegue tu razón en su llanto y tu bondad en sus suspiros. Al que has -de castigar con obras no trates mal con palabras, pues le basta al -desdichado la pena del suplicio, sin la añadidura de las malas razones. Al -culpado que cayere debajo de tu juridición considérale hombre miserable, -sujeto a las condiciones de la depravada naturaleza nuestra, y en todo -cuanto fuere de tu parte, sin hacer agravio a la contraria, muéstratele -piadoso y clemente, porque, aunque los atributos de Dios todos son iguales, -más resplandece y campea a nuestro ver el de la misericordia que el de la -justicia. Si estos preceptos y estas reglas sigues, Sancho, serán luengos -tus días, tu fama será eterna, tus premios colmados, tu felicidad -indecible, casarás tus hijos como quisieres, títulos tendrán ellos y tus -nietos, vivirás en paz y beneplácito de las gentes, y en los últimos pasos -de la vida te alcanzará el de la muerte, en vejez suave y madura, y -cerrarán tus ojos las tiernas y delicadas manos de tus terceros netezuelos. -Esto que hasta aquí te he dicho son documentos que han de adornar tu alma; -escucha ahora los que han de servir para adorno del cuerpo. - - - - -Capítulo XLIII. De los consejos segundos que dio don Quijote a Sancho Panza - -¿Quién oyera el pasado razonamiento de don Quijote que no le tuviera por -persona muy cuerda y mejor intencionada? Pero, como muchas veces en el -progreso desta grande historia queda dicho, solamente disparaba en -tocándole en la caballería, y en los demás discursos mostraba tener claro y -desenfadado entendimiento, de manera que a cada paso desacreditaban sus -obras su juicio, y su juicio sus obras; pero en ésta destos segundos -documentos que dio a Sancho, mostró tener gran donaire, y puso su -discreción y su locura en un levantado punto. - -Atentísimamente le escuchaba Sancho, y procuraba conservar en la memoria -sus consejos, como quien pensaba guardarlos y salir por ellos a buen parto -de la preñez de su gobierno. Prosiguió, pues, don Quijote, y dijo: - -— En lo que toca a cómo has de gobernar tu persona y casa, Sancho, lo -primero que te encargo es que seas limpio, y que te cortes las uñas, sin -dejarlas crecer, como algunos hacen, a quien su ignorancia les ha dado a -entender que las uñas largas les hermosean las manos, como si aquel -escremento y añadidura que se dejan de cortar fuese uña, siendo antes -garras de cernícalo lagartijero: puerco y extraordinario abuso. No andes, -Sancho, desceñido y flojo, que el vestido descompuesto da indicios de ánimo -desmazalado, si ya la descompostura y flojedad no cae debajo de -socarronería, como se juzgó en la de Julio César. Toma con discreción el -pulso a lo que pudiere valer tu oficio, y si sufriere que des librea a tus -criados, dásela honesta y provechosa más que vistosa y bizarra, y repártela -entre tus criados y los pobres: quiero decir que si has de vestir seis -pajes, viste tres y otros tres pobres, y así tendrás pajes para el cielo y -para el suelo; y este nuevo modo de dar librea no la alcanzan los -vanagloriosos. No comas ajos ni cebollas, porque no saquen por el olor tu -villanería. Anda despacio; habla con reposo, pero no de manera que parezca -que te escuchas a ti mismo, que toda afectación es mala. Come poco y cena -más poco, que la salud de todo el cuerpo se fragua en la oficina del -estómago. Sé templado en el beber, considerando que el vino demasiado ni -guarda secreto ni cumple palabra. Ten cuenta, Sancho, de no mascar a dos -carrillos, ni de erutar delante de nadie. - -— Eso de erutar no entiendo —dijo Sancho. - -Y don Quijote le dijo: - -— Erutar, Sancho, quiere decir regoldar, y éste es uno de los más torpes -vocablos que tiene la lengua castellana, aunque es muy sinificativo; y así, -la gente curiosa se ha acogido al latín, y al regoldar dice erutar, y a los -regüeldos, erutaciones; y, cuando algunos no entienden estos términos, -importa poco, que el uso los irá introduciendo con el tiempo, que con -facilidad se entiendan; y esto es enriquecer la lengua, sobre quien tiene -poder el vulgo y el uso. - -— En verdad, señor —dijo Sancho—, que uno de los consejos y avisos que -pienso llevar en la memoria ha de ser el de no regoldar, porque lo suelo -hacer muy a menudo. - -— Erutar, Sancho, que no regoldar —dijo don Quijote. - -— Erutar diré de aquí adelante —respondió Sancho—, y a fee que no se me -olvide. - -— También, Sancho, no has de mezclar en tus pláticas la muchedumbre de -refranes que sueles; que, puesto que los refranes son sentencias breves, -muchas veces los traes tan por los cabellos, que más parecen disparates que -sentencias. - -— Eso Dios lo puede remediar —respondió Sancho—, porque sé más refranes que -un libro, y viénenseme tantos juntos a la boca cuando hablo, que riñen por -salir unos con otros, pero la lengua va arrojando los primeros que -encuentra, aunque no vengan a pelo. Mas yo tendré cuenta de aquí adelante -de decir los que convengan a la gravedad de mi cargo, que en casa llena -presto se guisa la cena, y quien destaja no baraja, y a buen salvo está el -que repica, y el dar y el tener seso ha menester. - -— ¡Eso sí, Sancho! —dijo don Quijote—: ¡encaja, ensarta, enhila refranes, -que nadie te va a la mano! ¡Castígame mi madre, y yo trómpogelas! Estoyte -diciendo que escuses refranes, y en un instante has echado aquí una letanía -dellos, que así cuadran con lo que vamos tratando como por los cerros de -Úbeda. Mira, Sancho, no te digo yo que parece mal un refrán traído a -propósito, pero cargar y ensartar refranes a troche moche hace la plática -desmayada y baja. Cuando subieres a caballo, no vayas echando el cuerpo -sobre el arzón postrero, ni lleves las piernas tiesas y tiradas y desviadas -de la barriga del caballo, ni tampoco vayas tan flojo que parezca que vas -sobre el rucio: que el andar a caballo a unos hace caballeros; a otros, -caballerizos. Sea moderado tu sueño, que el que no madruga con el sol, no -goza del día; y advierte, ¡oh Sancho!, que la diligencia es madre de la -buena ventura, y la pereza, su contraria, jamás llegó al término que pide -un buen deseo. Este último consejo que ahora darte quiero, puesto que no -sirva para adorno del cuerpo, quiero que le lleves muy en la memoria, que -creo que no te será de menos provecho que los que hasta aquí te he dado; y -es que jamás te pongas a disputar de linajes, a lo menos, comparándolos -entre sí, pues, por fuerza, en los que se comparan uno ha de ser el mejor, -y del que abatieres serás aborrecido, y del que levantares en ninguna -manera premiado. Tu vestido será calza entera, ropilla larga, herreruelo un -poco más largo; greguescos, ni por pienso, que no les están bien ni a los -caballeros ni a los gobernadores. Por ahora, esto se me ha ofrecido, -Sancho, que aconsejarte; andará el tiempo, y, según las ocasiones, así -serán mis documentos, como tú tengas cuidado de avisarme el estado en que -te hallares. - -— Señor —respondió Sancho—, bien veo que todo cuanto vuestra merced me ha -dicho son cosas buenas, santas y provechosas, pero ¿de qué han de servir, -si de ninguna me acuerdo? Verdad sea que aquello de no dejarme crecer las -uñas y de casarme otra vez, si se ofreciere, no se me pasará del magín, -pero esotros badulaques y enredos y revoltillos, no se me acuerda ni -acordará más dellos que de las nubes de antaño, y así, será menester que se -me den por escrito, que, puesto que no sé leer ni escribir, yo se los daré -a mi confesor para que me los encaje y recapacite cuando fuere menester. - -— ¡Ah, pecador de mí —respondió don Quijote—, y qué mal parece en los -gobernadores el no saber leer ni escribir!; porque has de saber, ¡oh -Sancho!, que no saber un hombre leer, o ser zurdo, arguye una de dos cosas: -o que fue hijo de padres demasiado de humildes y bajos, o él tan travieso -y malo que no pudo entrar en el buen uso ni la buena doctrina. Gran falta -es la que llevas contigo, y así, querría que aprendieses a firmar siquiera. - -— Bien sé firmar mi nombre —respondió Sancho—, que cuando fui prioste en mi -lugar, aprendí a hacer unas letras como de marca de fardo, que decían que -decía mi nombre; cuanto más, que fingiré que tengo tullida la mano derecha, -y haré que firme otro por mí; que para todo hay remedio, si no es para la -muerte; y, teniendo yo el mando y el palo, haré lo que quisiere; cuanto -más, que el que tiene el padre alcalde... Y, siendo yo gobernador, que es -más que ser alcalde, ¡llegaos, que la dejan ver! No, sino popen y -calóñenme, que vendrán por lana y volverán trasquilados; y a quien Dios -quiere bien, la casa le sabe; y las necedades del rico por sentencias pasan -en el mundo; y, siéndolo yo, siendo gobernador y juntamente liberal, como -lo pienso ser, no habrá falta que se me parezca. No, sino haceos miel, y -paparos han moscas; tanto vales cuanto tienes, decía una mi agüela, y del -hombre arraigado no te verás vengado. - -— ¡Oh, maldito seas de Dios, Sancho! —dijo a esta sazón don Quijote—. -¡Sesenta mil satanases te lleven a ti y a tus refranes! Una hora ha que los -estás ensartando y dándome con cada uno tragos de tormento. Yo te aseguro -que estos refranes te han de llevar un día a la horca; por ellos te han de -quitar el gobierno tus vasallos, o ha de haber entre ellos comunidades. -Dime, ¿dónde los hallas, ignorante, o cómo los aplicas, mentecato, que para -decir yo uno y aplicarle bien, sudo y trabajo como si cavase? - -— Por Dios, señor nuestro amo —replicó Sancho—, que vuesa merced se queja de -bien pocas cosas. ¿A qué diablos se pudre de que yo me sirva de mi -hacienda, que ninguna otra tengo, ni otro caudal alguno, sino refranes y -más refranes? Y ahora se me ofrecen cuatro que venían aquí pintiparados, o -como peras en tabaque, pero no los diré, porque al buen callar llaman -Sancho. - -— Ese Sancho no eres tú —dijo don Quijote—, porque no sólo no eres buen -callar, sino mal hablar y mal porfiar; y, con todo eso, querría saber qué -cuatro refranes te ocurrían ahora a la memoria que venían aquí a propósito, -que yo ando recorriendo la mía, que la tengo buena, y ninguno se me ofrece. - -— ¿Qué mejores —dijo Sancho— que "entre dos muelas cordales nunca pongas tus -pulgares", y "a idos de mi casa y qué queréis con mi mujer, no hay -responder", y "si da el cántaro en la piedra o la piedra en el cántaro, mal -para el cántaro", todos los cuales vienen a pelo? Que nadie se tome con su -gobernador ni con el que le manda, porque saldrá lastimado, como el que -pone el dedo entre dos muelas cordales, y aunque no sean cordales, como -sean muelas, no importa; y a lo que dijere el gobernador no hay que -replicar, como al "salíos de mi casa y qué queréis con mi mujer". Pues lo -de la piedra en el cántaro un ciego lo verá. Así que, es menester que el -que vee la mota en el ojo ajeno, vea la viga en el suyo, porque no se diga -por él: "espantóse la muerta de la degollada", y vuestra merced sabe bien -que más sabe el necio en su casa que el cuerdo en la ajena. - -— Eso no, Sancho —respondió don Quijote—, que el necio en su casa ni en la -ajena sabe nada, a causa que sobre el aumento de la necedad no asienta -ningún discreto edificio. Y dejemos esto aquí, Sancho, que si mal -gobernares, tuya será la culpa, y mía la vergüenza; mas consuélome que he -hecho lo que debía en aconsejarte con las veras y con la discreción a mí -posible: con esto salgo de mi obligación y de mi promesa. Dios te guíe, -Sancho, y te gobierne en tu gobierno, y a mí me saque del escrúpulo que me -queda que has de dar con toda la ínsula patas arriba, cosa que pudiera yo -escusar con descubrir al duque quién eres, diciéndole que toda esa gordura -y esa personilla que tienes no es otra cosa que un costal lleno de refranes -y de malicias. - -— Señor —replicó Sancho—, si a vuestra merced le parece que no soy de pro -para este gobierno, desde aquí le suelto, que más quiero un solo negro de -la uña de mi alma que a todo mi cuerpo; y así me sustentaré Sancho a secas -con pan y cebolla, como gobernador con perdices y capones; y más que, -mientras se duerme, todos son iguales, los grandes y los menores, los -pobres y los ricos; y si vuestra merced mira en ello, verá que sólo vuestra -merced me ha puesto en esto de gobernar: que yo no sé más de gobiernos de -ínsulas que un buitre; y si se imagina que por ser gobernador me ha de -llevar el diablo, más me quiero ir Sancho al cielo que gobernador al -infierno. - -— Por Dios, Sancho —dijo don Quijote—, que, por solas estas últimas razones -que has dicho, juzgo que mereces ser gobernador de mil ínsulas: buen -natural tienes, sin el cual no hay ciencia que valga; encomiéndate a Dios, -y procura no errar en la primera intención; quiero decir que siempre tengas -intento y firme propósito de acertar en cuantos negocios te ocurrieren, -porque siempre favorece el cielo los buenos deseos. Y vámonos a comer, que -creo que ya estos señores nos aguardan. - - - - -Capítulo XLIV. Cómo Sancho Panza fue llevado al gobierno, y de la estraña -aventura que en el castillo sucedió a don Quijote - -Dicen que en el propio original desta historia se lee que, llegando Cide -Hamete a escribir este capítulo, no le tradujo su intérprete como él le -había escrito, que fue un modo de queja que tuvo el moro de sí mismo, por -haber tomado entre manos una historia tan seca y tan limitada como esta de -don Quijote, por parecerle que siempre había de hablar dél y de Sancho, sin -osar estenderse a otras digresiones y episodios más graves y más -entretenidos; y decía que el ir siempre atenido el entendimiento, la mano y -la pluma a escribir de un solo sujeto y hablar por las bocas de pocas -personas era un trabajo incomportable, cuyo fruto no redundaba en el de su -autor, y que, por huir deste inconveniente, había usado en la primera parte -del artificio de algunas novelas, como fueron la del Curioso impertinente y -la del Capitán cautivo, que están como separadas de la historia, puesto que -las demás que allí se cuentan son casos sucedidos al mismo don Quijote, que -no podían dejar de escribirse. También pensó, como él dice, que muchos, -llevados de la atención que piden las hazañas de don Quijote, no la darían -a las novelas, y pasarían por ellas, o con priesa o con enfado, sin -advertir la gala y artificio que en sí contienen, el cual se mostrara bien -al descubierto cuando, por sí solas, sin arrimarse a las locuras de don -Quijote ni a las sandeces de Sancho, salieran a luz. Y así, en esta segunda -parte no quiso ingerir novelas sueltas ni pegadizas, sino algunos episodios -que lo pareciesen, nacidos de los mesmos sucesos que la verdad ofrece; y -aun éstos, limitadamente y con solas las palabras que bastan a -declararlos; y, pues se contiene y cierra en los estrechos límites de la -narración, teniendo habilidad, suficiencia y entendimiento para tratar del -universo todo, pide no se desprecie su trabajo, y se le den alabanzas, no -por lo que escribe, sino por lo que ha dejado de escribir. - -Y luego prosigue la historia diciendo que, en acabando de comer don -Quijote, el día que dio los consejos a Sancho, aquella tarde se los dio -escritos, para que él buscase quien se los leyese; pero, apenas se los hubo -dado, cuando se le cayeron y vinieron a manos del duque, que los comunicó -con la duquesa, y los dos se admiraron de nuevo de la locura y del ingenio -de don Quijote; y así, llevando adelante sus burlas, aquella tarde enviaron -a Sancho con mucho acompañamiento al lugar que para él había de ser ínsula. - -Acaeció, pues, que el que le llevaba a cargo era un mayordomo del duque, -muy discreto y muy gracioso —que no puede haber gracia donde no hay -discreción—, el cual había hecho la persona de la condesa Trifaldi, con el -donaire que queda referido; y con esto, y con ir industriado de sus -señores de cómo se había de haber con Sancho, salió con su intento -maravillosamente. Digo, pues, que acaeció que, así como Sancho vio al tal -mayordomo, se le figuró en su rostro el mesmo de la Trifaldi, y, -volviéndose a su señor, le dijo: - -— Señor, o a mí me ha de llevar el diablo de aquí de donde estoy, en justo -y en creyente, o vuestra merced me ha de confesar que el rostro deste -mayordomo del duque, que aquí está, es el mesmo de la Dolorida. - -Miró don Quijote atentamente al mayordomo, y, habiéndole mirado, dijo a -Sancho: - -— No hay para qué te lleve el diablo, Sancho, ni en justo ni en creyente, -que no sé lo que quieres decir; que el rostro de la Dolorida es el del -mayordomo, pero no por eso el mayordomo es la Dolorida; que, a serlo, -implicaría contradición muy grande, y no es tiempo ahora de hacer estas -averiguaciones, que sería entrarnos en intricados laberintos. Créeme, -amigo, que es menester rogar a Nuestro Señor muy de veras que nos libre a -los dos de malos hechiceros y de malos encantadores. - -— No es burla, señor —replicó Sancho—, sino que denantes le oí hablar, y no -pareció sino que la voz de la Trifaldi me sonaba en los oídos. Ahora bien, -yo callaré, pero no dejaré de andar advertido de aquí adelante, a ver si -descubre otra señal que confirme o desfaga mi sospecha. - -— Así lo has de hacer, Sancho —dijo don Quijote—, y darásme aviso de todo lo -que en este caso descubrieres y de todo aquello que en el gobierno te -sucediere. - -Salió, en fin, Sancho, acompañado de mucha gente, vestido a lo letrado, y -encima un gabán muy ancho de chamelote de aguas leonado, con una montera de -lo mesmo, sobre un macho a la jineta, y detrás dél, por orden del duque, -iba el rucio con jaeces y ornamentos jumentiles de seda y flamantes. Volvía -Sancho la cabeza de cuando en cuando a mirar a su asno, con cuya compañía -iba tan contento que no se trocara con el emperador de Alemaña. - -Al despedirse de los duques, les besó las manos, y tomó la bendición de su -señor, que se la dio con lágrimas, y Sancho la recibió con pucheritos. - -Deja, lector amable, ir en paz y en hora buena al buen Sancho, y espera dos -fanegas de risa, que te ha de causar el saber cómo se portó en su cargo, y, -en tanto, atiende a saber lo que le pasó a su amo aquella noche; que si con -ello no rieres, por lo menos desplegarás los labios con risa de jimia, -porque los sucesos de don Quijote, o se han de celebrar con admiración, o -con risa. - -Cuéntase, pues, que, apenas se hubo partido Sancho, cuando don Quijote -sintió su soledad; y si le fuera posible revocarle la comisión y quitarle -el gobierno, lo hiciera. Conoció la duquesa su melancolía, y preguntóle que -de qué estaba triste; que si era por la ausencia de Sancho, que escuderos, -dueñas y doncellas había en su casa que le servirían muy a satisfación de -su deseo. - -— Verdad es, señora mía —respondió don Quijote—, que siento la ausencia de -Sancho, pero no es ésa la causa principal que me hace parecer que estoy -triste, y, de los muchos ofrecimientos que vuestra excelencia me hace, -solamente acepto y escojo el de la voluntad con que se me hacen, y, en lo -demás, suplico a Vuestra Excelencia que dentro de mi aposento consienta y -permita que yo solo sea el que me sirva. - -— En verdad —dijo la duquesa—, señor don Quijote, que no ha de ser así: que -le han de servir cuatro doncellas de las mías, hermosas como unas flores. - -— Para mí —respondió don Quijote— no serán ellas como flores, sino como -espinas que me puncen el alma. Así entrarán ellas en mi aposento, ni cosa -que lo parezca, como volar. Si es que vuestra grandeza quiere llevar -adelante el hacerme merced sin yo merecerla, déjeme que yo me las haya -conmigo, y que yo me sirva de mis puertas adentro, que yo ponga una muralla -en medio de mis deseos y de mi honestidad; y no quiero perder esta -costumbre por la liberalidad que vuestra alteza quiere mostrar conmigo. Y, -en resolución, antes dormiré vestido que consentir que nadie me desnude. - -— No más, no más, señor don Quijote —replicó la duquesa—. Por mí digo que -daré orden que ni aun una mosca entre en su estancia, no que una doncella; -no soy yo persona, que por mí se ha de descabalar la decencia del señor don -Quijote; que, según se me ha traslucido, la que más campea entre sus muchas -virtudes es la de la honestidad. Desnúdese vuesa merced y vístase a sus -solas y a su modo, como y cuando quisiere, que no habrá quien lo impida, -pues dentro de su aposento hallará los vasos necesarios al menester del que -duerme a puerta cerrada, porque ninguna natural necesidad le obligue a que -la abra. Viva mil siglos la gran Dulcinea del Toboso, y sea su nombre -estendido por toda la redondez de la tierra, pues mereció ser amada de tan -valiente y tan honesto caballero, y los benignos cielos infundan en el -corazón de Sancho Panza, nuestro gobernador, un deseo de acabar presto sus -diciplinas, para que vuelva a gozar el mundo de la belleza de tan gran -señora. - -A lo cual dijo don Quijote: - -— Vuestra altitud ha hablado como quien es, que en la boca de las buenas -señoras no ha de haber ninguna que sea mala; y más venturosa y más conocida -será en el mundo Dulcinea por haberla alabado vuestra grandeza, que por -todas las alabanzas que puedan darle los más elocuentes de la tierra. - -— Agora bien, señor don Quijote —replicó la duquesa—, la hora de cenar se -llega, y el duque debe de esperar: venga vuesa merced y cenemos, y -acostaráse temprano, que el viaje que ayer hizo de Candaya no fue tan corto -que no haya causado algún molimiento. - -— No siento ninguno, señora —respondió don Quijote—, porque osaré jurar a -Vuestra Excelencia que en mi vida he subido sobre bestia más reposada ni de -mejor paso que Clavileño; y no sé yo qué le pudo mover a Malambruno para -deshacerse de tan ligera y tan gentil cabalgadura, y abrasarla así, sin más -ni más. - -— A eso se puede imaginar —respondió la duquesa— que, arrepentido del mal -que había hecho a la Trifaldi y compañía, y a otras personas, y de las -maldades que como hechicero y encantador debía de haber cometido, quiso -concluir con todos los instrumentos de su oficio, y, como a principal y que -más le traía desasosegado, vagando de tierra en tierra, abrasó a Clavileño; -que con sus abrasadas cenizas y con el trofeo del cartel queda eterno el -valor del gran don Quijote de la Mancha. - -De nuevo nuevas gracias dio don Quijote a la duquesa, y, en cenando, don -Quijote se retiró en su aposento solo, sin consentir que nadie entrase con -él a servirle: tanto se temía de encontrar ocasiones que le moviesen o -forzasen a perder el honesto decoro que a su señora Dulcinea guardaba, -siempre puesta en la imaginación la bondad de Amadís, flor y espejo de los -andantes caballeros. Cerró tras sí la puerta, y a la luz de dos velas de -cera se desnudó, y al descalzarse —¡oh desgracia indigna de tal persona!— -se le soltaron, no suspiros, ni otra cosa, que desacreditasen la limpieza -de su policía, sino hasta dos docenas de puntos de una media, que quedó -hecha celosía. Afligióse en estremo el buen señor, y diera él por tener -allí un adarme de seda verde una onza de plata; digo seda verde porque las -medias eran verdes. - -Aquí exclamó Benengeli, y, escribiendo, dijo ''¡Oh pobreza, pobreza! ¡No sé -yo con qué razón se movió aquel gran poeta cordobés a llamarte - -dádiva santa desagradecida! - -Yo, aunque moro, bien sé, por la comunicación que he tenido con cristianos, -que la santidad consiste en la caridad, humildad, fee, obediencia y -pobreza; pero, con todo eso, digo que ha de tener mucho de Dios el que se -viniere a contentar con ser pobre, si no es de aquel modo de pobreza de -quien dice uno de sus mayores santos: "Tened todas las cosas como si no las -tuviésedes"; y a esto llaman pobreza de espíritu; pero tú, segunda pobreza, -que eres de la que yo hablo, ¿por qué quieres estrellarte con los hidalgos -y bien nacidos más que con la otra gente? ¿Por qué los obligas a dar -pantalia a los zapatos, y a que los botones de sus ropillas unos sean de -seda, otros de cerdas, y otros de vidro? ¿Por qué sus cuellos, por la mayor -parte, han de ser siempre escarolados, y no abiertos con molde?'' Y en esto -se echará de ver que es antiguo el uso del almidón y de los cuellos -abiertos. Y prosiguió: ''¡Miserable del bien nacido que va dando pistos a -su honra, comiendo mal y a puerta cerrada, haciendo hipócrita al palillo de -dientes con que sale a la calle después de no haber comido cosa que le -obligue a limpiárselos! ¡Miserable de aquel, digo, que tiene la honra -espantadiza, y piensa que desde una legua se le descubre el remiendo del -zapato, el trasudor del sombrero, la hilaza del herreruelo y la hambre de -su estómago!'' - -Todo esto se le renovó a don Quijote en la soltura de sus puntos, pero -consolóse con ver que Sancho le había dejado unas botas de camino, que -pensó ponerse otro día. Finalmente, él se recostó pensativo y pesaroso, así -de la falta que Sancho le hacía como de la inreparable desgracia de sus -medias, a quien tomara los puntos, aunque fuera con seda de otra color, que -es una de las mayores señales de miseria que un hidalgo puede dar en el -discurso de su prolija estrecheza. Mató las velas; hacía calor y no podía -dormir; levantóse del lecho y abrió un poco la ventana de una reja que daba -sobre un hermoso jardín, y, al abrirla, sintió y oyó que andaba y hablaba -gente en el jardín. Púsose a escuchar atentamente. Levantaron la voz los de -abajo, tanto, que pudo oír estas razones: - -— No me porfíes, ¡oh Emerencia!, que cante, pues sabes que, desde el punto -que este forastero entró en este castillo y mis ojos le miraron, yo no sé -cantar, sino llorar; cuanto más, que el sueño de mi señora tiene más de -ligero que de pesado, y no querría que nos hallase aquí por todo el tesoro -del mundo. Y, puesto caso que durmiese y no despertase, en vano sería mi -canto si duerme y no despierta para oírle este nuevo Eneas, que ha llegado -a mis regiones para dejarme escarnida. - -— No des en eso, Altisidora amiga —respondieron—, que sin duda la duquesa y -cuantos hay en esa casa duermen, si no es el señor de tu corazón y el -despertador de tu alma, porque ahora sentí que abría la ventana de la reja -de su estancia, y sin duda debe de estar despierto; canta, lastimada mía, -en tono bajo y suave al son de tu arpa, y, cuando la duquesa nos sienta, le -echaremos la culpa al calor que hace. - -— No está en eso el punto, ¡oh Emerencia! —respondió la Altisidora—, sino en -que no querría que mi canto descubriese mi corazón y fuese juzgada de los -que no tienen noticia de las fuerzas poderosas de amor por doncella -antojadiza y liviana. Pero venga lo que viniere, que más vale vergüenza en -cara que mancilla en corazón. - -Y, en esto, sintió tocar una arpa suavísimamente. Oyendo lo cual, quedó don -Quijote pasmado, porque en aquel instante se le vinieron a la memoria las -infinitas aventuras semejantes a aquélla, de ventanas, rejas y jardines, -músicas, requiebros y desvanecimientos que en los sus desvanecidos libros -de caballerías había leído. Luego imaginó que alguna doncella de la duquesa -estaba dél enamorada, y que la honestidad la forzaba a tener secreta su -voluntad; temió no le rindiese, y propuso en su pensamiento el no dejarse -vencer; y, encomendándose de todo buen ánimo y buen talante a su señora -Dulcinea del Toboso, determinó de escuchar la música; y, para dar a -entender que allí estaba, dio un fingido estornudo, de que no poco se -alegraron las doncellas, que otra cosa no deseaban sino que don Quijote las -oyese. Recorrida, pues, y afinada la arpa, Altisidora dio principio a este -romance: - --¡Oh, tú, que estás en tu lecho, -entre sábanas de holanda, -durmiendo a pierna tendida -de la noche a la mañana, -caballero el más valiente -que ha producido la Mancha, -más honesto y más bendito -que el oro fino de Arabia! -Oye a una triste doncella, -bien crecida y mal lograda, -que en la luz de tus dos soles -se siente abrasar el alma. -Tú buscas tus aventuras, -y ajenas desdichas hallas; -das las feridas, y niegas -el remedio de sanarlas. -Dime, valeroso joven, -que Dios prospere tus ansias, -si te criaste en la Libia, -o en las montañas de Jaca; -si sierpes te dieron leche; -si, a dicha, fueron tus amas -la aspereza de las selvas -y el horror de las montañas. -Muy bien puede Dulcinea, -doncella rolliza y sana, -preciarse de que ha rendido -a una tigre y fiera brava. -Por esto será famosa -desde Henares a Jarama, -desde el Tajo a Manzanares, -desde Pisuerga hasta Arlanza. -Trocáreme yo por ella, -y diera encima una saya -de las más gayadas mías, -que de oro le adornan franjas. -¡Oh, quién se viera en tus brazos, -o si no, junto a tu cama, -rascándote la cabeza -y matándote la caspa! -Mucho pido, y no soy digna -de merced tan señalada: -los pies quisiera traerte, -que a una humilde esto le basta. -¡Oh, qué de cofias te diera, -qué de escarpines de plata, -qué de calzas de damasco, -qué de herreruelos de holanda! -¡Qué de finísimas perlas, -cada cual como una agalla, -que, a no tener compañeras, -Las solas fueran llamadas! -No mires de tu Tarpeya -este incendio que me abrasa, -Nerón manchego del mundo, -ni le avives con tu saña. -Niña soy, pulcela tierna, -mi edad de quince no pasa: -catorce tengo y tres meses, -te juro en Dios y en mi ánima. -No soy renca, ni soy coja, -ni tengo nada de manca; -los cabellos, como lirios, -que, en pie, por el suelo arrastran. -Y, aunque es mi boca aguileña -y la nariz algo chata, -ser mis dientes de topacios -mi belleza al cielo ensalza. -Mi voz, ya ves, si me escuchas, -que a la que es más dulce iguala, -y soy de disposición -algo menos que mediana. -Estas y otras gracias mías, -son despojos de tu aljaba; -desta casa soy doncella, -y Altisidora me llaman. - -Aquí dio fin el canto de la malferida Altisidora, y comenzó el asombro del -requirido don Quijote, el cual, dando un gran suspiro, dijo entre sí: - -— ¡Que tengo de ser tan desdichado andante, que no ha de haber doncella que -me mire que de mí no se enamore...! ¡Que tenga de ser tan corta de ventura -la sin par Dulcinea del Toboso, que no la han de dejar a solas gozar de la -incomparable firmeza mía...! ¿Qué la queréis, reinas? ¿A qué la perseguís, -emperatrices? ¿Para qué la acosáis, doncellas de a catorce a quince años? -Dejad, dejad a la miserable que triunfe, se goce y ufane con la suerte que -Amor quiso darle en rendirle mi corazón y entregarle mi alma. Mirad, -caterva enamorada, que para sola Dulcinea soy de masa y de alfenique, y -para todas las demás soy de pedernal; para ella soy miel, y para vosotras -acíbar; para mí sola Dulcinea es la hermosa, la discreta, la honesta, la -gallarda y la bien nacida, y las demás, las feas, las necias, las livianas -y las de peor linaje; para ser yo suyo, y no de otra alguna, me arrojó la -naturaleza al mundo. Llore o cante Altisidora; desespérese Madama, por -quien me aporrearon en el castillo del moro encantado, que yo tengo de ser -de Dulcinea, cocido o asado, limpio, bien criado y honesto, a pesar de -todas las potestades hechiceras de la tierra. - -Y, con esto, cerró de golpe la ventana, y, despechado y pesaroso, como si -le hubiera acontecido alguna gran desgracia, se acostó en su lecho, donde -le dejaremos por ahora, porque nos está llamando el gran Sancho Panza, que -quiere dar principio a su famoso gobierno. - - - - -Capítulo XLV. De cómo el gran Sancho Panza tomó la posesión de su ínsula, y -del modo que comenzó a gobernar - -¡Oh perpetuo descubridor de los antípodas, hacha del mundo, ojo del cielo, -meneo dulce de las cantimploras, Timbrio aquí, Febo allí, tirador acá, -médico acullá, padre de la Poesía, inventor de la Música: tú que siempre -sales, y, aunque lo parece, nunca te pones! A ti digo, ¡oh sol, con cuya -ayuda el hombre engendra al hombre!; a ti digo que me favorezcas, y -alumbres la escuridad de mi ingenio, para que pueda discurrir por sus -puntos en la narración del gobierno del gran Sancho Panza; que sin ti, yo -me siento tibio, desmazalado y confuso. - -Digo, pues, que con todo su acompañamiento llegó Sancho a un lugar de hasta -mil vecinos, que era de los mejores que el duque tenía. Diéronle a entender -que se llamaba la ínsula Barataria, o ya porque el lugar se llamaba -Baratario, o ya por el barato con que se le había dado el gobierno. Al -llegar a las puertas de la villa, que era cercada, salió el regimiento del -pueblo a recebirle; tocaron las campanas, y todos los vecinos dieron -muestras de general alegría, y con mucha pompa le llevaron a la iglesia -mayor a dar gracias a Dios, y luego, con algunas ridículas ceremonias, le -entregaron las llaves del pueblo, y le admitieron por perpetuo gobernador -de la ínsula Barataria. - -El traje, las barbas, la gordura y pequeñez del nuevo gobernador tenía -admirada a toda la gente que el busilis del cuento no sabía, y aun a todos -los que lo sabían, que eran muchos. Finalmente, en sacándole de la iglesia, -le llevaron a la silla del juzgado y le sentaron en ella; y el mayordomo -del duque le dijo: - -— Es costumbre antigua en esta ínsula, señor gobernador, que el que viene a -tomar posesión desta famosa ínsula está obligado a responder a una pregunta -que se le hiciere, que sea algo intricada y dificultosa, de cuya respuesta -el pueblo toma y toca el pulso del ingenio de su nuevo gobernador; y así, o -se alegra o se entristece con su venida. - -En tanto que el mayordomo decía esto a Sancho, estaba él mirando unas -grandes y muchas letras que en la pared frontera de su silla estaban -escritas; y, como él no sabía leer, preguntó que qué eran aquellas pinturas -que en aquella pared estaban. Fuele respondido: - -— Señor, allí esta escrito y notado el día en que Vuestra Señoría tomó -posesión desta ínsula, y dice el epitafio: Hoy día, a tantos de tal mes y -de tal año, tomó la posesión desta ínsula el señor don Sancho Panza, que -muchos años la goce. - -— Y ¿a quién llaman don Sancho Panza? —preguntó Sancho. - -— A vuestra señoría —respondió el mayordomo—, que en esta ínsula no ha -entrado otro Panza sino el que está sentado en esa silla. - -— Pues advertid, hermano —dijo Sancho—, que yo no tengo don, ni en todo mi -linaje le ha habido: Sancho Panza me llaman a secas, y Sancho se llamó mi -padre, y Sancho mi agüelo, y todos fueron Panzas, sin añadiduras de dones -ni donas; y yo imagino que en esta ínsula debe de haber más dones que -piedras; pero basta: Dios me entiende, y podrá ser que, si el gobierno me -dura cuatro días, yo escardaré estos dones, que, por la muchedumbre, deben -de enfadar como los mosquitos. Pase adelante con su pregunta el señor -mayordomo, que yo responderé lo mejor que supiere, ora se entristezca o no -se entristezca el pueblo. - -A este instante entraron en el juzgado dos hombres, el uno vestido de -labrador y el otro de sastre, porque traía unas tijeras en la mano, y el -sastre dijo: - -— Señor gobernador, yo y este hombre labrador venimos ante vuestra merced en -razón que este buen hombre llegó a mi tienda ayer (que yo, con perdón de -los presentes, soy sastre examinado, que Dios sea bendito), y, poniéndome -un pedazo de paño en las manos, me preguntó: ''Señor, ¿habría en esto -paño harto para hacerme una caperuza?'' Yo, tanteando el paño, le respondí -que sí; él debióse de imaginar, a lo que yo imagino, e imaginé bien, que -sin duda yo le quería hurtar alguna parte del paño, fundándose en su -malicia y en la mala opinión de los sastres, y replicóme que mirase si -habría para dos; adivinéle el pensamiento y díjele que sí; y él, caballero -en su dañada y primera intención, fue añadiendo caperuzas, y yo añadiendo -síes, hasta que llegamos a cinco caperuzas, y ahora en este punto acaba de -venir por ellas: yo se las doy, y no me quiere pagar la hechura, antes me -pide que le pague o vuelva su paño. - -— ¿Es todo esto así, hermano? —preguntó Sancho. - -— Sí, señor —respondió el hombre—, pero hágale vuestra merced que muestre -las cinco caperuzas que me ha hecho. - -— De buena gana —respondió el sastre. - -Y, sacando encontinente la mano debajo del herreruelo, mostró en ella cinco -caperuzas puestas en las cinco cabezas de los dedos de la mano, y dijo: - -— He aquí las cinco caperuzas que este buen hombre me pide, y en Dios y en -mi conciencia que no me ha quedado nada del paño, y yo daré la obra a vista -de veedores del oficio. - -Todos los presentes se rieron de la multitud de las caperuzas y del nuevo -pleito. Sancho se puso a considerar un poco, y dijo: - -— Paréceme que en este pleito no ha de haber largas dilaciones, sino juzgar -luego a juicio de buen varón; y así, yo doy por sentencia que el sastre -pierda las hechuras, y el labrador el paño, y las caperuzas se lleven a los -presos de la cárcel, y no haya más. - -Si la sentencia pasada de la bolsa del ganadero movió a admiración a los -circunstantes, ésta les provocó a risa; pero, en fin, se hizo lo que mandó -el gobernador; ante el cual se presentaron dos hombres ancianos; el uno -traía una cañaheja por báculo, y el sin báculo dijo: - -— Señor, a este buen hombre le presté días ha diez escudos de oro en oro, -por hacerle placer y buena obra, con condición que me los volviese cuando -se los pidiese; pasáronse muchos días sin pedírselos, por no ponerle en -mayor necesidad de volvérmelos que la que él tenía cuando yo se los presté; -pero, por parecerme que se descuidaba en la paga, se los he pedido una y -muchas veces, y no solamente no me los vuelve, pero me los niega y dice que -nunca tales diez escudos le presté, y que si se los presté, que ya me los -ha vuelto. Yo no tengo testigos ni del prestado ni de la vuelta, porque no -me los ha vuelto; querría que vuestra merced le tomase juramento, y si -jurare que me los ha vuelto, yo se los perdono para aquí y para delante de -Dios. - -— ¿Qué decís vos a esto, buen viejo del báculo? —dijo Sancho. - -A lo que dijo el viejo: - -— Yo, señor, confieso que me los prestó, y baje vuestra merced esa vara; y, -pues él lo deja en mi juramento, yo juraré como se los he vuelto y pagado -real y verdaderamente. - -Bajó el gobernador la vara, y, en tanto, el viejo del báculo dio el báculo -al otro viejo, que se le tuviese en tanto que juraba, como si le embarazara -mucho, y luego puso la mano en la cruz de la vara, diciendo que era verdad -que se le habían prestado aquellos diez escudos que se le pedían; pero que -él se los había vuelto de su mano a la suya, y que por no caer en ello se -los volvía a pedir por momentos. Viendo lo cual el gran gobernador, -preguntó al acreedor qué respondía a lo que decía su contrario; y dijo que -sin duda alguna su deudor debía de decir verdad, porque le tenía por hombre -de bien y buen cristiano, y que a él se le debía de haber olvidado el cómo -y cuándo se los había vuelto, y que desde allí en adelante jamás le pidiría -nada. Tornó a tomar su báculo el deudor, y, bajando la cabeza, se salió del -juzgado. Visto lo cual Sancho, y que sin más ni más se iba, y viendo -también la paciencia del demandante, inclinó la cabeza sobre el pecho, y, -poniéndose el índice de la mano derecha sobre las cejas y las narices, -estuvo como pensativo un pequeño espacio, y luego alzó la cabeza y mandó -que le llamasen al viejo del báculo, que ya se había ido. Trujéronsele, y, -en viéndole Sancho, le dijo: - -— Dadme, buen hombre, ese báculo, que le he menester. - -— De muy buena gana —respondió el viejo—: hele aquí, señor. - -Y púsosele en la mano. Tomóle Sancho, y, dándosele al otro viejo, le dijo: - -— Andad con Dios, que ya vais pagado. - -— ¿Yo, señor? —respondió el viejo—. Pues, ¿vale esta cañaheja diez escudos -de oro? - -— Sí —dijo el gobernador—; o si no, yo soy el mayor porro del mundo. Y ahora -se verá si tengo yo caletre para gobernar todo un reino. - -Y mandó que allí, delante de todos, se rompiese y abriese la caña. Hízose -así, y en el corazón della hallaron diez escudos en oro. Quedaron todos -admirados, y tuvieron a su gobernador por un nuevo Salomón. - -Preguntáronle de dónde había colegido que en aquella cañaheja estaban -aquellos diez escudos, y respondió que de haberle visto dar el viejo que -juraba, a su contrario, aquel báculo, en tanto que hacía el juramento, y -jurar que se los había dado real y verdaderamente, y que, en acabando de -jurar, le tornó a pedir el báculo, le vino a la imaginación que dentro dél -estaba la paga de lo que pedían. De donde se podía colegir que los que -gobiernan, aunque sean unos tontos, tal vez los encamina Dios en sus -juicios; y más, que él había oído contar otro caso como aquél al cura de su -lugar, y que él tenía tan gran memoria, que, a no olvidársele todo aquello -de que quería acordarse, no hubiera tal memoria en toda la ínsula. -Finalmente, el un viejo corrido y el otro pagado, se fueron, y los -presentes quedaron admirados, y el que escribía las palabras, hechos y -movimientos de Sancho no acababa de determinarse si le tendría y pondría -por tonto o por discreto. - -Luego, acabado este pleito, entró en el juzgado una mujer asida fuertemente -de un hombre vestido de ganadero rico, la cual venía dando grandes voces, -diciendo: - -— ¡Justicia, señor gobernador, justicia, y si no la hallo en la tierra, la -iré a buscar al cielo! Señor gobernador de mi ánima, este mal hombre me ha -cogido en la mitad dese campo, y se ha aprovechado de mi cuerpo como si -fuera trapo mal lavado, y, ¡desdichada de mí!, me ha llevado lo que yo -tenía guardado más de veinte y tres años ha, defendiéndolo de moros y -cristianos, de naturales y estranjeros; y yo, siempre dura como un -alcornoque, conservándome entera como la salamanquesa en el fuego, o como -la lana entre las zarzas, para que este buen hombre llegase ahora con sus -manos limpias a manosearme. - -— Aun eso está por averiguar: si tiene limpias o no las manos este galán -— dijo Sancho. - -Y, volviéndose al hombre, le dijo qué decía y respondía a la querella de -aquella mujer. El cual, todo turbado, respondió: - -— Señores, yo soy un pobre ganadero de ganado de cerda, y esta mañana salía -deste lugar de vender, con perdón sea dicho, cuatro puercos, que me -llevaron de alcabalas y socaliñas poco menos de lo que ellos valían; -volvíame a mi aldea, topé en el camino a esta buena dueña, y el diablo, que -todo lo añasca y todo lo cuece, hizo que yogásemos juntos; paguéle lo -soficiente, y ella, mal contenta, asió de mí, y no me ha dejado hasta -traerme a este puesto. Dice que la forcé, y miente, para el juramento que -hago o pienso hacer; y ésta es toda la verdad, sin faltar meaja. - -Entonces el gobernador le preguntó si traía consigo algún dinero en plata; -él dijo que hasta veinte ducados tenía en el seno, en una bolsa de cuero. -Mandó que la sacase y se la entregase, así como estaba, a la querellante; -él lo hizo temblando; tomóla la mujer, y, haciendo mil zalemas a todos y -rogando a Dios por la vida y salud del señor gobernador, que así miraba por -las huérfanas menesterosas y doncellas; y con esto se salió del juzgado, -llevando la bolsa asida con entrambas manos, aunque primero miró si era de -plata la moneda que llevaba dentro. - -Apenas salió, cuando Sancho dijo al ganadero, que ya se le saltaban las -lágrimas, y los ojos y el corazón se iban tras su bolsa: - -— Buen hombre, id tras aquella mujer y quitadle la bolsa, aunque no quiera, -y volved aquí con ella. - -Y no lo dijo a tonto ni a sordo, porque luego partió como un rayo y fue a -lo que se le mandaba. Todos los presentes estaban suspensos, esperando el -fin de aquel pleito, y de allí a poco volvieron el hombre y la mujer más -asidos y aferrados que la vez primera: ella la saya levantada y en el -regazo puesta la bolsa, y el hombre pugnando por quitársela; mas no era -posible, según la mujer la defendía, la cual daba voces diciendo: - -— ¡Justicia de Dios y del mundo! Mire vuestra merced, señor gobernador, la -poca vergüenza y el poco temor deste desalmado, que, en mitad de poblado y -en mitad de la calle, me ha querido quitar la bolsa que vuestra merced -mandó darme. - -— Y ¿háosla quitado? —preguntó el gobernador. - -— ¿Cómo quitar? —respondió la mujer—. Antes me dejara yo quitar la vida que -me quiten la bolsa. ¡Bonita es la niña! ¡Otros gatos me han de echar a las -barbas, que no este desventurado y asqueroso! ¡Tenazas y martillos, mazos y -escoplos no serán bastantes a sacármela de las uñas, ni aun garras de -leones: antes el ánima de en mitad en mitad de las carnes! - -— Ella tiene razón —dijo el hombre—, y yo me doy por rendido y sin fuerzas, -y confieso que las mías no son bastantes para quitársela, y déjola. - -Entonces el gobernador dijo a la mujer: - -— Mostrad, honrada y valiente, esa bolsa. - -Ella se la dio luego, y el gobernador se la volvió al hombre, y dijo a la -esforzada y no forzada: - -— Hermana mía, si el mismo aliento y valor que habéis mostrado para defender -esta bolsa le mostrárades, y aun la mitad menos, para defender vuestro -cuerpo, las fuerzas de Hércules no os hicieran fuerza. Andad con Dios, y -mucho de enhoramala, y no paréis en toda esta ínsula ni en seis leguas a la -redonda, so pena de docientos azotes. ¡Andad luego digo, churrillera, -desvergonzada y embaidora! - -Espantóse la mujer y fuese cabizbaja y mal contenta, y el gobernador dijo -al hombre: - -— Buen hombre, andad con Dios a vuestro lugar con vuestro dinero, y de aquí -adelante, si no le queréis perder, procurad que no os venga en voluntad de -yogar con nadie. - -El hombre le dio las gracias lo peor que supo, y fuese, y los circunstantes -quedaron admirados de nuevo de los juicios y sentencias de su nuevo -gobernador. Todo lo cual, notado de su coronista, fue luego escrito al -duque, que con gran deseo lo estaba esperando. - -Y quédese aquí el buen Sancho, que es mucha la priesa que nos da su amo, -alborozado con la música de Altisidora. - - - - -Capítulo XLVI. Del temeroso espanto cencerril y gatuno que recibió don -Quijote en el discurso de los amores de la enamorada Altisidora - -Dejamos al gran don Quijote envuelto en los pensamientos que le habían -causado la música de la enamorada doncella Altisidora. Acostóse con ellos, -y, como si fueran pulgas, no le dejaron dormir ni sosegar un punto, y -juntábansele los que le faltaban de sus medias; pero, como es ligero el -tiempo, y no hay barranco que le detenga, corrió caballero en las horas, y -con mucha presteza llegó la de la mañana. Lo cual visto por don Quijote, -dejó las blandas plumas, y, no nada perezoso, se vistió su acamuzado -vestido y se calzó sus botas de camino, por encubrir la desgracia de sus -medias; arrojóse encima su mantón de escarlata y púsose en la cabeza una -montera de terciopelo verde, guarnecida de pasamanos de plata; colgó el -tahelí de sus hombros con su buena y tajadora espada, asió un gran rosario -que consigo contino traía, y con gran prosopopeya y contoneo salió a la -antesala, donde el duque y la duquesa estaban ya vestidos y como -esperándole; y, al pasar por una galería, estaban aposta esperándole -Altisidora y la otra doncella su amiga, y, así como Altisidora vio a don -Quijote, fingió desmayarse, y su amiga la recogió en sus faldas, y con gran -presteza la iba a desabrochar el pecho. Don Quijote, que lo vio, llegándose -a ellas, dijo: - -— Ya sé yo de qué proceden estos accidentes. - -— No sé yo de qué —respondió la amiga—, porque Altisidora es la doncella más -sana de toda esta casa, y yo nunca la he sentido un ¡ay! en cuanto ha que -la conozco, que mal hayan cuantos caballeros andantes hay en el mundo, si -es que todos son desagradecidos. Váyase vuesa merced, señor don Quijote, -que no volverá en sí esta pobre niña en tanto que vuesa merced aquí -estuviere. - -A lo que respondió don Quijote: - -— Haga vuesa merced, señora, que se me ponga un laúd esta noche en mi -aposento, que yo consolaré lo mejor que pudiere a esta lastimada doncella; -que en los principios amorosos los desengaños prestos suelen ser remedios -calificados. - -Y con esto se fue, porque no fuese notado de los que allí le viesen. No se -hubo bien apartado, cuando, volviendo en sí la desmayada Altisidora, dijo a -su compañera: - -— Menester será que se le ponga el laúd, que sin duda don Quijote quiere -darnos música, y no será mala, siendo suya. - -Fueron luego a dar cuenta a la duquesa de lo que pasaba y del laúd que -pedía don Quijote, y ella, alegre sobremodo, concertó con el duque y con -sus doncellas de hacerle una burla que fuese más risueña que dañosa, y con -mucho contento esperaban la noche, que se vino tan apriesa como se había -venido el día, el cual pasaron los duques en sabrosas pláticas con don -Quijote. Y la duquesa aquel día real y verdaderamente despachó a un paje -suyo, que había hecho en la selva la figura encantada de Dulcinea, a Teresa -Panza, con la carta de su marido Sancho Panza, y con el lío de ropa que -había dejado para que se le enviase, encargándole le trujese buena -relación de todo lo que con ella pasase. - -Hecho esto, y llegadas las once horas de la noche, halló don Quijote una -vihuela en su aposento; templóla, abrió la reja, y sintió que andaba gente -en el jardín; y, habiendo recorrido los trastes de la vihuela y afinándola -lo mejor que supo, escupió y remondóse el pecho, y luego, con una voz -ronquilla, aunque entonada, cantó el siguiente romance, que él mismo aquel -día había compuesto: - --Suelen las fuerzas de amor -sacar de quicio a las almas, -tomando por instrumento -la ociosidad descuidada. -Suele el coser y el labrar, -y el estar siempre ocupada, -ser antídoto al veneno -de las amorosas ansias. -Las doncellas recogidas -que aspiran a ser casadas, -la honestidad es la dote -y voz de sus alabanzas. -Los andantes caballeros, -y los que en la corte andan, -requiébranse con las libres, -con las honestas se casan. -Hay amores de levante, -que entre huéspedes se tratan, -que llegan presto al poniente, -porque en el partirse acaban. -El amor recién venido, -que hoy llegó y se va mañana, -las imágines no deja -bien impresas en el alma. -Pintura sobre pintura -ni se muestra ni señala; -y do hay primera belleza, -la segunda no hace baza. -Dulcinea del Toboso -del alma en la tabla rasa -tengo pintada de modo -que es imposible borrarla. -La firmeza en los amantes -es la parte más preciada, -por quien hace amor milagros, -y asimesmo los levanta. - -Aquí llegaba don Quijote de su canto, a quien estaban escuchando el duque y -la duquesa, Altisidora y casi toda la gente del castillo, cuando de -improviso, desde encima de un corredor que sobre la reja de don Quijote a -plomo caía, descolgaron un cordel donde venían más de cien cencerros -asidos, y luego, tras ellos, derramaron un gran saco de gatos, que asimismo -traían cencerros menores atados a las colas. Fue tan grande el ruido de los -cencerros y el mayar de los gatos, que, aunque los duques habían sido -inventores de la burla, todavía les sobresaltó; y, temeroso, don Quijote -quedó pasmado. Y quiso la suerte que dos o tres gatos se entraron por la -reja de su estancia, y, dando de una parte a otra, parecía que una región -de diablos andaba en ella. Apagaron las velas que en el aposento ardían, y -andaban buscando por do escaparse. El descolgar y subir del cordel de los -grandes cencerros no cesaba; la mayor parte de la gente del castillo, que -no sabía la verdad del caso, estaba suspensa y admirada. - -Levantóse don Quijote en pie, y, poniendo mano a la espada, comenzó a tirar -estocadas por la reja y a decir a grandes voces: - -— ¡Afuera, malignos encantadores! ¡Afuera, canalla hechiceresca, que yo soy -don Quijote de la Mancha, contra quien no valen ni tienen fuerza vuestras -malas intenciones! - -Y, volviéndose a los gatos que andaban por el aposento, les tiró muchas -cuchilladas; ellos acudieron a la reja, y por allí se salieron, aunque uno, -viéndose tan acosado de las cuchilladas de don Quijote, le saltó al rostro -y le asió de las narices con las uñas y los dientes, por cuyo dolor don -Quijote comenzó a dar los mayores gritos que pudo. Oyendo lo cual el duque -y la duquesa, y considerando lo que podía ser, con mucha presteza acudieron -a su estancia, y, abriendo con llave maestra, vieron al pobre caballero -pugnando con todas sus fuerzas por arrancar el gato de su rostro. Entraron -con luces y vieron la desigual pelea; acudió el duque a despartirla, y don -Quijote dijo a voces: - -— ¡No me le quite nadie! ¡Déjenme mano a mano con este demonio, con este -hechicero, con este encantador, que yo le daré a entender de mí a él quién -es don Quijote de la Mancha! - -Pero el gato, no curándose destas amenazas, gruñía y apretaba. Mas, en fin, -el duque se le desarraigó y le echó por la reja. - -Quedó don Quijote acribado el rostro y no muy sanas las narices, aunque muy -despechado porque no le habían dejado fenecer la batalla que tan trabada -tenía con aquel malandrín encantador. Hicieron traer aceite de Aparicio, y -la misma Altisidora, con sus blanquísimas manos, le puso unas vendas por -todo lo herido; y, al ponérselas, con voz baja le dijo: - -— Todas estas malandanzas te suceden, empedernido caballero, por el pecado -de tu dureza y pertinacia; y plega a Dios que se le olvide a Sancho tu -escudero el azotarse, porque nunca salga de su encanto esta tan amada tuya -Dulcinea, ni tú lo goces, ni llegues a tálamo con ella, a lo menos viviendo -yo, que te adoro. - -A todo esto no respondió don Quijote otra palabra si no fue dar un profundo -suspiro, y luego se tendió en su lecho, agradeciendo a los duques la -merced, no porque él tenía temor de aquella canalla gatesca, encantadora y -cencerruna, sino porque había conocido la buena intención con que habían -venido a socorrerle. Los duques le dejaron sosegar, y se fueron, pesarosos -del mal suceso de la burla; que no creyeron que tan pesada y costosa le -saliera a don Quijote aquella aventura, que le costó cinco días de -encerramiento y de cama, donde le sucedió otra aventura más gustosa que la -pasada, la cual no quiere su historiador contar ahora, por acudir a Sancho -Panza, que andaba muy solícito y muy gracioso en su gobierno. - - - - -Capítulo XLVII. Donde se prosigue cómo se portaba Sancho Panza en su -gobierno - -Cuenta la historia que desde el juzgado llevaron a Sancho Panza a un -suntuoso palacio, adonde en una gran sala estaba puesta una real y -limpísima mesa; y, así como Sancho entró en la sala, sonaron chirimías, y -salieron cuatro pajes a darle aguamanos, que Sancho recibió con mucha -gravedad. - -Cesó la música, sentóse Sancho a la cabecera de la mesa, porque no había -más de aquel asiento, y no otro servicio en toda ella. Púsose a su lado en -pie un personaje, que después mostró ser médico, con una varilla de ballena -en la mano. Levantaron una riquísima y blanca toalla con que estaban -cubiertas las frutas y mucha diversidad de platos de diversos manjares; uno -que parecía estudiante echó la bendición, y un paje puso un babador randado -a Sancho; otro que hacía el oficio de maestresala, llegó un plato de fruta -delante; pero, apenas hubo comido un bocado, cuando el de la varilla -tocando con ella en el plato, se le quitaron de delante con grandísima -celeridad; pero el maestresala le llegó otro de otro manjar. Iba a probarle -Sancho; pero, antes que llegase a él ni le gustase, ya la varilla había -tocado en él, y un paje alzádole con tanta presteza como el de la fruta. -Visto lo cual por Sancho, quedó suspenso, y, mirando a todos, preguntó si -se había de comer aquella comida como juego de maesecoral. A lo cual -respondió el de la vara: - -— No se ha de comer, señor gobernador, sino como es uso y costumbre en las -otras ínsulas donde hay gobernadores. Yo, señor, soy médico, y estoy -asalariado en esta ínsula para serlo de los gobernadores della, y miro por -su salud mucho más que por la mía, estudiando de noche y de día, y -tanteando la complexión del gobernador, para acertar a curarle cuando -cayere enfermo; y lo principal que hago es asistir a sus comidas y cenas, y -a dejarle comer de lo que me parece que le conviene, y a quitarle lo que -imagino que le ha de hacer daño y ser nocivo al estómago; y así, mandé -quitar el plato de la fruta, por ser demasiadamente húmeda, y el plato del -otro manjar también le mandé quitar, por ser demasiadamente caliente y -tener muchas especies, que acrecientan la sed; y el que mucho bebe mata y -consume el húmedo radical, donde consiste la vida. - -— Desa manera, aquel plato de perdices que están allí asadas, y, a mi -parecer, bien sazonadas, no me harán algún daño. - -A lo que el médico respondió: - -— Ésas no comerá el señor gobernador en tanto que yo tuviere vida. - -— Pues, ¿por qué? —dijo Sancho. - -Y el médico respondió: - -— Porque nuestro maestro Hipócrates, norte y luz de la medicina, en un -aforismo suyo, dice: Omnis saturatio mala, perdices autem pessima. Quiere -decir: "Toda hartazga es mala; pero la de las perdices, malísima". - -— Si eso es así —dijo Sancho—, vea el señor doctor de cuantos manjares hay -en esta mesa cuál me hará más provecho y cuál menos daño, y déjeme comer -dél sin que me le apalee; porque, por vida del gobernador, y así Dios me le -deje gozar, que me muero de hambre, y el negarme la comida, aunque le pese -al señor doctor y él más me diga, antes será quitarme la vida que -aumentármela. - -— Vuestra merced tiene razón, señor gobernador —respondió el médico—; y así, -es mi parecer que vuestra merced no coma de aquellos conejos guisados que -allí están, porque es manjar peliagudo. De aquella ternera, si no fuera -asada y en adobo, aún se pudiera probar, pero no hay para qué. - -Y Sancho dijo: - -— Aquel platonazo que está más adelante vahando me parece que es olla -podrida, que por la diversidad de cosas que en las tales ollas podridas -hay, no podré dejar de topar con alguna que me sea de gusto y de provecho. - -— Absit! —dijo el médico—. Vaya lejos de nosotros tan mal pensamiento: no -hay cosa en el mundo de peor mantenimiento que una olla podrida. Allá las -ollas podridas para los canónigos, o para los retores de colegios, o para -las bodas labradorescas, y déjennos libres las mesas de los gobernadores, -donde ha de asistir todo primor y toda atildadura; y la razón es porque -siempre y a doquiera y de quienquiera son más estimadas las medicinas -simples que las compuestas, porque en las simples no se puede errar y en -las compuestas sí, alterando la cantidad de las cosas de que son -compuestas; mas lo que yo sé que ha de comer el señor gobernador ahora, -para conservar su salud y corroborarla, es un ciento de cañutillos de -suplicaciones y unas tajadicas subtiles de carne de membrillo, que le -asienten el estómago y le ayuden a la digestión. - -Oyendo esto Sancho, se arrimó sobre el espaldar de la silla y miró de hito -en hito al tal médico, y con voz grave le preguntó cómo se llamaba y dónde -había estudiado. A lo que él respondió: - -— Yo, señor gobernador, me llamo el doctor Pedro Recio de Agüero, y soy -natural de un lugar llamado Tirteafuera, que está entre Caracuel y -Almodóvar del Campo, a la mano derecha, y tengo el grado de doctor por la -universidad de Osuna. - -A lo que respondió Sancho, todo encendido en cólera: - -— Pues, señor doctor Pedro Recio de Mal Agüero, natural de Tirteafuera, -lugar que está a la derecha mano como vamos de Caracuel a Almodóvar del -Campo, graduado en Osuna, quíteseme luego delante, si no, voto al sol que -tome un garrote y que a garrotazos, comenzando por él, no me ha de quedar -médico en toda la ínsula, a lo menos de aquellos que yo entienda que son -ignorantes; que a los médicos sabios, prudentes y discretos los pondré -sobre mi cabeza y los honraré como a personas divinas. Y vuelvo a decir que -se me vaya, Pedro Recio, de aquí; si no, tomaré esta silla donde estoy -sentado y se la estrellaré en la cabeza; y pídanmelo en residencia, que yo -me descargaré con decir que hice servicio a Dios en matar a un mal médico, -verdugo de la república. Y denme de comer, o si no, tómense su gobierno, -que oficio que no da de comer a su dueño no vale dos habas. - -Alborotóse el doctor, viendo tan colérico al gobernador, y quiso hacer -tirteafuera de la sala, sino que en aquel instante sonó una corneta de -posta en la calle, y, asomándose el maestresala a la ventana, volvió -diciendo: - -— Correo viene del duque mi señor; algún despacho debe de traer de -importancia. - -Entró el correo sudando y asustado, y, sacando un pliego del seno, le puso -en las manos del gobernador, y Sancho le puso en las del mayordomo, a quien -mandó leyese el sobreescrito, que decía así: A don Sancho Panza, gobernador -de la ínsula Barataria, en su propia mano o en las de su secretario. Oyendo -lo cual, Sancho dijo: - -— ¿Quién es aquí mi secretario? - -Y uno de los que presentes estaban respondió: - -— Yo, señor, porque sé leer y escribir, y soy vizcaíno. - -— Con esa añadidura —dijo Sancho—, bien podéis ser secretario del mismo -emperador. Abrid ese pliego, y mirad lo que dice. - -Hízolo así el recién nacido secretario, y, habiendo leído lo que decía, -dijo que era negocio para tratarle a solas. Mandó Sancho despejar la sala, -y que no quedasen en ella sino el mayordomo y el maestresala, y los demás y -el médico se fueron; y luego el secretario leyó la carta, que así decía: - -A mi noticia ha llegado, señor don Sancho Panza, que unos enemigos míos y -desa ínsula la han de dar un asalto furioso, no sé qué noche; conviene -velar y estar alerta, porque no le tomen desapercebido. Sé también, por -espías verdaderas, que han entrado en ese lugar cuatro personas disfrazadas -para quitaros la vida, porque se temen de vuestro ingenio; abrid el ojo, y -mirad quién llega a hablaros, y no comáis de cosa que os presentaren. Yo -tendré cuidado de socorreros si os viéredes en trabajo, y en todo haréis -como se espera de vuestro entendimiento. Deste lugar, a 16 de agosto, a las -cuatro de la mañana. - -Vuestro amigo, - -El Duque. - -Quedó atónito Sancho, y mostraron quedarlo asimismo los circunstantes; y, -volviéndose al mayordomo, le dijo: - -— Lo que agora se ha de hacer, y ha de ser luego, es meter en un calabozo al -doctor Recio; porque si alguno me ha de matar, ha de ser él, y de muerte -adminícula y pésima, como es la de la hambre. - -— También —dijo el maestresala— me parece a mí que vuesa merced no coma de -todo lo que está en esta mesa, porque lo han presentado unas monjas, y, -como suele decirse, detrás de la cruz está el diablo. - -— No lo niego —respondió Sancho—, y por ahora denme un pedazo de pan y obra -de cuatro libras de uvas, que en ellas no podrá venir veneno; porque, en -efecto, no puedo pasar sin comer, y si es que hemos de estar prontos para -estas batallas que nos amenazan, menester será estar bien mantenidos, -porque tripas llevan corazón, que no corazón tripas. Y vos, secretario, -responded al duque mi señor y decidle que se cumplirá lo que manda como lo -manda, sin faltar punto; y daréis de mi parte un besamanos a mi señora la -duquesa, y que le suplico no se le olvide de enviar con un propio mi carta -y mi lío a mi mujer Teresa Panza, que en ello recibiré mucha merced, y -tendré cuidado de servirla con todo lo que mis fuerzas alcanzaren; y de -camino podéis encajar un besamanos a mi señor don Quijote de la Mancha, -porque vea que soy pan agradecido; y vos, como buen secretario y como buen -vizcaíno, podéis añadir todo lo que quisiéredes y más viniere a cuento. Y -álcense estos manteles, y denme a mí de comer, que yo me avendré con -cuantas espías y matadores y encantadores vinieren sobre mí y sobre mi -ínsula. - -En esto entró un paje, y dijo: - -— Aquí está un labrador negociante que quiere hablar a Vuestra Señoría en un -negocio, según él dice, de mucha importancia. - -— Estraño caso es éste —dijo Sancho— destos negociantes. ¿Es posible que -sean tan necios, que no echen de ver que semejantes horas como éstas no son -en las que han de venir a negociar? ¿Por ventura los que gobernamos, los -que somos jueces, no somos hombres de carne y de hueso, y que es menester -que nos dejen descansar el tiempo que la necesidad pide, sino que quieren -que seamos hechos de piedra marmol? Por Dios y en mi conciencia que si me -dura el gobierno (que no durará, según se me trasluce), que yo ponga en -pretina a más de un negociante. Agora decid a ese buen hombre que entre; -pero adviértase primero no sea alguno de los espías, o matador mío. - -— No, señor —respondió el paje—, porque parece una alma de cántaro, y yo sé -poco, o él es tan bueno como el buen pan. - -— No hay que temer —dijo el mayordomo—, que aquí estamos todos. - -— ¿Sería posible —dijo Sancho—, maestresala, que agora que no está aquí el -doctor Pedro Recio, que comiese yo alguna cosa de peso y de sustancia, -aunque fuese un pedazo de pan y una cebolla? - -— Esta noche, a la cena, se satisfará la falta de la comida, y quedará -Vuestra Señoría satisfecho y pagado —dijo el maestresala. - -— Dios lo haga —respondió Sancho. - -Y, en esto, entró el labrador, que era de muy buena presencia, y de mil -leguas se le echaba de ver que era bueno y buena alma. Lo primero que dijo -fue: - -— ¿Quién es aquí el señor gobernador? - -— ¿Quién ha de ser —respondió el secretario—, sino el que está sentado en la -silla? - -— Humíllome, pues, a su presencia —dijo el labrador. - -Y, poniéndose de rodillas, le pidió la mano para besársela. Negósela -Sancho, y mandó que se levantase y dijese lo que quisiese. Hízolo así el -labrador, y luego dijo: - -— Yo, señor, soy labrador, natural de Miguel Turra, un lugar que está dos -leguas de Ciudad Real. - -— ¡Otro Tirteafuera tenemos! —dijo Sancho—. Decid, hermano, que lo que yo os -sé decir es que sé muy bien a Miguel Turra, y que no está muy lejos de mi -pueblo. - -— Es, pues, el caso, señor —prosiguió el labrador—, que yo, por la -misericordia de Dios, soy casado en paz y en haz de la Santa Iglesia -Católica Romana; tengo dos hijos estudiantes que el menor estudia para -bachiller y el mayor para licenciado; soy viudo, porque se murió mi mujer, -o, por mejor decir, me la mató un mal médico, que la purgó estando preñada, -y si Dios fuera servido que saliera a luz el parto, y fuera hijo, yo le -pusiere a estudiar para doctor, porque no tuviera invidia a sus hermanos el -bachiller y el licenciado. - -— De modo —dijo Sancho— que si vuestra mujer no se hubiera muerto, o la -hubieran muerto, vos no fuérades agora viudo. - -— No, señor, en ninguna manera —respondió el labrador. - -— ¡Medrados estamos! —replicó Sancho—. Adelante, hermano, que es hora de -dormir más que de negociar. - -— Digo, pues —dijo el labrador—, que este mi hijo que ha de ser bachiller se -enamoró en el mesmo pueblo de una doncella llamada Clara Perlerina, hija de -Andrés Perlerino, labrador riquísimo; y este nombre de Perlerines no les -viene de abolengo ni otra alcurnia, sino porque todos los deste linaje son -perláticos, y por mejorar el nombre los llaman Perlerines; aunque, si va -decir la verdad, la doncella es como una perla oriental, y, mirada por el -lado derecho, parece una flor del campo; por el izquierdo no tanto, porque -le falta aquel ojo, que se le saltó de viruelas; y, aunque los hoyos del -rostro son muchos y grandes, dicen los que la quieren bien que aquéllos no -son hoyos, sino sepulturas donde se sepultan las almas de sus amantes. Es -tan limpia que, por no ensuciar la cara, trae las narices, como dicen, -arremangadas, que no parece sino que van huyendo de la boca; y, con todo -esto, parece bien por estremo, porque tiene la boca grande, y, a no -faltarle diez o doce dientes y muelas, pudiera pasar y echar raya entre las -más bien formadas. De los labios no tengo qué decir, porque son tan sutiles -y delicados que, si se usaran aspar labios, pudieran hacer dellos una -madeja; pero, como tienen diferente color de la que en los labios se usa -comúnmente, parecen milagrosos, porque son jaspeados de azul y verde y -aberenjenado; y perdóneme el señor gobernador si por tan menudo voy -pintando las partes de la que al fin al fin ha de ser mi hija, que la -quiero bien y no me parece mal. - -— Pintad lo que quisiéredes —dijo Sancho—, que yo me voy recreando en la -pintura, y si hubiera comido, no hubiera mejor postre para mí que vuestro -retrato. - -— Eso tengo yo por servir —respondió el labrador—, pero tiempo vendrá en que -seamos, si ahora no somos. Y digo, señor, que si pudiera pintar su -gentileza y la altura de su cuerpo, fuera cosa de admiración; pero no puede -ser, a causa de que ella está agobiada y encogida, y tiene las rodillas con -la boca, y, con todo eso, se echa bien de ver que si se pudiera levantar, -diera con la cabeza en el techo; y ya ella hubiera dado la mano de esposa a -mi bachiller, sino que no la puede estender, que está añudada; y, con todo, -en las uñas largas y acanaladas se muestra su bondad y buena hechura. - -— Está bien —dijo Sancho—, y haced cuenta, hermano, que ya la habéis pintado -de los pies a la cabeza. ¿Qué es lo que queréis ahora? Y venid al punto sin -rodeos ni callejuelas, ni retazos ni añadiduras. - -— Querría, señor —respondió el labrador—, que vuestra merced me hiciese -merced de darme una carta de favor para mi consuegro, suplicándole sea -servido de que este casamiento se haga, pues no somos desiguales en los -bienes de fortuna, ni en los de la naturaleza; porque, para decir la -verdad, señor gobernador, mi hijo es endemoniado, y no hay día que tres o -cuatro veces no le atormenten los malignos espíritus; y de haber caído una -vez en el fuego, tiene el rostro arrugado como pergamino, y los ojos algo -llorosos y manantiales; pero tiene una condición de un ángel, y si no es -que se aporrea y se da de puñadas él mesmo a sí mesmo, fuera un bendito. - -— ¿Queréis otra cosa, buen hombre? —replicó Sancho. - -— Otra cosa querría —dijo el labrador—, sino que no me atrevo a decirlo; -pero vaya, que, en fin, no se me ha de podrir en el pecho, pegue o no -pegue. Digo, señor, que querría que vuesa merced me diese trecientos o -seiscientos ducados para ayuda a la dote de mi bachiller; digo para ayuda -de poner su casa, porque, en fin, han de vivir por sí, sin estar sujetos a -las impertinencias de los suegros. - -— Mirad si queréis otra cosa —dijo Sancho—, y no la dejéis de decir por -empacho ni por vergüenza. - -— No, por cierto —respondió el labrador. - -Y, apenas dijo esto, cuando, levantándose en pie el gobernador, asió de la -silla en que estaba sentado y dijo: - -— ¡Voto a tal, don patán rústico y mal mirado, que si no os apartáis y -ascondéis luego de mi presencia, que con esta silla os rompa y abra la -cabeza! Hideputa bellaco, pintor del mesmo demonio, ¿y a estas horas te -vienes a pedirme seiscientos ducados?; y ¿dónde los tengo yo, hediondo?; y -¿por qué te los había de dar, aunque los tuviera, socarrón y mentecato?; y -¿qué se me da a mí de Miguel Turra, ni de todo el linaje de los Perlerines? -¡Va de mí, digo; si no, por vida del duque mi señor, que haga lo que tengo -dicho! Tú no debes de ser de Miguel Turra, sino algún socarrón que, para -tentarme, te ha enviado aquí el infierno. Dime, desalmado, aún no ha día y -medio que tengo el gobierno, y ¿ya quieres que tenga seiscientos ducados? - -Hizo de señas el maestresala al labrador que se saliese de la sala, el cual -lo hizo cabizbajo y, al parecer, temeroso de que el gobernador no ejecutase -su cólera, que el bellacón supo hacer muy bien su oficio. - -Pero dejemos con su cólera a Sancho, y ándese la paz en el corro, y -volvamos a don Quijote, que le dejamos vendado el rostro y curado de las -gatescas heridas, de las cuales no sanó en ocho días, en uno de los cuales -le sucedió lo que Cide Hamete promete de contar con la puntualidad y -verdad que suele contar las cosas desta historia, por mínimas que sean. - - - - -Capítulo XLVIII. De lo que le sucedió a don Quijote con doña Rodríguez, la -dueña de la duquesa, con otros acontecimientos dignos de escritura y de -memoria eterna - -Además estaba mohíno y malencólico el mal ferido don Quijote, vendado el -rostro y señalado, no por la mano de Dios, sino por las uñas de un gato, -desdichas anejas a la andante caballería. Seis días estuvo sin salir en -público, en una noche de las cuales, estando despierto y desvelado, -pensando en sus desgracias y en el perseguimiento de Altisidora, sintió que -con una llave abrían la puerta de su aposento, y luego imaginó que la -enamorada doncella venía para sobresaltar su honestidad y ponerle en -condición de faltar a la fee que guardar debía a su señora Dulcinea del -Toboso. - -— No —dijo creyendo a su imaginación, y esto, con voz que pudiera ser oída—; -no ha de ser parte la mayor hermosura de la tierra para que yo deje de -adorar la que tengo grabada y estampada en la mitad de mi corazón y en lo -más escondido de mis entrañas, ora estés, señora mía, transformada en -cebolluda labradora, ora en ninfa del dorado Tajo, tejiendo telas de oro y -sirgo compuestas, ora te tenga Merlín, o Montesinos, donde ellos quisieren; -que, adondequiera eres mía, y adoquiera he sido yo, y he de ser, tuyo. - -El acabar estas razones y el abrir de la puerta fue todo uno. Púsose en pie -sobre la cama, envuelto de arriba abajo en una colcha de raso amarillo, una -galocha en la cabeza, y el rostro y los bigotes vendados: el rostro, por -los aruños; los bigotes, porque no se le desmayasen y cayesen; en el cual -traje parecía la más extraordinaria fantasma que se pudiera pensar. - -Clavó los ojos en la puerta, y, cuando esperaba ver entrar por ella a la -rendida y lastimada Altisidora, vio entrar a una reverendísima dueña con -unas tocas blancas repulgadas y luengas, tanto, que la cubrían y enmantaban -desde los pies a la cabeza. Entre los dedos de la mano izquierda traía una -media vela encendida, y con la derecha se hacía sombra, porque no le diese -la luz en los ojos, a quien cubrían unos muy grandes antojos. Venía pisando -quedito, y movía los pies blandamente. - -Miróla don Quijote desde su atalaya, y cuando vio su adeliño y notó su -silencio, pensó que alguna bruja o maga venía en aquel traje a hacer en él -alguna mala fechuría, y comenzó a santiguarse con mucha priesa. Fuese -llegando la visión, y, cuando llegó a la mitad del aposento, alzó los ojos -y vio la priesa con que se estaba haciendo cruces don Quijote; y si él -quedó medroso en ver tal figura, ella quedó espantada en ver la suya, -porque, así como le vio tan alto y tan amarillo, con la colcha y con las -vendas, que le desfiguraban, dio una gran voz, diciendo: - -— ¡Jesús! ¿Qué es lo que veo? - -Y con el sobresalto se le cayó la vela de las manos; y, viéndose a escuras, -volvió las espaldas para irse, y con el miedo tropezó en sus faldas y dio -consigo una gran caída. Don Quijote, temeroso, comenzó a decir: - -— Conjúrote, fantasma, o lo que eres, que me digas quién eres, y que me -digas qué es lo que de mí quieres. Si eres alma en pena, dímelo, que yo -haré por ti todo cuanto mis fuerzas alcanzaren, porque soy católico -cristiano y amigo de hacer bien a todo el mundo; que para esto tomé la -orden de la caballería andante que profeso, cuyo ejercicio aun hasta hacer -bien a las ánimas de purgatorio se estiende. - -La brumada dueña, que oyó conjurarse, por su temor coligió el de don -Quijote, y con voz afligida y baja le respondió: - -— Señor don Quijote, si es que acaso vuestra merced es don Quijote, yo no -soy fantasma, ni visión, ni alma de purgatorio, como vuestra merced debe de -haber pensado, sino doña Rodríguez, la dueña de honor de mi señora la -duquesa, que, con una necesidad de aquellas que vuestra merced suele -remediar, a vuestra merced vengo. - -— Dígame, señora doña Rodríguez —dijo don Quijote—: ¿por ventura viene -vuestra merced a hacer alguna tercería? Porque le hago saber que no soy de -provecho para nadie, merced a la sin par belleza de mi señora Dulcinea del -Toboso. Digo, en fin, señora doña Rodríguez, que, como vuestra merced salve -y deje a una parte todo recado amoroso, puede volver a encender su vela, y -vuelva, y departiremos de todo lo que más mandare y más en gusto le -viniere, salvando, como digo, todo incitativo melindre. - -— ¿Yo recado de nadie, señor mío? —respondió la dueña—. Mal me conoce -vuestra merced; sí, que aún no estoy en edad tan prolongada que me acoja a -semejantes niñerías, pues, Dios loado, mi alma me tengo en las carnes, y -todos mis dientes y muelas en la boca, amén de unos pocos que me han -usurpado unos catarros, que en esta tierra de Aragón son tan ordinarios. -Pero espéreme vuestra merced un poco; saldré a encender mi vela, y volveré -en un instante a contar mis cuitas, como a remediador de todas las del -mundo. - -Y, sin esperar respuesta, se salió del aposento, donde quedó don Quijote -sosegado y pensativo esperándola; pero luego le sobrevinieron mil -pensamientos acerca de aquella nueva aventura, y parecíale ser mal hecho y -peor pensado ponerse en peligro de romper a su señora la fee prometida, y -decíase a sí mismo: - -— ¿Quién sabe si el diablo, que es sutil y mañoso, querrá engañarme agora -con una dueña, lo que no ha podido con emperatrices, reinas, duquesas, -marquesas ni condesas? Que yo he oído decir muchas veces y a muchos -discretos que, si él puede, antes os la dará roma que aguileña. Y ¿quién -sabe si esta soledad, esta ocasión y este silencio despertará mis deseos -que duermen, y harán que al cabo de mis años venga a caer donde nunca he -tropezado? Y, en casos semejantes, mejor es huir que esperar la batalla. -Pero yo no debo de estar en mi juicio, pues tales disparates digo y pienso; -que no es posible que una dueña toquiblanca, larga y antojuna pueda mover -ni levantar pensamiento lascivo en el más desalmado pecho del mundo. ¿Por -ventura hay dueña en la tierra que tenga buenas carnes? ¿Por ventura hay -dueña en el orbe que deje de ser impertinente, fruncida y melindrosa? -¡Afuera, pues, caterva dueñesca, inútil para ningún humano regalo! ¡Oh, -cuán bien hacía aquella señora de quien se dice que tenía dos dueñas de -bulto con sus antojos y almohadillas al cabo de su estrado, como que -estaban labrando, y tanto le servían para la autoridad de la sala aquellas -estatuas como las dueñas verdaderas! - -Y, diciendo esto, se arrojó del lecho, con intención de cerrar la puerta y -no dejar entrar a la señora Rodríguez; mas, cuando la llegó a cerrar, ya la -señora Rodríguez volvía, encendida una vela de cera blanca, y cuando ella -vio a don Quijote de más cerca, envuelto en la colcha, con las vendas, -galocha o becoquín, temió de nuevo, y, retirándose atrás como dos pasos, -dijo: - -— ¿Estamos seguras, señor caballero? Porque no tengo a muy honesta señal -haberse vuesa merced levantado de su lecho. - -— Eso mesmo es bien que yo pregunte, señora —respondió don Quijote—; y así, -pregunto si estaré yo seguro de ser acometido y forzado. - -— ¿De quién o a quién pedís, señor caballero, esa seguridad? —respondió la -dueña. - -— A vos y de vos la pido —replicó don Quijote—, porque ni yo soy de mármol -ni vos de bronce, ni ahora son las diez del día, sino media noche, y aun un -poco más, según imagino, y en una estancia más cerrada y secreta que lo -debió de ser la cueva donde el traidor y atrevido Eneas gozó a la hermosa y -piadosa Dido. Pero dadme, señora, la mano, que yo no quiero otra seguridad -mayor que la de mi continencia y recato, y la que ofrecen esas -reverendísimas tocas. - -Y, diciendo esto, besó su derecha mano, y le asió de la suya, que ella le -dio con las mesmas ceremonias. - -Aquí hace Cide Hamete un paréntesis, y dice que por Mahoma que diera, por -ver ir a los dos así asidos y trabados desde la puerta al lecho, la mejor -almalafa de dos que tenía. - -Entróse, en fin, don Quijote en su lecho, y quedóse doña Rodríguez sentada -en una silla, algo desviada de la cama, no quitándose los antojos ni la -vela. Don Quijote se acorrucó y se cubrió todo, no dejando más de el rostro -descubierto; y, habiéndose los dos sosegado, el primero que rompió el -silencio fue don Quijote, diciendo: - -— Puede vuesa merced ahora, mi señora doña Rodríguez, descoserse y desbuchar -todo aquello que tiene dentro de su cuitado corazón y lastimadas entrañas, -que será de mí escuchada con castos oídos, y socorrida con piadosas obras. - -— Así lo creo yo —respondió la dueña—, que de la gentil y agradable -presencia de vuesa merced no se podía esperar sino tan cristiana respuesta. -«Es, pues, el caso, señor don Quijote, que, aunque vuesa merced me vee -sentada en esta silla y en la mitad del reino de Aragón, y en hábito de -dueña aniquilada y asendereada, soy natural de las Asturias de Oviedo, y de -linaje que atraviesan por él muchos de los mejores de aquella provincia; -pero mi corta suerte y el descuido de mis padres, que empobrecieron antes -de tiempo, sin saber cómo ni cómo no, me trujeron a la corte, a Madrid, -donde por bien de paz y por escusar mayores desventuras, mis padres me -acomodaron a servir de doncella de labor a una principal señora; y quiero -hacer sabidor a vuesa merced que en hacer vainillas y labor blanca ninguna -me ha echado el pie adelante en toda la vida. Mis padres me dejaron -sirviendo y se volvieron a su tierra, y de allí a pocos años se debieron de -ir al cielo, porque eran además buenos y católicos cristianos. Quedé -huérfana, y atenida al miserable salario y a las angustiadas mercedes que -a las tales criadas se suele dar en palacio; y, en este tiempo, sin que -diese yo ocasión a ello, se enamoró de mi un escudero de casa, hombre ya en -días, barbudo y apersonado, y, sobre todo, hidalgo como el rey, porque era -montañés. No tratamos tan secretamente nuestros amores que no viniesen a -noticia de mi señora, la cual, por escusar dimes y diretes, nos casó en paz -y en haz de la Santa Madre Iglesia Católica Romana, de cuyo matrimonio -nació una hija para rematar con mi ventura, si alguna tenía; no porque yo -muriese del parto, que le tuve derecho y en sazón, sino porque desde allí a -poco murió mi esposo de un cierto espanto que tuvo, que, a tener ahora -lugar para contarle, yo sé que vuestra merced se admirara.» - -Y, en esto, comenzó a llorar tiernamente, y dijo: - -— Perdóneme vuestra merced, señor don Quijote, que no va más en mi mano, -porque todas las veces que me acuerdo de mi mal logrado se me arrasan los -ojos de lágrimas. ¡Válame Dios, y con qué autoridad llevaba a mi señora a -las ancas de una poderosa mula, negra como el mismo azabache! Que entonces -no se usaban coches ni sillas, como agora dicen que se usan, y las señoras -iban a las ancas de sus escuderos. Esto, a lo menos, no puedo dejar de -contarlo, porque se note la crianza y puntualidad de mi buen marido. «Al -entrar de la calle de Santiago, en Madrid, que es algo estrecha, venía a -salir por ella un alcalde de corte con dos alguaciles delante, y, así como -mi buen escudero le vio, volvió las riendas a la mula, dando señal de -volver a acompañarle. Mi señora, que iba a las ancas, con voz baja le -decía: ''—¿Qué hacéis, desventurado? ¿No veis que voy aquí?'' El alcalde, -de comedido, detuvo la rienda al caballo y díjole: ''—Seguid, señor, -vuestro camino, que yo soy el que debo acompañar a mi señora doña -Casilda'', que así era el nombre de mi ama. Todavía porfiaba mi marido, con -la gorra en la mano, a querer ir acompañando al alcalde, viendo lo cual mi -señora, llena de cólera y enojo, sacó un alfiler gordo, o creo que un -punzón, del estuche, y clavósele por los lomos, de manera que mi marido dio -una gran voz y torció el cuerpo, de suerte que dio con su señora en el -suelo. Acudieron dos lacayos suyos a levantarla, y lo mismo hizo el alcalde -y los alguaciles; alborotóse la Puerta de Guadalajara, digo, la gente -baldía que en ella estaba; vínose a pie mi ama, y mi marido acudió en casa -de un barbero diciendo que llevaba pasadas de parte a parte las entrañas. -Divulgóse la cortesía de mi esposo, tanto, que los muchachos le corrían por -las calles, y por esto y porque él era algún tanto corto de vista, mi -señora la duquesa le despidió, de cuyo pesar, sin duda alguna, tengo para -mí que se le causó el mal de la muerte. Quedé yo viuda y desamparada, y con -hija a cuestas, que iba creciendo en hermosura como la espuma de la mar. -Finalmente, como yo tuviese fama de gran labrandera, mi señora la duquesa, -que estaba recién casada con el duque mi señor, quiso traerme consigo a -este reino de Aragón y a mi hija ni más ni menos, adonde, yendo días y -viniendo días, creció mi hija, y con ella todo el donaire del mundo: canta -como una calandria, danza como el pensamiento, baila como una perdida, lee -y escribe como un maestro de escuela, y cuenta como un avariento. De su -limpieza no digo nada: que el agua que corre no es más limpia, y debe de -tener agora, si mal no me acuerdo, diez y seis años, cinco meses y tres -días, uno más a menos. En resolución: de esta mi muchacha se enamoró un -hijo de un labrador riquísimo que está en una aldea del duque mi señor, no -muy lejos de aquí. En efecto, no sé cómo ni cómo no, ellos se juntaron, y, -debajo de la palabra de ser su esposo, burló a mi hija, y no se la quiere -cumplir; y, aunque el duque mi señor lo sabe, porque yo me he quejado a él, -no una, sino muchas veces, y pedídole mande que el tal labrador se case con -mi hija, hace orejas de mercader y apenas quiere oírme; y es la causa que, -como el padre del burlador es tan rico y le presta dineros, y le sale por -fiador de sus trampas por momentos, no le quiere descontentar ni dar -pesadumbre en ningún modo.» Querría, pues, señor mío, que vuesa merced -tomase a cargo el deshacer este agravio, o ya por ruegos, o ya por armas, -pues, según todo el mundo dice, vuesa merced nació en él para deshacerlos y -para enderezar los tuertos y amparar los miserables; y póngasele a vuesa -merced por delante la orfandad de mi hija, su gentileza, su mocedad, con -todas las buenas partes que he dicho que tiene; que en Dios y en mi -conciencia que de cuantas doncellas tiene mi señora, que no hay ninguna que -llegue a la suela de su zapato, y que una que llaman Altisidora, que es la -que tienen por más desenvuelta y gallarda, puesta en comparación de mi -hija, no la llega con dos leguas. Porque quiero que sepa vuesa merced, -señor mío, que no es todo oro lo que reluce; porque esta Altisidorilla -tiene más de presunción que de hermosura, y más de desenvuelta que de -recogida, además que no está muy sana: que tiene un cierto allento cansado, -que no hay sufrir el estar junto a ella un momento. Y aun mi señora la -duquesa... Quiero callar, que se suele decir que las paredes tienen oídos. - -— ¿Qué tiene mi señora la duquesa, por vida mía, señora doña Rodríguez? -— preguntó don Quijote. - -— Con ese conjuro —respondió la dueña—, no puedo dejar de responder a lo que -se me pregunta con toda verdad. ¿Vee vuesa merced, señor don Quijote, la -hermosura de mi señora la duquesa, aquella tez de rostro, que no parece -sino de una espada acicalada y tersa, aquellas dos mejillas de leche y de -carmín, que en la una tiene el sol y en la otra la luna, y aquella -gallardía con que va pisando y aun despreciando el suelo, que no parece -sino que va derramando salud donde pasa? Pues sepa vuesa merced que lo -puede agradecer, primero, a Dios, y luego, a dos fuentes que tiene en las -dos piernas, por donde se desagua todo el mal humor de quien dicen los -médicos que está llena. - -— ¡Santa María! —dijo don Quijote—. Y ¿es posible que mi señora la duquesa -tenga tales desaguaderos? No lo creyera si me lo dijeran frailes descalzos; -pero, pues la señora doña Rodríguez lo dice, debe de ser así. Pero tales -fuentes, y en tales lugares, no deben de manar humor, sino ámbar líquido. -Verdaderamente que ahora acabo de creer que esto de hacerse fuentes debe de -ser cosa importante para salud. - -Apenas acabó don Quijote de decir esta razón, cuando con un gran golpe -abrieron las puertas del aposento, y del sobresalto del golpe se le cayó a -doña Rodríguez la vela de la mano, y quedó la estancia como boca de lobo, -como suele decirse. Luego sintió la pobre dueña que la asían de la garganta -con dos manos, tan fuertemente que no la dejaban gañir, y que otra persona, -con mucha presteza, sin hablar palabra, le alzaba las faldas, y con una, al -parecer, chinela, le comenzó a dar tantos azotes, que era una compasión; y, -aunque don Quijote se la tenía, no se meneaba del lecho, y no sabía qué -podía ser aquello, y estábase quedo y callando, y aun temiendo no viniese -por él la tanda y tunda azotesca. Y no fue vano su temor, porque, en -dejando molida a la dueña los callados verdugos (la cual no osaba -quejarse), acudieron a don Quijote, y, desenvolviéndole de la sábana y de -la colcha, le pellizcaron tan a menudo y tan reciamente, que no pudo dejar -de defenderse a puñadas, y todo esto en silencio admirable. Duró la batalla -casi media hora; saliéronse las fantasmas, recogió doña Rodríguez sus -faldas, y, gimiendo su desgracia, se salió por la puerta afuera, sin decir -palabra a don Quijote, el cual, doloroso y pellizcado, confuso y pensativo, -se quedó solo, donde le dejaremos deseoso de saber quién había sido el -perverso encantador que tal le había puesto. Pero ello se dirá a su tiempo, -que Sancho Panza nos llama, y el buen concierto de la historia lo pide. - - - - -Capítulo XLIX. De lo que le sucedió a Sancho Panza rondando su ínsula - -Dejamos al gran gobernador enojado y mohíno con el labrador pintor y -socarrón, el cual, industriado del mayordomo, y el mayordomo del duque, se -burlaban de Sancho; pero él se las tenía tiesas a todos, maguera tonto, -bronco y rollizo, y dijo a los que con él estaban, y al doctor Pedro Recio, -que, como se acabó el secreto de la carta del duque, había vuelto a entrar -en la sala: - -— Ahora verdaderamente que entiendo que los jueces y gobernadores deben de -ser, o han de ser, de bronce, para no sentir las importunidades de los -negociantes, que a todas horas y a todos tiempos quieren que los escuchen y -despachen, atendiendo sólo a su negocio, venga lo que viniere; y si el -pobre del juez no los escucha y despacha, o porque no puede o porque no es -aquél el tiempo diputado para darles audiencia, luego les maldicen y -murmuran, y les roen los huesos, y aun les deslindan los linajes. -Negociante necio, negociante mentecato, no te apresures; espera sazón y -coyuntura para negociar: no vengas a la hora del comer ni a la del dormir, -que los jueces son de carne y de hueso y han de dar a la naturaleza lo que -naturalmente les pide, si no es yo, que no le doy de comer a la mía, merced -al señor doctor Pedro Recio Tirteafuera, que está delante, que quiere que -muera de hambre, y afirma que esta muerte es vida, que así se la dé Dios a -él y a todos los de su ralea: digo, a la de los malos médicos, que la de -los buenos, palmas y lauros merecen. - -Todos los que conocían a Sancho Panza se admiraban, oyéndole hablar tan -elegantemente, y no sabían a qué atribuirlo, sino a que los oficios y -cargos graves, o adoban o entorpecen los entendimientos. Finalmente, el -doctor Pedro Recio Agüero de Tirteafuera prometió de darle de cenar aquella -noche, aunque excediese de todos los aforismos de Hipócrates. Con esto -quedó contento el gobernador, y esperaba con grande ansia llegase la noche -y la hora de cenar; y, aunque el tiempo, al parecer suyo, se estaba quedo, -sin moverse de un lugar, todavía se llegó por él el tanto deseado, donde -le dieron de cenar un salpicón de vaca con cebolla, y unas manos cocidas de -ternera algo entrada en días. Entregóse en todo con más gusto que si le -hubieran dado francolines de Milán, faisanes de Roma, ternera de Sorrento, -perdices de Morón, o gansos de Lavajos; y, entre la cena, volviéndose al -doctor, le dijo: - -— Mirad, señor doctor: de aquí adelante no os curéis de darme a comer cosas -regaladas ni manjares esquisitos, porque será sacar a mi estómago de sus -quicios, el cual está acostumbrado a cabra, a vaca, a tocino, a cecina, a -nabos y a cebollas; y, si acaso le dan otros manjares de palacio, los -recibe con melindre, y algunas veces con asco. Lo que el maestresala puede -hacer es traerme estas que llaman ollas podridas, que mientras más podridas -son, mejor huelen, y en ellas puede embaular y encerrar todo lo que él -quisiere, como sea de comer, que yo se lo agradeceré y se lo pagaré algún -día; y no se burle nadie conmigo, porque o somos o no somos: vivamos todos -y comamos en buena paz compaña, pues, cuando Dios amanece, para todos -amanece. Yo gobernaré esta ínsula sin perdonar derecho ni llevar cohecho, y -todo el mundo traiga el ojo alerta y mire por el virote, porque les hago -saber que el diablo está en Cantillana, y que, si me dan ocasión, han de -ver maravillas. No, sino haceos miel, y comeros han moscas. - -— Por cierto, señor gobernador —dijo el maestresala—, que vuesa merced tiene -mucha razón en cuanto ha dicho, y que yo ofrezco en nombre de todos los -insulanos desta ínsula que han de servir a vuestra merced con toda -puntualidad, amor y benevolencia, porque el suave modo de gobernar que en -estos principios vuesa merced ha dado no les da lugar de hacer ni de pensar -cosa que en deservicio de vuesa merced redunde. - -— Yo lo creo —respondió Sancho—, y serían ellos unos necios si otra cosa -hiciesen o pensasen. Y vuelvo a decir que se tenga cuenta con mi sustento y -con el de mi rucio, que es lo que en este negocio importa y hace más al -caso; y, en siendo hora, vamos a rondar, que es mi intención limpiar esta -ínsula de todo género de inmundicia y de gente vagamunda, holgazanes, y mal -entretenida; porque quiero que sepáis, amigos, que la gente baldía y -perezosa es en la república lo mesmo que los zánganos en las colmenas, que -se comen la miel que las trabajadoras abejas hacen. Pienso favorecer a los -labradores, guardar sus preeminencias a los hidalgos, premiar los virtuosos -y, sobre todo, tener respeto a la religión y a la honra de los religiosos. -¿Qué os parece desto, amigos? ¿Digo algo, o quiébrome la cabeza? - -— Dice tanto vuesa merced, señor gobernador —dijo el mayordomo—, que estoy -admirado de ver que un hombre tan sin letras como vuesa merced, que, a lo -que creo, no tiene ninguna, diga tales y tantas cosas llenas de sentencias -y de avisos, tan fuera de todo aquello que del ingenio de vuesa merced -esperaban los que nos enviaron y los que aquí venimos. Cada día se veen -cosas nuevas en el mundo: las burlas se vuelven en veras y los burladores -se hallan burlados. - -Llegó la noche, y cenó el gobernador, con licencia del señor doctor Recio. -Aderezáronse de ronda; salió con el mayordomo, secretario y maestresala, y -el coronista que tenía cuidado de poner en memoria sus hechos, y alguaciles -y escribanos, tantos que podían formar un mediano escuadrón. Iba Sancho en -medio, con su vara, que no había más que ver, y pocas calles andadas del -lugar, sintieron ruido de cuchilladas; acudieron allá, y hallaron que eran -dos solos hombres los que reñían, los cuales, viendo venir a la justicia, -se estuvieron quedos; y el uno dellos dijo: - -— ¡Aquí de Dios y del rey! ¿Cómo y que se ha de sufrir que roben en poblado -en este pueblo, y que salga a saltear en él en la mitad de las calles? - -— Sosegaos, hombre de bien —dijo Sancho—, y contadme qué es la causa desta -pendencia, que yo soy el gobernador. - -El otro contrario dijo: - -— Señor gobernador, yo la diré con toda brevedad. Vuestra merced sabrá que -este gentilhombre acaba de ganar ahora en esta casa de juego que está aquí -frontero más de mil reales, y sabe Dios cómo; y, hallándome yo presente, -juzgué más de una suerte dudosa en su favor, contra todo aquello que me -dictaba la conciencia; alzóse con la ganancia, y, cuando esperaba que me -había de dar algún escudo, por lo menos, de barato, como es uso y costumbre -darle a los hombres principales como yo, que estamos asistentes para bien y -mal pasar, y para apoyar sinrazones y evitar pendencias, él embolsó su -dinero y se salió de la casa. Yo vine despechado tras él, y con buenas y -corteses palabras le he pedido que me diese siquiera ocho reales, pues sabe -que yo soy hombre honrado y que no tengo oficio ni beneficio, porque mis -padres no me le enseñaron ni me le dejaron, y el socarrón, que no es más -ladrón que Caco, ni más fullero que Andradilla, no quería darme más de -cuatro reales; ¡porque vea vuestra merced, señor gobernador, qué poca -vergüenza y qué poca conciencia! Pero a fee que, si vuesa merced no -llegara, que yo le hiciera vomitar la ganancia, y que había de saber con -cuántas entraba la romana. - -— ¿Qué decís vos a esto? —preguntó Sancho. - -Y el otro respondió que era verdad cuanto su contrario decía, y no había -querido darle más de cuatro reales porque se los daba muchas veces; y los -que esperan barato han de ser comedidos y tomar con rostro alegre lo que -les dieren, sin ponerse en cuentas con los gananciosos, si ya no supiesen -de cierto que son fulleros y que lo que ganan es mal ganado; y que, para -señal que él era hombre de bien y no ladrón, como decía, ninguna había -mayor que el no haberle querido dar nada; que siempre los fulleros son -tributarios de los mirones que los conocen. - -— Así es —dijo el mayordomo—. Vea vuestra merced, señor gobernador, qué es -lo que se ha de hacer destos hombres. - -— Lo que se ha de hacer es esto —respondió Sancho—: vos, ganancioso, bueno, -o malo, o indiferente, dad luego a este vuestro acuchillador cien reales, y -más, habéis de desembolsar treinta para los pobres de la cárcel; y vos, que -no tenéis oficio ni beneficio y andáis de nones en esta ínsula, tomad luego -esos cien reales, y mañana en todo el día salid desta ínsula desterrado por -diez años, so pena, si lo quebrantáredes, los cumpláis en la otra vida, -colgándoos yo de una picota, o, a lo menos, el verdugo por mi mandado; y -ninguno me replique, que le asentaré la mano. - -Desembolsó el uno, recibió el otro, éste se salió de la ínsula, y aquél se -fue a su casa, y el gobernador quedó diciendo: - -— Ahora, yo podré poco, o quitaré estas casas de juego, que a mí se me -trasluce que son muy perjudiciales. - -— Ésta, a lo menos —dijo un escribano—, no la podrá vuesa merced quitar, -porque la tiene un gran personaje, y más es sin comparación lo que él -pierde al año que lo que saca de los naipes. Contra otros garitos de menor -cantía podrá vuestra merced mostrar su poder, que son los que más daño -hacen y más insolencias encubren; que en las casas de los caballeros -principales y de los señores no se atreven los famosos fulleros a usar de -sus tretas; y, pues el vicio del juego se ha vuelto en ejercicio común, -mejor es que se juegue en casas principales que no en la de algún oficial, -donde cogen a un desdichado de media noche abajo y le desuellan vivo. - -— Agora, escribano —dijo Sancho—, yo sé que hay mucho que decir en eso. - -Y, en esto, llegó un corchete que traía asido a un mozo, y dijo: - -— Señor gobernador, este mancebo venía hacia nosotros, y, así como columbró -la justicia, volvió las espaldas y comenzó a correr como un gamo, señal que -debe de ser algún delincuente. Yo partí tras él, y, si no fuera porque -tropezó y cayó, no le alcanzara jamás. - -— ¿Por qué huías, hombre? —preguntó Sancho. - -A lo que el mozo respondió: - -— Señor, por escusar de responder a las muchas preguntas que las justicias -hacen. - -— ¿Qué oficio tienes? - -— Tejedor. - -— ¿Y qué tejes? - -— Hierros de lanzas, con licencia buena de vuestra merced. - -— ¿Graciosico me sois? ¿De chocarrero os picáis? ¡Está bien! Y ¿adónde -íbades ahora? - -— Señor, a tomar el aire. - -— Y ¿adónde se toma el aire en esta ínsula? - -— Adonde sopla. - -— ¡Bueno: respondéis muy a propósito! Discreto sois, mancebo; pero haced -cuenta que yo soy el aire, y que os soplo en popa, y os encamino a la -cárcel. ¡Asilde, hola, y llevadle, que yo haré que duerma allí sin aire -esta noche! - -— ¡Par Dios —dijo el mozo—, así me haga vuestra merced dormir en la cárcel -como hacerme rey! - -— Pues, ¿por qué no te haré yo dormir en la cárcel? —respondió Sancho—. ¿No -tengo yo poder para prenderte y soltarte cada y cuando que quisiere? - -— Por más poder que vuestra merced tenga —dijo el mozo—, no será bastante -para hacerme dormir en la cárcel. - -— ¿Cómo que no? —replicó Sancho—. Llevalde luego donde verá por sus ojos el -desengaño, aunque más el alcaide quiera usar con él de su interesal -liberalidad; que yo le pondré pena de dos mil ducados si te deja salir un -paso de la cárcel. - -— Todo eso es cosa de risa —respondió el mozo—. El caso es que no me harán -dormir en la cárcel cuantos hoy viven. - -— Dime, demonio —dijo Sancho—, ¿tienes algún ángel que te saque y que te -quite los grillos que te pienso mandar echar? - -— Ahora, señor gobernador —respondió el mozo con muy buen donaire—, estemos -a razón y vengamos al punto. Prosuponga vuestra merced que me manda llevar -a la cárcel, y que en ella me echan grillos y cadenas, y que me meten en un -calabozo, y se le ponen al alcaide graves penas si me deja salir, y que él -lo cumple como se le manda; con todo esto, si yo no quiero dormir, y -estarme despierto toda la noche, sin pegar pestaña, ¿será vuestra merced -bastante con todo su poder para hacerme dormir, si yo no quiero? - -— No, por cierto —dijo el secretario—, y el hombre ha salido con su -intención. - -— De modo —dijo Sancho— que no dejaréis de dormir por otra cosa que por -vuestra voluntad, y no por contravenir a la mía. - -— No, señor —dijo el mozo—, ni por pienso. - -— Pues andad con Dios —dijo Sancho—; idos a dormir a vuestra casa, y Dios os -dé buen sueño, que yo no quiero quitárosle; pero aconséjoos que de aquí -adelante no os burléis con la justicia, porque toparéis con alguna que os -dé con la burla en los cascos. - -Fuese el mozo, y el gobernador prosiguió con su ronda, y de allí a poco -vinieron dos corchetes que traían a un hombre asido, y dijeron: - -— Señor gobernador, este que parece hombre no lo es, sino mujer, y no fea, -que viene vestida en hábito de hombre. - -Llegáronle a los ojos dos o tres lanternas, a cuyas luces descubrieron un -rostro de una mujer, al parecer, de diez y seis o pocos más años, recogidos -los cabellos con una redecilla de oro y seda verde, hermosa como mil -perlas. Miráronla de arriba abajo, y vieron que venía con unas medias de -seda encarnada, con ligas de tafetán blanco y rapacejos de oro y aljófar; -los greguescos eran verdes, de tela de oro, y una saltaembarca o ropilla de -lo mesmo, suelta, debajo de la cual traía un jubón de tela finísima de oro -y blanco, y los zapatos eran blancos y de hombre. No traía espada ceñida, -sino una riquísima daga, y en los dedos, muchos y muy buenos anillos. -Finalmente, la moza parecía bien a todos, y ninguno la conoció de cuantos -la vieron, y los naturales del lugar dijeron que no podían pensar quién -fuese, y los consabidores de las burlas que se habían de hacer a Sancho -fueron los que más se admiraron, porque aquel suceso y hallazgo no venía -ordenado por ellos; y así, estaban dudosos, esperando en qué pararía el -caso. - -Sancho quedó pasmado de la hermosura de la moza, y preguntóle quién era, -adónde iba y qué ocasión le había movido para vestirse en aquel hábito. -Ella, puestos los ojos en tierra con honestísima vergüenza, respondió: - -— No puedo, señor, decir tan en público lo que tanto me importaba fuera -secreto; una cosa quiero que se entienda: que no soy ladrón ni persona -facinorosa, sino una doncella desdichada a quien la fuerza de unos celos ha -hecho romper el decoro que a la honestidad se debe. - -Oyendo esto el mayordomo, dijo a Sancho: - -— Haga, señor gobernador, apartar la gente, porque esta señora con menos -empacho pueda decir lo que quisiere. - -Mandólo así el gobernador; apartáronse todos, si no fueron el mayordomo, -maestresala y el secretario. Viéndose, pues, solos, la doncella prosiguió -diciendo: - -— «Yo, señores, soy hija de Pedro Pérez Mazorca, arrendador de las lanas -deste lugar, el cual suele muchas veces ir en casa de mi padre.» - -— Eso no lleva camino —dijo el mayordomo—, señora, porque yo conozco muy -bien a Pedro Pérez y sé que no tiene hijo ninguno, ni varón ni hembra; y -más, que decís que es vuestro padre, y luego añadís que suele ir muchas -veces en casa de vuestro padre. - -— Ya yo había dado en ello —dijo Sancho. - -— Ahora, señores, yo estoy turbada, y no sé lo que me digo —respondió la -doncella—; pero la verdad es que yo soy hija de Diego de la Llana, que -todos vuesas mercedes deben de conocer. - -— Aún eso lleva camino —respondió el mayordomo—, que yo conozco a Diego de -la Llana, y sé que es un hidalgo principal y rico, y que tiene un hijo y -una hija, y que después que enviudó no ha habido nadie en todo este lugar -que pueda decir que ha visto el rostro de su hija; que la tiene tan -encerrada que no da lugar al sol que la vea; y, con todo esto, la fama dice -que es en estremo hermosa. - -— Así es la verdad —respondió la doncella—, y esa hija soy yo; si la fama -miente o no en mi hermosura ya os habréis, señores, desengañado, pues me -habéis visto. - -Y, en esto, comenzó a llorar tiernamente; viendo lo cual el secretario, se -llegó al oído del maestresala y le dijo muy paso: - -— Sin duda alguna que a esta pobre doncella le debe de haber sucedido algo -de importancia, pues en tal traje, y a tales horas, y siendo tan principal, -anda fuera de su casa. - -— No hay dudar en eso —respondió el maestresala—; y más, que esa sospecha la -confirman sus lágrimas. - -Sancho la consoló con las mejores razones que él supo, y le pidió que sin -temor alguno les dijese lo que le había sucedido; que todos procurarían -remediarlo con muchas veras y por todas las vías posibles. - -— «Es el caso, señores —respondió ella—, que mi padre me ha tenido encerrada -diez años ha, que son los mismos que a mi madre come la tierra. En casa -dicen misa en un rico oratorio, y yo en todo este tiempo no he visto que el -sol del cielo de día, y la luna y las estrellas de noche, ni sé qué son -calles, plazas, ni templos, ni aun hombres, fuera de mi padre y de un -hermano mío, y de Pedro Pérez el arrendador, que, por entrar de ordinario -en mi casa, se me antojó decir que era mi padre, por no declarar el mío. -Este encerramiento y este negarme el salir de casa, siquiera a la iglesia, -ha muchos días y meses que me trae muy desconsolada; quisiera yo ver el -mundo, o, a lo menos, el pueblo donde nací, pareciéndome que este deseo no -iba contra el buen decoro que las doncellas principales deben guardar a sí -mesmas. Cuando oía decir que corrían toros y jugaban cañas, y se -representaban comedias, preguntaba a mi hermano, que es un año menor que -yo, que me dijese qué cosas eran aquéllas y otras muchas que yo no he -visto; él me lo declaraba por los mejores modos que sabía, pero todo era -encenderme más el deseo de verlo. Finalmente, por abreviar el cuento de mi -perdición, digo que yo rogué y pedí a mi hermano, que nunca tal pidiera ni -tal rogara...» - -Y tornó a renovar el llanto. El mayordomo le dijo: - -— Prosiga vuestra merced, señora, y acabe de decirnos lo que le ha sucedido, -que nos tienen a todos suspensos sus palabras y sus lágrimas. - -— Pocas me quedan por decir —respondió la doncella—, aunque muchas lágrimas -sí que llorar, porque los mal colocados deseos no pueden traer consigo -otros descuentos que los semejantes. - -Habíase sentado en el alma del maestresala la belleza de la doncella, y -llegó otra vez su lanterna para verla de nuevo; y parecióle que no eran -lágrimas las que lloraba, sino aljófar o rocío de los prados, y aun las -subía de punto y las llegaba a perlas orientales, y estaba deseando que su -desgracia no fuese tanta como daban a entender los indicios de su llanto y -de sus suspiros. Desesperábase el gobernador de la tardanza que tenía la -moza en dilatar su historia, y díjole que acabase de tenerlos más -suspensos, que era tarde y faltaba mucho que andar del pueblo. Ella, entre -interrotos sollozos y mal formados suspiros, dijo: - -— «No es otra mi desgracia, ni mi infortunio es otro sino que yo rogué a mi -hermano que me vistiese en hábitos de hombre con uno de sus vestidos y que -me sacase una noche a ver todo el pueblo, cuando nuestro padre durmiese; -él, importunado de mis ruegos, condecendió con mi deseo, y, poniéndome este -vestido y él vestiéndose de otro mío, que le está como nacido, porque él no -tiene pelo de barba y no parece sino una doncella hermosísima, esta noche, -debe de haber una hora, poco más o menos, nos salimos de casa; y, guiados -de nuestro mozo y desbaratado discurso, hemos rodeado todo el pueblo, y -cuando queríamos volver a casa, vimos venir un gran tropel de gente, y mi -hermano me dijo: ''Hermana, ésta debe de ser la ronda: aligera los pies y -pon alas en ellos, y vente tras mí corriendo, porque no nos conozcan, que -nos será mal contado''. Y, diciendo esto, volvió las espaldas y comenzó, no -digo a correr, sino a volar; yo, a menos de seis pasos, caí, con el -sobresalto, y entonces llegó el ministro de la justicia que me trujo ante -vuestras mercedes, adonde, por mala y antojadiza, me veo avergonzada ante -tanta gente.» - -— ¿En efecto, señora —dijo Sancho—, no os ha sucedido otro desmán alguno, ni -celos, como vos al principio de vuestro cuento dijistes, no os sacaron de -vuestra casa? - -— No me ha sucedido nada, ni me sacaron celos, sino sólo el deseo de ver -mundo, que no se estendía a más que a ver las calles de este lugar. - -Y acabó de confirmar ser verdad lo que la doncella decía llegar los -corchetes con su hermano preso, a quien alcanzó uno dellos cuando se huyó -de su hermana. No traía sino un faldellín rico y una mantellina de damasco -azul con pasamanos de oro fino, la cabeza sin toca ni con otra cosa -adornada que con sus mesmos cabellos, que eran sortijas de oro, según eran -rubios y enrizados. Apartáronse con el gobernador, mayordomo y maestresala, -y, sin que lo oyese su hermana, le preguntaron cómo venía en aquel traje, y -él, con no menos vergüenza y empacho, contó lo mesmo que su hermana había -contado, de que recibió gran gusto el enamorado maestresala. Pero el -gobernador les dijo: - -— Por cierto, señores, que ésta ha sido una gran rapacería, y para contar -esta necedad y atrevimiento no eran menester tantas largas, ni tantas -lágrimas y suspiros; que con decir: ''Somos fulano y fulana, que nos -salimos a espaciar de casa de nuestros padres con esta invención, sólo por -curiosidad, sin otro designio alguno'', se acabara el cuento, y no -gemidicos, y lloramicos, y darle. - -— Así es la verdad —respondió la doncella—, pero sepan vuesas mercedes que -la turbación que he tenido ha sido tanta, que no me ha dejado guardar el -término que debía. - -— No se ha perdido nada —respondió Sancho—. Vamos, y dejaremos a vuesas -mercedes en casa de su padre; quizá no los habrá echado menos. Y, de aquí -adelante, no se muestren tan niños, ni tan deseosos de ver mundo, que la -doncella honrada, la pierna quebrada, y en casa; y la mujer y la gallina, -por andar se pierden aína; y la que es deseosa de ver, también tiene deseo -de ser vista. No digo más. - -El mancebo agradeció al gobernador la merced que quería hacerles de -volverlos a su casa, y así, se encaminaron hacia ella, que no estaba muy -lejos de allí. Llegaron, pues, y, tirando el hermano una china a una reja, -al momento bajó una criada, que los estaba esperando, y les abrió la -puerta, y ellos se entraron, dejando a todos admirados, así de su gentileza -y hermosura como del deseo que tenían de ver mundo, de noche y sin salir -del lugar; pero todo lo atribuyeron a su poca edad. - -Quedó el maestresala traspasado su corazón, y propuso de luego otro día -pedírsela por mujer a su padre, teniendo por cierto que no se la negaría, -por ser él criado del duque; y aun a Sancho le vinieron deseos y barruntos -de casar al mozo con Sanchica, su hija, y determinó de ponerlo en plática a -su tiempo, dándose a entender que a una hija de un gobernador ningún marido -se le podía negar. - -Con esto, se acabó la ronda de aquella noche, y de allí a dos días el -gobierno, con que se destroncaron y borraron todos sus designios, como se -verá adelante. - - - - -Capítulo L. Donde se declara quién fueron los encantadores y verdugos que -azotaron a la dueña y pellizcaron y arañaron a don Quijote, con el suceso -que tuvo el paje que llevó la carta a Teresa Sancha, mujer de Sancho Panza - -Dice Cide Hamete, puntualísimo escudriñador de los átomos desta verdadera -historia, que al tiempo que doña Rodríguez salió de su aposento para ir a -la estancia de don Quijote, otra dueña que con ella dormía lo sintió, y -que, como todas las dueñas son amigas de saber, entender y oler, se fue -tras ella, con tanto silencio, que la buena Rodríguez no lo echó de ver; y, -así como la dueña la vio entrar en la estancia de don Quijote, porque no -faltase en ella la general costumbre que todas las dueñas tienen de ser -chismosas, al momento lo fue a poner en pico a su señora la duquesa, de -cómo doña Rodríguez quedaba en el aposento de don Quijote. - -La duquesa se lo dijo al duque, y le pidió licencia para que ella y -Altisidora viniesen a ver lo que aquella dueña quería con don Quijote; el -duque se la dio, y las dos, con gran tiento y sosiego, paso ante paso, -llegaron a ponerse junto a la puerta del aposento, y tan cerca, que oían -todo lo que dentro hablaban; y, cuando oyó la duquesa que Rodríguez había -echado en la calle el Aranjuez de sus fuentes, no lo pudo sufrir, ni menos -Altisidora; y así, llenas de cólera y deseosas de venganza, entraron de -golpe en el aposento, y acrebillaron a don Quijote y vapularon a la dueña -del modo que queda contado; porque las afrentas que van derechas contra la -hermosura y presunción de las mujeres, despierta en ellas en gran manera la -ira y enciende el deseo de vengarse. - -Contó la duquesa al duque lo que le había pasado, de lo que se holgó mucho, -y la duquesa, prosiguiendo con su intención de burlarse y recibir -pasatiempo con don Quijote, despachó al paje que había hecho la figura de -Dulcinea en el concierto de su desencanto —que tenía bien olvidado Sancho -Panza con la ocupación de su gobierno— a Teresa Panza, su mujer, con la -carta de su marido, y con otra suya, y con una gran sarta de corales ricos -presentados. - -Dice, pues, la historia, que el paje era muy discreto y agudo, y, con deseo -de servir a sus señores, partió de muy buena gana al lugar de Sancho; y, -antes de entrar en él, vio en un arroyo estar lavando cantidad de mujeres, -a quien preguntó si le sabrían decir si en aquel lugar vivía una mujer -llamada Teresa Panza, mujer de un cierto Sancho Panza, escudero de un -caballero llamado don Quijote de la Mancha, a cuya pregunta se levantó en -pie una mozuela que estaba lavando, y dijo: - -— Esa Teresa Panza es mi madre, y ese tal Sancho, mi señor padre, y el tal -caballero, nuestro amo. - -— Pues venid, doncella —dijo el paje—, y mostradme a vuestra madre, porque -le traigo una carta y un presente del tal vuestro padre. - -— Eso haré yo de muy buena gana, señor mío —respondió la moza, que mostraba -ser de edad de catorce años, poco más a menos. - -Y, dejando la ropa que lavaba a otra compañera, sin tocarse ni calzarse, -que estaba en piernas y desgreñada, saltó delante de la cabalgadura del -paje, y dijo: - -— Venga vuesa merced, que a la entrada del pueblo está nuestra casa, y mi -madre en ella, con harta pena por no haber sabido muchos días ha de mi -señor padre. - -— Pues yo se las llevo tan buenas —dijo el paje— que tiene que dar bien -gracias a Dios por ellas. - -Finalmente, saltando, corriendo y brincando, llegó al pueblo la muchacha, -y, antes de entrar en su casa, dijo a voces desde la puerta: - -— Salga, madre Teresa, salga, salga, que viene aquí un señor que trae cartas -y otras cosas de mi buen padre. - -A cuyas voces salió Teresa Panza, su madre, hilando un copo de estopa, con -una saya parda. Parecía, según era de corta, que se la habían cortado por -vergonzoso lugar, con un corpezuelo asimismo pardo y una camisa de pechos. -No era muy vieja, aunque mostraba pasar de los cuarenta, pero fuerte, -tiesa, nervuda y avellanada; la cual, viendo a su hija, y al paje a -caballo, le dijo: - -— ¿Qué es esto, niña? ¿Qué señor es éste? - -— Es un servidor de mi señora doña Teresa Panza —respondió el paje. - -Y, diciendo y haciendo, se arrojó del caballo y se fue con mucha humildad a -poner de hinojos ante la señora Teresa, diciendo: - -— Déme vuestra merced sus manos, mi señora doña Teresa, bien así como mujer -legítima y particular del señor don Sancho Panza, gobernador propio de la -ínsula Barataria. - -— ¡Ay, señor mío, quítese de ahí; no haga eso —respondió Teresa—, que yo no -soy nada palaciega, sino una pobre labradora, hija de un estripaterrones y -mujer de un escudero andante, y no de gobernador alguno! - -— Vuesa merced —respondió el paje— es mujer dignísima de un gobernador -archidignísimo; y, para prueba desta verdad, reciba vuesa merced esta carta -y este presente. - -Y sacó al instante de la faldriquera una sarta de corales con estremos de -oro, y se la echó al cuello y dijo: - -— Esta carta es del señor gobernador, y otra que traigo y estos corales son -de mi señora la duquesa, que a vuestra merced me envía. - -Quedó pasmada Teresa, y su hija ni más ni menos, y la muchacha dijo: - -— Que me maten si no anda por aquí nuestro señor amo don Quijote, que debe -de haber dado a padre el gobierno o condado que tantas veces le había -prometido. - -— Así es la verdad —respondió el paje—: que, por respeto del señor don -Quijote, es ahora el señor Sancho gobernador de la ínsula Barataria, como -se verá por esta carta. - -— Léamela vuesa merced, señor gentilhombre —dijo Teresa—, porque, aunque yo -sé hilar, no sé leer migaja. - -— Ni yo tampoco —añadió Sanchica—; pero espérenme aquí, que yo iré a llamar -quien la lea, ora sea el cura mesmo, o el bachiller Sansón Carrasco, que -vendrán de muy buena gana, por saber nuevas de mi padre. - -— No hay para qué se llame a nadie, que yo no sé hilar, pero sé leer, y la -leeré. - -Y así, se la leyó toda, que, por quedar ya referida, no se pone aquí; y -luego sacó otra de la duquesa, que decía desta manera: - -Amiga Teresa: - -Las buenas partes de la bondad y del ingenio de vuestro marido Sancho me -movieron y obligaron a pedir a mi marido el duque le diese un gobierno de -una ínsula, de muchas que tiene. Tengo noticia que gobierna como un -girifalte, de lo que yo estoy muy contenta, y el duque mi señor, por el -consiguiente; por lo que doy muchas gracias al cielo de no haberme engañado -en haberle escogido para el tal gobierno; porque quiero que sepa la señora -Teresa que con dificultad se halla un buen gobernador en el mundo, y tal me -haga a mí Dios como Sancho gobierna. - -Ahí le envío, querida mía, una sarta de corales con estremos de oro; yo me -holgara que fuera de perlas orientales, pero quien te da el hueso, no te -querría ver muerta: tiempo vendrá en que nos conozcamos y nos comuniquemos, -y Dios sabe lo que será. Encomiéndeme a Sanchica, su hija, y dígale de mi -parte que se apareje, que la tengo de casar altamente cuando menos lo -piense. - -Dícenme que en ese lugar hay bellotas gordas: envíeme hasta dos docenas, -que las estimaré en mucho, por ser de su mano, y escríbame largo, -avisándome de su salud y de su bienestar; y si hubiere menester alguna -cosa, no tiene que hacer más que boquear: que su boca será medida, y Dios -me la guarde. Deste lugar. - -Su amiga, que bien la quiere, - -La Duquesa. - -— ¡Ay —dijo Teresa en oyendo la carta—, y qué buena y qué llana y qué -humilde señora! Con estas tales señoras me entierren a mí, y no las -hidalgas que en este pueblo se usan, que piensan que por ser hidalgas no -las ha de tocar el viento, y van a la iglesia con tanta fantasía como si -fuesen las mesmas reinas, que no parece sino que tienen a deshonra el mirar -a una labradora; y veis aquí donde esta buena señora, con ser duquesa, me -llama amiga, y me trata como si fuera su igual, que igual la vea yo con el -más alto campanario que hay en la Mancha. Y, en lo que toca a las bellotas, -señor mío, yo le enviaré a su señoría un celemín, que por gordas las pueden -venir a ver a la mira y a la maravilla. Y por ahora, Sanchica, atiende a -que se regale este señor: pon en orden este caballo, y saca de la -caballeriza güevos, y corta tocino adunia, y démosle de comer como a un -príncipe, que las buenas nuevas que nos ha traído y la buena cara que él -tiene lo merece todo; y, en tanto, saldré yo a dar a mis vecinas las nuevas -de nuestro contento, y al padre cura y a maese Nicolás el barbero, que tan -amigos son y han sido de tu padre. - -— Sí haré, madre —respondió Sanchica—; pero mire que me ha de dar la mitad -desa sarta; que no tengo yo por tan boba a mi señora la duquesa, que se la -había de enviar a ella toda. - -— Todo es para ti, hija —respondió Teresa—, pero déjamela traer algunos -días al cuello, que verdaderamente parece que me alegra el corazón. - -— También se alegrarán —dijo el paje— cuando vean el lío que viene en este -portamanteo, que es un vestido de paño finísimo que el gobernador sólo un -día llevó a caza, el cual todo le envía para la señora Sanchica. - -— Que me viva él mil años —respondió Sanchica—, y el que lo trae, ni más ni -menos, y aun dos mil, si fuere necesidad. - -Salióse en esto Teresa fuera de casa, con las cartas, y con la sarta al -cuello, y iba tañendo en las cartas como si fuera en un pandero; y, -encontrándose acaso con el cura y Sansón Carrasco, comenzó a bailar y a -decir: - -— ¡A fee que agora que no hay pariente pobre! ¡Gobiernito tenemos! ¡No, sino -tómese conmigo la más pintada hidalga, que yo la pondré como nueva! - -— ¿Qué es esto, Teresa Panza? ¿Qué locuras son éstas, y qué papeles son -ésos? - -— No es otra la locura sino que éstas son cartas de duquesas y de -gobernadores, y estos que traigo al cuello son corales finos; las avemarías -y los padres nuestros son de oro de martillo, y yo soy gobernadora. - -— De Dios en ayuso, no os entendemos, Teresa, ni sabemos lo que os decís. - -— Ahí lo podrán ver ellos —respondió Teresa. - -Y dioles las cartas. Leyólas el cura de modo que las oyó Sansón Carrasco, y -Sansón y el cura se miraron el uno al otro, como admirados de lo que habían -leído; y preguntó el bachiller quién había traído aquellas cartas. -Respondió Teresa que se viniesen con ella a su casa y verían el mensajero, -que era un mancebo como un pino de oro, y que le traía otro presente que -valía más de tanto. Quitóle el cura los corales del cuello, y mirólos y -remirólos, y, certificándose que eran finos, tornó a admirarse de nuevo, y -dijo: - -— Por el hábito que tengo, que no sé qué me diga ni qué me piense de estas -cartas y destos presentes: por una parte, veo y toco la fineza de estos -corales, y por otra, leo que una duquesa envía a pedir dos docenas de -bellotas. - -— ¡Aderézame esas medidas! —dijo entonces Carrasco—. Agora bien, vamos a ver -al portador deste pliego, que dél nos informaremos de las dificultades que -se nos ofrecen. - -Hiciéronlo así, y volvióse Teresa con ellos. Hallaron al paje cribando un -poco de cebada para su cabalgadura, y a Sanchica cortando un torrezno para -empedrarle con güevos y dar de comer al paje, cuya presencia y buen adorno -contentó mucho a los dos; y, después de haberle saludado cortésmente, y él -a ellos, le preguntó Sansón les dijese nuevas así de don Quijote como de -Sancho Panza; que, puesto que habían leído las cartas de Sancho y de la -señora duquesa, todavía estaban confusos y no acababan de atinar qué sería -aquello del gobierno de Sancho, y más de una ínsula, siendo todas o las más -que hay en el mar Mediterráneo de Su Majestad. A lo que el paje respondió: - -— De que el señor Sancho Panza sea gobernador, no hay que dudar en ello; de -que sea ínsula o no la que gobierna, en eso no me entremeto, pero basta que -sea un lugar de más de mil vecinos; y, en cuanto a lo de las bellotas, digo -que mi señora la duquesa es tan llana y tan humilde, que no —decía él— -enviar a pedir bellotas a una labradora, pero que le acontecía enviar a -pedir un peine prestado a una vecina suya. Porque quiero que sepan vuestras -mercedes que las señoras de Aragón, aunque son tan principales, no son tan -puntuosas y levantadas como las señoras castellanas; con más llaneza tratan -con las gentes. - -Estando en la mitad destas pláticas, saltó Sanchica con un halda de güevos, -y preguntó al paje: - -— Dígame, señor: ¿mi señor padre trae por ventura calzas atacadas después -que es gobernador? - -— No he mirado en ello —respondió el paje—, pero sí debe de traer. - -— ¡Ay Dios mío —replicó Sanchica—, y que será de ver a mi padre con -pedorreras! ¿No es bueno sino que desde que nací tengo deseo de ver a mi -padre con calzas atacadas? - -— Como con esas cosas le verá vuestra merced si vive —respondió el paje—. -Par Dios, términos lleva de caminar con papahígo, con solos dos meses que -le dure el gobierno. - -Bien echaron de ver el cura y el bachiller que el paje hablaba -socarronamente, pero la fineza de los corales y el vestido de caza que -Sancho enviaba lo deshacía todo; que ya Teresa les había mostrado el -vestido. Y no dejaron de reírse del deseo de Sanchica, y más cuando Teresa -dijo: - -— Señor cura, eche cata por ahí si hay alguien que vaya a Madrid, o a -Toledo, para que me compre un verdugado redondo, hecho y derecho, y sea al -uso y de los mejores que hubiere; que en verdad en verdad que tengo de -honrar el gobierno de mi marido en cuanto yo pudiere, y aun que si me -enojo, me tengo de ir a esa corte, y echar un coche, como todas; que la que -tiene marido gobernador muy bien le puede traer y sustentar. - -— Y ¡cómo, madre! —dijo Sanchica—. Pluguiese a Dios que fuese antes hoy que -mañana, aunque dijesen los que me viesen ir sentada con mi señora madre en -aquel coche: ''¡Mirad la tal por cual, hija del harto de ajos, y cómo va -sentada y tendida en el coche, como si fuera una papesa!'' Pero pisen ellos -los lodos, y ándeme yo en mi coche, levantados los pies del suelo. ¡Mal -año y mal mes para cuantos murmuradores hay en el mundo, y ándeme yo -caliente, y ríase la gente! ¿Digo bien, madre mía? - -— Y ¡cómo que dices bien, hija! —respondió Teresa—. Y todas estas venturas, -y aun mayores, me las tiene profetizadas mi buen Sancho, y verás tú, hija, -cómo no para hasta hacerme condesa: que todo es comenzar a ser venturosas; -y, como yo he oído decir muchas veces a tu buen padre, que así como lo es -tuyo lo es de los refranes, cuando te dieren la vaquilla, corre con -soguilla: cuando te dieren un gobierno, cógele; cuando te dieren un -condado, agárrale, y cuando te hicieren tus, tus, con alguna buena dádiva, -envásala. ¡No, sino dormíos, y no respondáis a las venturas y buenas dichas -que están llamando a la puerta de vuestra casa! - -— Y ¿qué se me da a mí —añadió Sanchica— que diga el que quisiere cuando me -vea entonada y fantasiosa: "Viose el perro en bragas de cerro...", y lo -demás? - -Oyendo lo cual el cura, dijo: - -— Yo no puedo creer sino que todos los deste linaje de los Panzas nacieron -cada uno con un costal de refranes en el cuerpo: ninguno dellos he visto -que no los derrame a todas horas y en todas las pláticas que tienen. - -— Así es la verdad —dijo el paje—, que el señor gobernador Sancho a cada -paso los dice, y, aunque muchos no vienen a propósito, todavía dan gusto, y -mi señora la duquesa y el duque los celebran mucho. - -— ¿Que todavía se afirma vuestra merced, señor mío —dijo el bachiller—, ser -verdad esto del gobierno de Sancho, y de que hay duquesa en el mundo que le -envíe presentes y le escriba? Porque nosotros, aunque tocamos los presentes -y hemos leído las cartas, no lo creemos, y pensamos que ésta es una de las -cosas de don Quijote, nuestro compatrioto, que todas piensa que son hechas -por encantamento; y así, estoy por decir que quiero tocar y palpar a -vuestra merced, por ver si es embajador fantástico o hombre de carne y -hueso. - -— Señores, yo no sé más de mí —respondió el paje— sino que soy embajador -verdadero, y que el señor Sancho Panza es gobernador efectivo, y que mis -señores duque y duquesa pueden dar, y han dado, el tal gobierno; y que he -oído decir que en él se porta valentísimamente el tal Sancho Panza; si en -esto hay encantamento o no, vuestras mercedes lo disputen allá entre ellos, -que yo no sé otra cosa, para el juramento que hago, que es por vida de mis -padres, que los tengo vivos y los amo y los quiero mucho. - -— Bien podrá ello ser así —replicó el bachiller—, pero dubitat Augustinus. - -— Dude quien dudare —respondió el paje—, la verdad es la que he dicho, y -esta que ha de andar siempre sobre la mentira,como el aceite sobre el agua; -y si no, operibus credite, et non verbis: véngase alguno de vuesas mercedes -conmigo, y verán con los ojos lo que no creen por los oídos. - -— Esa ida a mí toca —dijo Sanchica—: lléveme vuestra merced, señor, a las -ancas de su rocín, que yo iré de muy buena gana a ver a mi señor padre. - -— Las hijas de los gobernadores no han de ir solas por los caminos, sino -acompañadas de carrozas y literas y de gran número de sirvientes. - -— Par Dios —respondió Sancha—, tan bién me vaya yo sobre una pollina como -sobre un coche. ¡Hallado la habéis la melindrosa! - -— Calla, mochacha —dijo Teresa—, que no sabes lo que te dices, y este señor -está en lo cierto: que tal el tiempo, tal el tiento; cuando Sancho, Sancha, -y cuando gobernador, señora, y no sé si diga algo. - -— Más dice la señora Teresa de lo que piensa —dijo el paje—; y denme de -comer y despáchenme luego, porque pienso volverme esta tarde. - -A lo que dijo el cura: - -— Vuestra merced se vendrá a hacer penitencia conmigo, que la señora Teresa -más tiene voluntad que alhajas para servir a tan buen huésped. - -Rehusólo el paje; pero, en efecto, lo hubo de conceder por su mejora, y el -cura le llevó consigo de buena gana, por tener lugar de preguntarle de -espacio por don Quijote y sus hazañas. - -El bachiller se ofreció de escribir las cartas a Teresa de la respuesta, -pero ella no quiso que el bachiller se metiese en sus cosas, que le tenía -por algo burlón; y así, dio un bollo y dos huevos a un monacillo que sabía -escribir, el cual le escribió dos cartas, una para su marido y otra para la -duquesa, notadas de su mismo caletre, que no son las peores que en esta -grande historia se ponen, como se verá adelante. - - - - -Capítulo LI. Del progreso del gobierno de Sancho Panza, con otros sucesos -tales como buenos - -Amaneció el día que se siguió a la noche de la ronda del gobernador, la -cual el maestresala pasó sin dormir, ocupado el pensamiento en el rostro, -brío y belleza de la disfrazada doncella; y el mayordomo ocupó lo que della -faltaba en escribir a sus señores lo que Sancho Panza hacía y decía, tan -admirado de sus hechos como de sus dichos: porque andaban mezcladas sus -palabras y sus acciones, con asomos discretos y tontos. - -Levantóse, en fin, el señor gobernador, y, por orden del doctor Pedro -Recio, le hicieron desayunar con un poco de conserva y cuatro tragos de -agua fría, cosa que la trocara Sancho con un pedazo de pan y un racimo de -uvas; pero, viendo que aquello era más fuerza que voluntad, pasó por ello, -con harto dolor de su alma y fatiga de su estómago, haciéndole creer Pedro -Recio que los manjares pocos y delicados avivaban el ingenio, que era lo -que más convenía a las personas constituidas en mandos y en oficios graves, -donde se han de aprovechar no tanto de las fuerzas corporales como de las -del entendimiento. - -Con esta sofistería padecía hambre Sancho, y tal, que en su secreto -maldecía el gobierno y aun a quien se le había dado; pero, con su hambre y -con su conserva, se puso a juzgar aquel día, y lo primero que se le ofreció -fue una pregunta que un forastero le hizo, estando presentes a todo el -mayordomo y los demás acólitos, que fue: - -— Señor, un caudaloso río dividía dos términos de un mismo señorío (y esté -vuestra merced atento, porque el caso es de importancia y algo -dificultoso). Digo, pues, que sobre este río estaba una puente, y al cabo -della, una horca y una como casa de audiencia, en la cual de ordinario -había cuatro jueces que juzgaban la ley que puso el dueño del río, de la -puente y del señorío, que era en esta forma: "Si alguno pasare por esta -puente de una parte a otra, ha de jurar primero adónde y a qué va; y si -jurare verdad, déjenle pasar; y si dijere mentira, muera por ello ahorcado -en la horca que allí se muestra, sin remisión alguna". Sabida esta ley y la -rigurosa condición della, pasaban muchos, y luego en lo que juraban se -echaba de ver que decían verdad, y los jueces los dejaban pasar -libremente. Sucedió, pues, que, tomando juramento a un hombre, juró y dijo -que para el juramento que hacía, que iba a morir en aquella horca que allí -estaba, y no a otra cosa. Repararon los jueces en el juramento y dijeron: -''Si a este hombre le dejamos pasar libremente, mintió en su juramento, y, -conforme a la ley, debe morir; y si le ahorcamos, él juró que iba a morir -en aquella horca, y, habiendo jurado verdad, por la misma ley debe ser -libre''. Pídese a vuesa merced, señor gobernador, qué harán los jueces del -tal hombre; que aun hasta agora están dudosos y suspensos. Y, habiendo -tenido noticia del agudo y elevado entendimiento de vuestra merced, me -enviaron a mí a que suplicase a vuestra merced de su parte diese su parecer -en tan intricado y dudoso caso. - -A lo que respondió Sancho: - -— Por cierto que esos señores jueces que a mí os envían lo pudieran haber -escusado, porque yo soy un hombre que tengo más de mostrenco que de agudo; -pero, con todo eso, repetidme otra vez el negocio de modo que yo le -entienda: quizá podría ser que diese en el hito. - -Volvió otra y otra vez el preguntante a referir lo que primero había dicho, -y Sancho dijo: - -— A mi parecer, este negocio en dos paletas le declararé yo, y es así: el -tal hombre jura que va a morir en la horca, y si muere en ella, juró -verdad, y por la ley puesta merece ser libre y que pase la puente; y si no -le ahorcan, juró mentira, y por la misma ley merece que le ahorquen. - -— Así es como el señor gobernador dice —dijo el mensajero—; y cuanto a la -entereza y entendimiento del caso, no hay más que pedir ni que dudar. - -— Digo yo, pues, agora —replicó Sancho— que deste hombre aquella parte que -juró verdad la dejen pasar, y la que dijo mentira la ahorquen, y desta -manera se cumplirá al pie de la letra la condición del pasaje. - -— Pues, señor gobernador —replicó el preguntador—, será necesario que el tal -hombre se divida en partes, en mentirosa y verdadera; y si se divide, por -fuerza ha de morir, y así no se consigue cosa alguna de lo que la ley pide, -y es de necesidad espresa que se cumpla con ella. - -— Venid acá, señor buen hombre —respondió Sancho—; este pasajero que decís, -o yo soy un porro, o él tiene la misma razón para morir que para vivir y -pasar la puente; porque si la verdad le salva, la mentira le condena -igualmente; y, siendo esto así, como lo es, soy de parecer que digáis a -esos señores que a mí os enviaron que, pues están en un fil las razones de -condenarle o asolverle, que le dejen pasar libremente, pues siempre es -alabado más el hacer bien que mal, y esto lo diera firmado de mi nombre, si -supiera firmar; y yo en este caso no he hablado de mío, sino que se me vino -a la memoria un precepto, entre otros muchos que me dio mi amo don Quijote -la noche antes que viniese a ser gobernador desta ínsula: que fue que, -cuando la justicia estuviese en duda, me decantase y acogiese a la -misericordia; y ha querido Dios que agora se me acordase, por venir en este -caso como de molde. - -Así es —respondió el mayordomo—, y tengo para mí que el mismo Licurgo, que -dio leyes a los lacedemonios, no pudiera dar mejor sentencia que la que el -gran Panza ha dado. Y acábese con esto la audiencia desta mañana, y yo daré -orden como el señor gobernador coma muy a su gusto. - -— Eso pido, y barras derechas —dijo Sancho—: denme de comer, y lluevan casos -y dudas sobre mí, que yo las despabilaré en el aire. - -Cumplió su palabra el mayordomo, pareciéndole ser cargo de conciencia matar -de hambre a tan discreto gobernador; y más, que pensaba concluir con él -aquella misma noche haciéndole la burla última que traía en comisión de -hacerle. - -Sucedió, pues, que, habiendo comido aquel día contra las reglas y aforismos -del doctor Tirteafuera, al levantar de los manteles, entró un correo con -una carta de don Quijote para el gobernador. Mandó Sancho al secretario que -la leyese para sí, y que si no viniese en ella alguna cosa digna de -secreto, la leyese en voz alta. Hízolo así el secretario, y, repasándola -primero, dijo: - -— Bien se puede leer en voz alta, que lo que el señor don Quijote escribe a -vuestra merced merece estar estampado y escrito con letras de oro, y dice -así: - -Carta de don Quijote de la Mancha a Sancho Panza, gobernador de la ínsula -Barataria - -Cuando esperaba oír nuevas de tus descuidos e impertinencias, Sancho amigo, -las oí de tus discreciones, de que di por ello gracias particulares al -cielo, el cual del estiércol sabe levantar los pobres, y de los tontos -hacer discretos. Dícenme que gobiernas como si fueses hombre, y que eres -hombre como si fueses bestia, según es la humildad con que te tratas; y -quiero que adviertas, Sancho, que muchas veces conviene y es necesario, por -la autoridad del oficio, ir contra la humildad del corazón; porque el buen -adorno de la persona que está puesta en graves cargos ha de ser conforme a -lo que ellos piden, y no a la medida de lo que su humilde condición le -inclina. Vístete bien, que un palo compuesto no parece palo. No digo que -traigas dijes ni galas, ni que siendo juez te vistas como soldado, sino que -te adornes con el hábito que tu oficio requiere, con tal que sea limpio y -bien compuesto. - -Para ganar la voluntad del pueblo que gobiernas, entre otras has de hacer -dos cosas: la una, ser bien criado con todos, aunque esto ya otra vez te lo -he dicho; y la otra, procurar la abundancia de los mantenimientos; que no -hay cosa que más fatigue el corazón de los pobres que la hambre y la -carestía. - -No hagas muchas pragmáticas; y si las hicieres, procura que sean buenas, y, -sobre todo, que se guarden y cumplan; que las pragmáticas que no se -guardan, lo mismo es que si no lo fuesen; antes dan a entender que el -príncipe que tuvo discreción y autoridad para hacerlas, no tuvo valor para -hacer que se guardasen; y las leyes que atemorizan y no se ejecutan, vienen -a ser como la viga, rey de las ranas: que al principio las espantó, y con -el tiempo la menospreciaron y se subieron sobre ella. - -Sé padre de las virtudes y padrastro de los vicios. No seas siempre -riguroso, ni siempre blando, y escoge el medio entre estos dos estremos, -que en esto está el punto de la discreción. Visita las cárceles, las -carnicerías y las plazas, que la presencia del gobernador en lugares tales -es de mucha importancia: consuela a los presos, que esperan la brevedad de -su despacho; es coco a los carniceros, que por entonces igualan los pesos, -y es espantajo a las placeras, por la misma razón. No te muestres, aunque -por ventura lo seas —lo cual yo no creo—, codicioso, mujeriego ni glotón; -porque, en sabiendo el pueblo y los que te tratan tu inclinación -determinada, por allí te darán batería, hasta derribarte en el profundo de -la perdición. - -Mira y remira, pasa y repasa los consejos y documentos que te di por -escrito antes que de aquí partieses a tu gobierno, y verás como hallas en -ellos, si los guardas, una ayuda de costa que te sobrelleve los trabajos y -dificultades que a cada paso a los gobernadores se les ofrecen. Escribe a -tus señores y muéstrateles agradecido, que la ingratitud es hija de la -soberbia, y uno de los mayores pecados que se sabe, y la persona que es -agradecida a los que bien le han hecho, da indicio que también lo será a -Dios, que tantos bienes le hizo y de contino le hace. - -La señora duquesa despachó un propio con tu vestido y otro presente a tu -mujer Teresa Panza; por momentos esperamos respuesta. - -Yo he estado un poco mal dispuesto de un cierto gateamiento que me sucedió -no muy a cuento de mis narices; pero no fue nada, que si hay encantadores -que me maltraten, también los hay que me defiendan. - -Avísame si el mayordomo que está contigo tuvo que ver en las acciones de la -Trifaldi, como tú sospechaste, y de todo lo que te sucediere me irás dando -aviso, pues es tan corto el camino; cuanto más, que yo pienso dejar presto -esta vida ociosa en que estoy, pues no nací para ella. - -Un negocio se me ha ofrecido, que creo que me ha de poner en desgracia -destos señores; pero, aunque se me da mucho, no se me da nada, pues, en fin -en fin, tengo de cumplir antes con mi profesión que con su gusto, conforme -a lo que suele decirse: amicus Plato, sed magis amica veritas. Dígote este -latín porque me doy a entender que, después que eres gobernador, lo habrás -aprendido. Y a Dios, el cual te guarde de que ninguno te tenga lástima. - -Tu amigo, - -Don Quijote de la Mancha. - -Oyó Sancho la carta con mucha atención, y fue celebrada y tenida por -discreta de los que la oyeron; y luego Sancho se levantó de la mesa, y, -llamando al secretario, se encerró con él en su estancia, y, sin dilatarlo -más, quiso responder luego a su señor don Quijote, y dijo al secretario -que, sin añadir ni quitar cosa alguna, fuese escribiendo lo que él le -dijese, y así lo hizo; y la carta de la respuesta fue del tenor siguiente: - -Carta de Sancho Panza a don Quijote de la Mancha - -La ocupación de mis negocios es tan grande que no tengo lugar para rascarme -la cabeza, ni aun para cortarme las uñas; y así, las traigo tan crecidas -cual Dios lo remedie. Digo esto, señor mío de mi alma, porque vuesa merced -no se espante si hasta agora no he dado aviso de mi bien o mal estar en -este gobierno, en el cual tengo más hambre que cuando andábamos los dos por -las selvas y por los despoblados. - -Escribióme el duque, mi señor, el otro día, dándome aviso que habían -entrado en esta ínsula ciertas espías para matarme, y hasta agora yo no he -descubierto otra que un cierto doctor que está en este lugar asalariado -para matar a cuantos gobernadores aquí vinieren: llámase el doctor Pedro -Recio, y es natural de Tirteafuera: ¡porque vea vuesa merced qué nombre -para no temer que he de morir a sus manos! Este tal doctor dice él mismo de -sí mismo que él no cura las enfermedades cuando las hay, sino que las -previene, para que no vengan; y las medecinas que usa son dieta y más -dieta, hasta poner la persona en los huesos mondos, como si no fuese mayor -mal la flaqueza que la calentura. Finalmente, él me va matando de hambre, y -yo me voy muriendo de despecho, pues cuando pensé venir a este gobierno a -comer caliente y a beber frío, y a recrear el cuerpo entre sábanas de -holanda, sobre colchones de pluma, he venido a hacer penitencia, como si -fuera ermitaño; y, como no la hago de mi voluntad, pienso que, al cabo al -cabo, me ha de llevar el diablo. - -Hasta agora no he tocado derecho ni llevado cohecho, y no puedo pensar en -qué va esto; porque aquí me han dicho que los gobernadores que a esta -ínsula suelen venir, antes de entrar en ella, o les han dado o les han -prestado los del pueblo muchos dineros, y que ésta es ordinaria usanza en -los demás que van a gobiernos, no solamente en éste. - -Anoche, andando de ronda, topé una muy hermosa doncella en traje de varón y -un hermano suyo en hábito de mujer; de la moza se enamoró mi maestresala, y -la escogió en su imaginación para su mujer, según él ha dicho, y yo escogí -al mozo para mi yerno; hoy los dos pondremos en plática nuestros -pensamientos con el padre de entrambos, que es un tal Diego de la Llana, -hidalgo y cristiano viejo cuanto se quiere. - -Yo visito las plazas, como vuestra merced me lo aconseja, y ayer hallé una -tendera que vendía avellanas nuevas, y averigüéle que había mezclado con -una hanega de avellanas nuevas otra de viejas, vanas y podridas; apliquélas -todas para los niños de la doctrina, que las sabrían bien distinguir, y -sentenciéla que por quince días no entrase en la plaza. Hanme dicho que lo -hice valerosamente; lo que sé decir a vuestra merced es que es fama en este -pueblo que no hay gente más mala que las placeras, porque todas son -desvergonzadas, desalmadas y atrevidas, y yo así lo creo, por las que he -visto en otros pueblos. - -De que mi señora la duquesa haya escrito a mi mujer Teresa Panza y -enviádole el presente que vuestra merced dice, estoy muy satisfecho, y -procuraré de mostrarme agradecido a su tiempo: bésele vuestra merced las -manos de mi parte, diciendo que digo yo que no lo ha echado en saco roto, -como lo verá por la obra. - -No querría que vuestra merced tuviese trabacuentas de disgusto con esos mis -señores, porque si vuestra merced se enoja con ellos, claro está que ha de -redundar en mi daño, y no será bien que, pues se me da a mí por consejo que -sea agradecido, que vuestra merced no lo sea con quien tantas mercedes le -tiene hechas y con tanto regalo ha sido tratado en su castillo. - -Aquello del gateado no entiendo, pero imagino que debe de ser alguna de las -malas fechorías que con vuestra merced suelen usar los malos encantadores; -yo lo sabré cuando nos veamos. - -Quisiera enviarle a vuestra merced alguna cosa, pero no sé qué envíe, si no -es algunos cañutos de jeringas, que para con vejigas los hacen en esta -ínsula muy curiosos; aunque si me dura el oficio, yo buscaré qué enviar de -haldas o de mangas. - -Si me escribiere mi mujer Teresa Panza, pague vuestra merced el porte y -envíeme la carta,que tengo grandísimo deseo de saber del estado de mi casa, -de mi mujer y de mis hijos. Y con esto, Dios libre a vuestra merced de mal -intencionados encantadores, y a mí me saque con bien y en paz deste -gobierno, que lo dudo, porque le pienso dejar con la vida, según me trata -el doctor Pedro Recio. - -Criado de vuestra merced, - -Sancho Panza, el Gobernador. - -Cerró la carta el secretario y despachó luego al correo; y, juntándose los -burladores de Sancho, dieron orden entre sí cómo despacharle del gobierno; -y aquella tarde la pasó Sancho en hacer algunas ordenanzas tocantes al buen -gobierno de la que él imaginaba ser ínsula, y ordenó que no hubiese -regatones de los bastimentos en la república, y que pudiesen meter en ella -vino de las partes que quisiesen, con aditamento que declarasen el lugar de -donde era, para ponerle el precio según su estimación, bondad y fama, y el -que lo aguase o le mudase el nombre, perdiese la vida por ello. - -Moderó el precio de todo calzado, principalmente el de los zapatos, por -parecerle que corría con exorbitancia; puso tasa en los salarios de los -criados, que caminaban a rienda suelta por el camino del interese; puso -gravísimas penas a los que cantasen cantares lascivos y descompuestos, ni -de noche ni de día. Ordenó que ningún ciego cantase milagro en coplas si no -trujese testimonio auténtico de ser verdadero, por parecerle que los más -que los ciegos cantan son fingidos, en perjuicio de los verdaderos. - -Hizo y creó un alguacil de pobres, no para que los persiguiese, sino para -que los examinase si lo eran, porque a la sombra de la manquedad fingida y -de la llaga falsa andan los brazos ladrones y la salud borracha. En -resolución: él ordenó cosas tan buenas que hasta hoy se guardan en aquel -lugar, y se nombran Las constituciones del gran gobernador Sancho Panza. - - - - -Capítulo LII. Donde se cuenta la aventura de la segunda dueña Dolorida, o -Angustiada, llamada por otro nombre doña Rodríguez - -Cuenta Cide Hamete que estando ya don Quijote sano de sus aruños, le -pareció que la vida que en aquel castillo tenía era contra toda la orden de -caballería que profesaba, y así, determinó de pedir licencia a los duques -para partirse a Zaragoza, cuyas fiestas llegaban cerca, adonde pensaba -ganar el arnés que en las tales fiestas se conquista. - -Y, estando un día a la mesa con los duques, y comenzando a poner en obra su -intención y pedir la licencia, veis aquí a deshora entrar por la puerta de -la gran sala dos mujeres, como después pareció, cubiertas de luto de los -pies a la cabeza, y la una dellas, llegándose a don Quijote, se le echó a -los pies tendida de largo a largo, la boca cosida con los pies de don -Quijote, y daba unos gemidos tan tristes, tan profundos y tan dolorosos, -que puso en confusión a todos los que la oían y miraban; y, aunque los -duques pensaron que sería alguna burla que sus criados querían hacer a don -Quijote, todavía, viendo con el ahínco que la mujer suspiraba, gemía y -lloraba, los tuvo dudosos y suspensos, hasta que don Quijote, compasivo, la -levantó del suelo y hizo que se descubriese y quitase el manto de sobre la -faz llorosa. - -Ella lo hizo así, y mostró ser lo que jamás se pudiera pensar, porque -descubrió el rostro de doña Rodríguez, la dueña de casa, y la otra enlutada -era su hija, la burlada del hijo del labrador rico. Admiráronse todos -aquellos que la conocían, y más los duques que ninguno; que, puesto que la -tenían por boba y de buena pasta, no por tanto que viniese a hacer locuras. -Finalmente, doña Rodríguez, volviéndose a los señores, les dijo: - -— Vuesas excelencias sean servidos de darme licencia que yo departa un poco -con este caballero, porque así conviene para salir con bien del negocio en -que me ha puesto el atrevimiento de un mal intencionado villano. - -El duque dijo que él se la daba, y que departiese con el señor don Quijote -cuanto le viniese en deseo. Ella, enderezando la voz y el rostro a don -Quijote, dijo: - -— Días ha, valeroso caballero, que os tengo dada cuenta de la sinrazón y -alevosía que un mal labrador tiene fecha a mi muy querida y amada fija, que -es esta desdichada que aquí está presente, y vos me habedes prometido de -volver por ella, enderezándole el tuerto que le tienen fecho, y agora ha -llegado a mi noticia que os queredes partir deste castillo, en busca de las -buenas venturas que Dios os depare; y así, querría que, antes que os -escurriésedes por esos caminos, desafiásedes a este rústico indómito, y le -hiciésedes que se casase con mi hija, en cumplimiento de la palabra que le -dio de ser su esposo, antes y primero que yogase con ella; porque pensar -que el duque mi señor me ha de hacer justicia es pedir peras al olmo, por -la ocasión que ya a vuesa merced en puridad tengo declarada. Y con esto, -Nuestro Señor dé a vuesa merced mucha salud, y a nosotras no nos desampare. - -A cuyas razones respondió don Quijote, con mucha gravedad y prosopopeya: - -— Buena dueña, templad vuestras lágrimas, o, por mejor decir, enjugadlas y -ahorrad de vuestros suspiros, que yo tomo a mi cargo el remedio de vuestra -hija, a la cual le hubiera estado mejor no haber sido tan fácil en creer -promesas de enamorados, las cuales, por la mayor parte, son ligeras de -prometer y muy pesadas de cumplir; y así, con licencia del duque mi señor, -yo me partiré luego en busca dese desalmado mancebo, y le hallaré, y le -desafiaré, y le mataré cada y cuando que se escusare de cumplir la -prometida palabra; que el principal asumpto de mi profesión es perdonar a -los humildes y castigar a los soberbios; quiero decir: acorrer a los -miserables y destruir a los rigurosos. - -— No es menester —respondió el duque— que vuesa merced se ponga en trabajo -de buscar al rústico de quien esta buena dueña se queja, ni es menester -tampoco que vuesa merced me pida a mí licencia para desafiarle; que yo le -doy por desafiado, y tomo a mi cargo de hacerle saber este desafío, y que -le acete, y venga a responder por sí a este mi castillo, donde a entrambos -daré campo seguro, guardando todas las condiciones que en tales actos -suelen y deben guardarse, guardando igualmente su justicia a cada uno, como -están obligados a guardarla todos aquellos príncipes que dan campo franco a -los que se combaten en los términos de sus señoríos. - -— Pues con ese seguro y con buena licencia de vuestra grandeza —replicó don -Quijote—, desde aquí digo que por esta vez renuncio a mi hidalguía, y me -allano y ajusto con la llaneza del dañador, y me hago igual con él, -habilitándole para poder combatir conmigo; y así, aunque ausente, le -desafío y repto, en razón de que hizo mal en defraudar a esta pobre, que -fue doncella y ya por su culpa no lo es, y que le ha de cumplir la palabra -que le dio de ser su legítimo esposo, o morir en la demanda. - -Y luego, descalzándose un guante, le arrojó en mitad de la sala, y el duque -le alzó, diciendo que, como ya había dicho, él acetaba el tal desafío en -nombre de su vasallo, y señalaba el plazo de allí a seis días; y el campo, -en la plaza de aquel castillo; y las armas, las acostumbradas de los -caballeros: lanza y escudo, y arnés tranzado, con todas las demás piezas, -sin engaño, superchería o superstición alguna, examinadas y vistas por los -jueces del campo. - -— Pero, ante todas cosas, es menester que esta buena dueña y esta mala -doncella pongan el derecho de su justicia en manos del señor don Quijote; -que de otra manera no se hará nada, ni llegará a debida ejecución el tal -desafío. - -— Yo sí pongo —respondió la dueña. - -— Y yo también —añadió la hija, toda llorosa y toda vergonzosa y de mal -talante. - -Tomado, pues, este apuntamiento, y habiendo imaginado el duque lo que había -de hacer en el caso, las enlutadas se fueron, y ordenó la duquesa que de -allí adelante no las tratasen como a sus criadas, sino como a señoras -aventureras que venían a pedir justicia a su casa; y así, les dieron cuarto -aparte y las sirvieron como a forasteras, no sin espanto de las demás -criadas, que no sabían en qué había de parar la sandez y desenvoltura de -doña Rodríguez y de su malandante hija. - -Estando en esto, para acabar de regocijar la fiesta y dar buen fin a la -comida, veis aquí donde entró por la sala el paje que llevó las cartas y -presentes a Teresa Panza, mujer del gobernador Sancho Panza, de cuya -llegada recibieron gran contento los duques, deseosos de saber lo que le -había sucedido en su viaje; y, preguntándoselo, respondió el paje que no lo -podía decir tan en público ni con breves palabras: que sus excelencias -fuesen servidos de dejarlo para a solas, y que entretanto se entretuviesen -con aquellas cartas. Y, sacando dos cartas, las puso en manos de la -duquesa. La una decía en el sobreescrito: Carta para mi señora la duquesa -tal, de no sé dónde, y la otra: A mi marido Sancho Panza, gobernador de la -ínsula Barataria, que Dios prospere más años que a mí. No se le cocía el -pan, como suele decirse, a la duquesa hasta leer su carta, y abriéndola y -leído para sí, y viendo que la podía leer en voz alta para que el duque y -los circunstantes la oyesen, leyó desta manera: - -Carta de Teresa Panza a la Duquesa - -Mucho contento me dio, señora mía, la carta que vuesa grandeza me escribió, -que en verdad que la tenía bien deseada. La sarta de corales es muy buena, -y el vestido de caza de mi marido no le va en zaga. De que vuestra señoría -haya hecho gobernador a Sancho, mi consorte, ha recebido mucho gusto todo -este lugar, puesto que no hay quien lo crea, principalmente el cura, y mase -Nicolás el barbero, y Sansón Carrasco el bachiller; pero a mí no se me da -nada; que, como ello sea así, como lo es, diga cada uno lo que quisiere; -aunque, si va a decir verdad, a no venir los corales y el vestido, tampoco -yo lo creyera, porque en este pueblo todos tienen a mi marido por un porro, -y que, sacado de gobernar un hato de cabras, no pueden imaginar para qué -gobierno pueda ser bueno. Dios lo haga, y lo encamine como vee que lo han -menester sus hijos. - -Yo, señora de mi alma, estoy determinada, con licencia de vuesa merced, de -meter este buen día en mi casa, yéndome a la corte a tenderme en un coche, -para quebrar los ojos a mil envidiosos que ya tengo; y así, suplico a vuesa -excelencia mande a mi marido me envíe algún dinerillo, y que sea algo qué, -porque en la corte son los gastos grandes: que el pan vale a real, y la -carne, la libra, a treinta maravedís, que es un juicio; y si quisiere que -no vaya, que me lo avise con tiempo, porque me están bullendo los pies por -ponerme en camino; que me dicen mis amigas y mis vecinas que, si yo y mi -hija andamos orondas y pomposas en la corte, vendrá a ser conocido mi -marido por mí más que yo por él, siendo forzoso que pregunten muchos: -''—¿Quién son estas señoras deste coche?'' Y un criado mío responder: ''—La -mujer y la hija de Sancho Panza, gobernador de la ínsula Barataria''; y -desta manera será conocido Sancho, y yo seré estimada, y a Roma por todo. - -Pésame, cuanto pesarme puede, que este año no se han cogido bellotas en -este pueblo; con todo eso, envío a vuesa alteza hasta medio celemín, que -una a una las fui yo a coger y a escoger al monte, y no las hallé más -mayores; yo quisiera que fueran como huevos de avestruz. - -No se le olvide a vuestra pomposidad de escribirme, que yo tendré cuidado -de la respuesta, avisando de mi salud y de todo lo que hubiere que avisar -deste lugar, donde quedo rogando a Nuestro Señor guarde a vuestra grandeza, -y a mí no olvide. Sancha, mi hija, y mi hijo besan a vuestra merced las -manos. - -La que tiene más deseo de ver a vuestra señoría que de escribirla, su -criada, - -Teresa Panza. - -Grande fue el gusto que todos recibieron de oír la carta de Teresa Panza, -principalmente los duques, y la duquesa pidió parecer a don Quijote si -sería bien abrir la carta que venía para el gobernador, que imaginaba debía -de ser bonísima. Don Quijote dijo que él la abriría por darles gusto, y así -lo hizo, y vio que decía desta manera: - -Carta de Teresa Panza a Sancho Panza su marido - -Tu carta recibí, Sancho mío de mi alma, y yo te prometo y juro como -católica cristiana que no faltaron dos dedos para volverme loca de -contento. Mira, hermano: cuando yo llegué a oír que eres gobernador, me -pensé allí caer muerta de puro gozo, que ya sabes tú que dicen que así mata -la alegría súbita como el dolor grande. A Sanchica, tu hija, se le fueron -las aguas sin sentirlo, de puro contento. El vestido que me enviaste tenía -delante, y los corales que me envió mi señora la duquesa al cuello, y las -cartas en las manos, y el portador dellas allí presente, y, con todo eso, -creía y pensaba que era todo sueño lo que veía y lo que tocaba; porque, -¿quién podía pensar que un pastor de cabras había de venir a ser gobernador -de ínsulas? Ya sabes tú, amigo, que decía mi madre que era menester vivir -mucho para ver mucho: dígolo porque pienso ver más si vivo más; porque no -pienso parar hasta verte arrendador o alcabalero, que son oficios que, -aunque lleva el diablo a quien mal los usa, en fin en fin, siempre tienen y -manejan dineros. Mi señora la duquesa te dirá el deseo que tengo de ir a la -corte; mírate en ello, y avísame de tu gusto, que yo procuraré honrarte en -ella andando en coche. - -El cura, el barbero, el bachiller y aun el sacristán no pueden creer que -eres gobernador, y dicen que todo es embeleco, o cosas de encantamento, -como son todas las de don Quijote tu amo; y dice Sansón que ha de ir a -buscarte y a sacarte el gobierno de la cabeza, y a don Quijote la locura de -los cascos; yo no hago sino reírme, y mirar mi sarta, y dar traza del -vestido que tengo de hacer del tuyo a nuestra hija. - -Unas bellotas envié a mi señora la duquesa; yo quisiera que fueran de oro. -Envíame tú algunas sartas de perlas, si se usan en esa ínsula. - -Las nuevas deste lugar son que la Berrueca casó a su hija con un pintor de -mala mano, que llegó a este pueblo a pintar lo que saliese; mandóle el -Concejo pintar las armas de Su Majestad sobre las puertas del Ayuntamiento, -pidió dos ducados, diéronselos adelantados, trabajó ocho días, al cabo de -los cuales no pintó nada, y dijo que no acertaba a pintar tantas baratijas; -volvió el dinero, y, con todo eso, se casó a título de buen oficial; verdad -es que ya ha dejado el pincel y tomado el azada, y va al campo como -gentilhombre. El hijo de Pedro de Lobo se ha ordenado de grados y corona, -con intención de hacerse clérigo; súpolo Minguilla, la nieta de Mingo -Silvato, y hale puesto demanda de que la tiene dada palabra de casamiento; -malas lenguas quieren decir que ha estado encinta dél, pero él lo niega a -pies juntillas. - -Hogaño no hay aceitunas, ni se halla una gota de vinagre en todo este -pueblo. Por aquí pasó una compañía de soldados; lleváronse de camino tres -mozas deste pueblo; no te quiero decir quién son: quizá volverán, y no -faltará quien las tome por mujeres, con sus tachas buenas o malas. - -Sanchica hace puntas de randas; gana cada día ocho maravedís horros, que -los va echando en una alcancía para ayuda a su ajuar; pero ahora que es -hija de un gobernador, tú le darás la dote sin que ella lo trabaje. La -fuente de la plaza se secó; un rayo cayó en la picota, y allí me las den -todas. - -Espero respuesta désta y la resolución de mi ida a la corte; y, con esto, -Dios te me guarde más años que a mí o tantos, porque no querría dejarte sin -mí en este mundo. - -Tu mujer, - -Teresa Panza. - -Las cartas fueron solenizadas, reídas, estimadas y admiradas; y, para -acabar de echar el sello, llegó el correo, el que traía la que Sancho -enviaba a don Quijote, que asimesmo se leyó públicamente, la cual puso en -duda la sandez del gobernador. - -Retiróse la duquesa, para saber del paje lo que le había sucedido en el -lugar de Sancho, el cual se lo contó muy por estenso, sin dejar -circunstancia que no refiriese; diole las bellotas, y más un queso que -Teresa le dio, por ser muy bueno, que se aventajaba a los de Tronchón -Recibiólo la duquesa con grandísimo gusto, con el cual la dejaremos, por -contar el fin que tuvo el gobierno del gran Sancho Panza, flor y espejo de -todos los insulanos gobernadores. - - - - -Capítulo LIII. Del fatigado fin y remate que tuvo el gobierno de Sancho -Panza - -''Pensar que en esta vida las cosas della han de durar siempre en un estado -es pensar en lo escusado; antes parece que ella anda todo en redondo, digo, -a la redonda: la primavera sigue al verano, el verano al estío, el estío al -otoño, y el otoño al invierno, y el invierno a la primavera, y así torna a -andarse el tiempo con esta rueda continua; sola la vida humana corre a su -fin ligera más que el tiempo, sin esperar renovarse si no es en la otra, -que no tiene términos que la limiten''. Esto dice Cide Hamete, filósofo -mahomético; porque esto de entender la ligereza e instabilidad de la vida -presente, y de la duración de la eterna que se espera, muchos sin lumbre de -fe, sino con la luz natural, lo han entendido; pero aquí, nuestro autor lo -dice por la presteza con que se acabó, se consumió, se deshizo, se fue como -en sombra y humo el gobierno de Sancho. - -El cual, estando la séptima noche de los días de su gobierno en su cama, no -harto de pan ni de vino, sino de juzgar y dar pareceres y de hacer -estatutos y pragmáticas, cuando el sueño, a despecho y pesar de la hambre, -le comenzaba a cerrar los párpados, oyó tan gran ruido de campanas y de -voces, que no parecía sino que toda la ínsula se hundía. Sentóse en la -cama, y estuvo atento y escuchando, por ver si daba en la cuenta de lo que -podía ser la causa de tan grande alboroto; pero no sólo no lo supo, pero, -añadiéndose al ruido de voces y campanas el de infinitas trompetas y -atambores, quedó más confuso y lleno de temor y espanto; y, levantándose en -pie, se puso unas chinelas, por la humedad del suelo, y, sin ponerse -sobrerropa de levantar, ni cosa que se pareciese, salió a la puerta de su -aposento, a tiempo cuando vio venir por unos corredores más de veinte -personas con hachas encendidas en las manos y con las espadas -desenvainadas, gritando todos a grandes voces: - -— ¡Arma, arma, señor gobernador, arma!; que han entrado infinitos enemigos -en la ínsula, y somos perdidos si vuestra industria y valor no nos socorre. - -Con este ruido, furia y alboroto llegaron donde Sancho estaba, atónito y -embelesado de lo que oía y veía; y, cuando llegaron a él, uno le dijo: - -— ¡Ármese luego vuestra señoría, si no quiere perderse y que toda esta -ínsula se pierda! - -— ¿Qué me tengo de armar —respondió Sancho—, ni qué sé yo de armas ni de -socorros? Estas cosas mejor será dejarlas para mi amo don Quijote, que en -dos paletas las despachará y pondrá en cobro; que yo, pecador fui a Dios, -no se me entiende nada destas priesas. - -— ¡Ah, señor gobernador! —dijo otro—. ¿Qué relente es ése? Ármese vuesa -merced, que aquí le traemos armas ofensivas y defensivas, y salga a esa -plaza, y sea nuestra guía y nuestro capitán, pues de derecho le toca el -serlo, siendo nuestro gobernador. - -— Ármenme norabuena —replicó Sancho. - -Y al momento le trujeron dos paveses, que venían proveídos dellos, y le -pusieron encima de la camisa, sin dejarle tomar otro vestido, un pavés -delante y otro detrás, y, por unas concavidades que traían hechas, le -sacaron los brazos, y le liaron muy bien con unos cordeles, de modo que -quedó emparedado y entablado, derecho como un huso, sin poder doblar las -rodillas ni menearse un solo paso. Pusiéronle en las manos una lanza, a la -cual se arrimó para poder tenerse en pie. Cuando así le tuvieron, le -dijeron que caminase, y los guiase y animase a todos; que, siendo él su -norte, su lanterna y su lucero, tendrían buen fin sus negocios. - -— ¿Cómo tengo de caminar, desventurado yo —respondió Sancho—, que no puedo -jugar las choquezuelas de las rodillas, porque me lo impiden estas tablas -que tan cosidas tengo con mis carnes? Lo que han de hacer es llevarme en -brazos y ponerme, atravesado o en pie, en algún postigo, que yo le -guardaré, o con esta lanza o con mi cuerpo. - -— Ande, señor gobernador —dijo otro—, que más el miedo que las tablas le -impiden el paso; acabe y menéese, que es tarde, y los enemigos crecen, y -las voces se aumentan y el peligro carga. - -Por cuyas persuasiones y vituperios probó el pobre gobernador a moverse, y -fue dar consigo en el suelo tan gran golpe, que pensó que se había hecho -pedazos. Quedó como galápago encerrado y cubierto con sus conchas, o como -medio tocino metido entre dos artesas, o bien así como barca que da al -través en la arena; y no por verle caído aquella gente burladora le -tuvieron compasión alguna; antes, apagando las antorchas, tornaron a -reforzar las voces, y a reiterar el ¡arma! con tan gran priesa, pasando por -encima del pobre Sancho, dándole infinitas cuchilladas sobre los paveses, -que si él no se recogiera y encogiera, metiendo la cabeza entre los -paveses, lo pasara muy mal el pobre gobernador, el cual, en aquella -estrecheza recogido, sudaba y trasudaba, y de todo corazón se encomendaba a -Dios que de aquel peligro le sacase. - -Unos tropezaban en él, otros caían, y tal hubo que se puso encima un buen -espacio, y desde allí, como desde atalaya, gobernaba los ejércitos, y a -grandes voces decía: - -— ¡Aquí de los nuestros, que por esta parte cargan más los enemigos! ¡Aquel -portillo se guarde, aquella puerta se cierre, aquellas escalas se tranquen! -¡Vengan alcancías, pez y resina en calderas de aceite ardiendo! -¡Trinchéense las calles con colchones! - -En fin, él nombraba con todo ahínco todas las baratijas e instrumentos y -pertrechos de guerra con que suele defenderse el asalto de una ciudad, y el -molido Sancho, que lo escuchaba y sufría todo, decía entre sí: - -— ¡Oh, si mi Señor fuese servido que se acabase ya de perder esta ínsula, y -me viese yo o muerto o fuera desta grande angustia! - -Oyó el cielo su petición, y, cuando menos lo esperaba, oyó voces que -decían: - -— ¡Vitoria, vitoria! ¡Los enemigos van de vencida! ¡Ea, señor gobernador, -levántese vuesa merced y venga a gozar del vencimiento y a repartir los -despojos que se han tomado a los enemigos, por el valor dese invencible -brazo! - -— Levántenme —dijo con voz doliente el dolorido Sancho. - -Ayudáronle a levantar, y, puesto en pie, dijo: - -— El enemigo que yo hubiere vencido quiero que me le claven en la frente. Yo -no quiero repartir despojos de enemigos, sino pedir y suplicar a algún -amigo, si es que le tengo, que me dé un trago de vino, que me seco, y me -enjugue este sudor, que me hago agua. - -Limpiáronle, trujéronle el vino, desliáronle los paveses, sentóse sobre su -lecho y desmayóse del temor, del sobresalto y del trabajo. Ya les pesaba a -los de la burla de habérsela hecho tan pesada; pero el haber vuelto en sí -Sancho les templó la pena que les había dado su desmayo. Preguntó qué hora -era, respondiéronle que ya amanecía. Calló, y, sin decir otra cosa, comenzó -a vestirse, todo sepultado en silencio, y todos le miraban y esperaban en -qué había de parar la priesa con que se vestía. Vistióse, en fin, y poco a -poco, porque estaba molido y no podía ir mucho a mucho, se fue a la -caballeriza, siguiéndole todos los que allí se hallaban, y, llegándose al -rucio, le abrazó y le dio un beso de paz en la frente, y, no sin lágrimas -en los ojos, le dijo: - -— Venid vos acá, compañero mío y amigo mío, y conllevador de mis trabajos y -miserias: cuando yo me avenía con vos y no tenía otros pensamientos que los -que me daban los cuidados de remendar vuestros aparejos y de sustentar -vuestro corpezuelo, dichosas eran mis horas, mis días y mis años; pero, -después que os dejé y me subí sobre las torres de la ambición y de la -soberbia, se me han entrado por el alma adentro mil miserias, mil trabajos -y cuatro mil desasosiegos. - -Y, en tanto que estas razones iba diciendo, iba asimesmo enalbardando el -asno, sin que nadie nada le dijese. Enalbardado, pues, el rucio, con gran -pena y pesar subió sobre él, y, encaminando sus palabras y razones al -mayordomo, al secretario, al maestresala y a Pedro Recio el doctor, y a -otros muchos que allí presentes estaban, dijo: - -— Abrid camino, señores míos, y dejadme volver a mi antigua libertad; -dejadme que vaya a buscar la vida pasada, para que me resucite de esta -muerte presente. Yo no nací para ser gobernador, ni para defender ínsulas -ni ciudades de los enemigos que quisieren acometerlas. Mejor se me entiende -a mí de arar y cavar, podar y ensarmentar las viñas, que de dar leyes ni de -defender provincias ni reinos. Bien se está San Pedro en Roma: quiero -decir, que bien se está cada uno usando el oficio para que fue nacido. -Mejor me está a mí una hoz en la mano que un cetro de gobernador; más -quiero hartarme de gazpachos que estar sujeto a la miseria de un médico -impertinente que me mate de hambre; y más quiero recostarme a la sombra de -una encina en el verano y arroparme con un zamarro de dos pelos en el -invierno, en mi libertad, que acostarme con la sujeción del gobierno entre -sábanas de holanda y vestirme de martas cebollinas. Vuestras mercedes se -queden con Dios, y digan al duque mi señor que, desnudo nací, desnudo me -hallo: ni pierdo ni gano; quiero decir, que sin blanca entré en este -gobierno y sin ella salgo, bien al revés de como suelen salir los -gobernadores de otras ínsulas. Y apártense: déjenme ir, que me voy a -bizmar; que creo que tengo brumadas todas las costillas, merced a los -enemigos que esta noche se han paseado sobre mí. - -— No ha de ser así, señor gobernador —dijo el doctor Recio—, que yo le daré -a vuesa merced una bebida contra caídas y molimientos, que luego le vuelva -en su prístina entereza y vigor; y, en lo de la comida, yo prometo a vuesa -merced de enmendarme, dejándole comer abundantemente de todo aquello que -quisiere. - -— ¡Tarde piache! —respondió Sancho—. Así dejaré de irme como volverme turco. -No son estas burlas para dos veces. Por Dios que así me quede en éste, ni -admita otro gobierno, aunque me le diesen entre dos platos, como volar al -cielo sin alas. Yo soy del linaje de los Panzas, que todos son testarudos, -y si una vez dicen nones, nones han de ser, aunque sean pares, a pesar de -todo el mundo. Quédense en esta caballeriza las alas de la hormiga, que me -levantaron en el aire para que me comiesen vencejos y otros pájaros, y -volvámonos a andar por el suelo con pie llano, que, si no le adornaren -zapatos picados de cordobán, no le faltarán alpargatas toscas de cuerda. -Cada oveja con su pareja, y nadie tienda más la pierna de cuanto fuere -larga la sábana; y déjenme pasar, que se me hace tarde. - -A lo que el mayordomo dijo: - -— Señor gobernador, de muy buena gana dejáramos ir a vuesa merced, puesto -que nos pesará mucho de perderle, que su ingenio y su cristiano proceder -obligan a desearle; pero ya se sabe que todo gobernador está obligado, -antes que se ausente de la parte donde ha gobernado, dar primero -residencia: déla vuesa merced de los diez días que ha que tiene el -gobierno, y váyase a la paz de Dios. - -— Nadie me la puede pedir —respondió Sancho—, si no es quien ordenare el -duque mi señor; yo voy a verme con él, y a él se la daré de molde; cuanto -más que, saliendo yo desnudo, como salgo, no es menester otra señal para -dar a entender que he gobernado como un ángel. - -— Par Dios que tiene razón el gran Sancho —dijo el doctor Recio—, y que soy -de parecer que le dejemos ir, porque el duque ha de gustar infinito de -verle. - -Todos vinieron en ello, y le dejaron ir, ofreciéndole primero compañía y -todo aquello que quisiese para el regalo de su persona y para la comodidad -de su viaje. Sancho dijo que no quería más de un poco de cebada para el -rucio y medio queso y medio pan para él; que, pues el camino era tan corto, -no había menester mayor ni mejor repostería. Abrazáronle todos, y él, -llorando, abrazó a todos, y los dejó admirados, así de sus razones como de -su determinación tan resoluta y tan discreta. - - - - -Capítulo LIV. Que trata de cosas tocantes a esta historia, y no a otra -alguna - -Resolviéronse el duque y la duquesa de que el desafío que don Quijote hizo -a su vasallo, por la causa ya referida, pasase adelante; y, puesto que el -mozo estaba en Flandes, adonde se había ido huyendo, por no tener por -suegra a doña Rodríguez, ordenaron de poner en su lugar a un lacayo gascón, -que se llamaba Tosilos, industriándole primero muy bien de todo lo que -había de hacer. - -De allí a dos días dijo el duque a don Quijote como desde allí a cuatro -vendría su contrario, y se presentaría en el campo, armado como caballero, -y sustentaría como la doncella mentía por mitad de la barba, y aun por toda -la barba entera, si se afirmaba que él le hubiese dado palabra de -casamiento. Don Quijote recibió mucho gusto con las tales nuevas, y se -prometió a sí mismo de hacer maravillas en el caso, y tuvo a gran ventura -habérsele ofrecido ocasión donde aquellos señores pudiesen ver hasta dónde -se estendía el valor de su poderoso brazo; y así, con alborozo y contento, -esperaba los cuatro días, que se le iban haciendo, a la cuenta de su deseo, -cuatrocientos siglos. - -Dejémoslos pasar nosotros, como dejamos pasar otras cosas, y vamos a -acompañar a Sancho, que entre alegre y triste venía caminando sobre el -rucio a buscar a su amo, cuya compañía le agradaba más que ser gobernador -de todas las ínsulas del mundo. - -Sucedió, pues, que, no habiéndose alongado mucho de la ínsula del su -gobierno —que él nunca se puso a averiguar si era ínsula, ciudad, villa o -lugar la que gobernaba—, vio que por el camino por donde él iba venían seis -peregrinos con sus bordones, de estos estranjeros que piden la limosna -cantando, los cuales, en llegando a él, se pusieron en ala, y, levantando -las voces todos juntos, comenzaron a cantar en su lengua lo que Sancho no -pudo entender, si no fue una palabra que claramente pronunciaba limosna, -por donde entendió que era limosna la que en su canto pedían; y como él, -según dice Cide Hamete, era caritativo además, sacó de sus alforjas medio -pan y medio queso, de que venía proveído, y dióselo, diciéndoles por señas -que no tenía otra cosa que darles. Ellos lo recibieron de muy buena gana, y -dijeron: - -— ¡Guelte! ¡Guelte! - -— No entiendo —respondió Sancho— qué es lo que me pedís, buena gente. - -Entonces uno de ellos sacó una bolsa del seno y mostrósela a Sancho, por -donde entendió que le pedían dineros; y él, poniéndose el dedo pulgar en la -garganta y estendiendo la mano arriba, les dio a entender que no tenía -ostugo de moneda, y, picando al rucio, rompió por ellos; y, al pasar, -habiéndole estado mirando uno dellos con mucha atención, arremetió a él, -echándole los brazos por la cintura; en voz alta y muy castellana, dijo: - -— ¡Válame Dios! ¿Qué es lo que veo? ¿Es posible que tengo en mis brazos al -mi caro amigo, al mi buen vecino Sancho Panza? Sí tengo, sin duda, porque -yo ni duermo, ni estoy ahora borracho. - -Admiróse Sancho de verse nombrar por su nombre y de verse abrazar del -estranjero peregrino, y, después de haberle estado mirando sin hablar -palabra, con mucha atención, nunca pudo conocerle; pero, viendo su -suspensión el peregrino, le dijo: - -— ¿Cómo, y es posible, Sancho Panza hermano, que no conoces a tu vecino -Ricote el morisco, tendero de tu lugar? - -Entonces Sancho le miró con más atención y comenzó a rafigurarle, y , -finalmente, le vino a conocer de todo punto, y, sin apearse del jumento, le -echó los brazos al cuello, y le dijo: - -— ¿Quién diablos te había de conocer, Ricote, en ese traje de moharracho que -traes? Dime: ¿quién te ha hecho franchote, y cómo tienes atrevimiento de -volver a España, donde si te cogen y conocen tendrás harta mala ventura? - -— Si tú no me descubres, Sancho —respondió el peregrino—, seguro estoy que -en este traje no habrá nadie que me conozca; y apartémonos del camino a -aquella alameda que allí parece, donde quieren comer y reposar mis -compañeros, y allí comerás con ellos, que son muy apacible gente. Yo tendré -lugar de contarte lo que me ha sucedido después que me partí de nuestro -lugar, por obedecer el bando de Su Majestad, que con tanto rigor a los -desdichados de mi nación amenazaba, según oíste. - -Hízolo así Sancho, y, hablando Ricote a los demás peregrinos, se apartaron -a la alameda que se parecía, bien desviados del camino real. Arrojaron los -bordones, quitáronse las mucetas o esclavinas y quedaron en pelota, y todos -ellos eran mozos y muy gentileshombres, excepto Ricote, que ya era hombre -entrado en años. Todos traían alforjas, y todas, según pareció, venían bien -proveídas, a lo menos, de cosas incitativas y que llaman a la sed de dos -leguas. - -Tendiéronse en el suelo, y, haciendo manteles de las yerbas, pusieron sobre -ellas pan, sal, cuchillos, nueces, rajas de queso, huesos mondos de jamón, -que si no se dejaban mascar, no defendían el ser chupados. Pusieron -asimismo un manjar negro que dicen que se llama cavial, y es hecho de -huevos de pescados, gran despertador de la colambre. No faltaron aceitunas, -aunque secas y sin adobo alguno, pero sabrosas y entretenidas. Pero lo que -más campeó en el campo de aquel banquete fueron seis botas de vino, que -cada uno sacó la suya de su alforja; hasta el buen Ricote, que se había -transformado de morisco en alemán o en tudesco, sacó la suya, que en -grandeza podía competir con las cinco. - -Comenzaron a comer con grandísimo gusto y muy de espacio, saboreándose con -cada bocado, que le tomaban con la punta del cuchillo, y muy poquito de -cada cosa, y luego, al punto, todos a una, levantaron los brazos y las -botas en el aire; puestas las bocas en su boca, clavados los ojos en el -cielo, no parecía sino que ponían en él la puntería; y desta manera, -meneando las cabezas a un lado y a otro, señales que acreditaban el gusto -que recebían, se estuvieron un buen espacio, trasegando en sus estómagos -las entrañas de las vasijas. - -Todo lo miraba Sancho, y de ninguna cosa se dolía; antes, por cumplir con -el refrán, que él muy bien sabía, de "cuando a Roma fueres, haz como -vieres", pidió a Ricote la bota, y tomó su puntería como los demás, y no -con menos gusto que ellos. - -Cuatro veces dieron lugar las botas para ser empinadas; pero la quinta no -fue posible, porque ya estaban más enjutas y secas que un esparto, cosa que -puso mustia la alegría que hasta allí habían mostrado. De cuando en cuando, -juntaba alguno su mano derecha con la de Sancho, y decía: - -— Español y tudesqui, tuto uno: bon compaño. - -Y Sancho respondía: Bon compaño, jura Di! - -Y disparaba con una risa que le duraba un hora, sin acordarse entonces de -nada de lo que le había sucedido en su gobierno; porque sobre el rato y -tiempo cuando se come y bebe, poca jurisdición suelen tener los cuidados. -Finalmente, el acabársele el vino fue principio de un sueño que dio a -todos, quedándose dormidos sobre las mismas mesas y manteles; solos Ricote -y Sancho quedaron alerta, porque habían comido más y bebido menos; y, -apartando Ricote a Sancho, se sentaron al pie de una haya, dejando a los -peregrinos sepultados en dulce sueño; y Ricote, sin tropezar nada en su -lengua morisca, en la pura castellana le dijo las siguientes razones: - -— «Bien sabes, ¡oh Sancho Panza, vecino y amigo mío!, como el pregón y bando -que Su Majestad mandó publicar contra los de mi nación puso terror y -espanto en todos nosotros; a lo menos, en mí le puso de suerte que me -parece que antes del tiempo que se nos concedía para que hiciésemos -ausencia de España, ya tenía el rigor de la pena ejecutado en mi persona y -en la de mis hijos. Ordené, pues, a mi parecer como prudente, bien así como -el que sabe que para tal tiempo le han de quitar la casa donde vive y se -provee de otra donde mudarse; ordené, digo, de salir yo solo, sin mi -familia, de mi pueblo, y ir a buscar donde llevarla con comodidad y sin la -priesa con que los demás salieron; porque bien vi, y vieron todos nuestros -ancianos, que aquellos pregones no eran sólo amenazas, como algunos decían, -sino verdaderas leyes, que se habían de poner en ejecución a su determinado -tiempo; y forzábame a creer esta verdad saber yo los ruines y disparatados -intentos que los nuestros tenían, y tales, que me parece que fue -inspiración divina la que movió a Su Majestad a poner en efecto tan -gallarda resolución, no porque todos fuésemos culpados, que algunos había -cristianos firmes y verdaderos; pero eran tan pocos que no se podían oponer -a los que no lo eran, y no era bien criar la sierpe en el seno, teniendo -los enemigos dentro de casa. Finalmente, con justa razón fuimos castigados -con la pena del destierro, blanda y suave al parecer de algunos, pero al -nuestro, la más terrible que se nos podía dar. Doquiera que estamos -lloramos por España, que, en fin, nacimos en ella y es nuestra patria -natural; en ninguna parte hallamos el acogimiento que nuestra desventura -desea, y en Berbería, y en todas las partes de África, donde esperábamos -ser recebidos, acogidos y regalados, allí es donde más nos ofenden y -maltratan. No hemos conocido el bien hasta que le hemos perdido; y es el -deseo tan grande, que casi todos tenemos de volver a España, que los más de -aquellos, y son muchos, que saben la lengua como yo, se vuelven a ella, y -dejan allá sus mujeres y sus hijos desamparados: tanto es el amor que la -tienen; y agora conozco y experimento lo que suele decirse: que es dulce el -amor de la patria. Salí, como digo, de nuestro pueblo, entré en Francia, y, -aunque allí nos hacían buen acogimiento, quise verlo todo. Pasé a Italia y -llegué a Alemania, y allí me pareció que se podía vivir con más libertad, -porque sus habitadores no miran en muchas delicadezas: cada uno vive como -quiere, porque en la mayor parte della se vive con libertad de conciencia. -Dejé tomada casa en un pueblo junto a Augusta; juntéme con estos -peregrinos, que tienen por costumbre de venir a España muchos dellos, cada -año, a visitar los santuarios della, que los tienen por sus Indias, y por -certísima granjería y conocida ganancia. Ándanla casi toda, y no hay pueblo -ninguno de donde no salgan comidos y bebidos, como suele decirse, y con un -real, por lo menos, en dineros, y al cabo de su viaje salen con más de cien -escudos de sobra que, trocados en oro, o ya en el hueco de los bordones, o -entre los remiendos de las esclavinas, o con la industria que ellos pueden, -los sacan del reino y los pasan a sus tierras, a pesar de las guardas de -los puestos y puertos donde se registran. Ahora es mi intención, Sancho, -sacar el tesoro que dejé enterrado, que por estar fuera del pueblo lo podré -hacer sin peligro y escribir o pasar desde Valencia a mi hija y a mi mujer, -que sé que está en Argel, y dar traza como traerlas a algún puerto de -Francia, y desde allí llevarlas a Alemania, donde esperaremos lo que Dios -quisiere hacer de nosotros; que, en resolución, Sancho, yo sé cierto que la -Ricota mi hija y Francisca Ricota, mi mujer, son católicas cristianas, y, -aunque yo no lo soy tanto, todavía tengo más de cristiano que de moro, y -ruego siempre a Dios me abra los ojos del entendimiento y me dé a conocer -cómo le tengo de servir. Y lo que me tiene admirado es no saber por qué se -fue mi mujer y mi hija antes a Berbería que a Francia, adonde podía vivir -como cristiana.» - -A lo que respondió Sancho: - -— Mira, Ricote, eso no debió estar en su mano, porque las llevó Juan -Tiopieyo, el hermano de tu mujer; y, como debe de ser fino moro, fuese a lo -más bien parado, y séte decir otra cosa: que creo que vas en balde a buscar -lo que dejaste encerrado; porque tuvimos nuevas que habían quitado a tu -cuñado y tu mujer muchas perlas y mucho dinero en oro que llevaban por -registrar. - -— Bien puede ser eso —replicó Ricote—, pero yo sé, Sancho, que no tocaron a -mi encierro, porque yo no les descubrí dónde estaba, temeroso de algún -desmán; y así, si tú, Sancho, quieres venir conmigo y ayudarme a sacarlo y -a encubrirlo, yo te daré docientos escudos, con que podrás remediar tus -necesidades, que ya sabes que sé yo que las tienes muchas. - -— Yo lo hiciera —respondió Sancho—, pero no soy nada codicioso; que, a -serlo, un oficio dejé yo esta mañana de las manos, donde pudiera hacer las -paredes de mi casa de oro, y comer antes de seis meses en platos de plata; -y, así por esto como por parecerme haría traición a mi rey en dar favor a -sus enemigos, no fuera contigo, si como me prometes docientos escudos, me -dieras aquí de contado cuatrocientos. - -— Y ¿qué oficio es el que has dejado, Sancho? —preguntó Ricote. - -— He dejado de ser gobernador de una ínsula —respondió Sancho—, y tal, que a -buena fee que no hallen otra como ella a tres tirones. - -— ¿Y dónde está esa ínsula? —preguntó Ricote. - -— ¿Adónde? —respondió Sancho—. Dos leguas de aquí, y se llama la ínsula -Barataria. - -— Calla, Sancho —dijo Ricote—, que las ínsulas están allá dentro de la mar; -que no hay ínsulas en la tierra firme. - -— ¿Cómo no? —replicó Sancho—. Dígote, Ricote amigo, que esta mañana me partí -della, y ayer estuve en ella gobernando a mi placer, como un sagitario; -pero, con todo eso, la he dejado, por parecerme oficio peligroso el de los -gobernadores. - -— Y ¿qué has ganado en el gobierno? —preguntó Ricote. - -— He ganado —respondió Sancho— el haber conocido que no soy bueno para -gobernar, si no es un hato de ganado, y que las riquezas que se ganan en -los tales gobiernos son a costa de perder el descanso y el sueño, y aun el -sustento; porque en las ínsulas deben de comer poco los gobernadores, -especialmente si tienen médicos que miren por su salud. - -— Yo no te entiendo, Sancho —dijo Ricote—, pero paréceme que todo lo que -dices es disparate; que, ¿quién te había de dar a ti ínsulas que -gobernases? ¿Faltaban hombres en el mundo más hábiles para gobernadores que -tú eres? Calla, Sancho, y vuelve en ti, y mira si quieres venir conmigo, -como te he dicho, a ayudarme a sacar el tesoro que dejé escondido; que en -verdad que es tanto, que se puede llamar tesoro, y te daré con que vivas, -como te he dicho. - -— Ya te he dicho, Ricote —replicó Sancho—, que no quiero; conténtate que por -mí no serás descubierto, y prosigue en buena hora tu camino, y déjame -seguir el mío; que yo sé que lo bien ganado se pierde, y lo malo, ello y su -dueño. - -— No quiero porfiar, Sancho —dijo Ricote—, pero dime: ¿hallástete en nuestro -lugar, cuando se partió dél mi mujer, mi hija y mi cuñado? - -— Sí hallé —respondió Sancho—, y séte decir que salió tu hija tan hermosa -que salieron a verla cuantos había en el pueblo, y todos decían que era la -más bella criatura del mundo. Iba llorando y abrazaba a todas sus amigas y -conocidas, y a cuantos llegaban a verla, y a todos pedía la encomendasen a -Dios y a Nuestra Señora su madre; y esto, con tanto sentimiento, que a mí -me hizo llorar, que no suelo ser muy llorón. Y a fee que muchos tuvieron -deseo de esconderla y salir a quitársela en el camino; pero el miedo de ir -contra el mandado del rey los detuvo. Principalmente se mostró más -apasionado don Pedro Gregorio, aquel mancebo mayorazgo rico que tú conoces, -que dicen que la quería mucho, y después que ella se partió, nunca más él -ha parecido en nuestro lugar, y todos pensamos que iba tras ella para -robarla; pero hasta ahora no se ha sabido nada. - -— Siempre tuve yo mala sospecha —dijo Ricote— de que ese caballero adamaba a -mi hija; pero, fiado en el valor de mi Ricota, nunca me dio pesadumbre el -saber que la quería bien; que ya habrás oído decir, Sancho, que las -moriscas pocas o ninguna vez se mezclaron por amores con cristianos viejos, -y mi hija, que, a lo que yo creo, atendía a ser más cristiana que -enamorada, no se curaría de las solicitudes de ese señor mayorazgo. - -— Dios lo haga —replicó Sancho—, que a entrambos les estaría mal. Y déjame -partir de aquí, Ricote amigo, que quiero llegar esta noche adonde está mi -señor don Quijote. - -— Dios vaya contigo, Sancho hermano, que ya mis compañeros se rebullen, y -también es hora que prosigamos nuestro camino. - -Y luego se abrazaron los dos, y Sancho subió en su rucio, y Ricote se -arrimó a su bordón, y se apartaron. - - - - -Capítulo LV. De cosas sucedidas a Sancho en el camino, y otras que no hay -más que ver - -El haberse detenido Sancho con Ricote no le dio lugar a que aquel día -llegase al castillo del duque, puesto que llegó media legua dél, donde le -tomó la noche, algo escura y cerrada; pero, como era verano, no le dio -mucha pesadumbre; y así, se apartó del camino con intención de esperar la -mañana; y quiso su corta y desventurada suerte que, buscando lugar donde -mejor acomodarse, cayeron él y el rucio en una honda y escurísima sima que -entre unos edificios muy antiguos estaba, y al tiempo del caer, se -encomendó a Dios de todo corazón, pensando que no había de parar hasta el -profundo de los abismos. Y no fue así, porque a poco más de tres estados -dio fondo el rucio, y él se halló encima dél, sin haber recebido lisión ni -daño alguno. - -Tentóse todo el cuerpo, y recogió el aliento, por ver si estaba sano o -agujereado por alguna parte; y, viéndose bueno, entero y católico de salud, -no se hartaba de dar gracias a Dios Nuestro Señor de la merced que le había -hecho, porque sin duda pensó que estaba hecho mil pedazos. Tentó asimismo -con las manos por las paredes de la sima, por ver si sería posible salir -della sin ayuda de nadie; pero todas las halló rasas y sin asidero alguno, -de lo que Sancho se congojó mucho, especialmente cuando oyó que el rucio se -quejaba tierna y dolorosamente; y no era mucho, ni se lamentaba de vicio, -que, a la verdad, no estaba muy bien parado. - -— ¡Ay —dijo entonces Sancho Panza—, y cuán no pensados sucesos suelen -suceder a cada paso a los que viven en este miserable mundo! ¿Quién dijera -que el que ayer se vio entronizado gobernador de una ínsula, mandando a sus -sirvientes y a sus vasallos, hoy se había de ver sepultado en una sima, sin -haber persona alguna que le remedie, ni criado ni vasallo que acuda a su -socorro? Aquí habremos de perecer de hambre yo y mi jumento, si ya no nos -morimos antes, él de molido y quebrantado, y yo de pesaroso. A lo menos, no -seré yo tan venturoso como lo fue mi señor don Quijote de la Mancha cuando -decendió y bajó a la cueva de aquel encantado Montesinos, donde halló quien -le regalase mejor que en su casa, que no parece sino que se fue a mesa -puesta y a cama hecha. Allí vio él visiones hermosas y apacibles, y yo veré -aquí, a lo que creo, sapos y culebras. ¡Desdichado de mí, y en qué han -parado mis locuras y fantasías! De aquí sacarán mis huesos, cuando el cielo -sea servido que me descubran, mondos, blancos y raídos, y los de mi buen -rucio con ellos, por donde quizá se echará de ver quién somos, a lo menos -de los que tuvieren noticia que nunca Sancho Panza se apartó de su asno, ni -su asno de Sancho Panza. Otra vez digo: ¡miserables de nosotros, que no ha -querido nuestra corta suerte que muriésemos en nuestra patria y entre los -nuestros, donde ya que no hallara remedio nuestra desgracia, no faltara -quien dello se doliera, y en la hora última de nuestro pasamiento nos -cerrara los ojos! ¡Oh compañero y amigo mío, qué mal pago te he dado de tus -buenos servicios! Perdóname y pide a la fortuna, en el mejor modo que -supieres, que nos saque deste miserable trabajo en que estamos puestos los -dos; que yo prometo de ponerte una corona de laurel en la cabeza, que no -parezcas sino un laureado poeta, y de darte los piensos doblados. - -Desta manera se lamentaba Sancho Panza, y su jumento le escuchaba sin -responderle palabra alguna: tal era el aprieto y angustia en que el pobre -se hallaba. Finalmente, habiendo pasado toda aquella noche en miserables -quejas y lamentaciones, vino el día, con cuya claridad y resplandor vio -Sancho que era imposible de toda imposibilidad salir de aquel pozo sin ser -ayudado, y comenzó a lamentarse y dar voces, por ver si alguno le oía; pero -todas sus voces eran dadas en desierto, pues por todos aquellos contornos -no había persona que pudiese escucharle, y entonces se acabó de dar por -muerto. - -Estaba el rucio boca arriba, y Sancho Panza le acomodó de modo que le puso -en pie, que apenas se podía tener; y, sacando de las alforjas, que también -habían corrido la mesma fortuna de la caída, un pedazo de pan, lo dio a su -jumento, que no le supo mal, y díjole Sancho, como si lo entendiera: - -— Todos los duelos con pan son buenos. - -En esto, descubrió a un lado de la sima un agujero, capaz de caber por él -una persona, si se agobiaba y encogía. Acudió a él Sancho Panza, y, -agazapándose, se entró por él y vio que por de dentro era espacioso y -largo, y púdolo ver, porque por lo que se podía llamar techo entraba un -rayo de sol que lo descubría todo. Vio también que se dilataba y alargaba -por otra concavidad espaciosa; viendo lo cual, volvió a salir adonde estaba -el jumento, y con una piedra comenzó a desmoronar la tierra del agujero, de -modo que en poco espacio hizo lugar donde con facilidad pudiese entrar el -asno, como lo hizo; y, cogiéndole del cabestro, comenzó a caminar por -aquella gruta adelante, por ver si hallaba alguna salida por otra parte. A -veces iba a escuras, y a veces sin luz, pero ninguna vez sin miedo. - -— ¡Válame Dios todopoderoso! —decía entre sí—. Esta que para mí es -desventura, mejor fuera para aventura de mi amo don Quijote. Él sí que -tuviera estas profundidades y mazmorras por jardines floridos y por -palacios de Galiana, y esperara salir de esta escuridad y estrecheza a -algún florido prado; pero yo, sin ventura, falto de consejo y menoscabado -de ánimo, a cada paso pienso que debajo de los pies de improviso se ha de -abrir otra sima más profunda que la otra, que acabe de tragarme. ¡Bien -vengas mal, si vienes solo! - -Desta manera y con estos pensamientos le pareció que habría caminado poco -más de media legua, al cabo de la cual descubrió una confusa claridad, que -pareció ser ya de día, y que por alguna parte entraba, que daba indicio de -tener fin abierto aquel, para él, camino de la otra vida. - -Aquí le deja Cide Hamete Benengeli, y vuelve a tratar de don Quijote, -que, alborozado y contento, esperaba el plazo de la batalla que había de -hacer con el robador de la honra de la hija de doña Rodríguez, a quien -pensaba enderezar el tuerto y desaguisado que malamente le tenían fecho. - -Sucedió, pues, que, saliéndose una mañana a imponerse y ensayarse en lo que -había de hacer en el trance en que otro día pensaba verse, dando un repelón -o arremetida a Rocinante, llegó a poner los pies tan junto a una cueva, -que, a no tirarle fuertemente las riendas, fuera imposible no caer en ella. -En fin, le detuvo y no cayó, y, llegándose algo más cerca, sin apearse, -miró aquella hondura; y, estándola mirando, oyó grandes voces dentro; y, -escuchando atentamente, pudo percebir y entender que el que las daba decía: - -— ¡Ah de arriba! ¿Hay algún cristiano que me escuche, o algún caballero -caritativo que se duela de un pecador enterrado en vida, o un desdichado -desgobernado gobernador? - -Parecióle a don Quijote que oía la voz de Sancho Panza, de que quedó -suspenso y asombrado, y, levantando la voz todo lo que pudo, dijo: - -— ¿Quién está allá bajo? ¿Quién se queja? - -— ¿Quién puede estar aquí, o quién se ha de quejar —respondieron—, sino el -asendereado de Sancho Panza, gobernador, por sus pecados y por su mala -andanza, de la ínsula Barataria, escudero que fue del famoso caballero don -Quijote de la Mancha? - -Oyendo lo cual don Quijote, se le dobló la admiración y se le acrecentó el -pasmo, viniéndosele al pensamiento que Sancho Panza debía de ser muerto, y -que estaba allí penando su alma, y llevado desta imaginación dijo: - -— Conjúrote por todo aquello que puedo conjurarte como católico cristiano, -que me digas quién eres; y si eres alma en pena, dime qué quieres que haga -por ti; que, pues es mi profesión favorecer y acorrer a los necesitados -deste mundo, también lo seré para acorrer y ayudar a los menesterosos del -otro mundo, que no pueden ayudarse por sí propios. - -— Desa manera —respondieron—, vuestra merced que me habla debe de ser mi -señor don Quijote de la Mancha, y aun en el órgano de la voz no es otro, -sin duda. - -— Don Quijote soy —replicó don Quijote—, el que profeso socorrer y ayudar en -sus necesidades a los vivos y a los muertos. Por eso dime quién eres, que -me tienes atónito; porque si eres mi escudero Sancho Panza, y te has -muerto, como no te hayan llevado los diablos, y, por la misericordia de -Dios, estés en el purgatorio, sufragios tiene nuestra Santa Madre la -Iglesia Católica Romana bastantes a sacarte de las penas en que estás, y -yo, que lo solicitaré con ella, por mi parte, con cuanto mi hacienda -alcanzare; por eso, acaba de declararte y dime quién eres. - -— ¡Voto a tal! —respondieron—, y por el nacimiento de quien vuesa merced -quisiere, juro, señor don Quijote de la Mancha, que yo soy su escudero -Sancho Panza, y que nunca me he muerto en todos los días de mi vida; sino -que, habiendo dejado mi gobierno por cosas y causas que es menester más -espacio para decirlas, anoche caí en esta sima donde yago, el rucio -conmigo, que no me dejará mentir, pues, por más señas, está aquí conmigo. - -Y hay más: que no parece sino que el jumento entendió lo que Sancho dijo, -porque al momento comenzó a rebuznar, tan recio, que toda la cueva -retumbaba. - -— ¡Famoso testigo! —dijo don Quijote—. El rebuzno conozco como si le -pariera, y tu voz oigo, Sancho mío. Espérame; iré al castillo del duque, -que está aquí cerca, y traeré quien te saque desta sima, donde tus pecados -te deben de haber puesto. - -— Vaya vuesa merced —dijo Sancho—, y vuelva presto, por un solo Dios, que ya -no lo puedo llevar el estar aquí sepultado en vida, y me estoy muriendo de -miedo. - -Dejóle don Quijote, y fue al castillo a contar a los duques el suceso de -Sancho Panza, de que no poco se maravillaron, aunque bien entendieron que -debía de haber caído por la correspondencia de aquella gruta que de tiempos -inmemoriales estaba allí hecha; pero no podían pensar cómo había dejado el -gobierno sin tener ellos aviso de su venida. Finalmente, como dicen, -llevaron sogas y maromas; y, a costa de mucha gente y de mucho trabajo, -sacaron al rucio y a Sancho Panza de aquellas tinieblas a la luz del sol. -Viole un estudiante, y dijo: - -— Desta manera habían de salir de sus gobiernos todos los malos -gobernadores, como sale este pecador del profundo del abismo: muerto de -hambre, descolorido, y sin blanca, a lo que yo creo. - -Oyólo Sancho, y dijo: - -— Ocho días o diez ha, hermano murmurador, que entré a gobernar la ínsula -que me dieron, en los cuales no me vi harto de pan siquiera un hora; en -ellos me han perseguido médicos, y enemigos me han brumado los güesos; ni -he tenido lugar de hacer cohechos, ni de cobrar derechos; y, siendo esto -así, como lo es, no merecía yo, a mi parecer, salir de esta manera; pero el -hombre pone y Dios dispone, y Dios sabe lo mejor y lo que le está bien a -cada uno; y cual el tiempo, tal el tiento; y nadie diga "desta agua no -beberé", que adonde se piensa que hay tocinos, no hay estacas; y Dios me -entiende, y basta, y no digo más, aunque pudiera. - -— No te enojes, Sancho, ni recibas pesadumbre de lo que oyeres, que será -nunca acabar: ven tú con segura conciencia, y digan lo que dijeren; y es -querer atar las lenguas de los maldicientes lo mesmo que querer poner -puertas al campo. Si el gobernador sale rico de su gobierno, dicen dél que -ha sido un ladrón, y si sale pobre, que ha sido un para poco y un -mentecato. - -— A buen seguro —respondió Sancho— que por esta vez antes me han de tener -por tonto que por ladrón. - -En estas pláticas llegaron, rodeados de muchachos y de otra mucha gente, al -castillo, adonde en unos corredores estaban ya el duque y la duquesa -esperando a don Quijote y a Sancho, el cual no quiso subir a ver al duque -sin que primero no hubiese acomodado al rucio en la caballeriza, porque -decía que había pasado muy mala noche en la posada; y luego subió a ver a -sus señores, ante los cuales, puesto de rodillas, dijo: - -— Yo, señores, porque lo quiso así vuestra grandeza, sin ningún merecimiento -mío, fui a gobernar vuestra ínsula Barataria, en la cual entré desnudo, y -desnudo me hallo: ni pierdo, ni gano. Si he gobernado bien o mal, testigos -he tenido delante, que dirán lo que quisieren. He declarado dudas, -sentenciado pleitos, siempre muerto de hambre, por haberlo querido así el -doctor Pedro Recio, natural de Tirteafuera, médico insulano y -gobernadoresco. Acometiéronnos enemigos de noche, y, habiéndonos puesto en -grande aprieto, dicen los de la ínsula que salieron libres y con vitoria -por el valor de mi brazo, que tal salud les dé Dios como ellos dicen -verdad. En resolución, en este tiempo yo he tanteado las cargas que trae -consigo, y las obligaciones, el gobernar, y he hallado por mi cuenta que no -las podrán llevar mis hombros, ni son peso de mis costillas, ni flechas de -mi aljaba; y así, antes que diese conmigo al través el gobierno, he querido -yo dar con el gobierno al través, y ayer de mañana dejé la ínsula como la -hallé: con las mismas calles, casas y tejados que tenía cuando entré en -ella. No he pedido prestado a nadie, ni metídome en granjerías; y, aunque -pensaba hacer algunas ordenanzas provechosas, no hice ninguna, temeroso que -no se habían de guardar: que es lo mesmo hacerlas que no hacerlas. Salí, -como digo, de la ínsula sin otro acompañamiento que el de mi rucio; caí en -una sima, víneme por ella adelante, hasta que, esta mañana, con la luz del -sol, vi la salida, pero no tan fácil que, a no depararme el cielo a mi -señor don Quijote, allí me quedara hasta la fin del mundo. Así que, mis -señores duque y duquesa, aquí está vuestro gobernador Sancho Panza, que ha -granjeado en solos diez días que ha tenido el gobierno a conocer que no se -le ha de dar nada por ser gobernador, no que de una ínsula, sino de todo el -mundo; y, con este presupuesto, besando a vuestras mercedes los pies, -imitando al juego de los muchachos, que dicen "Salta tú, y dámela tú", doy -un salto del gobierno, y me paso al servicio de mi señor don Quijote; que, -en fin, en él, aunque como el pan con sobresalto, hártome, a lo menos, y -para mí, como yo esté harto, eso me hace que sea de zanahorias que de -perdices. - -Con esto dio fin a su larga plática Sancho, temiendo siempre don Quijote -que había de decir en ella millares de disparates; y, cuando le vio acabar -con tan pocos, dio en su corazón gracias al cielo, y el duque abrazó a -Sancho, y le dijo que le pesaba en el alma de que hubiese dejado tan presto -el gobierno; pero que él haría de suerte que se le diese en su estado otro -oficio de menos carga y de más provecho. Abrazóle la duquesa asimismo, y -mandó que le regalasen, porque daba señales de venir mal molido y peor -parado. - - - - -Capítulo LVI. De la descomunal y nunca vista batalla que pasó entre don -Quijote de la Mancha y el lacayo Tosilos, en la defensa de la hija de la -dueña doña Rodríguez - -No quedaron arrepentidos los duques de la burla hecha a Sancho Panza del -gobierno que le dieron; y más, que aquel mismo día vino su mayordomo, y les -contó punto por punto, todas casi, las palabras y acciones que Sancho había -dicho y hecho en aquellos días, y finalmente les encareció el asalto de la -ínsula, y el miedo de Sancho, y su salida, de que no pequeño gusto -recibieron. - -Después desto, cuenta la historia que se llegó el día de la batalla -aplazada, y, habiendo el duque una y muy muchas veces advertido a su lacayo -Tosilos cómo se había de avenir con don Quijote para vencerle sin matarle -ni herirle, ordenó que se quitasen los hierros a las lanzas, diciendo a don -Quijote que no permitía la cristiandad, de que él se preciaba, que aquella -batalla fuese con tanto riesgo y peligro de las vidas, y que se contentase -con que le daba campo franco en su tierra, puesto que iba contra el decreto -del Santo Concilio, que prohíbe los tales desafíos, y no quisiese llevar -por todo rigor aquel trance tan fuerte. - -Don Quijote dijo que Su Excelencia dispusiese las cosas de aquel negocio -como más fuese servido; que él le obedecería en todo. Llegado, pues, el -temeroso día, y habiendo mandado el duque que delante de la plaza del -castillo se hiciese un espacioso cadahalso, donde estuviesen los jueces del -campo y las dueñas, madre y hija, demandantes, había acudido de todos los -lugares y aldeas circunvecinas infinita gente, a ver la novedad de aquella -batalla; que nunca otra tal no habían visto, ni oído decir en aquella -tierra los que vivían ni los que habían muerto. - -El primero que entró en el campo y estacada fue el maestro de las -ceremonias, que tanteó el campo, y le paseó todo, porque en él no hubiese -algún engaño, ni cosa encubierta donde se tropezase y cayese; luego -entraron las dueñas y se sentaron en sus asientos, cubiertas con los mantos -hasta los ojos y aun hasta los pechos, con muestras de no pequeño -sentimiento. Presente don Quijote en la estacada, de allí a poco, -acompañado de muchas trompetas, asomó por una parte de la plaza, sobre un -poderoso caballo, hundiéndola toda, el grande lacayo Tosilos, calada la -visera y todo encambronado, con unas fuertes y lucientes armas. El caballo -mostraba ser frisón, ancho y de color tordillo; de cada mano y pie le -pendía una arroba de lana. - -Venía el valeroso combatiente bien informado del duque su señor de cómo se -había de portar con el valeroso don Quijote de la Mancha, advertido que en -ninguna manera le matase, sino que procurase huir el primer encuentro por -escusar el peligro de su muerte, que estaba cierto si de lleno en lleno le -encontrase. Paseó la plaza, y, llegando donde las dueñas estaban, se puso -algún tanto a mirar a la que por esposo le pedía. Llamó el maese de campo a -don Quijote, que ya se había presentado en la plaza, y junto con Tosilos -habló a las dueñas, preguntándoles si consentían que volviese por su -derecho don Quijote de la Mancha. Ellas dijeron que sí, y que todo lo que -en aquel caso hiciese lo daban por bien hecho, por firme y por valedero. - -Ya en este tiempo estaban el duque y la duquesa puestos en una galería que -caía sobre la estacada, toda la cual estaba coronada de infinita gente, que -esperaba ver el riguroso trance nunca visto. Fue condición de los -combatientes que si don Quijote vencía, su contrario se había de casar con -la hija de doña Rodríguez; y si él fuese vencido, quedaba libre su -contendor de la palabra que se le pedía, sin dar otra satisfación alguna. - -Partióles el maestro de las ceremonias el sol, y puso a los dos cada uno en -el puesto donde habían de estar. Sonaron los atambores, llenó el aire el -son de las trompetas, temblaba debajo de los pies la tierra; estaban -suspensos los corazones de la mirante turba, temiendo unos y esperando -otros el bueno o el mal suceso de aquel caso. Finalmente, don Quijote, -encomendándose de todo su corazón a Dios Nuestro Señor y a la señora -Dulcinea del Toboso, estaba aguardando que se le diese señal precisa de la -arremetida; empero, nuestro lacayo tenía diferentes pensamientos: no -pensaba él sino en lo que agora diré: - -Parece ser que, cuando estuvo mirando a su enemiga, le pareció la más -hermosa mujer que había visto en toda su vida, y el niño ceguezuelo, a -quien suelen llamar de ordinario Amor por esas calles, no quiso perder la -ocasión que se le ofreció de triunfar de una alma lacayuna y ponerla en la -lista de sus trofeos; y así, llegándose a él bonitamente, sin que nadie le -viese, le envasó al pobre lacayo una flecha de dos varas por el lado -izquierdo, y le pasó el corazón de parte a parte; y púdolo hacer bien al -seguro, porque el Amor es invisible, y entra y sale por do quiere, sin que -nadie le pida cuenta de sus hechos. - -Digo, pues, que, cuando dieron la señal de la arremetida, estaba nuestro -lacayo transportado, pensando en la hermosura de la que ya había hecho -señora de su libertad, y así, no atendió al son de la trompeta, como hizo -don Quijote, que, apenas la hubo oído, cuando arremetió, y, a todo el -correr que permitía Rocinante, partió contra su enemigo; y, viéndole partir -su buen escudero Sancho, dijo a grandes voces: - -— ¡Dios te guíe, nata y flor de los andantes caballeros! ¡Dios te dé la -vitoria, pues llevas la razón de tu parte! - -Y, aunque Tosilos vio venir contra sí a don Quijote, no se movió un paso de -su puesto; antes, con grandes voces, llamó al maese de campo, el cual -venido a ver lo que quería, le dijo: - -— Señor, ¿esta batalla no se hace porque yo me case, o no me case, con -aquella señora? - -— Así es —le fue respondido. - -— Pues yo —dijo el lacayo— soy temeroso de mi conciencia, y pondríala en -gran cargo si pasase adelante en esta batalla; y así, digo que yo me doy -por vencido y que quiero casarme luego con aquella señora. - -Quedó admirado el maese de campo de las razones de Tosilos; y, como era uno -de los sabidores de la máquina de aquel caso, no le supo responder palabra. -Detúvose don Quijote en la mitad de su carrera, viendo que su enemigo no -le acometía. El duque no sabía la ocasión porque no se pasaba adelante en -la batalla, pero el maese de campo le fue a declarar lo que Tosilos decía, -de lo que quedó suspenso y colérico en estremo. - -En tanto que esto pasaba, Tosilos se llegó adonde doña Rodríguez estaba, y -dijo a grandes voces: - -— Yo, señora, quiero casarme con vuestra hija, y no quiero alcanzar por -pleitos ni contiendas lo que puedo alcanzar por paz y sin peligro de la -muerte. - -Oyó esto el valeroso don Quijote, y dijo: - -— Pues esto así es, yo quedo libre y suelto de mi promesa: cásense en hora -buena, y, pues Dios Nuestro Señor se la dio, San Pedro se la bendiga. - -El duque había bajado a la plaza del castillo, y, llegándose a Tosilos, le -dijo: - -— ¿Es verdad, caballero, que os dais por vencido, y que, instigado de -vuestra temerosa conciencia, os queréis casar con esta doncella? - -— Sí, señor —respondió Tosilos. - -— Él hace muy bien —dijo a esta sazón Sancho Panza—, porque lo que has de -dar al mur, dalo al gato, y sacarte ha de cuidado. - -Íbase Tosilos desenlazando la celada, y rogaba que apriesa le ayudasen, -porque le iban faltando los espíritus del aliento, y no podía verse -encerrado tanto tiempo en la estrecheza de aquel aposento. Quitáronsela -apriesa, y quedó descubierto y patente su rostro de lacayo. Viendo lo cual -doña Rodríguez y su hija, dando grandes voces, dijeron: - -— ¡Éste es engaño, engaño es éste! ¡A Tosilos, el lacayo del duque mi señor, -nos han puesto en lugar de mi verdadero esposo! ¡Justicia de Dios y del -Rey, de tanta malicia, por no decir bellaquería! - -— No vos acuitéis, señoras —dijo don Quijote—, que ni ésta es malicia ni es -bellaquería; y si la es, y no ha sido la causa el duque, sino los malos -encantadores que me persiguen, los cuales, invidiosos de que yo alcanzase -la gloria deste vencimiento, han convertido el rostro de vuestro esposo en -el de este que decís que es lacayo del duque. Tomad mi consejo, y, a pesar -de la malicia de mis enemigos, casaos con él, que sin duda es el mismo que -vos deseáis alcanzar por esposo. - -El duque, que esto oyó, estuvo por romper en risa toda su cólera, y dijo: - -— Son tan extraordinarias las cosas que suceden al señor don Quijote que -estoy por creer que este mi lacayo no lo es; pero usemos deste ardid y -maña: dilatemos el casamiento quince días, si quieren, y tengamos encerrado -a este personaje que nos tiene dudosos, en los cuales podría ser que -volviese a su prístina figura; que no ha de durar tanto el rancor que los -encantadores tienen al señor don Quijote, y más, yéndoles tan poco en usar -estos embelecos y transformaciones. - -— ¡Oh señor! —dijo Sancho—, que ya tienen estos malandrines por uso y -costumbre de mudar las cosas, de unas en otras, que tocan a mi amo. Un -caballero que venció los días pasados, llamado el de los Espejos, le -volvieron en la figura del bachiller Sansón Carrasco, natural de nuestro -pueblo y grande amigo nuestro, y a mi señora Dulcinea del Toboso la han -vuelto en una rústica labradora; y así, imagino que este lacayo ha de morir -y vivir lacayo todos los días de su vida. - -A lo que dijo la hija de Rodríguez: - -— Séase quien fuere este que me pide por esposa, que yo se lo agradezco; que -más quiero ser mujer legítima de un lacayo que no amiga y burlada de un -caballero, puesto que el que a mí me burló no lo es. - -En resolución, todos estos cuentos y sucesos pararon en que Tosilos se -recogiese, hasta ver en qué paraba su transformación; aclamaron todos la -vitoria por don Quijote, y los más quedaron tristes y melancólicos de ver -que no se habían hecho pedazos los tan esperados combatientes, bien así -como los mochachos quedan tristes cuando no sale el ahorcado que esperan, -porque le ha perdonado, o la parte, o la justicia. Fuese la gente, -volviéronse el duque y don Quijote al castillo, encerraron a Tosilos, -quedaron doña Rodríguez y su hija contentísimas de ver que, por una vía o -por otra, aquel caso había de parar en casamiento, y Tosilos no esperaba -menos. - - - - -Capítulo LVII. Que trata de cómo don Quijote se despidió del duque, y de lo -que le sucedió con la discreta y desenvuelta Altisidora, doncella de la -duquesa - -Ya le pareció a don Quijote que era bien salir de tanta ociosidad como la -que en aquel castillo tenía; que se imaginaba ser grande la falta que su -persona hacía en dejarse estar encerrado y perezoso entre los infinitos -regalos y deleites que como a caballero andante aquellos señores le hacían, -y parecíale que había de dar cuenta estrecha al cielo de aquella ociosidad -y encerramiento; y así, pidió un día licencia a los duques para partirse. -Diéronsela, con muestras de que en gran manera les pesaba de que los -dejase. Dio la duquesa las cartas de su mujer a Sancho Panza, el cual lloró -con ellas, y dijo: - -— ¿Quién pensara que esperanzas tan grandes como las que en el pecho de mi -mujer Teresa Panza engendraron las nuevas de mi gobierno habían de parar en -volverme yo agora a las arrastradas aventuras de mi amo don Quijote de la -Mancha? Con todo esto, me contento de ver que mi Teresa correspondió a ser -quien es, enviando las bellotas a la duquesa; que, a no habérselas enviado, -quedando yo pesaroso, me mostrara ella desagradecida. Lo que me consuela es -que esta dádiva no se le puede dar nombre de cohecho, porque ya tenía yo el -gobierno cuando ella las envió, y está puesto en razón que los que reciben -algún beneficio, aunque sea con niñerías, se muestren agradecidos. En -efecto, yo entré desnudo en el gobierno y salgo desnudo dél; y así, podré -decir con segura conciencia, que no es poco: "Desnudo nací, desnudo me -hallo: ni pierdo ni gano". - -Esto pasaba entre sí Sancho el día de la partida; y, saliendo don Quijote, -habiéndose despedido la noche antes de los duques, una mañana se presentó -armado en la plaza del castillo. Mirábanle de los corredores toda la gente -del castillo, y asimismo los duques salieron a verle. Estaba Sancho sobre -su rucio, con sus alforjas, maleta y repuesto, contentísimo, porque el -mayordomo del duque, el que fue la Trifaldi, le había dado un bolsico con -docientos escudos de oro, para suplir los menesteres del camino, y esto aún -no lo sabía don Quijote. - -Estando, como queda dicho, mirándole todos, a deshora, entre las otras -dueñas y doncellas de la duquesa, que le miraban, alzó la voz la -desenvuelta y discreta Altisidora, y en son lastimero dijo: - --Escucha, mal caballero; -detén un poco las riendas; -no fatigues las ijadas -de tu mal regida bestia. -Mira, falso, que no huyas -de alguna serpiente fiera, -sino de una corderilla -que está muy lejos de oveja. -Tú has burlado, monstruo horrendo, -la más hermosa doncella -que Dïana vio en sus montes, -que Venus miró en sus selvas. -Cruel Vireno, fugitivo Eneas, -Barrabás te acompañe; allá te avengas. -Tú llevas, ¡llevar impío!, -en las garras de tus cerras -las entrañas de una humilde, -como enamorada, tierna. -Llévaste tres tocadores, -y unas ligas, de unas piernas -que al mármol puro se igualan -en lisas, blancas y negras. -Llévaste dos mil suspiros, -que, a ser de fuego, pudieran -abrasar a dos mil Troyas, -si dos mil Troyas hubiera. -Cruel Vireno, fugitivo Eneas, -Barrabás te acompañe; allá te avengas. -De ese Sancho, tu escudero, -las entrañas sean tan tercas -y tan duras, que no salga -de su encanto Dulcinea. -De la culpa que tú tienes -lleve la triste la pena; -que justos por pecadores -tal vez pagan en mi tierra. -Tus más finas aventuras -en desventuras se vuelvan, -en sueños tus pasatiempos, -en olvidos tus firmezas. -Cruel Vireno, fugitivo Eneas, -Barrabás te acompañe; allá te avengas. -Seas tenido por falso -desde Sevilla a Marchena, -desde Granada hasta Loja, -de Londres a Inglaterra. -Si jugares al reinado, -los cientos, o la primera, -los reyes huyan de ti; -ases ni sietes no veas. -Si te cortares los callos, -sangre las heridas viertan, -y quédente los raigones -si te sacares las muelas. -Cruel Vireno, fugitivo Eneas, -Barrabás te acompañe; allá te avengas. - -En tanto que, de la suerte que se ha dicho, se quejaba la lastimada -Altisidora, la estuvo mirando don Quijote, y, sin responderla palabra, -volviendo el rostro a Sancho, le dijo: - -— Por el siglo de tus pasados, Sancho mío, te conjuro que me digas una -verdad. Dime, ¿llevas por ventura los tres tocadores y las ligas que esta -enamorada doncella dice? - -A lo que Sancho respondió: - -— Los tres tocadores sí llevo; pero las ligas, como por los cerros de Úbeda. - -Quedó la duquesa admirada de la desenvoltura de Altisidora, que, aunque la -tenía por atrevida, graciosa y desenvuelta, no en grado que se atreviera a -semejantes desenvolturas; y, como no estaba advertida desta burla, creció -más su admiración. El duque quiso reforzar el donaire, y dijo: - -— No me parece bien, señor caballero, que, habiendo recebido en este mi -castillo el buen acogimiento que en él se os ha hecho, os hayáis atrevido a -llevaros tres tocadores, por lo menos, si por lo más las ligas de mi -doncella; indicios son de mal pecho y muestras que no corresponden a -vuestra fama. Volvedle las ligas; si no, yo os desafío a mortal batalla, -sin tener temor que malandrines encantadores me vuelvan ni muden el rostro, -como han hecho en el de Tosilos mi lacayo, el que entró con vos en batalla. - -— No quiera Dios —respondió don Quijote— que yo desenvaine mi espada contra -vuestra ilustrísima persona, de quien tantas mercedes he recebido; los -tocadores volveré, porque dice Sancho que los tiene; las ligas es -imposible, porque ni yo las he recebido ni él tampoco; y si esta vuestra -doncella quisiere mirar sus escondrijos, a buen seguro que las halle. Yo, -señor duque, jamás he sido ladrón, ni lo pienso ser en toda mi vida, como -Dios no me deje de su mano. Esta doncella habla, como ella dice, como -enamorada, de lo que yo no le tengo culpa; y así, no tengo de qué pedirle -perdón ni a ella ni a Vuestra Excelencia, a quien suplico me tenga en mejor -opinión, y me dé de nuevo licencia para seguir mi camino. - -— Déosle Dios tan bueno —dijo la duquesa—, señor don Quijote, que siempre -oigamos buenas nuevas de vuestras fechurías. Y andad con Dios; que, -mientras más os detenéis, más aumentáis el fuego en los pechos de las -doncellas que os miran; y a la mía yo la castigaré de modo, que de aquí -adelante no se desmande con la vista ni con las palabras. - -— Una no más quiero que me escuches, ¡oh valeroso don Quijote! —dijo -entonces Altisidora—; y es que te pido perdón del latrocinio de las ligas, -porque, en Dios y en mi ánima que las tengo puestas, y he caído en el -descuido del que yendo sobre el asno, le buscaba. - -— ¿No lo dije yo? —dijo Sancho—. ¡Bonico soy yo para encubrir hurtos! Pues, -a quererlos hacer, de paleta me había venido la ocasión en mi gobierno. - -Abajó la cabeza don Quijote y hizo reverencia a los duques y a todos los -circunstantes, y, volviendo las riendas a Rocinante, siguiéndole Sancho -sobre el rucio, se salió del castillo, enderezando su camino a Zaragoza. - - - - -Capítulo LVIII. Que trata de cómo menudearon sobre don Quijote aventuras -tantas, que no se daban vagar unas a otras - -Cuando don Quijote se vio en la campaña rasa, libre y desembarazado de los -requiebros de Altisidora, le pareció que estaba en su centro, y que los -espíritus se le renovaban para proseguir de nuevo el asumpto de sus -caballerías, y, volviéndose a Sancho, le dijo: - -— La libertad, Sancho, es uno de los más preciosos dones que a los hombres -dieron los cielos; con ella no pueden igualarse los tesoros que encierra la -tierra ni el mar encubre; por la libertad, así como por la honra, se puede -y debe aventurar la vida, y, por el contrario, el cautiverio es el mayor -mal que puede venir a los hombres. Digo esto, Sancho, porque bien has visto -el regalo, la abundancia que en este castillo que dejamos hemos tenido; -pues en metad de aquellos banquetes sazonados y de aquellas bebidas de -nieve, me parecía a mí que estaba metido entre las estrechezas de la -hambre, porque no lo gozaba con la libertad que lo gozara si fueran míos; -que las obligaciones de las recompensas de los beneficios y mercedes -recebidas son ataduras que no dejan campear al ánimo libre. ¡Venturoso -aquél a quien el cielo dio un pedazo de pan, sin que le quede obligación de -agradecerlo a otro que al mismo cielo! - -— Con todo eso —dijo Sancho— que vuesa merced me ha dicho, no es bien que se -quede sin agradecimiento de nuestra parte docientos escudos de oro que en -una bolsilla me dio el mayordomo del duque, que como píctima y confortativo -la llevo puesta sobre el corazón, para lo que se ofreciere; que no siempre -hemos de hallar castillos donde nos regalen, que tal vez toparemos con -algunas ventas donde nos apaleen. - -En estos y otros razonamientos iban los andantes, caballero y escudero, -cuando vieron, habiendo andado poco más de una legua, que encima de la -yerba de un pradillo verde, encima de sus capas, estaban comiendo hasta una -docena de hombres, vestidos de labradores. Junto a sí tenían unas como -sábanas blancas, con que cubrían alguna cosa que debajo estaba; estaban -empinadas y tendidas, y de trecho a trecho puestas. Llegó don Quijote a los -que comían, y, saludándolos primero cortésmente, les preguntó que qué era -lo que aquellos lienzos cubrían. Uno dellos le respondió: - -— Señor, debajo destos lienzos están unas imágines de relieve y entabladura -que han de servir en un retablo que hacemos en nuestra aldea; llevámoslas -cubiertas, porque no se desfloren, y en hombros, porque no se quiebren. - -— Si sois servidos —respondió don Quijote—, holgaría de verlas, pues -imágines que con tanto recato se llevan, sin duda deben de ser buenas. - -— Y ¡cómo si lo son! —dijo otro—. Si no, dígalo lo que cuesta: que en verdad -que no hay ninguna que no esté en más de cincuenta ducados; y, porque vea -vuestra merced esta verdad, espere vuestra merced, y verla ha por vista de -ojos. - -Y, levantándose, dejó de comer y fue a quitar la cubierta de la primera -imagen, que mostró ser la de San Jorge puesto a caballo, con una serpiente -enroscada a los pies y la lanza atravesada por la boca, con la fiereza que -suele pintarse. Toda la imagen parecía una ascua de oro, como suele -decirse. Viéndola don Quijote, dijo: - -— Este caballero fue uno de los mejores andantes que tuvo la milicia divina: -llamóse don San Jorge, y fue además defendedor de doncellas. Veamos esta -otra. - -Descubrióla el hombre, y pareció ser la de San Martín puesto a caballo, que -partía la capa con el pobre; y, apenas la hubo visto don Quijote, cuando -dijo: - -— Este caballero también fue de los aventureros cristianos, y creo que fue -más liberal que valiente, como lo puedes echar de ver, Sancho, en que está -partiendo la capa con el pobre y le da la mitad; y sin duda debía de ser -entonces invierno, que, si no, él se la diera toda, según era de -caritativo. - -— No debió de ser eso —dijo Sancho—, sino que se debió de atener al refrán -que dicen: que para dar y tener, seso es menester. - -Rióse don Quijote y pidió que quitasen otro lienzo, debajo del cual se -descubrió la imagen del Patrón de las Españas a caballo, la espada -ensangrentada, atropellando moros y pisando cabezas; y, en viéndola, dijo -don Quijote: - -— Éste sí que es caballero, y de las escuadras de Cristo; éste se llama don -San Diego Matamoros, uno de los más valientes santos y caballeros que tuvo -el mundo y tiene agora el cielo. - -Luego descubrieron otro lienzo, y pareció que encubría la caída de San -Pablo del caballo abajo, con todas las circunstancias que en el retablo de -su conversión suelen pintarse. Cuando le vido tan al vivo, que dijeran que -Cristo le hablaba y Pablo respondía. - -— Éste —dijo don Quijote— fue el mayor enemigo que tuvo la Iglesia de Dios -Nuestro Señor en su tiempo, y el mayor defensor suyo que tendrá jamás: -caballero andante por la vida, y santo a pie quedo por la muerte, -trabajador incansable en la viña del Señor, doctor de las gentes, a quien -sirvieron de escuelas los cielos y de catedrático y maestro que le enseñase -el mismo Jesucristo. - -No había más imágines, y así, mandó don Quijote que las volviesen a cubrir, -y dijo a los que las llevaban: - -— Por buen agüero he tenido, hermanos, haber visto lo que he visto, porque -estos santos y caballeros profesaron lo que yo profeso, que es el ejercicio -de las armas; sino que la diferencia que hay entre mí y ellos es que ellos -fueron santos y pelearon a lo divino, y yo soy pecador y peleo a lo humano. -Ellos conquistaron el cielo a fuerza de brazos, porque el cielo padece -fuerza, y yo hasta agora no sé lo que conquisto a fuerza de mis trabajos; -pero si mi Dulcinea del Toboso saliese de los que padece, mejorándose mi -ventura y adobándoseme el juicio, podría ser que encaminase mis pasos por -mejor camino del que llevo. - -— Dios lo oiga y el pecado sea sordo —dijo Sancho a esta ocasión. - -Admiráronse los hombres, así de la figura como de las razones de don -Quijote, sin entender la mitad de lo que en ellas decir quería. Acabaron de -comer, cargaron con sus imágines, y, despidiéndose de don Quijote, -siguieron su viaje. - -Quedó Sancho de nuevo como si jamás hubiera conocido a su señor, admirado -de lo que sabía, pareciéndole que no debía de haber historia en el mundo ni -suceso que no lo tuviese cifrado en la uña y clavado en la memoria, y -díjole: - -— En verdad, señor nuestramo, que si esto que nos ha sucedido hoy se puede -llamar aventura, ella ha sido de las más suaves y dulces que en todo el -discurso de nuestra peregrinación nos ha sucedido: della habemos salido sin -palos y sobresalto alguno, ni hemos echado mano a las espadas, ni hemos -batido la tierra con los cuerpos, ni quedamos hambrientos. Bendito sea -Dios, que tal me ha dejado ver con mis propios ojos. - -— Tú dices bien, Sancho —dijo don Quijote—, pero has de advertir que no -todos los tiempos son unos, ni corren de una misma suerte, y esto que el -vulgo suele llamar comúnmente agüeros, que no se fundan sobre natural razón -alguna, del que es discreto han de ser tenidos y juzgar por buenos -acontecimientos. Levántase uno destos agoreros por la mañana, sale de su -casa, encuéntrase con un fraile de la orden del bienaventurado San -Francisco, y, como si hubiera encontrado con un grifo, vuelve las espaldas -y vuélvese a su casa. Derrámasele al otro Mendoza la sal encima de la mesa, -y derrámasele a él la melancolía por el corazón, como si estuviese obligada -la naturaleza a dar señales de las venideras desgracias con cosas tan de -poco momento como las referidas. El discreto y cristiano no ha de andar en -puntillos con lo que quiere hacer el cielo. Llega Cipión a África, tropieza -en saltando en tierra, tiénenlo por mal agüero sus soldados; pero él, -abrazándose con el suelo, dijo: ''No te me podrás huir, África, porque te -tengo asida y entre mis brazos''. Así que, Sancho, el haber encontrado con -estas imágines ha sido para mí felicísimo acontecimiento. - -— Yo así lo creo —respondió Sancho—, y querría que vuestra merced me dijese -qué es la causa por que dicen los españoles cuando quieren dar alguna -batalla, invocando aquel San Diego Matamoros: "¡Santiago, y cierra, -España!" ¿Está por ventura España abierta, y de modo que es menester -cerrarla, o qué ceremonia es ésta? - -— Simplicísimo eres, Sancho —respondió don Quijote—; y mira que este gran -caballero de la cruz bermeja háselo dado Dios a España por patrón y amparo -suyo, especialmente en los rigurosos trances que con los moros los -españoles han tenido; y así, le invocan y llaman como a defensor suyo en -todas las batallas que acometen, y muchas veces le han visto visiblemente -en ellas, derribando, atropellando, destruyendo y matando los agarenos -escuadrones; y desta verdad te pudiera traer muchos ejemplos que en las -verdaderas historias españolas se cuentan. - -Mudó Sancho plática, y dijo a su amo: - -— Maravillado estoy, señor, de la desenvoltura de Altisidora, la doncella de -la duquesa: bravamente la debe de tener herida y traspasada aquel que -llaman Amor, que dicen que es un rapaz ceguezuelo que, con estar lagañoso, -o, por mejor decir, sin vista, si toma por blanco un corazón, por pequeño -que sea, le acierta y traspasa de parte a parte con sus flechas. He oído -decir también que en la vergüenza y recato de las doncellas se despuntan y -embotan las amorosas saetas, pero en esta Altisidora más parece que se -aguzan que despuntan. - -— Advierte, Sancho —dijo don Quijote—, que el amor ni mira respetos ni -guarda términos de razón en sus discursos, y tiene la misma condición que -la muerte: que así acomete los altos alcázares de los reyes como las -humildes chozas de los pastores, y cuando toma entera posesión de una alma, -lo primero que hace es quitarle el temor y la vergüenza; y así, sin ella -declaró Altisidora sus deseos, que engendraron en mi pecho antes confusión -que lástima. - -— ¡Crueldad notoria! —dijo Sancho—. ¡Desagradecimiento inaudito! Yo de mí sé -decir que me rindiera y avasallara la más mínima razón amorosa suya. -¡Hideputa, y qué corazón de mármol, qué entrañas de bronce y qué alma de -argamasa! Pero no puedo pensar qué es lo que vio esta doncella en vuestra -merced que así la rindiese y avasallase: qué gala, qué brío, qué donaire, -qué rostro, que cada cosa por sí déstas, o todas juntas, le enamoraron; que -en verdad en verdad que muchas veces me paro a mirar a vuestra merced desde -la punta del pie hasta el último cabello de la cabeza, y que veo más cosas -para espantar que para enamorar; y, habiendo yo también oído decir que la -hermosura es la primera y principal parte que enamora, no teniendo vuestra -merced ninguna, no sé yo de qué se enamoró la pobre. - -— Advierte, Sancho —respondió don Quijote—, que hay dos maneras de -hermosura: una del alma y otra del cuerpo; la del alma campea y se muestra -en el entendimiento, en la honestidad, en el buen proceder, en la -liberalidad y en la buena crianza, y todas estas partes caben y pueden -estar en un hombre feo; y cuando se pone la mira en esta hermosura, y no en -la del cuerpo, suele nacer el amor con ímpetu y con ventajas. Yo, Sancho, -bien veo que no soy hermoso, pero también conozco que no soy disforme; y -bástale a un hombre de bien no ser monstruo para ser bien querido, como -tenga los dotes del alma que te he dicho. - -En estas razones y pláticas se iban entrando por una selva que fuera del -camino estaba, y a deshora, sin pensar en ello, se halló don Quijote -enredado entre unas redes de hilo verde, que desde unos árboles a otros -estaban tendidas; y, sin poder imaginar qué pudiese ser aquello, dijo a -Sancho: - -— Paréceme, Sancho, que esto destas redes debe de ser una de las más nuevas -aventuras que pueda imaginar. Que me maten si los encantadores que me -persiguen no quieren enredarme en ellas y detener mi camino, como en -venganza de la riguridad que con Altisidora he tenido. Pues mándoles yo -que, aunque estas redes, si como son hechas de hilo verde fueran de -durísimos diamantes, o más fuertes que aquélla con que el celoso dios de -los herreros enredó a Venus y a Marte, así la rompiera como si fuera de -juncos marinos o de hilachas de algodón. - -Y, queriendo pasar adelante y romperlo todo, al improviso se le ofrecieron -delante, saliendo de entre unos árboles, dos hermosísimas pastoras; a lo -menos, vestidas como pastoras, sino que los pellicos y sayas eran de fino -brocado, digo, que las sayas eran riquísimos faldellines de tabí de oro. -Traían los cabellos sueltos por las espaldas, que en rubios podían competir -con los rayos del mismo sol; los cuales se coronaban con dos guirnaldas de -verde laurel y de rojo amaranto tejidas. La edad, al parecer, ni bajaba de -los quince ni pasaba de los diez y ocho. - -Vista fue ésta que admiró a Sancho, suspendió a don Quijote, hizo parar al -sol en su carrera para verlas, y tuvo en maravilloso silencio a todos -cuatro. En fin, quien primero habló fue una de las dos zagalas, que dijo a -don Quijote: - -— Detened, señor caballero, el paso, y no rompáis las redes, que no para -daño vuestro, sino para nuestro pasatiempo, ahí están tendidas; y, porque -sé que nos habéis de preguntar para qué se han puesto y quién somos, os lo -quiero decir en breves palabras. En una aldea que está hasta dos leguas de -aquí, donde hay mucha gente principal y muchos hidalgos y ricos, entre -muchos amigos y parientes se concertó que con sus hijos, mujeres y hijas, -vecinos, amigos y parientes, nos viniésemos a holgar a este sitio, que es -uno de los más agradables de todos estos contornos, formando entre todos -una nueva y pastoril Arcadia, vistiéndonos las doncellas de zagalas y los -mancebos de pastores. Traemos estudiadas dos églogas, una del famoso poeta -Garcilaso, y otra del excelentísimo Camoes, en su misma lengua -portuguesa, las cuales hasta agora no hemos representado. Ayer fue el -primero día que aquí llegamos; tenemos entre estos ramos plantadas algunas -tiendas, que dicen se llaman de campaña, en el margen de un abundoso arroyo -que todos estos prados fertiliza; tendimos la noche pasada estas redes de -estos árboles para engañar los simples pajarillos, que, ojeados con nuestro -ruido, vinieren a dar en ellas. Si gustáis, señor, de ser nuestro huésped, -seréis agasajado liberal y cortésmente; porque por agora en este sitio no -ha de entrar la pesadumbre ni la melancolía. - -Calló y no dijo más. A lo que respondió don Quijote: - -— Por cierto, hermosísima señora, que no debió de quedar más suspenso ni -admirado Anteón cuando vio al improviso bañarse en las aguas a Diana, como -yo he quedado atónito en ver vuestra belleza. Alabo el asumpto de vuestros -entretenimientos, y el de vuestros ofrecimientos agradezco; y, si os puedo -servir, con seguridad de ser obedecidas me lo podéis mandar; porque no es -ésta la profesión mía, sino de mostrarme agradecido y bienhechor con todo -género de gente, en especial con la principal que vuestras personas -representa; y, si como estas redes, que deben de ocupar algún pequeño -espacio, ocuparan toda la redondez de la tierra, buscara yo nuevos mundos -por do pasar sin romperlas; y porque deis algún crédito a esta mi -exageración, ved que os lo promete, por lo menos, don Quijote de la Mancha, -si es que ha llegado a vuestros oídos este nombre. - -— ¡Ay, amiga de mi alma —dijo entonces la otra zagala—, y qué ventura tan -grande nos ha sucedido! ¿Ves este señor que tenemos delante? Pues hágote -saber que es el más valiente, y el más enamorado, y el más comedido que -tiene el mundo, si no es que nos miente y nos engaña una historia que de -sus hazañas anda impresa y yo he leído. Yo apostaré que este buen hombre -que viene consigo es un tal Sancho Panza, su escudero, a cuyas gracias no -hay ningunas que se le igualen. - -— Así es la verdad —dijo Sancho—: que yo soy ese gracioso y ese escudero que -vuestra merced dice, y este señor es mi amo, el mismo don Quijote de la -Mancha historiado y referido. - -— ¡Ay! —dijo la otra—. Supliquémosle, amiga, que se quede; que nuestros -padres y nuestros hermanos gustarán infinito dello, que también he oído yo -decir de su valor y de sus gracias lo mismo que tú me has dicho, y, sobre -todo, dicen dél que es el más firme y más leal enamorado que se sabe, y que -su dama es una tal Dulcinea del Toboso, a quien en toda España la dan la -palma de la hermosura. - -— Con razón se la dan —dijo don Quijote—, si ya no lo pone en duda vuestra -sin igual belleza. No os canséis, señoras, en detenerme, porque las -precisas obligaciones de mi profesión no me dejan reposar en ningún cabo. - -Llegó, en esto, adonde los cuatro estaban un hermano de una de las dos -pastoras, vestido asimismo de pastor, con la riqueza y galas que a las de -las zagalas correspondía; contáronle ellas que el que con ellas estaba era -el valeroso don Quijote de la Mancha, y el otro, su escudero Sancho, de -quien tenía él ya noticia, por haber leído su historia. Ofreciósele el -gallardo pastor, pidióle que se viniese con él a sus tiendas; húbolo de -conceder don Quijote, y así lo hizo. - -Llegó, en esto, el ojeo, llenáronse las redes de pajarillos diferentes que, -engañados de la color de las redes, caían en el peligro de que iban -huyendo. Juntáronse en aquel sitio más de treinta personas, todas -bizarramente de pastores y pastoras vestidas, y en un instante quedaron -enteradas de quiénes eran don Quijote y su escudero, de que no poco -contento recibieron, porque ya tenían dél noticia por su historia. -Acudieron a las tiendas, hallaron las mesas puestas, ricas, abundantes y -limpias; honraron a don Quijote dándole el primer lugar en ellas; mirábanle -todos, y admirábanse de verle. - -Finalmente, alzados los manteles, con gran reposo alzó don Quijote la voz, -y dijo: - -— Entre los pecados mayores que los hombres cometen, aunque algunos dicen -que es la soberbia, yo digo que es el desagradecimiento, ateniéndome a lo -que suele decirse: que de los desagradecidos está lleno el infierno. Este -pecado, en cuanto me ha sido posible, he procurado yo huir desde el -instante que tuve uso de razón; y si no puedo pagar las buenas obras que me -hacen con otras obras, pongo en su lugar los deseos de hacerlas, y cuando -éstos no bastan, las publico; porque quien dice y publica las buenas obras -que recibe, también las recompensara con otras, si pudiera; porque, por la -mayor parte, los que reciben son inferiores a los que dan; y así, es Dios -sobre todos, porque es dador sobre todos y no pueden corresponder las -dádivas del hombre a las de Dios con igualdad, por infinita distancia; y -esta estrecheza y cortedad, en cierto modo, la suple el agradecimiento. Yo, -pues, agradecido a la merced que aquí se me ha hecho, no pudiendo -corresponder a la misma medida, conteniéndome en los estrechos límites de -mi poderío, ofrezco lo que puedo y lo que tengo de mi cosecha; y así, digo -que sustentaré dos días naturales en metad de ese camino real que va a -Zaragoza, que estas señoras zagalas contrahechas que aquí están son las más -hermosas doncellas y más corteses que hay en el mundo, excetado sólo a la -sin par Dulcinea del Toboso, única señora de mis pensamientos, con paz sea -dicho de cuantos y cuantas me escuchan. - -Oyendo lo cual, Sancho, que con grande atención le había estado escuchando, -dando una gran voz, dijo: - -— ¿Es posible que haya en el mundo personas que se atrevan a decir y a jurar -que este mi señor es loco? Digan vuestras mercedes, señores pastores: ¿hay -cura de aldea, por discreto y por estudiante que sea, que pueda decir lo -que mi amo ha dicho, ni hay caballero andante, por más fama que tenga de -valiente, que pueda ofrecer lo que mi amo aquí ha ofrecido? - -Volvióse don Quijote a Sancho, y, encendido el rostro y colérico, le dijo: - -— ¿Es posible, ¡oh Sancho!, que haya en todo el orbe alguna persona que diga -que no eres tonto, aforrado de lo mismo, con no sé qué ribetes de malicioso -y de bellaco? ¿Quién te mete a ti en mis cosas, y en averiguar si soy -discreto o majadero? Calla y no me repliques, sino ensilla, si está -desensillado Rocinante: vamos a poner en efecto mi ofrecimiento, que, con -la razón que va de mi parte, puedes dar por vencidos a todos cuantos -quisieren contradecirla. - -Y, con gran furia y muestras de enojo, se levantó de la silla, dejando -admirados a los circunstantes, haciéndoles dudar si le podían tener por -loco o por cuerdo. Finalmente, habiéndole persuadido que no se pusiese en -tal demanda, que ellos daban por bien conocida su agradecida voluntad y que -no eran menester nuevas demostraciones para conocer su ánimo valeroso, pues -bastaban las que en la historia de sus hechos se referían, con todo esto, -salió don Quijote con su intención; y, puesto sobre Rocinante, embrazando -su escudo y tomando su lanza, se puso en la mitad de un real camino que no -lejos del verde prado estaba. Siguióle Sancho sobre su rucio, con toda la -gente del pastoral rebaño, deseosos de ver en qué paraba su arrogante y -nunca visto ofrecimiento. - -Puesto, pues, don Quijote en mitad del camino —como os he dicho—, hirió el -aire con semejantes palabras: - -— ¡Oh vosotros, pasajeros y viandantes, caballeros, escuderos, gente de a -pie y de a caballo que por este camino pasáis, o habéis de pasar en estos -dos días siguientes! Sabed que don Quijote de la Mancha, caballero andante, -está aquí puesto para defender que a todas las hermosuras y cortesías del -mundo exceden las que se encierran en las ninfas habitadoras destos prados -y bosques, dejando a un lado a la señora de mi alma Dulcinea del Toboso. -Por eso, el que fuere de parecer contrario, acuda, que aquí le espero. - -Dos veces repitió estas mismas razones, y dos veces no fueron oídas de -ningún aventurero; pero la suerte, que sus cosas iba encaminando de mejor -en mejor, ordenó que de allí a poco se descubriese por el camino -muchedumbre de hombres de a caballo, y muchos dellos con lanzas en las -manos, caminando todos apiñados, de tropel y a gran priesa. No los hubieron -bien visto los que con don Quijote estaban, cuando, volviendo las espaldas, -se apartaron bien lejos del camino, porque conocieron que si esperaban les -podía suceder algún peligro; sólo don Quijote, con intrépido corazón, se -estuvo quedo, y Sancho Panza se escudó con las ancas de Rocinante. - -Llegó el tropel de los lanceros, y uno dellos, que venía más delante, a -grandes voces comenzó a decir a don Quijote: - -— ¡Apártate, hombre del diablo, del camino, que te harán pedazos estos -toros! - -— ¡Ea, canalla —respondió don Quijote—, para mí no hay toros que valgan, -aunque sean de los más bravos que cría Jarama en sus riberas! Confesad, -malandrines, así a carga cerrada, que es verdad lo que yo aquí he -publicado; si no, conmigo sois en batalla. - -No tuvo lugar de responder el vaquero, ni don Quijote le tuvo de desviarse, -aunque quisiera; y así, el tropel de los toros bravos y el de los mansos -cabestros, con la multitud de los vaqueros y otras gentes que a encerrar -los llevaban a un lugar donde otro día habían de correrse, pasaron sobre -don Quijote, y sobre Sancho, Rocinante y el rucio, dando con todos ellos en -tierra, echándole a rodar por el suelo. Quedó molido Sancho, espantado don -Quijote, aporreado el rucio y no muy católico Rocinante; pero, en fin, se -levantaron todos, y don Quijote, a gran priesa, tropezando aquí y cayendo -allí, comenzó a correr tras la vacada, diciendo a voces: - -— ¡Deteneos y esperad, canalla malandrina, que un solo caballero os espera, -el cual no tiene condición ni es de parecer de los que dicen que al enemigo -que huye, hacerle la puente de plata! - -Pero no por eso se detuvieron los apresurados corredores, ni hicieron más -caso de sus amenazas que de las nubes de antaño. Detúvole el cansancio a -don Quijote, y, más enojado que vengado, se sentó en el camino, esperando a -que Sancho, Rocinante y el rucio llegasen. Llegaron, volvieron a subir amo -y mozo, y, sin volver a despedirse de la Arcadia fingida o contrahecha, y -con más vergüenza que gusto, siguieron su camino. - - - - -Capítulo LIX. Donde se cuenta del extraordinario suceso, que se puede -tener por aventura, que le sucedió a don Quijote - -Al polvo y al cansancio que don Quijote y Sancho sacaron del -descomedimiento de los toros, socorrió una fuente clara y limpia que entre -una fresca arboleda hallaron, en el margen de la cual, dejando libres, sin -jáquima y freno, al rucio y a Rocinante, los dos asendereados amo y mozo se -sentaron. Acudió Sancho a la repostería de su alforjas, y dellas sacó de lo -que él solía llamar condumio; enjuagóse la boca, lavóse don Quijote el -rostro, con cuyo refrigerio cobraron aliento los espíritus desalentados. No -comía don Quijote, de puro pesaroso, ni Sancho no osaba tocar a los -manjares que delante tenía, de puro comedido, y esperaba a que su señor -hiciese la salva; pero, viendo que, llevado de sus imaginaciones, no se -acordaba de llevar el pan a la boca, no abrió la suya, y, atropellando por -todo género de crianza, comenzó a embaular en el estómago el pan y queso -que se le ofrecía. - -— Come, Sancho amigo —dijo don Quijote—, sustenta la vida, que más que a mí -te importa, y déjame morir a mí a manos de mis pensamientos y a fuerzas de -mis desgracias. Yo, Sancho, nací para vivir muriendo, y tú para morir -comiendo; y, porque veas que te digo verdad en esto, considérame impreso en -historias, famoso en las armas, comedido en mis acciones, respetado de -príncipes, solicitado de doncellas; al cabo al cabo, cuando esperaba -palmas, triunfos y coronas, granjeadas y merecidas por mis valerosas -hazañas, me he visto esta mañana pisado y acoceado y molido de los pies de -animales inmundos y soeces. Esta consideración me embota los dientes, -entorpece las muelas, y entomece las manos, y quita de todo en todo la -gana del comer, de manera que pienso dejarme morir de hambre: muerte la más -cruel de las muertes. - -— Desa manera —dijo Sancho, sin dejar de mascar apriesa— no aprobará vuestra -merced aquel refrán que dicen: "muera Marta, y muera harta". Yo, a lo -menos, no pienso matarme a mí mismo; antes pienso hacer como el zapatero, -que tira el cuero con los dientes hasta que le hace llegar donde él quiere; -yo tiraré mi vida comiendo hasta que llegue al fin que le tiene determinado -el cielo; y sepa, señor, que no hay mayor locura que la que toca en querer -desesperarse como vuestra merced, y créame, y después de comido, échese a -dormir un poco sobre los colchones verdes destas yerbas, y verá como cuando -despierte se halla algo más aliviado. - -Hízolo así don Quijote, pareciéndole que las razones de Sancho más eran de -filósofo que de mentecato, y díjole: - -— Si tú, ¡oh Sancho!, quisieses hacer por mí lo que yo ahora te diré, serían -mis alivios más ciertos y mis pesadumbres no tan grandes; y es que, -mientras yo duermo, obedeciendo tus consejos, tú te desviases un poco lejos -de aquí, y con las riendas de Rocinante, echando al aire tus carnes, te -dieses trecientos o cuatrocientos azotes a buena cuenta de los tres mil y -tantos que te has de dar por el desencanto de Dulcinea; que es lástima no -pequeña que aquella pobre señora esté encantada por tu descuido y -negligencia. - -— Hay mucho que decir en eso —dijo Sancho—. Durmamos, por ahora, entrambos, -y después, Dios dijo lo que será. Sepa vuestra merced que esto de azotarse -un hombre a sangre fría es cosa recia, y más si caen los azotes sobre un -cuerpo mal sustentado y peor comido: tenga paciencia mi señora Dulcinea, -que, cuando menos se cate, me verá hecho una criba, de azotes; y hasta la -muerte, todo es vida; quiero decir que aún yo la tengo, junto con el deseo -de cumplir con lo que he prometido. - -Agradeciéndoselo don Quijote, comió algo, y Sancho mucho, y echáronse a -dormir entrambos, dejando a su albedrío y sin orden alguna pacer del -abundosa yerba de que aquel prado estaba lleno a los dos continuos -compañeros y amigos Rocinante y el rucio. Despertaron algo tarde, volvieron -a subir y a seguir su camino, dándose priesa para llegar a una venta que, -al parecer, una legua de allí se descubría. Digo que era venta porque don -Quijote la llamó así, fuera del uso que tenía de llamar a todas las ventas -castillos. - -Llegaron, pues, a ella; preguntaron al huésped si había posada. Fueles -respondido que sí, con toda la comodidad y regalo que pudiera hallar en -Zaragoza. Apeáronse y recogió Sancho su repostería en un aposento, de quien -el huésped le dio la llave; llevó las bestias a la caballeriza, echóles sus -piensos, salió a ver lo que don Quijote, que estaba sentado sobre un poyo, -le mandaba, dando particulares gracias al cielo de que a su amo no le -hubiese parecido castillo aquella venta. - -Llegóse la hora del cenar; recogiéronse a su estancia; preguntó Sancho al -huésped que qué tenía para darles de cenar. A lo que el huésped respondió -que su boca sería medida; y así, que pidiese lo que quisiese: que de las -pajaricas del aire, de las aves de la tierra y de los pescados del mar -estaba proveída aquella venta. - -— No es menester tanto —respondió Sancho—, que con un par de pollos que nos -asen tendremos lo suficiente, porque mi señor es delicado y come poco, y yo -no soy tragantón en demasía. - -Respondióle el huésped que no tenía pollos, porque los milanos los tenían -asolados. - -— Pues mande el señor huésped —dijo Sancho— asar una polla que sea tierna. - -— ¿Polla? ¡Mi padre! —respondió el huésped—. En verdad en verdad que envié -ayer a la ciudad a vender más de cincuenta; pero, fuera de pollas, pida -vuestra merced lo que quisiere. - -— Desa manera —dijo Sancho—, no faltará ternera o cabrito. - -— En casa, por ahora —respondió el huésped—, no lo hay, porque se ha -acabado; pero la semana que viene lo habrá de sobra. - -— ¡Medrados estamos con eso! —respondió Sancho—. Yo pondré que se vienen a -resumirse todas estas faltas en las sobras que debe de haber de tocino y -huevos. - -— ¡Por Dios —respondió el huésped—, que es gentil relente el que mi huésped -tiene!, pues hele dicho que ni tengo pollas ni gallinas, y ¿quiere que -tenga huevos? Discurra, si quisiere, por otras delicadezas, y déjese de -pedir gallinas. - -— Resolvámonos, cuerpo de mí —dijo Sancho—, y dígame finalmente lo que -tiene, y déjese de discurrimientos, señor huésped. - -Dijo el ventero: - -— Lo que real y verdaderamente tengo son dos uñas de vaca que parecen manos -de ternera, o dos manos de ternera que parecen uñas de vaca; están cocidas -con sus garbanzos, cebollas y tocino, y la hora de ahora están diciendo: -''¡Coméme! ¡Coméme!'' - -— Por mías las marco desde aquí —dijo Sancho—; y nadie las toque, que yo las -pagaré mejor que otro, porque para mí ninguna otra cosa pudiera esperar de -más gusto, y no se me daría nada que fuesen manos, como fuesen uñas. - -— Nadie las tocará —dijo el ventero—, porque otros huéspedes que tengo, de -puro principales, traen consigo cocinero, despensero y repostería. - -— Si por principales va —dijo Sancho—, ninguno más que mi amo; pero el -oficio que él trae no permite despensas ni botillerías: ahí nos tendemos en -mitad de un prado y nos hartamos de bellotas o de nísperos. - -Esta fue la plática que Sancho tuvo con el ventero, sin querer Sancho pasar -adelante en responderle; que ya le había preguntado qué oficio o qué -ejercicio era el de su amo. - -Llegóse, pues, la hora del cenar, recogióse a su estancia don Quijote, -trujo el huésped la olla, así como estaba, y sentóse a cenar muy de -propósito. Parece ser que en otro aposento que junto al de don Quijote -estaba, que no le dividía más que un sutil tabique, oyó decir don Quijote: - -— Por vida de vuestra merced, señor don Jerónimo, que en tanto que trae la -cena leamos otro capítulo de la segunda parte de Don Quijote de la Mancha. - -Apenas oyó su nombre don Quijote, cuando se puso en pie, y con oído alerto -escuchó lo que dél trataban, y oyó que el tal don Jerónimo referido -respondió: - -— ¿Para qué quiere vuestra merced, señor don Juan, que leamos estos -disparates? Y el que hubiere leído la primera parte de la historia de don -Quijote de la Mancha no es posible que pueda tener gusto en leer esta -segunda. - -— Con todo eso —dijo el don Juan—, será bien leerla, pues no hay libro tan -malo que no tenga alguna cosa buena. Lo que a mí en éste más desplace es -que pinta a don Quijote ya desenamorado de Dulcinea del Toboso. - -Oyendo lo cual don Quijote, lleno de ira y de despecho, alzó la voz y dijo: - -— Quienquiera que dijere que don Quijote de la Mancha ha olvidado, ni puede -olvidar, a Dulcinea del Toboso, yo le haré entender con armas iguales que -va muy lejos de la verdad; porque la sin par Dulcinea del Toboso ni puede -ser olvidada, ni en don Quijote puede caber olvido: su blasón es la -firmeza, y su profesión, el guardarla con suavidad y sin hacerse fuerza -alguna. - -— ¿Quién es el que nos responde? —respondieron del otro aposento. - -— ¿Quién ha de ser —respondió Sancho— sino el mismo don Quijote de la -Mancha, que hará bueno cuanto ha dicho, y aun cuanto dijere?; que al buen -pagador no le duelen prendas. - -Apenas hubo dicho esto Sancho, cuando entraron por la puerta de su aposento -dos caballeros, que tales lo parecían, y uno dellos echando los brazos al -cuello de don Quijote, le dijo: - -— Ni vuestra presencia puede desmentir vuestro nombre, ni vuestro nombre -puede no acreditar vuestra presencia: sin duda, vos, señor, sois el -verdadero don Quijote de la Mancha, norte y lucero de la andante -caballería, a despecho y pesar del que ha querido usurpar vuestro nombre y -aniquilar vuestras hazañas, como lo ha hecho el autor deste libro que aquí -os entrego. - -Y, poniéndole un libro en las manos, que traía su compañero, le tomó don -Quijote, y, sin responder palabra, comenzó a hojearle, y de allí a un poco -se le volvió, diciendo: - -— En esto poco que he visto he hallado tres cosas en este autor dignas de -reprehensión. La primera es algunas palabras que he leído en el prólogo; la -otra, que el lenguaje es aragonés, porque tal vez escribe sin artículos, y -la tercera, que más le confirma por ignorante, es que yerra y se desvía de -la verdad en lo más principal de la historia; porque aquí dice que la mujer -de Sancho Panza mi escudero se llama Mari Gutiérrez, y no llama tal, sino -Teresa Panza; y quien en esta parte tan principal yerra, bien se podrá -temer que yerra en todas las demás de la historia. - -A esto dijo Sancho: - -— ¡Donosa cosa de historiador! ¡Por cierto, bien debe de estar en el cuento -de nuestros sucesos, pues llama a Teresa Panza, mi mujer, Mari Gutiérrez! -Torne a tomar el libro, señor, y mire si ando yo por ahí y si me ha mudado -el nombre. - -— Por lo que he oído hablar, amigo —dijo don Jerónimo—, sin duda debéis de -ser Sancho Panza, el escudero del señor don Quijote. - -— Sí soy —respondió Sancho—, y me precio dello. - -— Pues a fe —dijo el caballero— que no os trata este autor moderno con la -limpieza que en vuestra persona se muestra: píntaos comedor, y simple, y no -nada gracioso, y muy otro del Sancho que en la primera parte de la historia -de vuestro amo se describe. - -— Dios se lo perdone —dijo Sancho—. Dejárame en mi rincón, sin acordarse de -mí, porque quien las sabe las tañe, y bien se está San Pedro en Roma. - -Los dos caballeros pidieron a don Quijote se pasase a su estancia a cenar -con ellos, que bien sabían que en aquella venta no había cosas -pertenecientes para su persona. Don Quijote, que siempre fue comedido, -condecenció con su demanda y cenó con ellos; quedóse Sancho con la olla con -mero mixto imperio; sentóse en cabecera de mesa, y con él el ventero, que -no menos que Sancho estaba de sus manos y de sus uñas aficionado. - -En el discurso de la cena preguntó don Juan a don Quijote qué nuevas tenía -de la señora Dulcinea del Toboso: si se había casado, si estaba parida o -preñada, o si, estando en su entereza, se acordaba —guardando su honestidad -y buen decoro— de los amorosos pensamientos del señor don Quijote. A lo que -él respondió: - -— Dulcinea se está entera, y mis pensamientos, más firmes que nunca; las -correspondencias, en su sequedad antigua; su hermosura, en la de una soez -labradora transformada. - -Y luego les fue contando punto por punto el encanto de la señora Dulcinea, -y lo que le había sucedido en la cueva de Montesinos, con la orden que el -sabio Merlín le había dado para desencantarla, que fue la de los azotes de -Sancho. - -Sumo fue el contento que los dos caballeros recibieron de oír contar a don -Quijote los estraños sucesos de su historia, y así quedaron admirados de -sus disparates como del elegante modo con que los contaba. Aquí le tenían -por discreto, y allí se les deslizaba por mentecato, sin saber determinarse -qué grado le darían entre la discreción y la locura. - -Acabó de cenar Sancho, y, dejando hecho equis al ventero, se pasó a la -estancia de su amo; y, en entrando, dijo: - -— Que me maten, señores, si el autor deste libro que vuesas mercedes tienen -quiere que no comamos buenas migas juntos; yo querría que, ya que me llama -comilón, como vuesas mercedes dicen, no me llamase también borracho. - -— Sí llama —dijo don Jerónimo—, pero no me acuerdo en qué manera, aunque sé -que son malsonantes las razones, y además, mentirosas, según yo echo de ver -en la fisonomía del buen Sancho que está presente. - -— Créanme vuesas mercedes —dijo Sancho— que el Sancho y el don Quijote desa -historia deben de ser otros que los que andan en aquella que compuso Cide -Hamete Benengeli, que somos nosotros: mi amo, valiente, discreto y -enamorado; y yo, simple gracioso, y no comedor ni borracho. - -— Yo así lo creo —dijo don Juan—; y si fuera posible, se había de mandar que -ninguno fuera osado a tratar de las cosas del gran don Quijote, si no fuese -Cide Hamete, su primer autor, bien así como mandó Alejandro que ninguno -fuese osado a retratarle sino Apeles. - -— Retráteme el que quisiere —dijo don Quijote—, pero no me maltrate; que -muchas veces suele caerse la paciencia cuando la cargan de injurias. - -— Ninguna —dijo don Juan— se le puede hacer al señor don Quijote de quien él -no se pueda vengar, si no la repara en el escudo de su paciencia, que, a mi -parecer, es fuerte y grande. - -En estas y otras pláticas se pasó gran parte de la noche; y, aunque don -Juan quisiera que don Quijote leyera más del libro, por ver lo que -discantaba, no lo pudieron acabar con él, diciendo que él lo daba por leído -y lo confirmaba por todo necio, y que no quería, si acaso llegase a noticia -de su autor que le había tenido en sus manos, se alegrase con pensar que le -había leído; pues de las cosas obscenas y torpes, los pensamientos se han -de apartar, cuanto más los ojos. Preguntáronle que adónde llevaba -determinado su viaje. Respondió que a Zaragoza, a hallarse en las justas -del arnés, que en aquella ciudad suelen hacerse todos los años. Díjole -don Juan que aquella nueva historia contaba como don Quijote, sea quien -se quisiere, se había hallado en ella en una sortija, falta de invención, -pobre de letras, pobrísima de libreas, aunque rica de simplicidades. - -— Por el mismo caso —respondió don Quijote—, no pondré los pies en Zaragoza, -y así sacaré a la plaza del mundo la mentira dese historiador moderno, y -echarán de ver las gentes como yo no soy el don Quijote que él dice. - -— Hará muy bien —dijo don Jerónimo—; y otras justas hay en Barcelona, donde -podrá el señor don Quijote mostrar su valor. - -— Así lo pienso hacer —dijo don Quijote—; y vuesas mercedes me den licencia, -pues ya es hora para irme al lecho, y me tengan y pongan en el número de -sus mayores amigos y servidores. - -— Y a mí también —dijo Sancho—: quizá seré bueno para algo. - -Con esto se despidieron, y don Quijote y Sancho se retiraron a su aposento, -dejando a don Juan y a don Jerónimo admirados de ver la mezcla que había -hecho de su discreción y de su locura; y verdaderamente creyeron que éstos -eran los verdaderos don Quijote y Sancho, y no los que describía su autor -aragonés. - -Madrugó don Quijote, y, dando golpes al tabique del otro aposento, se -despidió de sus huéspedes. Pagó Sancho al ventero magníficamente, y -aconsejóle que alabase menos la provisión de su venta, o la tuviese más -proveída. - - - - -Capítulo LX. De lo que sucedió a don Quijote yendo a Barcelona - -Era fresca la mañana, y daba muestras de serlo asimesmo el día en que don -Quijote salió de la venta, informándose primero cuál era el más derecho -camino para ir a Barcelona sin tocar en Zaragoza: tal era el deseo que -tenía de sacar mentiroso aquel nuevo historiador que tanto decían que le -vituperaba. - -Sucedió, pues, que en más de seis días no le sucedió cosa digna de ponerse -en escritura, al cabo de los cuales, yendo fuera de camino, le tomó la -noche entre unas espesas encinas o alcornoques; que en esto no guarda la -puntualidad Cide Hamete que en otras cosas suele. - -Apeáronse de sus bestias amo y mozo, y, acomodándose a los troncos de los -árboles, Sancho, que había merendado aquel día, se dejó entrar de rondón -por las puertas del sueño; pero don Quijote, a quien desvelaban sus -imaginaciones mucho más que la hambre, no podía pegar sus ojos; antes iba y -venía con el pensamiento por mil géneros de lugares. Ya le parecía hallarse -en la cueva de Montesinos; ya ver brincar y subir sobre su pollina a la -convertida en labradora Dulcinea; ya que le sonaban en los oídos las -palabras del sabio Merlín que le referían las condiciones y diligencias que -se habían de hacer y tener en el desencanto de Dulcinea. Desesperábase de -ver la flojedad y caridad poca de Sancho su escudero, pues, a lo que creía, -solos cinco azotes se había dado, número desigual y pequeño para los -infinitos que le faltaban; y desto recibió tanta pesadumbre y enojo, que -hizo este discurso: - -— Si nudo gordiano cortó el Magno Alejandro, diciendo: ''Tanto monta cortar -como desatar'', y no por eso dejó de ser universal señor de toda la Asia, -ni más ni menos podría suceder ahora en el desencanto de Dulcinea, si yo -azotase a Sancho a pesar suyo; que si la condición deste remedio está en -que Sancho reciba los tres mil y tantos azotes, ¿qué se me da a mí que se -los dé él, o que se los dé otro, pues la sustancia está en que él los -reciba, lleguen por do llegaren? - -Con esta imaginación se llegó a Sancho, habiendo primero tomado las riendas -de Rocinante, y acomodádolas en modo que pudiese azotarle con ellas, -comenzóle a quitar las cintas, que es opinión que no tenía más que la -delantera, en que se sustentaban los greguescos; pero, apenas hubo llegado, -cuando Sancho despertó en todo su acuerdo, y dijo: - -— ¿Qué es esto? ¿Quién me toca y desencinta? - -— Yo soy —respondió don Quijote—, que vengo a suplir tus faltas y a remediar -mis trabajos: véngote a azotar, Sancho, y a descargar, en parte, la deuda a -que te obligaste. Dulcinea perece; tú vives en descuido; yo muero deseando; -y así, desatácate por tu voluntad, que la mía es de darte en esta soledad, -por lo menos, dos mil azotes. - -— Eso no —dijo Sancho—; vuesa merced se esté quedo; si no, por Dios -verdadero que nos han de oír los sordos. Los azotes a que yo me obligué han -de ser voluntarios, y no por fuerza, y ahora no tengo gana de azotarme; -basta que doy a vuesa merced mi palabra de vapularme y mosquearme cuando en -voluntad me viniere. - -— No hay dejarlo a tu cortesía, Sancho —dijo don Quijote—, porque eres duro -de corazón, y, aunque villano, blando de carnes. - -Y así, procuraba y pugnaba por desenlazarle. Viendo lo cual Sancho Panza, -se puso en pie, y, arremetiendo a su amo, se abrazó con él a brazo partido, -y, echándole una zancadilla, dio con él en el suelo boca arriba; púsole -la rodilla derecha sobre el pecho, y con las manos le tenía las manos, de -modo que ni le dejaba rodear ni alentar. Don Quijote le decía: - -— ¿Cómo, traidor? ¿Contra tu amo y señor natural te desmandas? ¿Con quien te -da su pan te atreves? - -— Ni quito rey, ni pongo rey —respondió Sancho—, sino ayúdome a mí, que soy -mi señor. Vuesa merced me prometa que se estará quedo, y no tratará de -azotarme por agora, que yo le dejaré libre y desembarazado; donde no, - -Aquí morirás, traidor, - -enemigo de doña Sancha. - -Prometióselo don Quijote, y juró por vida de sus pensamientos no tocarle en -el pelo de la ropa, y que dejaría en toda su voluntad y albedrío el -azotarse cuando quisiese. - -Levantóse Sancho, y desvióse de aquel lugar un buen espacio; y, yendo a -arrimarse a otro árbol, sintió que le tocaban en la cabeza, y, alzando las -manos, topó con dos pies de persona, con zapatos y calzas. Tembló de miedo; -acudió a otro árbol, y sucedióle lo mesmo. Dio voces llamando a don Quijote -que le favoreciese. Hízolo así don Quijote, y, preguntándole qué le había -sucedido y de qué tenía miedo, le respondió Sancho que todos aquellos -árboles estaban llenos de pies y de piernas humanas. Tentólos don Quijote, -y cayó luego en la cuenta de lo que podía ser, y díjole a Sancho: - -— No tienes de qué tener miedo, porque estos pies y piernas que tientas y no -vees, sin duda son de algunos forajidos y bandoleros que en estos árboles -están ahorcados; que por aquí los suele ahorcar la justicia cuando los -coge, de veinte en veinte y de treinta en treinta; por donde me doy a -entender que debo de estar cerca de Barcelona. - -Y así era la verdad como él lo había imaginado. - -Al parecer alzaron los ojos, y vieron los racimos de aquellos árboles, que -eran cuerpos de bandoleros. Ya, en esto, amanecía, y si los muertos los -habían espantado, no menos los atribularon más de cuarenta bandoleros vivos -que de improviso les rodearon, diciéndoles en lengua catalana que -estuviesen quedos, y se detuviesen, hasta que llegase su capitán. - -Hallóse don Quijote a pie, su caballo sin freno, su lanza arrimada a un -árbol, y, finalmente, sin defensa alguna; y así, tuvo por bien de cruzar -las manos e inclinar la cabeza, guardándose para mejor sazón y coyuntura. - -Acudieron los bandoleros a espulgar al rucio, y a no dejarle ninguna cosa -de cuantas en las alforjas y la maleta traía; y avínole bien a Sancho que -en una ventrera que tenía ceñida venían los escudos del duque y los que -habían sacado de su tierra, y, con todo eso, aquella buena gente le -escardara y le mirara hasta lo que entre el cuero y la carne tuviera -escondido, si no llegara en aquella sazón su capitán, el cual mostró ser de -hasta edad de treinta y cuatro años, robusto, más que de mediana -proporción, de mirar grave y color morena. Venía sobre un poderoso caballo, -vestida la acerada cota, y con cuatro pistoletes —que en aquella tierra se -llaman pedreñales— a los lados. Vio que sus escuderos, que así llaman a los -que andan en aquel ejercicio, iban a despojar a Sancho Panza; mandóles que -no lo hiciesen, y fue luego obedecido; y así se escapó la ventrera. -Admiróle ver lanza arrimada al árbol, escudo en el suelo, y a don Quijote -armado y pensativo, con la más triste y melancólica figura que pudiera -formar la misma tristeza. Llegóse a él diciéndole: - -— No estéis tan triste, buen hombre, porque no habéis caído en las manos de -algún cruel Osiris, sino en las de Roque Guinart, que tienen más de -compasivas que de rigurosas. - -— No es mi tristeza —respondió don Quijote— haber caído en tu poder, ¡oh -valeroso Roque, cuya fama no hay límites en la tierra que la encierren!, -sino por haber sido tal mi descuido, que me hayan cogido tus soldados sin -el freno, estando yo obligado, según la orden de la andante caballería, que -profeso, a vivir contino alerta, siendo a todas horas centinela de mí -mismo; porque te hago saber, ¡oh gran Roque!, que si me hallaran sobre mi -caballo, con mi lanza y con mi escudo, no les fuera muy fácil rendirme, -porque yo soy don Quijote de la Mancha, aquel que de sus hazañas tiene -lleno todo el orbe. - -Luego Roque Guinart conoció que la enfermedad de don Quijote tocaba más en -locura que en valentía, y, aunque algunas veces le había oído nombrar, -nunca tuvo por verdad sus hechos, ni se pudo persuadir a que semejante -humor reinase en corazón de hombre; y holgóse en estremo de haberle -encontrado, para tocar de cerca lo que de lejos dél había oído; y así, le -dijo: - -— Valeroso caballero, no os despechéis ni tengáis a siniestra fortuna ésta -en que os halláis, que podía ser que en estos tropiezos vuestra torcida -suerte se enderezase; que el cielo, por estraños y nunca vistos rodeos, de -los hombres no imaginados, suele levantar los caídos y enriquecer los -pobres. - -Ya le iba a dar las gracias don Quijote, cuando sintieron a sus espaldas un -ruido como de tropel de caballos, y no era sino un solo, sobre el cual -venía a toda furia un mancebo, al parecer de hasta veinte años, vestido de -damasco verde, con pasamanos de oro, greguescos y saltaembarca, con -sombrero terciado, a la valona, botas enceradas y justas, espuelas, daga y -espada doradas, una escopeta pequeña en las manos y dos pistolas a los -lados. Al ruido volvió Roque la cabeza y vio esta hermosa figura, la cual, -en llegando a él, dijo: - -— En tu busca venía, ¡oh valeroso Roque!, para hallar en ti, si no remedio, -a lo menos alivio en mi desdicha; y, por no tenerte suspenso, porque sé que -no me has conocido, quiero decirte quién soy: y soy Claudia Jerónima, hija -de Simón Forte, tu singular amigo y enemigo particular de Clauquel -Torrellas, que asimismo lo es tuyo, por ser uno de los de tu contrario -bando; y ya sabes que este Torrellas tiene un hijo que don Vicente -Torrellas se llama, o, a lo menos, se llamaba no ha dos horas. Éste, pues, -por abreviar el cuento de mi desventura, te diré en breves palabras la que -me ha causado. Viome, requebróme, escuchéle, enamoréme, a hurto de mi -padre; porque no hay mujer, por retirada que esté y recatada que sea, a -quien no le sobre tiempo para poner en ejecución y efecto sus atropellados -deseos. Finalmente, él me prometió de ser mi esposo, y yo le di la palabra -de ser suya, sin que en obras pasásemos adelante. Supe ayer que, olvidado -de lo que me debía, se casaba con otra, y que esta mañana iba a desposarse, -nueva que me turbó el sentido y acabó la paciencia; y, por no estar mi -padre en el lugar, le tuve yo de ponerme en el traje que vees, y -apresurando el paso a este caballo, alcancé a don Vicente obra de una legua -de aquí; y, sin ponerme a dar quejas ni a oír disculpas, le disparé estas -escopetas, y, por añadidura, estas dos pistolas; y, a lo que creo, le debí -de encerrar más de dos balas en el cuerpo, abriéndole puertas por donde -envuelta en su sangre saliese mi honra. Allí le dejo entre sus criados, que -no osaron ni pudieron ponerse en su defensa. Vengo a buscarte para que me -pases a Francia, donde tengo parientes con quien viva, y asimesmo a rogarte -defiendas a mi padre, porque los muchos de don Vicente no se atrevan a -tomar en él desaforada venganza. - -Roque, admirado de la gallardía, bizarría, buen talle y suceso de la -hermosa Claudia, le dijo: - -— Ven, señora, y vamos a ver si es muerto tu enemigo, que después veremos lo -que más te importare. - -Don Quijote, que estaba escuchando atentamente lo que Claudia había dicho y -lo que Roque Guinart respondió, dijo: - -— No tiene nadie para qué tomar trabajo en defender a esta señora, que lo -tomo yo a mi cargo: denme mi caballo y mis armas, y espérenme aquí, que yo -iré a buscar a ese caballero, y, muerto o vivo, le haré cumplir la palabra -prometida a tanta belleza. - -— Nadie dude de esto —dijo Sancho—, porque mi señor tiene muy buena mano -para casamentero, pues no ha muchos días que hizo casar a otro que también -negaba a otra doncella su palabra; y si no fuera porque los encantadores -que le persiguen le mudaron su verdadera figura en la de un lacayo, ésta -fuera la hora que ya la tal doncella no lo fuera. - -Roque, que atendía más a pensar en el suceso de la hermosa Claudia que en -las razones de amo y mozo, no las entendió; y, mandando a sus escuderos que -volviesen a Sancho todo cuanto le habían quitado del rucio, mandándoles -asimesmo que se retirasen a la parte donde aquella noche habían estado -alojados, y luego se partió con Claudia a toda priesa a buscar al herido, o -muerto, don Vicente. Llegaron al lugar donde le encontró Claudia, y no -hallaron en él sino recién derramada sangre; pero, tendiendo la vista por -todas partes, descubrieron por un recuesto arriba alguna gente, y diéronse -a entender, como era la verdad, que debía ser don Vicente, a quien sus -criados, o muerto o vivo, llevaban, o para curarle, o para enterrarle; -diéronse priesa a alcanzarlos, que, como iban de espacio, con facilidad lo -hicieron. - -Hallaron a don Vicente en los brazos de sus criados, a quien con cansada y -debilitada voz rogaba que le dejasen allí morir, porque el dolor de las -heridas no consentía que más adelante pasase. - -Arrojáronse de los caballos Claudia y Roque, llegáronse a él, temieron los -criados la presencia de Roque, y Claudia se turbó en ver la de don Vicente; -y así, entre enternecida y rigurosa, se llegó a él, y asiéndole de las -manos, le dijo: - -— Si tú me dieras éstas, conforme a nuestro concierto, nunca tú te vieras en -este paso. - -Abrió los casi cerrados ojos el herido caballero, y, conociendo a Claudia, -le dijo: - -— Bien veo, hermosa y engañada señora, que tú has sido la que me has muerto: -pena no merecida ni debida a mis deseos, con los cuales, ni con mis obras, -jamás quise ni supe ofenderte. - -— Luego, ¿no es verdad —dijo Claudia— que ibas esta mañana a desposarte con -Leonora, la hija del rico Balvastro? - -— No, por cierto —respondió don Vicente—; mi mala fortuna te debió de llevar -estas nuevas, para que, celosa, me quitases la vida, la cual, pues la dejo -en tus manos y en tus brazos, tengo mi suerte por venturosa. Y, para -asegurarte desta verdad, aprieta la mano y recíbeme por esposo, si -quisieres, que no tengo otra mayor satisfación que darte del agravio que -piensas que de mí has recebido. - -Apretóle la mano Claudia, y apretósele a ella el corazón, de manera que -sobre la sangre y pecho de don Vicente se quedó desmayada, y a él le tomó -un mortal parasismo. Confuso estaba Roque, y no sabía qué hacerse. -Acudieron los criados a buscar agua que echarles en los rostros, y -trujéronla, con que se los bañaron. Volvió de su desmayo Claudia, pero no -de su parasismo don Vicente, porque se le acabó la vida. Visto lo cual de -Claudia, habiéndose enterado que ya su dulce esposo no vivía, rompió los -aires con suspiros, hirió los cielos con quejas, maltrató sus cabellos, -entregándolos al viento, afeó su rostro con sus propias manos, con todas -las muestras de dolor y sentimiento que de un lastimado pecho pudieran -imaginarse. - -— ¡Oh cruel e inconsiderada mujer —decía—, con qué facilidad te moviste a -poner en ejecución tan mal pensamiento! ¡Oh fuerza rabiosa de los celos, a -qué desesperado fin conducís a quien os da acogida en su pecho! ¡Oh esposo -mío, cuya desdichada suerte, por ser prenda mía, te ha llevado del tálamo a -la sepultura! - -Tales y tan tristes eran las quejas de Claudia, que sacaron las lágrimas de -los ojos de Roque, no acostumbrados a verterlas en ninguna ocasión. -Lloraban los criados, desmayábase a cada paso Claudia, y todo aquel -circuito parecía campo de tristeza y lugar de desgracia. Finalmente, Roque -Guinart ordenó a los criados de don Vicente que llevasen su cuerpo al lugar -de su padre, que estaba allí cerca, para que le diesen sepultura. Claudia -dijo a Roque que querría irse a un monasterio donde era abadesa una tía -suya, en el cual pensaba acabar la vida, de otro mejor esposo y más eterno -acompañada. Alabóle Roque su buen propósito, ofreciósele de acompañarla -hasta donde quisiese, y de defender a su padre de los parientes y de todo -el mundo, si ofenderle quisiese. No quiso su compañía Claudia, en ninguna -manera, y, agradeciendo sus ofrecimientos con las mejores razones que supo, -se despedió dél llorando. Los criados de don Vicente llevaron su cuerpo, y -Roque se volvió a los suyos, y este fin tuvieron los amores de Claudia -Jerónima. Pero, ¿qué mucho, si tejieron la trama de su lamentable historia -las fuerzas invencibles y rigurosas de los celos? - -Halló Roque Guinart a sus escuderos en la parte donde les había ordenado, y -a don Quijote entre ellos, sobre Rocinante, haciéndoles una plática en que -les persuadía dejasen aquel modo de vivir tan peligroso, así para el alma -como para el cuerpo; pero, como los más eran gascones, gente rústica y -desbaratada, no les entraba bien la plática de don Quijote. Llegado que fue -Roque, preguntó a Sancho Panza si le habían vuelto y restituido las alhajas -y preseas que los suyos del rucio le habían quitado. Sancho respondió que -sí, sino que le faltaban tres tocadores, que valían tres ciudades. - -— ¿Qué es lo que dices, hombre? —dijo uno de los presentes—, que yo los -tengo, y no valen tres reales. - -— Así es —dijo don Quijote—, pero estímalos mi escudero en lo que ha dicho, -por habérmelos dado quien me los dio. - -Mandóselos volver al punto Roque Guinart, y, mandando poner los suyos en -ala, mandó traer allí delante todos los vestidos, joyas, y dineros, y todo -aquello que desde la última repartición habían robado; y, haciendo -brevemente el tanteo, volviendo lo no repartible y reduciéndolo a dineros, -lo repartió por toda su compañía, con tanta legalidad y prudencia que no -pasó un punto ni defraudó nada de la justicia distributiva. Hecho esto, con -lo cual todos quedaron contentos, satisfechos y pagados, dijo Roque a don -Quijote: - -— Si no se guardase esta puntualidad con éstos, no se podría vivir con -ellos. - -A lo que dijo Sancho: - -— Según lo que aquí he visto, es tan buena la justicia, que es necesaria que -se use aun entre los mesmos ladrones. - -Oyólo un escudero, y enarboló el mocho de un arcabuz, con el cual, sin -duda, le abriera la cabeza a Sancho, si Roque Guinart no le diera voces que -se detuviese. Pasmóse Sancho, y propuso de no descoser los labios en tanto -que entre aquella gente estuviese. - -Llegó, en esto, uno o algunos de aquellos escuderos que estaban puestos por -centinelas por los caminos para ver la gente que por ellos venía y dar -aviso a su mayor de lo que pasaba, y éste dijo: - -— Señor, no lejos de aquí, por el camino que va a Barcelona, viene un gran -tropel de gente. - -A lo que respondió Roque: - -— ¿Has echado de ver si son de los que nos buscan, o de los que nosotros -buscamos? - -— No, sino de los que buscamos —respondió el escudero. - -— Pues salid todos —replicó Roque—, y traédmelos aquí luego, sin que se os -escape ninguno. - -Hiciéronlo así, y, quedándose solos don Quijote, Sancho y Roque, aguardaron -a ver lo que los escuderos traían; y, en este entretanto, dijo Roque a don -Quijote: - -— Nueva manera de vida le debe de parecer al señor don Quijote la nuestra, -nuevas aventuras, nuevos sucesos, y todos peligrosos; y no me maravillo que -así le parezca, porque realmente le confieso que no hay modo de vivir más -inquieto ni más sobresaltado que el nuestro. A mí me han puesto en él no sé -qué deseos de venganza, que tienen fuerza de turbar los más sosegados -corazones; yo, de mi natural, soy compasivo y bien intencionado; pero, como -tengo dicho, el querer vengarme de un agravio que se me hizo, así da con -todas mis buenas inclinaciones en tierra, que persevero en este estado, a -despecho y pesar de lo que entiendo; y, como un abismo llama a otro y un -pecado a otro pecado, hanse eslabonado las venganzas de manera que no sólo -las mías, pero las ajenas tomo a mi cargo; pero Dios es servido de que, -aunque me veo en la mitad del laberinto de mis confusiones, no pierdo la -esperanza de salir dél a puerto seguro. - -Admirado quedó don Quijote de oír hablar a Roque tan buenas y concertadas -razones, porque él se pensaba que, entre los de oficios semejantes de -robar, matar y saltear no podía haber alguno que tuviese buen discurso, y -respondióle: - -— Señor Roque, el principio de la salud está en conocer la enfermedad y en -querer tomar el enfermo las medicinas que el médico le ordena: vuestra -merced está enfermo, conoce su dolencia, y el cielo, o Dios, por mejor -decir, que es nuestro médico, le aplicará medicinas que le sanen, las -cuales suelen sanar poco a poco y no de repente y por milagro; y más, que -los pecadores discretos están más cerca de enmendarse que los simples; y, -pues vuestra merced ha mostrado en sus razones su prudencia, no hay sino -tener buen ánimo y esperar mejoría de la enfermedad de su conciencia; y si -vuestra merced quiere ahorrar camino y ponerse con facilidad en el de su -salvación, véngase conmigo, que yo le enseñaré a ser caballero andante, -donde se pasan tantos trabajos y desventuras que, tomándolas por -penitencia, en dos paletas le pondrán en el cielo. - -Rióse Roque del consejo de don Quijote, a quien, mudando plática, contó el -trágico suceso de Claudia Jerónima, de que le pesó en estremo a Sancho, que -no le había parecido mal la belleza, desenvoltura y brío de la moza. - -Llegaron, en esto, los escuderos de la presa, trayendo consigo dos -caballeros a caballo, y dos peregrinos a pie, y un coche de mujeres con -hasta seis criados, que a pie y a caballo las acompañaban, con otros dos -mozos de mulas que los caballeros traían. Cogiéronlos los escuderos en -medio, guardando vencidos y vencedores gran silencio, esperando a que el -gran Roque Guinart hablase, el cual preguntó a los caballeros que quién -eran y adónde iban, y qué dinero llevaban. Uno dellos le respondió: - -— Señor, nosotros somos dos capitanes de infantería española; tenemos -nuestras compañías en Nápoles y vamos a embarcarnos en cuatro galeras, que -dicen están en Barcelona con orden de pasar a Sicilia; llevamos hasta -docientos o trecientos escudos, con que, a nuestro parecer, vamos ricos y -contentos, pues la estrecheza ordinaria de los soldados no permite mayores -tesoros. - -Preguntó Roque a los peregrinos lo mesmo que a los capitanes; fuele -respondido que iban a embarcarse para pasar a Roma, y que entre entrambos -podían llevar hasta sesenta reales. Quiso saber también quién iba en el -coche, y adónde, y el dinero que llevaban; y uno de los de a caballo dijo: - -— Mi señora doña Guiomar de Quiñones, mujer del regente de la Vicaría de -Nápoles, con una hija pequeña, una doncella y una dueña, son las que van en -el coche; acompañámosla seis criados, y los dineros son seiscientos -escudos. - -— De modo —dijo Roque Guinart—, que ya tenemos aquí novecientos escudos y -sesenta reales; mis soldados deben de ser hasta sesenta; mírese a cómo le -cabe a cada uno, porque yo soy mal contador. - -Oyendo decir esto los salteadores, levantaron la voz, diciendo: - -— ¡Viva Roque Guinart muchos años, a pesar de los lladres que su perdición -procuran! - -Mostraron afligirse los capitanes, entristecióse la señora regenta, y no se -holgaron nada los peregrinos, viendo la confiscación de sus bienes. Túvolos -así un rato suspensos Roque, pero no quiso que pasase adelante su tristeza, -que ya se podía conocer a tiro de arcabuz, y, volviéndose a los capitanes, -dijo: - -— Vuesas mercedes, señores capitanes, por cortesía, sean servidos de -prestarme sesenta escudos, y la señora regenta ochenta, para contentar -esta escuadra que me acompaña, porque el abad, de lo que canta yanta, y -luego puédense ir su camino libre y desembarazadamente, con un salvoconduto -que yo les daré, para que, si toparen otras de algunas escuadras mías que -tengo divididas por estos contornos, no les hagan daño; que no es mi -intención de agraviar a soldados ni a mujer alguna, especialmente a las que -son principales. - -Infinitas y bien dichas fueron las razones con que los capitanes -agradecieron a Roque su cortesía y liberalidad, que, por tal la tuvieron, -en dejarles su mismo dinero. La señora doña Guiomar de Quiñones se quiso -arrojar del coche para besar los pies y las manos del gran Roque, pero él -no lo consintió en ninguna manera; antes le pidió perdón del agravio que le -hacía, forzado de cumplir con las obligaciones precisas de su mal oficio. -Mandó la señora regenta a un criado suyo diese luego los ochenta escudos -que le habían repartido, y ya los capitanes habían desembolsado los -sesenta. Iban los peregrinos a dar toda su miseria, pero Roque les dijo que -se estuviesen quedos, y volviéndose a los suyos, les dijo: - -— Destos escudos dos tocan a cada uno, y sobran veinte: los diez se den a -estos peregrinos, y los otros diez a este buen escudero, porque pueda decir -bien de esta aventura. - -Y, trayéndole aderezo de escribir, de que siempre andaba proveído, Roque -les dio por escrito un salvoconduto para los mayorales de sus escuadras, y, -despidiéndose dellos, los dejó ir libres, y admirados de su nobleza, de su -gallarda disposición y estraño proceder, teniéndole más por un Alejandro -Magno que por ladrón conocido. Uno de los escuderos dijo en su lengua -gascona y catalana: - -— Este nuestro capitán más es para frade que para bandolero: si de aquí -adelante quisiere mostrarse liberal séalo con su hacienda y no con la -nuestra. - -No lo dijo tan paso el desventurado que dejase de oírlo Roque, el cual, -echando mano a la espada, le abrió la cabeza casi en dos partes, -diciéndole: - -— Desta manera castigo yo a los deslenguados y atrevidos. - -Pasmáronse todos, y ninguno le osó decir palabra: tanta era la obediencia -que le tenían. - -Apartóse Roque a una parte y escribió una carta a un su amigo, a Barcelona, -dándole aviso como estaba consigo el famoso don Quijote de la Mancha, aquel -caballero andante de quien tantas cosas se decían; y que le hacía saber que -era el más gracioso y el más entendido hombre del mundo, y que de allí a -cuatro días, que era el de San Juan Bautista, se le pondría en mitad de la -playa de la ciudad, armado de todas sus armas, sobre Rocinante, su caballo, -y a su escudero Sancho sobre un asno, y que diese noticia desto a sus -amigos los Niarros, para que con él se solazasen; que él quisiera que -carecieran deste gusto los Cadells, sus contrarios, pero que esto era -imposible, a causa que las locuras y discreciones de don Quijote y los -donaires de su escudero Sancho Panza no podían dejar de dar gusto general a -todo el mundo. Despachó estas cartas con uno de sus escuderos, que, mudando -el traje de bandolero en el de un labrador, entró en Barcelona y la dio a -quien iba. - - - - -Capítulo LXI. De lo que le sucedió a don Quijote en la entrada de -Barcelona, con otras cosas que tienen más de lo verdadero que de lo -discreto - -Tres días y tres noches estuvo don Quijote con Roque, y si estuviera -trecientos años, no le faltara qué mirar y admirar en el modo de su vida: -aquí amanecían, acullá comían; unas veces huían, sin saber de quién, y -otras esperaban, sin saber a quién. Dormían en pie, interrompiendo el -sueño, mudándose de un lugar a otro. Todo era poner espías, escuchar -centinelas, soplar las cuerdas de los arcabuces, aunque traían pocos, -porque todos se servían de pedreñales. Roque pasaba las noches apartado de -los suyos, en partes y lugares donde ellos no pudiesen saber dónde estaba; -porque los muchos bandos que el visorrey de Barcelona había echado sobre su -vida le traían inquieto y temeroso, y no se osaba fiar de ninguno, temiendo -que los mismos suyos, o le habían de matar, o entregar a la justicia: vida, -por cierto, miserable y enfadosa. - -En fin, por caminos desusados, por atajos y sendas encubiertas, partieron -Roque, don Quijote y Sancho con otros seis escuderos a Barcelona. Llegaron -a su playa la víspera de San Juan en la noche, y, abrazando Roque a don -Quijote y a Sancho, a quien dio los diez escudos prometidos, que hasta -entonces no se los había dado, los dejó, con mil ofrecimientos que de la -una a la otra parte se hicieron. - -Volvióse Roque; quedóse don Quijote esperando el día, así, a caballo, como -estaba, y no tardó mucho cuando comenzó a descubrirse por los balcones del -Oriente la faz de la blanca aurora, alegrando las yerbas y las flores, en -lugar de alegrar el oído; aunque al mesmo instante alegraron también el -oído el son de muchas chirimías y atabales, ruido de cascabeles, ''¡trapa, -trapa, aparta, aparta!'' de corredores, que, al parecer, de la ciudad -salían. Dio lugar la aurora al sol, que, un rostro mayor que el de una -rodela, por el más bajo horizonte, poco a poco, se iba levantando. - -Tendieron don Quijote y Sancho la vista por todas partes: vieron el mar, -hasta entonces dellos no visto; parecióles espaciosísimo y largo, harto más -que las lagunas de Ruidera, que en la Mancha habían visto; vieron las -galeras que estaban en la playa, las cuales, abatiendo las tiendas, se -descubrieron llenas de flámulas y gallardetes, que tremolaban al viento y -besaban y barrían el agua; dentro sonaban clarines, trompetas y chirimías, -que cerca y lejos llenaban el aire de suaves y belicosos acentos. -Comenzaron a moverse y a hacer modo de escaramuza por las sosegadas aguas, -correspondiéndoles casi al mismo modo infinitos caballeros que de la ciudad -sobre hermosos caballos y con vistosas libreas salían. Los soldados de las -galeras disparaban infinita artillería, a quien respondían los que estaban -en las murallas y fuertes de la ciudad, y la artillería gruesa con -espantoso estruendo rompía los vientos, a quien respondían los cañones de -crujía de las galeras. El mar alegre, la tierra jocunda, el aire claro, -sólo tal vez turbio del humo de la artillería, parece que iba infundiendo y -engendrando gusto súbito en todas las gentes. - -No podía imaginar Sancho cómo pudiesen tener tantos pies aquellos bultos -que por el mar se movían. En esto, llegaron corriendo, con grita, lililíes -y algazara, los de las libreas adonde don Quijote suspenso y atónito -estaba, y uno dellos, que era el avisado de Roque, dijo en alta voz a don -Quijote: - -— Bien sea venido a nuestra ciudad el espejo, el farol, la estrella y el -norte de toda la caballería andante, donde más largamente se contiene. Bien -sea venido, digo, el valeroso don Quijote de la Mancha: no el falso, no el -ficticio, no el apócrifo que en falsas historias estos días nos han -mostrado, sino el verdadero, el legal y el fiel que nos describió Cide -Hamete Benengeli, flor de los historiadores. - -No respondió don Quijote palabra, ni los caballeros esperaron a que la -respondiese, sino, volviéndose y revolviéndose con los demás que los -seguían, comenzaron a hacer un revuelto caracol al derredor de don Quijote; -el cual, volviéndose a Sancho, dijo: - -— Éstos bien nos han conocido: yo apostaré que han leído nuestra historia y -aun la del aragonés recién impresa. - -Volvió otra vez el caballero que habló a don Quijote, y díjole: - -— Vuesa merced, señor don Quijote, se venga con nosotros, que todos somos -sus servidores y grandes amigos de Roque Guinart. - -A lo que don Quijote respondió: - -— Si cortesías engendran cortesías, la vuestra, señor caballero, es hija o -parienta muy cercana de las del gran Roque. Llevadme do quisiéredes, que yo -no tendré otra voluntad que la vuestra, y más si la queréis ocupar en -vuestro servicio. - -Con palabras no menos comedidas que éstas le respondió el caballero, y, -encerrándole todos en medio, al son de las chirimías y de los atabales, se -encaminaron con él a la ciudad, al entrar de la cual, el malo, que todo lo -malo ordena, y los muchachos, que son más malos que el malo, dos dellos -traviesos y atrevidos se entraron por toda la gente, y, alzando el uno de -la cola del rucio y el otro la de Rocinante, les pusieron y encajaron -sendos manojos de aliagas. Sintieron los pobres animales las nuevas -espuelas, y, apretando las colas, aumentaron su disgusto, de manera que, -dando mil corcovos, dieron con sus dueños en tierra. Don Quijote, corrido y -afrentado, acudió a quitar el plumaje de la cola de su matalote, y Sancho, -el de su rucio. Quisieran los que guiaban a don Quijote castigar el -atrevimiento de los muchachos, y no fue posible, porque se encerraron entre -más de otros mil que los seguían. - -Volvieron a subir don Quijote y Sancho; con el mismo aplauso y música -llegaron a la casa de su guía, que era grande y principal, en fin, como de -caballero rico; donde le dejaremos por agora, porque así lo quiere Cide -Hamete. - - - - -Capítulo LXII. Que trata de la aventura de la cabeza encantada, con otras -niñerías que no pueden dejar de contarse - -Don Antonio Moreno se llamaba el huésped de don Quijote, caballero rico y -discreto, y amigo de holgarse a lo honesto y afable, el cual, viendo en su -casa a don Quijote, andaba buscando modos como, sin su perjuicio, sacase a -plaza sus locuras; porque no son burlas las que duelen, ni hay pasatiempos -que valgan si son con daño de tercero. Lo primero que hizo fue hacer -desarmar a don Quijote y sacarle a vistas con aquel su estrecho y acamuzado -vestido —como ya otras veces le hemos descrito y pintado— a un balcón que -salía a una calle de las más principales de la ciudad, a vista de las -gentes y de los muchachos, que como a mona le miraban. Corrieron de nuevo -delante dél los de las libreas, como si para él solo, no para alegrar aquel -festivo día, se las hubieran puesto; y Sancho estaba contentísimo, por -parecerle que se había hallado, sin saber cómo ni cómo no, otras bodas de -Camacho, otra casa como la de don Diego de Miranda y otro castillo como el -del duque. - -Comieron aquel día con don Antonio algunos de sus amigos, honrando todos y -tratando a don Quijote como a caballero andante, de lo cual, hueco y -pomposo, no cabía en sí de contento. Los donaires de Sancho fueron tantos, -que de su boca andaban como colgados todos los criados de casa y todos -cuantos le oían. Estando a la mesa, dijo don Antonio a Sancho: - -— Acá tenemos noticia, buen Sancho, que sois tan amigo de manjar blanco y de -albondiguillas, que, si os sobran, las guardáis en el seno para el otro -día. - -— No, señor, no es así —respondió Sancho—, porque tengo más de limpio que de -goloso, y mi señor don Quijote, que está delante, sabe bien que con un puño -de bellotas, o de nueces, nos solemos pasar entrambos ocho días. Verdad es -que si tal vez me sucede que me den la vaquilla, corro con la soguilla; -quiero decir que como lo que me dan, y uso de los tiempos como los hallo; y -quienquiera que hubiere dicho que yo soy comedor aventajado y no limpio, -téngase por dicho que no acierta; y de otra manera dijera esto si no mirara -a las barbas honradas que están a la mesa. - -— Por cierto —dijo don Quijote—, que la parsimonia y limpieza con que Sancho -come se puede escribir y grabar en láminas de bronce, para que quede en -memoria eterna de los siglos venideros. Verdad es que, cuando él tiene -hambre, parece algo tragón, porque come apriesa y masca a dos carrillos; -pero la limpieza siempre la tiene en su punto, y en el tiempo que fue -gobernador aprendió a comer a lo melindroso: tanto, que comía con tenedor -las uvas y aun los granos de la granada. - -— ¡Cómo! —dijo don Antonio—. ¿Gobernador ha sido Sancho? - -— Sí —respondió Sancho—, y de una ínsula llamada la Barataria. Diez días la -goberné a pedir de boca; en ellos perdí el sosiego, y aprendí a despreciar -todos los gobiernos del mundo; salí huyendo della, caí en una cueva, donde -me tuve por muerto, de la cual salí vivo por milagro. - -Contó don Quijote por menudo todo el suceso del gobierno de Sancho, con que -dio gran gusto a los oyentes. - -Levantados los manteles, y tomando don Antonio por la mano a don Quijote, -se entró con él en un apartado aposento, en el cual no había otra cosa de -adorno que una mesa, al parecer de jaspe, que sobre un pie de lo mesmo se -sostenía, sobre la cual estaba puesta, al modo de las cabezas de los -emperadores romanos, de los pechos arriba, una que semejaba ser de bronce. -Paseóse don Antonio con don Quijote por todo el aposento, rodeando muchas -veces la mesa, después de lo cual dijo: - -— Agora, señor don Quijote, que estoy enterado que no nos oye y escucha -alguno, y está cerrada la puerta, quiero contar a vuestra merced una de las -más raras aventuras, o, por mejor decir, novedades que imaginarse pueden, -con condición que lo que a vuestra merced dijere lo ha de depositar en los -últimos retretes del secreto. - -— Así lo juro —respondió don Quijote—, y aun le echaré una losa encima, para -más seguridad; porque quiero que sepa vuestra merced, señor don Antonio -— que ya sabía su nombre—, que está hablando con quien, aunque tiene oídos -para oír, no tiene lengua para hablar; así que, con seguridad puede vuestra -merced trasladar lo que tiene en su pecho en el mío y hacer cuenta que lo -ha arrojado en los abismos del silencio. - -— En fee de esa promesa —respondió don Antonio—, quiero poner a vuestra -merced en admiración con lo que viere y oyere, y darme a mí algún alivio de -la pena que me causa no tener con quien comunicar mis secretos, que no son -para fiarse de todos. - -Suspenso estaba don Quijote, esperando en qué habían de parar tantas -prevenciones. En esto, tomándole la mano don Antonio, se la paseó por la -cabeza de bronce y por toda la mesa, y por el pie de jaspe sobre que se -sostenía, y luego dijo: - -— Esta cabeza, señor don Quijote, ha sido hecha y fabricada por uno de los -mayores encantadores y hechiceros que ha tenido el mundo, que creo era -polaco de nación y dicípulo del famoso Escotillo, de quien tantas -maravillas se cuentan; el cual estuvo aquí en mi casa, y por precio de mil -escudos que le di, labró esta cabeza, que tiene propiedad y virtud de -responder a cuantas cosas al oído le preguntaren. Guardó rumbos, pintó -carácteres, observó astros, miró puntos, y, finalmente, la sacó con la -perfeción que veremos mañana, porque los viernes está muda, y hoy, que lo -es, nos ha de hacer esperar hasta mañana. En este tiempo podrá vuestra -merced prevenirse de lo que querrá preguntar, que por esperiencia sé que -dice verdad en cuanto responde. - -Admirado quedó don Quijote de la virtud y propiedad de la cabeza, y estuvo -por no creer a don Antonio; pero, por ver cuán poco tiempo había para hacer -la experiencia, no quiso decirle otra cosa sino que le agradecía el haberle -descubierto tan gran secreto. Salieron del aposento, cerró la puerta don -Antonio con llave, y fuéronse a la sala, donde los demás caballeros -estaban. En este tiempo les había contado Sancho muchas de las aventuras y -sucesos que a su amo habían acontecido. - -Aquella tarde sacaron a pasear a don Quijote, no armado, sino de rúa, -vestido un balandrán de paño leonado, que pudiera hacer sudar en aquel -tiempo al mismo yelo. Ordenaron con sus criados que entretuviesen a Sancho -de modo que no le dejasen salir de casa. Iba don Quijote, no sobre -Rocinante, sino sobre un gran macho de paso llano, y muy bien aderezado. -Pusiéronle el balandrán, y en las espaldas, sin que lo viese, le cosieron -un pargamino, donde le escribieron con letras grandes: Éste es don Quijote -de la Mancha. En comenzando el paseo, llevaba el rétulo los ojos de cuantos -venían a verle, y como leían: Éste es don Quijote de la Mancha, admirábase -don Quijote de ver que cuantos le miraban le nombraban y conocían; y, -volviéndose a don Antonio, que iba a su lado, le dijo: - -— Grande es la prerrogativa que encierra en sí la andante caballería, pues -hace conocido y famoso al que la profesa por todos los términos de la -tierra; si no, mire vuestra merced, señor don Antonio, que hasta los -muchachos desta ciudad, sin nunca haberme visto, me conocen. - -— Así es, señor don Quijote —respondió don Antonio—, que, así como el fuego -no puede estar escondido y encerrado, la virtud no puede dejar de ser -conocida, y la que se alcanza por la profesión de las armas resplandece y -campea sobre todas las otras. - -Acaeció, pues, que, yendo don Quijote con el aplauso que se ha dicho, un -castellano que leyó el rétulo de las espaldas, alzó la voz, diciendo: - -— ¡Válgate el diablo por don Quijote de la Mancha! ¿Cómo que hasta aquí has -llegado, sin haberte muerto los infinitos palos que tienes a cuestas? Tu -eres loco, y si lo fueras a solas y dentro de las puertas de tu locura, -fuera menos mal; pero tienes propiedad de volver locos y mentecatos a -cuantos te tratan y comunican; si no, mírenlo por estos señores que te -acompañan. Vuélvete, mentecato, a tu casa, y mira por tu hacienda, por tu -mujer y tus hijos, y déjate destas vaciedades que te carcomen el seso y te -desnatan el entendimiento. - -— Hermano —dijo don Antonio—, seguid vuestro camino, y no deis consejos a -quien no os los pide. El señor don Quijote de la Mancha es muy cuerdo, y -nosotros, que le acompañamos, no somos necios; la virtud se ha de honrar -dondequiera que se hallare, y andad en hora mala, y no os metáis donde no -os llaman. - -— Pardiez, vuesa merced tiene razón —respondió el castellano—, que aconsejar -a este buen hombre es dar coces contra el aguijón; pero, con todo eso, me -da muy gran lástima que el buen ingenio que dicen que tiene en todas las -cosas este mentecato se le desagüe por la canal de su andante caballería; y -la enhoramala que vuesa merced dijo, sea para mí y para todos mis -descendientes si de hoy más, aunque viviese más años que Matusalén, diere -consejo a nadie, aunque me lo pida. - -Apartóse el consejero; siguió adelante el paseo; pero fue tanta la priesa -que los muchachos y toda la gente tenía leyendo el rétulo, que se le hubo -de quitar don Antonio, como que le quitaba otra cosa. - -Llegó la noche, volviéronse a casa; hubo sarao de damas, porque la mujer de -don Antonio, que era una señora principal y alegre, hermosa y discreta, -convidó a otras sus amigas a que viniesen a honrar a su huésped y a gustar -de sus nunca vistas locuras. Vinieron algunas, cenóse espléndidamente y -comenzóse el sarao casi a las diez de la noche. Entre las damas había dos -de gusto pícaro y burlonas, y, con ser muy honestas, eran algo -descompuestas, por dar lugar que las burlas alegrasen sin enfado. Éstas -dieron tanta priesa en sacar a danzar a don Quijote, que le molieron, no -sólo el cuerpo, pero el ánima. Era cosa de ver la figura de don Quijote, -largo, tendido, flaco, amarillo, estrecho en el vestido, desairado, y, -sobre todo, no nada ligero. Requebrábanle como a hurto las damiselas, y él, -también como a hurto, las desdeñaba; pero, viéndose apretar de requiebros, -alzó la voz y dijo: - -— Fugite, partes adversae!: dejadme en mi sosiego, pensamientos mal venidos. -Allá os avenid, señoras, con vuestros deseos, que la que es reina de los -míos, la sin par Dulcinea del Toboso, no consiente que ningunos otros que -los suyos me avasallen y rindan. - -Y, diciendo esto, se sentó en mitad de la sala, en el suelo, molido y -quebrantado de tan bailador ejercicio. Hizo don Antonio que le llevasen en -peso a su lecho, y el primero que asió dél fue Sancho, diciéndole: - -— ¡Nora en tal, señor nuestro amo, lo habéis bailado! ¿Pensáis que todos los -valientes son danzadores y todos los andantes caballeros bailarines? Digo -que si lo pensáis, que estáis engañado; hombre hay que se atreverá a matar -a un gigante antes que hacer una cabriola. Si hubiérades de zapatear, yo -supliera vuestra falta, que zapateo como un girifalte; pero en lo del -danzar, no doy puntada. - -Con estas y otras razones dio que reír Sancho a los del sarao, y dio con su -amo en la cama, arropándole para que sudase la frialdad de su baile. - -Otro día le pareció a don Antonio ser bien hacer la experiencia de la -cabeza encantada, y con don Quijote, Sancho y otros dos amigos, con las dos -señoras que habían molido a don Quijote en el baile, que aquella propia -noche se habían quedado con la mujer de don Antonio, se encerró en la -estancia donde estaba la cabeza. Contóles la propiedad que tenía, -encargóles el secreto y díjoles que aquél era el primero día donde se había -de probar la virtud de la tal cabeza encantada; y si no eran los dos amigos -de don Antonio, ninguna otra persona sabía el busilis del encanto, y aun si -don Antonio no se le hubiera descubierto primero a sus amigos, también -ellos cayeran en la admiración en que los demás cayeron, sin ser posible -otra cosa: con tal traza y tal orden estaba fabricada. - -El primero que se llegó al oído de la cabeza fue el mismo don Antonio, y -díjole en voz sumisa, pero no tanto que de todos no fuese entendida: - -— Dime, cabeza, por la virtud que en ti se encierra: ¿qué pensamientos tengo -yo agora? - -Y la cabeza le respondió, sin mover los labios, con voz clara y distinta, -de modo que fue de todos entendida, esta razón: - -— Yo no juzgo de pensamientos. - -Oyendo lo cual, todos quedaron atónitos, y más viendo que en todo el -aposento ni al derredor de la mesa no había persona humana que responder -pudiese. - -— ¿Cuántos estamos aquí? —tornó a preguntar don Antonio. - -Y fuele respondido por el propio tenor, paso: - -— Estáis tú y tu mujer, con dos amigos tuyos, y dos amigas della, y un -caballero famoso llamado don Quijote de la Mancha, y un su escudero que -Sancho Panza tiene por nombre. - -¡Aquí sí que fue el admirarse de nuevo, aquí sí que fue el erizarse los -cabellos a todos de puro espanto! Y, apartándose don Antonio de la cabeza, -dijo: - -— Esto me basta para darme a entender que no fui engañado del que te me -vendió, ¡cabeza sabia, cabeza habladora, cabeza respondona y admirable -cabeza! Llegue otro y pregúntele lo que quisiere. - -Y, como las mujeres de ordinario son presurosas y amigas de saber, la -primera que se llegó fue una de las dos amigas de la mujer de don Antonio, -y lo que le preguntó fue: - -— Dime, cabeza, ¿qué haré yo para ser muy hermosa? - -Y fuele respondido: - -— Sé muy honesta. - -— No te pregunto más —dijo la preguntanta. - -Llegó luego la compañera, y dijo: - -— Querría saber, cabeza, si mi marido me quiere bien, o no. - -Y respondiéronle: - -— Mira las obras que te hace, y echarlo has de ver. - -Apartóse la casada diciendo: - -— Esta respuesta no tenía necesidad de pregunta, porque, en efecto, las -obras que se hacen declaran la voluntad que tiene el que las hace. - -Luego llegó uno de los dos amigos de don Antonio, y preguntóle: - -— ¿Quién soy yo? - -Y fuele respondido: - -— Tú lo sabes. - -— No te pregunto eso —respondió el caballero—, sino que me digas si me -conoces tú. - -— Sí conozco —le respondieron—, que eres don Pedro Noriz. - -— No quiero saber más, pues esto basta para entender, ¡oh cabeza!, que lo -sabes todo. - -Y, apartándose, llegó el otro amigo y preguntóle: - -— Dime, cabeza, ¿qué deseos tiene mi hijo el mayorazgo? - -— Ya yo he dicho —le respondieron— que yo no juzgo de deseos, pero, con todo -eso, te sé decir que los que tu hijo tiene son de enterrarte. - -— Eso es —dijo el caballero—: lo que veo por los ojos, con el dedo lo -señalo. - -Y no preguntó más. Llegóse la mujer de don Antonio, y dijo: - -— Yo no sé, cabeza, qué preguntarte; sólo querría saber de ti si gozaré -muchos años de buen marido. - -Y respondiéronle: - -— Sí gozarás, porque su salud y su templanza en el vivir prometen muchos -años de vida, la cual muchos suelen acortar por su destemplanza. - -Llegóse luego don Quijote, y dijo: - -— Dime tú, el que respondes: ¿fue verdad o fue sueño lo que yo cuento que me -pasó en la cueva de Montesinos? ¿Serán ciertos los azotes de Sancho mi -escudero? ¿Tendrá efeto el desencanto de Dulcinea? - -— A lo de la cueva —respondieron— hay mucho que decir: de todo tiene; los -azotes de Sancho irán de espacio, el desencanto de Dulcinea llegará a -debida ejecución. - -— No quiero saber más —dijo don Quijote—; que como yo vea a Dulcinea -desencantada, haré cuenta que vienen de golpe todas las venturas que -acertare a desear. - -El último preguntante fue Sancho, y lo que preguntó fue: - -— ¿Por ventura, cabeza, tendré otro gobierno? ¿Saldré de la estrecheza de -escudero? ¿Volveré a ver a mi mujer y a mis hijos? - -A lo que le respondieron: - -— Gobernarás en tu casa; y si vuelves a ella, verás a tu mujer y a tus -hijos; y, dejando de servir, dejarás de ser escudero. - -— ¡Bueno, par Dios! —dijo Sancho Panza—. Esto yo me lo dijera: no dijera más -el profeta Perogrullo. - -— Bestia —dijo don Quijote—, ¿qué quieres que te respondan? ¿No basta que -las respuestas que esta cabeza ha dado correspondan a lo que se le -pregunta? - -— Sí basta —respondió Sancho—, pero quisiera yo que se declarara más y me -dijera más. - -Con esto se acabaron las preguntas y las respuestas, pero no se acabó la -admiración en que todos quedaron, excepto los dos amigos de don Antonio, -que el caso sabían. El cual quiso Cide Hamete Benengeli declarar luego, por -no tener suspenso al mundo, creyendo que algún hechicero y extraordinario -misterio en la tal cabeza se encerraba; y así, dice que don Antonio Moreno, -a imitación de otra cabeza que vio en Madrid, fabricada por un estampero, -hizo ésta en su casa, para entretenerse y suspender a los ignorantes; y la -fábrica era de esta suerte: la tabla de la mesa era de palo, pintada y -barnizada como jaspe, y el pie sobre que se sostenía era de lo mesmo, con -cuatro garras de águila que dél salían, para mayor firmeza del peso. La -cabeza, que parecía medalla y figura de emperador romano, y de color de -bronce, estaba toda hueca, y ni más ni menos la tabla de la mesa, en que se -encajaba tan justamente, que ninguna señal de juntura se parecía. El pie de -la tabla era ansimesmo hueco, que respondía a la garganta y pechos de la -cabeza, y todo esto venía a responder a otro aposento que debajo de la -estancia de la cabeza estaba. Por todo este hueco de pie, mesa, garganta y -pechos de la medalla y figura referida se encaminaba un cañón de hoja de -lata, muy justo, que de nadie podía ser visto. En el aposento de abajo -correspondiente al de arriba se ponía el que había de responder, pegada la -boca con el mesmo cañón, de modo que, a modo de cerbatana, iba la voz de -arriba abajo y de abajo arriba, en palabras articuladas y claras; y de esta -manera no era posible conocer el embuste. Un sobrino de don Antonio, -estudiante agudo y discreto, fue el respondiente; el cual, estando avisado -de su señor tío de los que habían de entrar con él en aquel día en el -aposento de la cabeza, le fue fácil responder con presteza y puntualidad a -la primera pregunta; a las demás respondió por conjeturas, y, como -discreto, discretamente. Y dice más Cide Hamete: que hasta diez o doce días -duró esta maravillosa máquina; pero que, divulgándose por la ciudad que don -Antonio tenía en su casa una cabeza encantada, que a cuantos le preguntaban -respondía, temiendo no llegase a los oídos de las despiertas centinelas de -nuestra Fe, habiendo declarado el caso a los señores inquisidores, le -mandaron que lo deshiciese y no pasase más adelante, porque el vulgo -ignorante no se escandalizase; pero en la opinión de don Quijote y de -Sancho Panza, la cabeza quedó por encantada y por respondona, más a -satisfación de don Quijote que de Sancho. - -Los caballeros de la ciudad, por complacer a don Antonio y por agasajar a -don Quijote y dar lugar a que descubriese sus sandeces, ordenaron de correr -sortija de allí a seis días; que no tuvo efecto por la ocasión que se dirá -adelante. Diole gana a don Quijote de pasear la ciudad a la llana y a pie, -temiendo que, si iba a caballo, le habían de perseguir los mochachos, y -así, él y Sancho, con otros dos criados que don Antonio le dio, salieron a -pasearse. - -Sucedió, pues, que, yendo por una calle, alzó los ojos don Quijote, y vio -escrito sobre una puerta, con letras muy grandes: Aquí se imprimen libros; -de lo que se contentó mucho, porque hasta entonces no había visto emprenta -alguna, y deseaba saber cómo fuese. Entró dentro, con todo su -acompañamiento, y vio tirar en una parte, corregir en otra, componer en -ésta, enmendar en aquélla, y, finalmente, toda aquella máquina que en las -emprentas grandes se muestra. Llegábase don Quijote a un cajón y preguntaba -qué era aquéllo que allí se hacía; dábanle cuenta los oficiales, admirábase -y pasaba adelante. Llegó en otras a uno, y preguntóle qué era lo que hacía. -El oficial le respondió: - -— Señor, este caballero que aquí está —y enseñóle a un hombre de muy buen -talle y parecer y de alguna gravedad— ha traducido un libro toscano en -nuestra lengua castellana, y estoyle yo componiendo, para darle a la -estampa. - -— ¿Qué título tiene el libro? —preguntó don Quijote. - -— A lo que el autor respondió: - -— Señor, el libro, en toscano, se llama Le bagatele. - -— Y ¿qué responde le bagatele en nuestro castellano? —preguntó don Quijote. - -— Le bagatele —dijo el autor— es como si en castellano dijésemos los -juguetes; y, aunque este libro es en el nombre humilde, contiene y -encierra en sí cosas muy buenas y sustanciales. - -— Yo —dijo don Quijote— sé algún tanto de el toscano, y me precio de cantar -algunas estancias del Ariosto. Pero dígame vuesa merced, señor mío, y no -digo esto porque quiero examinar el ingenio de vuestra merced, sino por -curiosidad no más: ¿ha hallado en su escritura alguna vez nombrar piñata? - -— Sí, muchas veces —respondió el autor. - -— Y ¿cómo la traduce vuestra merced en castellano? —preguntó don Quijote. - -— ¿Cómo la había de traducir —replicó el autor—, sino diciendo olla? - -— ¡Cuerpo de tal —dijo don Quijote—, y qué adelante está vuesa merced en el -toscano idioma! Yo apostaré una buena apuesta que adonde diga en el toscano -piache, dice vuesa merced en el castellano place; y adonde diga più, dice -más, y el su declara con arriba, y el giù con abajo. - -— Sí declaro, por cierto —dijo el autor—, porque ésas son sus propias -correspondencias. - -— Osaré yo jurar —dijo don Quijote— que no es vuesa merced conocido en el -mundo, enemigo siempre de premiar los floridos ingenios ni los loables -trabajos. ¡Qué de habilidades hay perdidas por ahí! ¡Qué de ingenios -arrinconados! ¡Qué de virtudes menospreciadas! Pero, con todo esto, me -parece que el traducir de una lengua en otra, como no sea de las reinas de -las lenguas, griega y latina, es como quien mira los tapices flamencos por -el revés, que, aunque se veen las figuras, son llenas de hilos que las -escurecen, y no se veen con la lisura y tez de la haz; y el traducir de -lenguas fáciles, ni arguye ingenio ni elocución, como no le arguye el que -traslada ni el que copia un papel de otro papel. Y no por esto quiero -inferir que no sea loable este ejercicio del traducir; porque en otras -cosas peores se podría ocupar el hombre, y que menos provecho le trujesen. -Fuera desta cuenta van los dos famosos traductores: el uno, el doctor -Cristóbal de Figueroa, en su Pastor Fido, y el otro, don Juan de Jáurigui, -en su Aminta, donde felizmente ponen en duda cuál es la tradución o cuál el -original. Pero dígame vuestra merced: este libro, ¿imprímese por su cuenta, -o tiene ya vendido el privilegio a algún librero? - -— Por mi cuenta lo imprimo —respondió el autor—, y pienso ganar mil ducados, -por lo menos, con esta primera impresión, que ha de ser de dos mil cuerpos, -y se han de despachar a seis reales cada uno, en daca las pajas. - -— ¡Bien está vuesa merced en la cuenta! —respondió don Quijote—. Bien parece -que no sabe las entradas y salidas de los impresores, y las -correspondencias que hay de unos a otros; yo le prometo que, cuando se vea -cargado de dos mil cuerpos de libros, vea tan molido su cuerpo, que se -espante, y más si el libro es un poco avieso y no nada picante. - -— Pues, ¿qué? —dijo el autor—. ¿Quiere vuesa merced que se lo dé a un -librero, que me dé por el privilegio tres maravedís, y aún piensa que me -hace merced en dármelos? Yo no imprimo mis libros para alcanzar fama en el -mundo, que ya en él soy conocido por mis obras: provecho quiero, que sin él -no vale un cuatrín la buena fama. - -— Dios le dé a vuesa merced buena manderecha —respondió don Quijote. - -Y pasó adelante a otro cajón, donde vio que estaban corrigiendo un pliego -de un libro que se intitulaba Luz del alma; y,en viéndole, dijo: - -— Estos tales libros, aunque hay muchos deste género, son los que se deben -imprimir, porque son muchos los pecadores que se usan, y son menester -infinitas luces para tantos desalumbrados. - -Pasó adelante y vio que asimesmo estaban corrigiendo otro libro; y, -preguntando su título, le respondieron que se llamaba la Segunda parte del -Ingenioso Hidalgo don Quijote de la Mancha, compuesta por un tal vecino de -Tordesillas. - -— Ya yo tengo noticia deste libro —dijo don Quijote—, y en verdad y en mi -conciencia que pensé que ya estaba quemado y hecho polvos, por -impertinente; pero su San Martín se le llegará, como a cada puerco, que las -historias fingidas tanto tienen de buenas y de deleitables cuanto se llegan -a la verdad o la semejanza della, y las verdaderas tanto son mejores cuanto -son más verdaderas. - -Y, diciendo esto, con muestras de algún despecho, se salió de la emprenta. -Y aquel mesmo día ordenó don Antonio de llevarle a ver las galeras que en -la playa estaban, de que Sancho se regocijó mucho, a causa que en su vida -las había visto. Avisó don Antonio al cuatralbo de las galeras como aquella -tarde había de llevar a verlas a su huésped el famoso don Quijote de la -Mancha, de quien ya el cuatralbo y todos los vecinos de la ciudad tenían -noticia; y lo que le sucedió en ellas se dirá en el siguiente capítulo. - - - - -Capítulo LXIII. De lo mal que le avino a Sancho Panza con la visita de las -galeras, y la nueva aventura de la hermosa morisca - -Grandes eran los discursos que don Quijote hacía sobre la respuesta de la -encantada cabeza, sin que ninguno dellos diese en el embuste, y todos -paraban con la promesa, que él tuvo por cierto, del desencanto de Dulcinea. -Allí iba y venía, y se alegraba entre sí mismo, creyendo que había de ver -presto su cumplimiento; y Sancho, aunque aborrecía el ser gobernador, como -queda dicho, todavía deseaba volver a mandar y a ser obedecido; que esta -mala ventura trae consigo el mando, aunque sea de burlas. - -En resolución, aquella tarde don Antonio Moreno, su huésped, y sus dos -amigos, con don Quijote y Sancho, fueron a las galeras. El cuatralbo, que -estaba avisado de su buena venida, por ver a los dos tan famosos Quijote y -Sancho, apenas llegaron a la marina, cuando todas las galeras abatieron -tienda, y sonaron las chirimías; arrojaron luego el esquife al agua, -cubierto de ricos tapetes y de almohadas de terciopelo carmesí, y, en -poniendo que puso los pies en él don Quijote, disparó la capitana el cañón -de crujía, y las otras galeras hicieron lo mesmo, y, al subir don Quijote -por la escala derecha, toda la chusma le saludó como es usanza cuando una -persona principal entra en la galera, diciendo: ''¡Hu, hu, hu!'' tres -veces. Diole la mano el general, que con este nombre le llamaremos, que era -un principal caballero valenciano; abrazó a don Quijote, diciéndole: - -— Este día señalaré yo con piedra blanca, por ser uno de los mejores que -pienso llevar en mi vida, habiendo visto al señor don Quijote de la Mancha: -tiempo y señal que nos muestra que en él se encierra y cifra todo el valor -del andante caballería. - -Con otras no menos corteses razones le respondió don Quijote, alegre -sobremanera de verse tratar tan a lo señor. Entraron todos en la popa, que -estaba muy bien aderezada, y sentáronse por los bandines, pasóse el cómitre -en crujía, y dio señal con el pito que la chusma hiciese fuera ropa, que se -hizo en un instante. Sancho, que vio tanta gente en cueros, quedó pasmado, -y más cuando vio hacer tienda con tanta priesa, que a él le pareció que -todos los diablos andaban allí trabajando; pero esto todo fueron tortas y -pan pintado para lo que ahora diré. Estaba Sancho sentado sobre el -estanterol, junto al espalder de la mano derecha, el cual ya avisado de lo -que había de hacer, asió de Sancho, y, levantándole en los brazos, toda la -chusma puesta en pie y alerta, comenzando de la derecha banda, le fue dando -y volteando sobre los brazos de la chusma de banco en banco, con tanta -priesa, que el pobre Sancho perdió la vista de los ojos, y sin duda pensó -que los mismos demonios le llevaban, y no pararon con él hasta volverle por -la siniestra banda y ponerle en la popa. Quedó el pobre molido, y jadeando, -y trasudando, sin poder imaginar qué fue lo que sucedido le había. - -Don Quijote, que vio el vuelo sin alas de Sancho, preguntó al general si -eran ceremonias aquéllas que se usaban con los primeros que entraban en las -galeras; porque si acaso lo fuese, él, que no tenía intención de profesar -en ellas, no quería hacer semejantes ejercicios, y que votaba a Dios que, -si alguno llegaba a asirle para voltearle, que le había de sacar el alma a -puntillazos; y, diciendo esto, se levantó en pie y empuñó la espada. - -A este instante abatieron tienda, y con grandísimo ruido dejaron caer la -entena de alto abajo. Pensó Sancho que el cielo se desencajaba de sus -quicios y venía a dar sobre su cabeza; y, agobiándola, lleno de miedo, la -puso entre las piernas. No las tuvo todas consigo don Quijote; que también -se estremeció y encogió de hombros y perdió la color del rostro. La chusma -izó la entena con la misma priesa y ruido que la habían amainado, y todo -esto, callando, como si no tuvieran voz ni aliento. Hizo señal el cómitre -que zarpasen el ferro, y, saltando en mitad de la crujía con el corbacho o -rebenque, comenzó a mosquear las espaldas de la chusma, y a largarse poco a -poco a la mar. Cuando Sancho vio a una moverse tantos pies colorados, que -tales pensó él que eran los remos, dijo entre sí: - -— Éstas sí son verdaderamente cosas encantadas, y no las que mi amo dice. -¿Qué han hecho estos desdichados, que ansí los azotan, y cómo este hombre -solo, que anda por aquí silbando, tiene atrevimiento para azotar a tanta -gente? Ahora yo digo que éste es infierno, o, por lo menos, el purgatorio. - -Don Quijote, que vio la atención con que Sancho miraba lo que pasaba, le -dijo: - -— ¡Ah Sancho amigo, y con qué brevedad y cuán a poca costa os podíades vos, -si quisiésedes, desnudar de medio cuerpo arriba, y poneros entre estos -señores, y acabar con el desencanto de Dulcinea! Pues con la miseria y pena -de tantos, no sentiríades vos mucho la vuestra; y más, que podría ser que -el sabio Merlín tomase en cuenta cada azote déstos, por ser dados de buena -mano, por diez de los que vos finalmente os habéis de dar. - -Preguntar quería el general qué azotes eran aquéllos, o qué desencanto de -Dulcinea, cuando dijo el marinero: - -— Señal hace Monjuí de que hay bajel de remos en la costa por la banda del -poniente. - -Esto oído, saltó el general en la crujía, y dijo: - -— ¡Ea hijos, no se nos vaya! Algún bergantín de cosarios de Argel debe de -ser éste que la atalaya nos señala. - -Llegáronse luego las otras tres galeras a la capitana, a saber lo que se -les ordenaba. Mandó el general que las dos saliesen a la mar, y él con la -otra iría tierra a tierra, porque ansí el bajel no se les escaparía. Apretó -la chusma los remos, impeliendo las galeras con tanta furia, que parecía -que volaban. Las que salieron a la mar, a obra de dos millas descubrieron -un bajel, que con la vista le marcaron por de hasta catorce o quince -bancos, y así era la verdad; el cual bajel, cuando descubrió las galeras, -se puso en caza, con intención y esperanza de escaparse por su ligereza; -pero avínole mal, porque la galera capitana era de los más ligeros bajeles -que en la mar navegaban, y así le fue entrando, que claramente los del -bergantín conocieron que no podían escaparse; y así, el arráez quisiera que -dejaran los remos y se entregaran, por no irritar a enojo al capitán que -nuestras galeras regía. Pero la suerte, que de otra manera lo guiaba, -ordenó que, ya que la capitana llegaba tan cerca que podían los del bajel -oír las voces que desde ella les decían que se rindiesen, dos toraquís, que -es como decir dos turcos borrachos, que en el bergantín venían con estos -doce, dispararon dos escopetas, con que dieron muerte a dos soldados que -sobre nuestras arrumbadas venían. Viendo lo cual, juró el general de no -dejar con vida a todos cuantos en el bajel tomase, y, llegando a embestir -con toda furia, se le escapó por debajo de la palamenta. Pasó la galera -adelante un buen trecho; los del bajel se vieron perdidos, hicieron vela en -tanto que la galera volvía, y de nuevo, a vela y a remo, se pusieron en -caza; pero no les aprovechó su diligencia tanto como les dañó su -atrevimiento, porque, alcanzándoles la capitana a poco más de media milla, -les echó la palamenta encima y los cogió vivos a todos. - -Llegaron en esto las otras dos galeras, y todas cuatro con la presa -volvieron a la playa, donde infinita gente los estaba esperando, deseosos -de ver lo que traían. Dio fondo el general cerca de tierra, y conoció que -estaba en la marina el virrey de la ciudad. Mandó echar el esquife para -traerle, y mandó amainar la entena para ahorcar luego luego al arráez y a -los demás turcos que en el bajel había cogido, que serían hasta treinta y -seis personas, todos gallardos, y los más, escopeteros turcos. Preguntó el -general quién era el arráez del bergantín y fuele respondido por uno de los -cautivos, en lengua castellana, que después pareció ser renegado español: - -— Este mancebo, señor, que aquí vees es nuestro arráez. - -Y mostróle uno de los más bellos y gallardos mozos que pudiera pintar la -humana imaginación. La edad, al parecer, no llegaba a veinte años. -Preguntóle el general: - -— Dime, mal aconsejado perro, ¿quién te movió a matarme mis soldados, pues -veías ser imposible el escaparte? ¿Ese respeto se guarda a las capitanas? -¿No sabes tú que no es valentía la temeridad? Las esperanzas dudosas han de -hacer a los hombres atrevidos, pero no temerarios. - -Responder quería el arráez; pero no pudo el general, por entonces, oír la -respuesta, por acudir a recebir al virrey, que ya entraba en la galera, con -el cual entraron algunos de sus criados y algunas personas del pueblo. - -— ¡Buena ha estado la caza, señor general! —dijo el virrey. - -— Y tan buena —respondió el general— cual la verá Vuestra Excelencia agora -colgada de esta entena. - -— ¿Cómo ansí? —replicó el virrey. - -— Porque me han muerto —respondió el general—, contra toda ley y contra toda -razón y usanza de guerra, dos soldados de los mejores que en estas galeras -venían, y yo he jurado de ahorcar a cuantos he cautivado, principalmente a -este mozo, que es el arráez del bergantín. - -Y enseñóle al que ya tenía atadas las manos y echado el cordel a la -garganta, esperando la muerte. - -Miróle el virrey, y, viéndole tan hermoso, y tan gallardo, y tan humilde, -dándole en aquel instante una carta de recomendación su hermosura, le vino -deseo de escusar su muerte; y así, le preguntó: - -— Dime, arráez, ¿eres turco de nación, o moro, o renegado? - -A lo cual el mozo respondió, en lengua asimesmo castellana: - -— Ni soy turco de nación, ni moro, ni renegado. - -— Pues, ¿qué eres? —replicó el virrey. - -— Mujer cristiana —respondió el mancebo. - -— ¿Mujer y cristiana, y en tal traje y en tales pasos? Más es cosa para -admirarla que para creerla. - -— Suspended —dijo el mozo—, ¡oh señores!, la ejecución de mi muerte, que no -se perderá mucho en que se dilate vuestra venganza en tanto que yo os -cuente mi vida. - -¿Quién fuera el de corazón tan duro que con estas razones no se ablandara, -o, a lo menos, hasta oír las que el triste y lastimado mancebo decir -quería? El general le dijo que dijese lo que quisiese, pero que no esperase -alcanzar perdón de su conocida culpa. Con esta licencia, el mozo comenzó a -decir desta manera: - -— «De aquella nación más desdichada que prudente, sobre quien ha llovido -estos días un mar de desgracias, nací yo, de moriscos padres engendrada. En -la corriente de su desventura fui yo por dos tíos míos llevada a Berbería, -sin que me aprovechase decir que era cristiana, como, en efecto, lo soy, y -no de las fingidas ni aparentes, sino de las verdaderas y católicas. No me -valió, con los que tenían a cargo nuestro miserable destierro, decir esta -verdad, ni mis tíos quisieron creerla; antes la tuvieron por mentira y por -invención para quedarme en la tierra donde había nacido, y así, por fuerza -más que por grado, me trujeron consigo. Tuve una madre cristiana y un padre -discreto y cristiano, ni más ni menos; mamé la fe católica en la leche; -criéme con buenas costumbres; ni en la lengua ni en ellas jamás, a mi -parecer, di señales de ser morisca. Al par y al paso destas virtudes, que -yo creo que lo son, creció mi hermosura, si es que tengo alguna; y, aunque -mi recato y mi encerramiento fue mucho, no debió de ser tanto que no -tuviese lugar de verme un mancebo caballero, llamado don Gaspar Gregorio, -hijo mayorazgo de un caballero que junto a nuestro lugar otro suyo tiene. -Cómo me vio, cómo nos hablamos, cómo se vio perdido por mí y cómo yo no muy -ganada por él, sería largo de contar, y más en tiempo que estoy temiendo -que, entre la lengua y la garganta, se ha de atravesar el riguroso cordel -que me amenaza; y así, sólo diré cómo en nuestro destierro quiso -acompañarme don Gregorio. Mezclóse con los moriscos que de otros lugares -salieron, porque sabía muy bien la lengua, y en el viaje se hizo amigo de -dos tíos míos que consigo me traían; porque mi padre, prudente y prevenido, -así como oyó el primer bando de nuestro destierro, se salió del lugar y se -fue a buscar alguno en los reinos estraños que nos acogiese. Dejó -encerradas y enterradas, en una parte de quien yo sola tengo noticia, -muchas perlas y piedras de gran valor, con algunos dineros en cruzados y -doblones de oro. Mandóme que no tocase al tesoro que dejaba en ninguna -manera, si acaso antes que él volviese nos desterraban. Hícelo así, y con -mis tíos, como tengo dicho, y otros parientes y allegados pasamos a -Berbería; y el lugar donde hicimos asiento fue en Argel, como si le -hiciéramos en el mismo infierno. Tuvo noticia el rey de mi hermosura, y la -fama se la dio de mis riquezas, que, en parte, fue ventura mía. Llamóme -ante sí, preguntóme de qué parte de España era y qué dineros y qué joyas -traía. Díjele el lugar, y que las joyas y dineros quedaban en él -enterrados, pero que con facilidad se podrían cobrar si yo misma volviese -por ellos. Todo esto le dije, temerosa de que no le cegase mi hermosura, -sino su codicia. Estando conmigo en estas pláticas, le llegaron a decir -cómo venía conmigo uno de los más gallardos y hermosos mancebos que se -podía imaginar. Luego entendí que lo decían por don Gaspar Gregorio, cuya -belleza se deja atrás las mayores que encarecer se pueden. Turbéme, -considerando el peligro que don Gregorio corría, porque entre aquellos -bárbaros turcos en más se tiene y estima un mochacho o mancebo hermoso que -una mujer, por bellísima que sea. Mandó luego el rey que se le trujesen -allí delante para verle, y preguntóme si era verdad lo que de aquel mozo le -decían. Entonces yo, casi como prevenida del cielo, le dije que sí era; -pero que le hacía saber que no era varón, sino mujer como yo, y que le -suplicaba me la dejase ir a vestir en su natural traje, para que de todo en -todo mostrase su belleza y con menos empacho pareciese ante su presencia. -Díjome que fuese en buena hora, y que otro día hablaríamos en el modo que -se podía tener para que yo volviese a España a sacar el escondido tesoro. -Hablé con don Gaspar, contéle el peligro que corría el mostrar ser hombre; -vestíle de mora, y aquella mesma tarde le truje a la presencia del rey, el -cual, en viéndole, quedó admirado y hizo disignio de guardarla para hacer -presente della al Gran Señor; y, por huir del peligro que en el serrallo de -sus mujeres podía tener y temer de sí mismo, la mandó poner en casa de unas -principales moras que la guardasen y la sirviesen, adonde le llevaron -luego. Lo que los dos sentimos (que no puedo negar que no le quiero) se -deje a la consideración de los que se apartan si bien se quieren. Dio luego -traza el rey de que yo volviese a España en este bergantín y que me -acompañasen dos turcos de nación, que fueron los que mataron vuestros -soldados. Vino también conmigo este renegado español —señalando al que -había hablado primero—, del cual sé yo bien que es cristiano encubierto y -que viene con más deseo de quedarse en España que de volver a Berbería; la -demás chusma del bergantín son moros y turcos, que no sirven de más que de -bogar al remo. Los dos turcos, codiciosos e insolentes, sin guardar el -orden que traíamos de que a mí y a este renegado en la primer parte de -España, en hábito de cristianos, de que venimos proveídos, nos echasen en -tierra, primero quisieron barrer esta costa y hacer alguna presa, si -pudiesen, temiendo que si primero nos echaban en tierra, por algún acidente -que a los dos nos sucediese, podríamos descubrir que quedaba el bergantín -en la mar, y si acaso hubiese galeras por esta costa, los tomasen. Anoche -descubrimos esta playa, y, sin tener noticia destas cuatro galeras, -fuimos descubiertos, y nos ha sucedido lo que habéis visto. En resolución: -don Gregorio queda en hábito de mujer entre mujeres, con manifiesto peligro -de perderse, y yo me veo atadas las manos, esperando, o, por mejor decir, -temiendo perder la vida, que ya me cansa.» Éste es, señores, el fin de mi -lamentable historia, tan verdadera como desdichada; lo que os ruego es que -me dejéis morir como cristiana, pues, como ya he dicho, en ninguna cosa he -sido culpante de la culpa en que los de mi nación han caído. - -Y luego calló, preñados los ojos de tiernas lágrimas, a quien acompañaron -muchas de los que presentes estaban. El virrey, tierno y compasivo, sin -hablarle palabra, se llegó a ella y le quitó con sus manos el cordel que -las hermosas de la mora ligaba. - -En tanto, pues, que la morisca cristiana su peregrina historia trataba, -tuvo clavados los ojos en ella un anciano peregrino que entró en la galera -cuando entró el virrey; y, apenas dio fin a su plática la morisca, cuando -él se arrojó a sus pies, y, abrazado dellos, con interrumpidas palabras de -mil sollozos y suspiros, le dijo: - -— ¡Oh Ana Félix, desdichada hija mía! Yo soy tu padre Ricote, que volvía a -buscarte por no poder vivir sin ti, que eres mi alma. - -A cuyas palabras abrió los ojos Sancho, y alzó la cabeza (que inclinada -tenía, pensando en la desgracia de su paseo), y, mirando al peregrino, -conoció ser el mismo Ricote que topó el día que salió de su gobierno, y -confirmóse que aquélla era su hija, la cual, ya desatada, abrazó a su -padre, mezclando sus lágrimas con las suyas; el cual dijo al general y al -virrey: - -— Ésta, señores, es mi hija, más desdichada en sus sucesos que en su nombre. -Ana Félix se llama, con el sobrenombre de Ricote, famosa tanto por su -hermosura como por mi riqueza. Yo salí de mi patria a buscar en reinos -estraños quien nos albergase y recogiese, y, habiéndole hallado en -Alemania, volví en este hábito de peregrino, en compañía de otros alemanes, -a buscar mi hija y a desenterrar muchas riquezas que dejé escondidas. No -hallé a mi hija; hallé el tesoro, que conmigo traigo, y agora, por el -estraño rodeo que habéis visto, he hallado el tesoro que más me enriquece, -que es a mi querida hija. Si nuestra poca culpa y sus lágrimas y las mías, -por la integridad de vuestra justicia, pueden abrir puertas a la -misericordia, usadla con nosotros, que jamás tuvimos pensamiento de -ofenderos, ni convenimos en ningún modo con la intención de los nuestros, -que justamente han sido desterrados. - -Entonces dijo Sancho: - -— Bien conozco a Ricote, y sé que es verdad lo que dice en cuanto a ser Ana -Félix su hija; que en esotras zarandajas de ir y venir, tener buena o mala -intención, no me entremeto. - -Admirados del estraño caso todos los presentes, el general dijo: - -— Una por una vuestras lágrimas no me dejarán cumplir mi juramento: vivid, -hermosa Ana Félix, los años de vida que os tiene determinados el cielo, y -lleven la pena de su culpa los insolentes y atrevidos que la cometieron. - -Y mandó luego ahorcar de la entena a los dos turcos que a sus dos soldados -habían muerto; pero el virrey le pidió encarecidamente no los ahorcase, -pues más locura que valentía había sido la suya. Hizo el general lo que el -virrey le pedía, porque no se ejecutan bien las venganzas a sangre helada. -Procuraron luego dar traza de sacar a don Gaspar Gregorio del peligro en -que quedaba. Ofreció Ricote para ello más de dos mil ducados que en perlas -y en joyas tenía. Diéronse muchos medios, pero ninguno fue tal como el que -dio el renegado español que se ha dicho, el cual se ofreció de volver a -Argel en algún barco pequeño, de hasta seis bancos, armado de remeros -cristianos, porque él sabía dónde, cómo y cuándo podía y debía desembarcar, -y asimismo no ignoraba la casa donde don Gaspar quedaba. Dudaron el general -y el virrey el fiarse del renegado, ni confiar de los cristianos que habían -de bogar el remo; fióle Ana Félix, y Ricote, su padre, dijo que salía a dar -el rescate de los cristianos, si acaso se perdiesen. - -Firmados, pues, en este parecer, se desembarcó el virrey, y don Antonio -Moreno se llevó consigo a la morisca y a su padre, encargándole el virrey -que los regalase y acariciase cuanto le fuese posible; que de su parte le -ofrecía lo que en su casa hubiese para su regalo. Tanta fue la benevolencia -y caridad que la hermosura de Ana Félix infundió en su pecho. - - - - -Capítulo LXIV. Que trata de la aventura que más pesadumbre dio a don -Quijote de cuantas hasta entonces le habían sucedido - -La mujer de don Antonio Moreno cuenta la historia que recibió grandísimo -contento de ver a Ana Félix en su casa. Recibióla con mucho agrado, así -enamorada de su belleza como de su discreción, porque en lo uno y en lo -otro era estremada la morisca, y toda la gente de la ciudad, como a campana -tañida, venían a verla. - -Dijo don Quijote a don Antonio que el parecer que habían tomado en la -libertad de don Gregorio no era bueno, porque tenía más de peligroso que de -conveniente, y que sería mejor que le pusiesen a él en Berbería con sus -armas y caballo; que él le sacaría a pesar de toda la morisma, como había -hecho don Gaiferos a su esposa Melisendra. - -— Advierta vuesa merced —dijo Sancho, oyendo esto— que el señor don Gaiferos -sacó a sus esposa de tierra firme y la llevó a Francia por tierra firme; -pero aquí, si acaso sacamos a don Gregorio, no tenemos por dónde traerle a -España, pues está la mar en medio. - -— Para todo hay remedio, si no es para la muerte —respondió don Quijote—; -pues, llegando el barco a la marina, nos podremos embarcar en él, aunque -todo el mundo lo impida. - -— Muy bien lo pinta y facilita vuestra merced —dijo Sancho—, pero del dicho -al hecho hay gran trecho, y yo me atengo al renegado, que me parece muy -hombre de bien y de muy buenas entrañas. - -Don Antonio dijo que si el renegado no saliese bien del caso, se tomaría el -espediente de que el gran don Quijote pasase en Berbería. - -De allí a dos días partió el renegado en un ligero barco de seis remos por -banda, armado de valentísima chusma; y de allí a otros dos se partieron las -galeras a Levante, habiendo pedido el general al visorrey fuese servido de -avisarle de lo que sucediese en la libertad de don Gregorio y en el caso de -Ana Félix; quedó el visorrey de hacerlo así como se lo pedía. - -Y una mañana, saliendo don Quijote a pasearse por la playa armado de todas -sus armas, porque, como muchas veces decía, ellas eran sus arreos, y su -descanso el pelear, y no se hallaba sin ellas un punto, vio venir hacía él -un caballero, armado asimismo de punta en blanco, que en el escudo traía -pintada una luna resplandeciente; el cual, llegándose a trecho que podía -ser oído, en altas voces, encaminando sus razones a don Quijote, dijo: - -— Insigne caballero y jamás como se debe alabado don Quijote de la Mancha, -yo soy el Caballero de la Blanca Luna, cuyas inauditas hazañas quizá te le -habrán traído a la memoria. Vengo a contender contigo y a probar la fuerza -de tus brazos, en razón de hacerte conocer y confesar que mi dama, sea -quien fuere, es sin comparación más hermosa que tu Dulcinea del Toboso; la -cual verdad si tú la confiesas de llano en llano, escusarás tu muerte y el -trabajo que yo he de tomar en dártela; y si tú peleares y yo te venciere, -no quiero otra satisfación sino que, dejando las armas y absteniéndote de -buscar aventuras, te recojas y retires a tu lugar por tiempo de un año, -donde has de vivir sin echar mano a la espada, en paz tranquila y en -provechoso sosiego, porque así conviene al aumento de tu hacienda y a la -salvación de tu alma; y si tú me vencieres, quedará a tu discreción mi -cabeza, y serán tuyos los despojos de mis armas y caballo, y pasará a la -tuya la fama de mis hazañas. Mira lo que te está mejor, y respóndeme luego, -porque hoy todo el día traigo de término para despachar este negocio. - -Don Quijote quedó suspenso y atónito, así de la arrogancia del Caballero de -la Blanca Luna como de la causa por que le desafiaba; y con reposo y ademán -severo le respondió: - -— Caballero de la Blanca Luna, cuyas hazañas hasta agora no han llegado a mi -noticia, yo osaré jurar que jamás habéis visto a la ilustre Dulcinea; que -si visto la hubiérades, yo sé que procurárades no poneros en esta demanda, -porque su vista os desengañara de que no ha habido ni puede haber belleza -que con la suya comparar se pueda; y así, no diciéndoos que mentís, sino -que no acertáis en lo propuesto, con las condiciones que habéis referido, -aceto vuestro desafío, y luego, porque no se pase el día que traéis -determinado; y sólo exceto de las condiciones la de que se pase a mí la -fama de vuestras hazañas, porque no sé cuáles ni qué tales sean: con las -mías me contento, tales cuales ellas son. Tomad, pues, la parte del campo -que quisiéredes, que yo haré lo mesmo, y a quien Dios se la diere, San -Pedro se la bendiga. - -Habían descubierto de la ciudad al Caballero de la Blanca Luna, y díchoselo -al visorrey que estaba hablando con don Quijote de la Mancha. El visorrey, -creyendo sería alguna nueva aventura fabricada por don Antonio Moreno, o -por otro algún caballero de la ciudad, salió luego a la playa con don -Antonio y con otros muchos caballeros que le acompañaban, a tiempo cuando -don Quijote volvía las riendas a Rocinante para tomar del campo lo -necesario. - -Viendo, pues, el visorrey que daban los dos señales de volverse a -encontrar, se puso en medio, preguntándoles qué era la causa que les movía -a hacer tan de improviso batalla. El Caballero de la Blanca Luna respondió -que era precedencia de hermosura, y en breves razones le dijo las mismas -que había dicho a don Quijote, con la acetación de las condiciones del -desafío hechas por entrambas partes. Llegóse el visorrey a don Antonio, y -preguntóle paso si sabía quién era el tal Caballero de la Blanca Luna, o si -era alguna burla que querían hacer a don Quijote. Don Antonio le respondió -que ni sabía quién era, ni si era de burlas ni de veras el tal desafío. -Esta respuesta tuvo perplejo al visorrey en si les dejaría o no pasar -adelante en la batalla; pero, no pudiéndose persuadir a que fuese sino -burla, se apartó diciendo: - -— Señores caballeros, si aquí no hay otro remedio sino confesar o morir, y -el señor don Quijote está en sus trece y vuestra merced el de la Blanca -Luna en sus catorce, a la mano de Dios, y dense. - -Agradeció el de la Blanca Luna con corteses y discretas razones al visorrey -la licencia que se les daba, y don Quijote hizo lo mesmo; el cual, -encomendándose al cielo de todo corazón y a su Dulcinea —como tenía de -costumbre al comenzar de las batallas que se le ofrecían—, tornó a tomar -otro poco más del campo, porque vio que su contrario hacía lo mesmo, y, sin -tocar trompeta ni otro instrumento bélico que les diese señal de arremeter, -volvieron entrambos a un mesmo punto las riendas a sus caballos; y, como -era más ligero el de la Blanca Luna, llegó a don Quijote a dos tercios -andados de la carrera, y allí le encontró con tan poderosa fuerza, sin -tocarle con la lanza (que la levantó, al parecer, de propósito), que dio -con Rocinante y con don Quijote por el suelo una peligrosa caída. Fue luego -sobre él, y, poniéndole la lanza sobre la visera, le dijo: - -— Vencido sois, caballero, y aun muerto, si no confesáis las condiciones de -nuestro desafío. - -Don Quijote, molido y aturdido, sin alzarse la visera, como si hablara -dentro de una tumba, con voz debilitada y enferma, dijo: - -— Dulcinea del Toboso es la más hermosa mujer del mundo, y yo el más -desdichado caballero de la tierra, y no es bien que mi flaqueza defraude -esta verdad. Aprieta, caballero, la lanza, y quítame la vida, pues me has -quitado la honra. - -— Eso no haré yo, por cierto —dijo el de la Blanca Luna—: viva, viva en su -entereza la fama de la hermosura de la señora Dulcinea del Toboso, que sólo -me contento con que el gran don Quijote se retire a su lugar un año, o -hasta el tiempo que por mí le fuere mandado, como concertamos antes de -entrar en esta batalla. - -Todo esto oyeron el visorrey y don Antonio, con otros muchos que allí -estaban, y oyeron asimismo que don Quijote respondió que como no le pidiese -cosa que fuese en perjuicio de Dulcinea, todo lo demás cumpliría como -caballero puntual y verdadero. - -Hecha esta confesión, volvió las riendas el de la Blanca Luna, y, haciendo -mesura con la cabeza al visorrey, a medio galope se entró en la ciudad. - -Mandó el visorrey a don Antonio que fuese tras él, y que en todas maneras -supiese quién era. Levantaron a don Quijote, descubriéronle el rostro y -halláronle sin color y trasudando. Rocinante, de puro malparado, no se pudo -mover por entonces. Sancho, todo triste, todo apesarado, no sabía qué -decirse ni qué hacerse: parecíale que todo aquel suceso pasaba en sueños y -que toda aquella máquina era cosa de encantamento. Veía a su señor rendido -y obligado a no tomar armas en un año; imaginaba la luz de la gloria de sus -hazañas escurecida, las esperanzas de sus nuevas promesas deshechas, como -se deshace el humo con el viento. Temía si quedaría o no contrecho -Rocinante, o deslocado su amo; que no fuera poca ventura si deslocado -quedara. Finalmente, con una silla de manos, que mandó traer el visorrey, -le llevaron a la ciudad, y el visorrey se volvió también a ella, con deseo -de saber quién fuese el Caballero de la Blanca Luna, que de tan mal talante -había dejado a don Quijote. - - - - -Capítulo LXV. Donde se da noticia quién era el de la Blanca Luna, con la -libertad de Don Gregorio, y de otros sucesos - -Siguió don Antonio Moreno al Caballero de la Blanca Luna, y siguiéronle -también, y aun persiguiéronle, muchos muchachos, hasta que le cerraron en -un mesón dentro de la ciudad. Entró el don Antonio con deseo de conocerle; -salió un escudero a recebirle y a desarmarle; encerróse en una sala baja, y -con él don Antonio, que no se le cocía el pan hasta saber quién fuese. -Viendo, pues, el de la Blanca Luna que aquel caballero no le dejaba, le -dijo: - -— Bien sé, señor, a lo que venís, que es a saber quién soy; y, porque no hay -para qué negároslo, en tanto que este mi criado me desarma os lo diré, sin -faltar un punto a la verdad del caso. Sabed, señor, que a mí me llaman el -bachiller Sansón Carrasco; soy del mesmo lugar de don Quijote de la Mancha, -cuya locura y sandez mueve a que le tengamos lástima todos cuantos le -conocemos, y entre los que más se la han tenido he sido yo; y, creyendo que -está su salud en su reposo y en que se esté en su tierra y en su casa, di -traza para hacerle estar en ella; y así, habrá tres meses que le salí al -camino como caballero andante, llamándome el Caballero de los Espejos, con -intención de pelear con él y vencerle, sin hacerle daño, poniendo por -condición de nuestra pelea que el vencido quedase a discreción del -vencedor; y lo que yo pensaba pedirle, porque ya le juzgaba por vencido, -era que se volviese a su lugar y que no saliese dél en todo un año, en el -cual tiempo podría ser curado; pero la suerte lo ordenó de otra manera, -porque él me venció a mí y me derribó del caballo, y así, no tuvo efecto mi -pensamiento: él prosiguió su camino, y yo me volví, vencido, corrido y -molido de la caída, que fue además peligrosa; pero no por esto se me quitó -el deseo de volver a buscarle y a vencerle, como hoy se ha visto. Y como él -es tan puntual en guardar las órdenes de la andante caballería, sin duda -alguna guardará la que le he dado, en cumplimiento de su palabra. Esto es, -señor, lo que pasa, sin que tenga que deciros otra cosa alguna; suplícoos -no me descubráis ni le digáis a don Quijote quién soy, porque tengan efecto -los buenos pensamientos míos y vuelva a cobrar su juicio un hombre que le -tiene bonísimo, como le dejen las sandeces de la caballería. - -— ¡Oh señor —dijo don Antonio—, Dios os perdone el agravio que habéis hecho -a todo el mundo en querer volver cuerdo al más gracioso loco que hay en él! -¿No veis, señor, que no podrá llegar el provecho que cause la cordura de -don Quijote a lo que llega el gusto que da con sus desvaríos? Pero yo -imagino que toda la industria del señor bachiller no ha de ser parte para -volver cuerdo a un hombre tan rematadamente loco; y si no fuese contra -caridad, diría que nunca sane don Quijote, porque con su salud, no -solamente perdemos sus gracias, sino las de Sancho Panza, su escudero, que -cualquiera dellas puede volver a alegrar a la misma melancolía. Con todo -esto, callaré, y no le diré nada, por ver si salgo verdadero en sospechar -que no ha de tener efecto la diligencia hecha por el señor Carrasco. - -El cual respondió que ya una por una estaba en buen punto aquel negocio, de -quien esperaba feliz suceso. Y, habiéndose ofrecido don Antonio de hacer lo -que más le mandase, se despidió dél; y, hecho liar sus armas sobre un -macho, luego al mismo punto, sobre el caballo con que entró en la batalla, -se salió de la ciudad aquel mismo día y se volvió a su patria, sin -sucederle cosa que obligue a contarla en esta verdadera historia. - -Contó don Antonio al visorrey todo lo que Carrasco le había contado, de lo -que el visorrey no recibió mucho gusto, porque en el recogimiento de don -Quijote se perdía el que podían tener todos aquellos que de sus locuras -tuviesen noticia. - -Seis días estuvo don Quijote en el lecho, marrido, triste, pensativo y mal -acondicionado, yendo y viniendo con la imaginación en el desdichado suceso -de su vencimiento. Consolábale Sancho, y, entre otras razones, le dijo: - -— Señor mío, alce vuestra merced la cabeza y alégrese, si puede, y dé -gracias al cielo que, ya que le derribó en la tierra, no salió con alguna -costilla quebrada; y, pues sabe que donde las dan las toman, y que no -siempre hay tocinos donde hay estacas, dé una higa al médico, pues no le ha -menester para que le cure en esta enfermedad: volvámonos a nuestra casa y -dejémonos de andar buscando aventuras por tierras y lugares que no sabemos; -y, si bien se considera, yo soy aquí el más perdidoso, aunque es vuestra -merced el más mal parado. Yo, que dejé con el gobierno los deseos de ser -más gobernador, no dejé la gana de ser conde, que jamás tendrá efecto si -vuesa merced deja de ser rey, dejando el ejercicio de su caballería; y así, -vienen a volverse en humo mis esperanzas. - -— Calla, Sancho, pues ves que mi reclusión y retirada no ha de pasar de un -año; que luego volveré a mis honrados ejercicios, y no me ha de faltar -reino que gane y algún condado que darte. - -— Dios lo oiga —dijo Sancho—, y el pecado sea sordo, que siempre he oído -decir que más vale buena esperanza que ruin posesión. - -En esto estaban cuando entró don Antonio, diciendo con muestras de -grandísimo contento: - -— ¡Albricias, señor don Quijote, que don Gregorio y el renegado que fue por -él está en la playa! ¿Qué digo en la playa? Ya está en casa del visorrey, y -será aquí al momento. - -Alegróse algún tanto don Quijote, y dijo: - -— En verdad que estoy por decir que me holgara que hubiera sucedido todo al -revés, porque me obligara a pasar en Berbería, donde con la fuerza de mi -brazo diera libertad no sólo a don Gregorio, sino a cuantos cristianos -cautivos hay en Berbería. Pero, ¿qué digo, miserable? ¿No soy yo el -vencido? ¿No soy yo el derribado? ¿No soy yo el que no puede tomar arma en -un año? Pues, ¿qué prometo? ¿De qué me alabo, si antes me conviene usar de -la rueca que de la espada? - -— Déjese deso, señor —dijo Sancho—: viva la gallina, aunque con su pepita, -que hoy por ti y mañana por mí; y en estas cosas de encuentros y porrazos -no hay tomarles tiento alguno, pues el que hoy cae puede levantarse -mañana, si no es que se quiere estar en la cama; quiero decir que se deje -desmayar, sin cobrar nuevos bríos para nuevas pendencias. Y levántese -vuestra merced agora para recebir a don Gregorio, que me parece que anda la -gente alborotada, y ya debe de estar en casa. - -Y así era la verdad; porque, habiendo ya dado cuenta don Gregorio y el -renegado al visorrey de su ida y vuelta, deseoso don Gregorio de ver a Ana -Félix, vino con el renegado a casa de don Antonio; y, aunque don Gregorio, -cuando le sacaron de Argel, fue con hábitos de mujer, en el barco los trocó -por los de un cautivo que salió consigo; pero en cualquiera que viniera, -mostrara ser persona para ser codiciada, servida y estimada, porque era -hermoso sobremanera, y la edad, al parecer, de diez y siete o diez y ocho -años. Ricote y su hija salieron a recebirle: el padre con lágrimas y la -hija con honestidad. No se abrazaron unos a otros, porque donde hay mucho -amor no suele haber demasiada desenvoltura. Las dos bellezas juntas de don -Gregorio y Ana Félix admiraron en particular a todos juntos los que -presentes estaban. El silencio fue allí el que habló por los dos amantes, y -los ojos fueron las lenguas que descubrieron sus alegres y honestos -pensamientos. - -Contó el renegado la industria y medio que tuvo para sacar a don Gregorio; -contó don Gregorio los peligros y aprietos en que se había visto con las -mujeres con quien había quedado, no con largo razonamiento, sino con breves -palabras, donde mostró que su discreción se adelantaba a sus años. -Finalmente, Ricote pagó y satisfizo liberalmente así al renegado como a los -que habían bogado al remo. Reincorporóse y redújose el renegado con la -Iglesia, y, de miembro podrido, volvió limpio y sano con la penitencia y el -arrepentimiento. - -De allí a dos días trató el visorrey con don Antonio qué modo tendrían para -que Ana Félix y su padre quedasen en España, pareciéndoles no ser de -inconveniente alguno que quedasen en ella hija tan cristiana y padre, al -parecer, tan bien intencionado. Don Antonio se ofreció venir a la corte a -negociarlo, donde había de venir forzosamente a otros negocios, dando a -entender que en ella, por medio del favor y de las dádivas, muchas cosas -dificultosas se acaban. - -— No —dijo Ricote, que se halló presente a esta plática— hay que esperar en -favores ni en dádivas, porque con el gran don Bernardino de Velasco, conde -de Salazar, a quien dio Su Majestad cargo de nuestra expulsión, no valen -ruegos, no promesas, no dádivas, no lástimas; porque, aunque es verdad que -él mezcla la misericordia con la justicia, como él vee que todo el cuerpo -de nuestra nación está contaminado y podrido, usa con él antes del cauterio -que abrasa que del ungüento que molifica; y así, con prudencia, con -sagacidad, con diligencia y con miedos que pone, ha llevado sobre sus -fuertes hombros a debida ejecución el peso desta gran máquina, sin que -nuestras industrias, estratagemas, solicitudes y fraudes hayan podido -deslumbrar sus ojos de Argos, que contino tiene alerta, porque no se le -quede ni encubra ninguno de los nuestros, que, como raíz escondida, que con -el tiempo venga después a brotar, y a echar frutos venenosos en España, ya -limpia, ya desembarazada de los temores en que nuestra muchedumbre la -tenía. ¡Heroica resolución del gran Filipo Tercero, y inaudita prudencia en -haberla encargado al tal don Bernardino de Velasco! - -— Una por una, yo haré, puesto allá, las diligencias posibles, y haga el -cielo lo que más fuere servido —dijo don Antonio—. Don Gregorio se irá -conmigo a consolar la pena que sus padres deben tener por su ausencia; Ana -Félix se quedará con mi mujer en mi casa, o en un monasterio, y yo sé que -el señor visorrey gustará se quede en la suya el buen Ricote, hasta ver -cómo yo negocio. - -El visorrey consintió en todo lo propuesto, pero don Gregorio, sabiendo lo -que pasaba, dijo que en ninguna manera podía ni quería dejar a doña Ana -Félix; pero, teniendo intención de ver a sus padres, y de dar traza de -volver por ella, vino en el decretado concierto. Quedóse Ana Félix con la -mujer de don Antonio, y Ricote en casa del visorrey. - -Llegóse el día de la partida de don Antonio, y el de don Quijote y Sancho, -que fue de allí a otros dos; que la caída no le concedió que más presto se -pusiese en camino. Hubo lágrimas, hubo suspiros, desmayos y sollozos al -despedirse don Gregorio de Ana Félix. Ofrecióle Ricote a don Gregorio mil -escudos, si los quería; pero él no tomó ninguno, sino solos cinco que le -prestó don Antonio, prometiendo la paga dellos en la corte. Con esto, se -partieron los dos, y don Quijote y Sancho después, como se ha dicho: don -Quijote desarmado y de camino, Sancho a pie, por ir el rucio cargado con -las armas. - - - - -Capítulo LXVI. Que trata de lo que verá el que lo leyere, o lo oirá el que -lo escuchare leer - -Al salir de Barcelona, volvió don Quijote a mirar el sitio donde había -caído, y dijo: - -— ¡Aquí fue Troya! ¡Aquí mi desdicha, y no mi cobardía, se llevó mis -alcanzadas glorias; aquí usó la fortuna conmigo de sus vueltas y revueltas; -aquí se escurecieron mis hazañas; aquí, finalmente, cayó mi ventura para -jamás levantarse! - -Oyendo lo cual Sancho, dijo: - -— Tan de valientes corazones es, señor mío, tener sufrimiento en las -desgracias como alegría en las prosperidades; y esto lo juzgo por mí mismo, -que si cuando era gobernador estaba alegre, agora que soy escudero de a -pie, no estoy triste; porque he oído decir que esta que llaman por ahí -Fortuna es una mujer borracha y antojadiza, y, sobre todo, ciega, y así, no -vee lo que hace, ni sabe a quién derriba, ni a quién ensalza. - -— Muy filósofo estás, Sancho —respondió don Quijote—, muy a lo discreto -hablas: no sé quién te lo enseña. Lo que te sé decir es que no hay fortuna -en el mundo, ni las cosas que en él suceden, buenas o malas que sean, -vienen acaso, sino por particular providencia de los cielos, y de aquí -viene lo que suele decirse: que cada uno es artífice de su ventura. Yo lo -he sido de la mía, pero no con la prudencia necesaria, y así, me han salido -al gallarín mis presunciones; pues debiera pensar que al poderoso grandor -del caballo del de la Blanca Luna no podía resistir la flaqueza de -Rocinante. Atrevíme en fin, hice lo que puede, derribáronme, y, aunque -perdí la honra, no perdí, ni puedo perder, la virtud de cumplir mi palabra. -Cuando era caballero andante, atrevido y valiente, con mis obras y con mis -manos acreditaba mis hechos; y agora, cuando soy escudero pedestre, -acreditaré mis palabras cumpliendo la que di de mi promesa. Camina, pues, -amigo Sancho, y vamos a tener en nuestra tierra el año del noviciado, con -cuyo encerramiento cobraremos virtud nueva para volver al nunca de mí -olvidado ejercicio de las armas. - -— Señor —respondió Sancho—, no es cosa tan gustosa el caminar a pie, que me -mueva e incite a hacer grandes jornadas. Dejemos estas armas colgadas de -algún árbol, en lugar de un ahorcado, y, ocupando yo las espaldas del -rucio, levantados los pies del suelo, haremos las jornadas como vuestra -merced las pidiere y midiere; que pensar que tengo de caminar a pie y -hacerlas grandes es pensar en lo escusado. - -— Bien has dicho, Sancho —respondió don Quijote—: cuélguense mis armas por -trofeo, y al pie dellas, o alrededor dellas, grabaremos en los árboles lo -que en el trofeo de las armas de Roldán estaba escrito: - -Nadie las mueva - -que estar no pueda con Roldán a prueba. - -— Todo eso me parece de perlas —respondió Sancho—; y, si no fuera por la -falta que para el camino nos había de hacer Rocinante, también fuera bien -dejarle colgado. - -— ¡Pues ni él ni las armas —replicó don Quijote— quiero que se ahorquen, -porque no se diga que a buen servicio, mal galardón! - -— Muy bien dice vuestra merced —respondió Sancho—, porque, según opinión de -discretos, la culpa del asno no se ha de echar a la albarda; y, pues deste -suceso vuestra merced tiene la culpa, castíguese a sí mesmo, y no revienten -sus iras por las ya rotas y sangrientas armas, ni por las mansedumbres de -Rocinante, ni por la blandura de mis pies, queriendo que caminen más de lo -justo. - -En estas razones y pláticas se les pasó todo aquel día, y aun otros cuatro, -sin sucederles cosa que estorbase su camino; y al quinto día, a la entrada -de un lugar, hallaron a la puerta de un mesón mucha gente, que, por ser -fiesta, se estaba allí solazando. Cuando llegaba a ellos don Quijote, un -labrador alzó la voz diciendo: - -— Alguno destos dos señores que aquí vienen, que no conocen las partes, dirá -lo que se ha de hacer en nuestra apuesta. - -— Sí diré, por cierto —respondió don Quijote—, con toda rectitud, si es que -alcanzo a entenderla. - -— «Es, pues, el caso —dijo el labrador—, señor bueno, que un vecino deste -lugar, tan gordo que pesa once arrobas, desafió a correr a otro su vecino, -que no pesa más que cinco. Fue la condición que habían de correr una -carrera de cien pasos con pesos iguales; y, habiéndole preguntado al -desafiador cómo se había de igualar el peso, dijo que el desafiado, que -pesa cinco arrobas, se pusiese seis de hierro a cuestas, y así se -igualarían las once arrobas del flaco con las once del gordo.» - -— Eso no —dijo a esta sazón Sancho, antes que don Quijote respondiese—. Y a -mí, que ha pocos días que salí de ser gobernador y juez, como todo el mundo -sabe, toca averiguar estas dudas y dar parecer en todo pleito. - -— Responde en buen hora —dijo don Quijote—, Sancho amigo, que yo no estoy -para dar migas a un gato, según traigo alborotado y trastornado el juicio. - -Con esta licencia, dijo Sancho a los labradores, que estaban muchos -alrededor dél la boca abierta, esperando la sentencia de la suya: - -— Hermanos, lo que el gordo pide no lleva camino, ni tiene sombra de -justicia alguna; porque si es verdad lo que se dice, que el desafiado puede -escoger las armas, no es bien que éste las escoja tales que le impidan ni -estorben el salir vencedor; y así, es mi parecer que el gordo desafiador se -escamonde, monde, entresaque, pula y atilde, y saque seis arrobas de sus -carnes, de aquí o de allí de su cuerpo, como mejor le pareciere y -estuviere; y desta manera, quedando en cinco arrobas de peso, se igualará y -ajustará con las cinco de su contrario, y así podrán correr igualmente. - -— ¡Voto a tal —dijo un labrador que escuchó la sentencia de Sancho— que este -señor ha hablado como un bendito y sentenciado como un canónigo! Pero a -buen seguro que no ha de querer quitarse el gordo una onza de sus carnes, -cuanto más seis arrobas. - -— Lo mejor es que no corran —respondió otro—, porque el flaco no se muela -con el peso, ni el gordo se descarne; y échese la mitad de la apuesta en -vino, y llevemos estos señores a la taberna de lo caro, y sobre mí la capa -cuando llueva. - -— Yo, señores —respondió don Quijote—, os lo agradezco, pero no puedo -detenerme un punto, porque pensamientos y sucesos tristes me hacen parecer -descortés y caminar más que de paso. - -Y así, dando de las espuelas a Rocinante, pasó adelante, dejándolos -admirados de haber visto y notado así su estraña figura como la discreción -de su criado, que por tal juzgaron a Sancho. Y otro de los labradores dijo: - -— Si el criado es tan discreto, ¡cuál debe de ser el amo! Yo apostaré que si -van a estudiar a Salamanca, que a un tris han de venir a ser alcaldes de -corte; que todo es burla, sino estudiar y más estudiar, y tener favor y -ventura; y cuando menos se piensa el hombre, se halla con una vara en la -mano o con una mitra en la cabeza. - -Aquella noche la pasaron amo y mozo en mitad del campo, al cielo raso y -descubierto; y otro día, siguiendo su camino, vieron que hacia ellos venía -un hombre de a pie, con unas alforjas al cuello y una azcona o chuzo en la -mano, propio talle de correo de a pie; el cual, como llegó junto a don -Quijote, adelantó el paso, y medio corriendo llegó a él, y, abrazándole por -el muslo derecho, que no alcanzaba a más, le dijo, con muestras de mucha -alegría: - -— ¡Oh mi señor don Quijote de la Mancha, y qué gran contento ha de llegar al -corazón de mi señor el duque cuando sepa que vuestra merced vuelve a su -castillo, que todavía se está en él con mi señora la duquesa! - -— No os conozco, amigo —respondió don Quijote—, ni sé quién sois, si vos no -me lo decís. - -— Yo, señor don Quijote —respondió el correo—, soy Tosilos, el lacayo del -duque mi señor, que no quise pelear con vuestra merced sobre el casamiento -de la hija de doña Rodríguez. - -— ¡Válame Dios! —dijo don Quijote—. ¿Es posible que sois vos el que los -encantadores mis enemigos transformaron en ese lacayo que decís, por -defraudarme de la honra de aquella batalla? - -— Calle, señor bueno —replicó el cartero—, que no hubo encanto alguno ni -mudanza de rostro ninguna: tan lacayo Tosilos entré en la estacada como -Tosilos lacayo salí della. Yo pensé casarme sin pelear, por haberme -parecido bien la moza, pero sucedióme al revés mi pensamiento, pues, así -como vuestra merced se partió de nuestro castillo, el duque mi señor me -hizo dar cien palos por haber contravenido a las ordenanzas que me tenía -dadas antes de entrar en la batalla, y todo ha parado en que la muchacha es -ya monja, y doña Rodríguez se ha vuelto a Castilla, y yo voy ahora a -Barcelona, a llevar un pliego de cartas al virrey, que le envía mi amo. Si -vuestra merced quiere un traguito, aunque caliente, puro, aquí llevo una -calabaza llena de lo caro, con no sé cuántas rajitas de queso de Tronchón, -que servirán de llamativo y despertador de la sed, si acaso está durmiendo. - -— Quiero el envite —dijo Sancho—, y échese el resto de la cortesía, y -escancie el buen Tosilos, a despecho y pesar de cuantos encantadores hay en -las Indias. - -— En fin —dijo don Quijote—, tú eres, Sancho, el mayor glotón del mundo y el -mayor ignorante de la tierra, pues no te persuades que este correo es -encantado, y este Tosilos contrahecho. Quédate con él y hártate, que yo me -iré adelante poco a poco, esperándote a que vengas. - -Rióse el lacayo, desenvainó su calabaza, desalforjó sus rajas, y, sacando -un panecillo, él y Sancho se sentaron sobre la yerba verde, y en buena paz -compaña despabilaron y dieron fondo con todo el repuesto de las alforjas, -con tan buenos alientos, que lamieron el pliego de las cartas, sólo porque -olía a queso. Dijo Tosilos a Sancho: - -— Sin duda este tu amo, Sancho amigo, debe de ser un loco. - -— ¿Cómo debe? —respondió Sancho—. No debe nada a nadie, que todo lo paga, y -más cuando la moneda es locura. Bien lo veo yo, y bien se lo digo a él; -pero, ¿qué aprovecha? Y más agora que va rematado, porque va vencido del -Caballero de la Blanca Luna. - -Rogóle Tosilos le contase lo que le había sucedido, pero Sancho le -respondió que era descortesía dejar que su amo le esperase; que otro día, -si se encontrasen, habría lugar par ello. Y, levantándose, después de -haberse sacudido el sayo y las migajas de las barbas, antecogió al rucio, -y, diciendo ''a Dios'', dejó a Tosilos y alcanzó a su amo, que a la sombra -de un árbol le estaba esperando. - - - - -Capítulo LXVII. De la resolución que tomó don Quijote de hacerse pastor y -seguir la vida del campo, en tanto que se pasaba el año de su promesa, con -otros sucesos en verdad gustosos y buenos - -Si muchos pensamientos fatigaban a don Quijote antes de ser derribado, -muchos más le fatigaron después de caído. A la sombra del árbol estaba, -como se ha dicho, y allí, como moscas a la miel, le acudían y picaban -pensamientos: unos iban al desencanto de Dulcinea y otros a la vida que -había de hacer en su forzosa retirada. Llegó Sancho y alabóle la liberal -condición del lacayo Tosilos. - -— ¿Es posible —le dijo don Quijote— que todavía, ¡oh Sancho!, pienses que -aquél sea verdadero lacayo? Parece que se te ha ido de las mientes haber -visto a Dulcinea convertida y transformada en labradora, y al Caballero de -los Espejos en el bachiller Carrasco, obras todas de los encantadores que -me persiguen. Pero dime agora: ¿preguntaste a ese Tosilos que dices qué ha -hecho Dios de Altisidora: si ha llorado mi ausencia, o si ha dejado ya en -las manos del olvido los enamorados pensamientos que en mi presencia la -fatigaban? - -— No eran —respondió Sancho— los que yo tenía tales que me diesen lugar a -preguntar boberías. ¡Cuerpo de mí!, señor, ¿está vuestra merced ahora en -términos de inquirir pensamientos ajenos, especialmente amorosos? - -— Mira, Sancho —dijo don Quijote—, mucha diferencia hay de las obras que se -hacen por amor a las que se hacen por agradecimiento. Bien puede ser que un -caballero sea desamorado, pero no puede ser, hablando en todo rigor, que -sea desagradecido. Quísome bien, al parecer, Altisidora; diome los tres -tocadores que sabes, lloró en mi partida, maldíjome, vituperóme, quejóse, a -despecho de la vergüenza, públicamente: señales todas de que me adoraba, -que las iras de los amantes suelen parar en maldiciones. Yo no tuve -esperanzas que darle, ni tesoros que ofrecerle, porque las mías las tengo -entregadas a Dulcinea, y los tesoros de los caballeros andantes son, como -los de los duendes, aparentes y falsos, y sólo puedo darle estos acuerdos -que della tengo, sin perjuicio, pero, de los que tengo de Dulcinea, a quien -tú agravias con la remisión que tienes en azotarte y en castigar esas -carnes, que vea yo comidas de lobos, que quieren guardarse antes para los -gusanos que para el remedio de aquella pobre señora. - -— Señor —respondió Sancho—, si va a decir la verdad, yo no me puedo -persuadir que los azotes de mis posaderas tengan que ver con los -desencantos de los encantados, que es como si dijésemos: "Si os duele la -cabeza, untaos las rodillas". A lo menos, yo osaré jurar que en cuantas -historias vuesa merced ha leído que tratan de la andante caballería no ha -visto algún desencantado por azotes; pero, por sí o por no, yo me los daré, -cuando tenga gana y el tiempo me dé comodidad para castigarme. - -— Dios lo haga —respondió don Quijote—, y los cielos te den gracia para que -caigas en la cuenta y en la obligación que te corre de ayudar a mi señora, -que lo es tuya, pues tú eres mío. - -En estas pláticas iban siguiendo su camino, cuando llegaron al mesmo sitio -y lugar donde fueron atropellados de los toros. Reconocióle don Quijote; -dijo a Sancho: - -— Éste es el prado donde topamos a las bizarras pastoras y gallardos -pastores que en él querían renovar e imitar a la pastoral Arcadia, -pensamiento tan nuevo como discreto, a cuya imitación, si es que a ti te -parece bien, querría, ¡oh Sancho!, que nos convirtiésemos en pastores, -siquiera el tiempo que tengo de estar recogido. Yo compraré algunas ovejas, -y todas las demás cosas que al pastoral ejercicio son necesarias, y -llamándome yo el pastor Quijotiz, y tú el pastor Pancino, nos andaremos por -los montes, por las selvas y por los prados, cantando aquí, endechando -allí, bebiendo de los líquidos cristales de las fuentes, o ya de los -limpios arroyuelos, o de los caudalosos ríos. Daránnos con abundantísima -mano de su dulcísimo fruto las encinas, asiento los troncos de los -durísimos alcornoques, sombra los sauces, olor las rosas, alfombras de mil -colores matizadas los estendidos prados, aliento el aire claro y puro, luz -la luna y las estrellas, a pesar de la escuridad de la noche, gusto el -canto, alegría el lloro, Apolo versos, el amor conceptos, con que podremos -hacernos eternos y famosos, no sólo en los presentes, sino en los venideros -siglos. - -— Pardiez —dijo Sancho—, que me ha cuadrado, y aun esquinado, tal género de -vida; y más, que no la ha de haber aún bien visto el bachiller Sansón -Carrasco y maese Nicolás el barbero, cuando la han de querer seguir, y -hacerse pastores con nosotros; y aun quiera Dios no le venga en voluntad al -cura de entrar también en el aprisco, según es de alegre y amigo de -holgarse. - -— Tú has dicho muy bien —dijo don Quijote—; y podrá llamarse el bachiller -Sansón Carrasco, si entra en el pastoral gremio, como entrará sin duda, el -pastor Sansonino, o ya el pastor Carrascón; el barbero Nicolás se podrá -llamar Miculoso, como ya el antiguo Boscán se llamó Nemoroso; al cura no sé -qué nombre le pongamos, si no es algún derivativo de su nombre, llamándole -el pastor Curiambro. Las pastoras de quien hemos de ser amantes, como entre -peras podremos escoger sus nombres; y, pues el de mi señora cuadra así al -de pastora como al de princesa, no hay para qué cansarme en buscar otro que -mejor le venga; tú, Sancho, pondrás a la tuya el que quisieres. - -— No pienso —respondió Sancho— ponerle otro alguno sino el de Teresona, que -le vendrá bien con su gordura y con el propio que tiene, pues se llama -Teresa; y más, que, celebrándola yo en mis versos, vengo a descubrir mis -castos deseos, pues no ando a buscar pan de trastrigo por las casas ajenas. -El cura no será bien que tenga pastora, por dar buen ejemplo; y si quisiere -el bachiller tenerla, su alma en su palma. - -— ¡Válame Dios —dijo don Quijote—, y qué vida nos hemos de dar, Sancho -amigo! ¡Qué de churumbelas han de llegar a nuestros oídos, qué de gaitas -zamoranas, qué tamborines, y qué de sonajas, y qué de rabeles! Pues, ¡qué -si destas diferencias de músicas resuena la de los albogues! Allí se verá -casi todos los instrumentos pastorales. - -— ¿Qué son albogues —preguntó Sancho—, que ni los he oído nombrar, ni los he -visto en toda mi vida? - -— Albogues son —respondió don Quijote— unas chapas a modo de candeleros de -azófar, que, dando una con otra por lo vacío y hueco, hace un son, si no -muy agradable ni armónico, no descontenta, y viene bien con la rusticidad -de la gaita y del tamborín; y este nombre albogues es morisco, como lo son -todos aquellos que en nuestra lengua castellana comienzan en al, conviene a -saber: almohaza, almorzar, alhombra, alguacil, alhucema, almacén, alcancía, -y otros semejantes, que deben ser pocos más; y solos tres tiene nuestra -lengua que son moriscos y acaban en i, y son: borceguí, zaquizamí y -maravedí. Alhelí y alfaquí, tanto por el al primero como por el i en que -acaban, son conocidos por arábigos. Esto te he dicho, de paso, por -habérmelo reducido a la memoria la ocasión de haber nombrado albogues; y -hanos de ayudar mucho al parecer en perfeción este ejercicio el ser yo -algún tanto poeta, como tú sabes, y el serlo también en estremo el -bachiller Sansón Carrasco. Del cura no digo nada; pero yo apostaré que debe -de tener sus puntas y collares de poeta; y que las tenga también maese -Nicolás, no dudo en ello, porque todos, o los más, son guitarristas y -copleros. Yo me quejaré de ausencia; tú te alabarás de firme enamorado; el -pastor Carrascón, de desdeñado; y el cura Curiambro, de lo que él más puede -servirse, y así, andará la cosa que no haya más que desear. - -A lo que respondió Sancho: - -— Yo soy, señor, tan desgraciado que temo no ha de llegar el día en que en -tal ejercicio me vea. ¡Oh, qué polidas cuchares tengo de hacer cuando -pastor me vea! ¡Qué de migas, qué de natas, qué de guirnaldas y qué de -zarandajas pastoriles, que, puesto que no me granjeen fama de discreto, no -dejarán de granjearme la de ingenioso! Sanchica mi hija nos llevará la -comida al hato. Pero, ¡guarda!, que es de buen parecer, y hay pastores más -maliciosos que simples, y no querría que fuese por lana y volviese -trasquilada; y también suelen andar los amores y los no buenos deseos por -los campos como por las ciudades, y por las pastorales chozas como por los -reales palacios, y, quitada la causa se quita el pecado; y ojos que no -veen, corazón que no quiebra; y más vale salto de mata que ruego de hombres -buenos. - -— No más refranes, Sancho —dijo don Quijote—, pues cualquiera de los que has -dicho basta para dar a entender tu pensamiento; y muchas veces te he -aconsejado que no seas tan pródigo en refranes y que te vayas a la mano en -decirlos; pero paréceme que es predicar en desierto, y "castígame mi madre, -y yo trómpogelas". - -— Paréceme —respondió Sancho— que vuesa merced es como lo que dicen: "Dijo -la sartén a la caldera: Quítate allá ojinegra". Estáme reprehendiendo que -no diga yo refranes, y ensártalos vuesa merced de dos en dos. - -— Mira, Sancho —respondió don Quijote—: yo traigo los refranes a propósito, -y vienen cuando los digo como anillo en el dedo; pero tráeslos tan por los -cabellos, que los arrastras, y no los guías; y si no me acuerdo mal, otra -vez te he dicho que los refranes son sentencias breves, sacadas de la -experiencia y especulación de nuestros antiguos sabios; y el refrán que no -viene a propósito, antes es disparate que sentencia. Pero dejémonos desto, -y, pues ya viene la noche, retirémonos del camino real algún trecho, donde -pasaremos esta noche, y Dios sabe lo que será mañana. - -Retiráronse, cenaron tarde y mal, bien contra la voluntad de Sancho, a -quien se le representaban las estrechezas de la andante caballería usadas -en las selvas y en los montes, si bien tal vez la abundancia se mostraba en -los castillos y casas, así de don Diego de Miranda como en las bodas del -rico Camacho, y de don Antonio Moreno; pero consideraba no ser posible ser -siempre de día ni siempre de noche, y así, pasó aquélla durmiendo, y su amo -velando. - - - - -Capítulo LXVIII. De la cerdosa aventura que le aconteció a don Quijote - -Era la noche algo escura, puesto que la luna estaba en el cielo, pero no en -parte que pudiese ser vista: que tal vez la señora Diana se va a pasear a -los antípodas, y deja los montes negros y los valles escuros. Cumplió don -Quijote con la naturaleza durmiendo el primer sueño, sin dar lugar al -segundo; bien al revés de Sancho, que nunca tuvo segundo, porque le duraba -el sueño desde la noche hasta la mañana, en que se mostraba su buena -complexión y pocos cuidados. Los de don Quijote le desvelaron de manera que -despertó a Sancho y le dijo: - -— Maravillado estoy, Sancho, de la libertad de tu condición: yo imagino que -eres hecho de mármol, o de duro bronce, en quien no cabe movimiento ni -sentimiento alguno. Yo velo cuando tú duermes, yo lloro cuando cantas, yo -me desmayo de ayuno cuanto tú estás perezoso y desalentado de puro harto. -De buenos criados es conllevar las penas de sus señores y sentir sus -sentimientos, por el bien parecer siquiera. Mira la serenidad desta noche, -la soledad en que estamos, que nos convida a entremeter alguna vigilia -entre nuestro sueño. Levántate, por tu vida, y desvíate algún trecho de -aquí, y con buen ánimo y denuedo agradecido date trecientos o cuatrocientos -azotes a buena cuenta de los del desencanto de Dulcinea; y esto rogando te -lo suplico, que no quiero venir contigo a los brazos, como la otra vez, -porque sé que los tienes pesados. Después que te hayas dado, pasaremos lo -que resta de la noche cantando, yo mi ausencia y tú tu firmeza, dando desde -agora principio al ejercicio pastoral que hemos de tener en nuestra aldea. - -— Señor —respondió Sancho—, no soy yo religioso para que desde la mitad de -mi sueño me levante y me dicipline, ni menos me parece que del estremo del -dolor de los azotes se pueda pasar al de la música. Vuesa merced me deje -dormir y no me apriete en lo del azotarme; que me hará hacer juramento de -no tocarme jamás al pelo del sayo, no que al de mis carnes. - -— ¡Oh alma endurecida! ¡Oh escudero sin piedad! ¡Oh pan mal empleado y -mercedes mal consideradas las que te he hecho y pienso de hacerte! Por mí -te has visto gobernador, y por mí te vees con esperanzas propincuas de ser -conde, o tener otro título equivalente, y no tardará el cumplimiento de -ellas más de cuanto tarde en pasar este año; que yo post tenebras spero -lucem. - -— No entiendo eso —replico Sancho—; sólo entiendo que, en tanto que duermo, -ni tengo temor, ni esperanza, ni trabajo ni gloria; y bien haya el que -inventó el sueño, capa que cubre todos los humanos pensamientos, manjar que -quita la hambre, agua que ahuyenta la sed, fuego que calienta el frío, frío -que templa el ardor, y, finalmente, moneda general con que todas las cosas -se compran, balanza y peso que iguala al pastor con el rey y al simple con -el discreto. Sola una cosa tiene mala el sueño, según he oído decir, y es -que se parece a la muerte, pues de un dormido a un muerto hay muy poca -diferencia. - -— Nunca te he oído hablar, Sancho —dijo don Quijote—, tan elegantemente como -ahora, por donde vengo a conocer ser verdad el refrán que tú algunas veces -sueles decir: "No con quien naces, sino con quien paces". - -— ¡Ah, pesia tal —replicó Sancho—, señor nuestro amo! No soy yo ahora el que -ensarta refranes, que también a vuestra merced se le caen de la boca de dos -en dos mejor que a mí, sino que debe de haber entre los míos y los suyos -esta diferencia: que los de vuestra merced vendrán a tiempo y los míos a -deshora; pero, en efecto, todos son refranes. - -En esto estaban, cuando sintieron un sordo estruendo y un áspero ruido, que -por todos aquellos valles se estendía. Levantóse en pie don Quijote y puso -mano a la espada, y Sancho se agazapó debajo del rucio, poniéndose a los -lados el lío de las armas, y la albarda de su jumento, tan temblando de -miedo como alborotado don Quijote. De punto en punto iba creciendo el -ruido, y, llegándose cerca a los dos temerosos; a lo menos, al uno, que al -otro, ya se sabe su valentía. - -Es, pues, el caso que llevaban unos hombres a vender a una feria más de -seiscientos puercos, con los cuales caminaban a aquellas horas, y era tanto -el ruido que llevaban y el gruñir y el bufar, que ensordecieron los oídos -de don Quijote y de Sancho, que no advirtieron lo que ser podía. Llegó de -tropel la estendida y gruñidora piara, y, sin tener respeto a la autoridad -de don Quijote, ni a la de Sancho, pasaron por cima de los dos, deshaciendo -las trincheas de Sancho, y derribando no sólo a don Quijote, sino llevando -por añadidura a Rocinante. El tropel, el gruñir, la presteza con que -llegaron los animales inmundos, puso en confusión y por el suelo a la -albarda, a las armas, al rucio, a Rocinante, a Sancho y a don Quijote. - -Levantóse Sancho como mejor pudo, y pidió a su amo la espada, diciéndole -que quería matar media docena de aquellos señores y descomedidos puercos, -que ya había conocido que lo eran. Don Quijote le dijo: - -— Déjalos estar, amigo, que esta afrenta es pena de mi pecado, y justo -castigo del cielo es que a un caballero andante vencido le coman adivas, y -le piquen avispas y le hollen puercos. - -— También debe de ser castigo del cielo —respondió Sancho— que a los -escuderos de los caballeros vencidos los puncen moscas, los coman piojos y -les embista la hambre. Si los escuderos fuéramos hijos de los caballeros a -quien servimos, o parientes suyos muy cercanos, no fuera mucho que nos -alcanzara la pena de sus culpas hasta la cuarta generación; pero, ¿qué -tienen que ver los Panzas con los Quijotes? Ahora bien: tornémonos a -acomodar y durmamos lo poco que queda de la noche, y amanecerá Dios y -medraremos. - -— Duerme tú, Sancho —respondió don Quijote—, que naciste para dormir; que -yo, que nací para velar, en el tiempo que falta de aquí al día, daré rienda -a mis pensamientos, y los desfogaré en un madrigalete, que, sin que tú lo -sepas, anoche compuse en la memoria. - -— A mí me parece —respondió Sancho— que los pensamientos que dan lugar a -hacer coplas no deben de ser muchos. Vuesa merced coplee cuanto quisiere, -que yo dormiré cuanto pudiere. - -Y luego, tomando en el suelo cuanto quiso, se acurrucó y durmió a sueño -suelto, sin que fianzas, ni deudas, ni dolor alguno se lo estorbase. Don -Quijote, arrimado a un tronco de una haya o de un alcornoque —que Cide -Hamete Benengeli no distingue el árbol que era—, al son de sus mesmos -suspiros, cantó de esta suerte: - --Amor, cuando yo pienso -en el mal que me das, terrible y fuerte, -voy corriendo a la muerte, -pensando así acabar mi mal inmenso; -mas, en llegando al paso -que es puerto en este mar de mi tormento, -tanta alegría siento, -que la vida se esfuerza y no le paso. -Así el vivir me mata, -que la muerte me torna a dar la vida. -¡Oh condición no oída, -la que conmigo muerte y vida trata! - -Cada verso déstos acompañaba con muchos suspiros y no pocas lágrimas, bien -como aquél cuyo corazón tenía traspasado con el dolor del vencimiento y con -la ausencia de Dulcinea. - -Llegóse en esto el día, dio el sol con sus rayos en los ojos a Sancho, -despertó y esperezóse, sacudiéndose y estirándose los perezosos miembros; -miró el destrozo que habían hecho los puercos en su repostería, y maldijo -la piara y aun más adelante. Finalmente, volvieron los dos a su comenzado -camino, y al declinar de la tarde vieron que hacia ellos venían hasta diez -hombres de a caballo y cuatro o cinco de a pie. Sobresaltóse el corazón -de don Quijote y azoróse el de Sancho, porque la gente que se les llegaba -traía lanzas y adargas y venía muy a punto de guerra. Volvióse don Quijote -a Sancho, y díjole: - -— Si yo pudiera, Sancho, ejercitar mis armas, y mi promesa no me hubiera -atado los brazos, esta máquina que sobre nosotros viene la tuviera yo por -tortas y pan pintado, pero podría ser fuese otra cosa de la que tememos. - -Llegaron, en esto, los de a caballo, y arbolando las lanzas, sin hablar -palabra alguna rodearon a don Quijote y se las pusieron a las espaldas y -pechos, amenazándole de muerte. Uno de los de a pie, puesto un dedo en la -boca, en señal de que callase, asió del freno de Rocinante y le sacó del -camino; y los demás de a pie, antecogiendo a Sancho y al rucio, guardando -todos maravilloso silencio, siguieron los pasos del que llevaba a don -Quijote, el cual dos o tres veces quiso preguntar adónde le llevaban o qué -querían; pero, apenas comenzaba a mover los labios, cuando se los iban a -cerrar con los hierros de las lanzas; y a Sancho le acontecía lo mismo, -porque, apenas daba muestras de hablar, cuando uno de los de a pie, con un -aguijón, le punzaba, y al rucio ni más ni menos como si hablar quisiera. -Cerró la noche, apresuraron el paso, creció en los dos presos el miedo, y -más cuando oyeron que de cuando en cuando les decían: - -— ¡Caminad, trogloditas! - -— ¡Callad, bárbaros! - -— ¡Pagad, antropófagos! - -— ¡No os quejéis, scitas, ni abráis los ojos, Polifemos matadores, leones -carniceros! - -Y otros nombres semejantes a éstos, con que atormentaban los oídos de los -miserables amo y mozo. Sancho iba diciendo entre sí: - -— ¿Nosotros tortolitas? ¿Nosotros barberos ni estropajos? ¿Nosotros -perritas, a quien dicen cita, cita? No me contentan nada estos nombres: a -mal viento va esta parva; todo el mal nos viene junto, como al perro los -palos, y ¡ojalá parase en ellos lo que amenaza esta aventura tan -desventurada! - -Iba don Quijote embelesado, sin poder atinar con cuantos discursos hacía -qué serían aquellos nombres llenos de vituperios que les ponían, de los -cuales sacaba en limpio no esperar ningún bien y temer mucho mal. Llegaron, -en esto, un hora casi de la noche, a un castillo, que bien conoció don -Quijote que era el del duque, donde había poco que habían estado. - -— ¡Váleme Dios! —dijo, así como conoció la estancia— y ¿qué será esto? Sí -que en esta casa todo es cortesía y buen comedimiento, pero para los -vencidos el bien se vuelve en mal y el mal en peor. - -Entraron al patio principal del castillo, y viéronle aderezado y puesto de -manera que les acrecentó la admiración y les dobló el miedo, como se verá -en el siguiente capítulo. - - - - -Capítulo LXIX. Del más raro y más nuevo suceso que en todo el discurso -desta grande historia avino a don Quijote - -Apeáronse los de a caballo, y, junto con los de a pie, tomando en peso y -arrebatadamente a Sancho y a don Quijote, los entraron en el patio, -alrededor del cual ardían casi cien hachas, puestas en sus blandones, y, -por los corredores del patio, más de quinientas luminarias; de modo que, a -pesar de la noche, que se mostraba algo escura, no se echaba de ver la -falta del día. En medio del patio se levantaba un túmulo como dos varas del -suelo, cubierto todo con un grandísimo dosel de terciopelo negro, alrededor -del cual, por sus gradas, ardían velas de cera blanca sobre más de cien -candeleros de plata; encima del cual túmulo se mostraba un cuerpo muerto de -una tan hermosa doncella, que hacía parecer con su hermosura hermosa a la -misma muerte. Tenía la cabeza sobre una almohada de brocado, coronada con -una guirnalda de diversas y odoríferas flores tejida, las manos cruzadas -sobre el pecho, y, entre ellas, un ramo de amarilla y vencedora palma. - -A un lado del patio estaba puesto un teatro, y en dos sillas sentados dos -personajes, que, por tener coronas en la cabeza y ceptros en las manos, -daban señales de ser algunos reyes, ya verdaderos o ya fingidos. Al lado -deste teatro, adonde se subía por algunas gradas, estaban otras dos sillas, -sobre las cuales los que trujeron los presos sentaron a don Quijote y a -Sancho, todo esto callando y dándoles a entender con señales a los dos que -asimismo callasen; pero, sin que se lo señalaran, callaron ellos, porque la -admiración de lo que estaban mirando les tenía atadas las lenguas. - -Subieron, en esto, al teatro, con mucho acompañamiento, dos principales -personajes, que luego fueron conocidos de don Quijote ser el duque y la -duquesa, sus huéspedes, los cuales se sentaron en dos riquísimas sillas, -junto a los dos que parecían reyes. ¿Quién no se había de admirar con esto, -añadiéndose a ello haber conocido don Quijote que el cuerpo muerto que -estaba sobre el túmulo era el de la hermosa Altisidora? - -Al subir el duque y la duquesa en el teatro, se levantaron don Quijote y -Sancho y les hicieron una profunda humillación, y los duques hicieron lo -mesmo, inclinando algún tanto las cabezas. - -Salió, en esto, de través un ministro, y, llegándose a Sancho, le echó una -ropa de bocací negro encima, toda pintada con llamas de fuego, y, -quitándole la caperuza, le puso en la cabeza una coroza, al modo de las que -sacan los penitenciados por el Santo Oficio; y díjole al oído que no -descosiese los labios, porque le echarían una mordaza, o le quitarían la -vida. Mirábase Sancho de arriba abajo, veíase ardiendo en llamas, pero como -no le quemaban, no las estimaba en dos ardites. Quitóse la coroza, viola -pintada de diablos, volviósela a poner, diciendo entre sí: - -— Aún bien, que ni ellas me abrasan ni ellos me llevan. - -Mirábale también don Quijote, y, aunque el temor le tenía suspensos los -sentidos, no dejó de reírse de ver la figura de Sancho. Comenzó, en esto, a -salir, al parecer, debajo del túmulo un son sumiso y agradable de flautas, -que, por no ser impedido de alguna humana voz, porque en aquel sitio el -mesmo silencio guardaba silencio a sí mismo, se mostraba blando y amoroso. -Luego hizo de sí improvisa muestra, junto a la almohada del, al parecer, -cadáver, un hermoso mancebo vestido a lo romano, que, al son de una arpa, -que él mismo tocaba, cantó con suavísima y clara voz estas dos estancias: - --En tanto que en sí vuelve Altisidora, -muerta por la crueldad de don Quijote, -y en tanto que en la corte encantadora -se vistieren las damas de picote, -y en tanto que a sus dueñas mi señora -vistiere de bayeta y de anascote, -cantaré su belleza y su desgracia, -con mejor plectro que el cantor de Tracia. -Y aun no se me figura que me toca -aqueste oficio solamente en vida; -mas, con la lengua muerta y fría en la boca, -pienso mover la voz a ti debida. -Libre mi alma de su estrecha roca, -por el estigio lago conducida, -celebrándote irá, y aquel sonido -hará parar las aguas del olvido. - -— No más —dijo a esta sazón uno de los dos que parecían reyes—: no más, -cantor divino; que sería proceder en infinito representarnos ahora la -muerte y las gracias de la sin par Altisidora, no muerta, como el mundo -ignorante piensa, sino viva en las lenguas de la Fama, y en la pena que -para volverla a la perdida luz ha de pasar Sancho Panza, que está presente; -y así, ¡oh tú, Radamanto, que conmigo juzgas en las cavernas lóbregas de -Lite!, pues sabes todo aquello que en los inescrutables hados está -determinado acerca de volver en sí esta doncella, dilo y decláralo luego, -porque no se nos dilate el bien que con su nueva vuelta esperamos. - -Apenas hubo dicho esto Minos, juez y compañero de Radamanto, cuando, -levantándose en pie Radamanto, dijo: - -— ¡Ea, ministros de esta casa, altos y bajos, grandes y chicos, acudid unos -tras otros y sellad el rostro de Sancho con veinte y cuatro mamonas, y doce -pellizcos y seis alfilerazos en brazos y lomos, que en esta ceremonia -consiste la salud de Altisidora! - -Oyendo lo cual Sancho Panza, rompió el silencio, y dijo: - -— ¡Voto a tal, así me deje yo sellar el rostro ni manosearme la cara como -volverme moro! ¡Cuerpo de mí! ¿Qué tiene que ver manosearme el rostro con -la resurreción desta doncella? Regostóse la vieja a los bledos. Encantan a -Dulcinea, y azótanme para que se desencante; muérese Altisidora de males -que Dios quiso darle, y hanla de resucitar hacerme a mí veinte y cuatro -mamonas, y acribarme el cuerpo a alfilerazos y acardenalarme los brazos a -pellizcos. ¡Esas burlas, a un cuñado, que yo soy perro viejo, y no hay -conmigo tus, tus! - -— ¡Morirás! —dijo en alta voz Radamanto—. Ablándate, tigre; humíllate, -Nembrot soberbio, y sufre y calla, pues no te piden imposibles. Y no te -metas en averiguar las dificultades deste negocio: mamonado has de ser, -acrebillado te has de ver, pellizcado has de gemir. ¡Ea, digo, ministros, -cumplid mi mandamiento; si no, por la fe de hombre de bien, que habéis de -ver para lo que nacistes! - -Parecieron, en esto, que por el patio venían, hasta seis dueñas en -procesión, una tras otra, las cuatro con antojos, y todas levantadas las -manos derechas en alto, con cuatro dedos de muñecas de fuera, para hacer -las manos más largas, como ahora se usa. No las hubo visto Sancho, cuando, -bramando como un toro, dijo: - -— Bien podré yo dejarme manosear de todo el mundo, pero consentir que me -toquen dueñas, ¡eso no! Gatéenme el rostro, como hicieron a mi amo en este -mesmo castillo; traspásenme el cuerpo con puntas de dagas buidas; -atenácenme los brazos con tenazas de fuego, que yo lo llevaré en paciencia, -o serviré a estos señores; pero que me toquen dueñas no lo consentiré, si -me llevase el diablo. - -Rompió también el silencio don Quijote, diciendo a Sancho: - -— Ten paciencia, hijo, y da gusto a estos señores, y muchas gracias al cielo -por haber puesto tal virtud en tu persona, que con el martirio della -desencantes los encantados y resucites los muertos. - -Ya estaban las dueñas cerca de Sancho, cuando él, más blando y más -persuadido, poniéndose bien en la silla, dio rostro y barba a la primera, -la cual la hizo una mamona muy bien sellada, y luego una gran reverencia. - -— ¡Menos cortesía; menos mudas, señora dueña —dijo Sancho—; que por Dios que -traéis las manos oliendo a vinagrillo! - -Finalmente, todas las dueñas le sellaron, y otra mucha gente de casa le -pellizcaron; pero lo que él no pudo sufrir fue el punzamiento de los -alfileres; y así, se levantó de la silla, al parecer mohíno, y, asiendo de -una hacha encendida que junto a él estaba, dio tras las dueñas, y tras -todos su verdugos, diciendo: - -— ¡Afuera, ministros infernales, que no soy yo de bronce, para no sentir tan -extraordinarios martirios! - -En esto, Altisidora, que debía de estar cansada por haber estado tanto -tiempo supina, se volvió de un lado; visto lo cual por los circunstantes, -casi todos a una voz dijeron: - -— ¡Viva es Altisidora! ¡Altisidora vive! - -Mandó Radamanto a Sancho que depusiese la ira, pues ya se había alcanzado -el intento que se procuraba. - -Así como don Quijote vio rebullir a Altisidora, se fue a poner de rodillas -delante de Sancho, diciéndole: - -— Agora es tiempo, hijo de mis entrañas, no que escudero mío, que te des -algunos de los azotes que estás obligado a dar por el desencanto de -Dulcinea. Ahora, digo, que es el tiempo donde tienes sazonada la virtud, y -con eficacia de obrar el bien que de ti se espera. - -A lo que respondió Sancho: - -— Esto me parece argado sobre argado, y no miel sobre hojuelas. Bueno sería -que tras pellizcos, mamonas y alfilerazos viniesen ahora los azotes. No -tienen más que hacer sino tomar una gran piedra, y atármela al cuello, y -dar conmigo en un pozo, de lo que a mí no pesaría mucho, si es que para -curar los males ajenos tengo yo de ser la vaca de la boda. Déjenme; si no, -por Dios que lo arroje y lo eche todo a trece, aunque no se venda. - -Ya en esto, se había sentado en el túmulo Altisidora, y al mismo instante -sonaron las chirimías, a quien acompañaron las flautas y las voces de -todos, que aclamaban: - -— ¡Viva Altisidora! ¡Altisidora viva! - -Levantáronse los duques y los reyes Minos y Radamanto, y todos juntos, con -don Quijote y Sancho, fueron a recebir a Altisidora y a bajarla del túmulo; -la cual, haciendo de la desmayada, se inclinó a los duques y a los reyes, -y, mirando de través a don Quijote, le dijo: - -— Dios te lo perdone, desamorado caballero, pues por tu crueldad he estado -en el otro mundo, a mi parecer, más de mil años; y a ti, ¡oh el más -compasivo escudero que contiene el orbe!, te agradezco la vida que poseo. -Dispón desde hoy más, amigo Sancho, de seis camisas mías que te mando para -que hagas otras seis para ti; y, si no son todas sanas, a lo menos son -todas limpias. - -Besóle por ello las manos Sancho, con la coroza en la mano y las rodillas -en el suelo. Mandó el duque que se la quitasen, y le volviesen su caperuza, -y le pusiesen el sayo, y le quitasen la ropa de las llamas. Suplicó Sancho -al duque que le dejasen la ropa y mitra, que las quería llevar a su tierra, -por señal y memoria de aquel nunca visto suceso. La duquesa respondió que -sí dejarían, que ya sabía él cuán grande amiga suya era. Mandó el duque -despejar el patio, y que todos se recogiesen a sus estancias, y que a don -Quijote y a Sancho los llevasen a las que ellos ya se sabían. - - - - -Capítulo LXX. Que sigue al de sesenta y nueve, y trata de cosas no -escusadas para la claridad desta historia - -Durmió Sancho aquella noche en una carriola, en el mesmo aposento de don -Quijote, cosa que él quisiera escusarla, si pudiera, porque bien sabía que -su amo no le había de dejar dormir a preguntas y a respuestas, y no se -hallaba en disposición de hablar mucho, porque los dolores de los martirios -pasados los tenía presentes, y no le dejaban libre la lengua, y viniérale -más a cuento dormir en una choza solo, que no en aquella rica estancia -acompañado. Salióle su temor tan verdadero y su sospecha tan cierta, que, -apenas hubo entrado su señor en el lecho, cuando dijo: - -— ¿Qué te parece, Sancho, del suceso desta noche? Grande y poderosa es la -fuerza del desdén desamorado, como por tus mismos ojos has visto muerta a -Altisidora, no con otras saetas, ni con otra espada, ni con otro -instrumento bélico, ni con venenos mortíferos, sino con la consideración -del rigor y el desdén con que yo siempre la he tratado. - -— Muriérase ella en hora buena cuanto quisiera y como quisiera —respondió -Sancho—, y dejárame a mí en mi casa, pues ni yo la enamoré ni la desdeñé en -mi vida. Yo no sé ni puedo pensar cómo sea que la salud de Altisidora, -doncella más antojadiza que discreta, tenga que ver, como otra vez he -dicho, con los martirios de Sancho Panza. Agora sí que vengo a conocer -clara y distintamente que hay encantadores y encantos en el mundo, de quien -Dios me libre, pues yo no me sé librar; con todo esto, suplico a vuestra -merced me deje dormir y no me pregunte más, si no quiere que me arroje por -una ventana abajo. - -— Duerme, Sancho amigo —respondió don Quijote—, si es que te dan lugar los -alfilerazos y pellizcos recebidos, y las mamonas hechas. - -— Ningún dolor —replicó Sancho— llegó a la afrenta de las mamonas, no por -otra cosa que por habérmelas hecho dueña, que confundidas sean; y torno a -suplicar a vuesa merced me deje dormir, porque el sueño es alivio de las -miserias de los que las tienen despiertas. - -Sea así —dijo don Quijote—, y Dios te acompañe. - -Durmiéronse los dos, y en este tiempo quiso escribir y dar cuenta Cide -Hamete, autor desta grande historia, qué les movió a los duques a levantar -el edificio de la máquina referida. Y dice que, no habiéndosele olvidado al -bachiller Sansón Carrasco cuando el Caballero de los Espejos fue vencido y -derribado por don Quijote, cuyo vencimiento y caída borró y deshizo todos -sus designios, quiso volver a probar la mano, esperando mejor suceso que el -pasado; y así, informándose del paje que llevó la carta y presente a Teresa -Panza, mujer de Sancho, adónde don Quijote quedaba, buscó nuevas armas y -caballo, y puso en el escudo la blanca luna, llevándolo todo sobre un -macho, a quien guiaba un labrador, y no Tomé Cecial, su antiguo escudero, -porque no fuese conocido de Sancho ni de don Quijote. - -Llegó, pues, al castillo del duque, que le informó el camino y derrota que -don Quijote llevaba, con intento de hallarse en las justas de Zaragoza. -Díjole asimismo las burlas que le había hecho con la traza del desencanto -de Dulcinea, que había de ser a costa de las posaderas de Sancho. En fin, -dio cuenta de la burla que Sancho había hecho a su amo, dándole a entender -que Dulcinea estaba encantada y transformada en labradora, y cómo la -duquesa su mujer había dado a entender a Sancho que él era el que se -engañaba, porque verdaderamente estaba encantada Dulcinea; de que no poco -se rió y admiró el bachiller, considerando la agudeza y simplicidad de -Sancho, como del estremo de la locura de don Quijote. - -Pidióle el duque que si le hallase, y le venciese o no, se volviese por -allí a darle cuenta del suceso. Hízolo así el bachiller; partióse en su -busca, no le halló en Zaragoza, pasó adelante y sucedióle lo que queda -referido. - -Volvióse por el castillo del duque y contóselo todo, con las condiciones de -la batalla, y que ya don Quijote volvía a cumplir, como buen caballero -andante, la palabra de retirarse un año en su aldea, en el cual tiempo -podía ser, dijo el bachiller, que sanase de su locura; que ésta era la -intención que le había movido a hacer aquellas transformaciones, por ser -cosa de lástima que un hidalgo tan bien entendido como don Quijote fuese -loco. Con esto, se despidió del duque, y se volvió a su lugar, esperando en -él a don Quijote, que tras él venía. - -De aquí tomó ocasión el duque de hacerle aquella burla: tanto era lo que -gustaba de las cosas de Sancho y de don Quijote; y haciendo tomar los -caminos cerca y lejos del castillo por todas las partes que imaginó que -podría volver don Quijote, con muchos criados suyos de a pie y de a -caballo, para que por fuerza o de grado le trujesen al castillo, si le -hallasen. Halláronle, dieron aviso al duque, el cual, ya prevenido de todo -lo que había de hacer, así como tuvo noticia de su llegada, mandó encender -las hachas y las luminarias del patio y poner a Altisidora sobre el túmulo, -con todos los aparatos que se han contado, tan al vivo, y tan bien hechos, -que de la verdad a ellos había bien poca diferencia. - -Y dice más Cide Hamete: que tiene para sí ser tan locos los burladores como -los burlados, y que no estaban los duques dos dedos de parecer tontos, pues -tanto ahínco ponían en burlarse de dos tontos. - -Los cuales, el uno durmiendo a sueño suelto, y el otro velando a -pensamientos desatados, les tomó el día y la gana de levantarse; que las -ociosas plumas, ni vencido ni vencedor, jamás dieron gusto a don Quijote. - -Altisidora —en la opinión de don Quijote, vuelta de muerte a vida—, -siguiendo el humor de sus señores, coronada con la misma guirnalda que en -el túmulo tenía, y vestida una tunicela de tafetán blanco, sembrada de -flores de oro, y sueltos los cabellos por las espaldas, arrimada a un -báculo de negro y finísimo ébano, entró en el aposento de don Quijote, con -cuya presencia turbado y confuso, se encogió y cubrió casi todo con las -sábanas y colchas de la cama, muda la lengua, sin que acertase a hacerle -cortesía ninguna. Sentóse Altisidora en una silla, junto a su cabecera, y, -después de haber dado un gran suspiro, con voz tierna y debilitada le dijo: - -— Cuando las mujeres principales y las recatadas doncellas atropellan por la -honra, y dan licencia a la lengua que rompa por todo inconveniente, dando -noticia en público de los secretos que su corazón encierra, en estrecho -término se hallan. Yo, señor don Quijote de la Mancha, soy una déstas, -apretada, vencida y enamorada; pero, con todo esto, sufrida y honesta; -tanto que, por serlo tanto, reventó mi alma por mi silencio y perdí la -vida. Dos días ha que con la consideración del rigor con que me has -tratado, - -¡Oh más duro que mármol a mis quejas, - -empedernido caballero!, he estado muerta, o, a lo menos, juzgada por tal de -los que me han visto; y si no fuera porque el Amor, condoliéndose de mí, -depositó mi remedio en los martirios deste buen escudero, allá me quedara -en el otro mundo. - -— Bien pudiera el Amor —dijo Sancho— depositarlos en los de mi asno, que yo -se lo agradeciera. Pero dígame, señora, así el cielo la acomode con otro -más blando amante que mi amo: ¿qué es lo que vio en el otro mundo? ¿Qué hay -en el infierno? Porque quien muere desesperado, por fuerza ha de tener -aquel paradero. - -— La verdad que os diga —respondió Altisidora—, yo no debí de morir del -todo, pues no entré en el infierno; que, si allá entrara, una por una no -pudiera salir dél, aunque quisiera. La verdad es que llegué a la puerta, -adonde estaban jugando hasta una docena de diablos a la pelota, todos en -calzas y en jubón, con valonas guarnecidas con puntas de randas flamencas, -y con unas vueltas de lo mismo, que les servían de puños, con cuatro dedos -de brazo de fuera, porque pareciesen las manos más largas, en las cuales -tenían unas palas de fuego; y lo que más me admiró fue que les servían, en -lugar de pelotas, libros, al parecer, llenos de viento y de borra, cosa -maravillosa y nueva; pero esto no me admiró tanto como el ver que, siendo -natural de los jugadores el alegrarse los gananciosos y entristecerse los -que pierden, allí en aquel juego todos gruñían, todos regañaban y todos se -maldecían. - -— Eso no es maravilla —respondió Sancho—, porque los diablos, jueguen o no -jueguen, nunca pueden estar contentos, ganen o no ganen. - -— Así debe de ser —respondió Altisidora—; mas hay otra cosa que también me -admira, quiero decir me admiró entonces, y fue que al primer voleo no -quedaba pelota en pie, ni de provecho para servir otra vez; y así, -menudeaban libros nuevos y viejos, que era una maravilla. A uno dellos, -nuevo, flamante y bien encuadernado, le dieron un papirotazo que le sacaron -las tripas y le esparcieron las hojas. Dijo un diablo a otro: ''Mirad qué -libro es ése''. Y el diablo le respondió: ''Ésta es la Segunda parte de la -historia de don Quijote de la Mancha, no compuesta por Cide Hamete, su -primer autor, sino por un aragonés, que él dice ser natural de -Tordesillas''. ''Quitádmele de ahí —respondió el otro diablo—, y metedle en -los abismos del infierno: no le vean más mis ojos''. ''¿Tan malo es?'', -respondió el otro. ''Tan malo —replicó el primero—, que si de propósito yo -mismo me pusiera a hacerle peor, no acertara''. Prosiguieron su juego, -peloteando otros libros, y yo, por haber oído nombrar a don Quijote, a -quien tanto adamo y quiero, procuré que se me quedase en la memoria esta -visión. - -— Visión debió de ser, sin duda —dijo don Quijote—, porque no hay otro yo en -el mundo, y ya esa historia anda por acá de mano en mano, pero no para en -ninguna, porque todos la dan del pie. Yo no me he alterado en oír que ando -como cuerpo fantástico por las tinieblas del abismo, ni por la claridad de -la tierra, porque no soy aquel de quien esa historia trata. Si ella fuere -buena, fiel y verdadera, tendrá siglos de vida; pero si fuere mala, de su -parto a la sepultura no será muy largo el camino. - -Iba Altisidora a proseguir en quejarse de don Quijote, cuando le dijo don -Quijote: - -— Muchas veces os he dicho, señora, que a mí me pesa de que hayáis colocado -en mí vuestros pensamientos, pues de los míos antes pueden ser agradecidos -que remediados; yo nací para ser de Dulcinea del Toboso, y los hados, si -los hubiera, me dedicaron para ella; y pensar que otra alguna hermosura ha -de ocupar el lugar que en mi alma tiene es pensar lo imposible. Suficiente -desengaño es éste para que os retiréis en los límites de vuestra -honestidad, pues nadie se puede obligar a lo imposible. - -Oyendo lo cual Altisidora, mostrando enojarse y alterarse, le dijo: - -— ¡Vive el Señor, don bacallao, alma de almirez, cuesco de dátil, más terco -y duro que villano rogado cuando tiene la suya sobre el hito, que si -arremeto a vos, que os tengo de sacar los ojos! ¿Pensáis por ventura, don -vencido y don molido a palos, que yo me he muerto por vos? Todo lo que -habéis visto esta noche ha sido fingido; que no soy yo mujer que por -semejantes camellos había de dejar que me doliese un negro de la uña, -cuanto más morirme. - -— Eso creo yo muy bien —dijo Sancho—, que esto del morirse los enamorados es -cosa de risa: bien lo pueden ellos decir, pero hacer, créalo Judas. - -Estando en estas pláticas, entró el músico, cantor y poeta que había -cantado las dos ya referidas estancias, el cual, haciendo una gran -reverencia a don Quijote, dijo: - -— Vuestra merced, señor caballero, me cuente y tenga en el número de sus -mayores servidores, porque ha muchos días que le soy muy aficionado, así -por su fama como por sus hazañas. - -Don Quijote le respondió: - -— Vuestra merced me diga quién es, porque mi cortesía responda a sus -merecimientos. - -El mozo respondió que era el músico y panegírico de la noche antes. - -— Por cierto —replicó don Quijote—, que vuestra merced tiene estremada voz, -pero lo que cantó no me parece que fue muy a propósito; porque, ¿qué tienen -que ver las estancias de Garcilaso con la muerte desta señora? - -— No se maraville vuestra merced deso —respondió el músico—, que ya entre -los intonsos poetas de nuestra edad se usa que cada uno escriba como -quisiere, y hurte de quien quisiere, venga o no venga a pelo de su intento, -y ya no hay necedad que canten o escriban que no se atribuya a licencia -poética. - -Responder quisiera don Quijote, pero estorbáronlo el duque y la duquesa, -que entraron a verle, entre los cuales pasaron una larga y dulce plática, -en la cual dijo Sancho tantos donaires y tantas malicias, que dejaron de -nuevo admirados a los duques, así con su simplicidad como con su agudeza. -Don Quijote les suplicó le diesen licencia para partirse aquel mismo día, -pues a los vencidos caballeros, como él, más les convenía habitar una -zahúrda que no reales palacios. Diéronsela de muy buena gana, y la duquesa -le preguntó si quedaba en su gracia Altisidora. Él le respondió: - -— Señora mía, sepa Vuestra Señoría que todo el mal desta doncella nace de -ociosidad, cuyo remedio es la ocupación honesta y continua. Ella me ha -dicho aquí que se usan randas en el infierno; y, pues ella las debe de -saber hacer, no las deje de la mano, que, ocupada en menear los palillos, -no se menearán en su imaginación la imagen o imágines de lo que bien -quiere; y ésta es la verdad, éste mi parecer y éste es mi consejo. - -— Y el mío —añadió Sancho—, pues no he visto en toda mi vida randera que por -amor se haya muerto; que las doncellas ocupadas más ponen sus pensamientos -en acabar sus tareas que en pensar en sus amores. Por mí lo digo, pues, -mientras estoy cavando, no me acuerdo de mi oíslo; digo, de mi Teresa -Panza, a quien quiero más que a las pestañas de mis ojos. - -— Vos decís muy bien, Sancho —dijo la duquesa—, y yo haré que mi Altisidora -se ocupe de aquí adelante en hacer alguna labor blanca, que la sabe hacer -por estremo. - -— No hay para qué, señora —respondió Altisidora—, usar dese remedio, pues la -consideración de las crueldades que conmigo ha usado este malandrín -mostrenco me le borrarán de la memoria sin otro artificio alguno. Y, con -licencia de vuestra grandeza, me quiero quitar de aquí, por no ver delante -de mis ojos ya no su triste figura, sino su fea y abominable catadura. - -— Eso me parece —dijo el duque— a lo que suele decirse: - -Porque aquel que dice injurias, -cerca está de perdonar. - -Hizo Altisidora muestra de limpiarse las lágrimas con un pañuelo, y, -haciendo reverencia a sus señores, se salió del aposento. - -— Mándote yo —dijo Sancho—, pobre doncella, mándote, digo, mala ventura, -pues las has habido con una alma de esparto y con un corazón de encina. ¡A -fee que si las hubieras conmigo, que otro gallo te cantara! - -Acabóse la plática, vistióse don Quijote, comió con los duques, y partióse -aquella tarde. - - - - -Capítulo LXXI. De lo que a don Quijote le sucedió con su escudero Sancho -yendo a su aldea - -Iba el vencido y asendereado don Quijote pensativo además por una parte, -y muy alegre por otra. Causaba su tristeza el vencimiento; y la alegría, el -considerar en la virtud de Sancho, como lo había mostrado en la resurreción -de Altisidora, aunque con algún escrúpulo se persuadía a que la enamorada -doncella fuese muerta de veras. No iba nada Sancho alegre, porque le -entristecía ver que Altisidora no le había cumplido la palabra de darle las -camisas; y, yendo y viniendo en esto, dijo a su amo: - -— En verdad, señor, que soy el más desgraciado médico que se debe de hallar -en el mundo, en el cual hay físicos que, con matar al enfermo que curan, -quieren ser pagados de su trabajo, que no es otro sino firmar una cedulilla -de algunas medicinas, que no las hace él, sino el boticario, y cátalo -cantusado; y a mí, que la salud ajena me cuesta gotas de sangre, mamonas, -pellizcos, alfilerazos y azotes, no me dan un ardite. Pues yo les voto a -tal que si me traen a las manos otro algún enfermo, que, antes que le cure, -me han de untar las mías; que el abad de donde canta yanta, y no quiero -creer que me haya dado el cielo la virtud que tengo para que yo la -comunique con otros de bóbilis, bóbilis. - -— Tú tienes razón, Sancho amigo —respondió don Quijote—, y halo hecho muy -mal Altisidora en no haberte dado las prometidas camisas; y, puesto que tu -virtud es gratis data, que no te ha costado estudio alguno, más que estudio -es recebir martirios en tu persona. De mí te sé decir que si quisieras paga -por los azotes del desencanto de Dulcinea, ya te la hubiera dado tal como -buena; pero no sé si vendrá bien con la cura la paga, y no querría que -impidiese el premio a la medicina. Con todo eso, me parece que no se -perderá nada en probarlo: mira, Sancho, el que quieres, y azótate luego, y -págate de contado y de tu propia mano, pues tienes dineros míos. - -A cuyos ofrecimientos abrió Sancho los ojos y las orejas de un palmo, y dio -consentimiento en su corazón a azotarse de buena gana; y dijo a su amo: - -— Agora bien, señor, yo quiero disponerme a dar gusto a vuestra merced en lo -que desea, con provecho mío; que el amor de mis hijos y de mi mujer me hace -que me muestre interesado. Dígame vuestra merced: ¿cuánto me dará por cada -azote que me diere? - -— Si yo te hubiera de pagar, Sancho —respondió don Quijote—, conforme lo que -merece la grandeza y calidad deste remedio, el tesoro de Venecia, las minas -del Potosí fueran poco para pagarte; toma tú el tiento a lo que llevas mío, -y pon el precio a cada azote. - -— Ellos —respondió Sancho— son tres mil y trecientos y tantos; de ellos me -he dado hasta cinco: quedan los demás; entren entre los tantos estos cinco, -y vengamos a los tres mil y trecientos, que a cuartillo cada uno, que no -llevaré menos si todo el mundo me lo mandase, montan tres mil y trecientos -cuartillos, que son los tres mil, mil y quinientos medios reales, que hacen -setecientos y cincuenta reales; y los trecientos hacen ciento y cincuenta -medios reales, que vienen a hacer setenta y cinco reales, que, juntándose a -los setecientos y cincuenta, son por todos ochocientos y veinte y cinco -reales. Éstos desfalcaré yo de los que tengo de vuestra merced, y entraré -en mi casa rico y contento, aunque bien azotado; porque no se toman -truchas..., y no digo más. - -— ¡Oh Sancho bendito! ¡Oh Sancho amable —respondió don Quijote—, y cuán -obligados hemos de quedar Dulcinea y yo a servirte todos los días que el -cielo nos diere de vida! Si ella vuelve al ser perdido, que no es posible -sino que vuelva, su desdicha habrá sido dicha, y mi vencimiento, felicísimo -triunfo. Y mira, Sancho, cuándo quieres comenzar la diciplina, que porque -la abrevies te añado cien reales. - -— ¿Cuándo? —replicó Sancho—. Esta noche, sin falta. Procure vuestra merced -que la tengamos en el campo, al cielo abierto, que yo me abriré mis carnes. - -Llegó la noche, esperada de don Quijote con la mayor ansia del mundo, -pareciéndole que las ruedas del carro de Apolo se habían quebrado, y que el -día se alargaba más de lo acostumbrado, bien así como acontece a los -enamorados, que jamás ajustan la cuenta de sus deseos. Finalmente, se -entraron entre unos amenos árboles que poco desviados del camino estaban, -donde, dejando vacías la silla y albarda de Rocinante y el rucio, se -tendieron sobre la verde yerba y cenaron del repuesto de Sancho; el cual, -haciendo del cabestro y de la jáquima del rucio un poderoso y flexible -azote, se retiró hasta veinte pasos de su amo, entre unas hayas. Don -Quijote, que le vio ir con denuedo y con brío, le dijo: - -— Mira, amigo, que no te hagas pedazos; da lugar que unos azotes aguarden a -otros; no quieras apresurarte tanto en la carrera, que en la mitad della te -falte el aliento; quiero decir que no te des tan recio que te falte la vida -antes de llegar al número deseado. Y, porque no pierdas por carta de más ni -de menos, yo estaré desde aparte contando por este mi rosario los azotes -que te dieres. Favorézcate el cielo conforme tu buena intención merece. - -— Al buen pagador no le duelen prendas —respondió Sancho—: yo pienso darme -de manera que, sin matarme, me duela; que en esto debe de consistir la -sustancia deste milagro. - -Desnudóse luego de medio cuerpo arriba, y, arrebatando el cordel, comenzó a -darse, y comenzó don Quijote a contar los azotes. - -Hasta seis o ocho se habría dado Sancho, cuando le pareció ser pesada la -burla y muy barato el precio della, y, deteniéndose un poco, dijo a su amo -que se llamaba a engaño, porque merecía cada azote de aquéllos ser pagado a -medio real, no que a cuartillo. - -— Prosigue, Sancho amigo, y no desmayes —le dijo don Quijote—, que yo doblo -la parada del precio. - -— Dese modo —dijo Sancho—, ¡a la mano de Dios, y lluevan azotes! - -Pero el socarrón dejó de dárselos en las espaldas, y daba en los árboles, -con unos suspiros de cuando en cuando, que parecía que con cada uno dellos -se le arrancaba el alma. Tierna la de don Quijote, temeroso de que no se le -acabase la vida, y no consiguiese su deseo por la imprudencia de Sancho, le -dijo: - -— Por tu vida, amigo, que se quede en este punto este negocio, que me parece -muy áspera esta medicina, y será bien dar tiempo al tiempo; que no se ganó -Zamora en un hora. Más de mil azotes, si yo no he contado mal, te has dado: -bastan por agora; que el asno, hablando a lo grosero, sufre la carga, mas -no la sobrecarga. - -— No, no, señor —respondió Sancho—, no se ha de decir por mí: "a dineros -pagados, brazos quebrados". Apártese vuestra merced otro poco y déjeme dar -otros mil azotes siquiera, que a dos levadas déstas habremos cumplido con -esta partida, y aún nos sobrará ropa. - -— Pues tú te hallas con tan buena disposición —dijo don Quijote—, el cielo -te ayude, y pégate, que yo me aparto. - -Volvió Sancho a su tarea con tanto denuedo, que ya había quitado las -cortezas a muchos árboles: tal era la riguridad con que se azotaba; y, -alzando una vez la voz, y dando un desaforado azote en una haya, dijo: - -— ¡Aquí morirás, Sansón, y cuantos con él son! - -Acudió don Quijote luego al son de la lastimada voz y del golpe del -riguroso azote, y, asiendo del torcido cabestro que le servía de corbacho a -Sancho, le dijo: - -— No permita la suerte, Sancho amigo, que por el gusto mío pierdas tú la -vida, que ha de servir para sustentar a tu mujer y a tus hijos: espere -Dulcinea mejor coyuntura, que yo me contendré en los límites de la -esperanza propincua, y esperaré que cobres fuerzas nuevas, para que se -concluya este negocio a gusto de todos. - -— Pues vuestra merced, señor mío, lo quiere así —respondió Sancho—, sea en -buena hora, y écheme su ferreruelo sobre estas espaldas, que estoy sudando -y no querría resfriarme; que los nuevos diciplinantes corren este peligro. - -Hízolo así don Quijote, y, quedándose en pelota, abrigó a Sancho, el cual -se durmió hasta que le despertó el sol, y luego volvieron a proseguir su -camino, a quien dieron fin, por entonces, en un lugar que tres leguas de -allí estaba. Apeáronse en un mesón, que por tal le reconoció don Quijote, y -no por castillo de cava honda, torres, rastrillos y puente levadiza; que, -después que le vencieron, con más juicio en todas las cosas discurría, como -agora se dirá. Alojáronle en una sala baja, a quien servían de guadameciles -unas sargas viejas pintadas, como se usan en las aldeas. En una dellas -estaba pintada de malísima mano el robo de Elena, cuando el atrevido -huésped se la llevó a Menalao, y en otra estaba la historia de Dido y de -Eneas, ella sobre una alta torre, como que hacía señas con una media sábana -al fugitivo huésped, que por el mar, sobre una fragata o bergantín, se iba -huyendo. - -Notó en las dos historias que Elena no iba de muy mala gana, porque se reía -a socapa y a lo socarrón; pero la hermosa Dido mostraba verter lágrimas del -tamaño de nueces por los ojos. Viendo lo cual don Quijote, dijo: - -— Estas dos señoras fueron desdichadísimas, por no haber nacido en esta -edad, y yo sobre todos desdichado en no haber nacido en la suya: encontrara -a aquestos señores, ni fuera abrasada Troya, ni Cartago destruida, pues con -sólo que yo matara a Paris se escusaran tantas desgracias. - -— Yo apostaré —dijo Sancho— que antes de mucho tiempo no ha de haber -bodegón, venta ni mesón, o tienda de barbero, donde no ande pintada la -historia de nuestras hazañas. Pero querría yo que la pintasen manos de otro -mejor pintor que el que ha pintado a éstas. - -— Tienes razón, Sancho —dijo don Quijote—, porque este pintor es como -Orbaneja, un pintor que estaba en Úbeda; que, cuando le preguntaban qué -pintaba, respondía: ''Lo que saliere''; y si por ventura pintaba un gallo, -escribía debajo: "Éste es gallo", porque no pensasen que era zorra. Desta -manera me parece a mí, Sancho, que debe de ser el pintor o escritor, que -todo es uno, que sacó a luz la historia deste nuevo don Quijote que ha -salido: que pintó o escribió lo que saliere; o habrá sido como un poeta que -andaba los años pasados en la corte, llamado Mauleón, el cual respondía de -repente a cuanto le preguntaban; y, preguntándole uno que qué quería decir -Deum de Deo, respondió: ''Dé donde diere''. Pero, dejando esto aparte, dime -si piensas, Sancho, darte otra tanda esta noche, y si quieres que sea -debajo de techado, o al cielo abierto. - -— Pardiez, señor —respondió Sancho—, que para lo que yo pienso darme, eso se -me da en casa que en el campo; pero, con todo eso, querría que fuese entre -árboles, que parece que me acompañan y me ayudan a llevar mi trabajo -maravillosamente. - -— Pues no ha de ser así, Sancho amigo —respondió don Quijote—, sino que para -que tomes fuerzas, lo hemos de guardar para nuestra aldea, que, a lo más -tarde, llegaremos allá después de mañana. - -Sancho respondió que hiciese su gusto, pero que él quisiera concluir con -brevedad aquel negocio a sangre caliente y cuando estaba picado el molino, -porque en la tardanza suele estar muchas veces el peligro; y a Dios rogando -y con el mazo dando, y que más valía un "toma" que dos "te daré", y el -pájaro en la mano que el buitre volando. - -— No más refranes, Sancho, por un solo Dios —dijo don Quijote—, que parece -que te vuelves al sicut erat; habla a lo llano, a lo liso, a lo no -intricado, como muchas veces te he dicho, y verás como te vale un pan por -ciento. - -— No sé qué mala ventura es esta mía —respondió Sancho—, que no sé decir -razón sin refrán, ni refrán que no me parezca razón; pero yo me enmendaré, -si pudiere. - -Y, con esto, cesó por entonces su plática. - - - - -Capítulo LXXII. De cómo don Quijote y Sancho llegaron a su aldea - -Todo aquel día, esperando la noche, estuvieron en aquel lugar y mesón don -Quijote y Sancho: el uno, para acabar en la campaña rasa la tanda de su -diciplina, y el otro, para ver el fin della, en el cual consistía el de su -deseo. Llegó en esto al mesón un caminante a caballo, con tres o cuatro -criados, uno de los cuales dijo al que el señor dellos parecía: - -— Aquí puede vuestra merced, señor don Álvaro Tarfe, pasar hoy la siesta: la -posada parece limpia y fresca. - -Oyendo esto don Quijote, le dijo a Sancho: - -— Mira, Sancho: cuando yo hojeé aquel libro de la segunda parte de mi -historia, me parece que de pasada topé allí este nombre de don Álvaro -Tarfe. - -— Bien podrá ser —respondió Sancho—. Dejémosle apear, que después se lo -preguntaremos. - -El caballero se apeó, y, frontero del aposento de don Quijote, la huéspeda -le dio una sala baja, enjaezada con otras pintadas sargas, como las que -tenía la estancia de don Quijote. Púsose el recién venido caballero a lo de -verano, y, saliéndose al portal del mesón, que era espacioso y fresco, por -el cual se paseaba don Quijote, le preguntó: - -— ¿Adónde bueno camina vuestra merced, señor gentilhombre? - -Y don Quijote le respondió: - -— A una aldea que está aquí cerca, de donde soy natural. Y vuestra merced, -¿dónde camina? - -— Yo, señor —respondió el caballero—, voy a Granada, que es mi patria. - -— ¡Y buena patria! —replicó don Quijote—. Pero, dígame vuestra merced, por -cortesía, su nombre, porque me parece que me ha de importar saberlo más de -lo que buenamente podré decir. - -— Mi nombre es don Álvaro Tarfe —respondió el huésped. - -A lo que replicó don Quijote: - -— Sin duda alguna pienso que vuestra merced debe de ser aquel don Álvaro -Tarfe que anda impreso en la Segunda parte de la historia de don Quijote de -la Mancha, recién impresa y dada a la luz del mundo por un autor moderno. - -— El mismo soy —respondió el caballero—, y el tal don Quijote, sujeto -principal de la tal historia, fue grandísimo amigo mío, y yo fui el que le -sacó de su tierra, o, a lo menos, le moví a que viniese a unas justas que -se hacían en Zaragoza, adonde yo iba; y, en verdad en verdad que le hice -muchas amistades, y que le quité de que no le palmease las espaldas el -verdugo, por ser demasiadamente atrevido. - -— Y, dígame vuestra merced, señor don Álvaro, ¿parezco yo en algo a ese tal -don Quijote que vuestra merced dice? - -— No, por cierto —respondió el huésped—: en ninguna manera. - -— Y ese don Quijote —dijo el nuestro—, ¿traía consigo a un escudero llamado -Sancho Panza? - -— Sí traía —respondió don Álvaro—; y, aunque tenía fama de muy gracioso, -nunca le oí decir gracia que la tuviese. - -— Eso creo yo muy bien —dijo a esta sazón Sancho—, porque el decir gracias -no es para todos, y ese Sancho que vuestra merced dice, señor gentilhombre, -debe de ser algún grandísimo bellaco, frión y ladrón juntamente, que el -verdadero Sancho Panza soy yo, que tengo más gracias que llovidas; y si no, -haga vuestra merced la experiencia, y ándese tras de mí, por los menos un -año, y verá que se me caen a cada paso, y tales y tantas que, sin saber yo -las más veces lo que me digo, hago reír a cuantos me escuchan; y el -verdadero don Quijote de la Mancha, el famoso, el valiente y el discreto, -el enamorado, el desfacedor de agravios, el tutor de pupilos y huérfanos, -el amparo de las viudas, el matador de las doncellas, el que tiene por -única señora a la sin par Dulcinea del Toboso, es este señor que está -presente, que es mi amo; todo cualquier otro don Quijote y cualquier otro -Sancho Panza es burlería y cosa de sueño. - -— ¡Por Dios que lo creo! —respondió don Álvaro—, porque más gracias habéis -dicho vos, amigo, en cuatro razones que habéis hablado, que el otro Sancho -Panza en cuantas yo le oí hablar, que fueron muchas. Más tenía de comilón -que de bien hablado, y más de tonto que de gracioso, y tengo por sin duda -que los encantadores que persiguen a don Quijote el bueno han querido -perseguirme a mí con don Quijote el malo. Pero no sé qué me diga; que osaré -yo jurar que le dejo metido en la casa del Nuncio, en Toledo, para que le -curen, y agora remanece aquí otro don Quijote, aunque bien diferente del -mío. - -— Yo —dijo don Quijote— no sé si soy bueno, pero sé decir que no soy el -malo; para prueba de lo cual quiero que sepa vuesa merced, mi señor don -Álvaro Tarfe, que en todos los días de mi vida no he estado en Zaragoza; -antes, por haberme dicho que ese don Quijote fantástico se había hallado en -las justas desa ciudad, no quise yo entrar en ella, por sacar a las barbas -del mundo su mentira; y así, me pasé de claro a Barcelona, archivo de la -cortesía, albergue de los estranjeros, hospital de los pobres, patria de -los valientes, venganza de los ofendidos y correspondencia grata de firmes -amistades, y, en sitio y en belleza, única. Y, aunque los sucesos que en -ella me han sucedido no son de mucho gusto, sino de mucha pesadumbre, los -llevo sin ella, sólo por haberla visto. Finalmente, señor don Álvaro Tarfe, -yo soy don Quijote de la Mancha, el mismo que dice la fama, y no ese -desventurado que ha querido usurpar mi nombre y honrarse con mis -pensamientos. A vuestra merced suplico, por lo que debe a ser caballero, -sea servido de hacer una declaración ante el alcalde deste lugar, de que -vuestra merced no me ha visto en todos los días de su vida hasta agora, y -de que yo no soy el don Quijote impreso en la segunda parte, ni este Sancho -Panza mi escudero es aquél que vuestra merced conoció. - -— Eso haré yo de muy buena gana —respondió don Álvaro—, puesto que cause -admiración ver dos don Quijotes y dos Sanchos a un mismo tiempo, tan -conformes en los nombres como diferentes en las acciones; y vuelvo a decir -y me afirmo que no he visto lo que he visto, ni ha pasado por mí lo que ha -pasado. - -— Sin duda —dijo Sancho— que vuestra merced debe de estar encantado, como -mi señora Dulcinea del Toboso, y pluguiera al cielo que estuviera su -desencanto de vuestra merced en darme otros tres mil y tantos azotes como -me doy por ella, que yo me los diera sin interés alguno. - -— No entiendo eso de azotes —dijo don Álvaro. - -Y Sancho le respondió que era largo de contar, pero que él se lo contaría -si acaso iban un mesmo camino. - -Llegóse en esto la hora de comer; comieron juntos don Quijote y don Álvaro. -Entró acaso el alcalde del pueblo en el mesón, con un escribano, ante el -cual alcalde pidió don Quijote, por una petición, de que a su derecho -convenía de que don Álvaro Tarfe, aquel caballero que allí estaba presente, -declarase ante su merced como no conocía a don Quijote de la Mancha, que -asimismo estaba allí presente, y que no era aquél que andaba impreso en una -historia intitulada: Segunda parte de don Quijote de la Mancha, compuesta -por un tal de Avellaneda, natural de Tordesillas. Finalmente, el alcalde -proveyó jurídicamente; la declaración se hizo con todas las fuerzas que en -tales casos debían hacerse, con lo que quedaron don Quijote y Sancho muy -alegres, como si les importara mucho semejante declaración y no mostrara -claro la diferencia de los dos don Quijotes y la de los dos Sanchos sus -obras y sus palabras. Muchas de cortesías y ofrecimientos pasaron entre don -Álvaro y don Quijote, en las cuales mostró el gran manchego su discreción, -de modo que desengañó a don Álvaro Tarfe del error en que estaba; el cual -se dio a entender que debía de estar encantado, pues tocaba con la mano dos -tan contrarios don Quijotes. - -Llegó la tarde, partiéronse de aquel lugar, y a obra de media legua se -apartaban dos caminos diferentes, el uno que guiaba a la aldea de don -Quijote, y el otro el que había de llevar don Álvaro. En este poco espacio -le contó don Quijote la desgracia de su vencimiento y el encanto y el -remedio de Dulcinea, que todo puso en nueva admiración a don Álvaro, el -cual, abrazando a don Quijote y a Sancho, siguió su camino, y don Quijote -el suyo, que aquella noche la pasó entre otros árboles, por dar lugar a -Sancho de cumplir su penitencia, que la cumplió del mismo modo que la -pasada noche, a costa de las cortezas de las hayas, harto más que de sus -espaldas, que las guardó tanto, que no pudieran quitar los azotes una -mosca, aunque la tuviera encima. - -No perdió el engañado don Quijote un solo golpe de la cuenta, y halló que -con los de la noche pasada era tres mil y veinte y nueve. Parece que había -madrugado el sol a ver el sacrificio, con cuya luz volvieron a proseguir su -camino, tratando entre los dos del engaño de don Álvaro y de cuán bien -acordado había sido tomar su declaración ante la justicia, y tan -auténticamente. - -Aquel día y aquella noche caminaron sin sucederles cosa digna de contarse, -si no fue que en ella acabó Sancho su tarea, de que quedó don Quijote -contento sobremodo, y esperaba el día, por ver si en el camino topaba ya -desencantada a Dulcinea su señora; y, siguiendo su camino, no topaba mujer -ninguna que no iba a reconocer si era Dulcinea del Toboso, teniendo por -infalible no poder mentir las promesas de Merlín. - -Con estos pensamientos y deseos subieron una cuesta arriba, desde la cual -descubrieron su aldea, la cual, vista de Sancho, se hincó de rodillas y -dijo: - -— Abre los ojos, deseada patria, y mira que vuelve a ti Sancho Panza, tu -hijo, si no muy rico, muy bien azotado. Abre los brazos y recibe también tu -hijo don Quijote, que si viene vencido de los brazos ajenos, viene vencedor -de sí mismo; que, según él me ha dicho, es el mayor vencimiento que -desearse puede. Dineros llevo, porque si buenos azotes me daban, bien -caballero me iba. - -— Déjate desas sandeces —dijo don Quijote—, y vamos con pie derecho a entrar -en nuestro lugar, donde daremos vado a nuestras imaginaciones, y la traza -que en la pastoral vida pensamos ejercitar. - -Con esto, bajaron de la cuesta y se fueron a su pueblo. - - - - -Capítulo LXXIII. De los agüeros que tuvo don Quijote al entrar de su aldea, -con otros sucesos que adornan y acreditan esta grande historia - -A la entrada del cual, según dice Cide Hamete, vio don Quijote que en las -eras del lugar estaban riñendo dos mochachos, y el uno dijo al otro: - -— No te canses Periquillo, que no la has de ver en todos los días de tu -vida. - -Oyólo don Quijote, y dijo a Sancho: - -— ¿No adviertes, amigo, lo que aquel mochacho ha dicho: ''no la has de ver -en todos los días de tu vida''? - -— Pues bien, ¿qué importa —respondió Sancho— que haya dicho eso el mochacho? - -— ¿Qué? —replicó don Quijote—. ¿No vees tú que, aplicando aquella palabra a -mi intención, quiere significar que no tengo de ver más a Dulcinea? - -Queríale responder Sancho, cuando se lo estorbó ver que por aquella campaña -venía huyendo una liebre, seguida de muchos galgos y cazadores, la cual, -temerosa, se vino a recoger y a agazapar debajo de los pies del rucio. -Cogióla Sancho a mano salva y presentósela a don Quijote, el cual estaba -diciendo: - -— Malum signum! Malum signum! Liebre huye, galgos la siguen: ¡Dulcinea no -parece! - -— Estraño es vuesa merced —dijo Sancho—. Presupongamos que esta liebre es -Dulcinea del Toboso y estos galgos que la persiguen son los malandrines -encantadores que la transformaron en labradora: ella huye, yo la cojo y la -pongo en poder de vuesa merced, que la tiene en sus brazos y la regala: -¿qué mala señal es ésta, ni qué mal agüero se puede tomar de aquí? - -Los dos mochachos de la pendencia se llegaron a ver la liebre, y al uno -dellos preguntó Sancho que por qué reñían. Y fuele respondido por el que -había dicho ''no la verás más en toda tu vida'', que él había tomado al -otro mochacho una jaula de grillos, la cual no pensaba volvérsela en toda -su vida. Sacó Sancho cuatro cuartos de la faltriquera y dióselos al -mochacho por la jaula, y púsosela en las manos a don Quijote, diciendo: - -— He aquí, señor, rompidos y desbaratados estos agüeros, que no tienen que -ver más con nuestros sucesos, según que yo imagino, aunque tonto, que con -las nubes de antaño. Y si no me acuerdo mal, he oído decir al cura de -nuestro pueblo que no es de personas cristianas ni discretas mirar en estas -niñerías; y aun vuesa merced mismo me lo dijo los días pasados, dándome a -entender que eran tontos todos aquellos cristianos que miraban en agüeros. -Y no es menester hacer hincapié en esto, sino pasemos adelante y entremos -en nuestra aldea. - -Llegaron los cazadores, pidieron su liebre, y diósela don Quijote; pasaron -adelante, y, a la entrada del pueblo, toparon en un pradecillo rezando al -cura y al bachiller Carrasco. Y es de saber que Sancho Panza había echado -sobre el rucio y sobre el lío de las armas, para que sirviese de repostero, -la túnica de bocací, pintada de llamas de fuego que le vistieron en el -castillo del duque la noche que volvió en sí Altisidora. Acomodóle también -la coroza en la cabeza, que fue la más nueva transformación y adorno con -que se vio jamás jumento en el mundo. - -Fueron luego conocidos los dos del cura y del bachiller, que se vinieron a -ellos con los brazos abiertos. Apeóse don Quijote y abrazólos -estrechamente; y los mochachos, que son linces no escusados, divisaron la -coroza del jumento y acudieron a verle, y decían unos a otros: - -— Venid, mochachos, y veréis el asno de Sancho Panza más galán que Mingo, y -la bestia de don Quijote más flaca hoy que el primer día. - -Finalmente, rodeados de mochachos y acompañados del cura y del bachiller, -entraron en el pueblo, y se fueron a casa de don Quijote, y hallaron a la -puerta della al ama y a su sobrina, a quien ya habían llegado las nuevas de -su venida. Ni más ni menos se las habían dado a Teresa Panza, mujer de -Sancho, la cual, desgreñada y medio desnuda, trayendo de la mano a -Sanchica, su hija, acudió a ver a su marido; y, viéndole no tan bien -adeliñado como ella se pensaba que había de estar un gobernador, le dijo: - -— ¿Cómo venís así, marido mío, que me parece que venís a pie y despeado, y -más traéis semejanza de desgobernado que de gobernador? - -— Calla, Teresa —respondió Sancho—, que muchas veces donde hay estacas no -hay tocinos, y vámonos a nuestra casa, que allá oirás maravillas. Dineros -traigo, que es lo que importa, ganados por mi industria y sin daño de -nadie. - -— Traed vos dinero, mi buen marido —dijo Teresa—, y sean ganados por aquí o -por allí, que, comoquiera que los hayáis ganado, no habréis hecho usanza -nueva en el mundo. - -Abrazó Sanchica a su padre, y preguntóle si traía algo, que le estaba -esperando como el agua de mayo; y, asiéndole de un lado del cinto, y su -mujer de la mano, tirando su hija al rucio, se fueron a su casa, dejando a -don Quijote en la suya, en poder de su sobrina y de su ama, y en compañía -del cura y del bachiller. - -Don Quijote, sin guardar términos ni horas, en aquel mismo punto se apartó -a solas con el bachiller y el cura, y en breves razones les contó su -vencimiento, y la obligación en que había quedado de no salir de su aldea -en un año, la cual pensaba guardar al pie de la letra, sin traspasarla en -un átomo, bien así como caballero andante, obligado por la puntualidad y -orden de la andante caballería, y que tenía pensado de hacerse aquel año -pastor, y entretenerse en la soledad de los campos, donde a rienda suelta -podía dar vado a sus amorosos pensamientos, ejercitándose en el pastoral y -virtuoso ejercicio; y que les suplicaba, si no tenían mucho que hacer y no -estaban impedidos en negocios más importantes, quisiesen ser sus -compañeros; que él compraría ovejas y ganado suficiente que les diese -nombre de pastores; y que les hacía saber que lo más principal de aquel -negocio estaba hecho, porque les tenía puestos los nombres, que les -vendrían como de molde. Díjole el cura que los dijese. Respondió don -Quijote que él se había de llamar el pastor Quijotiz; y el bachiller, el -pastor Carrascón; y el cura, el pastor Curambro; y Sancho Panza, el pastor -Pancino. - -Pasmáronse todos de ver la nueva locura de don Quijote; pero, porque no se -les fuese otra vez del pueblo a sus caballerías, esperando que en aquel año -podría ser curado, concedieron con su nueva intención, y aprobaron por -discreta su locura, ofreciéndosele por compañeros en su ejercicio. - -— Y más —dijo Sansón Carrasco—, que, como ya todo el mundo sabe, yo soy -celebérrimo poeta y a cada paso compondré versos pastoriles, o cortesanos, -o como más me viniere a cuento, para que nos entretengamos por esos -andurriales donde habemos de andar; y lo que más es menester, señores míos, -es que cada uno escoja el nombre de la pastora que piensa celebrar en sus -versos, y que no dejemos árbol, por duro que sea, donde no la retule y -grabe su nombre, como es uso y costumbre de los enamorados pastores. - -— Eso está de molde —respondió don Quijote—, puesto que yo estoy libre de -buscar nombre de pastora fingida, pues está ahí la sin par Dulcinea del -Toboso, gloria de estas riberas, adorno de estos prados, sustento de la -hermosura, nata de los donaires, y, finalmente, sujeto sobre quien puede -asentar bien toda alabanza, por hipérbole que sea. - -— Así es verdad —dijo el cura—, pero nosotros buscaremos por ahí pastoras -mañeruelas, que si no nos cuadraren, nos esquinen. - -A lo que añadió Sansón Carrasco: - -— Y cuando faltaren, darémosles los nombres de las estampadas e impresas, -de quien está lleno el mundo: Fílidas, Amarilis, Dianas, Fléridas, -Galateas y Belisardas; que, pues las venden en las plazas, bien las podemos -comprar nosotros y tenerlas por nuestras. Si mi dama, o, por mejor decir, -mi pastora, por ventura se llamare Ana, la celebraré debajo del nombre de -Anarda; y si Francisca, la llamaré yo Francenia; y si Lucía, Lucinda, que -todo se sale allá; y Sancho Panza, si es que ha de entrar en esta cofadría, -podrá celebrar a su mujer Teresa Panza con nombre de Teresaina. - -Rióse don Quijote de la aplicación del nombre, y el cura le alabó infinito -su honesta y honrada resolución, y se ofreció de nuevo a hacerle compañía -todo el tiempo que le vacase de atender a sus forzosas obligaciones. Con -esto, se despidieron dél, y le rogaron y aconsejaron tuviese cuenta con su -salud, con regalarse lo que fuese bueno. - -Quiso la suerte que su sobrina y el ama oyeron la plática de los tres; y, -así como se fueron, se entraron entrambas con don Quijote, y la sobrina le -dijo: - -— ¿Qué es esto, señor tío? ¿Ahora que pensábamos nosotras que vuestra merced -volvía a reducirse en su casa, y pasar en ella una vida quieta y honrada, -se quiere meter en nuevos laberintos, haciéndose - -Pastorcillo, tú que vienes, -pastorcico, tú que vas? - -Pues en verdad que está ya duro el alcacel para zampoñas. - -A lo que añadió el ama: - -Y ¿podrá vuestra merced pasar en el campo las siestas del verano, los -serenos del invierno, el aullido de los lobos? No, por cierto, que éste es -ejercicio y oficio de hombres robustos, curtidos y criados para tal -ministerio casi desde las fajas y mantillas. Aun, mal por mal, mejor es ser -caballero andante que pastor. Mire, señor, tome mi consejo, que no se le -doy sobre estar harta de pan y vino, sino en ayunas, y sobre cincuenta años -que tengo de edad: estése en su casa, atienda a su hacienda, confiese a -menudo, favorezca a los pobres, y sobre mi ánima si mal le fuere. - -— Callad, hijas —les respondió don Quijote—, que yo sé bien lo que me -cumple. Llevadme al lecho, que me parece que no estoy muy bueno, y tened -por cierto que, ahora sea caballero andante o pastor por andar, no dejaré -siempre de acudir a lo que hubiéredes menester, como lo veréis por la obra. - -Y las buenas hijas —que lo eran sin duda ama y sobrina— le llevaron a la -cama, donde le dieron de comer y regalaron lo posible. - - - - -Capítulo LXXIV. De cómo don Quijote cayó malo, y del testamento que hizo, y -su muerte - -Como las cosas humanas no sean eternas, yendo siempre en declinación de sus -principios hasta llegar a su último fin, especialmente las vidas de los -hombres, y como la de don Quijote no tuviese privilegio del cielo para -detener el curso de la suya, llegó su fin y acabamiento cuando él menos lo -pensaba; porque, o ya fuese de la melancolía que le causaba el verse -vencido, o ya por la disposición del cielo, que así lo ordenaba, se le -arraigó una calentura que le tuvo seis días en la cama, en los cuales fue -visitado muchas veces del cura, del bachiller y del barbero, sus amigos, -sin quitársele de la cabecera Sancho Panza, su buen escudero. - -Éstos, creyendo que la pesadumbre de verse vencido y de no ver cumplido su -deseo en la libertad y desencanto de Dulcinea le tenía de aquella suerte, -por todas las vías posibles procuraban alegrarle, diciéndole el bachiller -que se animase y levantase, para comenzar su pastoral ejercicio, para el -cual tenía ya compuesta una écloga, que mal año para cuantas Sanazaro había -compuesto, y que ya tenía comprados de su propio dinero dos famosos perros -para guardar el ganado: el uno llamado Barcino, y el otro Butrón, que se -los había vendido un ganadero del Quintanar. Pero no por esto dejaba don -Quijote sus tristezas. - -Llamaron sus amigos al médico, tomóle el pulso, y no le contentó mucho, y -dijo que, por sí o por no, atendiese a la salud de su alma, porque la del -cuerpo corría peligro. Oyólo don Quijote con ánimo sosegado, pero no lo -oyeron así su ama, su sobrina y su escudero, los cuales comenzaron a llorar -tiernamente, como si ya le tuvieran muerto delante. Fue el parecer del -médico que melancolías y desabrimientos le acababan. Rogó don Quijote que -le dejasen solo, porque quería dormir un poco. Hiciéronlo así y durmió de -un tirón, como dicen, más de seis horas; tanto, que pensaron el ama y la -sobrina que se había de quedar en el sueño. Despertó al cabo del tiempo -dicho, y, dando una gran voz, dijo: - -— ¡Bendito sea el poderoso Dios, que tanto bien me ha hecho! En fin, sus -misericordias no tienen límite, ni las abrevian ni impiden los pecados de -los hombres. - -Estuvo atenta la sobrina a las razones del tío, y pareciéronle más -concertadas que él solía decirlas, a lo menos, en aquella enfermedad, y -preguntóle: - -— ¿Qué es lo que vuestra merced dice, señor? ¿Tenemos algo de nuevo? ¿Qué -misericordias son éstas, o qué pecados de los hombres? - -— Las misericordias —respondió don Quijote—, sobrina, son las que en este -instante ha usado Dios conmigo, a quien, como dije, no las impiden mis -pecados. Yo tengo juicio ya, libre y claro, sin las sombras caliginosas de -la ignorancia, que sobre él me pusieron mi amarga y continua leyenda de los -detestables libros de las caballerías. Ya conozco sus disparates y sus -embelecos, y no me pesa sino que este desengaño ha llegado tan tarde, que -no me deja tiempo para hacer alguna recompensa, leyendo otros que sean luz -del alma. Yo me siento, sobrina, a punto de muerte; querría hacerla de tal -modo, que diese a entender que no había sido mi vida tan mala que dejase -renombre de loco, que, puesto que lo he sido, no querría confirmar esta -verdad en mi muerte. Llámame, amiga, a mis buenos amigos: el cura, al -bachiller Sansón Carrasco y a maese Nicolás, el barbero, que quiero -confesarme y hacer mi testamento. - -Pero de este trabajo se escusó la sobrina con la entrada de los tres. -Apenas los vio don Quijote, cuando dijo: - -— Dadme albricias, buenos señores, de que ya yo no soy don Quijote de la -Mancha, sino Alonso Quijano, a quien mis costumbres me dieron renombre de -Bueno. Ya soy enemigo de Amadís de Gaula y de toda la infinita caterva de -su linaje, ya me son odiosas todas las historias profanas del andante -caballería, ya conozco mi necedad y el peligro en que me pusieron haberlas -leído, ya, por misericordia de Dios, escarmentando en cabeza propia, las -abomino. - -Cuando esto le oyeron decir los tres, creyeron, sin duda, que alguna nueva -locura le había tomado. Y Sansón le dijo: - -— ¿Ahora, señor don Quijote, que tenemos nueva que está desencantada la -señora Dulcinea, sale vuestra merced con eso? Y ¿agora que estamos tan a -pique de ser pastores, para pasar cantando la vida, como unos príncipes, -quiere vuesa merced hacerse ermitaño? Calle, por su vida, vuelva en sí, y -déjese de cuentos. - -— Los de hasta aquí —replicó don Quijote—, que han sido verdaderos en mi -daño, los ha de volver mi muerte, con ayuda del cielo, en mi provecho. Yo, -señores, siento que me voy muriendo a toda priesa; déjense burlas aparte, y -traíganme un confesor que me confiese y un escribano que haga mi -testamento, que en tales trances como éste no se ha de burlar el hombre con -el alma; y así, suplico que, en tanto que el señor cura me confiesa, vayan -por el escribano. - -Miráronse unos a otros, admirados de las razones de don Quijote, y, aunque -en duda, le quisieron creer; y una de las señales por donde conjeturaron se -moría fue el haber vuelto con tanta facilidad de loco a cuerdo, porque a -las ya dichas razones añadió otras muchas tan bien dichas, tan cristianas y -con tanto concierto, que del todo les vino a quitar la duda, y a creer que -estaba cuerdo. - -Hizo salir la gente el cura, y quedóse solo con él, y confesóle. - -El bachiller fue por el escribano, y de allí a poco volvió con él y con -Sancho Panza; el cual Sancho, que ya sabía por nuevas del bachiller en qué -estado estaba su señor, hallando a la ama y a la sobrina llorosas, comenzó -a hacer pucheros y a derramar lágrimas. Acabóse la confesión, y salió el -cura, diciendo: - -— Verdaderamente se muere, y verdaderamente está cuerdo Alonso Quijano el -Bueno; bien podemos entrar para que haga su testamento. - -Estas nuevas dieron un terrible empujón a los ojos preñados de ama, sobrina -y de Sancho Panza, su buen escudero, de tal manera, que los hizo reventar -las lágrimas de los ojos y mil profundos suspiros del pecho; porque, -verdaderamente, como alguna vez se ha dicho, en tanto que don Quijote fue -Alonso Quijano el Bueno, a secas, y en tanto que fue don Quijote de la -Mancha, fue siempre de apacible condición y de agradable trato, y por esto -no sólo era bien querido de los de su casa, sino de todos cuantos le -conocían. - -Entró el escribano con los demás, y, después de haber hecho la cabeza del -testamento y ordenado su alma don Quijote, con todas aquellas -circunstancias cristianas que se requieren, llegando a las mandas, dijo: - -— Ítem, es mi voluntad que de ciertos dineros que Sancho Panza, a quien en -mi locura hice mi escudero, tiene, que, porque ha habido entre él y mí -ciertas cuentas, y dares y tomares, quiero que no se le haga cargo dellos, -ni se le pida cuenta alguna, sino que si sobrare alguno, después de haberse -pagado de lo que le debo, el restante sea suyo, que será bien poco, y buen -provecho le haga; y, si como estando yo loco fui parte para darle el -gobierno de la ínsula, pudiera agora, estando cuerdo, darle el de un reino, -se le diera, porque la sencillez de su condición y fidelidad de su trato lo -merece. - -Y, volviéndose a Sancho, le dijo: - -— Perdóname, amigo, de la ocasión que te he dado de parecer loco como yo, -haciéndote caer en el error en que yo he caído, de que hubo y hay -caballeros andantes en el mundo. - -— ¡Ay! —respondió Sancho, llorando—: no se muera vuestra merced, señor mío, -sino tome mi consejo y viva muchos años, porque la mayor locura que puede -hacer un hombre en esta vida es dejarse morir, sin más ni más, sin que -nadie le mate, ni otras manos le acaben que las de la melancolía. Mire no -sea perezoso, sino levántese desa cama, y vámonos al campo vestidos de -pastores, como tenemos concertado: quizá tras de alguna mata hallaremos a -la señora doña Dulcinea desencantada, que no haya más que ver. Si es que se -muere de pesar de verse vencido, écheme a mí la culpa, diciendo que por -haber yo cinchado mal a Rocinante le derribaron; cuanto más, que vuestra -merced habrá visto en sus libros de caballerías ser cosa ordinaria -derribarse unos caballeros a otros, y el que es vencido hoy ser vencedor -mañana. - -— Así es —dijo Sansón—, y el buen Sancho Panza está muy en la verdad destos -casos. - -— Señores —dijo don Quijote—, vámonos poco a poco, pues ya en los nidos de -antaño no hay pájaros hogaño: yo fui loco, y ya soy cuerdo; fui don Quijote -de la Mancha, y soy agora, como he dicho, Alonso Quijano el Bueno. Pueda -con vuestras mercedes mi arrepentimiento y mi verdad volverme a la -estimación que de mí se tenía, y prosiga adelante el señor escribano. - -»Ítem, mando toda mi hacienda, a puerta cerrada, a Antonia Quijana, mi -sobrina, que está presente, habiendo sacado primero de lo más bien parado -della lo que fuere menester para cumplir las mandas que dejo hechas; y la -primera satisfación que se haga quiero que sea pagar el salario que debo -del tiempo que mi ama me ha servido, y más veinte ducados para un vestido. -Dejo por mis albaceas al señor cura y al señor bachiller Sansón Carrasco, -que están presentes. - -»Ítem, es mi voluntad que si Antonia Quijana, mi sobrina, quisiere casarse, -se case con hombre de quien primero se haya hecho información que no sabe -qué cosas sean libros de caballerías; y, en caso que se averiguare que lo -sabe, y, con todo eso, mi sobrina quisiere casarse con él, y se casare, -pierda todo lo que le he mandado, lo cual puedan mis albaceas distribuir en -obras pías a su voluntad. - -»Ítem, suplico a los dichos señores mis albaceas que si la buena suerte les -trujere a conocer al autor que dicen que compuso una historia que anda por -ahí con el título de Segunda parte de las hazañas de don Quijote de la -Mancha, de mi parte le pidan, cuan encarecidamente ser pueda, perdone la -ocasión que sin yo pensarlo le di de haber escrito tantos y tan grandes -disparates como en ella escribe, porque parto desta vida con escrúpulo de -haberle dado motivo para escribirlos. - -Cerró con esto el testamento, y, tomándole un desmayo, se tendió de largo a -largo en la cama. Alborotáronse todos y acudieron a su remedio, y en tres -días que vivió después deste donde hizo el testamento, se desmayaba muy a -menudo. Andaba la casa alborotada; pero, con todo, comía la sobrina, -brindaba el ama, y se regocijaba Sancho Panza; que esto del heredar algo -borra o templa en el heredero la memoria de la pena que es razón que deje -el muerto. - -En fin, llegó el último de don Quijote, después de recebidos todos los -sacramentos, y después de haber abominado con muchas y eficaces razones de -los libros de caballerías. Hallóse el escribano presente, y dijo que nunca -había leído en ningún libro de caballerías que algún caballero andante -hubiese muerto en su lecho tan sosegadamente y tan cristiano como don -Quijote; el cual, entre compasiones y lágrimas de los que allí se hallaron, -dio su espíritu: quiero decir que se murió. - -Viendo lo cual el cura, pidió al escribano le diese por testimonio como -Alonso Quijano el Bueno, llamado comúnmente don Quijote de la Mancha, había -pasado desta presente vida y muerto naturalmente; y que el tal testimonio -pedía para quitar la ocasión de algún otro autor que Cide Hamete Benengeli -le resucitase falsamente, y hiciese inacabables historias de sus hazañas. - -Este fin tuvo el Ingenioso Hidalgo de la Mancha, cuyo lugar no quiso poner -Cide Hamete puntualmente, por dejar que todas las villas y lugares de la -Mancha contendiesen entre sí por ahijársele y tenérsele por suyo, como -contendieron las siete ciudades de Grecia por Homero. - -Déjanse de poner aquí los llantos de Sancho, sobrina y ama de don Quijote, -los nuevos epitafios de su sepultura, aunque Sansón Carrasco le puso éste: - -Yace aquí el Hidalgo fuerte -que a tanto estremo llegó -de valiente, que se advierte -que la muerte no triunfó -de su vida con su muerte. -Tuvo a todo el mundo en poco; -fue el espantajo y el coco -del mundo, en tal coyuntura, -que acreditó su ventura -morir cuerdo y vivir loco. - -Y el prudentísimo Cide Hamete dijo a su pluma: - -— Aquí quedarás, colgada desta espetera y deste hilo de alambre, ni sé si -bien cortada o mal tajada péñola mía, adonde vivirás luengos siglos, si -presuntuosos y malandrines historiadores no te descuelgan para profanarte. -Pero, antes que a ti lleguen, les puedes advertir, y decirles en el mejor -modo que pudieres: - -''¡Tate, tate, folloncicos! -De ninguno sea tocada; -porque esta impresa, buen rey, -para mí estaba guardada. - -Para mí sola nació don Quijote, y yo para él; él supo obrar y yo escribir; -solos los dos somos para en uno, a despecho y pesar del escritor fingido y -tordesillesco que se atrevió, o se ha de atrever, a escribir con pluma de -avestruz grosera y mal deliñada las hazañas de mi valeroso caballero, -porque no es carga de sus hombros ni asunto de su resfriado ingenio; a -quien advertirás, si acaso llegas a conocerle, que deje reposar en la -sepultura los cansados y ya podridos huesos de don Quijote, y no le quiera -llevar, contra todos los fueros de la muerte, a Castilla la Vieja, -haciéndole salir de la fuesa donde real y verdaderamente yace tendido de -largo a largo, imposibilitado de hacer tercera jornada y salida nueva; que, -para hacer burla de tantas como hicieron tantos andantes caballeros, bastan -las dos que él hizo, tan a gusto y beneplácito de las gentes a cuya noticia -llegaron, así en éstos como en los estraños reinos''. Y con esto cumplirás -con tu cristiana profesión, aconsejando bien a quien mal te quiere, y yo -quedaré satisfecho y ufano de haber sido el primero que gozó el fruto de -sus escritos enteramente, como deseaba, pues no ha sido otro mi deseo que -poner en aborrecimiento de los hombres las fingidas y disparatadas -historias de los libros de caballerías, que, por las de mi verdadero don -Quijote, van ya tropezando, y han de caer del todo, sin duda alguna. Vale. - -Fin - - - - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DON QUIJOTE *** - -***** This file should be named 2000-0.txt or 2000-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - https://www.gutenberg.org/2/0/0/2000/ - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for the eBooks, unless you receive -specific permission. 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It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. - -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's -goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg-tm and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at -www.gutenberg.org - -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation - -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state's laws. - -The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the -mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its -volunteers and employees are scattered throughout numerous -locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt -Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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